Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Jean-Michel Arnaud, Mme Catherine Conconne.
2. Journée internationale de la francophonie
3. Souhaits de bienvenue à une nouvelle sénatrice
4. Questions d’actualité au Gouvernement
budget de l’enseignement supérieur et de la recherche
M. David Ros ; Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ; M. David Ros.
prétendue gratuité des services publics
Mme Céline Brulin ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ; Mme Céline Brulin.
antisémitisme dans l’enseignement supérieur
M. Jean Hingray ; Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Guillaume Gontard ; M. Gabriel Attal, Premier ministre ; M. Guillaume Gontard.
programmations pluriannuelles de l’énergie
Mme Dominique Estrosi Sassone ; M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie ; Mme Dominique Estrosi Sassone.
M. Thani Mohamed Soilihi ; M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention ; M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Emmanuel Capus ; Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique.
conditions de travail des enseignants
Mme Guylène Pantel ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
infirmières intervenant dans le cadre du dispositif asalée
M. Philippe Mouiller ; M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention ; M. Philippe Mouiller.
Mme Corinne Féret ; Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités ; Mme Corinne Féret.
M. Dominique de Legge ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer ; M. Dominique de Legge.
maîtrise de la langue française dans le secondaire
M. Stéphane Demilly ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
circulation des véhicules crit’air 3 dans les zones à faibles émissions
M. Philippe Tabarot ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Philippe Tabarot.
situation des centres de rétention administrative
M. Christophe Chaillou ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer ; M. Christophe Chaillou.
sécheresse dans les pyrénées-orientales
Mme Lauriane Josende ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; Mme Lauriane Josende.
dispositif france ruralités revitalisation
Mme Françoise Dumont ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; Mme Françoise Dumont.
Suspension et reprise de la séance
5. Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
6. Justice patrimoniale au sein de la famille. – Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice
Mme Isabelle Florennes, rapporteure de la commission des lois
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 15 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 25 de Mme Laurence Rossignol. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 19 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 28 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 17 de M. Pascal Savoldelli. – Devenu sans objet.
Amendement n° 6 rectifié de Mme Laure Darcos. – Rejet.
Amendement n° 20 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 27 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article 3 (suppression maintenue)
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
Suspension et reprise de la séance
7. Médecine scolaire .– Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme Françoise Gatel, auteur de la proposition de loi
M. François Bonhomme, rapporteur de la commission des lois
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse
Mme Nicole Belloubet, ministre
Clôture de la discussion générale.
M. François Bonhomme, rapporteur
Adoption de l’article unique de la proposition de loi dans le texte de la commission.
Conclusions de la conférence des présidents
Nomination de membres de commissions mixtes paritaires
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Jean-Michel Arnaud,
Mme Catherine Conconne.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Journée internationale de la francophonie
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous célébrons aujourd’hui la Journée internationale de la francophonie.
La francophonie, c’est ce trait d’union entre des cultures et des sociétés extrêmement diverses, c’est le partage d’une langue, mais aussi des valeurs et des idéaux qu’elle porte : le dialogue, la tolérance, le respect des droits humains et de l’État de droit, valeurs qui unissent près de 90 États et plus de 300 millions de locuteurs dans le monde.
En cette année 2024, la France accueillera le dix-neuvième sommet de la francophonie. Elle fêtera également les 30 ans de la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, dite loi Toubon, et dont je veux rappeler l’article premier : « Langue de la République en vertu de la Constitution, la langue française est un élément fondamental de la personnalité et du patrimoine de la France.
« Elle est la langue de l’enseignement, du travail, des échanges et des services publics.
« Elle est le lien privilégié des États constituant la communauté de la francophonie. »
C’est pourquoi, monsieur le Premier ministre, nous devons ensemble, pouvoir exécutif et Parlement, veiller à protéger et à promouvoir le français, ainsi qu’à maintenir une communauté francophone forte et unie, en dépit des attaques contre ses valeurs. (Applaudissements sur toutes les travées.)
M. Loïc Hervé. Très bien !
3
Souhaits de bienvenue à une nouvelle sénatrice
M. le président. Au nom du Sénat tout entier, je tiens à souhaiter la bienvenue à notre nouvelle collègue du département de la Vienne, Mme Marie-Jeanne Bellamy. Je la félicite pour son élection. Son mandat a débuté le lundi 18 mars. (Applaudissements.)
J’ai aussi une pensée pour son prédécesseur, M. Yves Bouloux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
4
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
J’invite chacun d’entre nous à veiller au respect des uns et des autres, et de son temps de parole.
budget de l’enseignement supérieur et de la recherche
M. le président. La parole est à M. David Ros, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K.)
M. David Ros. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, vous annonciez, le 21 février dernier, l’annulation de dix milliards d’euros de crédits. Je ne reviendrai ni sur le déni démocratique que constitue cette pratique ni sur la mauvaise prise en compte de la situation économique de la France dans l’élaboration de votre budget.
Depuis lors, vous faites le tour des médias, non seulement pour justifier ce choix violent, mais également pour annoncer que ces efforts ne seront pas suffisants et qu’il faudra, en 2025, changer de braquet.
En même temps, vous ne cessez de revendiquer pour la France le leadership européen. Cela est particulièrement vrai concernant l’intelligence artificielle (IA). Un rapport prônant son développement a été remis au Gouvernement la semaine dernière et vous-même clamiez récemment dans un quotidien dominical : « La France a un temps d’avance en IA. […] Elle doit guider l’Europe vers un projet ambitieux. »
Monsieur le ministre, j’aurais dix milliards de questions à vous poser, mais je me limiterai à deux.
Avec les agents de Bercy, avez-vous eu recours à l’IA pour réaliser les coupes budgétaires, afin de simuler, dans les différents budgets, l’impact réel à moyen terme de la dépense d’un euro ? Je pense en particulier au budget de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Avez-vous prévu de nouvelles coupes en 2024, notamment pour la recherche ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Ros, en parlant de la recherche, vous me donnez l’occasion de préciser les annulations de crédits.
Les 900 millions d’euros de crédits annulés dans l’enseignement supérieur et la recherche concernent l’ensemble de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur ». Pour ce qui concerne le ministère dont j’ai la responsabilité, cela représente 588 millions d’euros.
Il me semble utile de préciser cette répartition. Trois quarts de l’annulation portent sur ce que l’on appelle les réserves de précaution du ministère, réserves qui sont a priori gelées et qui, en pratique et en règle générale, sont indisponibles. Le quart restant concerne principalement le report de projets immobiliers pluriannuels – ne sont pas touchés les projets de logements étudiants – et de projets d’équipements de recherche ; de manière plus marginale, ces annulations concernent aussi des ajustements portant sur les appels à projets de l’Agence nationale de la recherche (ANR), même si nous préservons le taux de succès des projets, taux qui avait augmenté grâce à la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur (LPR).
Le budget du ministère reste donc en hausse et, j’y insiste, les moyens de fonctionnement des établissements sont de manière générale préservés.
En ce qui concerne le budget de la recherche, toutes les mesures relatives aux ressources humaines, en particulier celles qui sont prévues dans la LPR, sont préservées. Surtout, la vie étudiante et les engagements pris en la matière ne seront pas affectés, qu’il s’agisse des bourses ou de la restauration. Nous préciserons dans la semaine qui vient sur quoi portent exactement les annulations.
Je ne cache pas que ces économies restent difficiles pour la recherche et l’enseignement, même si leur impact à court terme est contenu. J’ai indiqué les grandes lignes et je tiens à préciser que nous ne prévoyons pas d’autres annulations de crédits cette année. (Exclamations et moues dubitatives sur les travées du groupe SER.)
Mme Émilienne Poumirol. Merci…
Mme Sylvie Retailleau, ministre. Il est important de le dire ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. David Ros, pour la réplique.
M. David Ros. Je regrette que M. le ministre de l’économie n’ait pas répondu. Un milliard d’euros de crédits ont été annulés, alors qu’il avait déjà été demandé aux organismes de recherche et aux universités de puiser dans leurs fonds propres. Voilà que, désormais, Bercy s’attaque aux réserves, au détriment de la réhabilitation du patrimoine universitaire, au détriment des projets de recherche et des étudiants, lesquels attendent une réforme qui, faute de moyens, tarde à venir.
Cette annulation de crédits entre en contradiction avec le discours du Président de la République du 7 décembre dernier, dans lequel il disait soutenir fortement la recherche, et nous sommes en outre bien loin des objectifs de la LPR, qui fixait les crédits de la recherche à hauteur de 3 % du PIB national en 2030.
Alors, monsieur le ministre, à défaut de répondre et à défaut d’écouter les parlementaires et les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche, changez d’IA : passez de l’« ingérence administrative » à l’« intelligence augmentée » !
M. le président. Il faut conclure !
M. David Ros. Suivez cette voie française, celle du réarmement des sciences et de la connaissance ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K. – Mme Monique de Marco applaudit également.)
prétendue gratuité des services publics
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme Céline Brulin. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
« La gratuité de tout, pour tous, tout le temps : c’est intenable ! ». Mais de quoi parlez-vous au juste, monsieur le ministre ?
Chaque Français paie la TVA sur les produits de consommation, par exemple sur l’alimentation. Or vous savez bien que cet impôt, supporté par tous de la même manière, quel que soit son revenu, rapporte plus de 100 milliards d’euros à l’État, montant en augmentation de 4 milliards d’euros, tandis que la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) lui en fait perdre autant, chaque année. Qu’en faites-vous ?
Chaque contribuable s’acquitte de l’impôt pour financer l’école et tous nos services publics, mais la part payée par les grandes entreprises chute depuis 2016, tandis que les crédits d’impôt leur profitent davantage. Voilà ce qui est vraiment intenable pour nos artisans, nos PME, nos concitoyens !
Chaque salarié cotise pour sa protection sociale et sa retraite, tandis que les entreprises sont exonérées de 80 milliards d’euros de cotisations chaque année. Vous avez en outre décidé de faire travailler les salariés deux ans de plus. Nous sommes loin de la gratuité : la note est salée !
Chaque famille voit ses factures d’énergie exploser avec la libéralisation du marché : encore 10 % de plus le mois dernier pour l’électricité ! Des tarifs réglementés et pérennisés auraient coûté bien moins cher aux ménages, aux collectivités et même à l’État.
Chaque malade est pénalisé par des dépassements d’honoraires, par des déremboursements, par les franchises médicales, que vous doublez, ou par la diminution de la prise en charge du transport médical, prétendument pour les responsabiliser, alors que les pénuries de médicaments se multiplient et que les renoncements aux soins se développent dangereusement.
Monsieur le ministre, ne vous reste-t-il plus que le mensonge et le cynisme pour justifier votre politique ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. (Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Madame la sénatrice, je salue la constance et la cohérence de la position du groupe communiste. Je n’en partage pas les orientations, mais je salue cette constance.
Je veux tout d’abord vous rassurer sur quelques points, madame la sénatrice. En ce qui concerne les factures d’électricité et de gaz, nous avons remboursé les surcoûts comme aucune autre nation européenne ne l’a fait. Le reste à charge en matière de dépenses de santé est l’un des plus faibles de tous les pays développés de la planète. Et pour ce qui concerne notre système de protection sociale, auquel je suis très attaché, si je crois qu’il faut faire des économies ailleurs, c’est bien pour faire en sorte que, face au vieillissement démographique de la population française, nous puissions continuer à rembourser les soins de ceux qui en ont réellement besoin. Voilà ce qui s’appelle un principe de responsabilité.
Néanmoins, je le répète, madame la sénatrice : au moins, je sais où vous êtes, où vous habitez, je sais où votre groupe est, où il habite.
Je n’en dirai pas autant de certaines oppositions, qui ne cessent de fustiger les dépenses excessives du Gouvernement et de la majorité, et qui font preuve d’une inconstance, d’une incohérence et d’une démagogie qui dépassent toutes les limites. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Paccaud. Et c’est vous qui dites cela !
M. Bruno Le Maire, ministre. Ils nous disent : « Réduisez la dépense publique ! », mais ils ont déposé sur le dernier projet de loi de finances 1 847 amendements représentant 124 milliards d’euros de dépense publique supplémentaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.) Ils nous disent qu’il est temps de revenir à la normale en matière de coût de l’électricité et du gaz, mais ils ont catégoriquement refusé que nous réduisions la protection sur le bouclier tarifaire, sur le gaz comme sur l’électricité, qui représente pourtant 16 milliards d’euros d’économie en 2024.
Ils n’ont de courage que dans les médias, ils n’en ont pas devant les Français. Ils nous disent qu’il faut faire des réformes de structure, mais ils sont incapables d’unir leur groupe derrière la réforme des retraites. Ils nous disent : « Faites des réformes, mais personne ne vous soutiendra dans notre groupe ! ».
Je salue la constance du groupe communiste (Mme Cathy Apourceau-Poly ironise.)…
Mme Silvana Silvani. Cela suffit !
M. Bruno Le Maire, ministre. … et je dénonce l’inconstance, la démagogie et le mensonge des autres oppositions,…
M. Mickaël Vallet. Parole d’expert…
M. Bruno Le Maire, ministre. … qui veulent réduire les dépenses publiques mais qui les augmentent, qui veulent faire des économies mais qui n’en proposent aucune, qui n’ont que le mot « réformes » à la bouche mais qui sont incapables de les assumer devant nos compatriotes ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations amusées sur les travées du groupe CRCE-K. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Après ce satisfecit, la parole est à Mme Céline Brulin, pour la réplique.
Mme Céline Brulin. Monsieur le ministre, faire preuve de responsabilité, ce n’est pas faire des coupes et donner des coups de rabot à l’aveugle, comme vous venez de le faire, pour plus de 10 milliards d’euros ! Quelque 700 millions d’euros de crédits sont annulés pour l’éducation, quand partout enseignants et parents d’élèves se mobilisent pour obtenir plus de moyens pour l’école.
Je vous remercie de saluer notre constance, mais nous attendions de votre part un vrai débat plutôt que de la politique politicienne. C’est ce que nos concitoyens attendent ! Tous sont inquiets face à l’état de nos finances publiques. La situation mérite un débat public de haut niveau,…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Céline Brulin. … que nous n’avons malheureusement pas aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)
antisémitisme dans l’enseignement supérieur
M. le président. La parole est à M. Jean Hingray, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe INDEP.)
M. Jean Hingray. Cher conclave de décideurs, champions du statu quo, gardiens du temple éducatif, je me tourne vers la flamboyante ministre de l’alma mater, pour éclaircir un spectacle plus troublant que la pièce de théâtre d’un cabaret surréaliste : que se trame-t-il dans les couloirs étouffants de Sciences Po ? (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Où est passée l’auguste sagesse de l’institution séculaire de la rue Saint-Guillaume ?
Avec la vague wokiste (Protestations sur les travées du groupe GEST.) qui déferle comme une série hollywoodienne, un capitaine abandonnant le navire pour tempête conjugale peu après une autre tempête incestueuse, et des rumeurs d’antisémitisme ébruitées comme un vaudeville, on se croirait dans une mauvaise série B…
C’est cette dernière cacophonie qui interpelle ma curiosité. Récemment, une étudiante s’est vu refuser l’entrée à une « fête intellectuelle » propalestinienne, sous prétexte qu’elle était juive. La tache d’huile se répand, comme en témoigne notre collègue Pierre-Antoine Levi. Elle s’étale jusque dans les couloirs de l’université du Mirail à Toulouse, où, sous l’ombre pesante de la peur, les étudiants juifs hésitent à fouler le pavé académique.
Et que fait-on ? Monsieur le Premier ministre, madame la ministre, vous avez joint les actes au discours en vous infiltrant dans le conseil d’administration de la vénérable fondation, pour un petit remontage de bretelles bien mérité ; mais voilà que les dignitaires académiques se cabrent et crient à l’attentat contre leur sacro-sainte indépendance !
Tenez-vous bien : le citoyen-roi, grand dispensateur des deniers publics, ne veut plus financer la diffusion de cet évangile woke. (Protestations et marques d’ironie sur les travées du groupe SER.) Sciences Po, sirotant avec une paille 35 % de fonds publics, peut-elle vraiment jouer les divas intouchables ? Le totem de l’autonomie pédagogique ne demande-t-il pas, à l’instar d’un scénario usé, une petite retouche créative ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Hingray, oui, vous l’avez dit, et il faut le répéter haut et fort, l’antisémitisme, quel que soit le masque qu’il revêt, est un fléau et en la matière la tolérance zéro est notre ligne.
L’université et l’école font partie intégrante de la société. Si elles partagent des forces et des lumières, elles doivent aussi affronter les tensions et les sombres maux qui les parcourent.
Vous m’interrogez sur les événements récents qui se sont déroulés à Sciences Po. Comme à chaque fois, nous appliquons une méthode d’objectivation des faits, que vous avez rappelés. C’est la raison pour laquelle, conformément à nos annonces, le Premier ministre et moi-même avons transmis un signalement à la procureure au titre de l’article 40 du code de procédure pénale.
Nous nous sommes rendus sur place, je n’y reviens pas. Il y a eu, je le confirme, un envahissement sauvage de l’amphithéâtre et une absence manifeste de respect du cadre permettant un débat serein, débat qui doit pouvoir se tenir dans nos établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Les témoignages sont clairs, l’étudiante de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) a été empêchée par deux étudiants d’accéder à la conférence. On nous a rapporté des propos antisémites gravissimes. Des signalements sont donc transmis à la justice, parce que, oui, nous sommes dans un État de droit.
Mon ministère est pleinement engagé dans la lutte contre l’antisémitisme et contre toute forme de discrimination. Dès les attaques terroristes du 7 octobre 2023, j’ai écrit aux chefs d’établissement pour leur demander d’accroître la mobilisation de chacun. Dans mon courrier, je leur demandais d’abord de prévenir les actes, puis, le cas échéant, de les repérer et d’accompagner les victimes, qui doivent pouvoir être en sécurité. Je demandais qu’ils signalent ces actes, qu’ils engagent une réponse à la fois disciplinaire et judiciaire et qu’ils agissent pour réparer et effacer les traces de haine.
C’est un travail que nous menons en lien avec chaque acteur, notamment avec les représentants étudiants. Des actions sont déployées dans le cadre du plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations, plan que nous continuons à mettre en œuvre année après année.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Sylvie Retailleau, ministre. Nous ne baisserons jamais la garde face au poison de l’antisémitisme. Vous pouvez compter sur notre détermination. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)
situation à gaza
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guillaume Gontard. Monsieur le Premier ministre, nous sommes en 2040. Dans les livres d’histoire consacrés au Moyen-Orient, nous pouvons lire ceci : « Après des années d’oubli de la cause palestinienne, les attaques terroristes du Hamas du 7 octobre 2023 et les prises d’otages conduisent à un déchaînement de violence d’Israël contre la bande de Gaza.
« Benyamin Netanyahou utilise cette guerre pour se maintenir au pouvoir. Avec ses alliés d’extrême droite, il bombarde Gaza nuit et jour, empêche l’aide humanitaire d’entrer dans la zone et utilise la faim comme arme de guerre.
« Dès janvier 2024, la Cour internationale de justice alerte sur le risque de génocide. Dès mars 2024, le haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, évoque un cimetière à ciel ouvert. Médecins, journalistes et internautes documentent la situation toujours plus apocalyptique sur place. L’ONU parle de siège médiéval et de guerre contre les enfants. En quatre mois, plus d’enfants sont tués à Gaza qu’en quatre ans dans l’ensemble des conflits dans le monde. Gaza est devenue une terre inhabitable, stérile, où la pluie des bombes et la famine conduisent à une mort certaine.
« Tandis que les pays du Sud exigent un cessez-le-feu et rompent leurs relations avec Israël, les États-Unis et l’Union européenne continuent à soutenir Netanyahou et à lui fournir des armes. Notre responsabilité est immense. »
Monsieur le Premier ministre, il est déjà trop tard, mais vous pouvez encore écrire l’histoire. La France, cinquième puissance mondiale, ne peut rester spectatrice et complice du pire carnage du XXIe siècle. Le temps n’est plus au ministère de la parole, mais à l’action et aux sanctions.
Mes questions sont donc simples. Ce soir, à Bruxelles, allez-vous demander à nos partenaires européens de suspendre l’accord d’association avec Israël ? Allez-vous mettre un terme aux exportations d’armes vers Israël, comme l’a fait le Canada ? Allez-vous interdire le commerce avec les colonies ? Allez-vous rappeler notre ambassadeur ? Allez-vous reconnaître l’État palestinien, conformément au vote du Parlement ? (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Gabriel Attal, Premier ministre. Monsieur le président Gontard, un point contenu dans votre question mérite mes remerciements, puisqu’il n’est pas commun aux interventions que j’ai pu entendre de la part de certains responsables politiques, notamment ceux de la Nupes (Nouvelle Union populaire écologique et sociale) à l’Assemblée nationale : vous avez rappelé que l’origine du drame qui se joue, c’est bien l’attaque terroriste du Hamas contre des civils israéliens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC, INDEP et RDPI.)
Quarante-deux de nos concitoyens ont été tués et trois de nos concitoyens sont encore pris en otages, avec d’autres. Le message que nous devons tous envoyer, en toute occasion, c’est un appel systématique et sans la moindre ambiguïté – je ne dis évidemment pas cela pour vous, monsieur le sénateur – à la libération de ces otages par le groupe terroriste du Hamas. Il était important de le répéter. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
Ensuite, ce qui se joue aujourd’hui, dans la bande de Gaza est évidemment un drame, un drame humanitaire. Mon gouvernement et moi-même avons eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises.
Monsieur le président Gontard, je ne peux pas accepter que l’on dise que la France est spectatrice face à ce qui se joue aujourd’hui à Gaza. (M. Guillaume Gontard s’exclame.)
Je rappelle que l’un des premiers pays occidentaux à avoir appelé à un cessez-le-feu durable et immédiat face au désastre, c’est la France, par la voix du Président de la République, lequel avait même été critiqué par certains, à l’époque.
Je rappelle ensuite que l’un des premiers chefs d’État à s’être rendus sur place en mobilisant la communauté internationale et en proposant une ambitieuse initiative pour la paix et la sécurité dans la région, c’est le Président de la République, portant la voix de la France.
Je rappelle également que le premier pays à avoir largué directement une aide humanitaire sur la bande de Gaza, avec son partenaire jordanien, c’est la France, sur décision du Président de la République.
Je rappelle aussi que c’est la France qui a envoyé le Dixmude au large des côtes pour soigner des patients palestiniens et que c’est toujours la France qui a accepté d’évacuer les enfants palestiniens qui avaient besoin d’opérations plus lourdes, afin qu’ils soient soignés ici, dans notre pays.
Je rappelle en outre que c’est aujourd’hui la France qui mobilise l’Union européenne, pour obtenir des résultats qui soient à la hauteur lors du Conseil européen de cette semaine, auquel participera le Président de la République, et que c’est toujours la France qui œuvre au sein du Conseil de sécurité des Nations unies pour sortir du blocage. Nous avons une position claire, nette, sans ambiguïté. Le Conseil de sécurité doit prendre ses responsabilités en adoptant une résolution et le ministre des affaires étrangères s’y emploiera, dans les prochains jours, à New York.
Je rappelle enfin (M. Yannick Jadot manifeste son impatience.) que c’est aussi la France qui s’engage au Liban pour éviter que le conflit ne s’élargisse et n’embrase tout le Moyen-Orient ! Le Liban lui-même salue notre implication.
Monsieur le président Gontard, la situation à Gaza est grave, elle est même catastrophique. Nous continuons à travailler pour obtenir un cessez-le-feu durable et immédiat et à demander l’ouverture de tous les accès humanitaires. Il s’agit d’une course contre la montre et c’est à un impératif d’humanité que nous faisons face, nous le savons. Les civils palestiniens n’ont pas à être les nouvelles victimes des crimes du Hamas, car c’est bien de cela qu’il s’agit. Israël doit faire en sorte que l’aide humanitaire puisse parvenir en quantité suffisante. Nous en sommes loin aujourd’hui. C’est l’objectif de la France et nous y travaillons sans compter. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Thomas Dossus. Avec quels moyens ?
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le Premier ministre, vous n’avez répondu à aucune de mes questions. Le temps des paroles est terminé ! Maintenant, nous voulons des actes, nous voulons des actions, nous voulons du courage politique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Fabien Gay applaudit également.)
programmations pluriannuelles de l’énergie
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Votre annonce, monsieur le Premier ministre, le 15 mars dernier, d’une large consultation publique sur la programmation pluriannuelle de l’énergie et la stratégie nationale bas-carbone est bien curieuse.
Cette annonce renie le travail réalisé. Que l’on en juge : depuis 2021, le Gouvernement a organisé des ateliers, une concertation nationale, une concertation publique et des groupes de travail, 3 000 contributions ont été reçues, et un projet de loi a même été transmis au Conseil d’État, au Conseil supérieur de l’énergie et au Conseil national de la transition écologique, lesquels l’ont étudié.
Cette annonce ne respecte pas la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, en vertu de laquelle, grâce à un amendement de notre collègue Daniel Gremillet, une loi quinquennale sur l’énergie doit fixer nos objectifs énergétiques. Un tel texte aurait dû être voté le 1er juillet 2023, mais il est porté disparu.
Cette annonce ne répond pas aux besoins identifiés. Pour relancer le nucléaire et développer les énergies renouvelables, il faut un cap clair et de l’action. C’est une nécessité pour nos entreprises et nos collectivités !
Pourtant, notre constat est tout autre : vous portez une vision de l’énergie sans stratégie ni objectifs. Il n’est pas trop tard pour agir, mais le temps presse.
Monsieur le Premier ministre, envisagez-vous de présenter le projet de loi quinquennal sur l’énergie, c’est-à-dire un texte spécifique, d’ici à la fin de l’année ? Présenterez-vous un ou des textes consacrés aux réformes actuellement en suspens, sur l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), sur les concessions hydroélectriques et sur le marché de l’électricité ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Henri Cabanel applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie. Je vous remercie de votre question, madame Estrosi Sassone, car elle me permet de préciser trois éléments fondamentaux.
D’abord, comme le Premier ministre l’a annoncé il y a quelques jours, il convient simplement de respecter la loi que vous avez adoptée puisque, vous le savez, la programmation pluriannuelle de l’énergie prévoit notamment le lancement d’une concertation publique dans le cadre de la Commission nationale du débat public (CNDP). (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous le savez, puisque vous l’avez voté ! Cette consultation va avoir lieu, nous respectons la loi.
Deuxième point important que je souhaite aborder avec vous : nous avons eu beaucoup de consultations sur l’avenir énergétique de la France au cours des dernières années, dont une, comme le Premier ministre l’a rappelé, il y a quelques jours, « grandeur nature », si je puis dire : 35 millions de Français se sont prononcés sans aucune ambiguïté sur l’avenir énergétique de la France.
Un certain nombre de candidats à l’élection présidentielle de 2022 – (M. le ministre se tourne vers le groupe GEST.) l’un d’entre eux est même présent ici –…
M. Yannick Jadot. Oui !
M. Roland Lescure, ministre délégué. … prônaient la sortie du nucléaire en France. Un autre candidat, qui a été élu, a clairement exposé, dans le cadre d’un discours prononcé à Belfort en janvier 2022, les quatre piliers qui nous permettront de relancer l’avenir énergétique de la France (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) : la sobriété, l’efficacité, l’accélération des renouvelables et, oui, la relance d’un programme nucléaire d’ampleur.
Troisième point : oui, pour ce faire, nous aurons un débat public, même si les principes ont, pour l’essentiel, été tranchés par les Français. (Mêmes mouvements.) Il faut que ce débat ait lieu au Parlement et dans toutes les dimensions que vous avez mentionnées. Il a commencé hier avec le vote de l’Assemblée nationale, après le vote du Sénat, de la réforme de la gouvernance du nucléaire.
M. Michel Savin. Du pipeau !
M. Roland Lescure, ministre délégué. Nous devons débattre de l’avenir de l’hydraulique, de la régulation des tarifs et du mix énergétique. Nous aurons l’occasion d’aborder tous ces sujets. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI. – M. Yannick Jadot s’exclame.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour la réplique.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Autant vous le dire, monsieur le ministre, vous ne m’avez pas convaincue.
Si nous n’avançons pas, vous aurez la responsabilité de notre impréparation quand, en 2040, les réacteurs des années 1970 arriveront en fin de vie. Et vous aurez fait reposer les conséquences de vos décisions sur les épaules des générations futures ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
situation sanitaire à mayotte
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le ministre chargé de la santé et de la prévention, un premier cas de choléra a été détecté à Mayotte : la personne infectée est une jeune femme venue d’Anjouan, arrivée en kwassa au nord de l’île de Mayotte dimanche dernier.
Le lendemain, une trentaine de kilomètres plus loin, elle a été prise en charge par le service d’aide médicale urgente (Samu) après l’apparition de violents symptômes, puis testée, isolée et soignée au sein de la cellule « choléra » du centre hospitalier.
L’agence régionale de santé (ARS), au conseil d’administration de laquelle je siège, a présenté il y a un mois un plan de riposte en cas d’introduction de la maladie à Mayotte. « Plan de riposte », dis-je, car, malheureusement, aucune campagne de vaccination massive n’est possible en raison d’une pénurie mondiale de doses de vaccin. Ce plan prévoit un renforcement des contrôles sanitaires aux frontières, ainsi que la mise en place et le déploiement rapide d’équipes d’investigation et de désinfection, afin d’éviter la contamination des cas contacts.
Alors que l’épidémie s’intensifie depuis le début de l’année en Afrique, notamment aux Comores, et compte tenu de l’immigration clandestine massive venue de cet archipel, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour protéger les Mahorais, qui se demandent légitimement ce que sont devenus les autres passagers du kwassa ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je le rappelle, le choléra est une maladie digestive très contagieuse causée par une bactérie qui se transmet par l’eau et par les aliments contaminés. Le cas que vous avez évoqué, monsieur le sénateur Mohamed Soilihi, a en effet été détecté ce lundi sur le sol français, importé de l’archipel des Comores par une femme arrivée dimanche sur le territoire depuis l’île d’Anjouan.
Cette femme a très rapidement été prise en charge à l’hôpital de Mamoudzou, par la cellule « choléra » ouverte de manière préventive depuis plusieurs mois au sein de l’établissement. Dès lundi soir, une première équipe d’investigation de l’ARS s’est rendue là où séjournait la patiente, pour identifier les cas contacts et leur délivrer les premiers traitements. Une deuxième équipe a été déployée hier matin sur la zone pour désinfecter ce lieu de séjour. Ces équipes resteront sur place plusieurs jours afin de suivre l’éventuelle apparition d’autres symptômes.
Une conférence de presse a été organisée hier matin par le préfet et le directeur de l’ARS ; elle a permis d’informer largement la population, mais surtout de rappeler les mesures de vigilance renforcée qui ont été prises depuis déjà plusieurs mois compte tenu du développement de l’épidémie qui touche les Comores.
Je veux les rappeler à mon tour, parce qu’il convient d’être précis sur ces sujets : dès le mois de février dernier, un plan de riposte avait été mis en place, qui a montré son efficacité autour d’au moins trois axes : renforcement de la vigilance en vue de détecter les cas le plus tôt possible ; mise en place de mesures de prévention ; organisation de la prise en charge dans un délai le plus court possible.
Concrètement, voici ce que cela veut dire : le contrôle sanitaire aux frontières a été renforcé ; les gestes de prévention ont été rappelés à la population de l’île ; la traçabilité de l’ensemble des passagers en provenance des Comores, mais aussi de l’Afrique des Grands Lacs, est assurée ; des renforts de la réserve sanitaire sont mobilisés ; des équipes mobiles de l’ARS sont déployées afin d’identifier les cas contacts, de vacciner les personnes à risque et d’informer le public dès la confirmation d’un cas suspect.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, les services de l’État sont pleinement mobilisés sur ce cas. Je suis personnellement la situation, en lien avec les autorités locales, notamment le directeur de l’ARS ; nous restons bien entendu d’une vigilance extrême. (MM. François Patriat et Olivier Bitz applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour la réplique.
M. Thani Mohamed Soilihi. Voilà un nouvel exemple des multiples conséquences de l’absence de maîtrise des flux migratoires en provenance des Comores vers ce petit territoire français qu’est Mayotte.
L’Union des Comores, dont le président s’était engagé, dans un accord de 2019, à lutter contre les trafics humains, moyennant une aide conséquente de la France, ne respecte pas ses engagements. Azali Assoumani utilise au contraire des méthodes migratoires poutiniennes, ce qui ne devrait pas nous étonner : après tout, lorsque le président russe promet de l’aider à déstabiliser la France à Mayotte, Azali le félicite en retour pour sa « brillante réélection ».
Il est temps que notre pays en tire les enseignements qui s’imposent ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)
tiktok
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Emmanuel Capus. Madame la secrétaire d’État chargée du numérique, jeudi dernier, la Chambre des représentants des États-Unis d’Amérique a adopté, à une très large majorité, un texte contraignant le réseau social TikTok à couper définitivement ses liens avec le parti communiste chinois. À défaut, l’application pourrait être interdite sur le territoire national américain.
Pourquoi ? Parce que nos collègues parlementaires américains soupçonnent TikTok d’être le vecteur d’un espionnage et d’une manipulation systématiques et massifs des données de ses utilisateurs.
La semaine dernière, le 14 mars – je le dis un 20 mars, date de la Journée internationale de la francophonie –, le Canada, qui n’est pas un pays qui compte peu pour la France,…
M. Jean-Baptiste Lemoyne. C’est vrai !
M. Emmanuel Capus. … nous en parlerons d’ailleurs demain, a engagé à l’endroit de TikTok un examen de sécurité nationale. L’Indonésie, l’Inde et le Pakistan ont d’ores et déjà interdit TikTok dans leur pays. En France, le 31 janvier dernier, le général Burkhard, chef d’état-major de nos armées, a alerté nos collègues députés sur la menace que fait peser TikTok sur notre territoire, qualifiant le réseau d’« arme informationnelle » au service de la Chine.
Ici même, la commission d’enquête que nous avons créée sur l’initiative du groupe Les Indépendants a conclu de la façon suivante : si le réseau social TikTok ne respecte pas les obligations législatives françaises en vigueur, il doit être suspendu.
Ma question est donc extrêmement simple, madame la secrétaire d’État : que va faire le Gouvernement,…
M. Bruno Sido. Rien !
M. Emmanuel Capus. … et dans quels délais, pour que TikTok respecte les lois françaises et européennes ? (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC. – MM. Martin Lévrier, Jacques Fernique et Mickaël Vallet applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du numérique.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur Capus, votre question soulève un sujet majeur, celui de la protection de notre sécurité nationale et de la préservation de notre modèle démocratique face aux tentatives d’ingérence étrangère.
Je tiens d’ailleurs ici à saluer les travaux de la commission d’enquête sénatoriale dont le groupe Les Indépendants a pris l’initiative de la création, vous l’avez rappelé. Ces travaux ont notamment permis de tirer la sonnette d’alarme quant aux risques liés à l’utilisation de TikTok du fait des liens capitalistiques, politiques et techniques existant entre le réseau social et les autorités politiques chinoises.
Soyez-en assuré, monsieur le sénateur, le Gouvernement est pleinement conscient de ces risques.
D’ailleurs, depuis 2021, vous le savez, nous avons renforcé notre dispositif de lutte contre les manipulations de l’information en mettant en place Viginum, le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères.
Le Gouvernement a également décidé, il y a maintenant plus d’un an, d’interdire le téléchargement et l’installation des applications récréatives, y compris l’application TikTok, sur les téléphones professionnels fournis aux agents publics.
À l’échelon européen, monsieur le sénateur, la France a été le fer de lance de l’adoption de plusieurs règlements, dont le Digital Services Act ou règlement sur les services numériques, qui contraint les grands réseaux sociaux comme TikTok à une plus grande transparence algorithmique. Dans ce cadre, la Commission européenne a décidé, le 19 février dernier, d’ouvrir une enquête sur TikTok, dont nous attendons les conclusions. À l’issue de cette enquête, si la Commission constatait des manquements, l’alternative serait simple pour le réseau social : soit les corriger soit risquer une amende importante, voire une restriction temporaire de l’accès au service, sanction prévue en cas de violations graves et répétées.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, le rapport de force a bien changé avec les plateformes : désormais, nous avons les moyens d’agir à l’échelle européenne. Vous pouvez compter sur mon engagement plein et entier et sur celui du Gouvernement pour lutter contre toute forme d’ingérence étrangère. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
conditions de travail des enseignants
M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Guylène Pantel. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Hier, les syndicats appelaient à une grève de la fonction publique.
Aujourd’hui, je souhaite plus particulièrement évoquer le cas des enseignants, qui se sont davantage mobilisés que les autres fonctionnaires et qui avaient déjà manifesté, le 1er février dernier, pour une amélioration de leurs conditions de travail.
Il est commun de dire, mais il n’est pas inutile de répéter, que l’école est le commencement de tout : de l’accès aux savoirs, de l’accès à la sociabilité, de l’accès au sens critique, de l’accès aux valeurs républicaines, donc de la citoyenneté.
Nous mettons entre les mains des professeurs, en toute confiance, ce que nous avons de plus cher : nos enfants.
Ils exercent du mieux qu’ils peuvent leur principale mission, l’enseignement, mais ils redeviennent aussi, de plus en plus, des hussards noirs de la République, car on leur demande de ne rien lâcher sur la laïcité, dans une société où cette valeur n’est plus du tout une évidence pour certains. Cette dernière mission est devenue dangereuse ; les agressions venant de parents d’élèves ou d’élèves eux-mêmes en sont une tragique illustration.
Aussi, le minimum que nous leur devons, c’est un salaire qui soit à la hauteur de leur investissement et de leur dévouement.
Or, sans ignorer les effets du pacte Enseignant ni les différentes revalorisations du point d’indice, il faut bien reconnaître que, sur la durée, les enseignants sont de grands perdants : alors que le budget de l’éducation en France est supérieur à ce qu’il est en Allemagne, les professeurs sont deux fois moins payés ici que là-bas ; alors que le salaire brut hors primes des jeunes enseignants de collège équivalait à 2,3 Smic en 1980, il n’était plus que de 1,2 fois le salaire minimum en 2021.
Madame la ministre, comment réorienter davantage les moyens de l’éducation nationale vers les professeurs, qui sont en première ligne dans la construction de la cohésion sociale et de l’avenir de notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Pantel, nous sommes évidemment aux côtés des enseignants – nous ne pouvons que l’être – dans toute la diversité de leurs missions, que vous venez de rappeler.
Il y a trois points à propos desquels je souhaite apporter à nos enseignants un appui clair.
Pour ce qui est tout d’abord de la revalorisation de leur salaire, il faut le dire, entre 2023 et 2024, c’est un effort de 4,8 milliards d’euros qui a été déployé à cet effet, soit trois fois plus que l’effort consenti entre 2013 et 2017. Cela nous permet de donner à nos professeurs titulaires, à nos psychologues, à nos conseillers principaux d’éducation (CPE), un salaire de 2 100 euros net par mois au début de leur carrière. Cette revalorisation importante nous place à cet égard dans la moyenne des pays européens. De surcroît – vous l’avez rappelé, madame la sénatrice –, le pacte qui a été proposé aux enseignants leur permet de prendre en charge des missions complémentaires et d’être rémunérés à ce titre ; beaucoup se sont engagés dans cette démarche.
Pour ce qui est ensuite de leur cadre de travail, qui fait évidemment partie intégrante de leur vie d’enseignants, nous travaillons sur le bâti scolaire avec les collectivités territoriales concernées ; je ne peux en dire ici que quelques mots, mais je rencontre régulièrement les présidents de ces collectivités. Nous avons recruté des assistants d’éducation (AED) pour qu’ils assurent en nombre l’accompagnement éducatif. Quant à la sécurité des bâtiments, nous y travaillons également avec les collectivités et avec les autres services de l’État ; nous aurons demain une réunion interministérielle à ce sujet précis autour de M. le Premier ministre.
Un troisième point me semble important, qui fait aussi partie de la manière dont ils envisagent leur travail : c’est la prise en charge de l’hétérogénéité de nos élèves. Nous accueillons aujourd’hui tous les jeunes, et il est très bien qu’il en soit ainsi, mais nous devons mettre en place des dispositifs qui permettent aux enseignants de le faire : je pense aux accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), aux efforts que nous avons à faire pour une école inclusive et à l’ensemble des mesures que nous devons continuer à construire en ce sens. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
infirmières intervenant dans le cadre du dispositif asalée
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Olivier Cigolotti et Loïc Hervé applaudissent également.)
M. Philippe Mouiller. Monsieur le président, monsieur le ministre chargé de la santé et de la prévention, mes chers collègues, l’association Asalée, née voilà une vingtaine d’années dans le département des Deux-Sèvres, dont je suis élu, regroupe aujourd’hui environ 2 000 infirmiers et infirmières travaillant en partenariat avec plus de 9 000 médecins sur l’ensemble du territoire national.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Notamment dans l’Yonne !
M. Philippe Mouiller. Le but de cette association est d’accompagner dans leur parcours de soins un certain nombre de patients, ceux notamment qui sont atteints de maladies chroniques et d’affections de longue durée. Elle propose des interventions dans le domaine de l’éducation et de la prévention. Ces professionnels sont répartis sur tout le territoire, notamment dans les zones rurales, où ils apportent un service dans des secteurs qui manquent de médecins.
Depuis plusieurs mois, l’association se trouve en difficulté dans ses relations avec la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam). Depuis 2023, il n’y a plus de cadre juridique entre la Cnam et Asalée ; des négociations sont toujours en cours. Ces relations difficiles se traduisent par des retards dans le versement des subventions ; aussi les professionnels ne peuvent-ils plus être payés dans des délais normaux. L’association n’ayant désormais plus de trésorerie, elle risque de se retrouver en cessation de paiements, ce qui entraînerait la fin du dispositif Asalée.
Ma question est donc fort simple, monsieur le ministre : alors que nous sommes dans une situation de pénurie de professionnels de santé et que l’organisation dont il est question répond aux difficultés d’accès aux soins, souhaitez-vous prendre le risque de voir disparaître l’association Asalée ? Dans le cas contraire, quelles mesures entendez-vous engager de manière urgente pour régler cette situation ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et RDSE. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Monsieur le sénateur, cher Philippe Mouiller, le Gouvernement, et au premier chef votre serviteur, est convaincu de l’intérêt de ce dispositif Asalée, qui mobilise, vous l’avez rappelé, de nombreux professionnels de santé ; il finance principalement des infirmières pour accompagner les patients dans leur parcours de soins.
Rappelons que les infirmières « Asalée » accompagnent les patients aux côtés des médecins, et ce depuis plusieurs années, dans le cadre d’un dispositif qui est progressivement monté en puissance.
Que les choses soient très claires : il n’est absolument pas question de remettre ce dispositif en question. Il a en effet toute sa place dans la politique menée par la majorité présidentielle depuis plusieurs années : cette politique vise à développer la délégation de tâches ; or les infirmières Asalée sont un magnifique exemple de délégation de tâches réussie et reconnue par tous. C’est pourquoi l’État, du reste, a depuis l’origine accompagné ce dispositif dans sa croissance.
Vous l’avez rappelé, près de 2 000 infirmiers et infirmières sont financés par ce biais ; rappelons également que le cadre réglementaire initialement défini prévoyait le financement de 700 postes par l’assurance maladie. L’État a donc bel et bien accompagné le déploiement de ce dispositif, et 80 millions d’euros sont chaque année versés par l’assurance maladie pour le financer.
Les montants investis par les pouvoirs publics sont alloués aux soins et la dernière convention entre Asalée et l’assurance maladie ne prévoit pas – c’est sans doute là le nœud de la discussion – la prise en charge de loyers, ce que souhaite l’association. Les nombreux échanges n’ont pour l’instant pas permis d’aboutir et il est normal que l’État, s’agissant de fonds de l’assurance maladie, veille à ce qu’ils soient prioritairement et exclusivement destinés à la prise en charge des patients.
Pour autant, l’assurance maladie n’a ni retardé ni suspendu ses versements à l’association, qui reçoit chaque mois 6 millions d’euros servant à financer les salaires.
L’association Asalée a été reçue au ministère de la santé le 8 mars dernier. Il a été convenu, lors de cette rencontre,…
M. le président. Il faudra conclure !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. … qu’une nouvelle convention serait signée très vite ; mais chaque euro dépensé pour Asalée doit aller aux soins et à la prise en charge des patients français ! (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour la réplique.
M. Philippe Mouiller. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse. J’entends qu’une discussion doive avoir lieu sur les loyers, mais cette question a déjà été tranchée par l’assurance maladie.
Je vous invite à venir sur le terrain rencontrer les acteurs. Je les ai vus il y a quarante-huit heures : ils étaient au bord de la cessation de paiements, car les subventions ne sont pas arrivées à temps. Les professionnels ne sont pas payés, certaines infirmières prennent même sur leurs propres deniers pour faire tenir le dispositif : la situation est complètement dégradée. Nous sommes là face à une incohérence : vous reconnaissez que ce système fonctionne et dans le même temps, en cherchant à étatiser la démarche, vous créez des difficultés, alors que l’enjeu est grand pour les territoires.
Nous avons tous à la bouche l’enjeu de la désertification médicale et nous disposons enfin d’un système qui marche ; soutenez-le, non seulement en paroles, mais en actes ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC, SER et RDSE. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
climat social actuel
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Corinne Féret. Madame la ministre du travail, de la santé et des solidarités, la France se paupérise, tout le monde constate l’affaiblissement de notre modèle social et vous regardez ailleurs…
Hier encore, les agents des trois versants de la fonction publique se sont mobilisés pour demander une hausse urgente de leurs rémunérations. En 2022 et 2023, ils ont certes obtenu des augmentations, mais celles-ci furent très largement inférieures à l’inflation. En dix ans, les salaires du privé ont grimpé deux fois plus vite que ceux du public. L’année 2024 ne doit pas être une année blanche en matière salariale pour les fonctionnaires.
En somme, vous demandez toujours plus d’efforts à ceux qui ont le moins.
Entre autres, vous persistez dans votre souhait de mettre la main sur l’Unédic et ses futurs excédents. L’argent géré, qui, je le rappelle, est le fruit de cotisations d’assurance, devrait pourtant être exclusivement destiné aux chômeurs, et non à combler les déficits que vous creusez. Vous dites vouloir abaisser la durée d’indemnisation à douze mois, contre dix-huit actuellement, et laisser l’État gérer seul l’assurance chômage. Quel mépris pour les partenaires sociaux !
Je note que, en la matière, comme sur le reste, vous ne tenez pas vos engagements : vous souhaitez de nouveau vous en prendre aux demandeurs d’emploi alors que le chômage repart à la hausse.
Avec vous, ce sont des droits pour les nantis, des devoirs pour les plus petits !
Ma question est donc simple : quand allez-vous cesser de concentrer les efforts demandés sur les Français les plus modestes ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Michelle Gréaume applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Madame la sénatrice Corinne Féret, eu égard à ce que vous venez de dire, il est important de rétablir les faits, tous les faits, rien que les faits.
Vous commentiez les mouvements qui ont eu lieu hier dans la fonction publique. Au cours des deux dernières années, pour faire face à une inflation importante, le Gouvernement a procédé aux augmentations salariales les plus importantes…
M. Mickaël Vallet. Des deux dernières années ! (Sourires.)
M. Rachid Temal. Et l’inflation ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. Voilà qui nous ramène, tout simplement, au premier septennat du président Mitterrand !
M. Mickaël Vallet. C’est même trop, n’en jetez plus !
Mme Catherine Vautrin, ministre. Quelque 14 milliards d’euros – pas moins ! – ont été alloués au financement de ces mesures salariales destinées à l’ensemble des agents de la fonction publique ! (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
On peut toujours dire que ce n’est pas assez, mais qu’ont fait les vôtres en trente-sept ans ? Permettez-moi de vous poser la question, mesdames, messieurs les sénateurs.
Il importe de donner des exemples concrets des efforts qui ont été consentis : en début de carrière, un agent d’accueil gagne 230 euros net de plus par mois qu’en 2022 ; un gardien de la paix, 240 euros net de plus ; un professeur des écoles, 320 euros net de plus !
On peut toujours dire que cela ne suffit pas, mais voilà des faits concrets !
M. Pierre Barros. La fonction publique n’arrive plus à embaucher !
Mme Catherine Vautrin, ministre. J’en viens à la deuxième partie de votre intervention, madame la sénatrice.
Le meilleur moyen d’accompagner nos concitoyens, c’est de les ramener vers l’emploi. Tel est le sens de l’investissement que nous réalisons aujourd’hui par le biais de France Travail (Mme Émilienne Poumirol s’exclame.), car la meilleure des émancipations est celle qui consiste à lever les freins à l’emploi, c’est-à-dire à former. C’est précisément ce que nous avons fait en augmentant le budget de France Travail, donc en améliorant l’accompagnement des personnes.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Et où sont-ils, les moyens ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. Plus de 150 000 personnes devraient ainsi cette année retourner vers l’emploi, donc retrouver le chemin de l’émancipation.
Il y a ceux qui réclament toujours plus d’aides, et il y a ceux qui agissent pour toujours plus d’émancipation. Nous comptons parmi les seconds, car s’émanciper c’est aussi, et de beaucoup, augmenter ses revenus ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour la réplique.
Mme Corinne Féret. Je vous remercie de vos réponses, madame la ministre, mais vos chiffres, je les conteste ! La réalité quotidienne de nos concitoyens, celle des fonctionnaires, est tout autre. Vous avez tout simplement oublié de mentionner le taux d’inflation… (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. Rachid Temal. Ah !
Mme Corinne Féret. Vous pouvez toujours nous renvoyer des décennies dans le passé, ce que vous dites est faux !
Pour ce qui est de l’assurance chômage, il y a là encore un engagement que le Gouvernement et le Président de la République ne tiennent pas. Leur réforme de l’assurance chômage devait aussi tenir compte de l’évolution du chômage ;…
M. Rachid Temal. Où est l’argent ?
Mme Corinne Féret. … or le niveau d’emploi est de nouveau en berne : le chômage remonte. Cet engagement, vous l’avez oublié, tout comme vous oubliez de préciser combien de millions d’euros initialement destinés à abonder le budget de France Travail vont être supprimés dans le cadre des 10 milliards d’euros d’économies annoncés par le Premier ministre !
M. le président. Il faut conclure !
Mme Corinne Féret. Combien ? Dites-le ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
narcotrafic à rennes
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Dominique de Legge. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, il y a dix jours, deux bandes rivales s’adonnant au trafic de drogue se tirent dessus : une heure de fusillade en plein cœur de Rennes. Cinq jours plus tard, on retrouve les mêmes, vraisemblablement, sur l’autoroute A84, à proximité du paisible village de Coglès, pour une course-poursuite et une fusillade à l’arme lourde. Trois des passagers, armés et ensanglantés, finissent par débarquer dans le bourg de Coglès pour y demander des secours.
Monsieur le ministre de l’intérieur, je suis tenté de vous adresser la question qui m’a été posée ce week-end par les habitants d’Ille-et-Vilaine : dans quel pays vivons-nous ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur, dans quel pays vivons-nous ?
Nous vivons dans un pays qui, depuis plus de quarante ans, a laissé la drogue investir non seulement les lieux publics, mais les consciences, via des débats que l’on peut qualifier d’irresponsables sur la légalisation. (M. André Guiol applaudit. – Protestations sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)
Nous vivons dans un pays qui est dans un monde où partout la drogue tue. Là où la drogue n’a pas été contrecarrée par l’ordre républicain, des narco-États prospèrent, comme aux portes de l’Europe, aux Pays-Bas, en Belgique, en Espagne, et qui menacent les avocats, les hommes politiques ou les policiers et mettent des contrats sur leur tête, jusqu’à les assassiner.
Nous vivons dans un pays qui est dans un monde où les drogues de synthèse se sont tant et si bien imposées, grâce à l’argent sale, que la première cause de mortalité aux États-Unis est le fentanyl. Nous avons quant à nous réussi, jusqu’à présent, à éviter à la France ce genre de drame, car nous avons une police et une justice courageuses, qui se battent contre cette pieuvre dont sans cesse les tentacules repoussent.
Dans votre département, monsieur le sénateur, il a fallu mobiliser, en six ans, 150 représentants supplémentaires des forces de l’ordre, car il en manquait ; 21 points de deal ont été démantelés à Rennes et aux alentours, plus de 150 interpellations supplémentaires ont eu lieu en 2023 par rapport à 2022 et les saisies ont quintuplé.
En l’espèce, les personnes blessées sont connues pour de multiples inscriptions à leur casier judiciaire pour trafic de stupéfiants.
C’est parce que la police et la gendarmerie travaillent inlassablement dans votre département que, lorsque les points de deal y sont écrasés, les trafiquants essaient de les remplacer, parfois depuis le cœur même des prisons ; il y a là, d’ailleurs, un problème que nous traitons avec le garde des sceaux. Le trafic se poursuit aussi depuis l’étranger, des Émirats arabes unis par exemple ; nous pouvons à cet égard remercier nos amis marocains qui, il y a quelques jours encore, ont arrêté un très grand dealer international.
Notre travail est de faire en sorte que notre pays ne soit pas celui qui a été laissé aux générations actuelles, mais que nous le changions ; nous le devons à nos enfants, y compris à ceux d’Ille-et-Vilaine. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour la réplique.
M. Dominique de Legge. Monsieur le ministre, soyons francs ! Vous avez dit que le trafic de drogue remontait à plus de quarante ans ; je suis tenté de vous demander : depuis sept ans, qu’avez-vous fait ?
M. Gérald Darmanin, ministre. C’est complètement démago… Et le nombre de policiers que nous y consacrons ?
M. Dominique de Legge. Voici ce que je peux vous dire avec certitude : à force de tenir un discours dont on ne voit pas les résultats sur le terrain, on mine la confiance de la population dans la parole publique. À vous qui invoquez si souvent la République, je réponds que le plus sûr moyen pour que les Français ne s’en détournent pas est de faire en sorte qu’effectivement la République les protège. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
maîtrise de la langue française dans le secondaire
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Stéphane Demilly. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Notre président, Gérard Larcher, l’a rappelé tout à l’heure : nous célébrons aujourd’hui la Journée internationale de la francophonie. Le français, nous pouvons en être fiers, est une langue parlée sur les cinq continents, dans plus de 112 pays, par 320 millions de personnes. C’est la cinquième langue la plus parlée dans le monde et la langue officielle des jeux Olympiques, avec l’anglais, depuis 1896. Voilà pour le « Cocorico ! »…
Mais – car il y a un « mais » –, comme dit le dicton, le cordonnier n’est pas forcément le mieux chaussé…
En témoigne une étude du ministère de l’éducation nationale publiée en juin dernier, qui montre que 10 % des élèves du secondaire sont en grande difficulté dans le domaine de la lecture du français. Parmi eux, la moitié est en situation d’illettrisme !
Compte tenu des difficultés d’insertion que de telles lacunes entraînent pour les 2,5 millions de Français touchés, selon l’Insee, par l’illettrisme, ces statistiques sont très préoccupantes. Rédiger un chèque, lire un mode d’emploi, naviguer sur internet, remplir un formulaire administratif, voilà autant de petits gestes banals du quotidien et autant d’actes pourtant irréalisables pour toutes ces personnes. Ce handicap, souvent invisible, qui remonte la plupart du temps à l’enfance, non seulement les rend dépendantes, mais les exclut souvent socialement.
Madame la ministre, vous venez de prendre la tête du ministère de l’éducation nationale. Vous partagez avec moi l’idée qu’il est difficilement concevable, pour ne pas dire irresponsable, de laisser entrer au collège ou au lycée un élève qui ne maîtrise ni la lecture ni l’écriture du français. Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour endiguer ce terrible phénomène qui, une fois de plus, contribue à creuser des inégalités dans le pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Demilly, je partage un nombre important de vos observations.
Vous avez raison de le souligner, la francophonie ne se résume pas seulement à une organisation internationale ou à un sommet, elle s’appuie aussi sur une langue vivante qui ne cesse de s’enrichir et qui est partagée par tous. Pour cela, il faut que nous, Français, nous maîtrisions cette langue correctement. Cela suppose que nous puissions renforcer les acquis du français à l’école et au collège.
Beaucoup de vos collègues – je pense notamment aux parlementaires qui récemment m’ont rendu un rapport sur ce sujet, Mme Genevard et M. Le Vigoureux – se préoccupent également de cette question.
Comment allons-nous essayer d’y répondre à l’école ? Par un certain nombre de mesures importantes et précises, s’agissant d’un enjeu majeur.
Je pense à la diversité des pratiques. Nous devons maîtriser l’écrit, l’oral et, évidemment, la syntaxe. Tout cela suppose que, tous les jours, les élèves travaillent. Des temps de lecture précis sont donnés dans les programmes. Dès l’année prochaine, le quart d’heure de lecture sera un quart d’heure de lecture francophone. Des dispositifs d’accompagnement sont également prévus ; je pense au dispositif Devoirs faits, mais également aux heures de soutien, en français notamment. La labellisation des manuels de français respectant le programme, qui donnera une base commune à l’ensemble de nos professeurs, est également à l’ordre du jour. La création des groupes en sixième et en cinquième dans le cadre du « choc des savoirs » que Gabriel Attal a présenté devra aussi contribuer à l’acquisition du français.
À tous les niveaux, à l’école comme au collège, des évaluations nationales nous permettront de mesurer l’avancée de nos élèves.
Je souhaite également signaler que nous sommes en train de procéder à la réécriture des programmes – c’est en cours, ce n’est pas encore à l’œuvre –, pour assurer la maîtrise complète de cette langue, tant à l’oral qu’en lecture et en écriture, je le répète.
Les « attendus » de fin d’année seront clairement précisés dans ces programmes. Par exemple, on y définira exactement le nombre et la longueur des textes écrits que les élèves doivent maîtriser. Le fonctionnement de la langue sera également prévu.
Bref, sera ainsi fixé un niveau d’exigence, qui nous permettra, je l’espère, de garantir vraiment la maîtrise complète de la langue. La langue française est une extraordinaire liberté ; il faut que chacun puisse l’utiliser en en maîtrisant les bases. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
circulation des véhicules crit’air 3 dans les zones à faibles émissions
M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Jean-François Longeot et Alain Duffourg applaudissent également.)
M. Philippe Tabarot. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Dans un contexte où l’État avait été condamné par trois fois pour pollution de l’air, Mme Pompili a voulu généraliser en 2021, en toute hâte, les zones à faibles émissions (ZFE), restreignant ainsi dès le 31 décembre 2024 la circulation dans 43 agglomérations.
Si l’objectif sanitaire était louable, ici, au Sénat, nous préconisions de desserrer l’étau.
Or voilà qu’hier, au cours d’une conférence de presse, vous avez effacé le problème de la pollution de l’air. En une conférence de presse, vous avez résolu une menace vieille de cinquante ans ! En une conférence de presse, plus de pollution venant du port de Marseille ou des industries rouennaises !
Monsieur le ministre, comment a-t-on pu passer du cauchemar annoncé pour des millions de Français à la magie d’un air frais et pur en quelques mois ? Comment a-t-on pu passer d’une interdiction massive à une liberté de circulation sur la quasi-intégralité du territoire, en un claquement de doigts ?
La véritable raison de ce manque de cohérence n’est-elle pas ailleurs ? Votre décision ne repose-t-elle pas sur une autre asphyxie : l’asphyxie financière de notre pays, dont votre gouvernement est largement coupable ? Leasing social avorté, taillage du bonus écologique, financement non pérenne des transports en commun, coup de rabot de plus de 2 milliards sur les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » : voilà autant d’exemples montrant le manque de moyens pour accompagner les Français dans l’effort de transition que vous leur imposiez.
Monsieur le ministre, si vous avez effacé l’ardoise pour la majeure partie de nos territoires, quel soutien comptez-vous apporter aux près de 900 000 automobilistes des métropoles de Paris et de Lyon, et aux millions d’automobilistes qui viennent y travailler et qui vont devoir envoyer leurs voitures à la casse d’ici neuf mois, en Afrique ou en Europe de l’Est ? Car c’est bien cela la triste réalité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Philippe Tabarot, si je résume les épisodes précédents, vous considériez que 43 ZFE c’était trop, qu’il y avait un risque et qu’il fallait tenir compte de l’amélioration tendancielle de la qualité de l’air. Et maintenant j’ai le sentiment que vous me reprochez qu’il n’y ait plus que 2 ZFE actives et 41 qui ne le sont plus. Je serais tenté de répondre que, de ce point de vue, nous avons écouté vos remarques et tenu compte de la nécessité de prendre en considération les résultats, sans se braquer sur les modalités.
Par ailleurs, vous avez évoqué les annonces que j’ai faites à l’occasion d’une récente conférence de presse. Oui, les chiffres de la qualité de l’air pour 2023 montrent que nous avons enregistré sur cinq ans une amélioration de 46 % de la qualité de l’air, qu’il s’agisse du dioxyde d’azote ou des particules fines. Seuls deux territoires dépassent aujourd’hui les seuils.
On peut évidemment se réjouir que la qualité de l’air s’améliore tendanciellement et de façon accélérée, notamment en raison de l’électrification d’une partie du parc, de l’augmentation de la pratique du vélo, etc.
Vous souhaitez que l’on s’emploie à mieux soutenir les Français dans ces changements de motorisation. Je citerai un seul chiffre : au cours de la seule année dernière, 1 million de véhicules sont sortis des catégories Crit’Air 3, 4, 5 et « non classés ». Ce résultat n’est pas seulement le fruit des mesures gouvernementales, sans doute, mais les 1,5 milliard d’euros que nous y avons consacrés y ont toutefois contribué.
Sur le leasing, il y a quelques mois, vous nous disiez qu’il fallait prendre garde à mettre en œuvre une politique qui favoriserait les importations chinoises. Nous vous avons écoutés et nous avons restreint le dispositif aux véhicules construits en France et en Europe. Nous avons donc plafonné les aides aux 50 000 premiers véhicules, soit le double de ce que nous avions initialement prévu. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je m’attendais à ce que vous vous réjouissiez, à ce que vous me disiez que j’avais fait droit à quatre des sept articles de la proposition de loi relative aux zones à faibles émissions mobilité que vous avez déposée sur le bureau du Sénat le 7 juillet dernier ; pour les remerciements, je repasserai, mais l’essentiel est que nous avancions ensemble dans la même direction… (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Emmanuel Capus. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour la réplique.
M. Philippe Tabarot. Monsieur le ministre, vous étiez un roi de la communication : vous êtes désormais un as de la magie ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
situation des centres de rétention administrative
M. le président. La parole est à M. Christophe Chaillou, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Christophe Chaillou. Monsieur le ministre de l’intérieur et des outre-mer, un nouveau centre de rétention administrative (CRA) a ouvert le 5 février dernier à Olivet, dans le département du Loiret, dont je suis élu.
Cette ouverture s’est déroulée dans un contexte difficile, avec le sentiment d’une certaine impréparation, le Loiret étant un département particulièrement sous-doté en policiers, en magistrats, en greffiers et en médecins, tous indispensables dans les processus liés à la rétention administrative, d’où l’inquiétude manifestée devant la montée en puissance très rapide de ce centre.
Monsieur le ministre, je souhaite vous alerter et alerter par la même occasion le reste du Gouvernement sur la nécessité de pourvoir le plus rapidement possible tous les postes – police, justice, préfecture – liés à l’ouverture de ce centre.
Les agents affectés aux CRA – dont de nombreux jeunes policiers sortis de l’école – doivent être soutenus et accompagnés, y compris pour veiller à ce que leurs missions s’exercent dans le respect des droits fondamentaux de la personne humaine, alors même que le profil des individus retenus est de plus en plus difficile – et aussi de plus en plus jeune –, compte tenu des instructions visant à privilégier le placement des profils les plus dangereux pour l’ordre public.
Au-delà du centre d’Olivet, le constat est largement partagé : la mobilisation des moyens financiers et humains pour ces centres est considérable, y compris au regard de l’effectivité réelle des mesures d’éloignement. Les interrogations sont nombreuses : la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté nous alertait l’an dernier sur ce sujet.
Il est temps de nous interroger sur les procédures, sur le fonctionnement et, plus largement, sur le sens que nous devons donner à ces centres de rétention, et ce dans le respect des principes fondamentaux de notre République.
Monsieur le ministre, ma question est la suivante : la trajectoire établie par la loi du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) – plus de 1 000 places supplémentaires – est-elle réaliste au regard des moyens budgétaires à mobiliser et des mesures d’éloignement réellement exécutées ? Permettra-t-elle d’améliorer les conditions d’exercice pour les policiers et les magistrats et de mieux prendre en charge les personnes retenues dans le respect de leurs droits fondamentaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur, oui, la Lopmi prévoit – je remercie d’ailleurs le groupe socialiste, auquel vous appartenez, de l’avoir soutenue, et c’était un soutien franc et massif ; le fait que le groupe socialiste vote pour un texte du ministère de l’intérieur est chose assez rare pour que je m’en souvienne…
M. Rachid Temal. Nous sommes exigeants !
M. Gérald Darmanin, ministre. La Lopmi prévoit, disais-je, la création de places dans des centres de rétention administrative, centres qui, d’ailleurs, ont été imaginés et créés par un gouvernement socialiste voilà plus de quarante ans.
Les places en CRA sont importantes et leur nombre doit doubler d’ici à 2027. J’ai annoncé en octobre dernier les sites retenus : Dijon, Oissel, Nantes, Béziers, Aix-en-Provence, Goussainville, Nice, Olivet, Mérignac, Mayotte ainsi que le Dunkerquois. Ces constructions sont en cours, et certaines seront même inaugurées prochainement. Je me rendrai dans quelques jours à Olivet, dans le Loiret, pour inaugurer le nouveau centre de rétention administrative, qui a déjà commencé à fonctionner.
Pourquoi la rétention est-elle très importante ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas la question !
M. Gérald Darmanin, ministre. Tout d’abord, parce que nous avons changé de stratégie : nous plaçons désormais dans les centres de rétention administrative uniquement les personnes qui posent des problèmes d’ordre public ou qui constituent une menace de nature terroriste pour le territoire.
Ainsi, nous ne mettons désormais plus dans ces centres les mineurs, conformément à la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration ; celle-ci, vous ne l’avez pas votée en revanche, chacun s’en souvient, et je regrette d’ailleurs que vous n’ayez pas voté pour l’interdiction, proposée pour la première fois par un gouvernement, de placer des mineurs dans des centres de rétention administrative.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous avons voté pour cette mesure !
M. Gérald Darmanin, ministre. On n’y trouve donc plus que des personnes poursuivies pour des faits qui touchent à l’ordre public. Aussi, en effet, pour les magistrats comme pour les policiers, le travail y est plus difficile, car il s’agit d’individus dangereux. Pendant le temps de leur placement dans les CRA, ces personnes ne sont donc plus à l’extérieur et attendent, sous l’autorité du juge des libertés et de la détention, leur décision d’éloignement. On expulse trois fois plus de personnes lorsqu’elles sont placées dans des CRA que quand elles ne le sont pas. C’est la raison pour laquelle je vous remercie d’avoir voté pour la Lopmi, qui nous permet d’ouvrir 30 000 places de CRA. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’était pas la question !
M. le président. La parole est à M. Christophe Chaillou, pour la réplique.
M. Christophe Chaillou. Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu à ma question, qui portait sur les moyens prévus pour faire fonctionner ces centres. Vous êtes le bienvenu dans le Loiret, où vous avez d’ailleurs annoncé le 1er janvier dernier la création de dix postes de policiers supplémentaires à Montargis ; on les attend encore !
Dans ce domaine, on peut communiquer, on peut inaugurer, mais il faut aller à l’essentiel…
M. le président. Il faut conclure !
M. Christophe Chaillou. … en donnant des policiers, des gendarmes et des magistrats si l’on veut que cela fonctionne réellement ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Martin Lévrier applaudit également.)
sécheresse dans les pyrénées-orientales
M. le président. La parole est à Mme Lauriane Josende, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Lauriane Josende. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Monsieur le ministre, vous êtes le ministre de la cohésion des territoires. Chacun connaît la sécheresse historique qui sévit dans les Pyrénées-Orientales. Nous vivons un véritable drame, dans lequel nous ne cessons de nous enfoncer ! Chaque jour, des élus, des habitants et des acteurs économiques manifestent leur colère. Ils proposent des solutions, font preuve d’inventivité, se battent pour faire de cette crise climatique une force, un atout pour l’avenir, mais rien ne bouge, aucun projet n’avance !
Samedi dernier, 4 000 personnes ont manifesté contre un projet de golf, largement approuvé par les autorités, à Villeneuve-de-la-Raho, certains manifestants menaçant de « zadiser » notre territoire.
Depuis des mois, nous attendons un message d’espoir, celui d’un État qui prendrait enfin ses responsabilités. Nous attendions notamment la nomination d’un « préfet de l’eau » en Occitanie. Or, vendredi dernier, votre gouvernement a publié l’avis de vacance d’emploi. Quelle déception, monsieur le ministre : il sera chargé « de la gestion de l’eau sur le bassin Adour-Garonne »…
On nous dit que nos départements littoraux dépendent du préfet d’Auvergne-Rhône-Alpes, une autre région que la nôtre. Cette annonce est totalement incompréhensible, sauf à vouloir dire, monsieur le ministre, que nous allons enfin bénéficier de l’eau du Rhône, le tuyau actuel s’arrêtant à Narbonne…
La sécheresse que nous subissons est unique en France par son intensité et par ses conséquences. À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles.
Monsieur le ministre, ma question est simple : allez-vous vous engager personnellement pour que l’eau du Rhône soit enfin acheminée jusque dans les Pyrénées-Orientales ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Josende, il y a quelques jours, nous avons présenté, comme chaque année au mois de mars, l’état des nappes phréatiques au début du printemps.
Il y a un an, les trois quarts des nappes étaient en dessous des normales de saison, contre seulement un tiers aujourd’hui. Pour autant, certaines situations nous préoccupent, dont celle d’un département, qui est dans une situation unique en France – et je corrobore d’ailleurs tous vos propos –, ce sont les Pyrénées-Orientales. Dans ce département, le déficit d’humidité des sols atteint 90 % ; il n’est quasiment plus tombé une goutte d’eau depuis le mois de juin 2022 et, depuis cette date, le département n’a pas connu un seul mois sans restriction d’usage…
Avant de vous répondre, je veux vous saluer, vous et l’ensemble des élus et responsables de votre département, qui vivez ainsi depuis deux ans, en faisant front. La consommation d’eau potable a diminué de 30 % l’été dernier à l’échelle de la communauté urbaine de Perpignan ; quand on sait que ce territoire vit du tourisme et de l’agriculture, on mesure l’effort que cela représente !
Je me rendrai demain, à l’occasion du salon des maires, dans les Pyrénées-Orientales, pour une séance de travail sur l’eau. J’aurai évidemment l’occasion de prendre la parole sur les sujets que les élus et les chambres d’agriculture ont signalés au préfet : les canaux, les fuites, la réutilisation des eaux usées et les projets beaucoup plus structurants, comme celui que vous avez cité, qui représente un demi-milliard d’euros ; vous comprendrez donc que l’hémicycle du Sénat pendant la séance de questions d’actualité au Gouvernement ne se prête pas à des annonces sur de tels projets…
Je viens sur place demain pour discuter et pour dialoguer avec les élus. Je viens pour valoriser les six projets de retenue et de réutilisation d’eaux usées qui ont été autorisés au cours des six derniers mois à la demande des élus. Et je viens pour tracer un chemin. Il y a une nécessité absolue sur ce territoire, il faut apporter des réponses exceptionnelles. Ce sera la raison de ma présence à vos côtés dans quelques heures. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Lauriane Josende, pour la réplique.
Mme Lauriane Josende. Je serai à vos côtés demain, nous échangerons ensemble avec les élus et vous pourrez prendre vous-même la température… Nous n’avons pas besoin de mesurettes ni d’effets d’annonce, nous avons besoin d’un engagement fort.
Les mesures à un milliard d’euros ou à un demi-milliard ne sont même pas chiffrées, puisqu’aucune étude n’a été réalisée. Commençons donc par le commencement : engagez-vous au moins à étudier ce projet si l’on veut un jour pouvoir le réaliser. Personne n’imagine que le tuyau se fera du jour au lendemain. Tout le monde consent à faire des efforts au quotidien. Montrons que l’action publique a encore un sens. Il y va de l’avenir politique et de la survie économique de ce département ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Émilienne Poumirol et M. Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudissent également.)
dispositif france ruralités revitalisation
M. le président. La parole est à Mme Françoise Dumont, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Françoise Dumont. Monsieur le ministre, le dispositif de zonage appelé « zone de revitalisation rurale » (ZRR) prendra fin, pour nos communes rurales, le 30 juin 2024. À compter du 1er juillet suivant, un nouveau dispositif, appelé zones « France Ruralités Revitalisation » (FRR), verra le jour pour le remplacer.
Pour autant, il semble y avoir plusieurs difficultés dans le passage de relais entre les deux dispositifs.
Ainsi, pour le département du Var, dont je suis élue, 30 communes doivent être zonées « FRR », ce dont nous pouvons nous réjouir, mais 13 petites communes se retrouveront sans solution de substitution, c’est-à-dire en sortie « sèche ».
Cette question se pose partout en France. C’est pourquoi, dans son communiqué de presse, du 14 mars dernier, l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) « propose au Gouvernement un moratoire ouvert à toutes les communes qui le demandent », comme « celui que l’État a admis pour les communes de Saône-et-Loire, afin de permettre un réexamen de leur situation ».
Monsieur le ministre, comment le Gouvernement entend-il accompagner l’ensemble des communes sortant du dispositif ZRR ? Seriez-vous prêt à envisager, comme le propose l’AMF, « un moratoire ouvert à toutes les communes qui le demandent » ? Nos maires ont besoin de réponses ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Dumont, permettez-moi d’abord de vous présenter les excuses de la ministre Dominique Faure, en déplacement dans les outre-mer, qui se serait fait une joie de vous répondre elle-même.
Il ne vous aura pas échappé qu’il y a eu sur ce sujet plusieurs épisodes. Le premier s’est passé ici. Sur l’initiative de sénateurs de tous bords, il a été décidé que le dispositif FRR inclurait 17 700 communes. Je salue l’engagement du Sénat, qui a souhaité s’assurer que le nombre de communes accompagnées serait important.
Dans ce contexte, lors de l’application des critères, nous nous sommes rendu compte que certaines communes sortaient du dispositif et que d’autres y entraient. Dans le département du Var, par exemple, il y a des entrants et quelques sortants. Comme à chaque fois qu’il existe des effets de seuil, il faut une capacité d’individualisation et de suivi afin que les préfets puissent prévoir des dispositifs de rattrapage. On me signale, par exemple, le cas de Vinon-sur-Verdon, commune isolée au sein d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) qui, lui, est zoné FRR, mais, l’EPCI étant situé sur deux départements différents, la situation est difficile à comprendre et à objectiver. Voilà typiquement un cas pour lequel nous nous efforçons d’apporter des réponses.
Un département a effectivement fait l’objet d’un moratoire, car des dizaines de communes y étaient concernées. Cette décision a été prise par le Premier ministre, qui suit personnellement, aux côtés de Dominique Faure, la totalité des dossiers.
Dans votre département, la situation d’une dizaine de communes est examinée de manière extrêmement précise au regard des effets de zonage et des risques de dézonage. La discussion avec l’AMF se poursuit. Dominique Faure sera ravie de redevenir votre interlocutrice dans quelques jours sur le sujet.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Dumont, pour la réplique.
Mme Françoise Dumont. Monsieur le ministre, souvent le Sénat a raison trop tôt. Aujourd’hui, nous en avons encore l’illustration.
En effet, les sénateurs – dont notamment notre collègue, Rémy Pointereau, qui a beaucoup travaillé sur ce sujet – avaient proposé un mode de calcul du nouveau zonage par commune. Mais le Sénat a accordé sa confiance au Gouvernement et vous avez finalement fait un autre choix.
Le mode de calcul par intercommunalité et bassin de vie, que vous avez choisi, n’est pas adapté, car il suffit d’une commune « riche » pour faire basculer tout un ensemble en dehors du dispositif, en excluant, de facto, des communes rurales qui en auraient pourtant besoin.
N’inventez pas le zonage rural sans les communes rurales ! La bonne solution est celle qui était proposée par le Sénat : il faut « repêcher » l’ensemble des communes laissées sur le bord du chemin et les faire enfin entrer dans le nouveau dispositif. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre-Alain Roiron et Mme Marie-Claude Varaillas applaudissent également.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 27 mars 2024, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Alain Marc.)
PRÉSIDENCE DE M. Alain Marc
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein des commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels et de la proposition de loi visant à soutenir l’engagement bénévole et simplifier la vie associative ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
6
Justice patrimoniale au sein de la famille
Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Union Centriste, la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille (proposition n° 266, texte de la commission n° 417, rapport n° 416).
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis particulièrement heureux d’être parmi vous alors que Sénat examine, dans l’ordre du jour réservé au groupe Union Centriste, la proposition de loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille, adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale en janvier dernier.
L’inscription de cette proposition de loi à l’ordre du jour du Sénat quelques semaines seulement après son adoption par l’Assemblée nationale démontre notre engagement commun en faveur de l’une des grandes causes du quinquennat : la lutte contre les violences conjugales. Je tiens à remercier le président Hervé Marseille, la rapporteure Isabelle Florennes et l’ensemble des sénateurs centristes qui ont permis que la Haute Assemblée procède rapidement à la discussion en séance publique de ce texte important.
Pour être pleinement efficace, cette lutte doit évidemment être menée sur le plan pénal, mais aussi dans d’autres domaines qui peuvent, de prime abord, apparaître moins évidents, comme le droit patrimonial et le droit fiscal.
La proposition de loi que vous allez examiner s’inscrit dans ce cadre, puisqu’elle vise de manière tout à fait opportune à combler une grave carence de notre droit des régimes matrimoniaux.
Je veux ici dire à tous les « pseudo-sachants », juristes de pacotille, qui, sur les réseaux sociaux, se sont empressés de proclamer, avec l’arrogance qui sied aux ignorants, que cette loi était inutile, qu’ils se trompent gravement puisqu’elle vient combler un véritable trou dans la raquette – si vous me permettez cette métaphore tennistique ! (Sourires.)
En l’état du droit, l’époux qui a provoqué ou tenté de provoquer la mort de son conjoint peut, sans encombre, tirer profit des avantages matrimoniaux insérés dans le contrat de mariage qui n’auraient pas produit effet si la victime n’était pas décédée avant lui.
Pour ne citer qu’un exemple, un époux meurtrier peut bénéficier de la clause d’attribution intégrale de la communauté qui lui permet de jouir de la pleine propriété, au décès de son conjoint, de l’ensemble des biens communs. C’est un comble !
Cette lacune de notre droit est tout simplement insupportable et injuste, et un époux meurtrier ne devrait jamais pouvoir tirer un quelconque bénéfice de son crime.
Je salue donc l’initiative du député Hubert Ott, qui a déposé ce texte sur le bureau de l’Assemblée nationale il y a quelques semaines, ainsi que le travail de coconstruction entre les rapporteures de l’Assemblée nationale et du Sénat, d’une part, et mon ministère, d’autre part : leur collaboration a permis d’améliorer et d’enrichir ce texte particulièrement technique et complexe, afin de toujours mieux protéger l’époux victime.
Ainsi, l’article 1er de la proposition de loi, tel que l’a adopté votre commission des lois, crée un nouveau régime juridique, celui de la déchéance matrimoniale, qui est parfaitement autonome de celui de l’indignité successorale et de l’ingratitude.
Les problématiques au sein du couple étant différentes de celles que l’on rencontre dans le cadre du droit des successions ou du droit des libéralités, la création d’un dispositif distinct se justifie pleinement, afin d’assurer une protection adaptée des victimes.
La navette parlementaire et le travail de votre commission ont permis de renforcer et de sécuriser ce nouveau régime juridique de la déchéance matrimoniale, en allant encore plus loin dans la protection des victimes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la France, au cours de ces dernières années, en particulier ces derniers mois, est bel et bien au rendez-vous de la protection des victimes de violences intrafamiliales.
Votre vote mettra, je l’espère, un terme à une aberration de notre droit, afin que désormais il n’y ait plus, plus jamais, de prime au crime ! (Applaudissements sur toutes les travées.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis particulièrement heureux d’être parmi vous aujourd’hui pour débattre de la proposition de loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille.
Lors de l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2024, nous avions examiné des amendements visant à revoir les conditions d’examen des décharges de responsabilité solidaire (DRS), défendus par nombre d’entre vous. Je m’étais engagé à travailler sur le sujet. C’est chose faite, et je salue le travail des députés Perrine Goulet et Hubert Ott et de la sénatrice Isabelle Florennes.
Ce travail collectif, auquel nous avons collaboré dès le mois de décembre, nous permet aujourd’hui d’examiner une solution dont je souhaite vous détailler les conditions de mise en œuvre par l’administration fiscale.
En l’état actuel du droit, existe une procédure, la décharge de responsabilité solidaire, qui représente environ 200 demandes par an, dont moins de la moitié sont refusées. Ces refus tiennent à l’absence de disproportion marquée entre le patrimoine et la dette fiscale dont la personne est tenue solidairement responsable avec son conjoint.
Dès lors qu’il n’y a pas de caractère disproportionné, un conjoint peut être tenu de rembourser une dette fiscale contractée par son partenaire à son insu y compris en recourant à des mécanismes de fraude. Dans la plupart des cas, ce sont les femmes qui sont tenues de rembourser, alors même que, le plus souvent, ce sont aussi elles qui subissent un préjudice financier au moment du divorce ou de la séparation. C’est en quelque sorte la double peine.
Ces situations, particulièrement difficiles, peuvent plonger des femmes, mais aussi des hommes, dans un état de désarroi et de détresse. Nous devons les prendre en compte.
Il nous faut bien entendu inscrire nos travaux sur les évolutions de la décharge de responsabilité solidaire dans le cadre constitutionnel. Je sais que la commission des lois est particulièrement vigilante sur ce point.
C’est pourquoi, à l’issue du travail mené en janvier, l’Assemblée nationale a décidé de mettre en place un dispositif complémentaire : la faculté pour la personne victime de solliciter une décharge gracieuse de la dette fiscale pour laquelle elle est solidairement tenue responsable. Je souhaite prendre d’ores et déjà trois engagements pour la mise en œuvre de cette disposition complémentaire.
Premièrement, cette procédure complémentaire sera appréciée indépendamment de tout critère de disproportion marquée entre le patrimoine et la dette fiscale, qui représente la principale raison de refus des demandes de DRS. Il s’agit donc d’un apport majeur de nature à répondre à des situations humaines particulièrement difficiles.
Deuxièmement, cette procédure doit nous permettre de prendre en considération l’origine des revenus frauduleux. Dans beaucoup de cas, la personne découvre des revenus, des activités de son conjoint dont elle n’avait pas connaissance. Je demanderai à l’administration fiscale d’en tenir compte dans l’instruction des dossiers de décharge gracieuse. Il n’est pas juste qu’un conjoint soit tenu responsable de dettes dont il n’avait pas connaissance.
Troisièmement, la situation individuelle de la personne sera prise en compte, notamment en cas de violences conjugales, de séparation brutale, d’abandon du domicile conjugal, d’entrave au partage des biens conjugaux ou de non-versement de la prestation compensatoire prévue par le juge matrimonial.
Ces engagements, je les prends devant vous avec solennité et détermination pour vous convaincre de notre volonté sans faille de faire avancer la justice fiscale entre les femmes et les hommes. (Mme Laure Darcos applaudit.)
C’est le fruit d’échanges nourris avec les associations engagées sur le sujet, notamment le collectif des femmes divorcées victimes de la solidarité fiscale, auquel je rends un hommage appuyé pour son implication et le combat qu’il mène au nom de toutes les femmes.
S’agissant de la décharge de responsabilité solidaire, sur laquelle plusieurs amendements ont été déposés, je souhaite prendre un autre engagement : dans la phase de recouvrement, les biens acquis avant le mariage et issus d’un héritage ne seront pas recherchés pour une personne tenue solidairement responsable d’une dette fiscale.
Ce sont ces deux procédures – décharge de responsabilité solidaire et décharge gracieuse de la dette fiscale – et la façon de les mettre en œuvre qui nous permettront de répondre aux situations difficiles et parfois injustes que j’ai évoquées.
Par ailleurs, si vous adoptez ce texte, j’aurai à cœur de travailler sur deux autres points lors de la suite de nos travaux.
D’abord, les engagements que je prends devant vous seront traduits dans la doctrine fiscale, qui est opposable à l’administration. D’ici à sa publication, un échange sera conduit entre les associations engagées sur le sujet et mes services, pour préciser les grands critères que je vous présente aujourd’hui. Cela permettra d’alimenter et d’adapter la doctrine fiscale, sur laquelle les acteurs du sujet seront à nouveau consultés juste avant sa publication.
Ensuite, la nouvelle procédure de décharge gracieuse sera applicable de façon rétroactive. Le Gouvernement a déposé un amendement en ce sens. C’est le signe de notre volonté et de notre ambition : apporter une réponse aux victimes qui ont déjà engagé des démarches et auxquelles le dispositif actuel de DRS n’a pu apporter de réponse.
Ces engagements, je les prends devant vous et je souhaite que nous les suivions ensemble pour veiller à leur bonne application. Si ce texte est adopté, nous serons en mesure, d’ici au prochain projet de loi de finances, d’en apprécier l’application pour vérifier qu’elle est conforme à notre intention.
La lutte contre les violences faites aux femmes et pour l’égalité entre les femmes et les hommes est, depuis bientôt sept ans, une priorité du Président de la République et des gouvernements successifs. Depuis sept ans, les avancées se sont succédé : la dernière en date est celle du 8 mars dernier, avec l’inscription de la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution. (M. le garde des sceaux opine.)
Si ces avancées sont autant de combats gagnés en faveur de l’égalité, il reste encore du chemin. Nous avons déjà adopté en PLF le taux individualisé par défaut pour le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, défendu par Marie-Pierre Rixain. Dès l’année prochaine, le budget de la France intégrera davantage les enjeux de l’égalité entre les hommes et les femmes, sous l’impulsion de Sandrine Josso, Céline Calvez et Véronique Riotton.
Désormais, notre objectif est que la solidarité fiscale cesse d’être un fardeau pour les femmes. Avec ce texte, nous conjuguons encore un peu plus la fiscalité avec l’égalité.
Grâce à votre action et à celle des sénateurs, monsieur le garde des sceaux, nous faisons aussi un pas supplémentaire en mettant fin à un monde dans lequel un homme qui tue sa femme peut récupérer, au décès de son conjoint, l’ensemble des biens qui appartenaient au couple.
Ce texte est donc une avancée majeure au service des droits des femmes. Nous pouvons en être fiers. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE et UC.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et SER.)
Mme Isabelle Florennes, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics, mes chers collègues, la proposition de loi soumise à notre examen n’usurpe pas son intitulé : elle fait bien œuvre de justice en comblant des lacunes de notre droit dont la permanence n’est explicable que par un oubli du législateur que nous ne pouvons que regretter.
Réparer ces oublis me paraît en cela salutaire et je tiens à affirmer mon soutien sans réserve au texte tel qu’il a été adopté par notre commission des lois. Celle-ci a en effet travaillé dans deux directions.
Premièrement, la commission s’est attachée à sécuriser juridiquement certaines dispositions du texte qui lui sont apparues problématiques. Outre l’apport de précisions rédactionnelles et sans prétendre à l’exhaustivité, elle a tâché d’élargir et de pérenniser la portée de la disposition prévue à l’article 1er bis relative à l’irrévocabilité de la clause d’exclusion des biens professionnels. Nous y reviendrons dans le cadre de la discussion, mais il me semble que nous avons trouvé une rédaction robuste, attendue de certains justiciables injustement lésés, ainsi que d’un grand nombre de professionnels, des notaires aux magistrats, en passant par les avocats.
Afin de sécuriser juridiquement les dispositions de la présente proposition de loi, la commission est également revenue sur des dispositifs lui paraissant excéder l’intention des auteurs du texte. Il nous a en particulier paru nécessaire de supprimer l’ajout opéré à l’Assemblée nationale de la disposition prévoyant que, dès lors qu’un époux est déchu du bénéfice des avantages matrimoniaux, toute clause stipulant un apport à la communauté par l’époux défunt de biens propres est réputée non écrite. En remettant en cause des avantages matrimoniaux prenant effet pendant le mariage et non à la dissolution du régime, une telle disposition remettrait en cause le droit de propriété de l’époux déchu sur des biens acquis et sur lesquels il exerce déjà une jouissance. Sa constitutionnalité paraissant incertaine et son application concrète source de complexités, nous avons préféré supprimer cette mesure.
Deuxièmement, la commission s’est attachée à donner toute son ampleur à un geste législatif parfois inopportunément interrompu.
À cet égard, la commission a tout d’abord souhaité compléter le dispositif de déchéance matrimoniale prévu à l’article 1er de la proposition de loi, en apportant une réponse aux cas d’emprise. La commission a ainsi supprimé une disposition de « pardon » par l’époux victime du conjoint maltraitant, voire meurtrier, et étendu l’obligation faite à l’époux déchu de rendre les fruits et revenus d’un avantage matrimonial dont il a eu la jouissance depuis la dissolution du régime matrimonial à tous les cas de déchéance, y compris ceux qui sont prononcés à titre facultatif.
La commission a également souhaité assouplir quelque peu les conditions d’octroi de la décharge de responsabilité solidaire en matière fiscale, en prévoyant la suppression des exceptions au principe d’une décharge totale des pénalités d’assiette et intérêts de retard, qui ne se justifient pas dès lors qu’elles font peser sur le conjoint ou l’époux vertueux la charge indue de la sanction du comportement frauduleux de son époux ou conjoint.
Si la plupart des dispositions du présent texte me paraissent parfaitement consensuelles, l’essentiel de notre discussion portera sur ce dernier point. Les conditions d’octroi d’une décharge de responsabilité solidaire ont ainsi fait l’objet de plusieurs amendements.
Sur ce sujet, sans préjuger du vote de notre assemblée, je souhaite attirer votre attention, chers collègues, sur plusieurs points.
En premier lieu, dans sa version issue des travaux de la commission, le texte prévoit déjà des avancées notables. C’est tout particulièrement le cas de la possibilité d’une décharge à titre gracieux, qui doit précisément permettre à l’administration fiscale de tenir compte de cas de femmes qui, bien que solvables, sont placées, par la violence de leur conjoint, l’ampleur de la fraude qu’il a commise ou leur méconnaissance de cette dernière, dans une situation telle qu’il est injustifié de leur demander le paiement solidaire de la dette fiscale contractée à leur insu par leur conjoint.
J’ai écouté, monsieur le ministre délégué, les précisions que vous avez apportées sur la doctrine qui sera transmise à votre administration fiscale ainsi que vos engagements. Vos réponses étaient en effet attendues ; il me semble qu’elles devraient rassurer certaines victimes sur les suites données à leur demande.
En second lieu, je souhaite que nous prêtions une attention particulière à toute modification législative supplémentaire en la matière : nous ne saurions, par l’adoption d’une disposition inconstitutionnelle rapidement censurée ou d’un dispositif inopérant, créer des attentes vouées à être déçues. Soyons donc prudents : le sujet me paraît trop grave pour que nous fassions preuve d’une quelconque légèreté.
Dès lors, il me semble que la législation en la matière ne saurait, sauf à la vider de son sens, être modifiée dans son économie générale. Si des ajustements sont envisageables, nous pouvons certes les apporter ; mais je tiens surtout à souligner le rôle qui incombera à l’administration fiscale, sous votre responsabilité, monsieur le ministre délégué, dans l’appréciation, au cas par cas, de la situation de chacun des demandeurs. Je fais d’ailleurs confiance à ses agents pour mener à bien cette nouvelle mission, mais également à notre assemblée pour en contrôler la mise en œuvre future : la confiance n’exclut pas le contrôle !
Je vous propose donc, chers collègues, d’adopter la présente proposition de loi.
Je remercie enfin Hubert Ott et Perrine Goulet pour leur excellent travail à l’Assemblée nationale et pour les avancées qu’ils ont apportées à ce texte, notamment au bénéfice des femmes. Je remercie également mes collègues du groupe Union Centriste de m’avoir fait confiance et d’avoir soutenu l’inscription de ce texte à l’ordre du jour. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Masset.
M. Michel Masset. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre délégué, chers collègues, la proposition de loi que nous nous apprêtons à examiner est très attendue, tant par la jurisprudence et la doctrine juridique que par les associations et les syndicats de notaires.
Le mot de « justice » au sein de son intitulé n’est en rien disproportionné avec le dispositif proposé.
C’est en effet un texte important, qui vise à améliorer sensiblement la protection patrimoniale des personnes liées par le mariage ou par un pacte civil de solidarité (Pacs), quand l’article 1er résout une lacune grave de notre droit civil.
Au nom des membres du groupe RDSE, je félicite les députés qui ont adopté ce texte à l’unanimité ainsi que Mme la rapporteure pour le travail qu’elle a réalisé et qui répond aux attentes formulées à l’endroit de cette proposition de loi.
L’article 1er ne suscite aucune contestation de notre assemblée sur le fond. Le droit positif conduit à une situation « proprement intolérable, ubuesque, injuste » pour reprendre vos mots, monsieur le garde des sceaux. C’est une disposition urgente et nécessaire, que nous avons pleinement approuvée dans son principe en commission, et dont nous avons renforcé la portée, afin de prémunir les victimes d’une potentielle situation d’emprise. La fin de cette prime au crime est un impératif de justice.
La suppression de l’article 1er bis A a été justifiée par la rapporteure, qui a fondé son raisonnement sur le fait que le texte proposé était déjà en partie satisfait et sur la charge disproportionnée qu’une telle mesure ferait peser sur l’époux survivant.
L’article 1er bis, ajouté par les députés, a fait l’objet d’un consensus au sein de notre commission. Il vise à exclure les biens professionnels du calcul de la créance de participation dans le cadre d’un divorce si telle est la volonté des époux.
Cet article, attendu par la Cour de cassation, va certes dans le bon sens, mais les auteurs de doctrine soulèvent qu’il était possible d’aller plus loin. Multiplier les exceptions à la révocabilité des clauses matrimoniales ne nous exemptera pas de repenser le principe posé par l’article 265 du code civil.
Enfin, les articles 2 et 2 bis concernent la décharge de responsabilité solidaire d’un des époux au regard des dettes contractées par son conjoint dans certains cas spécifiques. C’est encore une fois une exigence de justice.
La solidarité fiscale des époux ou des partenaires d’un Pacs peut donner lieu à des situations dont les femmes sont les principales victimes.
D’une part, il est proposé d’élargir la marge de manœuvre de l’administration fiscale afin de proposer des réponses adaptées à la spécificité des situations, et donc de mieux protéger les personnes.
D’autre part, l’ajout de la commission vise à renforcer la protection des époux en supprimant les exceptions à la décharge de paiement en cas de décharge de responsabilité solidaire lorsque l’un des époux a eu un comportement frauduleux à l’égard de l’administration fiscale.
Bien que nous traitions ici seulement des conséquences civiles d’un comportement répréhensible, cet ajout proposé par la rapporteure me semble découler du principe de responsabilité individuelle en droit pénal. C’est une mesure juste.
Même unis par un régime matrimonial, les époux ne peuvent être considérés comme solidaires dans la responsabilité des conséquences civiles d’infractions commises par l’un d’eux, particulièrement lorsque l’époux victime se retrouve souvent à devoir assumer seul les charges parentales.
Ainsi, eu égard aux avancées importantes qui sont proposées, le groupe RDSE votera à l’unanimité le principe de cette initiative parlementaire et les modifications apportées jusqu’ici par notre commission. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, alors que la lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que celle contre les violences conjugales, figure au rang de nos priorités, décrétée grande cause du quinquennat, il subsiste dans notre droit certaines incohérences législatives – pour ne pas dire certains archaïsmes –, particulièrement préjudiciables aux victimes de violences conjugales.
Rappelons, s’il en est besoin, que ce sont en très grande majorité les femmes qui sont victimes de ces violences. En 2022, 81 % des victimes d’homicides conjugaux étaient des femmes, tandis que leurs auteurs étaient pour 84 % d’entre eux des hommes, selon les statistiques de la délégation aux victimes du ministère de l’intérieur.
Les 118 décès de femmes survenus en 2022 des suites de violences conjugales constituent une réalité préoccupante de notre société, une réalité insupportable, à laquelle le droit des régimes matrimoniaux reste étonnamment – scandaleusement – indifférent, puisqu’il permet au conjoint ayant provoqué ou tenté de provoquer la mort de son partenaire de bénéficier des avantages tirés du fonctionnement de leur régime matrimonial.
Alors que l’on a coutume de dire que le crime ne paie pas, il était plus que temps de mettre fin à ces situations.
C’est l’un des objectifs de cette proposition de loi, et je tiens ici à exprimer ma gratitude envers son auteur, le député Hubert Ott, pour son initiative et son engagement en faveur de la lutte contre les violences intrafamiliales.
Ainsi, le texte prévoit un dispositif de déchéance des avantages matrimoniaux largement inspiré de celui de l’indignité successorale.
Les travaux de l’Assemblée nationale ont par ailleurs abouti à l’ajout d’un nouvel article en matière matrimoniale.
L’article 1er bis permet de mieux garantir la protection des époux en cas de divorce, en garantissant l’irrévocabilité des clauses d’exclusion des biens professionnels.
L’article 2 traite des situations où des contribuables – là encore, ce sont souvent des femmes – peuvent être tenus de rembourser des dettes fiscales contractées à leur insu par leur ex-conjoint du temps de leur union.
Dans ces situations, la mise en œuvre effective du principe de solidarité fiscale conduit à considérablement fragiliser la situation économique de la personne injustement redevable.
Aussi, le texte assouplit les conditions dans lesquelles le conjoint injustement tenu au paiement d’une dette fiscale peut bénéficier d’une décharge de responsabilité solidaire et ouvre la possibilité pour l’administration de prononcer une décharge gracieuse, en faisant abstraction du critère de disproportion marquée.
Lors de l’examen du texte par la commission des lois, la rapporteure Isabelle Florennes, dont je tiens à saluer le travail, a déposé des amendements pertinents visant à sécuriser les principales mesures du texte tout en confortant l’objectif fixé par ses auteurs.
Ainsi, des modifications ont été apportées aux dispositifs de déchéance des avantages matrimoniaux. Elles visent à prévenir des situations dans lesquelles le conjoint auteur de violences pourrait exercer une emprise sur la victime. Cela nous semble aller dans le bon sens. Il en va de même de l’élargissement de la décharge de responsabilité solidaire à d’autres pénalités, ainsi que de la suppression des exceptions au principe d’une décharge totale, dès lors que les pénalités visées reviennent à faire peser sur le conjoint vertueux le poids des agissements frauduleux de son ex-conjoint. Si nous souscrivons sur le principe à cet apport de la rapporteure, nous émettons toutefois des doutes quant à l’efficacité du dispositif.
Mes chers collègues, l’objectif du texte dépasse largement les appartenances partisanes. Il s’agit de faire en sorte que les valeurs de justice, d’égalité, mais aussi de liberté, qui sont au fondement même de notre pacte républicain, soient respectées, et ce jusque dans la famille.
Cette proposition de loi est aussi l’occasion de réitérer notre refus des violences conjugales et de redire notre condamnation la plus ferme de leurs auteurs, auxquels elles ne sauraient profiter.
Vous l’aurez compris, le groupe RDPI votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE. – Mme Elsa Schalck applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Hussein Bourgi. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la solidarité fiscale entre conjoints, qu’ils soient mariés ou pacsés, est un principe fondamental en droit patrimonial. Cependant, au cours d’un divorce, lors de la dissolution d’un Pacs ou encore lorsque survient le décès d’un des conjoints, elle peut se transformer en une profonde injustice et accentuer les inégalités entre les ex-conjoints.
En effet, en cas de séparation, une dette fiscale peut peser injustement sur l’un des ex-conjoints. Dans 80 % des cas, ce sont des femmes qui sont concernées.
Cette solidarité fiscale suscite alors une violence inouïe, avec des conséquences particulièrement dramatiques dans certains cas. Cette triste réalité, c’est celle que subissent chaque année des milliers de femmes qui se retrouvent ainsi surendettées et parfois même spoliées.
Notre arsenal juridique visant à les protéger de ce type de situations est – hélas ! – aujourd’hui incomplet et imparfait ; cela a été souligné tout à l’heure. Alors que notre droit a progressivement été complété et conforté pour lutter contre les violences et les inégalités subies par les femmes, il reste factuellement insatisfaisant en matière de régimes matrimoniaux.
À ce jour, une personne qui serait reconnue coupable de violences et même de la mort de son conjoint ou de sa conjointe peut valablement bénéficier, en vertu des dispositions de son contrat de mariage, d’un avantage matrimonial. Quelle ineptie ! Quel scandale ! Quelle immoralité !
Pour les époux ayant adopté le régime de la communauté universelle avec attribution intégrale au conjoint survivant, il est possible, par l’avantage matrimonial, de vider la succession de la personne assassinée et de léser ses héritiers.
Il s’agit là d’un angle mort de notre législation. Cette situation immorale se passe de tout commentaire, de tout qualificatif.
Pour faire face à ces terribles injustices, notre droit a lentement, mais insuffisamment évolué ces dernières décennies.
La loi de finances pour 2008 a notamment créé la décharge de solidarité fiscale, qui peut être accordée en cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et la situation financière et patrimoniale du demandeur.
Mais cette condition est aujourd’hui difficile à établir, en raison d’une interprétation particulièrement restrictive de l’administration fiscale.
Je ne compte plus le nombre de situations où des ex-époux ou des ex-épouses surtout se heurtent à la citadelle déshumanisée de Bercy.
M. Hussein Bourgi. En dépit du bon sens, en dépit de la raison, en dépit de l’évidence, des agents du ministère des finances refusent trop régulièrement le bénéfice de la décharge de responsabilité solidaire.
M. Hussein Bourgi. Les dossiers s’épaississent et s’empilent.
Monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics, je veux croire que les propos que vous avez tenus à cette tribune tout à l’heure valent engagement…
M. Hussein Bourgi. … pour aujourd’hui et pour demain.
De la même manière, si la loi de finances pour 2022 est venue assouplir une des conditions d’appréciation de l’état financier des conjoints lors d’une séparation, les situations d’injustice face à une dette fiscale demeurent et continuent de peser lourdement sur les femmes. Les pénalités et les majorations ressemblent parfois à de l’usure.
Dès lors, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui se donne pour ambition de remédier à ces nombreux écueils et à ces pièges, qui entravent et appauvrissent les ex-épouses.
Les dispositions de cette proposition de loi vont dans le bon sens et sont donc bienvenues.
L’article 1er prévoit la révocation d’un avantage matrimonial dans certains cas précis, notamment lorsqu’un époux attente à la vie de son conjoint ou de sa conjointe ou lorsqu’il lui fait subir des sévices. Notre groupe soutient évidemment cette disposition, qui aurait dû être incluse dans notre arsenal juridique depuis bien longtemps.
Je tiens ici à saluer le travail en commission de Mme la rapporteure, Isabelle Florennes, dont les amendements ont permis de sécuriser l’application du dispositif, tout en poussant plus loin la logique de protection.
Je pense notamment à la suppression de la notion de « pardon », présente dans la rédaction initiale de l’article.
Comme vous, chers collègues, nous pensons que, lorsqu’une victime est sous emprise, elle ne doit pas avoir la possibilité d’excuser les sévices et les violences qu’elle a subis. La société ne saurait pardonner au bourreau les atteintes à la dignité humaine qu’il a pu occasionner. De même, au nom de la morale, nous ne pouvons pas laisser un bourreau bénéficier de certains avantages matrimoniaux.
La nouvelle rédaction de l’article 1er nous semble bien plus à même d’atteindre l’objectif.
Nous avons également soutenu, madame la rapporteure, votre décision de supprimer l’article 1er bis A, visant à l’obligation d’inventaire au décès d’un des époux soumis au régime de la communauté universelle. Si nous comprenions les ambitions liées à cette disposition, vous avez su en démontrer le caractère inopérant et les formalités inutilement coûteuses qu’elle aurait pu créer.
Nous saluons également la pertinence de l’article 2 de la proposition de loi, qui modifie l’article 1691 bis du code général des impôts, encadrant les conditions d’octroi d’une décharge de responsabilité solidaire, dans le cadre d’une imposition commune.
Mes chers collègues, cette proposition de loi apporte des réponses concrètes aux injustices subies par les femmes dans notre pays. Elle vient mettre un terme à des situations invraisemblables où des époux fautifs sont susceptibles de tirer avantage de règles matrimoniales défectueuses et imparfaites. Aussi, je forme le vœu qu’elle puisse être adoptée à une large majorité. C’est en ce sens que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera en faveur de cette initiative parlementaire.
Avant de conclure, je voudrais remercier les femmes et les hommes victimes des failles et des insuffisances de notre droit. Ces femmes surtout et ces hommes ont su s’appuyer sur leur expérience douloureuse, sur leur expertise d’usage. Ils et elles ont pu bénéficier des conseils des avocats qui les ont accompagnés. Et c’est grâce à elles, grâce à eux, que nous sommes aujourd’hui réunis. Ils ont su interpeller et éclairer le législateur. J’espère que nous serons tous et toutes dignes de leur confiance et à la hauteur de leurs attentes. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDSE. – Mme Elsa Schalck applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Elsa Schalck. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Elsa Schalck. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons ce jour s’inscrit dans la lignée de notre combat commun pour faire de l’égalité entre les femmes et les hommes une réalité dans notre pays. Aujourd’hui, ce texte cherche à parvenir à une meilleure justice patrimoniale au sein de la famille, et notamment entre conjoints, en s’intéressant tout particulièrement aux régimes matrimoniaux.
Il s’agit de rectifier par la loi des situations aussi incompréhensibles qu’intolérables qui existent pourtant en droit positif et qui concernent en grande majorité les femmes.
En effet, est-il concevable qu’une personne qui tue son conjoint puisse bénéficier des avantages du contrat de mariage ? La réponse est bien évidemment non. Pourtant, et aussi surprenant que cela puisse paraître, rien ne l’empêchait jusqu’à présent dans notre législation.
Comme cela a été dit précédemment par M. le garde des sceaux, le crime ne saurait payer.
Ce texte a vocation à mettre fin à des situations aussi ubuesques qu’injustes en venant répondre à un vide juridique de notre droit matrimonial.
À mon tour, je tiens à saluer l’initiative de notre collègue alsacien Hubert Ott, député du Haut-Rhin. Permettez-moi également de saluer le travail de notre rapporteure, Isabelle Florennes, et son implication sur un texte très technique. Elle a su en renforcer la portée et sécuriser juridiquement les dispositifs.
La présente proposition de loi prévoit en son article 1er un régime de déchéance matrimoniale pour un époux s’étant rendu coupable de faits particulièrement répréhensibles à l’égard de son conjoint.
Cette déchéance serait automatique pour un époux ayant donné la mort à son conjoint et facultative pour d’autres faits, comme la commission d’actes de barbarie ou de torture ou encore de viols ou d’agression sexuelle.
L’article 1er bis tend à apporter une réponse à une difficulté d’application qui est régulièrement pointée à la fois par la doctrine et par les professionnels concernant l’irrévocabilité des clauses d’exclusion des biens professionnels. Je partage la position que nous avons exprimée en commission des lois, afin d’étendre et de pérenniser une telle irrévocabilité.
L’article 2 de la proposition de loi vise à répondre aux difficultés qui découlent de la solidarité du paiement de la dette d’impôt sur le revenu en vertu duquel les contribuables sont solidairement contraints au paiement de dettes fiscales avec leur ex-conjoint.
Cela a été souligné, la décharge de responsabilité solidaire existe depuis 2008, afin de régler les cas où l’ex-conjoint est dans l’incapacité de faire face au règlement de l’impôt commun. Mais comme nous le voyons malheureusement, les conditions nécessaires pour faire jouer ce mécanisme rendent difficile sa mise en œuvre. Preuve en est, 75 % des demandes de décharge de responsabilité avaient été rejetées entre 2014 et 2022, sachant que 90 % de ces demandes sont émises par les femmes.
La loi de finances pour 2022 est venue assouplir ces conditions, mais sans avoir eu l’effet escompté à ce jour. Ainsi, 59 % des demandes de décharge sont toujours rejetées, du fait notamment que la situation patrimoniale est examinée avant la situation financière.
Il nous faut répondre à ces situations aussi difficiles qu’injustes dans lesquelles les conjoints sont contraints de céder leur patrimoine personnel pour régler une dette dont ils n’avaient pas connaissance, ou d’une dette provenant d’une fraude à laquelle ils sont parfaitement étrangers et dont ils n’ont pas bénéficié.
Je me réjouis à mon tour des engagements qui ont été pris au sein de cet hémicycle par le ministre délégué chargé des comptes publics, notamment sur la prise en compte de l’origine frauduleuse de la dette. Cela faisait l’objet d’un certain nombre d’amendements de différents groupes politiques. Nous les avions déjà déposés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024. Malheureusement, ils n’avaient pas été conservés dans le texte en vertu de l’application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution. J’espère donc, et je l’appelle de mes vœux, que les amendements que nous serons plusieurs à défendre tout à l’heure pourront recevoir des avis favorables de la part du Gouvernement.
Je salue à mon tour l’engagement des associations qui œuvrent pour supprimer définitivement cette violence économique et cette violence psychologique faites aux femmes divorcées.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe Les Républicains votera en faveur de ce texte modifié. Celui-ci permet des avancées significatives en apportant des réponses concrètes et vient mettre fin à des injustices insupportables qui n’étaient jusqu’à présent traitées ni par notre droit matrimonial ni par notre droit fiscal. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – MM. Michel Masset et Ludovic Haye applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.)
Mme Laure Darcos. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons cet après-midi, d’apparence technique, présente un intérêt tout particulier : elle tend à remédier à la fois à une anomalie et à une injustice qui ne sont pas traitées à ce jour par le droit matrimonial et fiscal. En effet, elle concerne des situations humainement difficiles, voire intolérables, qui – hélas ! – sont loin d’être des cas isolés.
En premier lieu, notre droit ne permet pas la déchéance de l’avantage matrimonial consenti à l’un des époux lorsque celui-ci s’est rendu coupable du meurtre de son conjoint.
Si le droit actuel donne la possibilité, par les mécanismes de l’indignité successorale ou de l’ingratitude, de révoquer une succession ou une donation dans le cas où le bénéficiaire a attenté à la vie de son conjoint, il garde en revanche le silence sur la révocation de l’avantage matrimonial.
Aussi, je me félicite que l’article 1er de la proposition de loi crée un dispositif de déchéance des avantages matrimoniaux à l’égard de celui ou de celle qui a commis une infraction grave vis-à-vis de son conjoint.
En second lieu, je me réjouis de l’apport de l’article 2, qui corrige une injustice en s’intéressant au risque d’endettement de l’ancien conjoint en cas de fraude fiscale réalisée à son insu.
Cette disposition permettra fort opportunément de ne plus faire supporter une charge financière inique sur des personnes de bonne foi, essentiellement des femmes disposant de revenus modestes après leur séparation.
Je ne m’étendrai pas sur les autres mesures ni sur les modifications apportées en commission, qui vont dans le bon sens. Mais je souhaite attirer votre attention sur la nécessité d’encadrer l’appréciation, par l’administration fiscale, de la situation patrimoniale du demandeur, une femme dans la plupart des cas, lorsqu’il sollicite l’octroi d’une décharge de responsabilité solidaire dans le cadre d’une imposition commune.
Malgré l’assouplissement, en 2022, des conditions d’appréciation de la situation patrimoniale de ce dernier, le nombre de demandes de décharges rejetées par la direction générale des finances publiques (DGFiP) demeure élevé.
Ainsi, je proposerai avec d’autres collègues par voie d’amendement que l’appréciation du patrimoine du demandeur ne puisse pas porter sur les biens et droits immobiliers détenus antérieurement à la date du mariage ou de la conclusion du Pacs, ainsi que sur le patrimoine reçu par donation ou succession. Nous l’avions déjà prôné lors de l’examen du projet de loi de finances.
J’entends bien les réserves de la commission des lois, pour laquelle une telle proposition est excessive et ne se justifie pas par principe, ces biens et droits immobiliers pouvant constituer un accroissement des capacités contributives.
Or il faut garder à l’esprit le contexte dans lequel une décharge de responsabilité solidaire est demandée.
Il existe souvent des disproportions de revenus au sein du couple ; elles vont avoir des conséquences sur l’évolution des situations matérielles des conjoints en cas de divorce.
Dans de nombreux cas, les femmes se retrouvent dans une grande précarité, et il me semble injuste, pour ne pas dire indécent, de leur demander de contribuer à l’apurement de la dette fiscale contractée avant la séparation.
Le patrimoine immobilier possédé antérieurement au mariage ou à la conclusion du Pacs ou celui qui est reçu par donation ou succession constituent pour la femme une assurance vie à l’heure de la dissolution du couple. À ce titre, ils doivent être exclus de l’appréciation de la situation patrimoniale par l’administration fiscale.
Je salue donc à mon tour les engagements que vient de prendre M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
Le droit fiscal doit enfin se rapprocher du droit matrimonial dont il est détaché de longue date. Nous pouvons donc espérer que nos amendements recevront un avis favorable de la part du Gouvernement.
Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, en comblant des lacunes de notre droit, cette proposition de loi a pour ambition de remédier à des situations très choquantes.
Très sensible à la lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes et à celle contre les violences faites aux femmes, mais également très attaché aux principes de justice fiscale, le groupe Les Indépendants – République et Territoires apporte tout son soutien à ce texte, qui ouvre la voie à de réelles avancées. Il le votera à l’unanimité. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC. – Mme Elsa Schalck applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Dominique Vérien. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, cela peut sembler surprenant, mais, encore aujourd’hui, on peut tuer son conjoint et malgré tout en hériter.
En effet, aussi absurde que cela puisse paraître, l’avantage matrimonial permet au conjoint survivant d’obtenir une partie du patrimoine du conjoint décédé, quand bien même il serait à l’origine de ce décès.
Pour peu que les époux aient choisi le régime de la communauté universelle, ce sera une attribution intégrale au survivant. Je pense que nous pouvons tous imaginer la détresse des héritiers dans ce cas de figure et, bien entendu, l’injustice que cela représente.
L’article 1er tend donc à corriger cela en instaurant une déchéance matrimoniale applicable si l’un des membres du couple a attenté à la vie de son conjoint ou s’il s’est rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves.
Ce dispositif parfaitement nécessaire et justifié a été amélioré par notre rapporteure, Isabelle Florennes, en tenant compte des situations d’emprise dans lesquelles peuvent se trouver ces victimes. En définitive, cet article 1er, dans la rédaction proposée par notre rapporteure, est une vraie avancée, une de plus, dans notre combat contre les violences intrafamiliales.
En outre, et de manière plus générale, ce texte permet de mieux encadrer les conséquences d’une séparation et d’améliorer la protection du patrimoine de chacun.
En effet, au regard de la loi, les époux et les partenaires de Pacs sont soumis au principe de solidarité fiscale, y compris d’ailleurs quand il y a un contrat de mariage : le fisc s’en soucie peu… Et au nom de ce principe, chacun peut être tenu responsable du paiement des dettes fiscales de son partenaire.
Si cela peut sembler normal durant la communauté de vie, en cas de séparation, ce principe légal continue de s’appliquer et est souvent source d’injustices, en particulier pour les femmes, d’autant plus quand la séparation entraîne déjà une perte sensible de niveau de vie. Nous le voyons en ce moment, puisque nous sommes en train de travailler sur les familles monoparentales, la perte de niveau de vie est en moyenne de 25 % pour les femmes qui se retrouvent avec la garde de leurs enfants, contre 3 % pour les hommes dans la même situation, ces derniers étant en général propriétaires de leur logement.
Leur situation financière peut être ainsi plus dégradée par le paiement d’imposition sur des revenus dont elles n’avaient pas connaissance ou dont elles n’ont pas bénéficié. L’éventualité d’une dette pesant sur l’ex-conjoint est d’autant plus contraignante lorsqu’elle se double d’une absence d’indépendance financière. Et, ne l’oublions pas, cette dépendance financière est l’une des raisons qui poussent les femmes à rester au domicile conjugal alors qu’elles sont victimes de violences intrafamiliales.
Mais M. le ministre délégué chargé des comptes publics vient d’indiquer ici avoir entendu les arguments de l’association qui lutte contre la solidarité fiscale. Je tiens à l’en remercier.
Ce texte comportait déjà des avancées, puisque l’article 1er bis venait sécuriser juridiquement les clauses d’exclusion des biens professionnels du calcul de la créance de participation. Pendant longtemps, au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation, ces dispositions, censées être plus protectrices, étaient finalement rendues caduques au moment du divorce.
L’article 2 était aussi une avancée, puisqu’il améliore l’applicabilité de la décharge de responsabilité solidaire. C’était absolument nécessaire. En effet, si les décharges sont accordées plus régulièrement que par le passé, elles restent encore trop peu nombreuses, et la situation est particulièrement mal vécue quand elles sont refusées.
Je pense en particulier aux cas où le Trésor public vient réclamer à l’ex-épouse des dettes fiscales issues de manœuvres frauduleuses dont elle n’avait pas connaissance et dont elle n’a pas bénéficié. Là encore, j’ai bien entendu le ministre délégué chargé des comptes publics indiquer qu’il prenait cette situation en compte. Je n’ose donc imaginer les amendements que nous avons déposés en ce sens recueillir autre chose que des avis favorables ! (M. le garde des sceaux s’esclaffe.)
Au regard des avancées réelles que comporte ce texte, avancées qui seront encore renforcées par l’adoption de nos amendements, et du travail d’amélioration de notre rapporteure, le groupe Union Centriste est très fier d’avoir repris cette proposition de loi à son compte dans son ordre du jour réservé, et il la votera bien évidemment. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Mélanie Vogel. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le couple, et en particulier le couple hétérosexuel, est pour les femmes un lieu rempli de risques… (Exclamations sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Michel Arnaud. Il ne faut pas exagérer !
Mme Mélanie Vogel. Je sais que cela vous perturbe, mais c’est factuel !
Mme Françoise Gatel. Pas du tout !
Mme Mélanie Vogel. Il y a d’abord des risques de violences.
Les femmes sont en effet les principales victimes de violences conjugales. Elles représentent 82 % des personnes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint. L’année dernière encore, 134 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint. C’est presque une femme tuée tous les trois jours. Et ces chiffres, terribles, ne baissent pas.
Les femmes représentent aussi plus de 80 % des victimes de violences sexuelles dans le cadre conjugal hétérosexuel – désolée !
C’est aussi, dans l’écrasante majorité des cas, au sein de l’entourage que les viols ont lieu. Neuf victimes sur dix connaissent leur agresseur. Dans 45 % des cas, le violeur est le conjoint ou l’ex-conjoint.
Il y a ensuite des risques de violences économiques.
Les femmes sont en effet, structurellement, les grandes perdantes du couple hétérosexuel sur le plan financier. Les écarts de salaires entre hommes et femmes passent de 9 % entre célibataires à 42 % dans les couples hétérosexuels mariés. Pis, lorsque le couple cesse, les femmes s’appauvrissent encore, tandis que les hommes sont peu ou pas impactés financièrement.
En ce qui concerne le mariage, le divorce entraîne une perte de niveau de vie de 27 % pour les femmes contre 2 % pour les hommes.
Mais ce n’est pas tout.
Pendant ce temps, et jusqu’à aujourd’hui, des dispositions permettent aux hommes de bénéficier, financièrement, des crimes machistes qu’ils commettent. C’est quand même extraordinaire !
Aujourd’hui, un conjoint ayant tué sa femme peut hériter d’elle. En somme, un conjoint meurtrier peut tirer un avantage économique d’un féminicide !
C’est pourquoi l’adaptation des régimes matrimoniaux fait partie des nombreuses réformes nécessaires à la lutte contre les violences fondées sur le genre.
Et c’est dans ce domaine que la proposition de loi du député Hubert Ott, que je remercie, apporte sa pierre à l’édifice.
Nous soutenons évidemment totalement les dispositions sur l’héritage, que nous avons prônées avec les associations féministes depuis très longtemps.
J’en viens à l’article 2. Je voudrais, sans malice, rappeler que nous avions adopté ici, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, des amendements relatifs à la décharge de solidarité fiscale. Je me réjouis d’avoir de nouveau ce débat. J’espère que le Sénat sera cohérent avec ses positions passées et le Gouvernement avec ses positions présentes.
Il reste un article problématique : l’article 1er bis. En rendant possible la signature d’une clause d’irrévocabilité, celui-ci empêcherait certaines femmes de demander la révocation des avantages matrimoniaux dont bénéficie leur mari en cas de divorce.
Le mariage ayant en moyenne pour effet – c’est chiffré et objectif – de précariser les femmes et d’enrichir les hommes, il est essentiel que les femmes puissent conserver un maximum de choix au moment du divorce, qui est pour beaucoup le moment où certaines injustices sautent aux yeux et deviennent inacceptables.
C’est ce que Titiou Lecoq a appelé la théorie du pot de yaourt vide. Imaginez un couple inégalitaire qui achète une voiture chère. C’est l’homme qui paie la voiture, car il gagne plus d’argent. Pendant ce temps, et pour compenser, la femme, qui participe déjà plus aux tâches ménagères, fait davantage les courses. Et au moment du divorce, il reste à l’un une voiture et à l’autre, le ménage fait pendant vingt ans et des pots de yaourt vides !
C’est pourquoi cette disposition doit disparaître au profit d’une large amélioration du mécanisme de prestation compensatoire, qui, lui, permet de corriger les injustices.
Cela étant, notre groupe soutiendra naturellement ce texte. J’espère comprendre pourquoi mes propos ont semblé tellement perturber certains d’entre vous ; si vous voulez en discuter, ce sera avec plaisir ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. « À la mairie, quand vous vous mariez, il n’y a personne qui se lève pour vous informer que vous serez solidaire fiscalement des “dérapages” de l’autre et cela même après votre divorce. » Ces lignes sont issues du livre produit par le collectif des femmes divorcées victimes de la solidarité fiscale. Je les salue d’avoir bataillé et fait connaître cette problématique, à moi et à la société. Leur présence dans les tribunes du Sénat nous honore et nous oblige. (Applaudissements.)
Le principe de solidarité fiscale reste pertinent durant le contrat d’un mariage ou d’un Pacs ; les dettes fiscales contractées par l’un ou l’autre des époux ou des partenaires doivent être acquittées par le foyer fiscal. C’est en cas de séparation que l’injustice apparaît. Si le fraudeur fiscal ne peut pas assumer financièrement sa dette, l’ex-conjoint ou l’ex-conjointe doit la rembourser jusqu’au dernier euro, pénalités et intérêts de retards compris.
À la surprise, au choc de découvrir un passé que l’on ignorait, ces femmes, pour la plupart, sombrent dans l’angoisse. La procédure de décharge de responsabilité solidaire, la fameuse DRS, est longue, coûteuse, incertaine. Elle vous laisse en prise à une administration extrêmement compétente, mais qui doit composer dans le silence de la loi.
Comment expliquer le refus du critère de disproportion marquée pour une de ces femmes, ici présente, qui portera désormais le fardeau d’une dette pendant les 264 années à venir ? Que dire de la situation de cette autre femme confrontée à une mise en recouvrement de 800 000 euros, alors même qu’elle est bénéficiaire d’une bourse ?
Et que dire de Mme A, dans mon département du Val-de-Marne, trois enfants, percevant l’allocation adulte handicapée et des aides personnelles au logement (APL) pour seuls revenus ? Son tort ? Elle a droit à une pension alimentaire qui ne lui est pas versée, mais elle ne se bat pas pour la réclamer à son ex-conjoint fraudeur. En conséquence, Mme A doit 8 803,20 euros !
Le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky n’a jamais feint de ne pas avoir l’ambition d’accroître l’imposition du capital et des hauts revenus au service de l’intérêt général. L’impôt est consenti lorsqu’il est juste et légitime.
Toutefois, les ex-conjoints devant s’acquitter de dettes frauduleuses ne suffiront pas à sauver les finances publiques. Vous en conviendrez, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, on ne résoudra pas le problème de la dette publique grâce au remboursement de ces dettes fiscales. L’argument invoquant des impératifs financiers est donc totalement irrecevable.
Les articles 2 et 2 bis vont dans le bon sens, surtout le second introduit sur l’initiative de la rapporteure, et nous voterons en leur faveur. Je demande au Sénat de réitérer son adoption, lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, d’une disposition visant à octroyer une décharge de responsabilité solidaire du fait de la nature frauduleuse de la dette.
Enfin, l’article 1er bis est présenté comme une réponse consensuelle permettant de résorber une injustice. L’objectif est d’empêcher, lorsque cela est prévu par la convention matrimoniale, que les biens professionnels soient inclus au calcul de la créance de participation.
Concrètement, l’époux qui s’est le plus enrichi pendant la durée du mariage est redevable d’une créance de participation égale à la moitié du patrimoine accumulé pendant le mariage. Selon les auteurs de cet article, il conviendrait d’en exclure les biens professionnels.
Non seulement cet article revient sur un arrêt de la Cour de cassation, mais il adopte également un positionnement défavorable aux femmes et favorable aux intérêts des entreprises.
Or le patrimoine professionnel est réparti entre les classes sociales de manière discriminante : les 1 % des Français les plus riches en détiennent 66 %, quand les 5 % les plus riches s’en arrogent 95 %. Il ne s’agit pas là de petits commerces locaux ou d’entrepreneurs individuels, qui sont loin d’être les plus aisés et accumulent tellement de dettes que leurs activités ne confèrent aucun droit à l’autre conjoint lors d’un divorce.
L’accumulation de patrimoine est genrée. Tout le monde le sait, l’union matrimoniale non seulement fige, mais même accroît les inégalités entre les sexes.
L’article 1er bis s’inscrit au fondement des inégalités entre les femmes et les hommes, et nous demanderons donc sa suppression.
Nonobstant ces réserves, notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons, votée à l’unanimité par nos collègues députés, vise à améliorer l’encadrement juridique des conséquences d’un divorce, en particulier en cas de violences conjugales.
Initialement, la proposition de loi visait à modifier l’article 1527 du code civil relatif aux avantages matrimoniaux tirés des clauses d’une communauté conventionnelle. Son but est d’exclure du bénéfice des avantages matrimoniaux un époux ayant commis des violences à l’encontre de son conjoint, voire s’étant rendu responsable de sa mort, et d’autoriser la révocation de plein droit au moment du divorce de tous les avantages matrimoniaux, parmi lesquels figurent les clauses protectrices des époux.
Il est ainsi prévu qu’un époux reconnu coupable de meurtre sur conjoint soit automatiquement privé du bénéfice des avantages matrimoniaux insérés dans le contrat de mariage.
Par ailleurs, les auteurs de cette proposition de loi adaptent la rédaction de l’article 1691 bis du code général des impôts. Pour le moment, cette disposition du code représente un des seuls leviers d’action des victimes de la solidarité fiscale, qui sont souvent des femmes, faut-il le préciser.
Néanmoins, les conditions pour parvenir à ne pas payer les dettes fiscales de son ex-conjoint sont difficiles à réunir. Il faut notamment que le demandeur de la décharge soit en règle fiscalement parlant, qu’il soit effectivement séparé de son ex-conjoint et qu’il ne puisse pas payer la dette fiscale de celui-ci.
Selon le Gouvernement, le taux d’acceptation de ces demandes s’établit seulement entre 25 % et 40 % aujourd’hui. En assouplissant les conditions d’octroi de la décharge de responsabilité solidaire, ce texte vient consolider ce levier d’action pour les victimes.
Les principales dispositions que je viens d’évoquer sont aujourd’hui bienvenues. Gardons en tête que, chaque année, on estime que, en moyenne, 321 000 femmes âgées de 18 ans à 74 ans sont victimes de violences physiques, sexuelles ou psychologiques commises par leur conjoint ou ex-conjoint.
Il s’agit, par cette proposition de loi, d’apporter des solutions supplémentaires aux victimes de ces violences. En tant qu’ancien membre de la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, j’y suis particulièrement sensible.
Il faut également tenir compte des réalités sociologiques que la France connaît depuis plusieurs années. On compte ainsi en moyenne 425 000 séparations conjugales, divorces, ruptures de Pacs ou d’unions libres chaque année depuis 2010. Dans ce contexte, l’adaptation de notre cadre juridique est souhaitable pour assurer la protection des époux divorcés.
Lors de l’examen du texte par la commission des lois, plusieurs dispositions ont été ajoutées. Il s’agissait notamment de prendre en compte le phénomène d’emprise, en supprimant la possibilité laissée à la victime de faire bénéficier l’époux déchu des avantages matrimoniaux, ou d’élargir le champ des pénalités dont peuvent être déchargées les victimes d’un époux en situation de fraude fiscale.
D’autres dispositifs ont également été renforcés, ce qui est heureux. La proposition de loi vient combler un vide juridique et consolider l’arsenal juridique à la disposition des victimes de violences conjugales. Il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine, mais, dans un esprit constructif et avec conviction, le groupe Les Républicains votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Éric Jeansannetas applaudit également.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille
Article 1er
I. – Le chapitre Ier du titre V du livre III du code civil est complété par des articles 1399-1 à 1399-6 ainsi rédigés :
« Art. 1399-1. – L’époux condamné, comme auteur ou complice, pour avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort à son époux ou pour avoir volontairement commis des violences ayant entraîné la mort de son époux sans intention de la donner est, dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial, déchu de plein droit du bénéfice des clauses de la convention matrimoniale qui prennent effet à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux et qui lui confèrent un avantage.
« La déchéance mentionnée au premier alinéa s’applique y compris lorsqu’en raison de son décès, l’action publique n’a pas pu être exercée ou s’est éteinte.
« Art. 1399-2. – Dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial, peut être déchu du bénéfice des clauses de la convention matrimoniale qui prennent effet à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux et qui lui confèrent un avantage, l’époux condamné :
« 1° Comme auteur ou complice, pour avoir commis des tortures et actes de barbarie, des violences volontaires, un viol ou une agression sexuelle envers le défunt ;
« 2° Pour témoignage mensonger porté contre le défunt dans une procédure criminelle ;
« 3° Pour s’être volontairement abstenu d’empêcher soit un crime soit un délit contre l’intégrité corporelle du défunt d’où il est résulté la mort, alors qu’il pouvait le faire sans risque pour lui ou pour les tiers ;
« 4° Pour dénonciation calomnieuse contre le défunt lorsque, pour les faits dénoncés, une peine criminelle était encourue.
« Art. 1399-3. – La déchéance prévue à l’article 1399-2 est prononcée par le tribunal judiciaire à la demande d’un héritier ou du ministère public. La demande doit être formée dans un délai de six mois à compter de la dissolution du régime matrimonial ou du décès si la décision de condamnation ou de déclaration de culpabilité lui est antérieure, ou dans un délai de six mois à compter de cette décision si elle lui est postérieure.
« Art. 1399-4. – (Supprimé)
« Art. 1399-5. – L’époux déchu du bénéfice des clauses de la convention matrimoniale est tenu de rendre tous les fruits et revenus résultant de l’application d’une clause de la convention matrimoniale qui lui confère un avantage et dont il a eu la jouissance depuis la dissolution du régime matrimonial.
« Art. 1399-6. – (Supprimé) ».
I bis. – Le I s’applique aux conventions matrimoniales conclues avant la date d’entrée en vigueur de la loi n° … du … visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille.
II. – (Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 15, présenté par M. Savoldelli, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« Art. 1399-6. - Lorsqu’un époux est déchu du bénéfice des clauses de la convention matrimoniale dans les conditions précisées à l’article 1399-1, est réputée non écrite toute clause de la convention matrimoniale stipulant l’apport à la communauté de biens propres de l’époux défunt. »
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Nous proposons de rétablir une disposition supprimée lors de l’examen du texte en commission, qui prévoyait de déchoir le conjoint coupable d’un homicide ou d’une tentative d’homicide sur sa femme de tout droit sur le patrimoine apporté à la communauté par celle-ci.
Comment pourrait-on expliquer qu’un auteur de féminicide puisse jouir de la propriété de l’appartement que sa conjointe possédait, l’habiter ou le vendre ? Nous répondons tous de la même manière à cette question.
Une femme meurt sous les coups de son mari tous les trois jours. Dans la plupart des cas, le tueur habite sous le même toit. Chaque heure, les forces de l’ordre interviennent à trente-huit reprises pour des faits de violences conjugales.
Loin de moi l’idée de réaliser un décompte macabre, mais il s’agit d’un système : un quart de ces femmes avaient déposé soit une plainte soit une main courante.
L’historienne Christelle Taraud l’explique : « Il faut comprendre que les violences faites aux femmes font partie d’un continuum. Il s’agit d’un système d’écrasement, de contrôle et de domination des femmes qui conduit finalement […] au féminicide. Dans la société, le meurtre physique est préparé par toute une série de discours, de dispositifs et d’institutions. »
Ce propos exige du législateur qu’il traite la question de l’emprise, soit, en l’espèce, la situation de femmes battues, parfois à répétition, qui apportent sous contrainte un bien propre à la communauté de biens, par exemple un bien immobilier, parce que cela leur semble normal, parce que cela pourrait aider le conjoint, parce que la situation va changer. Nous avons tous entendu ces phrases, mais lorsqu’une de ces femmes est tuée par son conjoint, il est trop tard.
Cet amendement vise à protéger les femmes qui sont conduites à défendre leur meurtrier en raison de la banalisation de la violence. Je le crois sincèrement, les arguments juridiques invoqués par la commission ne sauront empêcher l’adoption de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. L’amendement tend à rétablir une disposition que la commission avait supprimée afin de sécuriser le dispositif. Son rétablissement paraît problématique pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, l’adoption de l’amendement reviendrait à appliquer la déchéance matrimoniale à des biens acquis, sur lesquels l’intéressé exerce déjà un droit de propriété. L’atteinte portée à ce droit serait nettement moins proportionnée que celle que le dispositif prévoit sur le reste des avantages matrimoniaux, qui ne prend effet qu’à la dissolution du régime, et ce faisant ne porte atteinte au droit de propriété que sur des biens potentiels.
En outre, une telle disposition pourrait remettre en cause les chaînes de propriété, en invalidant a posteriori des contrats légalement formés entre la communauté des époux et des tiers.
En conclusion, sur ce sujet délicat, il me paraît hasardeux de légiférer sans prendre les précautions nécessaires, au risque de voir une disposition suscitant un espoir légitime être censurée par le Conseil constitutionnel en raison des atteintes portées au droit de propriété. Un travail législatif à part entière pourrait en revanche être conduit, par exemple en lien avec la Chancellerie, au moyen d’un véhicule législatif spécifique.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le sénateur Savoldelli, pour les raisons parfaitement expliquées par madame la rapporteure, claire comme à son habitude, le Gouvernement émet également un avis défavorable sur votre amendement.
Je comprends parfaitement votre intention, qui est louable, mais il ne faut pas apporter plus d’insécurité que de sécurité, contrairement à l’objectif commun que nous avons tous rappelé à la tribune lors de la discussion générale.
M. le président. L’amendement n° 25, présenté par Mme Rossignol, MM. Bourgi et Ziane, Mmes Blatrix Contat et de La Gontrie, MM. Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d’un an après la promulgation de la présente loi, un rapport relatif à la lutte contre les inégalités matrimoniales tant dans le cadre du mariage que dans le cadre de la rupture de celui-ci. Ce rapport examine notamment l’instauration d’un barème unifié pour le calcul des prestations compensatoires en y intégrant la notion d’indemnisation du préjudice économique lié aux aménagements de carrière et aux déséquilibres dans la charge éducative des enfants ; et l’instauration d’un barème unifié pour le calcul de la contribution financière à l’entretien et à l’éducation des enfants, tenant compte des besoins de l’enfant. Ce rapport examine enfin les conséquences de la fiscalité des prestations compensatoires et de la contribution financière à l’entretien et à l’éducation des enfants sur la persistance des inégalités économiques suite au divorce ou à la séparation et l’opportunité de la déconjugalisation des prestations sociales liées à l’éducation des enfants. »
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. J’aimerais en un mot expliquer à quel point il est difficile pour les parlementaires de faire œuvre d’initiative : les deux tiers des amendements que nous déposons sont déclarés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution, et le troisième tiers, seule fenêtre qui nous reste, est constitué de demandes de rapport, qui seront rejetées parce qu’ils consistent en des demandes de rapport ! Il est donc bien difficile pour nous d’obtenir des résultats…
En réalité, la présentation de cet amendement me fournit l’occasion d’interpeller le garde des sceaux et de sensibiliser le Sénat au sujet des inégalités matrimoniales, sur lesquelles nous demandons la remise d’un rapport.
Petit à petit, nous déconstruisons, décortiquons et identifions l’ensemble des mécanismes contribuant aux inégalités économiques entre les femmes et les hommes, en particulier ceux qui sont liés aux conséquences civiles du mariage sur les patrimoines des époux.
Nous ne sommes pas encore au bout du chemin. Nous nous inspirons principalement des rapports faits par les associations, comme celui que la Fondation des femmes vient de publier sur le coût du divorce et les inégalités économiques dans le mariage, ou celui que l’Institut national d’études démographiques (Ined) vient également de publier, ainsi que sur d’autres ouvrages réalisés par des expertes ou des autrices d’essais.
Nous aimerions qu’un jour une approche globale soit retenue. Avec plusieurs collègues de mon groupe, j’avais déposé différents amendements concernant l’allocation de soutien familial et la prise en compte, dans les prestations compensatoires ou les pensions alimentaires, de la contribution en industrie au mariage, c’est-à-dire du fait que lorsque les femmes ont terminé leur journée de travail, elles lavent les chemises et élèvent les enfants, ce qui n’est pas systématiquement comptabilisé dans le calcul des prestations ou des pensions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. Comme vous l’imaginez, ma chère collègue, puisque vous connaissez la jurisprudence du Sénat…
Mme Laurence Rossignol. Surprenez-nous, madame la rapporteure !
Mme Isabelle Florennes, rapporteur. … la commission émet un avis défavorable sur votre demande de rapport.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le sujet est évidemment important. Toutefois, madame Rossignol, vous reconnaissez vous-même que vous déposez un amendement tout en sachant qu’il ne sera pas adopté, afin de développer un propos important, que l’on veut entendre.
Vous comprendrez bien que le Gouvernement ne peut donner un avis favorable sur cet amendement. Si j’étais impertinent – ce que je ne suis pas –, je vous demanderais si, lorsque vous étiez ministre, vous acceptiez les demandes de rapports.
Mme Laurence Rossignol. Je les acceptais toutes ! (Sourires.)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je vérifierai cela dans la minute, en envoyant quelques SMS ! (Mêmes mouvements.)
M. Yannick Jadot. Les SMS, c’est fini ! On en lit trop dans la presse !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Malheureusement, je n’ai pas de pigeon voyageur à ma disposition… (Mêmes mouvements.)
Pour redevenir sérieux, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez tous les moyens de contrôler l’activité gouvernementale – je ne vous rappellerai pas les dispositions de la Constitution.
Pour être encore plus sérieux, j’entends évidemment les points d’alertes mentionnés par Mme Rossignol, qui sont importants et méritent notre réflexion.
M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.
M. Hussein Bourgi. À la suite de Mme Rossignol, je veux faire part des difficultés auxquelles nous sommes confrontées, en tant que parlementaires.
Aujourd’hui, nous examinons cette proposition de loi parce que des personnes concernées par ces problèmes nous ont interpellés, sensibilisés et convaincus.
Souvent, lorsque nous nous saisissons d’un sujet, on nous répond que notre propos n’est pas assez documenté ou que nos informations sont nécessairement subjectives, parce qu’elles proviennent de militantes et de militants, comme s’il s’agissait là d’un gros mot. Toujours est-il que, dans notre pays, les militantes et militants ont souvent contribué à enrichir la réflexion du législateur.
Lorsque nous ne disposons pas d’information ou d’étude objective et que nous demandons des rapports réalisés par les services de l’État, peut-être un peu plus objectifs, sérieux et dignes de confiance que ceux de ces fameux militantes et militants, qui travaillent de manière parcellaire et indicative sans être aussi complets que l’administration, on refuse nos demandes. C’est un peu dommage.
J’ai entendu le Président de la République appeler au réarmement démographique de la France. Comment plaider en la faveur de celui-ci sans même examiner l’un des amendements que ma collègue Laurence Rossignol et moi-même avions cosignés, qui tendait à ce qu’il ne soit plus demandé au parent s’étant séparé de son conjoint et ayant la charge d’un enfant de renoncer à l’allocation de soutien familial versée par l’État dès lors qu’il refait sa vie avec un nouveau compagnon ? Cela revient à demander à ce dernier d’aider à élever l’enfant que son partenaire a eu lors d’une précédente union.
C’est pour cette raison que, parfois, et non systématiquement, nous avons besoin de rapports pour éclairer et accompagner nos travaux.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Je comprends l’intention des auteurs de l’amendement, et je la partage.
J’ai présidé la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes pendant six ans – Dominique Vérien la préside désormais avec brio –, et je mesure la difficulté d’obtenir des données consolidées au sujet des inégalités entre les hommes et les femmes, quels que soient les sujets.
Pendant six années, nous avons travaillé sur des sujets extrêmement différents, comme les inégalités salariales, les violences faites aux femmes, la recherche, la santé ou les inégalités patrimoniales. Tous ces sujets souffrent d’un déficit de connaissances, qui empêche l’élaboration de politiques publiques adaptées.
Sans les associations et sans les collectifs, nous avons du mal à évaluer les besoins, et le Gouvernement a du mal à proposer des politiques publiques adaptées.
Je citerai un exemple : l’industrie de la pornographie. Lors de la mission d’information de la délégation aux droits des femmes, nous étions quatre rapporteures issues de groupes politiques très différents. Deux affaires ont été portées devant la justice, non pas grâce à des données consolidées dont nous aurions disposé, mais grâce au travail considérable d’un collectif d’associations.
Je comprends que l’on demande aujourd’hui un rapport : la lutte contre les violences et les inégalités faites aux femmes souffre d’un manque d’information et de données précises, alors que ces dernières permettraient des politiques publiques adaptées. (Mme Laurence Rossignol applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.
Mme Dominique Vérien. Nous le savons bien, les demandes de rapport n’ont que peu de succès au Sénat lorsqu’elles sont faites par le biais d’amendements. Chère Laurence Rossignol, un rapport nous sera bientôt remis au sujet des familles monoparentales. À cette occasion, nous pourrons interpeller le Gouvernement.
Au sujet de l’allocation de soutien familial, le problème consécutif à la remise en couple est complexe. Nous ferons quelques propositions pour tenter d’améliorer les choses.
Au sujet des pensions alimentaires, ces dernières sont en moyenne de 170 euros par mois et par enfant, en sachant qu’un enfant coûte en moyenne 750 euros par mois – lors de nos auditions, nous avons obtenu des chiffres précis. Souvent, c’est monsieur qui la verse : 82 % des chefs de familles monoparentales sont des femmes. Certains avancent que monsieur ne peut pas verser plus que 170 euros, mais imagine-t-on que madame, dont le salaire n’est en général pas supérieur à celui de l’ancien conjoint, peut payer les 580 euros de différence ?
Le Gouvernement a confié une mission à des parlementaires pour travailler sur le sujet des familles monoparentales. Nous espérons que le rapport d’information de la mission flash de la délégation aux droits des femmes sur les familles monoparentales servira de base à ces réflexions, et que ces dernières iront plus loin que nos propositions. Il y a un vrai décalage entre hommes et femmes à ce sujet. Nous attendons que le Gouvernement poursuive ce travail pour aller vers plus d’égalité.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 25.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er bis A
(Supprimé)
Article 1er bis
À la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article 265 du code civil, après le mot : « est », sont insérés les mots : « exprimée dans la convention matrimoniale ou ».
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 10 est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
L’amendement n° 12 est présenté par M. Mohamed Soilihi.
L’amendement n° 16 est présenté par M. Savoldelli, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l’amendement n° 10.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er bis, qui permet de préciser dès la convention matrimoniale, et donc au moment du mariage, l’éventuel maintien d’avantages matrimoniaux en cas de séparation.
Alors que le couple n’a pas encore de vie en commun, que le partage des revenus et les inégalités qui ont pu s’y créer ou empirer ne sont pas encore connus, l’article permet de déterminer en avance qu’au moment du divorce certains avantages seraient maintenus. Toutefois, si les personnes pouvaient déterminer le maintien ou non de ces avantages au moment où elles divorcent, elles pourraient alors éventuellement se rendre compte que certains de ces avantages sont devenus indus, et qu’elles souhaitent les révoquer.
C’est ce que j’expliquais lors de la discussion générale avec l’exemple des pots de yaourt vides avec lesquelles certaines se retrouvent après une séparation, en se disant que cela n’est pas juste.
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° 12.
M. Thani Mohamed Soilihi. L’amendement vise à maintenir les dispositions actuellement en vigueur de l’alinéa 2 de l’article 265 du code civil. Il a été excellemment défendu par ma collègue.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 16.
M. Pascal Savoldelli. Le groupe CRCE – Kanaky considère que cet article est particulièrement grave, car il renforcerait les inégalités entre les femmes et les hommes pendant et après le mariage.
L’article prévoit d’exonérer un ex-conjoint de l’obligation d’intégrer ses biens professionnels à son patrimoine final au moment du divorce. En conséquence, la différence entre le patrimoine final et le patrimoine originaire, qui sert à calculer la créance de participation, serait significativement diminuée.
Autrement dit, en donnant à un époux la possibilité de minorer son patrimoine, l’article lui permet de devoir beaucoup moins d’argent à son ex-épouse si celle-ci ne s’est pas enrichie de la même manière.
L’adoption de cette disposition creuserait les inégalités au sein du couple. L’écart moyen de patrimoine entre les hommes et les femmes est passé de 7 000 euros en 1998 à 24 500 euros en 2015. L’écart de patrimoine relatif entre femmes et hommes a quasiment doublé entre 1998 et 2015, passant de 9 % à 16 %. Cette proportion est même passée de 20 % à 60 % pour les personnes mariées ou pacsées sous le régime de la séparation des biens.
Souvent, la différence genrée intervient non pas tant avant le mariage que pendant celui-ci, l’un s’enrichissant plus que l’autre, notamment grâce à la valeur patrimoniale que prennent ses biens professionnels.
Enfin, exclure ces derniers revient à faire un cadeau injustifiable aux plus aisés, notamment lorsque le mariage a provoqué des inégalités de revenus entre les membres du couple.
Voilà les données qui fondent notre jugement. Nous préférons nous en tenir à l’interprétation que la Cour de cassation a donnée de l’article 265 du code civil. Il est juste que ce principe soit appliqué : le membre du couple qui s’est le plus enrichi pendant le mariage s’acquitte de sa dette à l’égard de son conjoint ou de sa conjointe au moment de la dissolution du mariage, donc du divorce.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. Les présents amendements tendent à revenir sur la suppression de l’article 1er bis opérée lors de l’examen du texte en commission.
Or, d’une part, les époux prévoient déjà aujourd’hui de telles clauses, qui sont révoquées à rebours de leur volonté par une application littérale de la loi. Il y a quelque étrangeté à protéger les époux contre eux-mêmes en la matière.
D’autre part, disposer de biens professionnels n’est pas que le seul fait des hommes. Seriez-vous vraiment d’accord avec une disposition qui priverait certaines femmes, du simple fait qu’elles se séparent, de leur outil de travail et de leurs moyens de subsistance ?
Enfin, l’ensemble des professionnels que nous avons auditionnés, notaires comme magistrats, se sont montrés très favorables à cette disposition.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ces amendements visent à supprimer la faculté donnée aux époux de prévoir dans leur contrat de mariage que les clauses constitutives d’un avantage matrimonial ne seront pas révoquées en cas de divorce.
J’y suis défavorable : la modification adoptée par la commission des lois répond à une demande formulée depuis de nombreuses années par les praticiens.
L’objectif de cette disposition est d’apporter une meilleure sécurité juridique à tous les époux. À ce titre, je rappelle que les époux peuvent déjà prévoir, dans leur contrat de mariage, que les clauses contributives d’un avantage matrimonial ne seront pas révoquées en cas de divorce. Le texte de la commission ne fait que consacrer, de manière certaine, la validité de ces clauses, ce qui va dans le sens d’une meilleure sécurité juridique pour les deux membres du couple.
Ce type de clause a toute sa place dans les contrats de mariage, qui sont aussi conclus pour anticiper les effets d’une dissolution du mariage.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
M. Thani Mohamed Soilihi. Je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 12 est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 10 et 16.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er bis.
(L’article 1er bis est adopté.)
Article 2
(Non modifié)
I. – Le septième alinéa de l’article L. 247 du livre des procédures fiscales est complété par une phrase ainsi rédigée : « Peut être considérée comme une personne tenue au paiement d’impositions dues par un tiers la personne remplissant les conditions fixées aux 1 et 3 du II de l’article 1691 bis du code général des impôts. »
II. – (Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 19, présenté par M. Savoldelli, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Remplacer les mots :
Peut être
par le mot :
Est
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. L’article 2, introduit par la rapporteure du texte à l’Assemblée nationale, constitue une solution de rechange apparue sous la plume de Bercy, en réaction à l’adoption par le Sénat de cinq amendements identiques lors de l’examen du dernier projet de loi de finances.
Il crée la possibilité, pour l’ex-conjoint, de bénéficier d’une procédure de décharge gracieuse laissée à la seule interprétation de l’administration.
Nous proposons que, si l’absence de manœuvre frauduleuse est effectivement constatée après la séparation, l’ex-conjoint soit automatiquement délié de ses obligations fiscales.
En l’état, la portée de l’article est extrêmement réduite. Selon le Bulletin officiel des finances publiques (Bofip), les demandes de ce type sont réservées au contribuable « dans l’impossibilité de payer par suite de gêne ou d’indigence » ou « lorsque ces pénalités et, le cas échéant, les impositions auxquelles elles s’ajoutent sont définitives ».
La procédure contribuera à rallonger le parcours des personnes déboutées de leur demande gracieuse, qui entameront donc une procédure de décharge de responsabilité solidaire.
Il est de bon aloi que le juge se prononce lors des litiges qui opposent l’administration fiscale et les contribuables. Le volume de dossiers à traiter semble tout à fait adéquat à nos positions, et il est toujours dangereux de chercher à contourner le juge – je pense que le ministre de la justice m’accompagnera dans ce raisonnement.
Enfin, l’article ne prévoit que la possibilité, et non l’obligation, d’être déchargé de ses obligations fiscales au titre de la procédure gracieuse, ce à quoi notre amendement vise à remédier. Nous proposons de rendre cette avancée concrète et de ne pas nous en tenir à une simple faculté, afin que l’administration ne soit pas laissée sans consigne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. Mon cher collègue, comme vous l’avez vous-même relevé, votre amendement tend à faire une obligation de la faculté, pour l’administration, d’octroyer une décharge à titre gracieux, ce à quoi la commission ne saurait être favorable.
En effet, d’une part, lier la compétence de l’administration pour une décharge à titre gracieux paraît contraire au principe même de l’octroi d’une telle décharge, qui implique que l’administration soit dotée d’une certaine liberté de manœuvre. Cet élément important est conforté, me semble-t-il, par le texte tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale.
D’autre part, cette modification reviendrait à priver de tout effet l’article 1691 bis du code général des impôts, car l’octroi de la décharge de responsabilité solidaire serait désormais de droit dès lors que seulement deux des trois critères prévus à cet article seraient remplis.
Au vu de ces deux arguments, et pour sauvegarder l’avancée que représente la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en matière de recours à titre gracieux – nous aurons l’occasion de revenir sur ce point –, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, vous conviendrez avec moi qu’il faut bien que l’administration fiscale procède de temps en temps à des contrôles ; c’est un peu sa raison d’être ! L’automaticité proposée de la décharge à titre gracieux nous choque donc quelque peu, d’autant que Thomas Cazenave, ministre délégué aux comptes publics, a pris tout à l’heure, de la plus belle des manières – publiquement, à la tribune de cet hémicycle – des engagements en la matière.
J’insiste : l’automaticité que vous proposez pour la décharge à titre gracieux ouvrirait le bénéfice de celle-ci à tous les demandeurs. Il faut quand même que la demande soit instruite, qu’un contrôle, fût-il a minima, s’exerce. Cependant, soyez serein : je le redis, des engagements ont été pris devant vous par M. Cazenave.
Telles sont les raisons qui justifient l’avis défavorable du Gouvernement sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 28, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le I s’applique aux personnes pour lesquelles la demande de décharge de l’obligation de paiement mentionnée au II de l’article 1691 bis du code général des impôts n’a pas donné lieu, à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, soit à une décision définitive de la part de l’administration fiscale, soit à une décision de justice passée en force de chose jugée.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Cet amendement vise à renforcer la portée du dispositif créé à cet article, en précisant qu’il s’applique également à toutes les personnes qui connaissent aujourd’hui des difficultés.
Ainsi, pourront déposer une demande de décharge gracieuse, qui sera instruite selon les modalités qui ont été présentées, toutes les personnes pour lesquelles une demande de décharge de responsabilité solidaire (DRS) est en cours d’examen par les services de l’administration fiscale ou n’a pas donné lieu à une décision de justice passée en force de chose jugée à la date d’entrée en vigueur du présent texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. Je tiens à remercier M. le garde des sceaux de ses explications, mais aussi M. le ministre délégué chargé des comptes publics pour le travail d’écoute qu’il a mené, en lien avec l’association dont les représentants sont présents dans nos tribunes – je les salue à cette occasion.
Ce travail se traduit à présent dans cet amendement, qui tend à apporter une souplesse bienvenue en permettant, pour les affaires déjà examinées, sinon une rétroactivité, du moins le dépôt d’une nouvelle demande de décharge, à titre gracieux, et son examen suivant les modalités prévues dans le présent texte.
La commission n’a pu examiner cet amendement ; à titre personnel, j’émets un avis favorable, eu égard notamment aux engagements qui ont été pris dans la discussion générale par M. le ministre Cazenave.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le garde des sceaux, voilà un amendement mis sur la table à la dernière minute, que nous n’avons pas pu examiner avant cette séance. Il est affirmé, dans l’exposé de ses motifs, qu’il « a pour objet de préciser le champ d’application de la nouvelle procédure ». C’est peut-être de la sémantique, mais il me semble que, plutôt que d’une précision, il s’agit bien d’une restriction de ce champ !
L’enjeu de cette nouvelle procédure est que toutes les femmes puissent en bénéficier, qu’elles aient ou non entamé une démarche au titre de la DRS et que cette démarche ait ou non abouti. Ce n’est donc pas un amendement positif et progressiste que vous nous soumettez, mais bien un amendement de restriction, qui dénature l’esprit d’une disposition qui nous rassemble.
De surcroît, si j’ai bien compris, s’il devait être adopté, il n’y aurait plus de rétroactivité. (Mme la rapporteure le conteste.) Pour ma part, comme tous les membres du groupe CRCE-K, j’estime que, quand une injustice ou une inégalité est constatée par le législateur, sa correction doit être rétroactive, car les injustices comme les inégalités doivent être réparées !
M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.
M. Hussein Bourgi. Je voudrais à cette occasion saluer notre rapporteure Isabelle Florennes. Lorsque nous avons examiné ce texte en commission la semaine dernière, nous ne disposions pas de cette information ; elle nous avait alors demandé de lui faire confiance dans les négociations qu’elle menait avec Bercy. L’amendement gouvernemental est arrivé aujourd’hui, en aboutissement de ce dialogue fructueux.
Je ne m’attarderai pas sur le dispositif de cet amendement. Vous le savez, mes chers collègues, la décharge existe déjà depuis plusieurs années. Mais il faut distinguer entre la loi, l’esprit de la loi et, surtout, la culture de celles et de ceux qui sont censés appliquer la loi, en l’occurrence les fonctionnaires du ministère des finances. Je n’ai absolument rien contre ce ministère ni contre ses fonctionnaires ; toutefois, quand je rencontre des représentants d’une association de femmes divorcées, qui m’apprennent qu’entre 60 % et 80 %, selon les années, des demandes de décharge sont refusées, je me dis qu’un travail de pédagogie est nécessaire : cette faculté existe, mais ces demandes sont, encore aujourd’hui, très majoritairement rejetées par les agents du ministère des finances, ce qui m’interpelle et me chagrine.
M. le président. Je suis saisi de dix amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L’amendement n° 3 rectifié bis est présenté par Mmes Schalck et Noël, MM. Savin, Burgoa et Reichardt, Mmes Di Folco, M. Mercier et Gosselin, M. Pointereau, Mmes Petrus et Carrère-Gée, MM. Brisson et Bacci, Mmes Aeschlimann et Belrhiti, MM. Gremillet et Saury, Mmes Canayer et Micouleau, M. Grosperrin, Mme Drexler, MM. Sido et Belin, Mme Borchio Fontimp, MM. Tabarot et Genet, Mme de Cidrac, MM. Reynaud et Meignen, Mmes Nédélec et Estrosi Sassone, MM. Frassa, Bouchet, D. Laurent, Lefèvre, Pellevat, Cadec, Sautarel et H. Leroy, Mmes Josende, Lassarade, Deseyne, Richer et Joseph et M. Rojouan.
L’amendement n° 7 est présenté par M. Savoldelli, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 11 est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 2 du II de l’article 1691 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « en cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. La situation financière nette du demandeur est appréciée sur une période n’excédant pas trois années. La décharge de l’obligation de paiement est alors prononcée selon les modalités suivantes » sont supprimés ;
2° Après le premier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« 1° Dans le cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. La situation financière nette du demandeur est appréciée sur une période n’excédant pas trois années ;
« 2° Dans le cas où le montant de la dette fiscale résulte d’un contrôle fiscal personnel de son ancien conjoint ou partenaire de pacte civil de solidarité ayant donné lieu, par suite d’un manquement aux obligations déclaratives, d’une soustraction frauduleuse ou d’une tentative de soustraction frauduleuse au paiement des impositions mentionnées aux 1° et 2° du I ainsi qu’à l’article 1723 ter-00 B, à une rectification d’un bénéfice ou revenu propre au conjoint ou au partenaire de pacte civil de solidarité du demandeur. La décharge de l’obligation de paiement n’est alors accordée que si le demandeur ne s’est pas enrichi à la faveur de cette fraude fiscale commise par son ancien conjoint ou partenaire de pacte civil de solidarité et n’a pas participé directement ou indirectement à celle-ci ;
« 3° La décharge de l’obligation de paiement est alors prononcée selon les modalités suivantes : »
II. – Le I est applicable aux demandes en décharge de l’obligation de paiement déposées à compter du 1er janvier 2024.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Elsa Schalck, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié bis.
Mme Elsa Schalck. Dans la continuité des arguments que j’ai exposés au cours de la discussion générale, je rappellerai d’abord que le dispositif de cet amendement a déjà été adopté par le Sénat lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, mais n’a pas été retenu dans la version que le Gouvernement a fait adopter en définitive en recourant à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.
Cette mesure est soutenue par plusieurs groupes politiques, elle est donc transpartisane ; je tiens à cette occasion à saluer le travail qui a été mené avec le collectif de femmes divorcées engagé sur cette question.
Sans trop entrer dans le détail, cet amendement vise à inclure parmi les conditions d’examen de la demande de décharge la prise en compte de l’origine frauduleuse de la dette : un conjoint qui n’aurait pas bénéficié de cette activité frauduleuse et n’en aurait pas été informé pourra obtenir une telle décharge. Cette mesure concorde pleinement avec les engagements pris par M. le ministre délégué chargé des comptes publics au cours de la discussion générale. Il importe d’aller un peu plus loin que l’article 2 de ce texte, car on voit bien les freins qui s’opposent aujourd’hui à la mise en œuvre de cette décharge. L’assouplissement que nous proposons permettrait de mettre fin à des situations profondément injustes subies par les personnes divorcées.
M. André Reichardt. Parfait !
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 7.
M. Pascal Savoldelli. J’abonderai dans le sens des propos de notre collègue Elsa Schalck : lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, 54 sénateurs et sénatrices de tous les groupes politiques avaient soutenu cette même mesure, que notre assemblée avait alors adoptée, mais qui a ensuite été balayée par le Gouvernement au travers du 49.3.
Monsieur le garde des sceaux, je veux aborder ce débat de manière très apaisée : je ne mets pas en cause la sincérité des propos tenus par tel ou tel membre du Gouvernement. Mais il faut comprendre dans quel contexte on se trouve : notre assemblée travaille avant ou après des 49.3. On vote un budget, pour se voir annoncer peu après un décret procédant à un coup de rabot de 10 milliards d’euros ! Vous comprendrez bien qu’il est ici question de sincérité politique et non de sincérité de la personne, que je ne me permettrais pas de mettre en doute. Mais il n’en demeure pas moins un problème pour nous tous, membres de cette assemblée. Que peut-on croire sur parole, puisque, même quand on vote quelque chose, il arrive que ce vote soit détourné ? Je le dis dans un esprit de responsabilité – je sais que ce terme plaît !
La situation actuelle n’est pas acceptable. L’administration fiscale accepte le « quoi qu’il en coûte » pour ce qui est de recouvrer ses créances ! On entame des procédures contentieuses alors même que peu d’entre elles aboutissent. Ce sujet a été évoqué tout à l’heure, ce qui m’a incité à regarder les chiffres. Eh bien, depuis 2014, sur les 2 984 demandes de décharge reçues par la DGFiP, une demande sur deux est rejetée ! Nous ne mettons nullement en cause l’administration fiscale ni ses compétences ; simplement, il faut faire la loi, c’est bien pour cela que nous siégeons aujourd’hui et que nous déposons ces amendements, dont la diversité politique des signataires n’a pu vous échapper : tous, nous tenons à obtenir gain de cause au profit des associations qui nous ont sollicités.
Je le redis, il faut respecter le vote émis par notre assemblée, presque à l’unanimité, si je me rappelle bien, lors de l’examen du dernier projet de loi de finances.
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l’amendement n° 11.
Mme Mélanie Vogel. Il a été brillamment défendu par nos collègues Elsa Schalck et Pascal Savoldelli.
M. le président. Les deux amendements suivants sont également identiques.
L’amendement n° 1 rectifié est présenté par M. Bourgi, Mme Rossignol, M. Ziane, Mmes Blatrix Contat et de La Gontrie, MM. Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 8 rectifié bis est présenté par Mme Billon, MM. Bonneau, Longeot et Courtial, Mmes Sollogoub et Romagny, M. Laugier, Mme Saint-Pé, M. Menonville, Mmes Antoine, Morin-Desailly et Vermeillet, MM. Lafon et J.M. Arnaud, Mme Jacquemet, MM. Cambier et Parigi et Mme Perrot.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 2 du II de l’article 1691 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « en cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. La situation financière nette du demandeur est appréciée sur une période n’excédant pas trois années. La décharge de l’obligation de paiement est alors prononcée selon les modalités suivantes » sont supprimés ;
2° Après le premier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« 1° Dans le cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. La situation financière nette du demandeur est appréciée sur une période n’excédant pas trois années ;
« 2° Dans le cas où le montant de la dette fiscale résulte d’un contrôle fiscal personnel de son ancien conjoint ou partenaire de pacte civil de solidarité ayant donné lieu, par suite d’un manquement aux obligations déclaratives, d’une soustraction frauduleuse ou d’une tentative de soustraction frauduleuse au paiement des impositions mentionnées aux 1° et 2° du I ainsi qu’à l’article 1723 ter-00 B, à une rectification d’un bénéfice ou revenu propre au conjoint ou au partenaire de pacte civil de solidarité du demandeur. La décharge de l’obligation de paiement n’est alors accordée que si le demandeur ne s’est pas enrichi à la faveur de cette fraude fiscale commise par son ancien conjoint ou partenaire de pacte civil de solidarité et n’a pas participé directement ou indirectement à celle-ci ;
« 3° La décharge de l’obligation de paiement est alors prononcée selon les modalités suivantes : ».
II. – Le I est applicable aux demandes en décharge de l’obligation de paiement déposées à compter du 1er janvier 2025.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Hussein Bourgi, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié.
M. Hussein Bourgi. Les motivations de cet amendement ont été extrêmement bien exposées par Elsa Schalck et Pascal Savoldelli. L’unique différence entre celui-ci et ceux qu’ils ont présentés est que nous proposons ici d’appliquer le dispositif à compter du 1er janvier 2025 et non du 1er janvier 2024.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 8 rectifié.
Mme Annick Billon. L’objet de cet amendement est en effet à peu près identique à celui des précédents : le dispositif proposé a été adopté par le Sénat, avant d’être supprimé lors de l’usage par le Gouvernement du 49.3 sur le dernier projet de loi de finances.
Rappelons que 300 000 couples se séparent chaque année ; près d’un mariage sur deux – 46 % – finit par un divorce. Dans ce contexte, il est anormal que la législation prévoie que le demandeur de la décharge reste tenu de payer solidairement les majorations et pénalités exigées pour des revenus occultes ou dissimulés de son ex-conjoint. Cet amendement vise précisément à remédier à cette injustice.
M. le président. L’amendement n° 17, présenté par M. Savoldelli, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 2 du II de l’article 1691 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « en cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. La situation financière nette du demandeur est appréciée sur une période n’excédant pas trois années. La décharge de l’obligation de paiement est alors prononcée selon les modalités suivantes » sont supprimés ;
2° Après le premier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« 1° Dans le cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. La situation financière nette du demandeur est appréciée sur une période n’excédant pas trois années ;
« 2° Dans le cas de responsabilité personnelle établie de l’ex-partenaire ou de l’ex-conjoint ;
« 3° La décharge de l’obligation de paiement est alors prononcée selon les modalités suivantes : ».
II. – Le I est applicable aux demandes en décharge de l’obligation de paiement déposées à compter du 1er janvier 2024.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Défendu !
M. le président. Les quatre amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 2 rectifié bis est présenté par Mme Noël, M. Rapin, Mme Muller-Bronn, MM. J.B. Blanc, Chatillon, Brisson, Anglars et D. Laurent et Mme Nédélec.
L’amendement n° 5 rectifié quinquies est présenté par Mme Schalck, M. Lefèvre, Mmes de Cidrac, Di Folco et M. Mercier, M. Meignen, Mme Joseph, MM. Daubresse et Pellevat, Mmes Deseyne, Belrhiti, Josende, Lassarade et Richer, MM. Savin, Genet, Belin, Reichardt et Sido, Mmes Estrosi Sassone et Borchio Fontimp, M. Gremillet, Mmes Aeschlimann et Carrère-Gée et M. Rojouan.
L’amendement n° 9 rectifié bis est présenté par Mme Billon, MM. Bonneau, Longeot et Courtial, Mmes Sollogoub et Romagny, M. Laugier, Mme Saint-Pé, MM. Canévet et Menonville, Mmes Antoine, Morin-Desailly et Vermeillet, MM. Lafon et J.M. Arnaud, Mme Jacquemet, MM. Cambier et Parigi et Mme Perrot.
L’amendement n° 21 rectifié ter est présenté par Mme Vérien, MM. Levi, Henno et Maurey, Mmes O. Richard et Gatel, M. Kern, Mmes Herzog et Doineau et MM. Capo-Canellas et Bonnecarrère.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 2 du II de l’article 1691 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « en cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. La situation financière nette du demandeur est appréciée sur une période n’excédant pas trois années. La décharge de l’obligation de paiement est alors prononcée selon les modalités suivantes » sont supprimés ;
2° Après le premier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« 1° Dans le cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. La situation financière nette du demandeur est appréciée sur une période n’excédant pas trois années ;
« 2° Dans le cas de responsabilité personnelle établie de l’ex-partenaire ou de l’ex-conjoint ;
« 3° La décharge de l’obligation de paiement est alors prononcée selon les modalités suivantes : ».
II. – Le I est applicable aux demandes en décharge de l’obligation de paiement déposées à compter du 1er janvier 2025.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Sylviane Noël, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié bis.
Mme Sylviane Noël. Force est de constater que le dispositif de décharge de responsabilité solidaire créé par la loi de finances pour 2008 n’a pas eu l’effet escompté. Aujourd’hui, 90 % des demandes de décharge sont déposées par des femmes. La loi de finances pour 2022 a certes assoupli une des conditions d’appréciation de la demande, en réduisant de dix ans à trois ans la période d’appréciation de la situation financière du demandeur, qui détermine la part des revenus nets de charges sur laquelle est prélevé le paiement de la dette fiscale. Toutefois, cet assouplissement s’est révélé insuffisant, puisque 59 % des demandes de décharge ont encore été rejetées en 2022 ; ce taux était néanmoins encore plus élevé auparavant, autour de 70 %.
Par ailleurs, selon la législation actuelle, le demandeur reste tenu de payer solidairement les majorations et pénalités exigées pour des revenus occultes ou dissimulés de son ex-conjoint, ce qui est tout à fait anormal.
Ainsi, pour rectifier cette situation, nous proposons par cet amendement d’inclure dans les conditions d’examen de la demande de décharge de responsabilité solidaire des ex-époux l’appréciation de l’origine du montant de la dette fiscale contractée durant la période de vie commune.
M. le président. La parole est à Mme Elsa Schalck, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié quinquies.
Mme Elsa Schalck. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 3 rectifié bis que je viens de présenter. Son objet est le même, mais sa formulation a une portée plus générale.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 9 rectifié bis.
Mme Annick Billon. Comme vient de le dire Elsa Schalck, il s’agit d’un amendement de repli, lui aussi transpartisan et extrêmement pragmatique !
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié ter.
Mme Dominique Vérien. Je préciserai simplement que, si j’ai bien compris, le dispositif de ces amendements de repli a fait l’objet de négociations avec Bercy. C’est pourquoi, au moins sur ceux-ci, nous espérons recevoir du Gouvernement un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. Nous avons déjà pu aborder ce sujet dans la discussion générale, où M. le ministre délégué chargé des comptes publics a pris des engagements oraux, qui ont trouvé une première traduction dans l’amendement n° 28 du Gouvernement.
Il me semble que les discussions que nous avons avec M. Cazenave et son cabinet sur ce sujet, depuis une quinzaine de jours – je rappelle que ce texte est examiné en procédure accélérée, et même très accélérée, si je puis dire, puisqu’il a été adopté par l’Assemblée nationale le 18 janvier dernier et que nous l’examinons seulement deux mois plus tard, pour le bien de tous – ont ainsi permis des avancées.
Aux termes des engagements pris par M. Cazenave aujourd’hui, pourront bénéficier de ces dispositions non seulement les situations actuelles, mais aussi les situations antérieures qui n’avaient pu donner lieu à l’octroi de la décharge de responsabilité solidaire : je tiens à préciser à l’attention de M. Savoldelli que, même s’il ne s’agit pas de rétroactivité stricto sensu, le réexamen de telles situations sera possible. Voilà ce que permettra l’article 2, tel qu’il a été modifié par l’adoption de l’amendement du Gouvernement. Ce sont des avancées importantes !
Je rappelle aussi l’engagement pris par M. Cazenave d’apporter des précisions à la doctrine fiscale en la matière. Cela va aussi dans le bon sens. Cette année, suivant ses engagements, l’administration fiscale va réexaminer les situations. On fera un premier point l’été prochain. S’il s’avère alors que ce dispositif ne permet pas de remédier à certaines situations d’injustice flagrante, il pourra être revu et amélioré dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2025.
Pour ma part, je fais confiance à l’administration ; j’ai pu me convaincre, au cours des auditions, de l’engagement et de l’humanité de ses agents face à ces situations extrêmement pénibles, pour leurs victimes, mais aussi pour les agents qui ont à les connaître.
Pour toutes ces raisons, j’estime qu’il convient de faire confiance à l’administration fiscale sur ce sujet. L’avis de la commission est donc défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je sais que je vais décevoir quelques-uns d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs. Cela me navre ; il faut que je m’explique.
Tout d’abord, je crois pouvoir dire, au nom de Thomas Cazenave, qu’il y a une mobilisation totale sur ces sujets. Nous ne viendrions pas ici vous raconter ce que nous allons faire si nous n’avions pas la ferme intention d’agir en conséquence.
Vous n’ignorez pas que le travail qui nous occupe aujourd’hui est un travail approfondi, qui se fait en coconstruction. Ce travail de compromis permet d’apporter une réponse aux personnes victimes de la solidarité fiscale en créant une nouvelle procédure de décharge à titre gracieux.
Les engagements qui ont été pris tout à l’heure quant à l’application qui sera faite de cette procédure par l’administration fiscale témoignent bien de la portée que le Gouvernement entend lui donner.
Thomas Cazenave a également indiqué qu’une évolution serait apportée à la doctrine concernant les biens utilisés dans la phase de recouvrement en cas d’échec de la DRS ou de la décharge à titre gracieux, ce qui répond quelque peu à la question posée par M. Savoldelli. Dans ces cas, que nous espérons marginaux, l’administration fiscale n’ira pas mobiliser les biens acquis avant le mariage ou par héritage.
Compte tenu de ces engagements, je demande le retrait des amendements nos 3 rectifié bis, 7, 11, 1 rectifié et 8 rectifié bis, dont les dispositifs procèdent tous de la même logique que ceux étudiés lors de la discussion budgétaire de l’automne dernier, et soulèvent de réelles difficultés juridiques et opérationnelles.
Il en est de même des autres amendements en discussion, nos 17, 2 rectifié bis, 5 rectifié quinquies, 9 rectifié bis et 21 rectifié ter, dont j’appelle les auteurs à les retirer, pour se rallier à la position adoptée tant par l’Assemblée nationale que par votre commission, à la lumière des déclarations et des promesses faites à cette tribune par Thomas Cazenave dans la discussion générale.
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.
Mme Laure Darcos. On ne peut pas entendre de tels arguments, monsieur le garde des sceaux ! Ce n’est pas vous qui êtes en cause, d’ailleurs ; c’est vraiment Bercy. On nous disait, l’automne dernier, que ce dispositif ne pouvait pas figurer dans une loi de finances et qu’un véhicule législatif spécifique s’imposait. Aujourd’hui, M. Cazenave vient nous exprimer les assurances qu’il croit pouvoir donner, mais des freins s’opposeraient encore à l’adoption de ce dispositif !
Ces dispositions sont peut-être symboliques, mais elles sont très importantes à nos yeux. On ne peut pas se contenter d’une certaine rétroactivité pour les derniers dossiers de décharge examinés. Nous vous demandons, de manière à peu près unanime sur toutes nos travées – du moins beaucoup d’amendements ont été déposés, signés par des représentants de l’ensemble des groupes –, que ces dispositions soient inscrites dans la loi ; à la DGFiP ensuite, comme elle a l’habitude de le faire pour bien d’autres sujets, de trouver le système adéquat pour les appliquer.
Mais si on ne le fait pas maintenant, monsieur le garde des sceaux, on ne le fera jamais ! Ce ne sera pas dans le prochain projet de loi de finances, car le Gouvernement pourra toujours renvoyer le sujet aux calendes grecques, en arguant qu’il n’est pas possible de le faire à ce moment.
Nous sommes tous très mobilisés, aux côtés du collectif de femmes divorcées qui assiste à cette séance depuis nos tribunes. Honnêtement, au vu des déclarations de M. Cazenave, nous avons tous édulcoré nos discours, nous avons reconnu les engagements qui ont été pris, mais là, c’est la douche froide !
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. J’ai entendu les arguments de Mme la rapporteure et de M. le garde des sceaux, et je ne remets évidemment pas en cause leur position. Néanmoins, quand on nous demande de faire confiance à l’administration fiscale, je me rappelle forcément toutes les situations de grande difficulté, voire de détresse, qui nous ont été exposées. Vous les avez qualifiées, monsieur le garde des sceaux, de cas « marginaux ». Mais chaque situation est difficile et, pour ma part, un cas marginal m’alerte tout autant qu’un autre. Tous les témoignages personnels que nous avons entendus m’empêchent de m’en remettre à l’interprétation des règles par l’administration, ou à un éventuel changement de doctrine.
Dès lors, à mon grand regret, madame la rapporteure, monsieur le garde des sceaux, je ne peux que maintenir mes amendements.
M. le président. La parole est à Mme Elsa Schalck, pour explication de vote.
Mme Elsa Schalck. Je suis en accord complet avec les propos que viennent de tenir nos collègues Laure Darcos et Annick Billon ; moi non plus, je ne retirerai pas mes amendements.
Je tiens à rappeler que le Sénat a déjà adopté ces dispositions au cours de la dernière discussion budgétaire, pour les voir disparaître à la faveur du 49.3. Avec ces amendements, monsieur le garde des sceaux, nous vous offrons la possibilité de mettre en adéquation les déclarations faites par M. le ministre Cazenave à cette tribune il y a moins d’une heure avec des actes très attendus par une large majorité de cette assemblée.
M. Max Brisson. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Je m’associe à tout ce que viennent de dire Mmes Darcos, Billon et Schalck. Comme d’autres, j’étais intervenu sur ce sujet lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024. Nous avons tous un esprit d’écoute, nous ne faisons pas de la polémique pour la polémique : quand un membre du Gouvernement prend un engagement, nous ne le mettons pas en cause.
En l’occurrence, lors de la dernière discussion budgétaire, M. Cazenave nous déclarait : « Je m’engage à adresser une instruction au réseau de la direction générale des finances publiques demandant de traiter ces cas avec clémence et en tenant compte des situations très difficiles que vous avez évoquées. »
Si cette instruction avait bien été donnée au mois de décembre, nous n’aurions pas à remettre le sujet sur la table aujourd’hui, dans une collégialité d’approche et de colère. Mais comme nous n’avons pas en notre possession cette instruction, comme, surtout, les femmes divorcées ne l’ont pas non plus, vous comprendrez bien qu’il faut que nous prenions des décisions qui soient respectées ! Ce n’est pas une question d’opposition ou de majorité ; c’est la valeur de la parole politique, de la parole de la République, qui est en cause ! Il faut respecter à la fois l’engagement de nos concitoyennes et concitoyens et celui des parlementaires, dans leur diversité. Il faut bouger, il faut adopter ces amendements !
J’ai moi-même déposé un amendement de repli, le n° 17 ; je ne l’ai pas défendu, parce que je me suis dit que les précédents seraient adoptés, ce qui le rendrait sans objet, pour la bonne cause ! Il faut faire montre d’un esprit de responsabilité : votons ces amendements, à commencer par les trois premiers !
M. Jean-Michel Arnaud. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.
Mme Dominique Vérien. Monsieur le garde des sceaux, il est vrai que, quand vous vous engagez, vous tenez votre parole. Seulement, en l’occurrence, c’est pour un autre ministère que vous vous engagez, et l’on sait bien que, dans les discussions interministérielles, Bercy est parfois un peu difficile à convaincre… Il me semble donc que, en inscrivant ces dispositions dans le texte, nous vous aiderions à gagner vos négociations interministérielles, afin que vous puissiez tenir votre parole.
M. Laurent Burgoa. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour explication de vote.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Mes chers collègues, je vous engage à tenir bon ! J’étais présente dans cet hémicycle le 24 novembre dernier, lorsque ce dispositif a été proposé de façon très collégiale et soutenue ; ces amendements avaient alors été adoptés, contre l’avis de la commission et du Gouvernement.
Comme notre estimable collègue Pascal Savoldelli, j’ai bien relu les comptes rendus de nos débats : le ministre délégué chargé des comptes publics s’était bien engagé alors à « adresser une instruction au réseau de la direction générale des finances publiques demandant de traiter ces cas avec clémence et en tenant compte des situations très difficiles que vous avez évoquées », faisant montre d’une réelle ouverture d’esprit.
Vous nous faites la même promesse aujourd’hui. Pour notre part, nous souhaiterions savoir si cette instruction a effectivement été envoyée et sur quoi elle a débouché. Cela me semble important, pour le respect des femmes qui assistent à nos débats.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Nous examinons dix amendements d’objet similaire, dont les signataires sont très nombreux. Habituellement, je suis l’avis de la commission, notamment quand il s’agit de la commission des lois, dont les rapporteurs maîtrisent bien les enjeux juridiques. Toutefois, il s’agit ici plutôt de dispositions à caractère financier, tendant à modifier le code général des impôts.
Mais ce qui importe davantage encore que les aspects financiers et juridiques, c’est le volet humain de ces dispositions, qui est absolument prioritaire. Nous avions passé beaucoup de temps sur ce sujet lors de la dernière discussion budgétaire ; déjà, cette fois-là, beaucoup d’amendements avaient été déposés. Pour les justifier, cette fois-ci encore, leurs auteurs rappellent le nombre de séparations et de divorces : le volet humain, en la matière, prend le dessus sur tout le reste. C’est pourquoi je les voterai. (Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 rectifié bis, 7 et 11.
(Les amendements sont adoptés.) – (Applaudissements sur toutes les travées, à l’exception de celles du groupe RDPI.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2, et les amendements nos 1 rectifié, 8 rectifié bis, 17, 2 rectifié bis, 5 rectifié quinquies, 9 rectifié bis et 21 rectifié ter n’ont plus d’objet.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 6 rectifié, présenté par Mme L. Darcos et MM. Verzelen, Chasseing, A. Marc, Wattebled et Chevalier, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après la première phrase du 2 du II de l’article 1691 bis du code général des impôts, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Les biens et droits réels immobiliers détenus par le détenteur antérieurement à la date du mariage ou du pacte civil de solidarité et le patrimoine du demandeur reçu par donation ou succession ne sont pas pris en compte pour l’appréciation de sa situation patrimoniale. »
II. – Le I est applicable aux demandes en décharge de l’obligation de paiement déposées à compter du 30 juin 2024.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Par cet amendement, je souhaite aller un peu plus loin encore. Il vise à encadrer l’appréciation de la situation patrimoniale du demandeur et à en exclure les biens et droits réels immobiliers détenus antérieurement à la date du mariage ou du pacte civil de solidarité, ainsi que le patrimoine reçu par donation ou succession. J’avais déjà défendu une telle disposition lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024.
M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 13 rectifié est présenté par Mme L. Darcos et MM. A. Marc, Verzelen, Chevalier, Chasseing et Malhuret.
L’amendement n° 14 rectifié bis est présenté par Mme Billon, MM. Bonneau, Longeot et Courtial, Mmes Sollogoub et Romagny, M. Laugier, Mme Saint-Pé, MM. Canévet et Menonville, Mmes Antoine, Morin-Desailly et Vermeillet, MM. Lafon et J.M. Arnaud, Mme Jacquemet, MM. Cambier et Parigi et Mme Perrot.
L’amendement n° 26 rectifié ter est présenté par Mme Schalck, M. Lefèvre, Mme de Cidrac, M. Brisson, Mmes Di Folco et M. Mercier, M. Meignen, Mme Joseph, MM. Daubresse et Pellevat, Mme Deseyne, M. Rapin, Mmes Belrhiti, Josende, Lassarade et Richer, MM. Savin, Genet, Belin, Reichardt et Sido, Mmes Estrosi Sassone et Borchio Fontimp, M. Gremillet, Mme Aeschlimann et M. Rojouan.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après la première phrase du 2 du II de l’article 1691 bis du code général des impôts, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Les biens et droits réels immobiliers détenus par le détenteur antérieurement à la date du mariage ou du pacte civil de solidarité ne sont pas pris en compte pour l’appréciation de sa situation patrimoniale. »
II. – Le I est applicable aux demandes en décharge de l’obligation de paiement déposées à compter du 30 juin 2024.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Laure Darcos, pour présenter l’amendement n° 13 rectifié.
Mme Laure Darcos. Il s’agit d’un amendement de repli, qui vise toujours à encadrer l’appréciation de la situation patrimoniale du demandeur ; en seraient cette fois exclus les seuls biens et droits réels immobiliers détenus antérieurement à la date du mariage ou du pacte civil de solidarité.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 14 rectifié bis.
Mme Annick Billon. Après l’adoption très large des amendements identiques nos 3 rectifié bis, 7 et 11, au bénéfice de toutes les femmes, nous proposons d’aller plus loin.
Certes, la présente mesure n’a pas déjà été adoptée lors du PLF pour 2024, mais elle est, elle aussi, transpartisane. Elle mérite un avis favorable du garde des sceaux et de la rapporteure ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Elsa Schalck, pour présenter l’amendement n° 26 rectifié ter.
Mme Elsa Schalck. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. Tous ces amendements en discussion commune visent à modifier les conditions d’appréciation de la situation patrimoniale et financière des demandeurs.
L’amendement n° 6 rectifié tend à exclure non seulement les biens et droits réels immobiliers détenus par le détenteur, antérieurement à la date du mariage ou du pacte civil de solidarité, mais aussi le patrimoine du demandeur reçu par donation ou succession, de l’appréciation de la situation patrimoniale du demandeur en partant du calcul de la disproportion marquée.
En adoptant une telle mesure, nous créerions une voie de contournement de l’impôt particulièrement problématique, me semble-t-il. Celle-ci pourrait d’ailleurs bénéficier également à des hommes, y compris lorsqu’ils sont responsables de la dette fiscale du foyer. Gardons à l’esprit qu’une telle disposition a vocation à se fonder sur l’appréciation des capacités contributives du demandeur. Il serait donc contre-productif de nuire à ce point à cette appréciation.
Les amendements identiques nos 13 rectifié, 14 rectifié bis et 26 rectifié ter ont quant à eux pour objet de reprendre le dispositif de l’amendement n° 6 rectifié en limitant l’exclusion aux seuls biens et droits réels immobiliers détenus par le détenteur. Ils ne visent donc pas le patrimoine reçu par donation et succession. Même s’ils sont de portée moindre, ils appellent les mêmes réserves.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Par cohérence, je ne puis soutenir une position contraire à celle que j’ai exprimée avec beaucoup de sincérité.
Sans surprise, et même s’il a pris acte du vote qui vient d’avoir lieu, le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 rectifié, 14 rectifié bis et 26 rectifié ter.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2.
Mme Laure Darcos. Bravo !
M. le président. L’amendement n° 20, présenté par M. Savoldelli, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après la deuxième phrase du 2 du II de l’article 1691 bis du code général des impôts, est insérée une phrase ainsi rédigée : « L’appréciation de la situation financière et patrimoniale du demandeur exclut les revenus issus des prestations familiales définies à l’article L. 511-1 du code de la sécurité sociale, l’allocation aux adultes handicapés définie à l’article 821-5 du même code, l’aide personnalisée au logement mentionnée au 1 de l’article L. 821-1 du code de la construction et de l’habitation et la pension alimentaire prévue à l’article 373-2-2 du code civil. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Les membres du groupe CRCE-K souhaitent exclure du calcul de la situation financière du demandeur de décharge de responsabilité solidaire les prestations de nature à lui garantir un niveau de vie minimal, qui sont intrinsèques à une situation personnelle souvent associée au fait d’avoir vécu une séparation récente.
Cet amendement tend donc à s’inscrire donc dans le prolongement des précédents.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. Cet amendement vise à exclure certaines prestations sociales du calcul et de l’appréciation de la situation financière du demandeur.
L’appréciation de la situation du demandeur ayant vocation à prendre en compte l’ensemble des sources de revenus, il paraît peu opérationnel pour l’administration fiscale de procéder à un tel tri dans la nature des ressources du demandeur. Par ailleurs, lorsque la situation financière du demandeur implique la perception de telles prestations, il y a de grandes chances que celle-ci ne permette pas le remboursement de la dette fiscale et qualifie la disproportion marquée.
L’amendement me semble donc quasiment satisfait dans les faits. Qui plus est, de tels cas auront vocation à être appréhendés dans le cadre de la décharge gracieuse qui est prévue.
Enfin, l’adoption de cet amendement ouvrirait une liste de ressources qui n’aurait de cesse de s’allonger, ce qui me semble constituer un risque également non négligeable de complexification. Tel n’est pas l’objet de cette proposition de loi.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Cet amendement vise à exclure du calcul de la situation financière du demandeur de la décharge de responsabilité solidaire différents revenus qui sont issus de prestations sociales, telles que l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ou les APL.
L’appréciation de la situation financière et patrimoniale du demandeur d’une décharge de responsabilité solidaire retient une approche large des revenus. Il ne s’agit pas là d’une spécificité fiscale, puisque les commissions de surendettement des particuliers retiennent exactement la même approche. Pour autant, monsieur le sénateur, en s’écartant de la prise en compte d’une disproportion marquée entre les revenus et la dette fiscale, le dispositif de décharge gracieuse surmonte la difficulté que vous évoquez.
Par conséquent le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettrait un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Nous avons déposé cet amendement pour avoir l’assurance que ne seront pas incluses dans le calcul de la situation financière des demandeurs d’une décharge les prestations familiales, l’allocation aux adultes handicapés, les aides personnelles au logement et la pension alimentaire.
Évidemment, ces revenus de transfert qui répondent à des situations particulières et à des besoins primaires sont versés pour des raisons différentes. Je pense plus spécifiquement à l’AAH, dont nous conviendrons tous ici qu’elle ne peut pas faire l’objet d’une saisie, car ce serait une aberration.
Il en a été question tout à l’heure quand a été évoquée la situation des familles monoparentales : retenir la pension alimentaire n’est pas acceptable, qui plus est quand elle est impayée. Je rappelle que 30 % des familles monoparentales – cela représente 500 000 personnes, majoritairement des femmes – sont victimes d’impayés, alors même que la pension alimentaire représente 18 % des ressources du foyer.
Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, vous le voyez, cet amendement est une mesure tout à fait concrète, qui vise à répondre au sentiment d’injustice que ressentent nombre de personnes, en particulier des femmes.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 20.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2 bis (nouveau)
I. – La seconde phrase du d du 2 du II de l’article 1691 bis du code général des impôts est supprimée.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
M. le président. L’amendement n° 27, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. L’article 2 bis tend à élargir le champ des pénalités dont peuvent être déchargées les victimes d’un conjoint ayant eu un comportement frauduleux à l’égard de l’administration fiscale.
Toutefois, sa rédaction ne permet pas d’atteindre l’objectif visé. Au contraire, elle aggrave la situation des demandeurs en les privant potentiellement d’une décharge des intérêts de retard et pénalités appliqués à des revenus communs aux deux ex-conjoints.
En revanche, cet objectif pourra être atteint grâce à la nouvelle procédure de décharge gracieuse qui figure dans le texte.
Pour ces raisons, le Gouvernement propose la suppression de l’article 2 bis.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. Cet amendement vise à supprimer une souplesse que la commission a jugé utile d’ajouter.
La commission a bien eu pour intention de prononcer la décharge par principe des intérêts de retard et pénalités d’assiette dues à raison du comportement de l’époux fraudeur. En effet, si ce dispositif comporte des effets de bord, ceux-ci pourront être corrigés au cours de la navette parlementaire.
Reste que la commission s’oppose à la suppression sèche d’un dispositif qu’elle a souhaité inscrire dans le texte à la suite de ses échanges avec l’administration fiscale. Il convient de le conserver. Au demeurant, nous aurons le temps d’y retravailler d’ici à la convocation de la commission mixte paritaire.
En l’état, la commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Mme la rapporteure me dit que nous allons retravailler ensemble cette disposition… J’en suis pour ma part totalement convaincu ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 2 bis.
(L’article 2 bis est adopté.)
Après l’article 2 bis
M. le président. L’amendement n° 18, présenté par M. Savoldelli, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au IV de l’article 1691 bis du code général des impôts le mot : « ne » est supprimé.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Au cours de nos débats, nous avons examiné les difficultés, les conditions restrictives et les interprétations qui empêchaient les femmes de se délier de la dette frauduleuse de leur ex-conjoint. En revanche, ce que l’on ne sait pas, ou que l’on sait peu, c’est qu’après ce parcours du combattant, les sommes encaissées ne peuvent être restituées. Eh oui… Cet amendement vise tout simplement à faire en sorte qu’elles puissent l’être.
Imaginez la situation. En rentrant du travail, vous recevez une mise en recouvrement pour dette, ce que vous ignoriez, d’un montant de près de 500 000 euros. Il y a de quoi être abasourdi, voire sonné. Tout d’abord, vous cherchez à comprendre. Ensuite, vous essayez de trouver les procédures qui vous permettraient de faire valoir votre bonne foi, puis vous constituez votre dossier : tout cela est assez long et compliqué. Enfin, vous parvenez à déposer votre demande de décharge de responsabilité solidaire.
Dans l’intervalle, c’est-à-dire entre la mise en recouvrement et ce dépôt, toute saisie ne fera pas l’objet de restitution. Il vous faudra vous battre pour que cela n’aille pas plus loin, mais la partie est souvent perdue d’avance, dès la mise en recouvrement.
Comment comprendre qu’une personne déchargée ne puisse récupérer l’intégralité de ses avoirs ou de son patrimoine ? De deux choses d’une : soit elle est responsable et elle doit payer, soit l’administration – ou le juge en cas de passage par une voie contentieuse – décide le contraire. Dans ce cas, si elle obtient gain de cause, il est inadmissible qu’elle ne récupère pas son dû.
C’est pourtant ce qui figure noir sur blanc sur le site www.impôts.gouv.fr : « Il ne peut être accordé aucune restitution des sommes encaissées avant la date de la demande. » La phrase est cinglante et froide. Elle emporte des conséquences lourdes dans la reconstruction de ces femmes qui ont décidé d’obtenir justice contre un principe fiscal juste, mais parfois aveugle, comme vous le voyez, mes chers collègues.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. Cet amendement tend à prévoir que l’octroi d’une décharge de responsabilité solidaire puisse donner lieu à restitution des sommes déjà payées par le demandeur.
Une telle disposition paraît répondre particulièrement au cas d’une demande de décharge formulée relativement tardivement, après l’engagement de la mise en recouvrement et ne produisant donc pas tous ses effets, bien qu’il y soit ultérieurement fait droit. Elle semble ouvrir une nouvelle voie de recours, les demandeurs pouvant demander la restitution de sommes déjà payées, une fois la décharge octroyée.
Néanmoins, le dispositif paraît de nature à restaurer a posteriori les droits des demandeurs et demeure souple, en ménageant une capacité d’appréciation à l’administration.
Pour toutes ces raisons, sur cet amendement, la commission s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée. (Marques de satisfaction sur diverses travées.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur Savoldelli, cet amendement a pour objet de permettre la restitution des sommes qui ont été recouvrées par l’administration fiscale entre la mise en recouvrement et le dépôt de décharge de responsabilité solidaire.
Toutefois, la rédaction retenue est bien trop large et pourrait conduire à restituer des sommes payées par le couple pendant la période de la vie commune, avant la découverte des pratiques frauduleuses. À l’évidence, un tel effet excéderait l’objectif recherché de protection de l’ex-conjoint victime. C’est pourquoi le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement.
Pour l’effet que vous recherchez, la procédure de décharge gracieuse apporte une réponse adaptée. Les engagements pris traduisent notre volonté de nous en saisir pour protéger efficacement les personnes victimes de solidarité fiscale.
Bref, je comprends parfaitement le sens de votre amendement, mais sa rédaction créerait de possibles effets de bord qui, selon nous, ne sont pas désirables.
Enfin, vous reprochez à Bercy de ne pas être romantique et de rédiger ses documents de façon froide. J’ai peu à dire sur une telle appréciation. Reste que l’on ne peut pas s’attendre à ce qu’une réclamation émanant de Bercy contienne des mots doux. Oui, c’est froid, nous le savons… Votre tentative de séduction ne peut pas marcher, vous allez un peu trop loin, monsieur le sénateur ! Je vous le dis avec beaucoup de sympathie.
M. Pascal Savoldelli. Attendez la suite ! (Sourires.)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je le répète, même si je comprends l’intention qui sous-tend cet amendement, sa rédaction pose problème : elle a des effets de bord que l’on ne peut pas accepter.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Allez, monsieur le garde des sceaux, faisons-nous confiance ! (Sourires.)
M. Pascal Savoldelli. C’est important, la confiance, non, monsieur le garde des sceaux ? (Exclamations amusées.)
Vous affirmez que votre avis est conditionné par les possibles effets de bord de cet amendement. Mme la rapporteure conclut, après expertise, par un avis de sagesse de la commission. Si notre volonté de travailler ensemble est sincère, il faut adopter cet amendement ! Vous en proposerez une rédaction bien plus rigoureuse que celle que j’ai proposée au nom du groupe CRCE – K ; ainsi, cet amendement pourra être adopté au cours de la navette parlementaire ou en commission mixte paritaire.
Ce serait une bonne façon de conclure nos débats dans un esprit de responsabilité partagée, ce qui n’est pas si fréquent. Adoptons cet amendement, revoyons sa rédaction dans le cadre de la navette parlementaire ou à l’occasion de la commission mixte paritaire. Cela me paraît préférable à un vote contre, qui nous obligera à attendre qu’un certain nombre de nos collègues poursuivent ici le travail, comme c’est le cas souvent.
Voilà, me semble-t-il, une proposition tout à fait acceptable.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, on peut effectivement y travailler, en vue de la commission mixte paritaire, et trouver une rédaction qui prévienne les possibles effets de bord que je viens d’évoquer.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2 bis.
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Je remercie Isabelle Florennes de l’attention qu’elle a portée aux amendements que nous avons proposés. Certes, nous avons eu un différend sur certaines dispositions que nous avons adoptées contre son avis, mais je connais son engagement sur ces sujets, ainsi que celui du garde des sceaux.
Nous nous sommes attachés à améliorer le texte de l’Assemblée nationale en le précisant et, surtout, à réparer de profondes injustices. Ce texte vise toutes les femmes qui se trouvent dans ces situations et qui souffrent de ces injustices depuis des années.
Je remercie le président du groupe Union Centriste d’avoir inscrit ce texte majeur pour les femmes à l’ordre du jour de nos travaux. C’est un petit pas, mais un pas tout de même pour plus de justice patrimoniale au sein de la famille, ainsi que pour réparer les inégalités entre les hommes et les femmes. Ce pas en appellera d’autres.
Bien entendu, je voterai résolument cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
7
Médecine scolaire
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Union Centriste, de la proposition de loi visant à expérimenter le transfert de la compétence « médecine scolaire » aux départements volontaires, présentée par Mme Françoise Gatel et plusieurs de ses collègues (proposition n° 154, texte de la commission n° 415, rapport n° 414).
Discussion générale
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Olivier Bitz et Mme Sabine Drexler applaudissent également.)
Mme Françoise Gatel, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons la discussion d’un texte de grande importance et de grande urgence. En effet, voilà maintenant plus de quatre-vingts ans, l’État français affirmait une ambition extrêmement forte et tout à fait qualitative en matière de prévention de santé, par l’institution de ce qui s’appelait alors le service national d’hygiène scolaire et universitaire.
Ce service remarquable s’est déployé sur tout le territoire. Depuis lors, l’ambition reste forte, et c’est une chance, mais elle souffre de graves difficultés endémiques qui sont soulignées par de nombreux rapports. Je pense à celui de la Cour des comptes de 2020 et à celui qui a été demandé à l’inspection générale de l’administration par le Sénat dans le cadre de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS.
Enjeu majeur d’égalité, la médecine scolaire permet de pallier la précarité des familles, de détecter des fragilités, y compris sociales, d’accompagner vers les soins et de contribuer à la surveillance épidémiologique. Elle contribue également au confort des équipes éducatives, qui doivent trouver des relais face aux difficultés des élèves.
Depuis sa création, ce service a changé de tutelle plusieurs fois, y compris pour devenir un service municipal – c’est d’ailleurs encore parfois le cas. Il relève aujourd’hui d’au moins cinq codes.
Nous avons un peu perdu de vue le service de médecine scolaire, puisqu’il n’est plus que très partiellement assuré. Je veux en cet instant dire mon total soutien, mon respect et ma gratitude aux personnes de la médecine scolaire, qui font vraiment de leur mieux, mais qui subissent elles-mêmes les dysfonctionnements dont les rapports font état.
Madame la ministre, vous me direz que le déficit de médecins et d’infirmiers s’explique sûrement par le manque de médecins. Cette réponse est sans doute vraie, mais c’est l’arbre qui cache la forêt. En effet, la pénurie de médecins remonte à vingt ans et ce constat n’a pas conduit à modifier le socle des missions. Au contraire, au lieu d’en diminuer le nombre, on l’a augmenté. Par conséquent, parlons plutôt des causes des dysfonctionnements et des solutions.
Le service de médecine scolaire est piloté par l’éducation nationale et devrait couvrir tous les territoires, puisque la médecine scolaire répond à des obligations extrêmement précises : visite médicale de la sixième année pour tous les établissements publics et les établissements privés sous contrat, visite à l’entrée du secondaire, visite d’aptitude à l’entrée des formations professionnelles et agricoles.
Pourtant, selon le rapport de l’inspection générale de l’administration, en 2022, deux départements, Mayotte et l’Indre, sont sans médecin. Seulement 18 % des visites obligatoires de la sixième année sont effectuées. Plus curieusement, au moins 93 % des enfants des établissements privés sous contrat n’ont pas bénéficié de visites médicales.
On constate une absence de système de données partagées : chacun travaille en silo, alors qu’il faudrait un dispositif organisé autour de l’enfant, pour assurer un meilleur suivi.
L’administration ne restant jamais sans solution, elle a fait preuve d’une formidable imagination créative pour faire face à une situation extravagante où, par défaut d’attractivité des métiers, et alors même que les missions n’ont cessé d’augmenter, on manque de personnel. Dans ces conditions, il est naturel que ce dernier soit incapable d’agir : on ne peut pas lui en vouloir. Mais qu’à cela ne tienne, un petit tour de magie, et le malaise a été supprimé…
La solution trouvée est merveilleuse : les indicateurs remontant du terrain ne portent plus que sur les zones d’éducation prioritaire, en omettant ce qui n’est pas fait dans le reste de l’enseignement public et dans l’enseignement privé hors contrat. Le champ des indicateurs ne recouvre donc depuis 2018 qu’une fraction de l’obligation réglementaire.
Les moyens alloués à la médecine scolaire sont confusément dispersés dans différents programmes. Pour faire face à la pénurie de moyens, une circulaire de 2017 prévoit que la couverture exhaustive du territoire, lequel peut être départemental, ne doit pas forcément être recherchée. Les infirmières scolaires sont domiciliées dans les collèges, mais elles doivent aussi intervenir dans le premier degré, au sein duquel le travail de détection est très important. Or cette situation est quelque peu compliquée pour elles.
Le pilotage national d’un effectif qui correspond à environ 1 % du personnel de l’éducation nationale est lâche, c’est-à-dire insuffisamment resserré. Sa déclinaison territoriale dans les rectorats et chez les directeurs académiques des services de l’Éducation nationale (Dasen) est, quant à elle, inégale et faible. Je tiens cependant à citer deux démarches exemplaires, dans les académies de Grenoble et de Rennes Bretagne, qui ont élaboré un projet sanitaire académique.
On constate une absence d’articulation entre les catégories d’intervenants – infirmières, psychologues et médecins –, chacun étant dans son silo, l’enfant passant de l’un à l’autre. Tous les rapports convergent, madame la ministre, pour expliquer que, quelle que soit votre réponse ce soir à notre pertinente suggestion, il est nécessaire de réformer profondément et de clarifier le dispositif, de mettre en place un véritable pilotage national et de déconcentrer au moins à l’échelon départemental.
La proposition de loi d’aujourd’hui n’est pas un ovni. Elle est née d’une conviction profonde et constante du Sénat, déjà exprimée en 1982 dans les lois de décentralisation et dans la loi 3DS, de la nécessité d’une décentralisation vers les départements. Je crois, sans trahir de secret, que le Gouvernement était assez convaincu de la justesse de notre propos, même s’il ne nous l’a pas dit, craignant sans doute des inquiétudes chez les personnels : cette peur est compréhensible, mais nous pouvons expliquer les choses.
Nous nous retrouvons donc ici aujourd’hui à la suite de la loi 3DS. Chacun reconnaît les compétences sociales des départements, qui exercent ces compétences dans la proximité, puisqu’il leur a été confié la protection maternelle et infantile (PMI).
La PMI intervient dans les écoles – il s’agit donc de médecine scolaire – depuis que l’âge de la scolarité a été abaissé à 3 ans. Les départements, en plus d’avoir un savoir-faire, ont les solutions pour faire face aux fragilités familiales et sociales, car ce sont bien eux qui interviennent dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Il y a donc bien une cohérence, une logique.
On me rétorque que le transfert nécessite des moyens – nous y avons pensé ! – et qu’il créerait des inégalités. Ce dernier argument n’est vraiment pas sérieux : on ne peut pas dire que le système national actuel soit très égalitaire quand il n’y a pas de médecin à Mayotte et que seulement 19 % des visites obligatoires sont réalisées. De plus, notre proposition ne peut être inégalitaire, puisque les obligations restent fixées au niveau national, avec une obligation de résultat pour les départements.
En ce qui concerne l’argument du coût, nous avons la réponse. Vous allez me dire, madame la ministre, que nous avons réponse à tout, et c’est effectivement le cas, car cela fait un moment que nous réfléchissons à la question ! Nous proposons une expérimentation par des départements volontaires ; l’Assemblée des départements de France (ADF) nous a indiqué qu’ils étaient au nombre de dix-neuf – je connais particulièrement la Creuse, tout à fait demandeuse, et le Loir-et-Cher, dont le président du conseil départemental dirige le groupe de travail santé de la commission solidarité, santé et travail de l’ADF.
Nous prévoyons que les départements volontaires aient durant une année des discussions avec l’État, afin de trouver un accord sur les obligations et les moyens. Si le département s’engage, il expérimente pendant cinq ans, durant lesquels deux évaluations sont menées pour corriger le dispositif, lequel pourra être pérennisé à l’issue de ce délai.
Le sujet est vraiment sérieux. Nathalie Delattre évoque souvent son travail sur la santé psychologique des enfants. Plus tôt les failles et les difficultés seront décelées, plus tôt nous interviendrons pour guérir des troubles psychologiques préoccupants ; ainsi, nous remplirons notre devoir. Je ne doute pas que vous partagez notre ambition et notre volonté, madame la ministre.
L’école est le creuset de l’épanouissement des enfants, mais ce dernier ne peut avoir lieu sans le confort mental et l’égalité des chances qui sont procurés par un accompagnement médical, les enfants les plus fragiles étant souvent ceux qui passent sous les radars des médecins.
Madame la ministre, les enfants, la société et l’école valent bien notre proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et RDSE. – M. Olivier Bitz applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Bonhomme, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, la médecine scolaire, qui vise à assurer la promotion de la santé des élèves au cours de leur scolarité et qui relève aujourd’hui du ministère de l’éducation nationale, est confrontée à des difficultés préoccupantes de mise en œuvre depuis plusieurs années.
La marque la plus criante de ces difficultés réside sans aucun doute dans le très faible nombre d’enfants de 6 ans qui bénéficient de la visite médicale obligatoire normalement prévue à cet âge. Nous avons tous, ou la plupart d’entre nous, des souvenirs de ce passage obligé, qui intervenait le plus souvent durant la classe de CP, alors que, aujourd’hui, moins d’un enfant sur cinq bénéficie de cette visite médicale, pourtant essentielle pour détecter de manière précoce d’éventuels troubles du langage ou de l’apprentissage.
Ces difficultés récurrentes rencontrées par la politique de santé scolaire depuis de nombreuses années sont liées principalement à la forte pénurie de médecins scolaires que connaît notre pays.
Au cours des travaux préparatoires et des auditions que j’ai menées, j’ai pu mesurer la baisse continue du nombre de médecins scolaires en activité. Sans surprise, des rémunérations peu attractives et des conditions de travail qui n’ont cessé de se dégrader expliquent que de nombreux postes de médecins scolaires restent vacants, au point que les effectifs de ces derniers ont chuté de 15 % depuis 2013. À l’heure actuelle, sur un total de 1 500 postes de médecins scolaires, seuls 800 sont pourvus !
En moyenne, il n’y a ainsi en France qu’un seul médecin pour 12 000 élèves, alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande d’en avoir un pour 5 000.
En outre, cette pénurie se double ici et là de fortes disparités territoriales : en Nouvelle-Calédonie, il n’y a par exemple qu’un seul médecin scolaire pour 47 000 élèves ! Une telle situation n’est pas tenable si l’on souhaite mener une politique de santé scolaire digne de ce nom.
En effet, la pénurie de médecins scolaires, alors même que les missions de ces derniers n’ont cessé de s’élargir, a de réelles conséquences sur la santé des élèves, qui ne bénéficient pas, pour la plupart d’entre eux, des visites médicales et dépistages prévus par la loi. La Cour des comptes elle-même relevait dans un rapport d’avril 2020 que le taux de réalisation de la visite médicale obligatoire de la sixième année par les médecins scolaires était passé de 26 % en 2013, un niveau déjà historiquement bas, à 18 % en 2018.
Bien que cette visite médicale soit déclarée obligatoire, moins de 20 % des élèves en bénéficient donc durant leur sixième année. Et je n’évoque même pas la situation des enfants scolarisés dans des enseignements privés sous contrat : seuls 4 % d’entre eux bénéficient d’une telle visite.
Madame la ministre, quid du principe d’universalité du dispositif de médecine scolaire ? Il n’est pas possible de se satisfaire de cette défaillance de la politique de santé scolaire.
Je le rappelle, la médecine scolaire est essentielle.
Tout d’abord, pour réduire les inégalités de santé, en permettant le bénéfice d’une consultation médicale à des enfants qui se rendent rarement chez le médecin.
Ensuite, pour détecter le plus tôt possible les éventuels handicaps ou troubles, qu’ils soient physiques ou psychiques, et pour mettre en place le plus rapidement les aménagements et adaptations de la scolarité nécessaires à la prise en charge de ces troubles.
Enfin, pour informer et éduquer les élèves en matière de santé – je pense notamment aux questions liées à la contraception ou à l’équilibre alimentaire. Des études récentes et convergentes ont montré qu’il y avait eu un doublement des cas des élèves en surpoids ou obèses, dont le taux atteint aujourd’hui 17 %.
Vous le savez, la santé des plus jeunes ne cesse de se dégrader, notamment la santé psychique, et l’accès aux médecins est rendu de plus en plus difficile dans le contexte de désertification médicale que nous connaissons tous.
À plusieurs reprises, le Sénat a tenté d’apporter une solution à ce constat d’échec. Il en a été ainsi dès l’élaboration des premières grandes lois de décentralisation, puis lors de l’examen en 2004 du projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales, avec l’adoption ici au Sénat d’un amendement du rapporteur de la commission des lois visant déjà à transférer la compétence de la médecine scolaire aux départements.
Je rappelle, après Mme Gatel, que cette idée a été une nouvelle fois défendue par le Sénat, lors de l’examen de la loi 3DS, sans plus de succès malgré le large soutien dont elle bénéficiait dans notre assemblée, en raison des règles de recevabilité financière de l’article 40 de la Constitution.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, présentée par Françoise Gatel, dont je tiens à saluer le travail, vise précisément à répondre à cette problématique. Elle prévoit la possibilité pour les départements volontaires, à titre expérimental pendant une durée de cinq ans, de bénéficier d’un transfert de compétence en matière de médecine scolaire. Elle s’inscrit donc parfaitement dans la lignée des précédentes positions défendues par le Sénat, que je viens d’évoquer.
Je tiens à souligner qu’il ne s’agit pas d’imposer à l’ensemble des départements une mission que l’État ne souhaite pas ou plus remplir, ou dont il ne peut plus s’acquitter, mais bien de confier à titre expérimental l’exercice de cette compétence aux seuls départements volontaires. À cet égard, l’Assemblée des départements de France a indiqué que dix-neuf départements étaient d’ores et déjà fortement intéressés pour prendre part à cette expérimentation.
Les conditions de forme sont simples. Les départements volontaires devront manifester leur volonté de prendre part à l’expérimentation dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, ce qui leur permettra d’apprécier pleinement l’opportunité de leur engagement, ainsi que le caractère suffisant de la compensation financière de l’État. Une convention serait ensuite conclue entre l’État et le département participant à l’expérimentation, afin de définir les modalités de transfert des crédits correspondant au transfert de charges.
Le département resterait ainsi libre de ne pas participer à l’expérimentation et de ne pas signer la convention avec l’État, dans le cas où celui-ci ne verserait pas suffisamment de crédits budgétaires pour compenser le transfert de compétence.
L’expérimentation sera évaluée à mi-parcours, ainsi que six mois avant son terme, et le législateur pourra décider, à la fin de l’expérimentation, soit de la prolonger, pour une durée maximale de trois ans, soit de l’abandonner, dans le cas où l’expérience ne se révélerait pas concluante, soit enfin de la pérenniser, dans les seuls départements ayant pris part à l’expérimentation ou en l’étendant à davantage de départements.
Convaincue de la cohérence d’une telle expérimentation, la commission des lois a adopté la proposition de loi sans modification.
Tout d’abord, l’expérimentation proposée permettra de rationaliser le pilotage de la médecine scolaire, en resserrant le lien entre les services décisionnels et les personnels sur le terrain, tout en permettant une meilleure adaptation aux enjeux locaux.
Ensuite, elle permettra de renforcer la cohérence du suivi sanitaire des enfants et des adolescents, puisque le département sera désormais chargé de l’ensemble du suivi sanitaire des enfants, dès leur plus jeune âge et jusqu’à la fin du lycée, les départements étant, comme vous le savez, compétents en matière de protection maternelle et infantile.
Enfin, la mutualisation des moyens et des effectifs de la médecine scolaire et des PMI permettra de réaliser des économies, ou à tout le moins de rendre la dépense et l’investissement plus efficaces, ce qui conduira à améliorer la politique de médecine scolaire.
Je suis bien évidemment favorable à la mise en place de cette expérimentation, qui permettrait enfin de consacrer une réforme qui est attendue depuis plusieurs années par notre assemblée, et dont la nécessité se fait pressante.
Il y va également, et avant tout, de l’intérêt de nos enfants, qui doivent bénéficier d’un suivi sanitaire et psychologique de qualité, être éduqués à la santé et à leur corps et trouver dans l’institution scolaire le soutien et le suivi nécessaires dont ils ont parfois tant besoin.
N’oublions pas que, pour certains d’entre eux, la prévention et le soin assurés par la médecine scolaire constituent le premier levier d’insertion ou le dernier rempart contre les violences intrafamiliales. Il est donc absolument essentiel de permettre à l’école d’assurer de nouveau efficacement ses missions d’éducation et de protection.
Au bénéfice de ces observations, mes chers collègues, la commission des lois vous propose donc d’adopter cette proposition de loi sans modification. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE. – M. Olivier Bitz applaudit également.)
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l’éducation nationale ne serait pas totalement elle-même sans les personnels de santé scolaire.
Cet appui essentiel pour la réussite éducative et personnelle des élèves est aujourd’hui assuré par près de 800 médecins de l’éducation nationale et médecins conseillers techniques, 7 000 infirmiers scolaires et 3 000 assistants et conseillers techniques de service social.
La présence des services de santé scolaire est particulièrement importante en temps de crise, comme nous avons pu le mesurer lors de l’épidémie de covid-19, pendant laquelle la présence de ces professionnels de santé au sein de l’institution a considérablement contribué à maintenir la présence des élèves dans nos établissements.
Je tiens ici à saluer à mon tour la qualité du travail des personnels de santé scolaire, et à les remercier de leur engagement au quotidien au service de tous les élèves.
Je souhaite aussi vous remercier, chère Françoise Gatel, de vous être saisie du sujet de la médecine scolaire au travers de cette proposition de loi, qui est liée à une conviction profonde.
Je dois en effet reconnaître, et je vous rejoins sur ce point, tout comme le sénateur Bonhomme, que la médecine scolaire rencontre des difficultés importantes. C’est la raison pour laquelle mon ministère travaille aujourd’hui à apporter des réponses concrètes et efficaces.
Votre texte prévoit, à cette même fin, de lancer une expérimentation qui permettrait aux départements volontaires de se saisir, pour un temps, de la compétence de la médecine scolaire.
Toutefois, au vu de la nature de cette compétence et des enjeux qu’elle recouvre, il me semble que ce transfert n’apporterait peut-être pas les réponses souhaitées aux problèmes que nous connaissons. Plusieurs raisons, que je vais vous exposer, motivent cet avis.
Un tel transfert présente tout d’abord un risque de complexification de la répartition des compétences en matière d’éducation entre, d’une part, l’État et les collectivités et, d’autre part, les différents échelons de collectivités entre eux. En effet, les départements, dont la compétence s’exerce sur les seuls collèges, devraient alors gérer des personnels dont l’exercice serait dédié pour partie aux écoles, mais aussi pour partie aux lycées, qui relèvent respectivement, comme vous le savez, des communes et des régions.
Par ailleurs, nous continuons de penser que la politique de médecine scolaire doit être portée au niveau national, afin de garantir l’égalité partout sur le territoire entre les élèves en matière de santé. C’est en effet à l’État de définir une stratégie d’ensemble quant aux questions de santé publique et de prévention en matière de santé des jeunes. Nous savons combien la prévention est importante, surtout au regard des problèmes de santé mentale des jeunes, comme vous l’avez relevé, madame la sénatrice.
La pénurie de médecins étant à ce stade généralisée hors agglomérations, le rattachement national au ministère de l’éducation facilite une péréquation, certes imparfaite, sur le territoire ; un transfert aux collectivités garantirait probablement encore moins cette péréquation.
Nous craignons en outre que le transfert proposé ne se traduise par le départ de médecins scolaires aujourd’hui en exercice. Ceux-ci pourraient considérer que les nouvelles missions que vous leur accordez les éloigneraient pour partie de l’école et de ses missions éducatives et qu’elles supprimeraient un intérêt fort de leur identité professionnelle, à laquelle ils sont, nous le savons, très attachés.
Par ailleurs, les départements ont des compétences déjà très étendues en matière de politique de protection de l’enfance, de solidarité et d’aide sociale. L’expérience montre que ce sont de lourdes et coûteuses responsabilités, qui présentent parfois des difficultés de mise en œuvre, d’équilibre budgétaire et de gestion de ressources humaines.
Enfin, et ce sera mon dernier argument, nous savons que des travaux de réflexion de fond sont en cours sur la décentralisation et l’articulation des compétences entre l’État et les collectivités. Je pense en particulier à la mission conduite par Éric Woerth, qui doit porter un regard global et complet sur les relations entre l’État et les collectivités et sur les relations entre les différents niveaux de collectivités.
Ce travail ambitieux et de grande ampleur est mené à la demande du Président de la République, et il nous semble important de ne pas anticiper sur ses conclusions par des propositions qui ne bénéficieraient pas de la vision globale qu’il apportera certainement.
Vous l’aurez donc compris, le Gouvernement ne saurait, à ce stade et en l’état, être favorable à cette proposition de loi.
M. Max Brisson. Bref, tout va mal, donc ne faisons rien !
Mme Nicole Belloubet, ministre. Ne voyez là aucun réflexe centralisateur de notre part (Exclamations ironiques sur les travées des groupes UC et Les Républicains.),…
M. Jean-Michel Arnaud. Non !
M. Laurent Burgoa. Surtout pas !
Mme Nicole Belloubet, ministre. … ni aucune volonté de remettre en cause la capacité de gestion des départements.
Il s’agit plutôt d’un souci de cohérence de notre action. Nous souhaitons en effet progresser dans l’efficience de la santé scolaire, au bénéfice de nos élèves, qui doivent profiter d’une politique de prévention efficace et globale.
Pour cela, nous avons besoin d’une véritable coopération entre les quatre composantes essentielles de la santé scolaire que sont les médecins, les infirmiers, les assistants sociaux et les psychologues scolaires, lesquels doivent travailler ensemble pour prendre en charge l’ensemble des problématiques liées à la santé scolaire.
Pour ces raisons, nous devons améliorer la situation de la médecine scolaire, notamment en suivant les recommandations des différents rapports rendus récemment, relatifs entre autres à sa gouvernance au niveau national – j’y veillerai particulièrement.
Dans un contexte de raréfaction, hélas ! criante dans certains territoires, des professionnels de santé, et tout particulièrement des médecins, le ministère de l’éducation nationale a spécifiquement fait de la revalorisation des personnels de santé une priorité de sa politique de ressources humaines.
Les mesures catégorielles pour 2021 ont ainsi permis, dans le cadre du Grenelle de l’éducation, une revalorisation indemnitaire pour les médecins de l’éducation nationale, soit une augmentation forfaitaire annuelle de 1 700 euros, et pour les médecins conseillers techniques, avec une augmentation de 2 700 euros par an.
Ajoutées aux crédits dédiés au réexamen triennal de leur indemnité, ces mesures ont permis à l’ensemble des médecins de l’éducation nationale et des médecins conseillers techniques de bénéficier respectivement d’une revalorisation indemnitaire moyenne de 7 700 euros et de 8 700 euros annuels entre 2021 et 2023.
Un effort de revalorisation pour les personnels infirmiers a également été engagé. En 2021, il a permis une augmentation indemnitaire moyenne de 400 euros.
Dans le cadre de la transposition du Ségur de la santé, les infirmiers de l’éducation nationale ont en outre bénéficié d’une amélioration de leur déroulement de carrière à compter du 1er janvier 2022.
Par ailleurs, dans son discours de politique générale du 30 janvier dernier, le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé que, au mois de mai prochain, les infirmiers de l’éducation nationale recevraient une prime exceptionnelle de 800 euros et seraient revalorisés de 200 euros nets par mois. Ces efforts sont importants ; ils étaient attendus par l’ensemble des personnels de la santé scolaire.
Néanmoins, au-delà des questions de rémunération, nous devons aussi travailler à l’amélioration des conditions d’exercice pour renforcer l’attractivité du métier.
Dans cette perspective, le ministère a engagé une démarche de revue des missions, évoquée par Mme Gatel, qui doit permettre aux médecins scolaires de se concentrer sur les activités de prévention et de protection de la santé des élèves. Cette démarche constitue pour nos médecins une garantie supplémentaire que leur activité est bien orientée vers l’accomplissement de leurs missions premières.
Je souhaite donc, mesdames, messieurs les sénateurs, que nos échanges se poursuivent sur les meilleures pistes d’amélioration de la santé scolaire.
Notre unique préoccupation, que je sais partagée par vous, demeure celle de la bonne santé, physique et psychique, de l’ensemble de nos élèves, en lien étroit avec tous nos partenaires. Tout en étant pleinement à votre écoute, je reste pleinement mobilisée pour mettre en œuvre les mesures nécessaires en ce sens.
M. le président. La parole est à M. Olivier Bitz.
M. Olivier Bitz. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous connaissons tous l’état dans lequel se trouve la médecine scolaire. Le nombre de postes de médecins scolaires a ainsi encore chuté ces dix dernières années de près de 30 %, avec pour conséquence que 45 % des postes sont aujourd’hui vacants.
Cette pénurie n’est pas répartie de manière homogène sur le territoire national : certaines académies sont plus en difficulté que d’autres, celle de Créteil obtenant tristement la palme avec 79 % de postes vacants.
Concrètement, une grande partie des missions aujourd’hui dévolues à la médecine scolaire ne sont pas remplies, et cela malgré l’engagement, d’autant plus méritoire, des personnels de santé scolaire. Je tiens à mon tour à leur exprimer mon total soutien. Pour eux, il est extrêmement difficile de travailler avec des moyens aussi réduits.
Ainsi, aujourd’hui, moins de 20 % des élèves de sixième bénéficient des visites médicales, pourtant obligatoires, prévues par la loi. Dans trente-quatre départements, ce taux chute à moins de 10 %.
Or les missions de la médecine scolaire sont absolument essentielles pour les élèves, notamment les plus fragiles d’entre eux. C’est une médecine de prévention qui permet de réaliser des dépistages indispensables pour la prise en charge, de manière précoce, d’un certain nombre de troubles ou de maladies. Elle est aussi un moyen de détection et de lutte contre les violences intrafamiliales.
Dès lors, que faire face à ce double constat d’une difficulté généralisée à exercer les missions dévolues à la médecine scolaire et du caractère fondamental de ces missions pour les élèves ? Il nous faut, dans un contexte général de pénurie de personnel médical, trouver de nouvelles solutions et imaginer des pistes qui n’ont pas encore été essayées à une échelle suffisante. Nous le devons aux élèves.
Nous avons un peu de recul sur les transferts de compétences réalisés par l’État en direction des collectivités locales. Nous savons bien que, lorsqu’une compétence est transférée par l’État à une collectivité, elle est en général mieux exercée.
Qu’avons-nous d’ailleurs vraiment à perdre aujourd’hui en expérimentant un transfert de compétence de la médecine scolaire aux départements volontaires, c’est-à-dire intéressés par le sujet ? Je suis absolument désolé de le dire, à mon sens, cela ne pourra probablement pas être pire que la situation actuelle !
M. Max Brisson. Cela sera mieux !
M. Olivier Bitz. J’ai même la conviction que la situation peut s’améliorer, notamment grâce aux synergies qui pourront se développer avec d’autres compétences déjà exercées par les départements : la PMI et l’action sociale de polyvalence de secteur.
Une expertise réelle irrigue nos territoires au service des nouveau-nés, des jeunes enfants et de leurs familles. En élargissant la focale à la médecine scolaire pour les départements volontaires, la proposition de loi prévoit un continuum de santé pour les enfants de la naissance à 16 ans, du berceau jusqu’à l’entrée au lycée. Cet alignement, s’il est correctement pensé et articulé, peut à notre sens être expérimenté.
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. Jean-Michel Arnaud. Excellent !
M. Olivier Bitz. Observons ce qui se passe déjà en Alsace, où, de manière historique, l’État a délégué à une collectivité locale, à savoir la Ville de Strasbourg, l’exercice de la compétence de médecine scolaire, alors que, dans le même temps, le département lui a confié l’exercice des compétences de PMI et de polyvalence de secteur. Cela se passe-t-il moins bien qu’ailleurs ? Non, plutôt mieux !
Les conseils départementaux savent mobiliser des partenariats en matière de santé. C’est pourquoi la mutualisation des ressources professionnelles et la polyvalence peuvent améliorer l’organisation des missions de médecine scolaire et, in fine, garantir une meilleure prise en charge des élèves.
M. Olivier Paccaud. Très bien !
M. Olivier Bitz. Notre volonté, en soutenant cette proposition de loi, est d’innover et d’enclencher un déblocage de cette filière en grande difficulté.
Ce texte marque aussi notre soutien à une démarche pragmatique, fondée sur l’expérimentation. Donnons-nous l’occasion d’examiner si la médecine scolaire fonctionne mieux en étant déléguée, et tirons le moment venu le bilan de cette expérience, avant d’envisager tout transfert définitif.
Je tiens à rappeler que cette proposition de loi s’adresse aux conseils départementaux volontaires et qu’elle est une marque de confiance et d’encouragement envers nos territoires qui souhaitent se lancer dans cette expérimentation. D’après le décompte de l’Association des départements de France, ils seraient dix-neuf. Mais d’autres observent attentivement les choses.
Vous l’aurez compris, la majorité du groupe RDPI accueille positivement cette proposition de loi. Elle considère que l’importance des enjeux de santé en question mérite que l’on innove quelque peu. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, Les Républicains, UC et INDEP. – M. Bernard Jomier applaudit également.)
M. Max Brisson. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Audrey Linkenheld. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis de nombreuses années déjà, se pose la question de savoir si la médecine scolaire, actuellement rattachée à l’éducation nationale, ne devrait pas plutôt relever des collectivités locales, singulièrement des départements.
Récemment encore, lors de l’examen de la loi 3DS, plusieurs sénateurs et sénatrices du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ont fait adopter une demande de rapport sur « les perspectives du transfert de la médecine scolaire aux départements » et sur les « moyens permettant, en l’absence de transfert, de renforcer la politique de santé scolaire ».
M. Max Brisson. Absolument !
Mme Audrey Linkenheld. Il faut remercier Mme Gatel de la mansuétude dont elle a fait preuve à l’époque et du dépôt de cette proposition de loi, sans laquelle le Parlement n’aurait sans doute jamais su que le rapport demandé au Gouvernement avait bien été rédigé !
Plus de 130 pages, diverses auditions, 12 recommandations : tel est le bilan du travail conjoint remis en juin 2023 par la mission de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) et par la mission de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche. Ces pages très instructives confirment ce que nous constatons tous depuis longtemps sur le terrain. Elles rejoignent également les conclusions du rapport de la Cour des comptes de 2020.
Premièrement, la médecine scolaire ne va pas bien dans notre pays. Ses effectifs sont insuffisants, ses missions ne sont pas correctement remplies et les disparités sont grandes d’un territoire à l’autre. Résultat, qu’il s’agisse des infirmiers, des psychologues scolaires ou des médecins, les postes pourvus sont moins nombreux que les postes ouverts et le taux d’encadrement chute dramatiquement.
En fin de compte, malgré le formidable investissement du personnel, l’intérêt de l’enfant n’est pas pleinement respecté. « Huit enfants sur dix n’ont jamais vu un médecin scolaire », précisait d’ailleurs le député Reda dans son rapport remis en mai 2023.
Deuxièmement, au-delà des moyens, le rapport d’inspection montre aussi clairement que le pilotage de la médecine scolaire est « ténu » et que le problème est bien plus vaste. Centralisée ou décentralisée, la compétence santé scolaire est surtout dispersée, pour ne pas dire noyée : représentant 1 % des effectifs de l’éducation nationale, elle a bien du mal à se faire entendre.
Le rapport d’inspection dont nous disposons désormais préconise le rattachement de ces catégories de personnel à des services santé sociaux situés à l’échelon départemental, y compris si le portage par l’éducation nationale devait se prolonger.
Bref, il confirme l’intuition que le groupe socialiste avait eue en 2022 : transfert ou pas, il faut des « évolutions majeures » pour une « politique publique de santé scolaire qui n’est que partiellement assumée ».
Le groupe SER se satisfait donc que la proposition de loi de Mme Gatel relance ce débat à sa manière, en proposant une expérimentation reposant sur le volontariat. C’est, en soi, une manière intéressante de trancher les choses une bonne fois pour toutes.
Pour autant, les modalités de l’expérimentation comme les conclusions du rapport d’inspection nous font douter de notre capacité à réunir les conditions de réussite d’un tel transfert. Ce dernier ne peut en effet se résumer à un simple déplacement de compétences et de moyens : il suppose un changement en profondeur de politique publique.
Tout cela souligne surtout l’impasse dans laquelle le Gouvernement place une fois de plus les collectivités : malgré les annonces et les travaux en cours, aucune nouvelle étape de décentralisation ne pointe à l’horizon.
Nous pouvons aussi nous demander pourquoi le rapport demandé par le Parlement au Gouvernement sur une possible décentralisation de la santé scolaire nous a été dissimulé. Resté sans réponse pendant presque un an, ne montre-t-il pas, madame la ministre, que le Gouvernement non seulement ne s’engage pas vers plus de décentralisation, mais n’avance pas non plus vers une meilleure gestion centralisée ou déconcentrée ?
Pour notre part, nous serions prêts à faire confiance aux départements pour mieux piloter que ne le fait l’État central une compétence qui présente une véritable cohérence en matière sociale et sanitaire. Nous serions même prêts à considérer que les départements sauraient assurer une bonne coordination de la santé scolaire au-delà du collège, du berceau jusqu’au lycée, en passant par l’école primaire.
Tout cela peut être débattu. En revanche, puisque nous parlons d’égalité d’accès, ce qui se discute moins et qui nous rend sceptiques, ce serait une décentralisation à géométrie variable. Comme les auteurs du rapport de l’inspection, nous privilégions la voie d’une décentralisation homogène.
Toutefois, au-delà de ces questions de périmètre et de méthode, la véritable impasse dans laquelle le Gouvernement met le Parlement et les collectivités est liée aux moyens. Les départements, comme d’ailleurs les principaux syndicats de personnel de santé scolaire, considèrent que les budgets actuellement investis par l’État sont très insuffisants pour permettre une offre de services adaptée aux besoins.
Nous saluons à cet égard la tentative, au travers de cette proposition de loi, de forcer le diagnostic et le dialogue transparent entre l’État et les collectivités, avec cette idée de laisser aux départements un an entre leur candidature au transfert et leur accord définitif, au regard des moyens dont ils disposent.
C’est assez malin, mais cela nous semble vain, hélas. Car faire des choix budgétaires tournés vers le social et la fonction publique, ce n’est pas trop la tendance politique du moment !
Il y a selon nous peu de chances, madame la ministre, que l’État augmente ses moyens sociaux ou qu’il s’attaque sérieusement à la démographie médicale. Nous l’avons dit, le sujet dépasse largement celui de la médecine scolaire.
Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons, car soutenir l’expérimentation proposée est à notre sens illusoire.
Resteront donc les frustrations : frustration d’observer que la santé de nos enfants est mal prise en charge ; frustration de noter que l’État n’y consacre toujours pas assez de personnel et d’efforts ; frustration devant le constat que la situation budgétaire des départements, déjà difficile, ne leur offre pas la capacité de dégager des fonds propres pour la santé scolaire et risque même de provoquer un mercato semblable à celui de la médecine de ville ; frustration, donc, et déception, pour notre groupe, car, une nouvelle fois, le Gouvernement n’est pas au rendez-vous d’un véritable enjeu de santé, de préparation de l’avenir et d’organisation territoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous venez de nous dire, madame la ministre, qu’en matière de santé scolaire tout va mal, mais qu’il faut surtout ne rien changer !
M. Laurent Burgoa. Tout à fait !
M. Max Brisson. Pourtant, en 2001, à l’annonce du projet de loi 3DS, nous étions emplis d’espoir. Enfin, le Gouvernement osait aborder l’épineux sujet de la médecine scolaire, en avançant avec pertinence l’idée du transfert de cette compétence aux départements.
Aussi, quelle ne fut pas notre déception lorsque nous avons constaté à la parution du projet de loi que le Gouvernement avait finalement reculé, peut-être devant les grognements des syndicats, et décidé de retirer cette disposition.
Nous avions alors fait contre mauvaise fortune bon cœur, en formulant – la chose est suffisamment rare pour être signalée –, une demande de rapport. Il s’agissait de mesurer les volontés du terrain, les effectifs, les coûts et toutes les conséquences éventuelles d’un tel transfert.
Nous avons pris le temps de travailler le sujet en profondeur, pour aboutir à cette excellente proposition de loi de notre collègue Françoise Gatel.
Je suis conscient des réserves que certains nourrissent encore. Le caractère expérimental du transfert doit néanmoins les rassurer.
Il se fera avec des départements volontaires et permettra, par la pratique, de confirmer ou d’infirmer sa pertinence et son efficacité. Il donnera aux départements le temps nécessaire pour affiner peu à peu leur position sur le sujet. Surtout, il préparera, madame la ministre, une réponse globale à l’effondrement de la santé scolaire, qui n’est pas dû à une baisse de moyens, mais au simple fait que les postes ouverts au concours depuis des années ne sont plus pourvus, entraînant la disparition progressive d’un système autrefois performant.
Ce transfert expérimental permettra d’organiser peu à peu une prise en charge globale des enfants en matière de prévention et de dépistage, dans le temps de l’école et dans le temps extérieur, et de repenser ainsi en profondeur l’accompagnement médical des enfants scolarisés.
Il permettra de constituer de véritables services de santé de l’enfant et de réunir les moyens et les missions de la PMI avec ceux de la santé scolaire. Or qui mieux que les collectivités chargées de la protection maternelle et infantile, qui mieux que les conseils départementaux, peuvent être les acteurs de ces synergies ?
Finalement, ce transfert expérimental pourrait être une formidable chance pour garantir à chaque élève un accès à un suivi médical à la hauteur de ses besoins sur tous les territoires.
Aussi, madame la ministre, faites un effort. Comprenez que les départements seraient les mieux à même d’apporter la réponse à l’effondrement de la médecine scolaire que vous avez dénoncé.
Mme Françoise Gatel. C’est vrai !
M. Max Brisson. Cela ne peut plus durer. On ne peut pas repousser éternellement la réponse adéquate qui vous est proposée par le Sénat.
Pour toutes ces bonnes raisons, comme le groupe RDPI (Sourires.), le groupe Les Républicains votera avec enthousiasme cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Laurent Burgoa. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre discussion porte sur un transfert de la compétence « médecine scolaire » aux départements.
De prime abord, l’idée peut paraître intéressante, puisqu’elle tend vers une meilleure décentralisation. Cependant, donner cette compétence aux départements, c’est leur offrir la possibilité de mener leur propre politique, en orientant le budget selon leurs priorités, mais aussi selon leur propre vision de la médecine scolaire, alors que les inégalités territoriales sont grandissantes et que les écuries politiques orientent leur politique, parfois, pour satisfaire leur dogmatisme.
Je tiens à rappeler que, en 2021, on comptait en France 900 médecins scolaires pour 12 millions d’élèves, répartis de façon inégale sur le territoire. Cela revient à un médecin pour 13 000 élèves, bien loin du ratio d’un pour 5 000 qui est préconisé.
Par ailleurs, on dénombre 7 700 infirmières scolaires pour 12 millions d’élèves et étudiants. Ce chiffre est loin d’être suffisant pour assurer les 18 millions de consultations effectuées chaque année dans les établissements scolaires, selon les chiffres des syndicats.
Aussi, pour nous, la discussion devrait plutôt porter sur l’attractivité du métier du soin en milieu scolaire. Nous ferions mieux d’aborder les questions de formation et de rémunération, plutôt que d’envisager un transfert de compétence.
La priorité doit être la prévention, mère de toutes les batailles en matière de santé publique. L’État doit être, particulièrement dans le domaine scolaire et dans le domaine de la santé, la seule autorité compétente pour donner une ligne directrice uniforme sur le territoire national, avec comme relais les collectivités territoriales, qui restent des acteurs majeurs dans la mise en application des politiques publiques.
Un transfert pur et simple de la compétence « médecine scolaire » nous semble inopportun.
Au vu du nombre d’infirmiers et de médecins scolaires en exercice, nous comprenons tous qu’il est impossible, malheureusement et malgré le volontarisme et le dévouement des professionnels, de mettre en place de réelles campagnes de prévention dans nos établissements. C’est de cela que nous devrions discuter aujourd’hui.
En l’état actuel, ce texte nous paraît donner à l’État un prétexte pour se désengager une fois encore, comme il l’a fait sur de nombreux autres sujets. Quand nous interrogerons le Gouvernement sur les déboires de la médecine scolaire, il nous répondra : « Demandez aux départements », et ce que la représentation nationale perdra en moyens de contrôle de l’action du Gouvernement, nos compatriotes ne le gagneront pas en service de médecine scolaire apporté à leurs enfants.
La question budgétaire doit aussi être soulevée. Avec ce texte, l’État transférerait les financements aux départements. Or, avec l’expérience, nous savons que les compensations budgétaires reculent et que les collectivités, a fortiori les départements, se retrouvent in fine à devoir appliquer des politiques avec des moyens réduits.
Nous craignons que ce texte n’amène l’État à se désengager de l’enjeu prioritaire qu’est la médecine scolaire. Rappelons que ce transfert de compétence nuirait gravement à l’objectif fixé par la loi à l’école, celui de la réussite scolaire.
La politique éducative, sociale et de santé en faveur des élèves doit rester une mission de l’État, colonne vertébrale de la République au service de la réussite scolaire.
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)
Mme Laure Darcos. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lors de l’examen par le Sénat de la proposition de résolution invitant le Gouvernement à ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale, j’avais rappelé combien notre jeunesse était fragile.
La dégradation de l’état de santé psychique des jeunes est une réalité incontestable. Pour détecter les troubles susceptibles de les affecter, le rôle de l’école est fondamental. J’ajoute que, pour certains de nos élèves, la médecine scolaire constitue parfois la seule voie d’accès à un suivi de santé. Ce suivi sanitaire est essentiel, car il s’accompagne de missions de prévention et d’éducation à la santé.
Or ce service public est en très grande difficulté. Le nombre de médecins scolaires a diminué de 20 % en dix ans, avec pour conséquence de réelles inégalités d’accès selon les territoires.
Comment assurer correctement le suivi de 12 millions d’élèves avec seulement 900 professionnels de santé, chargés par l’État d’actions de prévention individuelle et collective et de promotion de la santé auprès de l’ensemble des enfants scolarisés dans les établissements d’enseignement des premier et second degrés de leur secteur d’intervention ?
Dans certaines communes, ces médecins sont empêchés de mener à bien leurs missions, faute de temps et d’équipements disponibles. Ailleurs, ce sont des retraités qui assurent des vacations pour pallier l’absence de professionnels de santé.
Un rapport publié en mai 2023 par l’Assemblée nationale précisait que la moyenne d’âge des praticiens était de 55 ans. Cela doit nous alerter sur l’avenir de la profession.
Dans les conditions que je viens de décrire, les obligations légales de visite ne sont tout simplement pas respectées et les enfants en sont les premières victimes. Mes chers collègues, songez que seulement 20 % des élèves ont eu accès à la visite médicale obligatoire de la sixième année, selon un récent rapport d’information de l’Assemblée nationale.
Les conséquences de cette défaillance de la médecine scolaire peuvent être dramatiques. La détection tardive de maladies graves en est un exemple.
Malgré les nombreuses alertes, la situation ne cesse d’empirer. Tout autant qu’un enjeu majeur de santé publique, l’accès à un suivi médical est l’un des déterminants de la réussite scolaire. Nous ne pouvons pas laisser nos élèves sans solutions. Les moyens budgétaires ne manquent pas et les postes existent, mais ils ne sont pas pourvus.
En toute honnêteté, il faut reconnaître que le manque de médecins concerne la majeure partie du territoire, et pas seulement la santé scolaire.
Cependant, derrière un problème d’attractivité se cachent toujours les questions des évolutions de carrière, de revalorisation des fonctions et de consolidation des rémunérations. Sur ce dernier point, un effort particulier devrait, me semble-t-il, porter sur le traitement indiciaire et le régime indemnitaire des membres du corps des médecins de l’éducation nationale.
Le texte que nous étudions aujourd’hui ouvre une nouvelle voie. Il vise à permettre aux seuls départements volontaires d’expérimenter le transfert de la compétence « médecine scolaire ».
Cette proposition de loi de notre collègue Françoise Gatel, dont je salue l’initiative, s’inscrit ainsi dans la droite ligne du principe de différenciation territoriale, dont le Sénat souhaite la mise en œuvre depuis plusieurs années.
Je tiens toutefois à souligner deux points de vigilance. Le transfert de compétence sera-t-il assorti des moyens financiers nécessaires pour que les départements concernés puissent exercer pleinement leurs nouvelles obligations ? L’État proposera en effet une compensation tenant compte de l’existant, alors qu’il faudrait doubler, voire tripler les moyens.
Par ailleurs, les départements peuvent-ils réellement faire mieux que l’État dans l’exercice de cette compétence, alors que la médecine scolaire fait partie des métiers en tension, pour lesquels l’éducation nationale ne parvient pas à recruter ?
Les départements ne peinent-ils pas à recruter des médecins pour les PMI, par exemple ? Dans l’Essonne, nous ne sommes pas complètement convaincus du bien-fondé de ce transfert.
Néanmoins, le groupe Les Indépendants considère qu’il faut laisser à ce texte la possibilité de prospérer et d’être expérimenté. Il lui apportera par conséquent tout son soutien. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de Françoise Gatel est de bon augure.
En effet, elle s’inscrit dans la logique de la loi 3DS votée dans cet hémicycle, avec le souci de la différenciation et de la décentralisation. Je salue donc l’auteur de cette proposition de loi, Françoise Gatel, ainsi que le rapporteur de la commission des lois, François Bonhomme, pour la qualité du travail qu’ils ont réalisé.
Originellement confiée à l’échelon local, la gestion de la médecine scolaire s’est progressivement centralisée avec l’avènement de l’État providence au sortir de la Seconde Guerre mondiale.
Chargée d’une mission d’hygiène publique, puis de santé publique, la médecine scolaire assure un suivi médical de nos élèves et la mise en place d’actions de prévention au sein de nos établissements scolaires. Elle est aujourd’hui pleinement du ressort du ministère de l’éducation nationale.
Or force est de constater que la situation est défaillante – c’est un doux euphémisme – dans de nombreux territoires. Dans une majorité d’académies, les postes de médecins scolaires non pourvus sont monnaie courante.
En France, seulement 900 médecins exercent au bénéfice de 12 millions d’élèves, soit un médecin pour 12 000 élèves environ. Je rappelle que l’OMS recommande un ratio d’un médecin pour 5 000 élèves : le compte n’y est pas, madame la ministre.
Bien que ces difficultés de recrutement excèdent le strict champ de la médecine scolaire, les missions de service public qui en dépendent ne peuvent être intégralement assumées. Ainsi, d’après la direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco), le taux d’élèves bénéficiant de la visite obligatoire en sixième année est inférieur à 20 %.
Face à une médecine scolaire de plus en plus inopérante, le Sénat s’est prononcé à plusieurs reprises, notamment à l’occasion de l’examen de la loi 3DS, en faveur d’une départementalisation de la compétence en question.
Le texte que nous examinons prévoit donc un transfert à titre expérimental de la médecine scolaire aux seuls départements volontaires ; dix-neuf ont déjà manifesté leur intention de participer à cette expérimentation.
Cette disposition défendue de longue par la Haute Assemblée présente plusieurs atouts. L’aspect expérimental de la mesure, tout d’abord, permet aux collectivités concernées de tester l’exercice de cette compétence pour une durée de cinq ans, avec une évaluation à mi-parcours, ainsi que six mois avant son terme.
L’objectif est d’apprécier, au regard des retours d’expérience, la pertinence d’un transfert définitif. Il s’agit d’une logique de long terme, que j’approuve.
Ensuite, aucune obligation d’expérimentation n’est prévue : l’article unique du texte prévoit de laisser aux conseils départementaux le choix de se saisir, ou non, de cette faculté. C’est donc une loi de liberté, et cette valeur, ici, au Sénat, nous y tenons. Seules les collectivités volontaires, via une délibération motivée, pourront donc en bénéficier.
Notons également que, en amont de ladite expérimentation, une convention conclue entre l’État et le département volontaire devra préciser « les modalités de transfert des crédits correspondant au transfert de charges ».
J’appelle l’attention du Gouvernement sur un point : cette expérimentation dans les départements volontaires doit être non pas, en aucun cas, un levier de réduction des concours financiers à destination des départements, mais plutôt l’occasion de consolider les moyens mis en œuvre et de les optimiser dans le cadre d’une gestion de proximité.
Enfin, si ce transfert réversible peut, à terme, favoriser des économies d’échelle, il peut surtout concourir à une meilleure cohérence des politiques publiques en direction de nos concitoyens les plus jeunes.
Comme cela a été rappelé, le département a bénéficié voilà de nombreuses années du transfert de la compétence PMI. Je crois pouvoir dire ici que ce transfert s’est traduit non pas par une réduction des moyens mis à la disposition des politiques de prévention à destination de nos concitoyens les plus jeunes, mais plutôt par leur amélioration.
Nous ne constatons pas non plus – je le dis à l’attention des travées socialistes – une différenciation territoriale qui serait à l’origine d’inégalités croissantes entre les départements. Nous constatons plutôt une homogénéité et un engagement constant des départements en faveur de nos plus jeunes concitoyens.
En somme, il est proposé au travers de ce texte d’assurer un suivi sanitaire départemental des enfants, de la naissance jusqu’au lycée. Ce suivi permettrait d’asseoir le savoir-faire des collaborateurs des collectivités territoriales départementales en matière d’accompagnement de la santé de nos plus jeunes concitoyens.
Il n’est pas nouveau par ailleurs – je tiens à le rappeler – que, dans le cadre de la loi 3DS, le département soit une collectivité d’expérimentation.
Voilà quelques jours, nous avons voté – à la demande du Gouvernement, d’ailleurs – le transfert d’une partie du réseau routier national vers trois régions, afin d’expérimenter, dans le Grand Est, l’écotaxe, ailleurs la modernisation du réseau en lien avec les métropoles. Le Gouvernement ne s’est pas opposé au principe d’une telle expérimentation et d’une territorialisation des politiques en matière routière.
De la même manière, à l’occasion de la loi 3DS, vous le savez, madame la ministre, nous avons mis en place une expérimentation relative aux gestionnaires d’établissement dans les collèges. Hélas, nous constatons un certain nombre de réticences – peut-être les avez-vous exprimées d’une manière moins directe ? – de la part des syndicats et d’une partie des fonctionnaires, qui refusent de travailler différemment, en lien plus étroit avec les départements.
Madame la ministre, ces résistances à la volonté du législateur et, finalement, à une meilleure efficacité de nos politiques publiques, ne sont pas une bonne chose.
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. Jean-Michel Arnaud. C’est pourquoi j’espère que ce texte ira au terme de son parcours législatif. Les derniers travaux de l’Assemblée nationale semblent diverger de la position du Sénat. Ils font d’ailleurs écho à vos propos, madame la ministre.
Pourtant, au vu du diagnostic partagé sur toutes les travées, à savoir celui d’une politique catastrophique en matière de médecine scolaire, je crois pouvoir dire que l’on ne peut pas faire pire.
Par conséquent, osons ! Laissons les dix-neuf départements qui le souhaitent expérimenter le dispositif. Nous l’évaluerons ensuite, mais ne partez pas avec des a priori, madame la ministre. Faites confiance aux territoires. Faites confiance aux collectivités locales et à leur savoir-faire. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. Max Brisson. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guy Benarroche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le parcours de nos enfants au sein de l’éducation nationale est parfois bien chaotique : bâtiments délabrés, recrutements en berne, promesses non tenues de placer un professeur en face de chaque élève ou encore déséquilibre grandissant entre le public et le privé.
L’un des sujets sur lesquels le système est de plus en plus défaillant est celui de la médecine scolaire. Les difficultés sont d’abord celles qui touchent la médecine : la raréfaction des médecins pèse aussi, cela a été dit et répété, sur l’organisation de la médecine scolaire. Notre rapporteur rappelait que 45 % des postes étaient vacants à la fin de l’année 2022, avec des disparités impressionnantes, puisque dans l’académie de Créteil, par exemple, ce taux a atteint 79 %.
Ce manque de soignants est aussi le reflet du défaut de reconnaissance dont souffre cette profession, à l’instar d’ailleurs de toutes les professions médicales préventives. C’est également le cas dans la médecine du travail, d’ailleurs.
C’est dans ce contexte qu’est débattue cette proposition de loi tendant à transférer la compétence « médecine scolaire » aux départements, qui sont déjà compétents en matière de protection maternelle et infantile. Les moyens entre la PMI et la médecine scolaire pourraient donc être mutualisés.
Une chose est sûre, les visites prévues en particulier à l’entrée de l’école et au collège sont nécessaires pour détecter des problèmes aussi sensibles que les troubles psychiatriques, les situations de violences intrafamiliales ou encore le harcèlement.
Ces trois visites obligatoires sont essentielles pour la prise en charge précoce et parfois simple de troubles de l’apprentissage. Or, selon la direction générale de l’enseignement scolaire, moins de 20 % des élèves bénéficient de la visite obligatoire de la sixième année.
Sur les 80 départements pour lesquels les données ont permis de calculer un taux de visite en 2013, quelque 51 voient leur performance se dégrader en 2018-2019. Pis, huit enfants sur dix n’ont jamais vu un médecin scolaire, selon le rapport présenté mi-mai par le député Robin Reda à l’Assemblée nationale.
La situation est d’autant plus préoccupante que la médecine scolaire constitue parfois l’unique voie d’entrée de certains enfants dans un parcours de prévention, de prise en charge ou de soins adaptés.
Ce manque de mise en œuvre des missions de la médecine scolaire est dû aussi, nous le savons, à un dysfonctionnement majeur dont l’administration française a parfois le secret : le pilotage en cascade de la santé scolaire, avec une chaîne hiérarchique distincte de la chaîne fonctionnelle crée une grave hétérogénéité dans une répartition par département.
C’est dans ce contexte que nous étudions cette proposition d’expérimentation. Si le GEST et les écologistes ont toujours soutenu des gouvernances plus déconcentrées et une différenciation importante au sein de nos territoires, plusieurs points soulèvent des questions.
Le premier a trait aux moyens transférés par l’État pour exercer lesdites compétences. Nous avons souvent constaté que les transferts de moyens associés à une compétence ne sont pas toujours adaptés. Surtout, que se passe-t-il si les règles changent ?
Imaginons qu’elles imposent, après le transfert aux départements, de nouvelles consultations ou des missions supplémentaires. Ce ne serait pas la première fois que l’État transfère une compétence à coût compensé pour ensuite modifier son champ sans compensation.
Cette question financière peut aussi être source d’une possible rupture d’égalité majeure entre des territoires aux ressources différentes.
Certaines collectivités ont pu toutefois, au travers de cette action de médecine scolaire, mieux appréhender les déterminants de la santé et envisager de manière plus structurée la territorialisation des politiques de santé. C’est ce que m’a rapporté, par exemple, ma collègue Anne Souyris, après l’avoir constaté à Paris. Le sujet est donc complexe, et notre groupe sera particulièrement attentif aux explications de Mme la ministre.
Nous voterons vraisemblablement ce texte,…
Mme Françoise Gatel. Vraisemblablement ?
M. Guy Benarroche. … en veillant à ce que, pour une fois, l’évaluation de l’expérimentation soit menée intégralement avant une possible généralisation, qui ne pourra se faire sans l’accord des départements.
Enfin, si à la fin de l’expérimentation une généralisation est décidée pour les départements participants, il faudra laisser la main aux autres, pour qu’ils demandent ou non ce transfert. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, face à l’indigence de la médecine scolaire dans notre pays, il pourrait être tentant de confier à un autre acteur la tâche que l’État ne parvient pas à remplir d’une manière satisfaisante.
La Cour des comptes indiquait en avril 2020 que la France comptait, en 2018, un médecin scolaire pour plus de 12 000 élèves, quand l’OMS recommande un ratio d’un pour 5 000. Et ces chiffres ne sont qu’une moyenne : la Nouvelle-Calédonie ne comptait qu’un seul médecin scolaire pour 47 000 élèves, la Seine-Saint-Denis, 29 médecins scolaires pour près de 340 000 élèves, et mon département de la Seine-Maritime une trentaine de médecins scolaires pour plus de 200 000 élèves.
Cette lourde carence a des implications directes sur la santé des enfants – la santé prise au sens large, telle que l’OMS la définit, c’est-à-dire un état qui ne se résume pas à ne pas être malade.
La médecine scolaire – nous préférons parler de santé scolaire – doit à nos yeux être partie intégrante des objectifs de réussite scolaire des enfants, des jeunes, de la maternelle à l’université, ce qui n’empêche évidemment en rien de travailler avec les services de PMI, bien au contraire, pour donner à tous les élèves les clés pour vivre et étudier dans les meilleures conditions.
La santé scolaire a aussi vocation à accompagner tous les élèves, y compris ceux qui ont des besoins particuliers. Elle doit donc être reliée à l’ensemble de la communauté éducative. C’est évidemment trop peu le cas aujourd’hui, en raison du manque de personnels, notamment de médecins.
Cependant, j’ai plutôt le sentiment que le transfert de cette compétence au département relève du cadeau empoisonné. Devront-ils recruter durant l’expérimentation ? Et comment le pourront-ils, alors qu’une majorité d’entre eux connaît une situation financière très difficile ? En effet, M. le rapporteur l’a rappelé, le taux de réalisation des visites médicales obligatoires avant 6 ans par les médecins scolaires n’était que de 18 % en 2018, et je pourrais malheureusement donner d’autres exemples de carence.
La responsabilité d’assumer ces visites que la loi exige reviendrait donc au département si nous votions ce texte. Mais, vous le savez, les départements peinent eux-mêmes déjà à recruter des médecins de PMI, certains parce qu’ils sont asphyxiés financièrement, d’autres, qui le sont peut-être moins, en raison du manque d’attractivité, notamment salariale, de la fonction, ou encore de la pénurie de soignants que nous connaissons dans l’ensemble du pays.
Enfin, si des départements se montrent favorables à ce transfert ou du moins à son expérimentation, ils ne sont pas tous d’accord sur la manière d’assumer cette compétence ni sur son périmètre. Certains envisagent de la prendre en charge jusqu’au collège, d’autres jusqu’au lycée. Cela montre à nos yeux que ce transfert ne recueille qu’un avis mitigé, ce qui en soi rend cette expérimentation quelque peu superflue. Je crains aussi un morcellement de la compétence qui la rendrait illisible et encore moins efficace, alors même que les besoins sont énormes.
Cette expérimentation risque même de conduire l’État à se défausser d’une mission essentielle, sans garantir aux départements un financement adéquat pour assumer cette compétence ; on en a malheureusement trop souvent l’expérience. Et lorsque j’entends parler de mutualisation et de rationalisation, je crains que l’on n’ait pas l’ambition d’assurer cette mission de manière pleine et entière.
En cohérence avec ce que nous disons depuis le début de ce débat, nous voterons donc contre ce texte, chère Françoise Gatel.
Notre vision des collectivités est la suivante. (Marques d’impatience sur les travées des groupes UC et Les Républicains.) Nous souhaitons non pas qu’elles assument les compétences que l’État leur transfère avec les moyens qu’il consent, mais qu’elles répondent aux besoins des populations de leur territoire,…
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Céline Brulin. … en application d’une forme de contrat qui les lie à elles. Or, en matière de santé, elles ont déjà fort à faire !
M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Philippe Grosvalet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, j’avais prévu une intervention écrite, comme cela semble être l’usage ici, pour dire tout le bien que je pense de cette proposition de loi, même si évidemment les réserves émises, notamment par le groupe socialiste, sont parfaitement audibles.
Madame la ministre, je garde en mémoire une rencontre à l’Élysée en 2017 – j’accompagnais alors Dominique Bussereau, président de l’Association des départements de France. Le Président de la République nous avait parlé de continuum en matière d’insertion et d’emploi. Je me souviens également que ce même Président de la République avait évoqué la question de la protection de l’enfance lorsque la France était chamboulée par le mouvement des « gilets jaunes ».
De quoi parlons-nous ce soir ? De statistiques ? Ou alors – j’y reviendrai si le temps me le permet – du statut des personnels ? Non, de quelque chose de bien plus essentiel, à savoir la santé de nos enfants ! Quand 80 % des enfants en âge d’apprendre à lire ne bénéficient pas d’une simple visite médicale, l’État est défaillant, madame la ministre.
M. Jean-Michel Arnaud. Absolument !
M. Philippe Grosvalet. Et quand l’État est défaillant, il faut le dire. Madame la ministre, vous n’y êtes pour rien, puisque cela fait vingt ans que le déclin de la médecine scolaire partout dans notre pays est une réalité.
M. François Bonhomme, rapporteur. Il s’aggrave !
M. Philippe Grosvalet. Dans certains territoires, comme à Saint-Flour, dans le Cantal, il n’y a aucun médecin scolaire.
Bien sûr, lorsque j’étais président de département, nous avions nous aussi des difficultés à recruter des médecins pour la PMI. Mais quand dans les facultés de médecine disent aux jeunes médecins que, s’ils ne travaillent pas, ils finiront médecins de PMI, cela ne va pas ! Il me semble que l’État doit prendre ses responsabilités.
Madame la ministre, si l’État et les collectivités territoriales, en l’occurrence les départements, ne sont pas capables de faire ce pas de côté nécessaire pour la santé de nos enfants, nous n’avancerons pas. Et, dans vingt ans, je ne serai plus là, mais, sur les travées de cette assemblée, on dressera toujours les mêmes constats.
Il me semble qu’il y a eu la décentralisation en France. Madame la ministre, venez dans nos collèges et dans nos lycées et demandez aux personnels qui ont été transférés en 2004 s’ils feraient marche arrière.
M. Mathieu Darnaud. Il n’y en a pas beaucoup qui se plaignent…
Mme Françoise Gatel. Tout à fait !
M. Philippe Grosvalet. Les personnels de santé dans l’éducation nationale sont isolés : il faut prendre en compte ce constat et avancer. Aussi, avançons ensemble !
La méthode proposée me semble bonne. Elle permet le volontariat, l’expérimentation, l’évaluation. Ensuite, nous verrons bien. Bien sûr, il y a la question des finances départementales. Nous connaissons l’état des lieux, mais prenons des risques, ou plutôt prenez des risques, madame la ministre, et les départements qui voudront assumer ces risques les prendront également.
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. Philippe Grosvalet. L’expérience de notre pays en matière de décentralisation montre à l’évidence qu’il s’agit d’une démarche de progrès.
Madame la ministre, osez le pas de côté ; osez la décentralisation – nous ne vous faisons pas de procès en recentralisation ; osez l’expérimentation ; osez l’innovation ; osez l’évaluation. Bref, osez ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC.)
M. Henri Cabanel. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Christian Bruyen. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christian Bruyen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le constat d’une médecine scolaire en grande difficulté, ne répondant plus aux enjeux de notre politique de santé publique, j’ai pu le dresser moi-même, en tant que maire, président de département, enseignant et père de famille.
Malheureusement, je ne suis pas le seul, tant s’en faut. Partout en France, particulièrement dans la ruralité, c’est à une véritable dégradation du système que nous assistons depuis de nombreuses années. Les personnels chargés de cette mission n’en sont évidemment pas responsables : il y a lieu d’incriminer, d’une part, leur faible nombre et, d’autre part, une organisation inadaptée.
Il faut donc envisager une approche nouvelle, et je veux remercier Françoise Gatel du dépôt de cette proposition de loi, ainsi que le rapporteur, François Bonhomme, du travail qu’il a réalisé.
Face aux défaillances devenues trop fréquentes, mais auxquelles il est interdit de s’habituer, l’expérimentation proposée va véritablement dans le bon sens.
Mes chers collègues, permettez-moi de m’attarder sur un point tout à fait essentiel, celui de la compensation financière. Assurer de nouvelles responsabilités, les départements savent faire ; ils l’ont montré avec les solidarités, avec l’éducation, avec le transfert des collèges voilà quelques années, ces compétences impliquant le transfert d’un grand nombre d’agents d’État.
Personne ne peut aujourd’hui contester les bienfaits de l’exercice en proximité de ces politiques ainsi décentralisées, à condition que les collectivités disposent des moyens idoines. Aussi, il ne faudrait pas que cette expérimentation soit un marché de dupes, comme on a malheureusement trop l’habitude d’en voir.
La Nation se doit de faire un effort pour la santé de sa jeunesse. À cet égard, je tiens à souligner aussi le terrible manque de moyens de la pédopsychiatrie face à l’augmentation du nombre d’enfants en situation de handicap, avec de plus en plus souvent des troubles psy ou comportementaux associés.
Pour poursuivre sur ces sujets, je considère comme indispensable de renforcer le lien entre le dispositif de la PMI et la médecine scolaire, tout en garantissant à chacun la maîtrise de ses propres missions. On pourrait par exemple imaginer une étroite coordination entre les bilans de santé qui sont établis en maternelle par la PMI et ceux qui sont réalisés à l’entrée au CP par la médecine scolaire ; je puis vous assurer que c’est loin d’être fait partout. Et je pourrais prendre d’autres exemples.
Faisons confiance aux départements, dont le sens des responsabilités en matière sociale, éducative et de santé est incontestable.
Madame la ministre, vous souhaitez, nous dites-vous, être attentive à ne pas complexifier les équations budgétaires des départements. C’est louable, mais j’ai trouvé récemment le Gouvernement bien moins embarrassé lorsqu’il s’est agi de transférer aux départements, volontaires ou non, sans concertation, l’allocation de solidarité spécifique (ASS), pour plus de 2 milliards d’euros… (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Comme je l’ai déjà dit, nous avons besoin non pas d’une loi 3DS, mais d’une loi 3C : confiance, confiance, confiance ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Hervé Reynaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Hervé Reynaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Françoise Gatel l’a souligné en introduction de notre débat, près de quatre-vingts ans après l’institution d’un service national d’hygiène scolaire sous la responsabilité du ministère de l’éducation nationale, force est de constater que la politique de santé scolaire est défaillante.
Les nombreuses études et rapports parlementaires produits dressent tous le même constat : en matière de santé scolaire, l’offre de service est insuffisamment adaptée aux besoins.
Ces difficultés sont liées tout d’abord au manque de personnel et aux problèmes de recrutement. Une revalorisation des métiers de ce secteur est donc absolument nécessaire pour relancer leur attractivité. Se pose également la question du pilotage des équipes de personnels de santé scolaire, équipes souvent pluridisciplinaires et inégalement réparties sur le territoire.
Aussi, faut-il expérimenter ? Oui !
La proposition de loi que nous examinons ce jour, qui part de ces observations, vise à expérimenter le transfert de la compétence « médecine scolaire » aux départements volontaires. J’y vois une réelle cohérence, car les services de santé de l’enfant réunissant les moyens et missions de la PMI sont déjà confiés aux départements. Cela permettrait une plus grande continuité de l’action, sur le volet prévention notamment, et une meilleure réussite scolaire des enfants. L’intérêt prophylactique de l’enfant est bien au cœur de cette approche.
Cependant, lorsque l’on évoque des transferts de compétences, il faut rester attentif. Le transfert d’un secteur déjà sous-doté ne laisse pas d’inquiéter les plus sceptiques, la plupart des départements rencontrant déjà des difficultés financières et fonctionnelles.
Par ailleurs, la question de la continuité de la médecine scolaire avec les lycées se pose, à un moment où de plus en plus d’élèves de tout âge connaissent des difficultés psychologiques et mentales. N’oublions pas aussi la question du suivi et de l’accompagnement des enfants porteurs d’un handicap.
En outre, s’agissant des statuts, ce transfert nécessiterait probablement l’intégration de personnels relevant actuellement de l’éducation nationale dans la fonction publique territoriale.
Cependant, toutes ces difficultés sont bien identifiées, et les résultats de l’expérimentation seront déterminants pour surmonter les réserves que vous avez évoquées, madame la ministre.
Mes chers collègues, proximité, principe de subsidiarité et expérimentation : ce sont des notions que nous évoquons ici même très régulièrement lorsque nous appelons de nos vœux une nouvelle ère de décentralisation.
Échelon de proximité pertinent et adapté, le département est aussi en souffrance, en matière tant de finances que de compétences. Redonnons-lui du sens et de la capacité à fédérer les actions menées.
Avec cette possibilité de transfert de la médecine scolaire, osons avancer, avec l’ambition de donner tous les moyens nécessaires à la santé de notre jeunesse. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre. Je veux tout d’abord remercier l’ensemble des orateurs de leurs interventions.
Monsieur le sénateur Bitz, je n’ai jamais pensé que l’exercice de la compétence « médecine scolaire » par les départements se passerait moins bien qu’avec l’État.
Par ailleurs, monsieur le sénateur Grosvalet, j’étais rectrice d’académie lorsque le transfert des personnels techniciens, ouvriers et de service (TOS) a été réalisé. Il y avait sans cesse des manifestations pour refuser ce transfert ! J’ai toujours fait partie de ceux qui pensaient que la gestion serait évidemment bien meilleure que celle que nous assurions au niveau de l’État. Je n’ai donc pas d’a priori.
Ce sont d’autres raisons qui expliquent, en l’état, la position que j’ai tenue devant vous. J’en citerai simplement trois.
Tout d’abord, il y a la question de l’égalité, évoquée par Mme la sénatrice Linkenheld, qui doit nous conduire à définir une politique nationale de prévention et de santé pour tous, en tout cas à ce stade.
Ensuite, madame la sénatrice Darcos, devant la raréfaction des médecins, qui ne va pas s’améliorer demain matin, il me semble que la répartition faite par l’État peut être équitable.
Enfin, et c’est sans doute pour moi la raison la plus importante, il faut un périmètre cohérent dans la décentralisation. Vous faites état dans votre texte, madame la sénatrice Gatel, du souhait de décentraliser les médecins scolaires, mais, en réalité, ce sont les quatre professions qu’il faut traiter pour être cohérent. (Mme Françoise Gatel acquiesce.)
Monsieur le sénateur Brisson, la proposition de loi n’apporte pas une réponse globale. (M. Max Brisson s’exclame.) Je le répète, l’expérimentation n’est pas à rejeter a priori. Vous me dites qu’il y a des freins à la décentralisation des gestionnaires. Je ne sais pas ; en tout cas, selon moi, quand une expérimentation est lancée, il faut la mener à son terme. Votre expérience de la décentralisation des gestionnaires correspond à votre compétence sur les collèges. Il n’y a pas à cet égard l’intrication des compétences qu’entraînerait la décentralisation de la médecine scolaire.
Pour conclure, je rappelle que l’État a accompli des efforts en matière de rémunération. (Mme Françoise Gatel et M. Olivier Bitz acquiescent.) Par ailleurs, nous allons mettre en place un pilotage structuré au niveau des départements, avec la création, je le souhaite, d’un service de santé scolaire. Enfin, la revue des missions répond à ce que vous souhaitiez, madame la sénatrice Gatel.
Telles sont les raisons qui expliquent – à ce stade, je le répète – ma position négative sur la proposition de loi que vous portez, chère Françoise Gatel.
Enfin, monsieur le sénateur Grosvalet, vous me demandez d’oser : « De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace »… J’en ai, mais pour l’État aussi !
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à expérimenter le transfert de la compétence « médecine scolaire » aux départements volontaires
Article unique
I. – À titre expérimental et pour une durée de cinq ans, afin d’assurer la continuité de la prise en charge par les services départementaux de protection maternelle et infantile des enfants scolarisés, l’État confie aux départements volontaires la compétence médecine scolaire et les obligations relatives au bilan de santé et à la promotion de la santé en milieu scolaire.
II. – Chaque département dispose d’une année à compter de la promulgation de la présente loi pour demander l’exercice de cette compétence, par une délibération motivée du conseil départemental.
Dans ce délai, sur demande du département, le représentant de l’État lui communique les informations dont il dispose relatives à l’organisation du service chargé de la médecine scolaire, aux moyens affectés à ces services et au coût de l’exercice de cette compétence et des obligations afférentes.
III. – Une convention conclue entre l’État et le département participant à l’expérimentation définit les modalités de transfert des crédits correspondant au transfert de charges.
À compter du début de l’expérimentation, les services ou les parties de services relevant de l’État qui participent à l’exercice des compétences de médecine scolaire et des obligations relatives au bilan de santé et à la promotion de la santé en milieu scolaire par les départements volontaires en application du présent article sont également mis à leur disposition à titre gratuit pour la même durée. La convention conclue entre l’État et le département détermine la liste des services ou des parties de services mis à disposition, après consultation des comités sociaux concernés.
IV. – Au plus tard six mois avant la fin de l’expérimentation, le Gouvernement transmet au Parlement, aux fins d’évaluation et d’appréciation de l’opportunité du transfert aux départements volontaires de la compétence médecine scolaire et des obligations relatives au bilan de santé et à la promotion de la santé en milieu scolaire, un rapport assorti des observations des départements qui ont participé à l’expérimentation. Ce rapport expose les effets des mesures prises par ces départements en ce qui concerne notamment le coût et la qualité des services rendus aux usagers, l’organisation des départements et des services de l’État ainsi que leurs incidences financières.
À la moitié de la durée fixée pour l’expérimentation, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport assorti, le cas échéant, des observations des départements participant à l’expérimentation. Ce rapport présente les départements ayant décidé de participer à l’expérimentation ainsi qu’une évaluation intermédiaire des effets mentionnés à la seconde phrase du premier alinéa.
V. – Un décret détermine les modalités de mise en œuvre du présent article.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Je vais mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi.
Je rappelle que le vote sur l’article vaudra vote sur l’ensemble de la proposition de loi.
Par ailleurs, mes chers collègues, nous devrons avoir achevé l’examen de ce texte au plus tard à vingt heures trente. Je vous demande donc d’être concis dans vos explications de vote.
La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Je remercie tout d’abord Mme la ministre de ses explications.
Pour ma part, je voterai la proposition de loi de Françoise Gatel.
En effet, j’ai eu la grande chance, avant d’être sénateur, d’être élu de Paris, qui est à la fois commune et département. Nous exercions la compétence de médecine scolaire, ainsi que la protection maternelle et infantile et l’accompagnement des personnes handicapées dans le cadre de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), comme tous les départements. Les trois compétences sont intéressantes dans le parcours de santé de l’enfant, et je repense toujours à la richesse qu’apporte une approche globale de la santé des enfants.
Madame la ministre, vous avez justement fait remarquer que la proposition de loi de Françoise Gatel n’était pas une réponse complètement aboutie – elle-même en conviendra –, car c’est la santé scolaire qui doit être transférée au département. En revanche, elle constitue une étape fondamentale.
Par ailleurs, elle a pris en compte les objections qui ont été formulées, notamment sur la question financière, en mettant en place un dispositif qui donne au département de la force dans la négociation avec l’État. J’en parle en connaissance de cause, pour avoir vécu sept négociations annuelles avec l’État, ce qui n’est pas simple.
Au-delà de ces observations sur le texte, madame la ministre, vous avez évoqué la mission d’Éric Woerth. Je crois que le vote, que j’espère positif, de la proposition de Françoise Gatel doit faire partie des éléments portés à sa réflexion. On peut même imaginer qu’il parte de ce texte, bien sûr à compléter, pour parvenir à un dispositif d’ensemble.
Nous sommes censés mener des politiques au nom de l’intérêt général, en l’occurrence pour la santé de l’enfant. À cette fin, nous devons dépasser nos propres réticences et nos divergences.
Je ne doute pas, madame la ministre, que vous partagez cet objectif d’intérêt général. Mon collègue Philippe Grosvalet avait donc bien raison de vous interpeller comme il l’a fait.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Madame la ministre, si, pour obtenir votre satisfecit, il fallait accepter un amendement pertinent, nous aurions pu le faire… (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour explication de vote.
M. Mathieu Darnaud. Madame la ministre, par-delà les arguments avancés par mes collègues et que je fais miens, je veux revenir sur un point.
Il est tout à fait paradoxal que le gouvernement et la majorité auxquels vous appartenez aient, avec empressement, demandé au Parlement, voilà trois ans, de légiférer sur la simplification de l’expérimentation. Nous n’avions pas saisi, à l’époque, les raisons d’un tel empressement, qui avait marqué nos travaux et mobilisé beaucoup d’énergie dans un temps restreint. Depuis lors, malheureusement, aucune expérimentation, j’y insiste, n’a vu le jour sur les sujets qui nous préoccupent.
Puisque le temps nous est compté, je ne vais pas reprendre tous les textes sur la décentralisation, mais je citerai seulement la loi Engagement et proximité et la loi 3DS, rebaptisée il y a quelques instants par notre collègue Christian Bruyen. Ces textes se voulaient porteurs d’un souffle décentralisateur, mais, pardonnez-moi de le dire ainsi, la montagne a accouché d’une souris.
Je ne sais pas s’il faut oser ou s’il faut simplement avancer, mais, en tout état de cause, j’en appelle à la cohérence du Gouvernement. On ne peut pas appeler à l’expérimentation et, au moment où notre collègue Françoise Gatel vous offre une occasion de concrétiser ces aspirations, lui tourner le dos. C’est encore une occasion ratée ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.
Mme Silvana Silvani. Pour ma part, je viens de Meurthe-et-Moselle, où a été inscrit dans le projet départemental, en mars 2022, l’objectif de créer les liens les plus fort possible entre PMI et santé scolaire. Je suis fière d’être élue dans un département où l’on aime beaucoup les projets audacieux. On pourrait penser que cela va dans le sens de ce qui nous est proposé dans ce texte, mais tel n’est pas le cas.
Même si je partage les constats qui ont été dressés par la plupart des intervenants sur les défaillances de la prise en charge de la santé scolaire, le transfert de compétences ne résoudra pas le problème. À moyens constants, dans chacun de nos départements, ferions-nous mieux que l’État ? Non, évidemment !
Des négociations département par département ne garantissent en rien l’équité de traitement dont les enfants ont besoin. Alors que nombre de départements sont en grande difficulté, je constate d’ailleurs avec plaisir ce soir que certains seraient tout de même en mesure d’absorber des compétences qui relèvent aujourd’hui de l’État…
Nous avons besoin d’un véritable service public de prévention et de santé pour les enfants et les adolescents jusqu’à 18 ans, un service qui soit organisé en concertation avec les départements. Le rôle de ces derniers n’est pas de compenser les défaillances de l’État. Je regrette que, ici, l’on abandonne le combat ! (Protestations sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme Françoise Gatel. Pas du tout !
M. Mathieu Darnaud. Nous n’abandonnons rien ! Nous expérimentons.
M. le président. La parole est à M. Jean-Gérard Paumier, pour explication de vote.
M. Jean-Gérard Paumier. Pour ma part, je m’abstiendrai. C’est un moment de solitude… (Sourires.)
Cette proposition de loi a le mérite de nous rappeler que l’école et la santé vont de pair, car un enfant qui ne va pas bien ne peut pas réussir à l’école. Elle a aussi le grand mérite de mettre en lumière le constat partagé de la sombre situation de la médecine scolaire. Le métier de médecin scolaire manque d’attractivité financière, et les tâches administratives occupent une place croissante.
En Indre-et-Loire, sur neuf médecins scolaires, seuls deux exercent, ce qui met en évidence un problème de recrutement. Le ministère de l’éducation nationale est conscient de la situation, puisqu’il avait prévu en juin 2023 un grand séminaire, dont l’objectif était une nouvelle définition des missions et des rémunérations d’un médecin scolaire. Ce séminaire a été reporté sine die : bizarre !
Cette proposition de loi a enfin une logique que je comprends : proposer une expérimentation aux départements volontaires, ce qui est justifié par le fait que ces collectivités exercent des compétences sociales, notamment l’enfance au travers de la PMI.
Seulement, la pénurie de médecins touche aussi la PMI. En Indre-et-Loire toujours, huit postes de médecins sur quatorze sont vacants. J’ajoute que les salaires des médecins de PMI sont pourtant assez supérieurs à ceux des médecins scolaires.
De plus, ce texte arrive à un moment crucial, où de très nombreux départements sont à la peine financièrement, en raison notamment de la chute des droits de mutation. Sachant que les dépenses sociales transférées sont généralement compensées à moins de 50 %, comment imaginer prendre en charge une nouvelle compétence qui serait elle aussi mal compensée ?
Je m’abstiendrai donc, tout en saluant le travail de la délégation aux collectivités territoriales et de sa présidente, Françoise Gatel, ainsi que de la commission des lois. Je pense que l’État doit garder la compétence « médecine scolaire » et faire réaliser impérativement par un médecin scolaire ou de ville les bilans de santé obligatoires des enfants, remboursés par la sécurité sociale.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collège.
M. Jean-Gérard Paumier. Et pourquoi ne pas mobiliser les étudiants en médecine quelques mois, à l’issue de leur internat, pour un service civique consistant à participer aux bilans de santé des écoles ?
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Bonhomme, rapporteur. Pour clore ce débat tout à fait intéressant, je souhaite formuler quelques remarques.
Madame la ministre, vous avez exprimé certaines craintes, qui ne me paraissent pas toujours fondées, sur le fait de confier, à titre expérimental, cette compétence au département.
Vous avez notamment évoqué le risque de complexité dans la répartition des différentes compétences. Certes, mais la convention sera là aussi pour organiser les choses entre ce qui relève du hiérarchique et ce qui relève du fonctionnel, notamment. C’est un sujet qui doit faire l’objet d’une discussion entre l’État et les départements candidats.
Vous avez également indiqué que vous souhaitiez que la médecine scolaire reste nationale. Mais tel sera bien le cas, puisque ce sera toujours le ministère qui définira la stratégie nationale de santé.
Enfin, vous avez affirmé que cette proposition était tout à fait inégalitaire. Je tiens à souligner que les rapports produits sur la médecine scolaire par vos propres services, notamment par l’Igas, faisaient déjà état de cette dégradation continue de l’accès au bilan de santé scolaire. Nous sommes donc déjà dans cette situation. C’est pour cette raison que vous rencontrez ici la volonté forte du Sénat d’aller vers l’expérimentation.
N’ayez pas peur, madame la ministre, comme l’a dit notre collègue Max Brisson ! Nous avons besoin d’espérance, cette dernière étant au demeurant une vertu théologale. De toute façon, nous verrons bien, à la lumière des évaluations qui seront réalisées, si les promesses d’amélioration de la santé des enfants, avec de véritables bilans de santé, se concrétisent grâce aux départements. C’est finalement ce qui doit nous guider.
Madame la ministre, ne procrastinez pas ! Il faut combattre l’inertie. Cela fait dix ans que tous les indicateurs se dégradent et, au bout du compte, c’est la santé des enfants qui est en cause. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et RDSE.)
Mme Françoise Gatel. Bravo !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi visant à expérimenter le transfert de la compétence « médecine scolaire » aux départements volontaires.
(La proposition de loi est adoptée. – Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
8
Conférence des présidents
M. le président. Les conclusions adoptées par la conférence des présidents réunie ce jour, sont consultables sur le site du Sénat.
En l’absence d’observations, je les considère comme adoptées.
Conclusions de la conférence des présidents
SEMAINE SÉNATORIALE
Jeudi 21 mars 2024
De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures
(Ordre du jour réservé au groupe CRCE-K)
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et le Canada, d’autre part, et de l’accord de partenariat stratégique entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et le Canada, d’autre part (texte n° 694, 2018-2019)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées avec une saisine pour avis de la commission des affaires économiques.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 13 mars matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 20 mars à 15 heures
- Proposition de résolution, en application de l’article 34-1 de la Constitution, invitant le Gouvernement à reconnaître l’État palestinien et à agir pour un cessez-le-feu effectif et durable dans l’attente de négociations, présentée par Mmes Cécile Cukierman, Michelle Gréaume, MM. Fabien Gay, Robert Wienie Xowie et plusieurs de leurs collègues (n° 379, 2023-2024)
• Temps attribué à l’auteur de la proposition de résolution : 10 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 20 mars à 15 heures
• Les interventions des orateurs vaudront explications de vote.
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 26 mars 2024
À 14 h 30 et le soir
- Explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur la proposition de loi rendant obligatoires les « tests PME » et créant un dispositif « Impact Entreprises » (texte de la commission n° 421, 2023-2024)
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 25 mars à 15 heures
• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 26 mars à 12 h 30
- Projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie (texte n° 291, 2023-2024)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Réunion de la commission pour le rapport : mercredi 20 mars matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 25 mars à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 26 mars début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 25 mars à 15 heures
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la mise en place et au fonctionnement de la commission d’évaluation de l’aide publique au développement instituée par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 (texte de la commission n° 449, 2023-2024)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 18 mars à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 20 mars matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 25 mars à 11 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 26 mars début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 25 mars à 15 heures
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels (texte de la commission n° 446, 2023-2024)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 18 mars à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 20 mars matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 25 mars à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 26 mars début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 25 mars à 15 heures
Mercredi 27 mars 2024
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 27 mars à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- Examen, sous réserve de sa recevabilité, d’une demande de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport tendant à obtenir du Sénat, en application de l’article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1 100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires qu’il lui confère, pour une durée de six mois, les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête pour une mission d’information sur les modalités de constitution d’une société commerciale par la Ligue de football professionnel en application des articles L. 333-1 et suivants du code du sport introduits par la loi n° 2022-296 du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France.
- Éventuellement, suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels (texte n° 169, 2023-2024)
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement (texte de la commission n° 429, 2023-2024)
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mardi 26 mars à 15 heures
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant diverses mesures relatives au grand âge et à l’autonomie (texte de la commission n° 412, 2023-2024)
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mardi 26 mars à 15 heures
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, créant l’homicide routier et visant à lutter contre la violence routière (texte de la commission n° 433, 2023-2024)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 18 mars à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 19 mars début d’après-midi
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 25 mars à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 27 mars matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 26 mars à 15 heures
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 2 avril 2024
À 14 h 30
- Explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur le projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie (texte n° 291, 2023-2024)
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 29 mars à 15 heures
• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 2 avril à 12 h 30
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : vendredi 29 mars à 15 heures
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : vendredi 29 mars à 15 heures
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à soutenir l’engagement bénévole et à simplifier la vie associative
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : vendredi 29 mars à 15 heures
- Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture du projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l’accompagnement des victimes
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 25 mars à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 27 mars matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : mardi 2 avril à 9 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 2 avril après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 29 mars à 15 heures
Le soir
- Débat sur la situation de l’hôpital (demande du groupe Les Républicains)
• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :
2 minutes, y compris la réplique
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
Possibilité pour le Gouvernement de répondre à une réplique pendant 1 minute et à l’auteur de la question de répondre de nouveau pendant 1 minute
• Conclusion par le groupe Les Républicains : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : vendredi 29 mars à 15 heures
Mercredi 3 avril 2024
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 3 avril à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- 1 convention internationale examinée selon la procédure d’examen simplifié :
=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du traité d’entraide judiciaire en matière pénale entre la République française et la République du Kazakhstan (texte de la commission n° 451, 2023-2024)
• Délai limite pour demander le retour à la procédure normale : vendredi 29 mars à 15 heures
- Projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge (texte de la commission n° 393, 2023-2024)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires étrangères.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 2 avril à 15 heures
- Troisième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale en troisième lecture, visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement (texte n° 370, 2023-2024)
Ce texte a été envoyé à la commission des finances.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 25 mars à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 27 mars matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : mardi 2 avril à 11 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 3 avril matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 2 avril à 15 heures
SEMAINE DE CONTRÔLE
Mardi 9 avril 2024
À 9 h 30
- Questions orales
À 14 h 30 et le soir
- Proposition de loi visant à concilier la continuité du service public de transports avec l’exercice du droit de grève, présentée par M. Hervé Marseille et plusieurs de ses collègues (texte n° 344, 2023-2024) (demande du groupe UC)
Ce texte a été envoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 29 mars à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 3 avril matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 8 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 9 avril après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 8 avril à 15 heures
- Débat sur la fermeture des classes et la mise en place de la carte scolaire dans les départements (demande du groupe Les Républicains)
• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :
2 minutes, y compris la réplique
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
Possibilité pour le Gouvernement de répondre à une réplique pendant 1 minute et à l’auteur de la question de répondre de nouveau pendant 1 minute
• Conclusion par le groupe Les Républicains : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 8 avril à 15 heures
- Proposition de loi visant à proroger la loi n° 2017-285 du 6 mars 2017 relative à l’assainissement cadastral et à la résorption du désordre de la propriété, présentée par M. Jean-Jacques Panunzi et plusieurs de ses collègues (texte n° 22, 2023-2024) (demande du groupe Les Républicains)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : mardi 2 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 3 avril matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 8 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 9 avril après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 8 avril à 15 heures
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions des commissions mixtes paritaires sur le projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire et sur le projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (demande du Gouvernement)
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : lundi 8 avril à 15 heures
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole (demande du Gouvernement)
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : lundi 8 avril à 15 heures
Mercredi 10 avril 2024
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 10 avril à 11 heures
De 16 h 30 à 20 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe SER)
- Proposition de loi d’abrogation de la réforme des retraites portant l’âge légal de départ à 64 ans, présentée par Mme Monique Lubin, M. Patrick Kanner, Mme Annie Le Houerou et plusieurs de leurs collègues (texte n° 360, 2022-2023)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : mardi 2 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 3 avril matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 8 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 10 avril matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 9 avril à 15 heures
- Proposition de loi visant à renforcer le service civique, présentée par M. Patrick Kanner et plusieurs de ses collègues (texte n° 600, 2022-2023)
Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 29 mars à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 3 avril matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 8 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 10 avril matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 9 avril à 15 heures
Le soir
- Débat sur le thème : « Haut-commissariat au plan : quel bilan et quelle influence sur les politiques publiques depuis 2020 ? » (demande du GEST)
• Temps attribué au groupe Écologiste - Solidarité et Territoires : 8 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Possibilité pour le Gouvernement de prendre la parole après chaque orateur pour une durée de 2 minutes ; possibilité pour l’orateur de répliquer pendant 1 minute
• Temps de réponse du Gouvernement : 5 minutes
• Conclusion par le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 9 avril à 15 heures
Jeudi 11 avril 2024
De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures
(Ordre du jour réservé au groupe RDSE)
- Proposition de loi tendant à préserver l’accès aux pharmacies dans les communes rurales, présentée par Mmes Maryse Carrère, Guylène Pantel et plusieurs de leurs collègues (texte n° 355, 2023-2024)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : mardi 2 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 3 avril matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 8 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 10 avril matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 10 avril à 15 heures
- Proposition de loi visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique et à préserver la filière apicole, présentée par M. Michel Masset et plusieurs de ses collègues (texte n° 359, 2023-2024)
Ce texte a été envoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 29 mars à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 3 avril matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 8 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 10 avril matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 10 avril à 15 heures
Suspension des travaux en séance plénière :
du lundi 15 au dimanche 28 avril 2024
SEMAINE DE CONTRÔLE
Mardi 30 avril 2024
À 14 heures
- Débat sur le programme de stabilité et l’orientation des finances publiques (demande de la commission des finances)
• Intervention liminaire du Gouvernement
• Temps attribué à la commission des finances : 15 minutes
• Temps attribué à la commission des affaires sociales : 5 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 29 avril à 15 heures
- Débat sur le thème : « Planification écologique et COP régionales : quelle efficacité ? » (demande du groupe Les Républicains)
• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :
2 minutes, y compris la réplique
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
Possibilité pour le Gouvernement de répondre à une réplique pendant 1 minute et à l’auteur de la question de répondre de nouveau pendant 1 minute
• Conclusion par le groupe Les Républicains : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 29 avril à 15 heures
À 17 h 15
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 30 avril à 13 heures
SEMAINE SÉNATORIALE
Mardi 7 mai 2024
À 9 h 30
- Questions orales
À 14 h 30
- Proposition de loi portant statut de personne morale de droit public à statut particulier à l’Académie nationale de chirurgie, présentée par Mme Pascale Gruny et M. Alain Milon (texte n° 359, 2022-2023) (demande du groupe Les Républicains)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 29 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 30 avril après-midi
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 6 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 7 mai après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 6 mai à 15 heures
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 14 mai 2024
À 14 h 30 et le soir
- Proposition de loi visant à poursuivre la dématérialisation de l’état civil du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, présentée par Mme Samantha Cazebonne (procédure accélérée ; texte n° 433, 2023-2024)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 6 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 7 mai en début de matinée
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 13 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 14 mai en début de matinée
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 13 mai à 15 heures
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, allongeant la durée de l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate (texte n° 380, 2023-2024)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : jeudi 11 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 30 avril en début de matinée
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 10 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 14 mai en début de matinée
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 13 mai à 15 heures
- Sous réserve de sa transmission, proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France (procédure accélérée ; texte A.N., n° 2321)
Ce texte sera envoyé à la commission des finances avec une saisine pour avis de la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 6 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 7 mai en début d’après-midi
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 13 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 14 mai en début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 13 mai à 15 heures
Mercredi 15 mai 2024
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 15 mai à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, suite de la proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France (procédure accélérée ; texte A.N. n° 2321)
Prochaine réunion de la Conférence des Présidents
Mercredi 10 avril 2024 à 18 heures
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Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 21 mars 2024 :
De dix heures trente à treize heures et de quatorze heures trente à seize heures :
(Ordre du jour réservé au groupe CRCE-K)
Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et le Canada, d’autre part, et de l’accord de partenariat stratégique entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et le Canada, d’autre part (texte n° 694, 2018-2019) ;
Proposition de résolution, en application de l’article 34-1 de la Constitution, invitant le Gouvernement à reconnaître l’État palestinien et à agir pour un cessez-le-feu effectif et durable dans l’attente de négociations, présentée par Mmes Cécile Cukierman, Michelle Gréaume, MM. Fabien Gay, Robert Wienie Xowie et plusieurs de leurs collègues (texte n° 379, 2023-2024).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures trente.)
nomination de membres de commissions mixtes paritaires
La liste des candidats désignés par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :
Titulaires : M. François-Noël Buffet, Mmes Françoise Gatel, Nadine Bellurot, Françoise Dumont, Audrey Linkenheld, MM. Christophe Chaillou et Olivier Bitz ;
Suppléants : Mmes Elsa Schalck, Catherine Di Folco, MM. Philippe Bonnecarrère, Hussein Bourgi, Ian Brossat, Alain Marc et Guy Benarroche.
La liste des candidats désignés par la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à soutenir l’engagement bénévole et simplifier la vie associative a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :
Titulaires : MM. Laurent Lafon, Yan Chantrel, Mmes Catherine Belrhiti, Anne Ventalon, M. Cédric Vial, Mme Marie-Pierre Monier, M. Martin Lévrier ;
Suppléants : Mmes Béatrice Gosselin, Agnès Evren, M. Pierre-Antoine Levi, Mme Karine Daniel, M. Gérard Lahellec, Mmes Laure Darcos et Mathilde Ollivier.
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
Le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER