Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Comme moi !

Mme Nadia Sollogoub. … il existe aussi, désormais, de très nombreux salariés qui travaillent chez eux.

Devons-nous, en redonnant son cadre d’origine au titre-restaurant, en exclure les télétravailleurs ? Sinon, quelle logique y aurait-il à autoriser un salarié à travailler chez lui, mais à espérer qu’il sorte durant la pause déjeuner pour acheter un plat tout prêt ? Je force le trait, bien sûr, mais la logique du dispositif devra inexorablement évoluer en fonction des pratiques.

Rester dans un cadre strict et général en ayant en tête le stéréotype du salarié dans un contexte urbain, qui souhaite consommer un produit industriel issu de la grande distribution, sans tenir compte de l’évolution des pratiques professionnelles ni des préférences de consommation, serait évidemment réducteur.

Comme je le lisais récemment dans un quotidien régional : « La fin de cette mesure sonnerait comme un appel à la malbouffe, puisque certains produits bruts ne seraient plus concernés tandis que les plats ultra-transformés feront toujours partie des produits éligibles ».

Cette doctrine irait totalement à l’encontre des campagnes de sensibilisation au sujet de l’équilibre alimentaire et de prévention d’une alimentation trop salée, trop sucrée ou trop riche. Le site « mangerbouger.fr » du ministère de la santé, dans la cadre du programme national nutrition santé, consacre d’ailleurs toute une rubrique aux raisons de privilégier le fait maison.

J’entends que les avis sont partagés sur le sujet, y compris au sein du groupe Union Centriste, qui votera néanmoins en majorité pour la prolongation du dispositif.

Je précise, mes chers collègues, que l’amendement n° 2 rectifié est déposé par Michel Canévet en son nom personnel, et non en celui de notre groupe.

M. Martin Lévrier. C’est dit ! (Sourires.)

Mme Nadia Sollogoub. J’entends que les syndicats majoritaires seraient opposés à ce qui apparaîtrait comme un soutien déguisé au pouvoir d’achat dans un contexte de forte inflation.

Je ne sais pas comment sont représentés les salariés des PME rurales et familiales au sein des grands syndicats nationaux ni ce que pèsent les voix de minorités qui, par leur mode de vie, aspirent à des dispositifs plus souples tenant compte de leurs singularités. Mais je sais, pour les croiser tous les jours, que ces salariés existent.

Outre les syndicats, il aurait pu être intéressant d’entendre des nutritionnistes, dont l’avis aurait probablement été divergent.

Par ailleurs, à titre personnel, toutes les mesures soutenant, même de manière indirecte, le pouvoir d’achat des familles me semblent bienvenues. Acheter et cuisiner soi-même un plat pour son déjeuner revient moins cher qu’acheter un plat transformé, c’est une évidence.

Enfin, j’ajoute que cette extension permet également d’inclure les préparations maison pouvant utiliser des produits plus locaux, donc de soutenir les producteurs. À l’heure où les agriculteurs sont à la peine, c’est loin d’être négligeable.

Il y a donc également un volet environnemental à la réflexion que nous devons avoir, car c’est bien dans une vision globale, de type One Health, que doivent s’inscrire toutes les politiques ayant trait à l’alimentation.

Lorsque tous appellent à manger plus sain et à éveiller la conscience des consommateurs, nous ne pouvons que nous réjouir de voir tant de salariés souhaiter reprendre la maîtrise de leur consommation.

Pour toutes ces raisons, à titre personnel, je suis tout à fait favorable à ce texte, et même à la pérennisation d’un dispositif initialement mis en place à titre dérogatoire.

L’enfer étant pavé de bonnes intentions, veillons cependant à ne pas enfermer les salariés dans un cadre trop rigide ne respectant ni leur contexte de travail, de vie, de santé, ni, finalement, leurs aspirations personnelles.

Pour résumer, la question est de savoir si le droit du travail peut l’emporter sur le droit du consommateur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Martin Lévrier applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, introduite dans le contexte de la crise due à la covid, lors de laquelle les commerces de proximité et les restaurants étaient fermés, l’extension de l’utilisation des titres-restaurant à l’achat de produits alimentaires non directement consommables faisait sens, puisqu’elle permettait aux travailleurs de ne pas voir leurs tickets se périmer et, ainsi, de ne pas perdre leurs droits.

C’est dans ce contexte précis que les partenaires sociaux participant à la Commission nationale des titres-restaurant (CNTR) avaient approuvé cette extension.

Deux ans plus tard, cette dérogation au code du travail se retrouvait dans le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, qui l’étendait au 31 décembre 2023. Elle avait alors été justifiée par l’inflation et transformée en mesure de défense du pouvoir d’achat, à l’heure où montait effectivement la revendication d’augmentation des salaires et des minima sociaux.

Certes, la situation est extrêmement grave. Nous ne l’ignorons pas. Selon l’Insee, en 2021, le taux de pauvreté a de nouveau augmenté. La pauvreté touche désormais un Français sur sept, soit 550 000 personnes de plus qu’en 2017. C’est votre bilan !

Selon le collectif Alerte, 200 000 personnes basculeront sous le seuil de pauvreté dans les prochains mois si aucune revalorisation des minima n’advient d’ici là.

Facteur conjoncturel aggravant cette situation de pauvreté, la hausse des prix de l’alimentation, dopée par les surprofits, étrangle les foyers précaires.

À défaut de lutter contre la pauvreté et les surmarges des grands groupes agroalimentaires et de distribution, le Gouvernement dévoie le rôle du titre-restaurant en instaurant son extension en mesure de défense du pouvoir d’achat.

Cette nouvelle dérogation, prétendument demandée pour une année, constitue le fondement d’un changement pérenne.

Madame la ministre, vous n’attendez même pas qu’ait eu lieu le vote du Sénat sur cette proposition de loi déposée en urgence après l’annonce unilatérale du ministre de l’économie ; vous le considérez comme acquis d’avance : en effet, vous avez annoncé le week-end dernier dans la presse qu’une partie des titres-restaurant pourrait désormais être fléchée vers les achats en supermarché, sans respecter les travaux en cours de la Commission nationale des titres-restaurant (CNTR), laquelle est loin de valider cette évolution.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. J’emploie le conditionnel dans cet article, madame !

Mme Raymonde Poncet Monge. En adoptant cette proposition de loi, nous permettrions ce passage en force, car cette prolongation, à laquelle s’oppose l’ensemble des organisations syndicales et patronales et que le Gouvernement impose sans aucune concertation avec les partenaires sociaux du CNTR, est un leurre dans la lutte contre la pauvreté et contre la baisse du pouvoir d’achat qui résulte de votre politique.

Ce dévoiement du rôle, inscrit dans le code du travail, du titre-restaurant, solution de substitution au restaurant d’entreprise, non seulement fragilise ce dispositif, en le réduisant à un titre alimentaire, mais ne permet nullement de tenir la promesse de lutter contre la précarité alimentaire.

Ce dispositif n’a pas de vocation redistributive, car seule une minorité de salariés en dispose. Il n’a pas non plus pour objet de compléter le salaire ou de s’y substituer, car son principe consiste, en l’absence d’un restaurant d’entreprise, à faciliter la prise d’un repas, en théorie en restauration assise, comme son nom l’indique, lors de la pause entre deux séquences d’un même jour travaillé.

En le transformant en un bon alimentaire pour produits de base, vous minez les fondements de son exemption sociale et fiscale. Or la remise en cause par le Conseil d’État de cette exemption condamnerait ce dispositif, réduit à une mesure de partage de la valeur, et sa place dans le code du travail.

Cette dérive ne bénéficierait qu’à la grande distribution. Seule protagoniste qui se soit prononcée en faveur de la proposition de loi lors des auditions, celle-ci a profité d’un transfert d’activité de près de 600 millions d’euros en une seule année de dérogation, au détriment des restaurants et des commerces de proximité. Mais les difficultés croissantes de ces derniers ne semblent guère émouvoir la ministre des petites et moyennes entreprises et du commerce que vous êtes…

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Et de la consommation !

Mme Raymonde Poncet Monge. La Banque de France comptabilise une hausse de 69 % des défaillances de restaurants entre 2022 et 2023. Or le titre-restaurant est un apporteur d’affaires vital pour le tissu commerçant de proximité, puisque 15 % du chiffre d’affaires des restaurants y sont liés et qu’une proportion encore plus importante des commerçants assimilés en dépend.

Par contraste, ce dispositif ne représente que 1 % du chiffre d’affaires de la moyenne et de la grande distribution. Cette prolongation se révèle donc délétère également pour le tissu économique de proximité.

Cette proposition de loi fait donc fi du dialogue social. Cela a été souligné récemment dans une lettre adressée à vos services par les cinq organisations syndicales représentatives du CNTR.

C’est pourquoi les écologistes ont déposé un amendement, soutenu par les organisations syndicales, l’Union des entreprises de proximité (U2P) et l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih), visant à limiter la prolongation du dispositif à juin 2024,…

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Raymonde Poncet Monge. … afin non seulement de contrecarrer la pérennisation de la dérogation, mais surtout de rétablir le dialogue social et le paritarisme. (Applaudissements sur des travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Marc Laménie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis très heureux de pouvoir m’exprimer sur cette proposition de loi.

J’ai eu l’honneur de faire partie de la commission des affaires sociales entre 2007 et 2014. Or, à l’exception de notre collègue Alexandra Borchio Fontimp, qui participe aux travaux de la commission de la culture, et de moi-même, qui siège à la commission des finances, tous les intervenants sont membres de cette commission. Je me réjouis donc de contribuer à ce débat aujourd’hui.

Je tiens à saluer le travail de notre rapporteure, Marie-Do Aeschlimann, ainsi que de l’ensemble des commissaires des affaires sociales sur ce sujet important.

Vous l’avez rappelé, madame la ministre, les tickets-restaurant remontent à 1967. Ce dispositif s’est modernisé – pour ma part, je reste attaché au papier –, et vous indiquiez justement combien la dématérialisation de ce dispositif permettait de lutter contre la fraude, un objectif crucial.

Il y a eu sur ce sujet deux propositions de loi, émanant l’une de l’Assemblée nationale et l’autre de nos collègues Alexandra Borchio Fontimp, Frédérique Puissat et Sophie Primas, puisque cette question concerne également la commission des affaires économiques.

La conjoncture est très particulière, car, aux conséquences de la crise sanitaire, à partir de mi-mars 2020, se sont ajoutées les nouvelles habitudes de travail et la hausse des prix alimentaires.

Ce dispositif concerne plus de 5 millions de salariés, ce qui n’est pas négligeable.

Plusieurs notions importantes ont été évoquées au cours de la discussion générale. Je pense en particulier au pouvoir d’achat, cité par Cathy Apourceau-Poly, et à la précarité alimentaire, abordée par Annie Le Houerou. La gouvernance de la Commission nationale des titres-restaurant, qui associe organisations patronales et syndicales, est également une question centrale ; il convient de soutenir ce dialogue entre les salariés et les employeurs.

Autrefois, il y avait, dans les bourgs et les villages, de petits restaurants ; malheureusement, nombre d’entre eux ont disparu. Il faut donc soutenir le commerce de proximité, et la prorogation du dispositif qui est proposée me semble fondamentale dans cette perspective. Ce texte va donc dans le bon sens.

Au reste, il y a moins de pauses méridiennes qu’auparavant et les habitudes ont évolué, en raison des temps de transport, les délais et du télétravail. Cette proposition de loi permettra de défendre l’ensemble des salariés et de soutenir leur pouvoir d’achat, tout en soutenant le commerce de proximité et l’activité économique.

Mes chers collègues, je vous remercie tous de votre engagement. Les membres du groupe Les Républicains et moi-même voterons ce texte. (Applaudissements.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à prolonger en 2024 l’utilisation des titres-restaurant pour des achats de produits alimentaires non directement consommables

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à prolonger en 2024 l'utilisation des titres-restaurant pour des achats de produits alimentaires non directement consommables
Article additionnel avant l'article unique - Amendement n° 1 rectifié

Avant l’article unique

Avant l’article unique
Dossier législatif : proposition de loi visant à prolonger en 2024 l'utilisation des titres-restaurant pour des achats de produits alimentaires non directement consommables
Article unique

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Khalifé et Mizzon, Mme Belrhiti, MM. J.B. Blanc, Burgoa, Somon et Longeot, Mme Joseph, MM. Sautarel et Pernot, Mmes Josende, Bellurot, Berthet, Gosselin et Malet et M. Klinger, est ainsi libellé :

Avant l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement engage, dans les conditions prévues à l’article L. 1 du code du travail, une concertation avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel sur l’assouplissement des règles d’utilisation du titre-restaurant, suivie le cas échéant d’une négociation.

La parole est à M. Jean-Marie Mizzon.

M. Jean-Marie Mizzon. Cet amendement a été déposé par notre collègue Khalifé Khalifé.

Le titre-restaurant date de 1967, avez-vous indiqué, madame la ministre. C’est aussi l’année au cours de laquelle l’instruction est devenue obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans… Vous avez poursuivi votre propos, madame la ministre, en affirmant qu’il était temps de « le dépoussiérer ».

Pourquoi pas ? Mais ne faudrait-il pas également, alors que l’on s’apprête à prolonger ce dispositif, aménagé au cours du temps, consulter l’ensemble des partenaires sociaux sur le sujet ? Ils ont aussi leur mot à dire, dans la mesure où les modes de vie et de travail ont changé, où le contexte social a évolué et où la pauvreté s’est aggravée. N’est-il pas temps de les associer à cette réflexion, qui devrait commencer dès le mois de janvier prochain ? Le diable se cachant dans les détails, il est temps de se mettre au travail rapidement.

Tel est le sens de cet amendement, dont l’objet est d’aboutir à un texte plus conforme à la société actuelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Do Aeschlimann, rapporteure. Cet amendement vise à contraindre le Gouvernement à engager, dans les conditions prévues à l’article L. 1 du code du travail, une concertation avec les partenaires sociaux sur l’assouplissement des règles d’utilisation du titre-restaurant.

Le cas échéant, cette concertation pourrait être suivie d’une négociation d’un accord national interprofessionnel.

Il existe déjà un cadre de concertation paritaire sur l’évolution du titre-restaurant : la Commission nationale des titres-restaurant. Il est préférable que les travaux se poursuivent dans ce cadre et abordent toutes les questions que nous avons citées : la dématérialisation, les frais de commission, bref, tout ce qui concerne l’évolution nécessaire des titres-restaurant, afin de rendre ces derniers plus efficaces et conformes à l’objet social de ce dispositif.

J’ajoute enfin que la loi ne peut contraindre le Gouvernement à engager une réforme des règles d’utilisation du titre-restaurant. Une telle disposition n’aurait donc qu’un caractère incitatif.

Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Je le répète, l’intention du Gouvernement est que cette concertation ait lieu dès les premiers mois de 2024.

Ce sera au cœur de mon programme de travail, puisque j’aurai l’honneur, sous la tutelle de Bruno Le Maire, ministre de l’économie, d’organiser cette concertation dans le cadre qu’a rappelé Mme la rapporteure.

Compte tenu de l’engagement du Gouvernement de mener cette concertation et cette négociation, je vous demande de bien vouloir retirer de cet amendement, qui est satisfait, monsieur le sénateur ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Mizzon, l’amendement n° 1 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Marie Mizzon. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié est retiré.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je le reprends, monsieur le président !

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 1 rectifié bis, présenté par Mme Raymonde Poncet Monge et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 1 rectifié.

Vous avez la parole pour le défendre, ma chère collègue.

Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement est justifié, et nous le voterons.

Madame la ministre, la lettre datée du 23 novembre dernier et signée par Marylise Léon, Sophie Binet, Frédéric Souillot, François Hommeril et Cyril Chabanier ne vous est peut-être pas parvenue.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Je lis mon courrier, madame !

Mme Raymonde Poncet Monge. Les auteurs de cette missive indiquaient que l’extension de la liste des produits éligibles ne peut se faire que dans le cadre de la concertation paritaire et dans le respect de l’objet fondamental du titre-restaurant, que définit le code du travail.

Vous ne l’avez pas fait hier, mais vous assurez que vous le ferez demain et que cet amendement est satisfait…

Ce courrier indiquait que l’extension de cette liste avait été décidée de façon exceptionnelle et que ces règles temporaires devaient prendre fin au 31 décembre 2023, comme c’était prévu et comme cela avait été souhaité unanimement par les quatre collèges de la CNTR.

C’est pour cette raison que vous n’avez pas consulté les partenaires sociaux et c’est aussi ce qui explique la présence de ce texte à notre ordre du jour : « L’éclosion soudaine et simultanée de plusieurs propositions de loi sur le sujet en même temps, en novembre, ainsi qu’un intense lobbying de la grande distribution, nous interroge fortement. »

Comme il est indiqué dans ce courrier, « on entend assimiler le titre-restaurant à un dispositif de pouvoir d’achat. Or cela doit être négocié. Cela relève du code du travail, donc cela doit faire l’objet d’une négociation entre les partenaires sociaux ».

Je suis donc heureuse de reprendre cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote.

Mme Annie Le Houerou. Nous soutenons cet amendement repris par le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. Nous sommes nous aussi très attachés au dialogue social et nous estimons qu’une remise à plat du dispositif est nécessaire.

Un « tiens » vaut mieux que deux « tu l’auras peut-être »… Si cet amendement est adopté, cela permettra de remettre le dispositif à plat et de reprendre les négociations avec les partenaires sociaux.

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous soutenons également cet amendement.

Cette proposition de loi a été déposée dans l’urgence. Même si j’ai expliqué les raisons pour lesquelles nous la voterions, il est temps de réunir les partenaires autour de la table des négociations.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Je vais m’exprimer rapidement, mais clairement.

Je recommande à ceux qui ne l’ont pas fait de profiter de la suspension des travaux pendant les vacances de Noël pour prendre le temps de lire le compte rendu les débats, notamment mes réponses, lors de l’examen du texte en commission et en séance publique à l’Assemblée nationale. La raison que j’ai invoquée pour estimer qu’il était impossible de pérenniser le dispositif, c’est justement cette obligation de dialogue social. S’il y a quelqu’un qui l’a rappelé, c’est bien moi !

Quant à mon courrier, je vous rassure, madame la sénatrice Poncet Monge : malgré ma charge de travail et l’ampleur de mon périmètre d’action, je le lis. Aussi, dans le strict respect de la demande d’audience, les personnes susmentionnées seront reçues dès le mois de janvier prochain par mon cabinet, de sorte que nous puissions lancer la concertation.

M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.

M. Laurent Burgoa. Même si j’ai cosigné cet amendement, je ne le voterai pas, parce que Mme la rapporteure m’a convaincu lors de son intervention au cours de la discussion générale : mes chers collègues, il convient d’éviter une commission mixte paritaire sur ce texte.

Ne pas adopter cet amendement serait une manifestation de responsabilité.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel avant l'article unique - Amendement n° 1 rectifié
Dossier législatif : proposition de loi visant à prolonger en 2024 l'utilisation des titres-restaurant pour des achats de produits alimentaires non directement consommables
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article unique

À l’article 6 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, la date : « 31 décembre 2023 » est remplacée par la date : « 31 décembre 2024 ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 2 rectifié est présenté par MM. Canévet et Longeot, Mme N. Goulet, MM. Kern et Cambier, Mme Jacquemet et MM. Delcros et Duffourg.

L’amendement n° 3 rectifié est présenté par Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Remplacer la date :

31 décembre 2024

par la date :

30 juin 2024

La parole est à M. Michel Canévet, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié.

M. Michel Canévet. Nous sommes en train d’étudier le dispositif du titre-restaurant. Et si cet intitulé a quelque sens, il signifie « titre pour les restaurants ».

Eu égard à la situation que nous avons connue, il était opportun d’en étendre l’usage à l’achat de denrées alimentaires, me semble-t-il, mais il convient de revenir à l’esprit de ce dispositif ; ou alors, si l’on estime qu’il ne correspond plus aux attentes des usagers, il faut franchement le modifier.

En l’état actuel des choses, il conviendrait de revenir à l’esprit du titre, c’est-à-dire de faire en sorte qu’il soit consacré rapidement à la restauration. Les restaurateurs plaident fortement en ce sens.

Cela étant, ne voulant pas mettre le Gouvernement en difficulté sur le sujet, je propose simplement de limiter la prolongation à six mois, pour avoir le temps de rendre à ce dispositif, dans ce délai, sa vocation initiale.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié.

Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement n’a pas été adopté en commission, sous prétexte qu’il était nécessaire d’adopter ce texte conforme, car, la fin de l’année approchant, les délais ne laissaient guère le temps pour adopter un dispositif.

Pourtant, on a réussi à convoquer rapidement une commission mixte paritaire ces derniers jours. Cela semble donc possible…

En outre, la démocratie parlementaire n’a pas à se laisser dicter une injonction à l’adoption conforme du fait de la précipitation du Gouvernement, elle-même liée à une décision unilatérale.

La présente proposition de loi ne résoudra nullement le problème de la précarité alimentaire ; ce n’est pas son objet. Votre objectif est de favoriser à terme un usage en supermarché, vous l’avez d’ailleurs annoncé ce week-end.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Mais non, vous dites n’importe quoi !

Mme Raymonde Poncet Monge. Cette prolongation ne peut s’imposer contre l’avis des organisations syndicales du CNTR, qui ont affirmé que cette façon de faire avait brisé la confiance construite pendant un an de travaux.

Ces organisations dénoncent toutes cette proposition de loi et le manque de dialogue social, comme elles viennent de vous l’indiquer par courrier, madame la ministre.

En proposant une nouvelle dérogation d’un an, vous visez à rendre irréversible la mesure, et ce sans négociations.

Pour toutes ces raisons, en accord avec les parties prenantes, tant syndicales que patronales, je propose par cet amendement de limiter la prolongation à six mois. Ce délai laissera le temps au Gouvernement de prendre – enfin ! – à bras-le-corps le problème du pouvoir d’achat et aux partenaires sociaux de définir, par la négociation, les voies de modernisation de ce dispositif qui est inscrit dans le code du travail. Voilà la bonne manière de faire !

Nous attendons surtout, madame la ministre, que le Gouvernement s’attaque à la question du pouvoir d’achat de manière structurelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Do Aeschlimann, rapporteure. Ces amendements tendent à fixer au 30 juin 2024, au lieu du 31 décembre de la même année, le terme du régime dérogatoire d’utilisation des titres-restaurant pour l’achat de tous produits alimentaires.

Nous pouvons entendre les réserves formulées et la crainte d’une éventuelle pérennisation de la mesure. Cela étant, je vous ai répondu, en mentionnant le risque qu’une telle évolution ferait courir, à savoir la disparition d’un régime social et fiscal favorable – Mme la ministre a également évoqué ce risque. Je pense donc que cette crainte d’une éventuelle pérennisation n’a plus lieu d’être.

L’article unique vise une prolongation de la mesure pour un an seulement. Le dispositif est donc limité dans le temps. Cette période doit être l’occasion de mettre en place une concertation avec tous les acteurs – la ministre en a parlé – de façon à prévoir ensemble une évolution du régime du titre-restaurant. L’objectif est d’adapter ce dernier aux nouvelles réalités du monde du travail et de consommation des salariés.

J’ajoute que la prolongation de six mois aurait moins de sens. Elle risquerait de nous placer dans une posture délicate si jamais nous nous retrouvions à son terme dans la situation qui est la nôtre aujourd’hui, c’est-à-dire dans l’obligation de statuer dans l’urgence.

Enfin, je suis assez étonnée de votre réaction : vos amendements aboutiraient de facto à priver 5,2 millions de salariés français d’un soutien utile à leur pouvoir d’achat dans la période que nous connaissons.

Par conséquent, j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Pour les mêmes raisons que celles qui ont été avancées par la rapporteure, le Gouvernement demande le retrait de ces amendements. À défaut, l’avis sera défavorable.