M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er
Par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l’article 187 de la loi n° 99-209 organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, les prochaines élections des membres du congrès et des assemblées de province ont lieu au plus tard le 15 décembre 2024. La liste électorale spéciale et le tableau annexe mentionnés à l’article 189 de la même loi sont mis à jour au plus tard dix jours avant la date du scrutin.
Les mandats en cours des membres du congrès et des assemblées de province prennent fin le jour de la première réunion des assemblées nouvellement élues.
M. le président. L’amendement n° 2, présenté par Mme Narassiguin, M. Kanner, Mme Artigalas, M. Temal, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1, première phrase
Remplacer la date :
15 décembre 2024
par la date :
30 novembre 2025
La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
Mme Corinne Narassiguin. J’ai déjà eu l’occasion de défendre cet amendement en commission et lors de mon intervention liminaire.
Il faut mettre en perspective le présent projet de loi organique et le projet de loi constitutionnelle relatif à l’évolution du corps électoral spécial pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain est encouragé à persévérer dans sa démarche, car il a entendu les doutes que le rapporteur lui-même a exprimés sur la méthode retenue par le Gouvernement.
En ce qui concerne la possibilité de tenir, sur le plan technique, le calendrier qui découlerait de l’adoption des deux projets de loi, le rapporteur a ainsi estimé, avec l’honnêteté qui le caractérise, que réussir à organiser les élections provinciales avant le 15 décembre constituerait une prouesse, compte tenu des différentes étapes qui doivent être franchies avant cela.
En outre, le projet de loi constitutionnelle comporte des dispositions unilatérales, alors même qu’une négociation est en cours parallèlement entre les partenaires locaux et que le Gouvernement dit lui-même qu’il privilégie cette voie.
La situation est très complexe sur le plan juridique, et plus encore sur le plan politique. Le rapporteur, qui s’est rendu en Nouvelle-Calédonie avec le président de la commission, François-Noël Buffet, et Jean-Pierre Sueur dans le cadre d’une mission de la commission des lois, a estimé que la conclusion d’un accord global constituait une condition déterminante pour l’approbation finale d’un accord par le Parlement via une révision constitutionnelle et l’adoption d’un projet de loi organique portant un statut renouvelé de la Nouvelle-Calédonie.
Compte tenu de ces considérations, notre groupe reprend à son compte l’interrogation que le rapporteur a exprimée au ministre de l’intérieur à l’occasion de son audition devant la commission des lois.
Dans la mesure où les discussions entre les formations indépendantistes et non indépendantistes ont débuté bien avant la présentation du projet de loi constitutionnelle, ne serait-il pas plus avisé de leur laisser davantage de temps, afin qu’elles ne puissent pas nous soupçonner d’exercer une pression sur elles en adoptant un texte comportant une solution à la fois unilatérale et partielle ?
Si nous estimons que le report des élections est nécessaire, nous vous proposons de retenir la date limite du 30 novembre 2025, qui figure également à l’article 2 du projet de loi constitutionnelle. Cela serait conforme à l’avis du Conseil d’État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Retarder des élections, c’est forcément différer le fonctionnement normal de la vie démocratique. Je comprends que le Gouvernement ait voulu que le report dure le moins longtemps possible.
J’ai en effet fait part au ministre de mes interrogations sur la capacité de l’administration à organiser le scrutin au plus tard le 15 décembre prochain. Il nous a donné des réponses claires.
Nous avons donné l’alerte, vous la renouvelez, ma chère collègue, mais nous ne pouvons pas non plus reprocher au Gouvernement de ne pas vouloir prolonger, plus qu’il ne le juge nécessaire, la durée des mandats en cours.
À vrai dire, si un accord intervient, il faudra alors réaliser un certain nombre d’opérations pour organiser le scrutin, ce qui aura aussi pour effet, nécessairement, de le retarder. Mais dans ce cas, les parlementaires seront au rendez-vous, et le Conseil d’État a rappelé que l’on pouvait prolonger les mandats actuels d’encore quelques mois supplémentaires. Il nous suffira alors d’adopter une nouvelle loi organique, sur l’initiative du Gouvernement.
J’ajoute que je ne crois pas que nous puissions accepter que le Gouvernement reporte des élections sur le fondement d’un simple décret en Conseil d’État. Le Parlement est justement là pour apprécier la réalité d’une situation conduisant à un nouveau report des élections ; de même que nous statuons aujourd’hui par un texte de nature organique, nous ne manquerions pas de le faire de nouveau, si cela s’avérait utile, au cas où un motif légitime, tel que la conclusion d’un accord, rendait cette démarche nécessaire.
Retenons cette date du 15 décembre au plus tard : nous pourrons toujours la modifier par une nouvelle intervention législative en cas de nécessité.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Si je devais utiliser un anglicisme que je déteste, je dirais qu’il faut aller step by step…
Le Gouvernement travaille sans relâche depuis plus de deux ans pour tenter de faire émerger un accord global qui poserait les bases d’un nouveau statut.
La question du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province constitue l’un des points de crispation les plus forts en Nouvelle-Calédonie. L’obtention d’un consensus dans le cadre d’un accord global sur ce point aurait été évidemment la meilleure des options.
De fait, il a fallu attendre que le Gouvernement dépose ces deux projets de loi pour que les négociations progressent. (Mme Corinne Narassiguin le conteste.) L’intérêt général, selon le Gouvernement, comme selon le Conseil d’État, c’est surtout d’éviter autant que possible de « s’asseoir » sur des principes constitutionnels – permettez-moi cette familiarité.
Le Gouvernement a clairement indiqué qu’interdire à des citoyens qui sont présents sur le territoire depuis vingt-cinq ans, ou qui y sont nés, de participer à la vie démocratique locale n’était plus conforme aux exigences d’un État démocratique ni aux engagements internationaux de la France.
Il a été tout aussi clair sur le fait que, faute d’un accord global entre les partenaires avant le 31 décembre 2023, il proposerait au Parlement un dégel du corps électoral sur la base médiane d’un temps de résidence de dix ans.
Il n’est évidemment pas possible d’éluder la question et de différer ces élections indéfiniment dans l’attente d’un consensus.
Quant à la question de leur organisation avant la fin de l’année, je le dis clairement : nous serons prêts. Les projets de décrets ont d’ores et déjà été finalisés par les services du ministère de l’intérieur et des outre-mer.
J’entends, mesdames, messieurs les sénateurs, la préoccupation qui est la vôtre, qui est aussi celle du Gouvernement, de ne rien vouloir brusquer. Je tiens à vous rassurer. Le projet de loi constitutionnelle prévoit, par un mécanisme à double détente, que le Gouvernement puisse décider d’un nouveau report des élections dans l’hypothèse où un accord serait conclu entre l’entrée en vigueur de la loi constitutionnelle et la nouvelle date du scrutin. Votre préoccupation me semble donc ainsi prise en compte.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. Je vois une contradiction entre les propos de l’exécutif et ceux du rapporteur. Pour notre part, nous souhaitons un report clair et précis des élections, le plus lointain possible, pour que les débats puissent avoir lieu sur le terrain.
Notre rapporteur nous a expliqué que, si un accord était en vue, nous pourrions toujours, en adoptant une nouvelle loi organique, modifier le délai prévu par le présent texte.
Ce n’est pas la position de l’exécutif, si j’en crois les propos qu’a tenus plus tôt dans nos débats le ministre de l’intérieur : il nous a dit que le Gouvernement était prêt, si la conclusion d’un accord était envisageable à court ou à moyen terme, à reporter, par voie réglementaire, la date initialement prévue. Ce n’est pas tout à fait la même chose…
Je ne souhaite pas que le Parlement soit dessaisi de ses compétences en la matière. M. Darmanin a dit que l’on ne pouvait pas le réunir de manière systématique, mais si ! Il faut le réunir si un nouveau report s’impose. C’est là que notre amendement prend tout son sens, puisqu’il vise à prévoir dès maintenant le temps nécessaire à la négociation.
M. le président. La parole est à M. Georges Naturel, pour explication de vote.
M. Georges Naturel. Ma chère collègue, vous nous proposez par cet amendement de repousser la date des élections provinciales en Nouvelle-Calédonie au 30 novembre 2025 au plus tard. Cela me semble en décalage complet avec les attentes des Néo-Calédoniens et avec la situation politique et économique actuelle.
Comme je l’ai rappelé précédemment, les dernières élections en Nouvelle-Calédonie pour le renouvellement des assemblées de provinces et du congrès remontent à cinq ans.
Le territoire traverse une crise économique d’une ampleur sans précédent, qui impose des décisions fortes. Celles-ci doivent être prises le plus rapidement possible, par des assemblées renouvelées par le suffrage des Calédoniens.
Vous évoquez également l’avis du Conseil d’État de décembre 2023. Au regard des exigences constitutionnelles, un report à novembre 2025 est effectivement possible techniquement, mais il n’est souhaitable ni politiquement ni démocratiquement. Le Conseil d’État indique lui-même, dans son avis du 25 janvier 2024, que le report des élections au 15 décembre 2024 donne un délai suffisant pour permettre la bonne tenue du scrutin.
Le report des élections ne doit se comprendre qu’au regard de la révision constitutionnelle qui permettra de rétablir l’égalité devant le suffrage : les modalités de ce dernier ne satisfont plus aux exigences constitutionnelles et conventionnelles qui nous engagent. Maintenir le statu quo jusqu’en novembre 2025 serait irresponsable de la part de notre assemblée.
C’est pourquoi je m’oppose fermement à votre amendement et que j’invite mes collègues de la majorité sénatoriale à faire de même. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Françoise Dumont. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2 (nouveau)
La présente loi organique entre en vigueur le lendemain de sa publication au Journal officiel. – (Adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Georges Naturel, pour explication de vote.
M. Georges Naturel. Alors que nous nous apprêtons à voter ce projet de loi organique, qui permet le report des élections provinciales en Nouvelle-Calédonie à une date ne pouvant aller au-delà du 15 décembre 2024, nous avons tous pris la mesure de l’importance que ce texte revêt au regard de la situation politique de cet archipel français du Pacifique.
Ce report est en effet indispensable et nous ne pouvons le comprendre qu’à la lumière de la révision constitutionnelle qui interviendra dans les prochaines semaines et qui permettra de mettre fin au gel du corps électoral pour les élections provinciales.
Si le Parlement adopte ce projet de loi organique, nous disposerons d’un délai supplémentaire de sept mois pour réviser la Constitution et modifier les dispositions qui instaurent une injustice pour des milliers de Calédoniens de cœur ou de naissance qui, aujourd’hui, ne sont pas autorisés à voter aux élections provinciales.
Songez, mes chers collègues, qu’en Nouvelle-Calédonie des milliers de citoyens français, qui y vivent sans interruption depuis vingt-cinq ans, se voient refuser le droit de vote aux élections provinciales, car ils se sont installés là-bas après le mois de novembre 1998, date couperet où le corps électoral spécial a été gelé !
Songez, mes chers collègues, qu’en Nouvelle-Calédonie des milliers de citoyens français, qui y sont nés, qui ont aujourd’hui entre 18 et 25 ans et qui y ont vécu toute leur jeunesse, se voient refuser le droit de vote aux élections provinciales, car leurs parents se sont installés sur le territoire après le mois de novembre 1998 !
Il est impossible que les prochaines élections provinciales aient lieu dans deux mois dans ces conditions. Différons-les ! Tel est l’objectif de ce projet de loi.
Révisons la Constitution, dégelons le corps électoral provincial, intégrons les électeurs qui répondent aux nouveaux critères de définition d’un corps électoral évoluant de manière glissante dans le temps. C’est seulement après que nous pourrons organiser sans délai les élections provinciales.
C’est pourquoi je voterai en faveur de ce projet de loi organique et je vous invite, mes chers collègues, à en faire de même le plus largement possible ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour explication de vote.
M. Pierre Médevielle. Je crois que tout a été dit sur la nécessité de ce projet de loi. Son adoption mettra fin à une aberration démocratique qui n’est plus supportable. La date de décembre me semble tout à fait raisonnable.
Comme cela a été dit par certains de mes collègues, la situation économique et sociale de la Nouvelle-Calédonie ne nous permet pas de perdre plus de temps : il suffit de voir ce qui se passe en ce qui concerne la filière du nickel.
Nous devons rassurer la population, ainsi que les investisseurs. La Nouvelle-Calédonie doit repartir de l’avant au plus vite. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble du projet de loi organique portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 132 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 307 |
Contre | 34 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP. – M. Stéphane Fouassin applaudit également.)
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures vingt-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
5
Rénovation de l’habitat dégradé
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement (projet n° 278, texte de la commission n° 343, rapport n° 342, avis n° 333).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, madame la rapporteure pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est un honneur pour moi de venir devant vous, pour la première fois, présenter et défendre un texte du Gouvernement.
En tant qu’ancien parlementaire et ancien président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, je suis particulièrement sensible à l’engagement et à l’implication des parlementaires, notamment des membres de cette assemblée, sur la question du logement.
Les parlementaires sont le cœur battant de la démocratie et des territoires. Ils sont au centre de la construction de la loi. J’en suis intimement et profondément convaincu.
Je tiens à remercier les membres des deux commissions saisies, qui ont adopté ce texte tout en l’enrichissant nettement. Le travail parlementaire, je veux le souligner, mesdames, messieurs les sénateurs, a été particulièrement fourni : alors que le projet de loi initial comportait dix-sept articles, le texte que nous avons maintenant à examiner est riche de quelque cinquante-cinq articles, qui contribueront puissamment, je l’espère, à améliorer et à renforcer le traitement de l’habitat dégradé dans notre pays.
Je veux tout particulièrement saluer l’engagement et l’implication de Mme la présidente Dominique Estrosi Sassone et de Mme la rapporteure Amel Gacquerre, avec qui nous avons eu des échanges constructifs, malgré des délais contraints : voilà qui présage, j’en forme le vœu, d’échanges aboutis sur d’autres sujets à l’avenir.
Je souhaite également remercier l’ensemble des sénateurs, qui ont manifesté leur intérêt prononcé sur ce texte et, de manière générale, leur volonté de travailler avec le Gouvernement et mes équipes pour répondre à la crise du logement. Je suis convaincu que celle-ci se résoudra de manière pragmatique, opérationnelle et transpartisane : ce texte en est une illustration.
Conformément à la volonté exprimée par le Président de la République de prendre des mesures d’exception pour produire plus rapidement des logements, le Premier ministre a demandé à son gouvernement d’accélérer et de simplifier toutes les procédures en la matière, afin de créer un choc d’offre dans le secteur.
C’est un point sur lequel nous commençons à agir dès ce premier texte, comme en témoigne l’article 14 qui comporte des leviers, auxquels je suis particulièrement attaché, pour accélérer la production de logements dans les territoires où les besoins sont les plus forts.
La première réponse au mal-logement, c’est de produire des logements là où la demande est la plus forte. Tel est l’objet du programme Territoires engagés pour le logement, que nous avons lancé ces dernières semaines : ce programme important permettra, dans les trois prochaines années, d’accélérer la construction de 30 000 logements dans vingt-deux territoires où les enjeux sont particulièrement importants.
Ainsi, la mise en œuvre des opérations d’intérêt national (OIN) sera accélérée grâce à la modification de plusieurs procédures du droit de l’urbanisme et du droit de l’environnement. Nous nous sommes inspirés des dispositions adoptées dans le cadre de la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 : celles-ci ont fait leurs preuves et nous pouvons désormais les étendre, en tirant profit de ce premier retour d’expérience positif.
Je proposerai d’ailleurs, au nom du Gouvernement, deux mesures visant à compléter ces dispositifs destinés à accélérer les procédures : cette évolution est indispensable si nous souhaitons relancer durablement la construction de logements.
Le cœur du projet de loi consiste à permettre, à l’avenir, aux collectivités, aux opérateurs et à l’État de traiter plus rapidement et avec plus d’agilité les situations de dégradation financière et bâtie qui caractérisent notre parc d’habitat et qui ont des effets sur la vie de nos concitoyens.
Il est tout simplement intolérable que des personnes continuent de vivre aujourd’hui, dans notre pays, dans des conditions d’habitat dégradé, indécent ou indigne. Près de 1,5 million de logements sont dégradés : ce sont autant de foyers et de familles qui connaissent des situations de vie inacceptables.
Avec ce texte, nous nous attaquons directement à ce problème, en aidant les copropriétés à emprunter les sommes nécessaires pour faire les travaux de rénovation, en renforçant les outils à la disposition des élus et des opérateurs pour mener de grands projets de réhabilitation et en augmentant les sanctions contre ceux qui mettent à profit la dégradation de l’habitat.
C’est la continuation d’un travail que nous avons entamé dès 2017. Mes prédécesseurs en ont fait une priorité de leur action : Julien Denormandie a ainsi lancé, dès 2018, le plan Initiative Copropriétés (PIC) pour s’attaquer aux cas des grandes copropriétés en difficulté. L’État abonde ce plan de 2 milliards d’euros sur dix ans pour apporter une réponse concrète aux cas des copropriétés les plus dégradées. Emmanuelle Wargon a, elle, mené à bien le travail commencé par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Élan, en réformant et en simplifiant, avec le député Guillaume Vuilletet, la police de l’habitat indigne.
S’attaquer à l’habitat indigne, c’est un travail de terrain, qui doit se faire avec les élus et les collectivités, que vous représentez tout particulièrement, mesdames, messieurs les sénateurs. C’est dans cet esprit qu’Olivier Klein a confié une mission à deux maires issus d’horizons différents, Mathieu Hanotin, maire socialiste de Saint-Denis, et Michèle Lutz, maire Les Républicains de Mulhouse, pour explorer les moyens d’améliorer la prise en charge de ces situations difficiles. Leurs travaux ont permis à mon prédécesseur, Patrice Vergriete, d’élaborer le texte qui vous est soumis, et qui a pour objet de mettre à la disposition des collectivités des outils pour enrayer et traiter la dégradation de l’habitat.
Nos efforts ont porté sur deux axes majeurs, qui se retrouvent dans les deux chapitres de ce projet de loi.
Il faut, d’une part, que nous anticipions mieux les situations de dégradation, qui mettent plusieurs années à s’installer et peuvent donc faire l’objet d’un traitement plus en amont. Pour cela, il est indispensable d’avoir une vision prospective afin de mieux prévenir l’émergence de dynamiques de fragilisation et d’intervenir plus tôt grâce au professionnalisme et à la mobilisation de tous les acteurs concernés.
Dans cette optique, le projet de loi crée notamment, à l’article 3, une nouvelle procédure d’expropriation qui permettra d’intervenir en amont du cycle de dégradation. Cette faculté, à la main des collectivités et de l’État, concernera les immeubles qui sont frappés par un arrêté de police, mais qui ne sont pas encore, pour autant, dans une situation de dégradation irrémédiable. Cette possibilité sera décisive pour que les pouvoirs publics anticipent leur intervention.
Un autre article particulièrement attendu, l’article 2, permettra aux syndicats de copropriétaires d’assurer le financement des travaux au moyen d’un emprunt collectif. Je tiens à le souligner, c’est une innovation majeure, qui a d’ailleurs soulevé un débat avec les banques et les professionnels, débat qui va certainement se poursuivre dans les semaines à venir.
Il s’agit d’un outil de simplification bienvenu pour surmonter les blocages et les difficultés inhérentes aux travaux dans les copropriétés. Il fera gagner plusieurs mois dans l’examen de dossiers individuels, au profit d’une approche collective et globale.
Au fond, ce prêt peut être, je le crois, l’innovation financière qui manque pour massifier la transition écologique dans chaque microdémocratie qu’est une copropriété. Bien sûr, cela ne peut pas se faire de manière floue, en endettant des copropriétés déjà fragiles : c’est pour cette raison que je vous présenterai un amendement visant à réintroduire la création d’un fonds de garantie pour ces prêts, en précisant ses modalités. J’imagine que c’est ce qu’a souhaité la commission en votant la suppression du dispositif initial.
Il importe, d’autre part, de poursuivre la lutte que nous avons engagée dès 2017 contre les marchands de sommeil et de renforcer les sanctions à leur encontre. Les marchands de sommeil sont des délinquants qui tirent une rente de la vulnérabilité des personnes. Sur l’initiative du député Lionel Royer-Perreaut, corapporteur du texte et élu d’un territoire très marqué par ce phénomène, l’Assemblée nationale a ajouté des dispositions importantes en la matière. Je veux remercier ici les sénateurs d’avoir largement repris et enrichi ces mesures, qui sont cruciales pour notre dignité collective.
De manière générale, je tiens à saluer l’esprit de consensus qui a guidé les travaux sur ce texte dans les deux assemblées. Cela montre à quel point la conscience de ces difficultés traverse les partis et dépasse les positionnements politiques.
Par ailleurs, il faut que nous traitions plus rapidement les dégradations les plus marquées avant qu’elles n’aboutissent à des situations d’indignité insupportables et irrémédiables. Nous devons éviter au maximum d’arriver à la situation dans laquelle démolir pour reconstruire est plus intéressant financièrement que rénover et réparer. Pour cela, nous souhaitons accélérer l’ensemble des procédures de recyclage et de transformation des copropriétés, qui prennent aujourd’hui trop de temps.
En effet, aujourd’hui, tous les acteurs en conviennent, les délais des opérations de réhabilitation sont beaucoup trop importants. Il faut parfois jusqu’à quinze ou vingt ans pour mener à bien un projet, ce qui provoque l’incompréhension des habitants et des élus, leur lassitude, et même la souffrance des propriétaires et des occupants qui se retrouvent dans des situations provisoires à durée indéterminée.
Plusieurs mesures de ce texte permettront d’accélérer de façon décisive les opérations de transformation. C’était la volonté du Président de la République, qui l’avait dit très clairement lors de son déplacement à Marseille à la fin du mois de juin dernier.
Le déroulement des opérations de traitement de la dégradation sera fluidifié par une meilleure capacité à répondre aux besoins de relogement inévitables qui en découlent. Ainsi, le maire pourra autoriser l’implantation, sans permis de construire, de logements temporaires pour reloger les personnes délogées par les chantiers. Tel est l’objet de l’article 7 bis.
Le maire pourra aussi faire réaliser, aux frais du propriétaire, la remise en état de biens lorsque des travaux ont été menés de façon irrégulière – c’est l’article 3 bis. Les articles 11 et 12 permettront quant à eux d’accélérer et de sécuriser les expropriations menées dans le cadre de la législation dite Vivien, qui est engagée lorsque des bâtiments sont atteints d’une dégradation irrémédiable.
Toutes ces mesures sont autant d’avancées opérationnelles souhaitées, parfois de très longue date, par les professionnels et les élus des territoires concernés. C’est la raison pour laquelle je souhaite vivement, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous puissions travailler ensemble pour enrichir ce projet de loi et en faire un levier d’accélération, de simplification et de rénovation encore plus performant.
Avec ce texte, donnons-nous les moyens de répondre à la crise du logement de manière pragmatique, opérationnelle et transpartisane, en nous attaquant aux problématiques des copropriétés dégradées, de la sécurité et de la qualité des logements.
Enfin, je forme le vœu que ce texte ne soit que la première étape d’une longue série de travaux partagés pour répondre ensemble aux défis du logement. (M. Bernard Buis applaudit.)