Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l’éducation nationale ne serait pas totalement elle-même sans les personnels de santé scolaire.
Cet appui essentiel pour la réussite éducative et personnelle des élèves est aujourd’hui assuré par près de 800 médecins de l’éducation nationale et médecins conseillers techniques, 7 000 infirmiers scolaires et 3 000 assistants et conseillers techniques de service social.
La présence des services de santé scolaire est particulièrement importante en temps de crise, comme nous avons pu le mesurer lors de l’épidémie de covid-19, pendant laquelle la présence de ces professionnels de santé au sein de l’institution a considérablement contribué à maintenir la présence des élèves dans nos établissements.
Je tiens ici à saluer à mon tour la qualité du travail des personnels de santé scolaire, et à les remercier de leur engagement au quotidien au service de tous les élèves.
Je souhaite aussi vous remercier, chère Françoise Gatel, de vous être saisie du sujet de la médecine scolaire au travers de cette proposition de loi, qui est liée à une conviction profonde.
Je dois en effet reconnaître, et je vous rejoins sur ce point, tout comme le sénateur Bonhomme, que la médecine scolaire rencontre des difficultés importantes. C’est la raison pour laquelle mon ministère travaille aujourd’hui à apporter des réponses concrètes et efficaces.
Votre texte prévoit, à cette même fin, de lancer une expérimentation qui permettrait aux départements volontaires de se saisir, pour un temps, de la compétence de la médecine scolaire.
Toutefois, au vu de la nature de cette compétence et des enjeux qu’elle recouvre, il me semble que ce transfert n’apporterait peut-être pas les réponses souhaitées aux problèmes que nous connaissons. Plusieurs raisons, que je vais vous exposer, motivent cet avis.
Un tel transfert présente tout d’abord un risque de complexification de la répartition des compétences en matière d’éducation entre, d’une part, l’État et les collectivités et, d’autre part, les différents échelons de collectivités entre eux. En effet, les départements, dont la compétence s’exerce sur les seuls collèges, devraient alors gérer des personnels dont l’exercice serait dédié pour partie aux écoles, mais aussi pour partie aux lycées, qui relèvent respectivement, comme vous le savez, des communes et des régions.
Par ailleurs, nous continuons de penser que la politique de médecine scolaire doit être portée au niveau national, afin de garantir l’égalité partout sur le territoire entre les élèves en matière de santé. C’est en effet à l’État de définir une stratégie d’ensemble quant aux questions de santé publique et de prévention en matière de santé des jeunes. Nous savons combien la prévention est importante, surtout au regard des problèmes de santé mentale des jeunes, comme vous l’avez relevé, madame la sénatrice.
La pénurie de médecins étant à ce stade généralisée hors agglomérations, le rattachement national au ministère de l’éducation facilite une péréquation, certes imparfaite, sur le territoire ; un transfert aux collectivités garantirait probablement encore moins cette péréquation.
Nous craignons en outre que le transfert proposé ne se traduise par le départ de médecins scolaires aujourd’hui en exercice. Ceux-ci pourraient considérer que les nouvelles missions que vous leur accordez les éloigneraient pour partie de l’école et de ses missions éducatives et qu’elles supprimeraient un intérêt fort de leur identité professionnelle, à laquelle ils sont, nous le savons, très attachés.
Par ailleurs, les départements ont des compétences déjà très étendues en matière de politique de protection de l’enfance, de solidarité et d’aide sociale. L’expérience montre que ce sont de lourdes et coûteuses responsabilités, qui présentent parfois des difficultés de mise en œuvre, d’équilibre budgétaire et de gestion de ressources humaines.
Enfin, et ce sera mon dernier argument, nous savons que des travaux de réflexion de fond sont en cours sur la décentralisation et l’articulation des compétences entre l’État et les collectivités. Je pense en particulier à la mission conduite par Éric Woerth, qui doit porter un regard global et complet sur les relations entre l’État et les collectivités et sur les relations entre les différents niveaux de collectivités.
Ce travail ambitieux et de grande ampleur est mené à la demande du Président de la République, et il nous semble important de ne pas anticiper sur ses conclusions par des propositions qui ne bénéficieraient pas de la vision globale qu’il apportera certainement.
Vous l’aurez donc compris, le Gouvernement ne saurait, à ce stade et en l’état, être favorable à cette proposition de loi.
M. Max Brisson. Bref, tout va mal, donc ne faisons rien !
Mme Nicole Belloubet, ministre. Ne voyez là aucun réflexe centralisateur de notre part (Exclamations ironiques sur les travées des groupes UC et Les Républicains.),…
M. Jean-Michel Arnaud. Non !
M. Laurent Burgoa. Surtout pas !
Mme Nicole Belloubet, ministre. … ni aucune volonté de remettre en cause la capacité de gestion des départements.
Il s’agit plutôt d’un souci de cohérence de notre action. Nous souhaitons en effet progresser dans l’efficience de la santé scolaire, au bénéfice de nos élèves, qui doivent profiter d’une politique de prévention efficace et globale.
Pour cela, nous avons besoin d’une véritable coopération entre les quatre composantes essentielles de la santé scolaire que sont les médecins, les infirmiers, les assistants sociaux et les psychologues scolaires, lesquels doivent travailler ensemble pour prendre en charge l’ensemble des problématiques liées à la santé scolaire.
Pour ces raisons, nous devons améliorer la situation de la médecine scolaire, notamment en suivant les recommandations des différents rapports rendus récemment, relatifs entre autres à sa gouvernance au niveau national – j’y veillerai particulièrement.
Dans un contexte de raréfaction, hélas ! criante dans certains territoires, des professionnels de santé, et tout particulièrement des médecins, le ministère de l’éducation nationale a spécifiquement fait de la revalorisation des personnels de santé une priorité de sa politique de ressources humaines.
Les mesures catégorielles pour 2021 ont ainsi permis, dans le cadre du Grenelle de l’éducation, une revalorisation indemnitaire pour les médecins de l’éducation nationale, soit une augmentation forfaitaire annuelle de 1 700 euros, et pour les médecins conseillers techniques, avec une augmentation de 2 700 euros par an.
Ajoutées aux crédits dédiés au réexamen triennal de leur indemnité, ces mesures ont permis à l’ensemble des médecins de l’éducation nationale et des médecins conseillers techniques de bénéficier respectivement d’une revalorisation indemnitaire moyenne de 7 700 euros et de 8 700 euros annuels entre 2021 et 2023.
Un effort de revalorisation pour les personnels infirmiers a également été engagé. En 2021, il a permis une augmentation indemnitaire moyenne de 400 euros.
Dans le cadre de la transposition du Ségur de la santé, les infirmiers de l’éducation nationale ont en outre bénéficié d’une amélioration de leur déroulement de carrière à compter du 1er janvier 2022.
Par ailleurs, dans son discours de politique générale du 30 janvier dernier, le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé que, au mois de mai prochain, les infirmiers de l’éducation nationale recevraient une prime exceptionnelle de 800 euros et seraient revalorisés de 200 euros nets par mois. Ces efforts sont importants ; ils étaient attendus par l’ensemble des personnels de la santé scolaire.
Néanmoins, au-delà des questions de rémunération, nous devons aussi travailler à l’amélioration des conditions d’exercice pour renforcer l’attractivité du métier.
Dans cette perspective, le ministère a engagé une démarche de revue des missions, évoquée par Mme Gatel, qui doit permettre aux médecins scolaires de se concentrer sur les activités de prévention et de protection de la santé des élèves. Cette démarche constitue pour nos médecins une garantie supplémentaire que leur activité est bien orientée vers l’accomplissement de leurs missions premières.
Je souhaite donc, mesdames, messieurs les sénateurs, que nos échanges se poursuivent sur les meilleures pistes d’amélioration de la santé scolaire.
Notre unique préoccupation, que je sais partagée par vous, demeure celle de la bonne santé, physique et psychique, de l’ensemble de nos élèves, en lien étroit avec tous nos partenaires. Tout en étant pleinement à votre écoute, je reste pleinement mobilisée pour mettre en œuvre les mesures nécessaires en ce sens.
M. le président. La parole est à M. Olivier Bitz.
M. Olivier Bitz. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous connaissons tous l’état dans lequel se trouve la médecine scolaire. Le nombre de postes de médecins scolaires a ainsi encore chuté ces dix dernières années de près de 30 %, avec pour conséquence que 45 % des postes sont aujourd’hui vacants.
Cette pénurie n’est pas répartie de manière homogène sur le territoire national : certaines académies sont plus en difficulté que d’autres, celle de Créteil obtenant tristement la palme avec 79 % de postes vacants.
Concrètement, une grande partie des missions aujourd’hui dévolues à la médecine scolaire ne sont pas remplies, et cela malgré l’engagement, d’autant plus méritoire, des personnels de santé scolaire. Je tiens à mon tour à leur exprimer mon total soutien. Pour eux, il est extrêmement difficile de travailler avec des moyens aussi réduits.
Ainsi, aujourd’hui, moins de 20 % des élèves de sixième bénéficient des visites médicales, pourtant obligatoires, prévues par la loi. Dans trente-quatre départements, ce taux chute à moins de 10 %.
Or les missions de la médecine scolaire sont absolument essentielles pour les élèves, notamment les plus fragiles d’entre eux. C’est une médecine de prévention qui permet de réaliser des dépistages indispensables pour la prise en charge, de manière précoce, d’un certain nombre de troubles ou de maladies. Elle est aussi un moyen de détection et de lutte contre les violences intrafamiliales.
Dès lors, que faire face à ce double constat d’une difficulté généralisée à exercer les missions dévolues à la médecine scolaire et du caractère fondamental de ces missions pour les élèves ? Il nous faut, dans un contexte général de pénurie de personnel médical, trouver de nouvelles solutions et imaginer des pistes qui n’ont pas encore été essayées à une échelle suffisante. Nous le devons aux élèves.
Nous avons un peu de recul sur les transferts de compétences réalisés par l’État en direction des collectivités locales. Nous savons bien que, lorsqu’une compétence est transférée par l’État à une collectivité, elle est en général mieux exercée.
Qu’avons-nous d’ailleurs vraiment à perdre aujourd’hui en expérimentant un transfert de compétence de la médecine scolaire aux départements volontaires, c’est-à-dire intéressés par le sujet ? Je suis absolument désolé de le dire, à mon sens, cela ne pourra probablement pas être pire que la situation actuelle !
M. Max Brisson. Cela sera mieux !
M. Olivier Bitz. J’ai même la conviction que la situation peut s’améliorer, notamment grâce aux synergies qui pourront se développer avec d’autres compétences déjà exercées par les départements : la PMI et l’action sociale de polyvalence de secteur.
Une expertise réelle irrigue nos territoires au service des nouveau-nés, des jeunes enfants et de leurs familles. En élargissant la focale à la médecine scolaire pour les départements volontaires, la proposition de loi prévoit un continuum de santé pour les enfants de la naissance à 16 ans, du berceau jusqu’à l’entrée au lycée. Cet alignement, s’il est correctement pensé et articulé, peut à notre sens être expérimenté.
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. Jean-Michel Arnaud. Excellent !
M. Olivier Bitz. Observons ce qui se passe déjà en Alsace, où, de manière historique, l’État a délégué à une collectivité locale, à savoir la Ville de Strasbourg, l’exercice de la compétence de médecine scolaire, alors que, dans le même temps, le département lui a confié l’exercice des compétences de PMI et de polyvalence de secteur. Cela se passe-t-il moins bien qu’ailleurs ? Non, plutôt mieux !
Les conseils départementaux savent mobiliser des partenariats en matière de santé. C’est pourquoi la mutualisation des ressources professionnelles et la polyvalence peuvent améliorer l’organisation des missions de médecine scolaire et, in fine, garantir une meilleure prise en charge des élèves.
M. Olivier Paccaud. Très bien !
M. Olivier Bitz. Notre volonté, en soutenant cette proposition de loi, est d’innover et d’enclencher un déblocage de cette filière en grande difficulté.
Ce texte marque aussi notre soutien à une démarche pragmatique, fondée sur l’expérimentation. Donnons-nous l’occasion d’examiner si la médecine scolaire fonctionne mieux en étant déléguée, et tirons le moment venu le bilan de cette expérience, avant d’envisager tout transfert définitif.
Je tiens à rappeler que cette proposition de loi s’adresse aux conseils départementaux volontaires et qu’elle est une marque de confiance et d’encouragement envers nos territoires qui souhaitent se lancer dans cette expérimentation. D’après le décompte de l’Association des départements de France, ils seraient dix-neuf. Mais d’autres observent attentivement les choses.
Vous l’aurez compris, la majorité du groupe RDPI accueille positivement cette proposition de loi. Elle considère que l’importance des enjeux de santé en question mérite que l’on innove quelque peu. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, Les Républicains, UC et INDEP. – M. Bernard Jomier applaudit également.)
M. Max Brisson. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Audrey Linkenheld. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis de nombreuses années déjà, se pose la question de savoir si la médecine scolaire, actuellement rattachée à l’éducation nationale, ne devrait pas plutôt relever des collectivités locales, singulièrement des départements.
Récemment encore, lors de l’examen de la loi 3DS, plusieurs sénateurs et sénatrices du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ont fait adopter une demande de rapport sur « les perspectives du transfert de la médecine scolaire aux départements » et sur les « moyens permettant, en l’absence de transfert, de renforcer la politique de santé scolaire ».
M. Max Brisson. Absolument !
Mme Audrey Linkenheld. Il faut remercier Mme Gatel de la mansuétude dont elle a fait preuve à l’époque et du dépôt de cette proposition de loi, sans laquelle le Parlement n’aurait sans doute jamais su que le rapport demandé au Gouvernement avait bien été rédigé !
Plus de 130 pages, diverses auditions, 12 recommandations : tel est le bilan du travail conjoint remis en juin 2023 par la mission de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) et par la mission de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche. Ces pages très instructives confirment ce que nous constatons tous depuis longtemps sur le terrain. Elles rejoignent également les conclusions du rapport de la Cour des comptes de 2020.
Premièrement, la médecine scolaire ne va pas bien dans notre pays. Ses effectifs sont insuffisants, ses missions ne sont pas correctement remplies et les disparités sont grandes d’un territoire à l’autre. Résultat, qu’il s’agisse des infirmiers, des psychologues scolaires ou des médecins, les postes pourvus sont moins nombreux que les postes ouverts et le taux d’encadrement chute dramatiquement.
En fin de compte, malgré le formidable investissement du personnel, l’intérêt de l’enfant n’est pas pleinement respecté. « Huit enfants sur dix n’ont jamais vu un médecin scolaire », précisait d’ailleurs le député Reda dans son rapport remis en mai 2023.
Deuxièmement, au-delà des moyens, le rapport d’inspection montre aussi clairement que le pilotage de la médecine scolaire est « ténu » et que le problème est bien plus vaste. Centralisée ou décentralisée, la compétence santé scolaire est surtout dispersée, pour ne pas dire noyée : représentant 1 % des effectifs de l’éducation nationale, elle a bien du mal à se faire entendre.
Le rapport d’inspection dont nous disposons désormais préconise le rattachement de ces catégories de personnel à des services santé sociaux situés à l’échelon départemental, y compris si le portage par l’éducation nationale devait se prolonger.
Bref, il confirme l’intuition que le groupe socialiste avait eue en 2022 : transfert ou pas, il faut des « évolutions majeures » pour une « politique publique de santé scolaire qui n’est que partiellement assumée ».
Le groupe SER se satisfait donc que la proposition de loi de Mme Gatel relance ce débat à sa manière, en proposant une expérimentation reposant sur le volontariat. C’est, en soi, une manière intéressante de trancher les choses une bonne fois pour toutes.
Pour autant, les modalités de l’expérimentation comme les conclusions du rapport d’inspection nous font douter de notre capacité à réunir les conditions de réussite d’un tel transfert. Ce dernier ne peut en effet se résumer à un simple déplacement de compétences et de moyens : il suppose un changement en profondeur de politique publique.
Tout cela souligne surtout l’impasse dans laquelle le Gouvernement place une fois de plus les collectivités : malgré les annonces et les travaux en cours, aucune nouvelle étape de décentralisation ne pointe à l’horizon.
Nous pouvons aussi nous demander pourquoi le rapport demandé par le Parlement au Gouvernement sur une possible décentralisation de la santé scolaire nous a été dissimulé. Resté sans réponse pendant presque un an, ne montre-t-il pas, madame la ministre, que le Gouvernement non seulement ne s’engage pas vers plus de décentralisation, mais n’avance pas non plus vers une meilleure gestion centralisée ou déconcentrée ?
Pour notre part, nous serions prêts à faire confiance aux départements pour mieux piloter que ne le fait l’État central une compétence qui présente une véritable cohérence en matière sociale et sanitaire. Nous serions même prêts à considérer que les départements sauraient assurer une bonne coordination de la santé scolaire au-delà du collège, du berceau jusqu’au lycée, en passant par l’école primaire.
Tout cela peut être débattu. En revanche, puisque nous parlons d’égalité d’accès, ce qui se discute moins et qui nous rend sceptiques, ce serait une décentralisation à géométrie variable. Comme les auteurs du rapport de l’inspection, nous privilégions la voie d’une décentralisation homogène.
Toutefois, au-delà de ces questions de périmètre et de méthode, la véritable impasse dans laquelle le Gouvernement met le Parlement et les collectivités est liée aux moyens. Les départements, comme d’ailleurs les principaux syndicats de personnel de santé scolaire, considèrent que les budgets actuellement investis par l’État sont très insuffisants pour permettre une offre de services adaptée aux besoins.
Nous saluons à cet égard la tentative, au travers de cette proposition de loi, de forcer le diagnostic et le dialogue transparent entre l’État et les collectivités, avec cette idée de laisser aux départements un an entre leur candidature au transfert et leur accord définitif, au regard des moyens dont ils disposent.
C’est assez malin, mais cela nous semble vain, hélas. Car faire des choix budgétaires tournés vers le social et la fonction publique, ce n’est pas trop la tendance politique du moment !
Il y a selon nous peu de chances, madame la ministre, que l’État augmente ses moyens sociaux ou qu’il s’attaque sérieusement à la démographie médicale. Nous l’avons dit, le sujet dépasse largement celui de la médecine scolaire.
Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons, car soutenir l’expérimentation proposée est à notre sens illusoire.
Resteront donc les frustrations : frustration d’observer que la santé de nos enfants est mal prise en charge ; frustration de noter que l’État n’y consacre toujours pas assez de personnel et d’efforts ; frustration devant le constat que la situation budgétaire des départements, déjà difficile, ne leur offre pas la capacité de dégager des fonds propres pour la santé scolaire et risque même de provoquer un mercato semblable à celui de la médecine de ville ; frustration, donc, et déception, pour notre groupe, car, une nouvelle fois, le Gouvernement n’est pas au rendez-vous d’un véritable enjeu de santé, de préparation de l’avenir et d’organisation territoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous venez de nous dire, madame la ministre, qu’en matière de santé scolaire tout va mal, mais qu’il faut surtout ne rien changer !
M. Laurent Burgoa. Tout à fait !
M. Max Brisson. Pourtant, en 2001, à l’annonce du projet de loi 3DS, nous étions emplis d’espoir. Enfin, le Gouvernement osait aborder l’épineux sujet de la médecine scolaire, en avançant avec pertinence l’idée du transfert de cette compétence aux départements.
Aussi, quelle ne fut pas notre déception lorsque nous avons constaté à la parution du projet de loi que le Gouvernement avait finalement reculé, peut-être devant les grognements des syndicats, et décidé de retirer cette disposition.
Nous avions alors fait contre mauvaise fortune bon cœur, en formulant – la chose est suffisamment rare pour être signalée –, une demande de rapport. Il s’agissait de mesurer les volontés du terrain, les effectifs, les coûts et toutes les conséquences éventuelles d’un tel transfert.
Nous avons pris le temps de travailler le sujet en profondeur, pour aboutir à cette excellente proposition de loi de notre collègue Françoise Gatel.
Je suis conscient des réserves que certains nourrissent encore. Le caractère expérimental du transfert doit néanmoins les rassurer.
Il se fera avec des départements volontaires et permettra, par la pratique, de confirmer ou d’infirmer sa pertinence et son efficacité. Il donnera aux départements le temps nécessaire pour affiner peu à peu leur position sur le sujet. Surtout, il préparera, madame la ministre, une réponse globale à l’effondrement de la santé scolaire, qui n’est pas dû à une baisse de moyens, mais au simple fait que les postes ouverts au concours depuis des années ne sont plus pourvus, entraînant la disparition progressive d’un système autrefois performant.
Ce transfert expérimental permettra d’organiser peu à peu une prise en charge globale des enfants en matière de prévention et de dépistage, dans le temps de l’école et dans le temps extérieur, et de repenser ainsi en profondeur l’accompagnement médical des enfants scolarisés.
Il permettra de constituer de véritables services de santé de l’enfant et de réunir les moyens et les missions de la PMI avec ceux de la santé scolaire. Or qui mieux que les collectivités chargées de la protection maternelle et infantile, qui mieux que les conseils départementaux, peuvent être les acteurs de ces synergies ?
Finalement, ce transfert expérimental pourrait être une formidable chance pour garantir à chaque élève un accès à un suivi médical à la hauteur de ses besoins sur tous les territoires.
Aussi, madame la ministre, faites un effort. Comprenez que les départements seraient les mieux à même d’apporter la réponse à l’effondrement de la médecine scolaire que vous avez dénoncé.
Mme Françoise Gatel. C’est vrai !
M. Max Brisson. Cela ne peut plus durer. On ne peut pas repousser éternellement la réponse adéquate qui vous est proposée par le Sénat.
Pour toutes ces bonnes raisons, comme le groupe RDPI (Sourires.), le groupe Les Républicains votera avec enthousiasme cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Laurent Burgoa. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre discussion porte sur un transfert de la compétence « médecine scolaire » aux départements.
De prime abord, l’idée peut paraître intéressante, puisqu’elle tend vers une meilleure décentralisation. Cependant, donner cette compétence aux départements, c’est leur offrir la possibilité de mener leur propre politique, en orientant le budget selon leurs priorités, mais aussi selon leur propre vision de la médecine scolaire, alors que les inégalités territoriales sont grandissantes et que les écuries politiques orientent leur politique, parfois, pour satisfaire leur dogmatisme.
Je tiens à rappeler que, en 2021, on comptait en France 900 médecins scolaires pour 12 millions d’élèves, répartis de façon inégale sur le territoire. Cela revient à un médecin pour 13 000 élèves, bien loin du ratio d’un pour 5 000 qui est préconisé.
Par ailleurs, on dénombre 7 700 infirmières scolaires pour 12 millions d’élèves et étudiants. Ce chiffre est loin d’être suffisant pour assurer les 18 millions de consultations effectuées chaque année dans les établissements scolaires, selon les chiffres des syndicats.
Aussi, pour nous, la discussion devrait plutôt porter sur l’attractivité du métier du soin en milieu scolaire. Nous ferions mieux d’aborder les questions de formation et de rémunération, plutôt que d’envisager un transfert de compétence.
La priorité doit être la prévention, mère de toutes les batailles en matière de santé publique. L’État doit être, particulièrement dans le domaine scolaire et dans le domaine de la santé, la seule autorité compétente pour donner une ligne directrice uniforme sur le territoire national, avec comme relais les collectivités territoriales, qui restent des acteurs majeurs dans la mise en application des politiques publiques.
Un transfert pur et simple de la compétence « médecine scolaire » nous semble inopportun.
Au vu du nombre d’infirmiers et de médecins scolaires en exercice, nous comprenons tous qu’il est impossible, malheureusement et malgré le volontarisme et le dévouement des professionnels, de mettre en place de réelles campagnes de prévention dans nos établissements. C’est de cela que nous devrions discuter aujourd’hui.
En l’état actuel, ce texte nous paraît donner à l’État un prétexte pour se désengager une fois encore, comme il l’a fait sur de nombreux autres sujets. Quand nous interrogerons le Gouvernement sur les déboires de la médecine scolaire, il nous répondra : « Demandez aux départements », et ce que la représentation nationale perdra en moyens de contrôle de l’action du Gouvernement, nos compatriotes ne le gagneront pas en service de médecine scolaire apporté à leurs enfants.
La question budgétaire doit aussi être soulevée. Avec ce texte, l’État transférerait les financements aux départements. Or, avec l’expérience, nous savons que les compensations budgétaires reculent et que les collectivités, a fortiori les départements, se retrouvent in fine à devoir appliquer des politiques avec des moyens réduits.
Nous craignons que ce texte n’amène l’État à se désengager de l’enjeu prioritaire qu’est la médecine scolaire. Rappelons que ce transfert de compétence nuirait gravement à l’objectif fixé par la loi à l’école, celui de la réussite scolaire.
La politique éducative, sociale et de santé en faveur des élèves doit rester une mission de l’État, colonne vertébrale de la République au service de la réussite scolaire.