M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 rectifié, 14 rectifié bis et 26 rectifié ter.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2.

Article additionnel après l'article 2 - Amendements n° 6 rectifié, n° 13 rectifié, n° 14 rectifié bis et n° 26 rectifié ter
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Article 2 bis (nouveau)

M. le président. L’amendement n° 20, présenté par M. Savoldelli, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après la deuxième phrase du 2 du II de l’article 1691 bis du code général des impôts, est insérée une phrase ainsi rédigée : « L’appréciation de la situation financière et patrimoniale du demandeur exclut les revenus issus des prestations familiales définies à l’article L. 511-1 du code de la sécurité sociale, l’allocation aux adultes handicapés définie à l’article 821-5 du même code, l’aide personnalisée au logement mentionnée au 1 de l’article L. 821-1 du code de la construction et de l’habitation et la pension alimentaire prévue à l’article 373-2-2 du code civil. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Les membres du groupe CRCE-K souhaitent exclure du calcul de la situation financière du demandeur de décharge de responsabilité solidaire les prestations de nature à lui garantir un niveau de vie minimal, qui sont intrinsèques à une situation personnelle souvent associée au fait d’avoir vécu une séparation récente.

Cet amendement tend donc à s’inscrire donc dans le prolongement des précédents.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Isabelle Florennes, rapporteure. Cet amendement vise à exclure certaines prestations sociales du calcul et de l’appréciation de la situation financière du demandeur.

L’appréciation de la situation du demandeur ayant vocation à prendre en compte l’ensemble des sources de revenus, il paraît peu opérationnel pour l’administration fiscale de procéder à un tel tri dans la nature des ressources du demandeur. Par ailleurs, lorsque la situation financière du demandeur implique la perception de telles prestations, il y a de grandes chances que celle-ci ne permette pas le remboursement de la dette fiscale et qualifie la disproportion marquée.

L’amendement me semble donc quasiment satisfait dans les faits. Qui plus est, de tels cas auront vocation à être appréhendés dans le cadre de la décharge gracieuse qui est prévue.

Enfin, l’adoption de cet amendement ouvrirait une liste de ressources qui n’aurait de cesse de s’allonger, ce qui me semble constituer un risque également non négligeable de complexification. Tel n’est pas l’objet de cette proposition de loi.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Cet amendement vise à exclure du calcul de la situation financière du demandeur de la décharge de responsabilité solidaire différents revenus qui sont issus de prestations sociales, telles que l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ou les APL.

L’appréciation de la situation financière et patrimoniale du demandeur d’une décharge de responsabilité solidaire retient une approche large des revenus. Il ne s’agit pas là d’une spécificité fiscale, puisque les commissions de surendettement des particuliers retiennent exactement la même approche. Pour autant, monsieur le sénateur, en s’écartant de la prise en compte d’une disproportion marquée entre les revenus et la dette fiscale, le dispositif de décharge gracieuse surmonte la difficulté que vous évoquez.

Par conséquent le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettrait un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Nous avons déposé cet amendement pour avoir l’assurance que ne seront pas incluses dans le calcul de la situation financière des demandeurs d’une décharge les prestations familiales, l’allocation aux adultes handicapés, les aides personnelles au logement et la pension alimentaire.

Évidemment, ces revenus de transfert qui répondent à des situations particulières et à des besoins primaires sont versés pour des raisons différentes. Je pense plus spécifiquement à l’AAH, dont nous conviendrons tous ici qu’elle ne peut pas faire l’objet d’une saisie, car ce serait une aberration.

Il en a été question tout à l’heure quand a été évoquée la situation des familles monoparentales : retenir la pension alimentaire n’est pas acceptable, qui plus est quand elle est impayée. Je rappelle que 30 % des familles monoparentales – cela représente 500 000 personnes, majoritairement des femmes – sont victimes d’impayés, alors même que la pension alimentaire représente 18 % des ressources du foyer.

Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, vous le voyez, cet amendement est une mesure tout à fait concrète, qui vise à répondre au sentiment d’injustice que ressentent nombre de personnes, en particulier des femmes.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 20.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 20
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Article additionnel après l'article 2 bis - Amendement n° 18

Article 2 bis (nouveau)

I. – La seconde phrase du d du 2 du II de l’article 1691 bis du code général des impôts est supprimée.

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. le président. L’amendement n° 27, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. L’article 2 bis tend à élargir le champ des pénalités dont peuvent être déchargées les victimes d’un conjoint ayant eu un comportement frauduleux à l’égard de l’administration fiscale.

Toutefois, sa rédaction ne permet pas d’atteindre l’objectif visé. Au contraire, elle aggrave la situation des demandeurs en les privant potentiellement d’une décharge des intérêts de retard et pénalités appliqués à des revenus communs aux deux ex-conjoints.

En revanche, cet objectif pourra être atteint grâce à la nouvelle procédure de décharge gracieuse qui figure dans le texte.

Pour ces raisons, le Gouvernement propose la suppression de l’article 2 bis.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Isabelle Florennes, rapporteure. Cet amendement vise à supprimer une souplesse que la commission a jugé utile d’ajouter.

La commission a bien eu pour intention de prononcer la décharge par principe des intérêts de retard et pénalités d’assiette dues à raison du comportement de l’époux fraudeur. En effet, si ce dispositif comporte des effets de bord, ceux-ci pourront être corrigés au cours de la navette parlementaire.

Reste que la commission s’oppose à la suppression sèche d’un dispositif qu’elle a souhaité inscrire dans le texte à la suite de ses échanges avec l’administration fiscale. Il convient de le conserver. Au demeurant, nous aurons le temps d’y retravailler d’ici à la convocation de la commission mixte paritaire.

En l’état, la commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement de suppression.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Mme la rapporteure me dit que nous allons retravailler ensemble cette disposition… J’en suis pour ma part totalement convaincu ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 27.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2 bis.

(Larticle 2 bis est adopté.)

Article 2 bis (nouveau)
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Article 3

Après l’article 2 bis

M. le président. L’amendement n° 18, présenté par M. Savoldelli, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Au IV de l’article 1691 bis du code général des impôts le mot : « ne » est supprimé.

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Au cours de nos débats, nous avons examiné les difficultés, les conditions restrictives et les interprétations qui empêchaient les femmes de se délier de la dette frauduleuse de leur ex-conjoint. En revanche, ce que l’on ne sait pas, ou que l’on sait peu, c’est qu’après ce parcours du combattant, les sommes encaissées ne peuvent être restituées. Eh oui… Cet amendement vise tout simplement à faire en sorte qu’elles puissent l’être.

Imaginez la situation. En rentrant du travail, vous recevez une mise en recouvrement pour dette, ce que vous ignoriez, d’un montant de près de 500 000 euros. Il y a de quoi être abasourdi, voire sonné. Tout d’abord, vous cherchez à comprendre. Ensuite, vous essayez de trouver les procédures qui vous permettraient de faire valoir votre bonne foi, puis vous constituez votre dossier : tout cela est assez long et compliqué. Enfin, vous parvenez à déposer votre demande de décharge de responsabilité solidaire.

Dans l’intervalle, c’est-à-dire entre la mise en recouvrement et ce dépôt, toute saisie ne fera pas l’objet de restitution. Il vous faudra vous battre pour que cela n’aille pas plus loin, mais la partie est souvent perdue d’avance, dès la mise en recouvrement.

Comment comprendre qu’une personne déchargée ne puisse récupérer l’intégralité de ses avoirs ou de son patrimoine ? De deux choses d’une : soit elle est responsable et elle doit payer, soit l’administration – ou le juge en cas de passage par une voie contentieuse – décide le contraire. Dans ce cas, si elle obtient gain de cause, il est inadmissible qu’elle ne récupère pas son dû.

C’est pourtant ce qui figure noir sur blanc sur le site www.impôts.gouv.fr : « Il ne peut être accordé aucune restitution des sommes encaissées avant la date de la demande. » La phrase est cinglante et froide. Elle emporte des conséquences lourdes dans la reconstruction de ces femmes qui ont décidé d’obtenir justice contre un principe fiscal juste, mais parfois aveugle, comme vous le voyez, mes chers collègues.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Isabelle Florennes, rapporteure. Cet amendement tend à prévoir que l’octroi d’une décharge de responsabilité solidaire puisse donner lieu à restitution des sommes déjà payées par le demandeur.

Une telle disposition paraît répondre particulièrement au cas d’une demande de décharge formulée relativement tardivement, après l’engagement de la mise en recouvrement et ne produisant donc pas tous ses effets, bien qu’il y soit ultérieurement fait droit. Elle semble ouvrir une nouvelle voie de recours, les demandeurs pouvant demander la restitution de sommes déjà payées, une fois la décharge octroyée.

Néanmoins, le dispositif paraît de nature à restaurer a posteriori les droits des demandeurs et demeure souple, en ménageant une capacité d’appréciation à l’administration.

Pour toutes ces raisons, sur cet amendement, la commission s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée. (Marques de satisfaction sur diverses travées.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur Savoldelli, cet amendement a pour objet de permettre la restitution des sommes qui ont été recouvrées par l’administration fiscale entre la mise en recouvrement et le dépôt de décharge de responsabilité solidaire.

Toutefois, la rédaction retenue est bien trop large et pourrait conduire à restituer des sommes payées par le couple pendant la période de la vie commune, avant la découverte des pratiques frauduleuses. À l’évidence, un tel effet excéderait l’objectif recherché de protection de l’ex-conjoint victime. C’est pourquoi le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement.

Pour l’effet que vous recherchez, la procédure de décharge gracieuse apporte une réponse adaptée. Les engagements pris traduisent notre volonté de nous en saisir pour protéger efficacement les personnes victimes de solidarité fiscale.

Bref, je comprends parfaitement le sens de votre amendement, mais sa rédaction créerait de possibles effets de bord qui, selon nous, ne sont pas désirables.

Enfin, vous reprochez à Bercy de ne pas être romantique et de rédiger ses documents de façon froide. J’ai peu à dire sur une telle appréciation. Reste que l’on ne peut pas s’attendre à ce qu’une réclamation émanant de Bercy contienne des mots doux. Oui, c’est froid, nous le savons… Votre tentative de séduction ne peut pas marcher, vous allez un peu trop loin, monsieur le sénateur ! Je vous le dis avec beaucoup de sympathie.

M. Pascal Savoldelli. Attendez la suite ! (Sourires.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je le répète, même si je comprends l’intention qui sous-tend cet amendement, sa rédaction pose problème : elle a des effets de bord que l’on ne peut pas accepter.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Allez, monsieur le garde des sceaux, faisons-nous confiance ! (Sourires.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Il serait temps !

M. Pascal Savoldelli. C’est important, la confiance, non, monsieur le garde des sceaux ? (Exclamations amusées.)

Vous affirmez que votre avis est conditionné par les possibles effets de bord de cet amendement. Mme la rapporteure conclut, après expertise, par un avis de sagesse de la commission. Si notre volonté de travailler ensemble est sincère, il faut adopter cet amendement ! Vous en proposerez une rédaction bien plus rigoureuse que celle que j’ai proposée au nom du groupe CRCE – K ; ainsi, cet amendement pourra être adopté au cours de la navette parlementaire ou en commission mixte paritaire.

Ce serait une bonne façon de conclure nos débats dans un esprit de responsabilité partagée, ce qui n’est pas si fréquent. Adoptons cet amendement, revoyons sa rédaction dans le cadre de la navette parlementaire ou à l’occasion de la commission mixte paritaire. Cela me paraît préférable à un vote contre, qui nous obligera à attendre qu’un certain nombre de nos collègues poursuivent ici le travail, comme c’est le cas souvent.

Voilà, me semble-t-il, une proposition tout à fait acceptable.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, on peut effectivement y travailler, en vue de la commission mixte paritaire, et trouver une rédaction qui prévienne les possibles effets de bord que je viens d’évoquer.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 18.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2 bis.

Mme Laure Darcos. Très bien !

Article additionnel après l'article 2 bis - Amendement n° 18
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 3

(Suppression maintenue)

Vote sur l’ensemble

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. Je remercie Isabelle Florennes de l’attention qu’elle a portée aux amendements que nous avons proposés. Certes, nous avons eu un différend sur certaines dispositions que nous avons adoptées contre son avis, mais je connais son engagement sur ces sujets, ainsi que celui du garde des sceaux.

Nous nous sommes attachés à améliorer le texte de l’Assemblée nationale en le précisant et, surtout, à réparer de profondes injustices. Ce texte vise toutes les femmes qui se trouvent dans ces situations et qui souffrent de ces injustices depuis des années.

Je remercie le président du groupe Union Centriste d’avoir inscrit ce texte majeur pour les femmes à l’ordre du jour de nos travaux. C’est un petit pas, mais un pas tout de même pour plus de justice patrimoniale au sein de la famille, ainsi que pour réparer les inégalités entre les hommes et les femmes. Ce pas en appellera d’autres.

Bien entendu, je voterai résolument cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille
 

7

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à expérimenter le transfert de la compétence « médecine scolaire » aux départements volontaires
Discussion générale (suite)

Médecine scolaire

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Union Centriste, de la proposition de loi visant à expérimenter le transfert de la compétence « médecine scolaire » aux départements volontaires, présentée par Mme Françoise Gatel et plusieurs de ses collègues (proposition n° 154, texte de la commission n° 415, rapport n° 414).

Discussion générale

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à expérimenter le transfert de la compétence « médecine scolaire » aux départements volontaires
Explications de vote sur l'ensemble (début)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Olivier Bitz et Mme Sabine Drexler applaudissent également.)

Mme Françoise Gatel, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons la discussion d’un texte de grande importance et de grande urgence. En effet, voilà maintenant plus de quatre-vingts ans, l’État français affirmait une ambition extrêmement forte et tout à fait qualitative en matière de prévention de santé, par l’institution de ce qui s’appelait alors le service national d’hygiène scolaire et universitaire.

Ce service remarquable s’est déployé sur tout le territoire. Depuis lors, l’ambition reste forte, et c’est une chance, mais elle souffre de graves difficultés endémiques qui sont soulignées par de nombreux rapports. Je pense à celui de la Cour des comptes de 2020 et à celui qui a été demandé à l’inspection générale de l’administration par le Sénat dans le cadre de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS.

Enjeu majeur d’égalité, la médecine scolaire permet de pallier la précarité des familles, de détecter des fragilités, y compris sociales, d’accompagner vers les soins et de contribuer à la surveillance épidémiologique. Elle contribue également au confort des équipes éducatives, qui doivent trouver des relais face aux difficultés des élèves.

Depuis sa création, ce service a changé de tutelle plusieurs fois, y compris pour devenir un service municipal – c’est d’ailleurs encore parfois le cas. Il relève aujourd’hui d’au moins cinq codes.

Nous avons un peu perdu de vue le service de médecine scolaire, puisqu’il n’est plus que très partiellement assuré. Je veux en cet instant dire mon total soutien, mon respect et ma gratitude aux personnes de la médecine scolaire, qui font vraiment de leur mieux, mais qui subissent elles-mêmes les dysfonctionnements dont les rapports font état.

Madame la ministre, vous me direz que le déficit de médecins et d’infirmiers s’explique sûrement par le manque de médecins. Cette réponse est sans doute vraie, mais c’est l’arbre qui cache la forêt. En effet, la pénurie de médecins remonte à vingt ans et ce constat n’a pas conduit à modifier le socle des missions. Au contraire, au lieu d’en diminuer le nombre, on l’a augmenté. Par conséquent, parlons plutôt des causes des dysfonctionnements et des solutions.

Le service de médecine scolaire est piloté par l’éducation nationale et devrait couvrir tous les territoires, puisque la médecine scolaire répond à des obligations extrêmement précises : visite médicale de la sixième année pour tous les établissements publics et les établissements privés sous contrat, visite à l’entrée du secondaire, visite d’aptitude à l’entrée des formations professionnelles et agricoles.

Pourtant, selon le rapport de l’inspection générale de l’administration, en 2022, deux départements, Mayotte et l’Indre, sont sans médecin. Seulement 18 % des visites obligatoires de la sixième année sont effectuées. Plus curieusement, au moins 93 % des enfants des établissements privés sous contrat n’ont pas bénéficié de visites médicales.

On constate une absence de système de données partagées : chacun travaille en silo, alors qu’il faudrait un dispositif organisé autour de l’enfant, pour assurer un meilleur suivi.

L’administration ne restant jamais sans solution, elle a fait preuve d’une formidable imagination créative pour faire face à une situation extravagante où, par défaut d’attractivité des métiers, et alors même que les missions n’ont cessé d’augmenter, on manque de personnel. Dans ces conditions, il est naturel que ce dernier soit incapable d’agir : on ne peut pas lui en vouloir. Mais qu’à cela ne tienne, un petit tour de magie, et le malaise a été supprimé…

La solution trouvée est merveilleuse : les indicateurs remontant du terrain ne portent plus que sur les zones d’éducation prioritaire, en omettant ce qui n’est pas fait dans le reste de l’enseignement public et dans l’enseignement privé hors contrat. Le champ des indicateurs ne recouvre donc depuis 2018 qu’une fraction de l’obligation réglementaire.

Les moyens alloués à la médecine scolaire sont confusément dispersés dans différents programmes. Pour faire face à la pénurie de moyens, une circulaire de 2017 prévoit que la couverture exhaustive du territoire, lequel peut être départemental, ne doit pas forcément être recherchée. Les infirmières scolaires sont domiciliées dans les collèges, mais elles doivent aussi intervenir dans le premier degré, au sein duquel le travail de détection est très important. Or cette situation est quelque peu compliquée pour elles.

Le pilotage national d’un effectif qui correspond à environ 1 % du personnel de l’éducation nationale est lâche, c’est-à-dire insuffisamment resserré. Sa déclinaison territoriale dans les rectorats et chez les directeurs académiques des services de l’Éducation nationale (Dasen) est, quant à elle, inégale et faible. Je tiens cependant à citer deux démarches exemplaires, dans les académies de Grenoble et de Rennes Bretagne, qui ont élaboré un projet sanitaire académique.

On constate une absence d’articulation entre les catégories d’intervenants – infirmières, psychologues et médecins –, chacun étant dans son silo, l’enfant passant de l’un à l’autre. Tous les rapports convergent, madame la ministre, pour expliquer que, quelle que soit votre réponse ce soir à notre pertinente suggestion, il est nécessaire de réformer profondément et de clarifier le dispositif, de mettre en place un véritable pilotage national et de déconcentrer au moins à l’échelon départemental.

La proposition de loi d’aujourd’hui n’est pas un ovni. Elle est née d’une conviction profonde et constante du Sénat, déjà exprimée en 1982 dans les lois de décentralisation et dans la loi 3DS, de la nécessité d’une décentralisation vers les départements. Je crois, sans trahir de secret, que le Gouvernement était assez convaincu de la justesse de notre propos, même s’il ne nous l’a pas dit, craignant sans doute des inquiétudes chez les personnels : cette peur est compréhensible, mais nous pouvons expliquer les choses.

Nous nous retrouvons donc ici aujourd’hui à la suite de la loi 3DS. Chacun reconnaît les compétences sociales des départements, qui exercent ces compétences dans la proximité, puisqu’il leur a été confié la protection maternelle et infantile (PMI).

La PMI intervient dans les écoles – il s’agit donc de médecine scolaire – depuis que l’âge de la scolarité a été abaissé à 3 ans. Les départements, en plus d’avoir un savoir-faire, ont les solutions pour faire face aux fragilités familiales et sociales, car ce sont bien eux qui interviennent dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Il y a donc bien une cohérence, une logique.

On me rétorque que le transfert nécessite des moyens – nous y avons pensé ! – et qu’il créerait des inégalités. Ce dernier argument n’est vraiment pas sérieux : on ne peut pas dire que le système national actuel soit très égalitaire quand il n’y a pas de médecin à Mayotte et que seulement 19 % des visites obligatoires sont réalisées. De plus, notre proposition ne peut être inégalitaire, puisque les obligations restent fixées au niveau national, avec une obligation de résultat pour les départements.

En ce qui concerne l’argument du coût, nous avons la réponse. Vous allez me dire, madame la ministre, que nous avons réponse à tout, et c’est effectivement le cas, car cela fait un moment que nous réfléchissons à la question ! Nous proposons une expérimentation par des départements volontaires ; l’Assemblée des départements de France (ADF) nous a indiqué qu’ils étaient au nombre de dix-neuf – je connais particulièrement la Creuse, tout à fait demandeuse, et le Loir-et-Cher, dont le président du conseil départemental dirige le groupe de travail santé de la commission solidarité, santé et travail de l’ADF.

Nous prévoyons que les départements volontaires aient durant une année des discussions avec l’État, afin de trouver un accord sur les obligations et les moyens. Si le département s’engage, il expérimente pendant cinq ans, durant lesquels deux évaluations sont menées pour corriger le dispositif, lequel pourra être pérennisé à l’issue de ce délai.

Le sujet est vraiment sérieux. Nathalie Delattre évoque souvent son travail sur la santé psychologique des enfants. Plus tôt les failles et les difficultés seront décelées, plus tôt nous interviendrons pour guérir des troubles psychologiques préoccupants ; ainsi, nous remplirons notre devoir. Je ne doute pas que vous partagez notre ambition et notre volonté, madame la ministre.

L’école est le creuset de l’épanouissement des enfants, mais ce dernier ne peut avoir lieu sans le confort mental et l’égalité des chances qui sont procurés par un accompagnement médical, les enfants les plus fragiles étant souvent ceux qui passent sous les radars des médecins.

Madame la ministre, les enfants, la société et l’école valent bien notre proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et RDSE. – M. Olivier Bitz applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François Bonhomme, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, la médecine scolaire, qui vise à assurer la promotion de la santé des élèves au cours de leur scolarité et qui relève aujourd’hui du ministère de l’éducation nationale, est confrontée à des difficultés préoccupantes de mise en œuvre depuis plusieurs années.

La marque la plus criante de ces difficultés réside sans aucun doute dans le très faible nombre d’enfants de 6 ans qui bénéficient de la visite médicale obligatoire normalement prévue à cet âge. Nous avons tous, ou la plupart d’entre nous, des souvenirs de ce passage obligé, qui intervenait le plus souvent durant la classe de CP, alors que, aujourd’hui, moins d’un enfant sur cinq bénéficie de cette visite médicale, pourtant essentielle pour détecter de manière précoce d’éventuels troubles du langage ou de l’apprentissage.

Ces difficultés récurrentes rencontrées par la politique de santé scolaire depuis de nombreuses années sont liées principalement à la forte pénurie de médecins scolaires que connaît notre pays.

Au cours des travaux préparatoires et des auditions que j’ai menées, j’ai pu mesurer la baisse continue du nombre de médecins scolaires en activité. Sans surprise, des rémunérations peu attractives et des conditions de travail qui n’ont cessé de se dégrader expliquent que de nombreux postes de médecins scolaires restent vacants, au point que les effectifs de ces derniers ont chuté de 15 % depuis 2013. À l’heure actuelle, sur un total de 1 500 postes de médecins scolaires, seuls 800 sont pourvus !

En moyenne, il n’y a ainsi en France qu’un seul médecin pour 12 000 élèves, alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande d’en avoir un pour 5 000.

En outre, cette pénurie se double ici et là de fortes disparités territoriales : en Nouvelle-Calédonie, il n’y a par exemple qu’un seul médecin scolaire pour 47 000 élèves ! Une telle situation n’est pas tenable si l’on souhaite mener une politique de santé scolaire digne de ce nom.

En effet, la pénurie de médecins scolaires, alors même que les missions de ces derniers n’ont cessé de s’élargir, a de réelles conséquences sur la santé des élèves, qui ne bénéficient pas, pour la plupart d’entre eux, des visites médicales et dépistages prévus par la loi. La Cour des comptes elle-même relevait dans un rapport d’avril 2020 que le taux de réalisation de la visite médicale obligatoire de la sixième année par les médecins scolaires était passé de 26 % en 2013, un niveau déjà historiquement bas, à 18 % en 2018.

Bien que cette visite médicale soit déclarée obligatoire, moins de 20 % des élèves en bénéficient donc durant leur sixième année. Et je n’évoque même pas la situation des enfants scolarisés dans des enseignements privés sous contrat : seuls 4 % d’entre eux bénéficient d’une telle visite.

Madame la ministre, quid du principe d’universalité du dispositif de médecine scolaire ? Il n’est pas possible de se satisfaire de cette défaillance de la politique de santé scolaire.

Je le rappelle, la médecine scolaire est essentielle.

Tout d’abord, pour réduire les inégalités de santé, en permettant le bénéfice d’une consultation médicale à des enfants qui se rendent rarement chez le médecin.

Ensuite, pour détecter le plus tôt possible les éventuels handicaps ou troubles, qu’ils soient physiques ou psychiques, et pour mettre en place le plus rapidement les aménagements et adaptations de la scolarité nécessaires à la prise en charge de ces troubles.

Enfin, pour informer et éduquer les élèves en matière de santé – je pense notamment aux questions liées à la contraception ou à l’équilibre alimentaire. Des études récentes et convergentes ont montré qu’il y avait eu un doublement des cas des élèves en surpoids ou obèses, dont le taux atteint aujourd’hui 17 %.

Vous le savez, la santé des plus jeunes ne cesse de se dégrader, notamment la santé psychique, et l’accès aux médecins est rendu de plus en plus difficile dans le contexte de désertification médicale que nous connaissons tous.

À plusieurs reprises, le Sénat a tenté d’apporter une solution à ce constat d’échec. Il en a été ainsi dès l’élaboration des premières grandes lois de décentralisation, puis lors de l’examen en 2004 du projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales, avec l’adoption ici au Sénat d’un amendement du rapporteur de la commission des lois visant déjà à transférer la compétence de la médecine scolaire aux départements.

Je rappelle, après Mme Gatel, que cette idée a été une nouvelle fois défendue par le Sénat, lors de l’examen de la loi 3DS, sans plus de succès malgré le large soutien dont elle bénéficiait dans notre assemblée, en raison des règles de recevabilité financière de l’article 40 de la Constitution.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, présentée par Françoise Gatel, dont je tiens à saluer le travail, vise précisément à répondre à cette problématique. Elle prévoit la possibilité pour les départements volontaires, à titre expérimental pendant une durée de cinq ans, de bénéficier d’un transfert de compétence en matière de médecine scolaire. Elle s’inscrit donc parfaitement dans la lignée des précédentes positions défendues par le Sénat, que je viens d’évoquer.

Je tiens à souligner qu’il ne s’agit pas d’imposer à l’ensemble des départements une mission que l’État ne souhaite pas ou plus remplir, ou dont il ne peut plus s’acquitter, mais bien de confier à titre expérimental l’exercice de cette compétence aux seuls départements volontaires. À cet égard, l’Assemblée des départements de France a indiqué que dix-neuf départements étaient d’ores et déjà fortement intéressés pour prendre part à cette expérimentation.

Les conditions de forme sont simples. Les départements volontaires devront manifester leur volonté de prendre part à l’expérimentation dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, ce qui leur permettra d’apprécier pleinement l’opportunité de leur engagement, ainsi que le caractère suffisant de la compensation financière de l’État. Une convention serait ensuite conclue entre l’État et le département participant à l’expérimentation, afin de définir les modalités de transfert des crédits correspondant au transfert de charges.

Le département resterait ainsi libre de ne pas participer à l’expérimentation et de ne pas signer la convention avec l’État, dans le cas où celui-ci ne verserait pas suffisamment de crédits budgétaires pour compenser le transfert de compétence.

L’expérimentation sera évaluée à mi-parcours, ainsi que six mois avant son terme, et le législateur pourra décider, à la fin de l’expérimentation, soit de la prolonger, pour une durée maximale de trois ans, soit de l’abandonner, dans le cas où l’expérience ne se révélerait pas concluante, soit enfin de la pérenniser, dans les seuls départements ayant pris part à l’expérimentation ou en l’étendant à davantage de départements.

Convaincue de la cohérence d’une telle expérimentation, la commission des lois a adopté la proposition de loi sans modification.

Tout d’abord, l’expérimentation proposée permettra de rationaliser le pilotage de la médecine scolaire, en resserrant le lien entre les services décisionnels et les personnels sur le terrain, tout en permettant une meilleure adaptation aux enjeux locaux.

Ensuite, elle permettra de renforcer la cohérence du suivi sanitaire des enfants et des adolescents, puisque le département sera désormais chargé de l’ensemble du suivi sanitaire des enfants, dès leur plus jeune âge et jusqu’à la fin du lycée, les départements étant, comme vous le savez, compétents en matière de protection maternelle et infantile.

Enfin, la mutualisation des moyens et des effectifs de la médecine scolaire et des PMI permettra de réaliser des économies, ou à tout le moins de rendre la dépense et l’investissement plus efficaces, ce qui conduira à améliorer la politique de médecine scolaire.

Je suis bien évidemment favorable à la mise en place de cette expérimentation, qui permettrait enfin de consacrer une réforme qui est attendue depuis plusieurs années par notre assemblée, et dont la nécessité se fait pressante.

Il y va également, et avant tout, de l’intérêt de nos enfants, qui doivent bénéficier d’un suivi sanitaire et psychologique de qualité, être éduqués à la santé et à leur corps et trouver dans l’institution scolaire le soutien et le suivi nécessaires dont ils ont parfois tant besoin.

N’oublions pas que, pour certains d’entre eux, la prévention et le soin assurés par la médecine scolaire constituent le premier levier d’insertion ou le dernier rempart contre les violences intrafamiliales. Il est donc absolument essentiel de permettre à l’école d’assurer de nouveau efficacement ses missions d’éducation et de protection.

Au bénéfice de ces observations, mes chers collègues, la commission des lois vous propose donc d’adopter cette proposition de loi sans modification. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE. – M. Olivier Bitz applaudit également.)