M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Amel Gacquerre, rapporteure de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement, que nous examinons à partir d’aujourd’hui, est un texte certes technique, mais qui ne doit pas faire oublier la réalité des copropriétés fragilisées ou dégradées de nos territoires. Une réalité qui conduit les maires à nous demander de leur redonner le pouvoir d’agir.
Vous le savez, la commission a lancé une consultation auprès des maires sur la plateforme dédiée du site internet du Sénat. Il en ressort que 58 % d’entre eux ont une ou plusieurs copropriétés dégradées dans leur commune et qu’il s’agit d’une question importante ou très importante pour les deux tiers de ceux-ci. Force est de constater que l’habitat dégradé n’est pas seulement l’affaire des villes au taux de pauvreté élevé ou des quartiers prioritaires : c’est un phénomène massif !
Le sujet des copropriétés en difficulté dépasse dorénavant les quelques opérations de requalification des copropriétés dégradées (Orcod) ou les OIN pour devenir le problème récurrent de petits immeubles dans nombre de centres-villes ou centres-bourgs anciens.
Or les maires sont trop souvent démunis face à la complexité des procédures à mettre en œuvre. Surtout, la longueur de ces procédures laisse prospérer les marchands de sommeil et se développer l’habitat indigne, jusqu’à aboutir parfois à de tragiques effondrements d’immeubles, comme ceux de la rue d’Aubagne, à Marseille.
Pour ma part, j’ai une idée simple : il faut simplifier pour accélérer. Il faut pouvoir aboutir en un mandat municipal et non en deux, trois voire quatre mandats ! Tel doit être pour moi l’objectif de ce projet de loi.
Ce texte est une boîte à outils que la commission a voulu enrichir et compléter pour répondre aux besoins des acteurs de terrain.
Nous avons entrepris d’améliorer le texte suivant trois axes : donner plus de moyens d’agir aux maires ; faciliter la rénovation des copropriétés ; renforcer la lutte contre les marchands de sommeil.
Sur le premier volet, nous avons souhaité faciliter le travail de tous les maires, y compris dans les petites communes.
Tout d’abord, nous avons intégré dans les missions de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) le conseil et le soutien aux collectivités territoriales en faveur de la rénovation de l’habitat dégradé, tout particulièrement lorsque celles-ci n’ont pas de services dédiés suffisants.
Nous avons aussi souhaité donner davantage d’outils aux maires pour prévenir la dégradation de l’habitat. Prolongeant une mesure introduite à l’Assemblée nationale, nous leur avons ainsi donné le pouvoir de faire réaliser d’office un diagnostic structurel des immeubles dans les zones d’habitat dégradé aux frais des propriétaires.
La commission des affaires économiques a aussi eu à cœur de faciliter les procédures. Notre idée-force est de permettre la mobilisation des dispositifs disponibles plus en amont, avant que la démolition ne devienne inéluctable.
Les conditions de déclenchement des opérations de restauration immobilière (ORI) ont été retravaillées en ce sens, et le texte crée une nouvelle procédure d’expropriation pour les immeubles dégradés à titre remédiable. Cette mesure était très attendue par les maires, pour qui la procédure d’expropriation Vivien, prévue pour les immeubles indignes à titre irrémédiable, est souvent trop difficile à mettre en œuvre.
Le texte étend aussi la possibilité pour les collectivités de recourir à des concessions d’aménagement dans le cadre d’opérations de résorption de l’habitat indigne, y compris ponctuelles, ce qui est très précieux pour les communes manquant d’ingénierie.
Toutes ces évolutions ont reçu un soutien unanime, tant des élus locaux que des aménageurs et autres parties prenantes.
La commission des affaires économiques s’est efforcée d’élargir ou de préciser le champ d’utilisation de ces dispositifs afin de faciliter leur mise en œuvre pour les petites copropriétés dégradées de nos centres-bourgs ou de nos centres-villes anciens, pour lesquelles il existe peu ou pas d’outils d’aménagement spécifiques. Nous avons ainsi élargi le champ de la concession d’aménagement aux immeubles frappés d’arrêtés de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité et aux îlots contenant de tels immeubles. Nous avons également précisé, de manière explicite, que les Orcod pouvaient comprendre des monopropriétés, ce qui devrait faciliter leur utilisation par les collectivités dans les zones d’habitat dégradé diffus.
La commission des affaires économiques a aussi adopté plusieurs amendements visant à sécuriser les procédures d’expropriation, notamment des immeubles dégradés à titre remédiable, en précisant les modalités de réduction de l’indemnisation pour tenir compte de l’état de dégradation du bien. Nous souhaitons également assurer une meilleure protection des occupants.
Elle a aussi prolongé une disposition introduite par l’Assemblée nationale permettant le relogement d’occupants évincés dans le cadre d’actions de résorption de l’habitat dégradé dans des constructions temporaires. Nous sommes allés avec pragmatisme au bout de cette logique en supprimant l’échéance des cinq ans.
Dans le même temps, nous avons sécurisé le dispositif, à la fois pour les occupants délogés et pour les maires des communes concernées.
Je rappelle que plus de 90 % des maires ayant répondu à la consultation en ligne lancée par le Sénat ont soulevé les difficultés posées par le relogement des occupants. C’est un vrai problème, un vrai frein pour le lancement de projets de rénovation de l’habitat dégradé. Si nous voulons accélérer la lutte contre l’habitat indigne, ne nous privons pas de solutions pragmatiques et efficaces.
Toujours dans le souci de donner aux maires les moyens d’agir, la commission a introduit dans ce texte la possibilité de mettre gratuitement à leur disposition les immeubles confisqués aux marchands de sommeil pour réaliser des logements.
Enfin, la commission a décidé d’attribuer aux communes ou aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents le bénéfice des amendes en matière de permis de louer.
Nous avons par ailleurs introduit des mesures pour faciliter le redressement des copropriétés.
Nous soutenons pleinement la création d’un nouveau prêt global et collectif aux copropriétés, mais nous sommes convaincus que, pour qu’il soit un succès, il faut que les banques et les organismes de caution puissent s’y engager sans réserve. Pour cela, il faut que la copropriété ne soit pas une boîte noire et que les prêteurs et les cautions puissent respecter leur obligation de « prêt responsable ». Ils doivent pouvoir s’assurer que ce nouveau prêt ne contribuera pas au surendettement des copropriétaires fragiles.
Nous sommes tout autant convaincus qu’une contre-garantie publique est nécessaire, mais nous ne pouvons pas signer un chèque en blanc au Gouvernement sur un nouveau dispositif sans financement. Monsieur le ministre, nous espérons vos éclaircissements à ce sujet.
En outre, beaucoup d’espoirs sont mis dans la création de syndics d’intérêt collectif. C’est une demande forte des maires, confrontés parfois à des syndics ou à des administrateurs provisoires qui ne disposent pas de l’expérience nécessaire pour faire face aux difficultés rencontrées. Nous avons voulu que cette loi permette de constituer dans un premier temps un vivier de syndics volontaires et compétents pouvant prévenir le redressement ou l’accompagner. Il nous faudra faire le bilan de ce dispositif dans quelque temps avant d’aller plus loin.
Pour autant, il nous est apparu contraire à la volonté d’efficacité et de simplification qui anime ce texte qu’une forme de « syndic bashing » conduise à une réglementation exagérément alourdie, soupçonneuse, des rapports avec les copropriétaires.
Enfin, la commission des affaires économiques a également souhaité renforcer le volet portant sur la lutte contre les marchands de sommeil, initialement introduit par l’Assemblée nationale. Nous avons ainsi approuvé l’augmentation des peines souhaitées par les députés et je dois dire, monsieur le ministre, que c’est une surprise pour nous d’être en désaccord sur ce point avec l’ancien président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale que vous êtes… (M. le ministre délégué sourit.)
Nous avons néanmoins réécrit et précisé juridiquement plusieurs mesures importantes, notamment le passage de dix à quinze ans de l’interdiction d’acquérir un bien immobilier encourue par les marchands de sommeil ou encore la possibilité de réprimer le refus d’un bail écrit ou de la remise d’une quittance en cas de paiement en espèces. Il est en effet bien souvent difficile de faire condamner les marchands de sommeil, et les maires nous ont dit que cette nouvelle disposition allait les aider très concrètement pour y parvenir.
Pour lutter contre les marchands de sommeil, nous avons aussi facilité la mise en œuvre des permis de louer et de diviser, outils plébiscités par les maires, et nous avons introduit à titre expérimental la possibilité de déroger en mieux aux règles de droit commun en matière de surfaces et volumes minimaux de certains logements dans les zones d’habitat dégradé, et ce afin de lutter contre les subdivisions sauvages d’appartements ou de pavillons.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a donc décidé de soutenir ce texte, en le renforçant, pour donner plus de moyens aux maires, faciliter l’entretien des copropriétés et mieux lutter contre les marchands de sommeil.
Dans ce travail, j’ai pu compter sur la coopération de ma collègue Françoise Dumont, rapporteure pour avis de la commission des lois. Nous avons réalisé en commun la plupart des auditions et déposé nombre d’amendements identiques. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP ainsi que des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois, au nom de laquelle j’ai l’honneur d’intervenir, s’est saisie pour avis de dix-neuf des articles qui composent le projet de loi qui nous réunit aujourd’hui. Ces articles ont plus particulièrement trait au droit de l’expropriation pour cause d’utilité publique, au droit de la copropriété et au droit pénal.
Soixante ans presque jour pour jour après l’appel de l’abbé Pierre, l’urgence à agir en faveur d’un habitat digne pour tous reste, malheureusement, pleinement d’actualité. Cette action ne peut ni ne doit laisser de côté les copropriétés : il s’agit d’un enjeu de taille, puisque 40 % des Français y vivent. Or, comme l’ont illustré de trop nombreux exemples assez médiatisés ces dernières années, de nombreuses copropriétés sont dans un état de dégradation avancé, parfois en raison de l’inertie volontaire des marchands de sommeil, ou tout simplement en raison des difficultés financières des copropriétaires ou de blocages en assemblée générale.
D’après les chiffres qui nous ont été transmis, 114 000 copropriétés seraient ainsi considérées comme particulièrement fragiles.
Dans ce contexte, la commission des lois soutient pleinement l’ambition que porte le projet de loi de moderniser les outils aux mains de l’État, des collectivités territoriales et des opérateurs pour leur permettre d’intervenir le plus en amont possible et ainsi prévenir la dégradation des copropriétés.
Parmi les nouveaux outils proposés, je retiendrai notamment la création d’une procédure spéciale d’expropriation pour cause d’utilité publique des bâtiments dont l’état de dégradation ou d’insalubrité est remédiable, sur le modèle de la procédure Vivien, qui permet déjà une expropriation sans enquête publique pour les bâtiments dont l’état de dégradation ou d’insalubrité est irrémédiable.
Cette mesure, qui a fait l’unanimité chez toutes les personnes que j’ai auditionnées, permettra ainsi d’intervenir plus facilement tant qu’il est possible de rénover le bâtiment.
Je pense également à l’extension des possibilités de scission ou de subdivision judiciaire du syndicat d’une copropriété ou encore à l’élargissement de la prise de possession anticipée à toutes les Orcod et à toutes les OIN, qui compléteront l’arsenal des moyens juridiques que pourront mobiliser les pouvoirs publics pour l’exercice de la police de la sécurité et de la salubrité.
Nonobstant cet accord sur les objectifs généraux du texte, la commission des lois a tout de même veillé à la proportionnalité des mesures proposées, notamment au regard du respect du droit de propriété, garanti par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Nous avons considéré, dans l’ensemble, que le texte atteignait un équilibre satisfaisant entre la facilitation des opérations de rénovation, qui constitue un motif sérieux d’intérêt général, et l’accompagnement des copropriétaires en difficulté, y compris ceux qui seraient récalcitrants.
Suivant cette démarche constructive, la commission des lois a émis un avis favorable sur quinze des dix-neuf articles dont elle était saisie et a adopté vingt-deux amendements, dont dix-neuf ont été repris par la commission des affaires économiques et ainsi intégrés au texte qui nous est soumis aujourd’hui.
Je tiens à souligner la fluidité et la qualité du travail effectué avec Amel Gacquerre, rapporteure de la commission des affaires économiques. Notre collaboration fut étroite et fructueuse afin de capitaliser sur les compétences de nos deux commissions. Il va donc sans dire que je partage aussi bien les constats que les propos et les préconisations mis en avant à l’instant par notre collègue.
Notre seul point de divergence a porté sur le renforcement des sanctions pénales à l’encontre des marchands de sommeil, aux articles 8 ter et 8 quater A. La commission des lois s’est en effet prononcée pour la suppression de ces deux articles.
Il n’y a, bien évidemment, aucun désaccord sur l’objectif de ces articles, bien au contraire ! La commission des lois s’est d’ailleurs prononcée en faveur des articles qui instaurent des peines complémentaires.
Cependant, nous avons relevé que le législateur avait modifié le quantum des peines applicables à l’encontre des marchands de sommeil voilà à peine un mois, dans le cadre de la loi Immigration du 24 janvier dernier. Il nous a paru nécessaire d’apprécier les effets de ces mesures avant d’en prendre de nouvelles.
Par ailleurs, nous avons estimé qu’augmenter le quantum des peines dans ces proportions posait un problème de cohérence dans l’échelle des peines. Concrètement, cela signifierait que la mise à disposition d’un hébergement indigne serait plus grave que le fait d’être de mauvaise foi dans le respect des obligations de mise en conformité des logements, alors même que l’occupant est une personne vulnérable.
Malgré cette divergence d’appréciation, au demeurant minime, la commission des lois soutient pleinement ce texte, qu’elle juge utile autant que nécessaire, et vous invite à l’adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme la rapporteure et Mme Sonia de La Provôté applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le président, monsieur le ministre, en examinant ce projet de loi, la commission des affaires économiques a voulu en faire l’outil le plus utile possible pour les maires et pour nos concitoyens, mais ce texte n’est pas celui que les Français attendent pour apporter des remèdes à la crise du logement, qui prend chaque jour des proportions plus inquiétantes.
Notre commission s’est saisie de ce texte très en amont et s’est inspirée de ses travaux antérieurs, effectués notamment à la suite de l’effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne. Nous avons notamment travaillé avec Mathieu Hanotin et Michèle Lutz, maires de Saint-Denis et de Mulhouse. La commission s’est déplacée à Saint-Denis pour mieux comprendre les problèmes concrets. Pour ne donner qu’un seul exemple, nous avons été frappés par le fait que, plus de huit ans après les faits, l’immeuble où un marchand de sommeil hébergeait les terroristes du Bataclan, et qui avait été pris d’assaut par les forces de l’ordre, ne soit toujours pas réhabilité.
Nous avons, enfin, consulté les maires via la plateforme du Sénat pour mieux comprendre leurs attentes.
L’ensemble de ces travaux ont conduit la commission à améliorer le texte et à y introduire de nouveaux moyens d’action pour les collectivités, quelle que soit leur taille.
Nos deux rapporteures, Amel Gacquerre pour la commission des affaires économiques et Françoise Dumont pour la commission des lois, ont fait un travail de qualité. Je les en remercie. Pour autant, les améliorations qu’elles ont proposées, ainsi que celles qui ressortiront de nos débats, ne transformeront pas cette « boîte à outils » en un grand texte contre la crise du logement. On peut même parler de rendez-vous manqué.
Ce n’est que trois mois après avoir déposé ce texte, en décembre dernier, que le Gouvernement semble commencer à prendre la mesure de la crise du logement. Au manque de moyens des élus face à la spéculation foncière s’ajoute le risque de sortie du marché d’un très grand nombre de logements locatifs, faute d’avoir pris à temps les mesures à la hauteur de l’enjeu pour accompagner les bailleurs dans la rénovation de leur bien. Cette impréparation est d’autant plus frappante que, alors même que Christophe Béchu présentait dans la presse de futurs amendements, pourtant en dehors du périmètre du texte examiné, Bruno Le Maire annonçait 1 milliard de coupes budgétaires dans les aides de MaPrimeRénov’.
Face à ces déclarations pour le moins incohérentes, les maires n’ont de cesse de demander une solution pour traiter les biens sans maître ou en état d’abandon : 90 % des maires interrogés l’ont évoqué lors de notre consultation.
L’habitat dégradé est bien le sujet du projet de loi, mais, alors que nous sommes bloqués par l’article 40 de la Constitution, le Gouvernement ne propose aucune évolution sur ce point.
Cette loi « boîte à outils » touchant principalement quelques grandes opérations n’est pas non plus la grande loi de simplification des codes de l’urbanisme ou de la construction et de l’habitation que de nombreux professionnels attendent et que le nouveau Premier ministre a promise. Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), dit souvent qu’il faudrait imposer de supprimer deux normes quand on en crée une.
Les très complexes exceptions que nous voterons pour les Orcod, les opérations programmées d’amélioration de l’habitat (Opah) ou les OIN ne sont-elles pas le signe évident qu’il nous faut chercher à simplifier non pas des dispositifs spécifiques, mais la règle générale ?
Monsieur le ministre, fort de l’expérience acquise avec les jeux Olympiques, Notre-Dame de Paris ou les émeutes urbaines, vous voulez créer des « territoires d’accélération » pour le logement, où tout serait plus simple. Je ne peux qu’approuver, tout en vous encourageant à faire de tout le territoire national un territoire d’accélération et de simplification pour relancer la construction et donner un logement à l’ensemble des Français.
Le texte que nous voterons cette semaine sera utile, mais nous avons besoin, vous le savez, d’un grand texte sur le logement. Nos concitoyens, nos élus en ont besoin. Mieux, nous avons besoin d’une vision d’ensemble, de cohérence et de long terme, c’est-à-dire d’une politique du logement qui ne se résume pas à des coupes budgétaires décidées à Bercy.
Puissiez-vous avoir dans vos nouvelles responsabilités, monsieur le ministre, les mains peut-être un peu plus libres que vos prédécesseurs et remporter les arbitrages. Vous devez faire en sorte qu’enfin le Gouvernement replace le logement au cœur des politiques publiques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Guislain Cambier ainsi que Mmes Sonia de La Provôté et Antoinette Guhl applaudissent également.)
Mme Audrey Linkenheld. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Brault. (M. Daniel Chasseing applaudit.)
M. Jean-Luc Brault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames les rapporteures, le logement est devenu en France un sujet central de préoccupations. Les tensions se sont exacerbées ces dernières années. Sans être exhaustif, je pointerai la crise de la covid-19, la crise énergétique, l’offre insuffisante, surtout dans les grandes villes, mais aussi dans nos campagnes.
Cela a rendu plus compliqué pour les Français l’accession à un logement, surtout à un logement décent. Il manque aussi de logements pour nos jeunes, notamment ces jeunes apprentis qui vivent dans nos campagnes.
Combien ont « arrangé » leur dossier afin de pouvoir accéder à un logement ?
Combien de personnes à la recherche d’un toit pour leur famille sont prêtes à accepter des conditions de vie indignes ? Combien en profitent ?
Combien de nos concitoyens n’arrivent pas, par manque de volonté et de moyens, ou simplement à cause de procédures trop complexes, à préserver leurs habitats, qui finissent par se dégrader de manière irréversible ?
Chef d’entreprise dans les bâtiments et travaux publics (BTP), combien de fois ai-je été placé dans l’impossibilité de remettre en état des logements, faute d’investissements suffisants ?
Nous laissons une frange de la population aujourd’hui au bord du chemin.
Nous faisons face à des défis immenses : nous devons préserver nos terres, lutter contre le changement climatique, endiguer la crise économique et financière. Nous devons adapter nos villes et villages aux mouvements des Français entre nos territoires, aux aléas climatiques intenses qui fragilisent les habitats et les dégradent. Il n’est qu’à voir le nombre de logements traversés de fissures qui ne bénéficient d’aucune assurance.
Nous devons travailler à ce que l’offre et la demande de logements se rencontrent. Il faut aménager et réaménager notre territoire en conséquence. Cela prendra du temps et aura un coût certain.
Je me félicite donc que nous puissions débattre de ce projet de loi, tout en étant conscient qu’il n’est qu’une facette de la solution aux nombreux problèmes qui se posent à nous. Mais quelle facette ! Le nombre d’articles du texte a ainsi triplé depuis sa présentation par le Gouvernement, que je sais volontaire sur ce sujet.
Le nombre d’amendements déposés à l’Assemblée nationale et au Sénat est la preuve d’une importante mobilisation des élus. Maire pendant vingt-huit ans, je sais toute la complexité de la lutte contre les habitats dégradés et insalubres.
Le fait que le rapport de la commission des affaires économiques ait été adopté à l’unanimité – j’en profite pour saluer la qualité du travail de notre rapporteure – prouve la nécessité de traiter ce sujet maintenant et de le faire en bonne intelligence avec tous les acteurs.
Ma longue expérience de maire me permet d’appréhender sous un certain angle le sujet de l’habitat dégradé et des opérations d’aménagement.
Je comprends aussi les besoins des collectivités territoriales, qui fondent beaucoup d’espoirs dans ce texte. Ces problématiques concernent l’ensemble des territoires. Ces collectivités ne pourront continuer à se développer que si nous les aidons à nettoyer – j’insiste sur ce terme, même s’il n’est pas employé dans le secteur du BTP – les logements insalubres ; ce nettoyage est indispensable !
Offrir des outils plus simples, rapides et efficients sera – la commission des affaires économiques le souligne – un atout pour les grandes villes comme pour les plus petites d’entre elles. Mais ce sera tout aussi essentiel pour divers autres acteurs, au premier rang desquels on compte les copropriétés de taille modeste.
Sur le sujet spécifique des copropriétés, de nombreux points d’amélioration ont été inscrits dans le texte. Les syndics d’immeuble sont souvent décriés, parfois à juste titre. Le projet de loi rend leurs obligations plus transparentes et plus flexibles. Je tiens à dire que les syndics ont un rôle clé pour la gestion des copropriétés en difficulté, alors que nombre d’entre elles naviguent à vue aujourd’hui.
Nous sommes nombreux à avoir jugé, à cette tribune, que la création d’un syndic d’intérêt collectif – je dirais même « d’intérêt général » – peut être vue d’un bon œil. Même si des inconnues demeurent, le travail effectué en commission, notamment sur les missions de ce syndic, est intéressant. Nous garderons un œil vigilant sur la mise en place de ce mécanisme.
Je relève un autre point important qui concerne directement les copropriétés, particulièrement en matière de financement de travaux ô combien nécessaires quand l’habitat est dégradé : le prêt collectif.
Là aussi, la commission a procédé à des apports majeurs, en permettant des garanties pour les prêteurs et en introduisant de la flexibilité quant au remboursement.
Concernant les procédures d’expropriation des immeubles insalubres, le texte, en offrant une possibilité d’action bien plus en amont, semble aller dans le bon sens, tout comme les clarifications introduites en commission. Il faut essayer de prévenir au maximum afin d’éviter les situations irrémédiables. Il en va de même pour les mécanismes relatifs au relogement de personnes et pour ceux qui portent sur la gestion de situations irrégulières par les communes.
Je veux, en conclusion, évoquer le fléau des marchands de sommeil. Il faut sanctionner plus durement ; cela est primordial. C’est bien ce qui est proposé dans ce texte.
Des mécanismes concrets, bien que perfectibles, de la simplification et de l’accélération : voilà bien ce dont nous avons besoin dans un domaine qu’il est plus que temps de réformer. Aussi, le groupe Les Indépendants votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Bernard Buis applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Yves Bleunven. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Yves Bleunven. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 110 000 copropriétés sont aujourd’hui considérées comme fragiles. Ainsi, des centaines de milliers de personnes se trouvent condamnées à vivre dans des logements vétustes et insalubres.
Agir contre la dégradation des copropriétés dans nos métropoles et nos petites villes doit être notre priorité, à la fois pour augmenter le nombre de logements disponibles et pour entrer dans une dynamique d’adaptation de l’habitat à la transition écologique et énergétique.
Michèle Lutz et Mathieu Hanotin ont largement guidé, par leur connaissance pointue du terrain, la construction technique de ce texte. Grâce aux propositions concrètes et au travail de nos rapporteures Amel Gacquerre et Françoise Dumont, les collectivités territoriales devraient désormais disposer d’une boîte à outils renforçant la faculté des communes, des intercommunalités et de leurs opérateurs à mener leurs projets.
Ce texte aborde, de manière concrète, un sujet crucial pour le bien-être et la dignité des Français.
Des mesures financières et administratives, encore à nuancer, sont nécessaires pour surmonter les obstacles et permettre d’entreprendre des travaux majeurs. Plus tôt ces actions seront mises en œuvre pour rendre les habitations décentes et respectueuses des normes environnementales de base, moins cher elles coûteront aux propriétaires, aux locataires et aux collectivités. En somme, tout le monde sera gagnant !
Trois points de ce projet de loi ont particulièrement attiré mon attention.
Premièrement, l’article 2 offre aux syndicats de copropriétaires la faculté de contracter un prêt collectif pour financer les travaux essentiels et de rénovation énergétique. Cette mesure facilitera l’exécution des travaux et améliorera significativement le cadre de vie des occupants de logements. Je salue les ajouts de la commission, qui ont permis d’encadrer ce dispositif tout en le rendant plus souple.
Deuxièmement, pour anticiper, prévenir et résoudre les problèmes rencontrés, les pouvoirs publics et les syndics doivent, plus que jamais, travailler de concert lorsque les propriétaires font face à des difficultés.
Le chapitre II du projet de loi regroupe à cette fin des mesures visant à accélérer les procédures de recyclage et de transformation des copropriétés.
Ainsi, les pouvoirs du maire se trouvent renforcés par la sécurisation du cadre juridique des expropriations nécessaires à la sécurité des citoyens et indispensables au recyclage des habitats urbains.
Il en va de même pour l’application des mesures de démolition des constructions jugées irrégulières et présentant des risques pour la sécurité et la santé des résidents.
En outre, pour mieux prendre en compte les problématiques des villes moyennes, nous devons porter une plus grande attention aux petites copropriétés des centres-villes anciens. Ainsi, en permettant au maire de faire procéder d’office à un diagnostic structurel des immeubles en zone d’habitat dégradé, on offre la possibilité d’agir avant que la situation ne devienne irrémédiable.
Troisièmement, la question du relogement doit, elle aussi, être au cœur de nos préoccupations. Qu’il s’effectue à titre temporaire ou définitif, le relogement de centaines de ménages n’est jamais une opération aisée et représente un frein à la rénovation des copropriétés dégradées. L’article 7 bis facilitera à cet égard le relogement provisoire des ménages dans des constructions temporaires.
En conclusion, je salue la volonté, qui s’exprime dans ce projet de loi, de permettre une intervention plus précoce des collectivités, ce qui permettra de planifier les opérations et de mieux anticiper les relogements, diminuant de la sorte le coût général de chaque opération.
Anticiper, accélérer, protéger : tels sont les trois axes qui ressortent de ce texte et en font un premier pas technique important. Pour cette raison, nous le voterons.
Cependant, monsieur le ministre, votre prédécesseur nous avait promis une grande loi, qui tarde grandement à venir. En parallèle, le Premier ministre a annoncé que le logement serait une des trois priorités de ses cent premiers jours. La boîte à outils du présent texte, aussi pertinente soit-elle, ne répond que très partiellement à l’urgence de la crise du logement. Nous attendons davantage ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)