Sommaire
Présidence de Mme Sophie Primas
Secrétaires :
Mme Véronique Guillotin, M. Philippe Tabarot.
2. Services express régionaux métropolitains. – Adoption définitive des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
M. Philippe Tabarot, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Amendement n° 1 rectifié du Gouvernement. – Réservé.
Amendement n° 2 du Gouvernement. – Réservé.
Adoption définitive de la proposition de loi dans le texte de la commission mixte paritaire, modifié.
M. Clément Beaune, ministre délégué
3. Ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP. – Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
M. Franck Dhersin, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Adoption définitive, par scrutin public n° 104, de la proposition de loi dans le texte de la commission mixte paritaire.
M. Clément Beaune, ministre délégué
Suspension et reprise de la séance
4. Mise au point au sujet d’un vote
5. Restitution des restes humains appartenant aux collections publiques. – Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire
Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Adoption définitive de la proposition de loi dans le texte de la commission mixte paritaire.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture
Suspension et reprise de la séance
6. Revalorisation du métier de secrétaire de mairie. – Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire
M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Adoption, par scrutin public n° 105, de la proposition de loi dans le texte de la commission mixte paritaire.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias
7. Mise au point au sujet d’un vote
8. Amélioration de l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels. – Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
Mme Corinne Imbert, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Adoption définitive, par scrutin public n° 106, de la proposition de loi dans le texte de la commission mixte paritaire.
Suspension et reprise de la séance
9. Utilisation des titres-restaurant. – Adoption définitive en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
Mme Marie-Do Aeschlimann, rapporteure de la commission des affaires sociales
Clôture de la discussion générale.
Adoption définitive, par scrutin public n° 107, de la proposition de loi dans le texte de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales
10. Ordre du jour
Compte rendu intégral
Présidence de Mme Sophie Primas
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Véronique Guillotin,
M. Philippe Tabarot.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Services express régionaux métropolitains
Adoption définitive des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative aux services express régionaux métropolitains (texte de la commission n° 86, rapport n° 85).
La parole est à M. le rapporteur. (Mme Marie-Claire Carrère-Gée, M. Franck Dhersin et M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable applaudissent.)
M. Philippe Tabarot, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, quatre ans après la promulgation de la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (LOM), dont le rapport annexé préconisait déjà de favoriser la réalisation de ce que nous appelions à l’époque des « RER métropolitains » – cher Didier Mandelli –, je suis heureux de vous retrouver pour l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative aux services express régionaux métropolitains (Serm).
Je me réjouis du travail réalisé collectivement et de façon transpartisane sur ce texte. Depuis son dépôt au mois d’avril dernier par le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, Jean-Marc Zulesi, que je tiens ici à saluer tant nos échanges ont été riches et fructueux, cette proposition de loi s’est vue considérablement enrichie au cours de la navette parlementaire.
Je me félicite à cet égard de ce que la plupart des apports introduits au Sénat aient été maintenus dans le texte élaboré par la commission mixte paritaire.
En première lecture, nous avons d’abord cherché à faire des Serm un outil au service d’une plus grande équité territoriale. Dans cette perspective, nous avions estimé qu’il était indispensable d’inclure de façon systématique aux projets de Serm des lignes de cars express qui permettront, de façon sans doute plus rapide et plus souple que le mode ferroviaire, de mieux relier les métropoles à leurs périphéries les plus lointaines.
Cet ajout et celui, là encore systématique, des pistes cyclables ont été maintenus dans la définition même des Serm, ce qui permet d’en faire de véritables offres de services multimodaux.
Ensuite, nous avons considéré qu’il était nécessaire de remettre les territoires au cœur du processus, en renforçant le rôle des collectivités territoriales dans le choix de faire intervenir la Société des grands projets (SGP) dans leurs projets de Serm.
Par ailleurs, et malgré le caractère technique de cette disposition – il s’agissait là de l’un des aspects les plus sensibles de la proposition de loi –, nous avons œuvré, et ce fut un travail d’orfèvre, à la clarification de la répartition des compétences entre la SGP, d’une part, et SNCF Réseau et sa filiale SNCF Gares & Connexions, d’autre part.
Les différents stades de la navette ont contribué, je le crois, à lever un certain nombre d’ambiguïtés, tout en nous permettant de ne pas « archipéliser » le réseau ferré national, dont le gestionnaire d’infrastructures reste et restera SNCF Réseau.
Enfin, nous avons enrichi le texte, pour préciser le modèle économique et financier des Serm. Le Sénat a défendu le principe de l’organisation d’une conférence nationale de financement des Serm d’ici au 30 juin 2024. Ce rendez-vous a été confirmé en commission mixte paritaire, de même que la création d’une tarification spécifique pour les circulations réalisées dans le cadre des Serm. Le niveau des péages ne saurait constituer un frein au développement de nouvelles offres de transport collectif dans nos territoires.
La commission mixte paritaire a également maintenu le principe consistant à annexer au contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau le programme triennal des investissements du gestionnaire d’infrastructure.
Si beaucoup de chemin a été parcouru depuis le dépôt de ce texte à l’Assemblée nationale, il reste encore beaucoup à faire dans nos territoires, pour voir sortir de terre dix services express régionaux métropolitains d’ici à dix ans.
Nous devons rester lucides : ce texte ne résout pas la problématique du financement des Serm, à la fois en investissement, mais aussi, et surtout, en fonctionnement. Gardons en tête, mes chers collègues, l’exemple quelque peu préoccupant du Grand Paris Express.
Les 765 millions d’euros prévus dans le cadre des contrats de plan État-région sont, certes, un premier signal encourageant, mais ils ne devraient permettre tout au plus que de financer quelques études. Nous sommes là bien loin des enveloppes nécessaires pour atteindre nos objectifs.
Je place beaucoup d’espoir, monsieur le ministre, dans la conférence de financement que je viens d’évoquer ; je souhaite qu’elle apporte un certain nombre de réponses à une équation financière qui comporte encore de nombreuses inconnues. Les transports sont un secteur de temps long, ce qui suppose de fixer un cap clair et de disposer d’une certaine visibilité en matière de financement.
En parallèle, je me réjouis que le projet de loi de finances pour 2024 prévoie une augmentation du plafond d’emplois de la SGP, même si ce n’est certainement pas suffisant. Je forme en tout cas le vœu que cette dynamique se prolonge dans les années à venir, tant les besoins iront croissant. Vous pouvez compter sur nous pour y veiller.
Au-delà des annonces au coup par coup, une nouvelle loi de programmation des infrastructures de transport doit, comme vous le savez, monsieur le ministre, constituer une priorité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Simon Uzenat applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Madame la présidente, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis d’être ici devant vous, à quelques jours de Noël et des fêtes de fin d’année, pour célébrer un texte qui, je le crois, est important, pour peu qu’il soit définitivement voté ; je suis plutôt optimiste à cet égard.
Cette proposition de loi porte plusieurs ambitions et contribue à plusieurs avancées extrêmement concrètes et attendues qui, dans quelques années, seront considérées comme absolument cruciales en matière écologique.
C’est en effet la première caractéristique de ce texte : il s’agit d’un grand texte écologique, parce qu’il permettra de développer les réseaux et les services de transport public dans nos métropoles ; une dizaine sans doute pour commencer, et davantage dans les années à venir.
Une telle dynamique peut paraître spontanée, naturelle, évidente. D’après moi, il s’agit au contraire d’une très profonde transformation, car, comme l’a indiqué le Président de la République, il faut, sur le modèle de ce qui s’est fait en Île-de-France – mais en l’adaptant –, donner la chance aux millions de Français qui utilisent aujourd’hui la voiture, non pas par choix le plus souvent, mais par contrainte ou par défaut d’alternative, d’avoir accès aux transports publics.
Je le redis – j’y ai, tout comme M. le rapporteur, beaucoup insisté pendant nos débats en première lecture –, il est essentiel de considérer que ces services express régionaux métropolitains ne sont pas des services métropolitains au sens étroit du terme.
Il ne s’agit pas de doter nos centres-villes de réseaux de transports publics entièrement nouveaux ou supplémentaires, car ils sont souvent déjà bien équipés, même s’il est toujours nécessaire de progresser. Nous voulons donner accès à des solutions de transport collectif et décarboné à ces millions de Français qui résident à 30, 50 ou 80 kilomètres des centres-villes, qui vivent dans les périphéries et sont dépendants de la voiture individuelle. Il ne faut plus qu’ils subissent : ils doivent désormais pouvoir choisir leur offre de transport.
Ce texte permettra d’atteindre une ambition politique et écologique au sens le plus large et le plus noble du terme ; j’y insiste.
Il est d’autant plus important et positif qu’il est pragmatique. En effet, cette proposition de loi repose sur la confiance et la liberté accordée aux collectivités, principalement les échelons métropolitains et régionaux, comme la définition des Serm le laisse supposer. Plus largement, il faudra qu’une coopération se mette en place avec les maires des communes concernées ; le Sénat a beaucoup œuvré en ce sens.
En somme, il s’agit d’un texte de liberté et de confiance destiné aux collectivités. Force est ainsi de constater qu’il ne plaque pas un modèle unique tiré de l’expérience du Grand Paris Express ou de celle d’autres métropoles qui se sont engagées dans des projets similaires : cette proposition de loi autorise, offre des possibilités, crée des possibilités, afin que chaque métropole, chaque région concernée, l’ensemble des collectivités impliquées puissent présenter à l’État un projet de service express régional métropolitain, un projet d’amélioration des réseaux de transport public, en vue d’une labellisation et, évidemment, d’un financement.
Une telle approche, que le Sénat a souhaité conforter et renforcer au cours de la navette parlementaire, est essentielle pour réussir notre transition écologique.
Nous atteindrons cette ambition, non pas en plaquant un modèle unique, mais en faisant du sur-mesure, en appliquant une méthode se fondant avant tout sur les besoins et les projets des collectivités.
Si ce texte est pragmatique, c’est également parce qu’il repose sur des services, et non sur un modèle unique de transport ; le Sénat y a fortement contribué. Le « S » de Serm est fondamental, car il permettra de distinguer les besoins de mobilité, les projets de transport propres à chaque métropole ; à l’évidence, ces besoins ne sont pas les mêmes à Lille et à Bordeaux, à Paris et à Strasbourg, à Grenoble et à Rennes.
Il reviendra aux collectivités de présenter un projet qui pourra inclure des réseaux de cars express ou de bus à haut niveau de service (BHNS), différents modes de transport, et pas uniquement des lignes ferroviaires. La palette d’options devra être la plus large possible si l’on veut réellement développer les transports publics et décarbonés.
Ce pragmatisme ambitieux, qui repose à la fois sur la confiance accordée aux collectivités et sur la souplesse des services proposés, est crucial. Il figure de manière extrêmement claire dans ce texte.
J’ajoute que ce texte est intelligent, au sens d’intelligence collective, à un moment où nous avons plus que jamais besoin de coopérations.
Comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur – j’en profite pour rendre hommage à toutes celles et à tous ceux qui, dans cet hémicycle, se sont résolument impliqués sur ce texte : vous-même bien sûr, monsieur Tabarot, M. le président de la commission, M. Dhersin et bien d’autres –, vous avez su, avec le président Zulesi, apporter des améliorations à ce texte tout au long de la procédure législative.
J’ai parlé d’un texte pragmatique, en évoquant les BHNS et la conférence de financement, qui est, je le crois profondément, une bonne idée – j’entends en effet les appels de toute part à trouver des réponses concrètes et rapides en termes de financement –, mais il s’agit donc aussi d’un texte d’intelligence collective, comme l’a prouvé le déroulement exemplaire de la navette parlementaire.
Nous avons également su rompre avec quelques mauvaises habitudes, ce qui, je l’espère, nous inspirera dans le cadre d’autres discussions.
Dans notre pays, nous avions pris l’habitude, après qu’une structure a été créée, soit de la pérenniser en lui permettant d’exercer les mêmes missions, même lorsque celles-ci n’étaient pas forcément adaptées, soit de détruire la valeur ajoutée qu’elle était parvenue à créer.
Je pense évidemment à l’exemple de la SGP, invention positive, extrêmement utile, qui a permis de faire aboutir le réseau du Grand Paris Express. Cette société a développé des compétences, un savoir-faire, une maîtrise d’ouvrage.
Sans renier les compétences d’autres opérateurs – je pense bien sûr à SNCF Réseau –, cette société, qui devient la Société des grands projets, pourra, à la demande des collectivités, faire apprécier son expertise, et même se voir affecter des ressources à travers des sociétés de projet pour piloter, mettre en œuvre, financer, le cas échéant, ces services express régionaux métropolitains.
Il est fondamental – et c’est là encore faire preuve d’intelligence et de pragmatisme – de « capitaliser » sur ce qui a fonctionné et de l’adapter pour l’avenir au service de l’ensemble de nos territoires.
Je sais que l’essentiel est devant nous. Une fois que le législateur se sera prononcé – partons de l’hypothèse que ce texte sera bientôt définitivement voté –, j’aurai l’occasion d’en détailler les prochaines étapes : un cahier des charges sera rendu public pour que, sans délai, dès le début de l’année 2024, chaque collectivité puisse élaborer son projet. Ainsi, les fonds nécessaires au financement des études pourront être rapidement débloqués ; je pense notamment aux crédits mobilisés dans le cadre des contrats de plan État-région.
Ainsi, les tout premiers projets, les plus mûrs, pourraient voir le jour, en étude puis en investissement, très rapidement.
Conformément au souhait du législateur, en particulier celui du Sénat, qui a été confirmé par la commission mixte paritaire, une conférence de financement se réunira au cours des premiers mois de l’année 2024, autrement dit avant l’été : celle-ci permettra, non pas de débloquer immédiatement des millions d’euros sonnants et trébuchants, mais de prévoir les modalités de financement dans la durée, y compris pour l’exploitation, de ces services express régionaux métropolitains.
Comme je l’ai déjà dit devant le Sénat, nous avons repris le meilleur de ce qui a été fait dans le cadre du Grand Paris Express : une société de projet et des financements dédiés auxquels pourront avoir recours les collectivités qui le souhaitent. Nous avons tiré les conséquences de ce qui a moins bien fonctionné, c’est-à-dire le manque d’anticipation en matière de financement de l’exploitation, qui nous a conduits, comme chacun le sait, à devoir négocier parfois en urgence.
Je me réjouis à cet égard que nous soyons parvenus à surmonter cette difficulté avec la région Île-de-France.
Grâce à ce texte, nous disposerons enfin de financements pérennes. Avec la conférence de financement et compte tenu des modalités de financement envisagées, nous disposerons de davantage de capacités d’anticipation. Ainsi, cette belle idée ne deviendra pas une pomme de discorde entre l’État et les collectivités dans les semaines et les mois à venir.
Je termine en répétant que les près de 800 millions d’euros – ce montant sera d’ailleurs probablement encore plus élevé à l’issue de la négociation des différents contrats de plan État-région – seront très rapidement disponibles, sûrement dès les premières semaines de l’année 2024. Il s’agit d’une somme élevée, le signe de la confiance que nous mettons dans ce projet et de notre soutien aux collectivités. Plus encore qu’un signal, il s’agit de modalités concrètes pour faire avancer des programmes essentiels.
Quand ces projets sortiront de terre dans quelques années, nous, Gouvernement, Sénat, Assemblée nationale, pourrons être fiers d’avoir participé à cette belle aventure des services express régionaux métropolitains à travers le vote de ce texte majeur.
Mme la présidente. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
proposition de loi relative aux services express régionaux métropolitains
TITRE Ier
Instauration et mise en œuvre
Article 1er
I. – Le chapitre V du titre Ier du livre II de la première partie du code des transports est complété par une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Services express régionaux métropolitains
« Art. L. 1215-6. – En dehors de la région d’Île-de-France, un service express régional métropolitain est une offre multimodale de services de transports collectifs publics qui s’appuie prioritairement sur un renforcement de la desserte ferroviaire. Cette offre intègre la mise en place de services de transport routier à haut niveau de service, de réseaux cyclables et, le cas échéant, de services de transport fluvial, de covoiturage, d’autopartage et de transports guidés ainsi que la création ou l’adaptation de gares ou de pôles d’échanges multimodaux. Ces gares et pôles d’échanges comprennent des aménagements permettant l’accès, le déplacement et l’information des personnes en situation de handicap, dans les conditions prévues à l’article L. 1112-1. Ils comprennent également des aménagements assurant l’accès et le stationnement sécurisés des véhicules de covoiturage, des autres moyens de mobilité partagée et des vélos.
« Le service express régional métropolitain est intégré aux autres réseaux de transports sur les territoires concernés, notamment aux réseaux de transports urbains et routiers et aux réseaux cyclables. Il est accessible aux piétons.
« Le service express régional métropolitain vise une amélioration de la qualité des transports du quotidien, notamment par des dessertes plus fréquentes et plus fiables des zones périurbaines, la réduction de la pollution de l’air, la lutte contre l’auto-solisme, le désenclavement des territoires périurbains et ruraux insuffisamment reliés aux centres urbains, une meilleure accessibilité, notamment pour les personnes en situation de handicap, et la décarbonation des mobilités.
« Les projets de service express régional métropolitain prennent en compte les enjeux liés au développement des zones à faibles émissions mobilité mentionnées à l’article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales. Ils prennent également en compte les enjeux liés au développement du fret ferroviaire.
« Afin de lutter contre l’étalement urbain et de promouvoir le report modal, les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale compétents favorisent le renouvellement urbain, l’optimisation de l’utilisation de l’espace et la qualité urbaine des projets à proximité des gares du service express régional métropolitain, notamment en prévoyant une densité minimale de constructions ainsi que le rabattement vers ces gares.
« Les services express régionaux métropolitains sont mis en œuvre dans des conditions garantissant l’interopérabilité des services d’information des voyageurs et de billettique, suivant les modalités prévues à l’article L. 1213-3 du présent code.
« Les projets de service express régional métropolitain font l’objet d’une concertation entre l’État, la région, les autorités organisatrices de la mobilité, les départements et, le cas échéant, les gestionnaires d’autoroutes et de voies routières express du périmètre concerné. Lorsque deux métropoles sont situées à moins de 100 kilomètres de distance, la faisabilité et l’opportunité d’une élaboration et d’une mise en œuvre conjointes d’un projet de service express régional métropolitain peuvent être examinées. Les projets de service express régional métropolitain comprennent, sur chacun des axes routiers concernés, une trajectoire possible de réduction du trafic routier cohérente avec les objectifs de décarbonation. Cette trajectoire tient compte des capacités d’emport présentes et futures des transports ferroviaires et routiers ainsi que de l’évolution du covoiturage, notamment par la création de lignes de covoiturage express, et des mobilités actives. Lorsqu’une section d’autoroute ou de voie express est concernée par un projet de service express régional métropolitain et comporte au moins trois voies, la faisabilité et l’opportunité de la conversion d’une voie en voie réservée au covoiturage et aux transports collectifs sont examinées au regard de la prévision de trafic routier établie.
« Les maires des communes concernées par un projet de service express régional métropolitain sont informés avant le déploiement du projet de service express régional métropolitain.
« Le statut de service express régional métropolitain est conféré par arrêté du ministre chargé des transports sur la base d’une proposition conjointe de la région et des autorités compétentes pour l’organisation de la mobilité contribuant au financement de ce service. Cette proposition, qui a lieu après la concertation prévue au septième alinéa du présent article, comprend une estimation des coûts d’investissement dans les infrastructures de transport et le matériel roulant et des futurs coûts d’exploitation, ainsi qu’une présentation des modalités de financement envisagées. Cette estimation peut prendre la forme d’un plan de financement des dépenses d’investissement, de fonctionnement et d’exploitation de ce service. Sont également étudiées les conditions garantissant l’interopérabilité des services d’information des voyageurs et de billettique. Le contrat opérationnel de mobilité prévu à l’article L. 1215-2, s’il n’a pas été signé à l’obtention du statut de service express régional métropolitain, est conclu dans un délai de six mois. Ce contrat permet une bonne coordination entre la région et les autorités compétentes pour l’organisation de la mobilité et des services de transport proposés par le service express régional métropolitain.
« Lorsque le contrat d’objectif départemental de sûreté dans les transports mentionné à l’article L. 1631-4 n’a pas été conclu dans les départements situés à l’intérieur du périmètre d’un service express régional métropolitain à la date de la publication de l’arrêté prévu à l’avant-dernier alinéa du présent article, le représentant de l’État dans le département réunit les autorités organisatrices de transports collectifs terrestres concernées et leurs exploitants, aux fins d’élaborer et de conclure ce contrat dans un délai d’un an suivant la publication dudit arrêté.
« Art. L. 1215-7. – Les circulations ferroviaires opérées dans le cadre des services express régionaux métropolitains mentionnés à l’article L. 1215-6 font l’objet d’une tarification spécifique s’agissant des redevances d’infrastructures liées à l’utilisation du réseau ferré national mentionnées à l’article L. 2111-24. Cette tarification spécifique est fixée dans le respect des modalités prévues à l’article L. 2111-25. »
II. – La présente loi a pour objectif la mise en place d’au moins dix services express régionaux métropolitains, dans un délai de dix ans à compter de sa promulgation.
Article 1er bis A
La deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 1231-5 du code des transports est ainsi rédigée : « Ce comité comprend notamment des représentants des organisations professionnelles d’employeurs, des représentants des organisations syndicales de salariés, des représentants des associations présentes sur le territoire, notamment les associations d’usagers ou d’habitants, ainsi que des habitants tirés au sort. »
Article 1er bis
La section 3 du chapitre V du titre Ier du livre II de la première partie du code des transports est complétée par un article L. 1215-8 ainsi rédigé :
« Art. L. 1215-8. – Pour la mise en œuvre de chaque projet de service express régional métropolitain défini à l’article L. 1215-6, les collectivités territoriales, les établissements publics, les sociétés, les groupements et les organismes dont l’objet concourt à la réalisation de ce projet de service et qui sont, dans ce cadre, maîtres d’ouvrage constituent un groupement d’intérêt public, dans les conditions prévues aux articles 98 à 102 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, ou une autre structure locale de coordination.
« Le groupement d’intérêt public ou la structure locale de coordination mentionné au premier alinéa du présent article s’assure de la cohérence des projets de service express régional métropolitain avec les schémas de planification territoriale régionaux et locaux mentionnés à l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales et à l’article L. 141-1 du code de l’urbanisme.
« Par dérogation aux articles 105 et 106 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 précitée, le groupement d’intérêt public prévu au premier alinéa du présent article est dirigé par un directoire qui exerce ses fonctions sous le contrôle d’un conseil de surveillance. Le directoire comprend trois à cinq membres nommés parmi les représentants des maîtres d’ouvrage. Les membres du conseil de surveillance sont désignés par les personnes morales concourant au financement du projet. Les missions du directoire et du conseil de surveillance sont fixées par la convention constitutive du groupement d’intérêt public.
« Le groupement ou la structure mentionné au premier alinéa du présent article veille à la bonne articulation des interventions de ses membres ainsi qu’au respect des coûts et du calendrier des projets d’infrastructures de transport dont il assure la maîtrise d’ouvrage dans le cadre de la mise en œuvre du projet de service express régional métropolitain.
« À cet effet, une convention est conclue, pour chaque projet de service express régional métropolitain, entre, d’une part, ce groupement ou cette structure et, d’autre part, l’État, les autorités organisatrices de la mobilité concernées ainsi que, lorsqu’ils participent au financement du projet, les collectivités territoriales ou les groupements de collectivités.
« Cette convention est conclue pour une durée de dix ans et actualisée tous les trois ans. Elle peut être renouvelée.
« Cette convention vise à assurer le suivi de la réalisation des infrastructures et ouvrages prévus dans le cadre du projet de service express régional métropolitain, conformément aux objectifs d’offre de services dudit projet. Elle détermine notamment :
« 1° Les objectifs de performance et de qualité fixés aux établissements publics, aux sociétés, aux groupements et aux organismes dont l’objet concourt à la réalisation du projet de service express régional métropolitain ;
« 2° Le calendrier de réalisation des infrastructures et ouvrages prévus dans le cadre du projet de service express régional métropolitain ;
« 3° La trajectoire financière des travaux nécessaires à la réalisation des infrastructures et ouvrages mentionnés au 2° du présent article ;
« 4° et 5° (Supprimés)
« 6° Les objectifs de sécurité de l’exploitation et d’interopérabilité des équipements projetés, ainsi que les moyens mis en œuvre pour atteindre ces objectifs.
« Le groupement d’intérêt public ou la structure locale de coordination mentionné au premier alinéa rend compte chaque année, dans un rapport d’activité public, du respect des objectifs et des engagements figurant dans la convention mentionnée au cinquième alinéa. Ce rapport d’activité est transmis à l’État et aux autorités organisatrices de la mobilité concernées par le projet de service express régional métropolitain ainsi que, le cas échéant, aux collectivités qui participent à son financement. »
Article 2
I. – A. – À la fin de la seconde phrase du second alinéa de l’article L. 2531-17 du code général des collectivités territoriales, les mots : « Société du Grand Paris » sont remplacés par les mots : « Société des grands projets ».
B. – Au 1° du 1 du D du II de l’article 1396, au V de l’article 1599 quater A bis, à la seconde phrase du IX de l’article 1599 quater C et au premier alinéa de l’article 1609 G du code général des impôts, les mots : « Société du Grand Paris » sont remplacés par les mots : « Société des grands projets ».
C. – À la fin du 4° du I de l’article L. 1241-2 et du premier alinéa de l’article L. 1241-4 du code des transports, les mots : « Société du Grand Paris » sont remplacés par les mots : « Société des grands projets ».
D. – Le k de l’article L. 213-1 et l’avant-dernier alinéa de l’article L. 240-2 du code de l’urbanisme sont ainsi modifiés :
1° La première occurrence des mots : « Société du Grand Paris » est remplacée par les mots : « Société des grands projets » ;
2° Les mots : « est confiée à la Société du Grand Paris en application de l’article 20-2 » sont remplacés par les mots : « lui est confiée en application des articles 20-2 et 20-3 ».
II. – La loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris est ainsi modifiée :
1° A À la dernière phrase du deuxième alinéa du I, à la fin de la première phrase du premier alinéa et au dernier alinéa du II, au premier alinéa du III et aux première et dernière phrases du second alinéa du V de l’article 3, les mots : « Société du Grand Paris » sont remplacés par les mots : « Société des grands projets » ;
1° B À la fin de la première phrase des premier et huitième alinéas, à l’avant-dernier alinéa et à la fin de la première phrase du dernier alinéa du III ainsi qu’aux première et seconde phrases du premier alinéa et aux première et dernière phrases du second alinéa du IV de l’article 3-1, les mots : « Société du Grand Paris » sont remplacés par les mots : « Société des grands projets » ;
1° C À l’intitulé du titre II, les mots : « Société du Grand Paris » sont remplacés par les mots : « Société des grands projets » ;
1° L’article 7 est ainsi modifié :
a) À la fin du I, les mots : « Société du Grand Paris » sont remplacés par les mots : « Société des grands projets » ;
b) Aux première et seconde phrases du premier alinéa du II, les mots : « Société du Grand Paris » sont remplacés par les mots : « Société des grands projets » ;
c) Le second alinéa du même II est ainsi modifié :
– les mots : « Société du Grand Paris » sont remplacés par les mots : « Société des grands projets » ;
– après le mot : « réseaux », sont insérés les mots : « et services » ;
– après le mot : « voyageurs », sont insérés les mots : « et de marchandises » ;
– les mots : « en Île-de-France » sont supprimés ;
– les mots : « et 20-2 » sont remplacés par les mots : « à 20-3 » ;
d) Aux III et IV, les mots : « Société du Grand Paris » sont remplacés par les mots : « Société des grands projets » ;
e) Au premier alinéa, aux première et seconde phrases du deuxième alinéa et aux cinq derniers alinéas du V, les mots : « Société du Grand Paris » sont remplacés par les mots : « Société des grands projets » ;
f) Au VI, aux premier et second alinéas du VI bis, au premier alinéa du VI ter, au VII et à la première phrase du VIII, les mots : « Société du Grand Paris » sont remplacés par les mots : « Société des grands projets » ;
1° bis L’article 8 est ainsi modifié :
a) Aux I et IV, à la deuxième phrase du VI et à la fin de la première phrase des premier et deuxième alinéas du VIII, les mots : « Société du Grand Paris » sont remplacés par les mots : « Société des grands projets » ;
b) À la première phrase du dernier alinéa du V, après le mot : « sujet », sont insérés les mots : « relatif au réseau de transport public du Grand Paris » ;
1° ter Au premier alinéa de l’article 9, les mots : « Société du Grand Paris » sont remplacés par les mots : « Société des grands projets » ;
1° quater Aux premier et dernier alinéas du I, au premier alinéa du II et au III de l’article 12, les mots : « Société du Grand Paris » sont remplacés par les mots : « Société des grands projets » ;
1° quinquies À la fin de la deuxième phrase de l’article 13, les mots : « Société du Grand Paris » sont remplacés par les mots : « Société des grands projets » ;
1° sexies L’article 14 est ainsi modifié :
a) Les mots : « “Société du Grand Paris” est dissout » sont remplacés par les mots : « “Société des grands projets” est dissous » ;
b) Sont ajoutés les mots : « et les titres III et III bis » ;
1° septies Au premier alinéa de l’article 15, les mots : « Société du Grand Paris » sont remplacés par les mots : « Société des grands projets » ;
1° octies À l’article 16, les deux occurrences des mots : « Société du Grand Paris » sont remplacées par les mots : « Société des grands projets » ;
1° nonies À la fin du I, à la seconde phrase du second alinéa du II, au premier alinéa et à la seconde phrase du second alinéa du III et au IV de l’article 17, les mots : « Société du Grand Paris » sont remplacés par les mots : « Société des grands projets » ;
1° decies À la première phrase des premier, deuxième et dernier alinéas de l’article 18, les mots : « Société du Grand Paris » sont remplacés par les mots : « Société des grands projets » ;
1° undecies À la première phrase du premier alinéa de l’article 19, les mots : « Société du Grand Paris » sont remplacés par les mots : « Société des grands projets » ;
2° L’article 20 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa du I est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « à l’article 7 » sont remplacés par les mots : « au II de l’article 7, à l’exception de ceux résultant des missions exercées au titre de l’article 20-3, » ;
– à la seconde phrase, les mots : « Société du Grand Paris » sont remplacés par les mots : « Société des grands projets » ;
b) Au dernier alinéa du même I, à la seconde phrase du premier alinéa et à la première phrase du second alinéa du I bis, à la deuxième phrase du premier alinéa et à la première phrase du second alinéa du I ter et à la première phrase du II, les mots : « Société du Grand Paris » sont remplacés par les mots : « Société des grands projets » ;
2° bis Aux premier et avant-dernier alinéas de l’article 20-1, les mots : « Société du Grand Paris » sont remplacés par les mots : « Société des grands projets » ;
2° ter À la première phrase du premier alinéa, à la seconde phrase du deuxième alinéa, aux deuxième et troisième phrases du troisième alinéa, à la deuxième phrase du quatrième alinéa, à la première phrase de l’avant-dernier alinéa et au dernier alinéa de l’article 20-2, les mots : « Société du Grand Paris » sont remplacés par les mots : « Société des grands projets » ;
3° Le titre III bis est complété par un article 20-3 ainsi rédigé :
« Art. 20-3. – I. – A. – L’établissement public Société des grands projets ou ses filiales peuvent participer à l’élaboration des propositions de service express régional métropolitain mentionné à l’article L. 1215-6 du code des transports, sur décision du ministre chargé des transports, à la demande de la région et des autorités compétentes pour l’organisation de la mobilité contribuant au financement de ce service, conjointement avec SNCF Réseau et sa filiale mentionnée au 5° de l’article L. 2111-9 du même code pour les infrastructures et les ouvrages mentionnés aux 1° et 2° du A bis du présent I.
« A bis. – L’établissement public Société des grands projets ou ses filiales peuvent être désignés maîtres d’ouvrage des infrastructures de transport nécessaires à la mise en œuvre des services express régionaux métropolitains et situées à l’intérieur du périmètre de ces services, dans les cas et selon les modalités suivants :
« 1° Par arrêté du ministre chargé des transports, à la demande de la région et des autorités compétentes pour l’organisation de la mobilité concernées, pour des infrastructures nouvelles du réseau ferré national et des nouveaux pôles d’échanges multimodaux et gares de voyageurs, y compris connexes à une gare existante, dans les conditions prévues à l’article L. 2111-13 du code des transports. Cette possibilité exclut les ouvrages portant sur les infrastructures et les installations de service en exploitation, notamment les pôles d’échanges multimodaux et gares de voyageurs en exploitation ;
« 2° Par arrêté du ministre chargé des transports, à la demande de la région et des autorités compétentes pour l’organisation de la mobilité concernées, pour des lignes ferroviaires ou des sections de ligne ferroviaire n’ayant pas été utilisées, sauf à titre occasionnel, par des services de transport de fret ou de voyageurs au cours des cinq années précédant la publication de cet arrêté, dans les conditions prévues au même article L. 2111-13 ;
« 3° Par les collectivités territoriales ou leurs groupements compétents, pour des projets de création ou d’extension d’infrastructures de transport public urbain ou périurbain de personnes prévoyant au moins une correspondance avec l’une des lignes de transports publics du service express régional métropolitain ;
« 3° bis (nouveau) Par les collectivités territoriales ou leurs groupements compétents, pour les nouveaux ateliers de maintenance du matériel roulant ferroviaire, dans les conditions prévues à l’article L. 2111-13 du code des transports ;
« 4° Par les collectivités territoriales ou leurs groupements compétents, pour les lignes ferroviaires dont la propriété ou la gestion leur a été transférée en application, respectivement, de l’article L. 3114-1 du code général de la propriété des personnes publiques ou des articles L. 2111-1-1 et L. 2111-9-1-A du code des transports.
« A ter. – Les biens de toute nature, immobiliers et mobiliers, nécessaires à la réalisation des ouvrages pour lesquels l’établissement public Société des grands projets est désigné maître d’ouvrage en application des 1° et 2° du A bis du présent I sont acquis par l’établissement public Société des grands projets ou ses filiales au nom et pour le compte de l’État, le cas échéant par voie d’expropriation ou de préemption. Les terrains d’emprise et les biens ainsi acquis sont réputés être remis à l’établissement public Société des grands projets ou à sa filiale compétente en vue de l’exercice de leurs missions de maîtrise d’ouvrage.
« Il en est de même des droits et obligations de toute nature se rattachant à ces biens.
« À l’achèvement des ouvrages mentionnés au 2° de l’article L. 2111-13 du code des transports, et dans les conditions définies au même article L. 2111-13, les infrastructures de lignes, les gares de voyageurs, les pôles d’échanges multimodaux ainsi que les biens et droits immobiliers de toute nature déterminés par convention en application du 2° bis dudit article L. 2111-13 sont attribués par l’État, à titre gratuit, à SNCF Réseau et à sa filiale mentionnée au 5° de l’article L. 2111-9 du même code, qui les gèrent dans les conditions prévues au même article L. 2111-9 et aux articles L. 2111-20 à L. 2111-22 dudit code, à l’exception du second alinéa du II de l’article L. 2111-20 du même code. Les lignes supportant les infrastructures créées sont incorporées au réseau ferré national.
« Lorsqu’ils ne sont plus nécessaires aux missions de maître d’ouvrage de l’établissement public Société des grands projets ou de ses filiales, l’ensemble des droits et obligations contractés par l’établissement public Société des grands projets ou par ses filiales au titre de la réalisation des biens immobiliers et mobiliers attribués à SNCF Réseau et à sa filiale mentionnée au 5° de l’article L. 2111-9 du même code en application du troisième alinéa du présent A ter sont transférés respectivement à SNCF Réseau et à sa filiale mentionnée au 5° de l’article L. 2111-9 du code des transports, à l’exception :
« 1° Des droits et des obligations liés aux emprunts contractés pour la réalisation des biens concernés ;
« 2° Des droits et des obligations liés aux contrats de travail conclus par l’établissement public Société des grands projets ou par ses filiales ;
« 3° Des contentieux existant à la date du transfert ;
« 4° Des réclamations, litiges, garanties sauf décennales, actions amiables ainsi que des actions en justice exercées après le transfert par les cocontractants de l’établissement public Société des grands projets ou de ses filiales ou par leurs sous-traitants au titre de faits juridiques, d’actes juridiques ou d’événements antérieurs au transfert qui relèvent de l’établissement public Société des grands projets ou de ses filiales.
« Les modalités d’intervention de la Société des grands projets sur les infrastructures mentionnées aux 3°, 3° bis et 4° du A bis du présent I et les conditions de remise, y compris à titre gratuit, des ouvrages réalisés en application des mêmes 3°, 3° bis et 4° font l’objet d’une convention entre la Société des grands projets et les collectivités territoriales ou leurs groupements qui l’ont désignée maître d’ouvrage.
« B. – L’établissement public Société des grands projets ou ses filiales peuvent également participer au financement des projets de création, d’extension, d’amélioration ou de modernisation d’infrastructures de transport entrant dans le périmètre d’un service express régional métropolitain.
« II. – Lorsque l’établissement public Société des grands projets crée des filiales ou prend des participations dans des sociétés, des groupements ou des organismes dont l’objet concourt à la réalisation des missions définies au I, il peut participer à la coordination d’ensemble de la réalisation des infrastructures mentionnées au même I, selon des modalités définies, pour chaque service express régional métropolitain, dans les conditions prévues à l’article L. 1215-8 du code des transports. Lorsque l’établissement public Société des grands projets ou ses filiales participent au financement des projets mentionnés au B du I du présent article, cet établissement ou ses filiales veillent au respect des objectifs de coût et du calendrier des projets qu’ils financent dans les conditions prévues à l’article L. 1215-8 du code des transports. » ;
4° Après le même titre III bis, il est inséré un titre III ter ainsi rédigé :
« TITRE III TER
« RÈGLES DE FINANCEMENT DES INVESTISSEMENTS
« Art. 20-4. – I. – Nonobstant toute disposition contraire, la Société des grands projets peut contracter des emprunts et émettre des titres de créance, y compris des emprunts et titres dont le terme est supérieur à douze mois. Le produit de ces emprunts est affecté aux dépenses relatives à l’exécution de ses missions.
« II. – Avant le 1er octobre de chaque année, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif à l’évolution des dépenses et des moyens financiers et humains de la Société des grands projets.
« Au titre des missions de l’établissement public Société des grands projets en Île-de-France, ce rapport détaille notamment les prévisions des coûts de réalisation du projet, des impositions de toutes natures affectées à l’établissement public et plafonnées en application de l’article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 ainsi que de l’encours en principal des emprunts contractés par l’établissement public. Il présente les mesures mises en œuvre afin que cet encours ne dépasse pas un plafond de 39 milliards d’euros. Il rend également compte de l’utilisation par la Société des grands projets des emprunts contractés auprès de la Banque européenne d’investissement et des prêts sur fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations. Il présente par ailleurs les évolutions des effectifs propres de la Société des grands projets.
« Au titre des missions de l’établissement public Société des grands projets relatives aux projets de service express régional métropolitain et pour chacun d’entre eux, ce rapport rend également compte de l’exposition financière de la Société des grands projets et du respect de l’échéance de remboursement des éventuels emprunts contractés par la Société des grands projets ou par ses filiales au titre de ces projets, au plus tard cinquante ans après leur mise en service, compte tenu des recettes et des produits supplémentaires correspondants. Il présente, le cas échéant, les mesures mises en œuvre afin que cette échéance soit respectée. Le rapport rend également compte de la capacité de la Société des grands projets à conduire les projets de service express régional métropolitain au regard de ses effectifs et du recours à des prestataires externes.
« III. – Toute contribution supplémentaire mise à la charge de la Société des grands projets au titre de l’article 20-1 de la présente loi est compensée par une augmentation des ressources de l’établissement d’un même montant afin de garantir une stricte neutralité sur l’équilibre financier pluriannuel de la Société des grands projets.
« IV. – Le produit des impositions de toutes natures qui sont, à la date de la promulgation de la loi n° … du … relative aux services express régionaux métropolitains, affectées à la Société des grands projets est exclusivement utilisé par celle-ci pour les dépenses concourant à l’accomplissement de ses missions en Île-de-France, y compris celles exposées pour contracter, rémunérer et amortir les emprunts les finançant, au prorata de leur usage à cet effet. » ;
5° Au dernier alinéa du II de l’article 21, les mots : « Société du Grand Paris » sont remplacés par les mots : « Société des grands projets » ;
6° Au dernier alinéa de l’article 22, les mots : « Société du Grand Paris » sont remplacés par les mots : « Société des grands projets ».
III. – Nonobstant toute disposition ou stipulation contraire, les dispositions du présent article modifiant les missions et la dénomination de la Société du Grand Paris sont opposables de plein droit aux tiers, sans qu’il soit besoin d’aucun accord ou formalité. Elles n’entraînent ni la résiliation des contrats conclus par la Société du Grand Paris en cours d’exécution, ni la modification de l’une de leurs clauses, ni, le cas échéant, le remboursement anticipé des obligations ou des autres titres de créance ou de financement qui en sont l’objet.
IV. – Les I et II de l’article 167 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 sont abrogés.
Article 2 bis AA
Après le 4° de l’article L. 2111-10 du code des transports, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le programme triennal des investissements de SNCF Réseau est annexé au contrat mentionné au premier alinéa du présent article et révisé à chaque actualisation du contrat. Il fixe notamment le programme triennal des investissements consacrés à la régénération du réseau, à sa modernisation et à son développement, dont son électrification, y compris en matière de services express régionaux métropolitains. »
Articles 2 bis AB et 2 bis A
(Supprimés)
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Article 2 bis
(Supprimé)
Article 3
Après la sous-section 1 de la section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la deuxième partie du code des transports, est insérée une sous-section 1 bis ainsi rédigée :
« Sous-section 1 bis
« Maîtrise d’ouvrage des infrastructures nécessaires aux services express régionaux métropolitains
« Art. L. 2111-13. – Lorsque la maîtrise d’ouvrage d’infrastructures nécessaires à la mise en œuvre des services express régionaux métropolitains mentionnés à l’article L. 1215-6 est confiée, en application de l’article 20-3 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, à l’établissement public Société des grands projets ou à sa filiale compétente par le ministre chargé des transports, une convention entre l’établissement public Société des grands projets ou sa filiale compétente et SNCF Réseau et, le cas échéant, sa filiale mentionnée au 5° de l’article L. 2111-9 du présent code détermine :
« 1° Le programme et l’étendue des opérations à réaliser ;
« 2° La liste des ouvrages construits sous la responsabilité de l’établissement public Société des grands projets qui seront remis à SNCF Réseau ou à sa filiale mentionnée au même 5° ainsi que les modalités de cette remise ;
« 2° bis La liste des biens et droits immobiliers de toute nature acquis par l’établissement public Société des grands projets et qui seront attribués par l’État à SNCF Réseau ou à sa filiale mentionnée audit 5° ;
« 3° Les spécifications techniques pour la réalisation des ouvrages destinés à être incorporés au réseau ferré national et pour la réalisation des gares de voyageurs et des pôles d’échange multimodaux ;
« 4° Les modalités de coordination des différents maîtres d’ouvrage ;
« 5° Les conditions et les délais dans lesquels les avis de SNCF Réseau ou, le cas échéant, de sa filiale mentionnée au même 5° sont requis avant l’approbation de chaque étape technique du projet.
« Cette convention ne peut pas déroger aux règles d’équilibre financier qui sont applicables à ses différents signataires.
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »
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Article 3 quater
Une conférence nationale de financement des services express régionaux métropolitains est organisée avant le 30 juin 2024, afin de débattre des solutions à mettre en œuvre pour assurer un financement pérenne des dépenses d’investissement et de fonctionnement de ces services. Cette conférence examine notamment les évolutions des ressources fiscales et financières des collectivités territoriales pour assurer le fonctionnement de l’exploitation des services express régionaux métropolitains. Y sont notamment représentés l’État, les conseils régionaux, les conseils métropolitains, les associations nationales de collectivités territoriales et de leurs groupements, SNCF Réseau, la Société des grands projets, les entreprises et les opérateurs publics de transport public routier et ferroviaire urbain et interurbain ayant une activité en France et les associations nationales d’usagers des transports.
TITRE II
SIMPLIFICATION ET ACCÉLÉRATION
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Article 5 ter AA
L’article 3-1 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 précitée est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa du I est ainsi modifié :
a) Après le mot : « territoriales », le signe : « , » est remplacé par le mot : « et » ;
b) Après les mots : « d’aménagement », sont insérés les mots : « dont le territoire est directement concerné par la modification » ;
c) Les mots : « , du syndicat mixte Paris-Métropole, » sont remplacés par le mot : « et » ;
d) Les mots : « et de l’atelier international du Grand Paris » sont supprimés ;
2° Le III est ainsi modifié :
a) À la première phrase du huitième alinéa, les mots : « d’Île-de-France » sont remplacés par les mots : « des départements d’Île-de-France dont le territoire est directement concerné par la modification » ;
b) La première phrase du dernier alinéa est ainsi modifiée :
– les mots : « les départements d’Île-de-France, les communes, » sont remplacés par les mots : « les collectivités territoriales et » ;
– après le mot : « aménagement », le signe : « , » est remplacé par les mots : « dont le territoire est directement concerné par la modification ainsi que » ;
– les mots : « , le syndicat mixte Paris-Métropole ainsi que l’atelier international du Grand Paris » sont supprimés.
Article 5 ter AB
Le troisième alinéa de l’article 4 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 précitée est complété par les mots : « ou sa modification ».
Article 5 ter A
La section 3 du chapitre V du titre Ier du livre II de la première partie du code des transports est complétée par un article L. 1215-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 1215-9. – Les travaux de création d’infrastructures prévues dans le cadre des services express régionaux métropolitains sont déclarés d’utilité publique par décret en Conseil d’État, dès lors qu’ils satisfont à des conditions définies par voie réglementaire tenant compte de la nature des travaux et de leur montant prévisionnel. Ces travaux constituent, à compter de la date de publication du décret en Conseil d’État, un projet d’intérêt général au sens de l’article L. 102-1 du code de l’urbanisme. »
TITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES
Article 5 ter
Avant le 31 décembre 2023, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’application de l’article 8 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités permettant aux communautés de communes de se voir transférer la compétence d’autorité organisatrice de la mobilité.
Ce rapport précise, tant à l’échelon national que dans chaque région, le nombre de communautés de communes auxquelles la compétence d’autorité organisatrice de la mobilité a été transférée. Il évalue l’opportunité d’une réouverture temporaire de la possibilité pour les communautés de communes de se voir transférer la compétence d’autorité organisatrice de la mobilité.
Ce rapport recense également les territoires pour lesquels les autorités organisatrices de la mobilité sont dépourvues de versement destiné au financement des services de mobilité et évalue l’opportunité de la création d’une dotation spécifique pour le financement des mobilités en zone peu densément peuplée.
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Article 5 quinquies A
(Supprimé)
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Article 5 sexies
(Supprimé)
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Mme la présidente. Nous allons maintenant examiner les amendements déposés par le Gouvernement.
article 1er bis
Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
il assure
par les mots :
ils assurent
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Clément Beaune, ministre délégué. Cet amendement vise à corriger une erreur rédactionnelle.
Nous souhaitons que soient correctement désignés les membres du groupement d’intérêt public ou de la structure de coordination comme maîtres d’ouvrage des projets d’infrastructure constituant le Serm.
Je précise qu’un amendement identique a été adopté par vos collègues députés lors de l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire à l’Assemblée nationale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Tabarot, rapporteur. Avis favorable sur cet amendement très opportun.
Mme la présidente. L’amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer la date :
31 décembre 2023
par la date :
30 juin 2024
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Clément Beaune, ministre délégué. Cet amendement vise à reporter la date de remise d’un rapport au Parlement.
L’article 5 ter, tel qu’il ressort des travaux de la commission mixte paritaire, prévoit la remise d’un rapport au 31 décembre 2023. Puisque nous sommes déjà le 18 décembre, chacun conviendra que, même si le Gouvernement faisait preuve de beaucoup de célérité et fournissait de grands efforts, y compris durant les fêtes, il lui serait très difficile de respecter un tel délai.
Pour les services de mon ministère, qui ne rechignent pourtant pas à la tâche, il serait plus raisonnable de prévoir une date de remise au 30 juin 2024.
Je le dis par anticipation – parce que la question m’a été posée par vos collègues députés – : cela ne signifie pas que nous enjamberions la conférence de financement. Je m’engage au contraire à ce que le rapport soit remis au Parlement avant la tenue de cette conférence, car j’ai bien conscience que celui-ci pourrait éclairer utilement ses travaux. Il ne s’agit que d’une date butoir, de telle sorte que, si vous l’acceptez, le Gouvernement dispose d’un peu plus de temps pour travailler.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Tabarot, rapporteur. Avis favorable sur cet amendement pragmatique.
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement, l’ensemble de la proposition de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à M. Didier Mandelli, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. Didier Mandelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au mois de novembre 2022, le Président de la République s’était engagé à créer dix RER métropolitains.
Cet engagement n’est pas sans rappeler les ambitions affichées par la LOM, promulguée à la fin de 2019, voilà déjà quatre ans : désaturation des villes et de leurs accès, réduction des inégalités territoriales, amélioration des liaisons entre les territoires ruraux ou périurbains et les pôles urbains, des offres de déplacements du quotidien, ainsi que de l’accessibilité des villes moyennes et des territoires mal connectés aux métropoles.
En 2019, M. Jean-Baptiste Djebbari, alors secrétaire d’État chargé des transports, affirmait déjà la volonté du Gouvernement de « doter les métropoles de liaisons transversales rapides, fréquentes et interconnectées ».
Aussi la présente proposition de loi vise-t-elle à accélérer les projets et la réalisation rapide de ces services express régionaux métropolitains. Une nouvelle fois, le Parlement vient au secours du Gouvernement pour aider à concrétiser les annonces du Président de la République…
En première lecture, grâce à l’excellent travail du tout aussi excellent rapporteur Philippe Tabarot, nous avons modifié ce texte sur plusieurs points essentiels.
Sans être exhaustifs, nous avons notamment rendu systématique l’inclusion d’une offre de cars express et de réseaux cyclables au profit des territoires les plus éloignés du centre des métropoles. Parallèlement au renforcement des dessertes ferroviaires, il est indispensable d’offrir aux usagers une offre multimodale de transports collectifs publics.
Nous avons également renforcé le rôle des collectivités territoriales. On ne saurait trop le répéter, il n’existe pas de modèle unique que nous pourrions dupliquer : les Serm doivent être pensés à l’échelle de chacun des territoires concernés, et ils ne se développeront pas sans l’engagement fort des acteurs locaux.
Ainsi que cela a été souligné à plusieurs reprises, ces derniers n’ont d’ailleurs pas attendu ce texte pour commencer de beaux projets, dont beaucoup peinent malheureusement à aboutir faute de financement. Forts de ce constat, sur l’initiative du rapporteur, nous avons prévu l’organisation d’une conférence nationale de financement d’ici au 30 juin 2024.
Monsieur le ministre, vous avez rappelé dans cet hémicycle que la Première ministre s’était engagée à augmenter de 50 % les financements du ferroviaire d’ici à 2027. Vous avez également affirmé vouloir réduire « significativement la part consacrée aux routes pour augmenter massivement celle du ferroviaire et des transports publics. »
Vous avez annoncé que l’État attribuerait une somme de 767 millions d’euros pour la seule réalisation des études, en souhaitant que les régions s’engagent à financer cette première étape au même niveau. Sans autre précision, vous avez indiqué que les collectivités pourraient mobiliser des recettes fiscales spécifiques. Mais aucun de vos engagements n’est en rapport avec la somme de 13 milliards d’euros qu’en juillet 2022, Jean-Pierre Farandou estimait nécessaire pour mettre en place de ces mêmes RER. Ces déclarations confirment la nécessité d’une conférence nationale de financement.
Nous avons adopté à l’unanimité un texte remanié en ce sens le 23 octobre dernier. Je me réjouis qu’un accord conservant largement les apports du Sénat et réservant donc une place à l’excellent travail de notre rapporteur Philippe Tabarot ait pu depuis être trouvé en commission mixte paritaire.
Les Serm constituent un premier pas vers les nouvelles mobilités. Il reste désormais à trouver le modèle adapté à chaque territoire, et surtout à les financer. Nous suivrons donc avec une attention particulière la conférence nationale de financement à venir. Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Merci ! au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Louis Vogel, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Louis Vogel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous nous apprêtons à voter répond à plusieurs enjeux très actuels.
La mobilité d’abord, bien sûr : le texte permet à nos concitoyens de trouver un transport en commun régulier, facilement accessible et fiable à destination des métropoles.
La transition écologique, ensuite : comme le ministre l’a rappelé, le secteur des transports est central à cet égard. En permettant de réduire l’usage de la voiture, les Serm répondent à la fois à l’objectif de décarboner les transports et aux problématiques propres aux territoires.
Celles-ci sont nombreuses : lutter contre l’artificialisation des sols, faire en sorte que nos transitions s’inscrivent dans un aménagement du territoire écologiquement et socialement plus juste, permettre une offre de transports dans des territoires aux spécificités très différentes. En l’occurrence, le ferroviaire offre une solution extrêmement intéressante.
Avant d’aller plus loin, je souhaite saluer le travail effectué par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, et particulièrement par son rapporteur. Plus largement, je salue le travail réalisé par les deux assemblées, qui sont au rendez-vous des sujets structurants pour notre société.
En première lecture, notre groupe avait soulevé plusieurs points, sur lesquels je souhaite revenir rapidement, car ils sont indissociables, à notre avis, du succès des Serm.
Tout d’abord, même si nous travaillons dans le sens de solutions pragmatiques, je tiens à dire que les financements et les investissements nécessaires restent à trouver, comme le rapporteur l’a indiqué : sans argent, pas de projet. Notre groupe a défendu tout au long de l’examen du projet de loi de finances pour 2024 l’idée que les Serm supposeront évidemment des financements publics et privés, qui devront être bien orientés.
Des solutions pérennes sont essentielles, comme la transformation des ressources fiscales et financières des collectivités territoriales.
À ce titre, je salue la création de la conférence nationale de financement des Serm, qui est fondamentale, ainsi que la précision de ses missions lors de la commission mixte paritaire. C’est un pas en avant très important.
Nous avons également soulevé des questions plus techniques. En première lecture, nous avions exprimé nos inquiétudes concernant les sillons ferroviaires déjà exploités au maximum de leurs capacités. C’est un élément dont dépend la réussite du projet dans son ensemble.
En outre, certains sénateurs de notre groupe ont défendu des amendements visant en particulier à organiser les Serm entre plusieurs métropoles, ce qui semble relever du bon sens.
Les Serm constituent également une chance pour relever le défi de l’intermodalité et donnent un vrai coup d’accélérateur aux liaisons entre banlieues et centres-villes, afin de faciliter les trajets domicile-travail.
Dans cette logique structurante, il conviendra de cibler la desserte de certaines gares RER et Transilien pour assurer la connexion entre le rail et la route, qui relèvera du ressort de la SGP, de SNCF Réseau et de la région. Toutes ces actions devront être coordonnées afin de répondre à un objectif d’ensemble.
Enfin, je veux évoquer la place des collectivités et des élus locaux. Comme nous avons l’habitude de le répéter dans notre groupe, les acteurs de terrains sont le plus à même de régler les problèmes de terrain. Nous avons bien pris note de la volonté du Président de la République de développer ces services de mobilité de manière décentralisée, et nous souscrivons à ces objectifs. Le groupe Les Indépendants votera donc en faveur du texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Jacques Fernique applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Dhersin, pour le groupe Union Centriste.
M. Franck Dhersin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis une nouvelle fois très heureux d’exposer la position de notre groupe politique sur cette proposition de loi relative aux services express métropolitains, déposée par notre collègue député Jean-Marc Zulesi.
Je ne ferai pas durer le suspense : notre groupe est plus que favorable à une telle évolution législative.
Comme je l’avais déjà exposé voilà quelques semaines en première lecture, cette proposition de loi offre tout simplement l’occasion unique de faire bénéficier la Société des grands projets du retour sur expérience absolument formidable accumulé par la Société du Grand Paris dans le cadre du Grand Paris Express.
Peu de pays, de métropoles et même d’entreprises peuvent se prévaloir d’avoir mené de front la construction de quatre nouvelles lignes de métro et le prolongement de deux d’entre elles, pour un total de quasiment 200 kilomètres de nouvelles lignes.
Alors que les chantiers du Grand Paris Express tournent à plein régime et que certains touchent même bientôt à leur fin, il me semble que cette proposition de loi arrive au bon moment. Cette évolution législative permettra à la SGP de dépasser son statut initial, d’utiliser son expérience, afin que les grandes métropoles françaises bénéficient du même savoir-faire que celui dont bénéficieront bientôt – j’en suis convaincu – les Franciliens.
En outre, cette évolution permettra de sécuriser les carrières des collaborateurs de la SGP, qui pourront poursuivre ce grand dessein écologique que constitue le développement de transports publics efficaces aux quatre coins de l’Hexagone.
Je suis convaincu que le développement des services express métropolitains peut rapidement prendre une ampleur importante, à condition de réunir plusieurs prérequis essentiels.
Au sein des groupements d’intérêt public (GIP) locaux qui piloteront le développement des Serm, le dialogue constant et le travail en bonne intelligence entre tous les acteurs seront primordiaux. Je fais confiance à la SGP et à SNCF Réseau pour mettre en commun leurs forces mutuelles et pour créer les synergies à même de déployer le plus efficacement possible des solutions de transports efficaces.
En outre, le législateur a souhaité confier, à juste titre, le pilotage de ces groupements d’intérêt public aux collectivités locales, en l’occurrence aux métropoles ou aux régions.
Il faudra donc, toujours en s’inspirant de l’expérience du Grand Paris, que les opérateurs publics que sont la SGP et SNCF Réseau fassent preuve d’une transparence totale et d’une fluidité absolue dans leurs échanges avec les collectivités à la tête des projets.
Si nous voulons que les Serm soient un succès, comment ne pas à nouveau évoquer le sujet du financement ? Monsieur le ministre, notre collègue Philippe Tabarot l’a très bien rappelé à de nombreuses reprises ces dernières semaines : la question du financement n’est pas traitée avec sérieux depuis le début de l’examen de ce texte. De manière plus générale, elle ne l’est pas non plus depuis plusieurs années dans le débat relatif au financement des autorités organisatrices de la mobilité (AOM).
Comment voulez-vous que les collectivités s’engagent dans des projets dont les financements s’étaleront sur plusieurs dizaines d’années et dont l’exploitation nécessitera des sommes colossales, alors qu’elles n’ont pas la moindre visibilité à l’heure actuelle des ressources que l’État leur permettra de mobiliser ?
Si le Gouvernement veut bel et bien donner aux AOM et donc aux collectivités la compétence de construire des réseaux de transports ambitieux, il est non seulement nécessaire, mais indispensable de permettre à ces collectivités soit de percevoir des ressources déjà existantes, soit de lever en propre de nouvelles ressources.
Je me réjouis par avance de l’application de l’article ajouté par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, sur l’initiative de son rapporteur, pour prévoir l’organisation d’une conférence du financement des Serm d’ici à la fin du mois de juin 2024. Ce point, je le sais, fait l’unanimité.
Nous parlons du financement des infrastructures et de l’exploitation par les collectivités, mais il semblerait, monsieur le ministre, qu’il existe également un problème de financement de l’opérateur SGP. Nous avons eu vent du fait que le plafond d’emplois appliqué à la SGP en tant qu’opérateur de l’État ne serait pas ou peu relevé, alors même que le législateur élargit considérablement le cadre de ses missions.
Je suis sûr, monsieur le ministre, que vous conviendrez sans peine que si ce plafond d’emplois n’était pas relevé dans la version finale du projet de loi de finances pour 2024, cela susciterait une incompréhension totale chez les parlementaires.
Certes, le Grand Paris Express sera progressivement livré, ce qui libérera des emplois. Mais, dans l’intervalle de temps qui nous sépare de ces livraisons, les études préparatoires des Serm vont avoir lieu, notamment au moyen des fonds alloués dans le cadre des contrats de plan État-région. Ces études mobiliseront nécessairement la SGP, alors même que la livraison des ouvrages du Grand Paris nécessitera la plus grande attention de ses collaborateurs.
L’État ne peut pas donner son aval au Parlement pour modifier les attributions de la SGP sans accorder à cette dernière les moyens de faire face à ses nouvelles missions : cela n’aurait aucun sens. Je suis convaincu que cet avis est tout à fait partagé par le Gouvernement et que nous trouverons très vite une solution à ce problème.
Une fois donc ces non minces obstacles surmontés, il sera temps pour tous les acteurs de se mettre au travail, afin d’offrir à nos grandes métropoles des réseaux de transport répondant aux meilleurs standards mondiaux. Notre pays est une grande nation de transports, et nous disposons d’acteurs absolument remarquables dans ce secteur. Je n’ai aucun doute qu’ils auront tous à cœur, comme le législateur, d’envisager ces Serm comme un grand dessein national industriel et écologique.
Mme la présidente. Je salue les nombreux enfants présents en tribune. (Applaudissements.)
La parole est à M. Jacques Fernique, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
M. Jacques Fernique. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’objectif de cette proposition de loi engagée par Jean-Marc Zulesi est de contribuer à un essor puissant des mobilités durables du quotidien.
Cet essor puissant ne correspond pas à une volonté nouvelle, mais a déjà connu des annonces et des échecs. Dès 1995, l’idée de RER en province surgit, mais elle est vite reléguée par d’autres priorités à grande vitesse. En 2007, le Grenelle de l’environnement fixait comme objectif que la part modale du ferroviaire atteigne 20 % du volume des transports en 2020. Cette trajectoire et cet objectif ont été largement manqués.
L’idée a ressurgi en 2018, dans le premier rapport du Conseil d’orientation des infrastructures (COI), dirigé par Philippe Duron. Elle a ensuite été reprise dans la LOM en 2019, avant que le Président de la République n’annonce l’an dernier un déploiement du réseau pour dix métropoles et que le dernier rapport du COI ne précise cette ambition au cœur de ses recommandations.
Des intentions, des annonces, mais qu’en est-il concrètement ? Aujourd’hui, une dizaine de projets sont identifiés, en net retard par rapport à une bonne partie de l’Europe. Nombre de ces projets n’avancent pas vraiment clairement : seules ressortent les exceptions du Léman Express dans l’espace transfrontalier suisse, du RER métropolitain de Bordeaux, ainsi que de Strasbourg, où le réseau express métropolitain européen a montré autant les embûches et les nettes difficultés posées par la modernisation d’un nœud ferroviaire complexe que les progrès qui y sont possibles, avec, somme toute, une très forte augmentation du nombre des dessertes.
Avec cette proposition de loi, nous avons enfin un texte utile pour faciliter les Serm et leur donner de la cohérence. Cette ambition est tout simplement d’en finir avec la logique selon laquelle 90 % des déplacements compris entre 10 kilomètres et 80 kilomètres sont réalisés en voiture, la plupart du temps seul. Pour nos concitoyens résidant hors de l’Île-de-France, à peine 2 % des kilomètres parcourus chaque année le sont en TER. Il faut changer la donne, ou alors il devient inutile de parler de décarbonation ou de sobriété énergétique des transports.
Nos grands bassins de transport sortiront de la mobilité subie du tout-voiture lorsque l’offre de TER, de transports publics et de cars express sera attractive, parce qu’elle sera continue, cadencée et bien connectée avec les mobilités durables de rabattement de premier et de dernier kilomètre que sont le vélo, le covoiturage et l’autopartage. C’est ce développement qu’il faut réussir.
La présente proposition de loi est le fruit d’un travail riche et transpartisan entre les deux chambres. Elle résulte aussi de nombreux échanges avec les élus locaux, les métropoles, la Société du Grand Paris, la SNCF, auxquels j’ai voulu contribuer en organisant un colloque à ce sujet au Sénat.
Le travail accompli par la commission lors de l’examen du texte a été positif. Les ajustements de convergence, lors de la commission mixte paritaire, ont été constructifs. Je salue à cet égard notre collègue Philippe Tabarot et son homologue de l’Assemblée nationale, Jean-Marc Zulesi.
Le texte comprend des dispositions innovantes et pertinentes pour permettre le déploiement des Serm, garantir leur maillage territorial et la multimodalité, y intégrer de façon cohérente les réseaux des différents modes de transport et assurer leur gouvernance. Il tire parti de l’expérience de la Société du Grand Paris, notamment de sa faculté à mobiliser les taxes affectées et à capter une part de la rente foncière profitant de l’attractivité dégagée.
Il est déterminant pour l’avenir que les « réseaux cyclables » aient été placés dans le corps de l’article 1er avant et non après les « cas échéants » énumérés, car ils sont, avec les bus et les cars express, des accélérateurs d’intermodalité et de décarbonation. Grâce à l’interopérabilité billettique, et à condition de diffuser l’information auprès des voyageurs, l’on renforcera la fluidité à laquelle aspirent les usagers.
Notre groupe est satisfait de la mention claire du caractère « gratuit » de la remise des nouvelles infrastructures à SNCF Réseau. Nous espérons que la question des péages ferroviaires sera effectivement reconsidérée, afin que ceux-ci ne freinent pas le développement des Serm, sans compromettre pour autant les moyens de régénérer et de moderniser le réseau ferré.
Par contre, nous n’approuvons pas l’article 5 ter A, qui a pour conséquence d’imputer les consommations foncières résultant des Serm au forfait national des projets d’intérêt général exempté de l’objectif du « zéro artificialisation nette » (ZAN). Cela nous semble contre-productif, car ces projets d’intérêt régional ont leur place dans le forfait régional !
Reste la lourde incertitude du financement. Bien sûr, une proposition de loi ne peut pas déterminer une telle programmation financière, mais l’examen parlementaire a permis de faire monter la pression sur ce point. Personne ne peut plus nier qu’il est nécessaire de construire des trajectoires financières afin d’assurer les coûts d’exploitation devant les fortes augmentations de services et les éventuels investissements nouveaux.
L’apport sénatorial que constitue le rendez-vous de la conférence nationale de financement est essentiel. À ce jour, seulement 767 millions d’euros ont été attribués pour cinq ans, dans le cadre des contrats de plan État-région.
Monsieur le ministre, à vous de jouer pour que, par une programmation, votre gouvernement propose des financements solides et stables pour les Serm.
C’est avec cette attente forte et en exigeant de ne pas revivre une nouvelle grande annonce déçue que notre groupe votera pour ce bon texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Nadège Havet applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Barros, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
M. Pierre Barros. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, 30 % des émissions de gaz à effet de serre sont attribuées au secteur des transports. Sortir des énergies fossiles d’ici à 2050, voilà le chantier prioritaire.
Il y a donc urgence à trouver des alternatives écologiques et économiques à la voiture et au camion. Pour cela, le transport ferroviaire est devenu la pierre angulaire de la stratégie du Gouvernement en matière de réduction des émissions.
Comme mes collègues du groupe CRCE-Kanaky, je me réjouis du consensus trouvé sur ce texte, qui, certes, est le fruit d’un travail important de la part de notre rapporteur comme de la commission, mais dont l’ambition avait auparavant été défendue au Sénat par notre groupe, qui avait déposé une proposition de résolution à ce sujet adoptée en décembre 2022.
Aujourd’hui, des moyens importants sont enfin annoncés pour faire du ferroviaire une grande cause nationale.
Comme je l’avais expliqué ici même en première lecture, cette proposition de loi va dans le bon sens. Les services express régionaux métropolitains permettront de matérialiser un véritable maillage de transport dans nos grandes agglomérations. Inscrire l’intermodalité au cœur de ce projet doit également permettre à ces services de se substituer à la voiture.
Reste la question des moyens.
À ce jour, seuls 750 millions – peut-être 765 millions – d’euros ont été fléchés pour les cinq prochaines années, pour financer des études. Quant à l’investissement, les quelques milliards inscrits au projet de loi de finances pour 2024 seront malheureusement bien insuffisants pour répondre aux enjeux de ce texte. En effet, d’après le rapport du COI, pas moins de 15 milliards à 20 milliards d’euros sont nécessaires dès maintenant pour développer les lignes, investir dans l’acquisition de matériel roulant et anticiper les futures dépenses d’exploitation.
Nous serons particulièrement attentifs aux débats qui se tiendront et aux décisions qui seront prises lors de la conférence nationale de financement, inscrite dans la proposition de loi et qui devrait avoir lieu avant le 30 juin prochain. Les résultats de cette conférence nous indiqueront si nous avons des raisons d’espérer ou si ces projets resteront dans les tiroirs.
Je le répète, ces projets ne pourront pas reposer sur les seules finances des collectivités, tant en investissement qu’en fonctionnement ; chacun connaît la situation financière de nos collectivités, notamment des régions. L’État doit prendre ses responsabilités pour que le développement du réseau ferroviaire ne se réduise pas à une simple opération de communication. Quelque 100 milliards d’euros seront investis d’ici à 2040 pour lancer une « nouvelle donne ferroviaire », mais combien seront réellement destinés au financement de services express régionaux métropolitains ?
Par ailleurs, nos débats autour de ces futurs services ne doivent pas occulter la situation préoccupante des lignes du quotidien et du fret ferroviaire.
Le droit à la mobilité doit être garanti partout, que l’on habite une métropole ou un territoire rural. Or ce n’est malheureusement pas toujours le cas. De nombreux territoires ruraux sont aujourd’hui littéralement rayés de la carte. Leurs habitants – et leurs élus – ressentent un sentiment de déclassement douloureux. Sur certaines lignes, comme la ligne de l’Aubrac, des dessertes sont menacées de disparition et sur d’autres, comme sur la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (Polt), les fréquences sont considérablement réduites.
Le fret ferroviaire n’est pas en reste : la part du rail dans le transport de marchandises a été divisée par deux entre 2006 et 2019, au profit du transport routier, pourtant bien plus polluant. Certaines lignes essentielles pour les entreprises sont même remises en cause, faute de financement. Je pense ainsi à la ligne de Flamboin-Gouaix à Montereau, en Seine-et-Marne : l’État demande à l’entreprise Cemex de trouver 40 millions d’euros pour pérenniser la desserte. Pourquoi sacrifier cette ligne et les emplois qui vont avec ?
Le groupe CRCE-K a porté ce débat sur les moyens durant l’examen du projet de loi de finances pour 2024. Il a proposé d’allouer, dès cette année, 3,9 milliards d’euros au ferroviaire : c’est la seule façon de faire vivre cette nouvelle donne que vous appelez de vos vœux. Mais nous n’avons pas été entendus…
En dépit de cela, les sénateurs de mon groupe voteront en faveur de ce texte. Mais nous serons extrêmement vigilants quant aux décisions qui seront prises, car, au travers de cette proposition de loi, c’est l’avenir du rail qui est en jeu. En effet, en moins d’un siècle, le réseau ferroviaire français a été divisé par deux : 20 000 kilomètres de lignes ont été abandonnés depuis 1945. L’effort à accomplir est donc colossal pour retrouver les infrastructures permettant d’offrir une réelle solution de substitution à l’automobile et aux camions.
Monsieur le ministre, vous avez aujourd’hui la possibilité de soutenir réellement cette alternative que nous appelons de nos vœux. Nous avons envie de vous croire ; ne décevez pas les millions de Françaises et de Français qui ont besoin dès aujourd’hui de se déplacer dans de meilleures conditions, tout en préservant notre environnement. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ahmed Laouedj, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du RDSE.)
M. Ahmed Laouedj. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer le travail mené dans les deux chambres, où des discussions nourries, marquées par un esprit de dialogue et d’ouverture, ont permis l’adoption de ce texte. Cette proposition de loi est bienvenue et, à l’image du groupe du RDSE, elle a su s’affranchir des clivages idéologiques et partisans au bénéfice de l’intérêt général, de la transition écologique et de l’équilibre entre nos territoires.
Quatre ans auront été nécessaires depuis l’adoption de la LOM, qui dessinait les priorités en la matière, et l’élaboration de ce cadre légal permettant d’accélérer le développement des mobilités du quotidien tout en désenclavant nos territoires et en proposant à nos concitoyens de nouvelles offres de mobilité, adaptées et décarbonées. Au vu de l’urgence climatique et de la fracture économique, sociale et territoriale qui s’accroît entre deux France, l’une rurale, l’autre urbaine, espérons que le déploiement des services express régionaux métropolitains sera maintenant rapide et efficace.
Si l’on a veillé à faire figurer dans le texte de nombreuses mesures d’accélération, la question fondamentale du financement, tant des dépenses d’investissement que des coûts de fonctionnement qui en résulteront, reste en suspens.
Néanmoins, mon groupe se réjouit que la conférence nationale de financement, issue d’un amendement sénatorial, devant se tenir avant la fin du mois de juin 2024, soit maintenue dans le texte. Le déploiement rapide, dans les territoires, des Serm – vecteur de désenclavement des territoires périurbains et ruraux, via un choc d’offre multimodale de services de transport collectif public autour des métropoles et de grandes agglomérations – doit répondre à l’urgence du couperet des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). Ma collègue Nathalie Delattre a souhaité que la prise en compte des enjeux des ZFE-m soit centrale dans les Serm, afin d’assurer l’acceptabilité sociale de ces services.
Grâce à ce texte, l’écologie, trop souvent considérée comme un marqueur de classe bourgeois, voire comme une punition, doit catalyser le développement de solutions décarbonées opérantes et accessibles à tous. Je le rappelle, la transition écologique des transports doit être un facteur d’inclusion sociale et économique, et non un ferment de fractures territoriales. À propos d’inclusion, le groupe du RDSE se félicite de ce que l’accessibilité des Serm soit renforcée. En effet, grâce à un amendement de Nathalie Delattre, les gares et pôles d’échanges créés ou adaptés dans leur cadre comprendront des aménagements permettant l’accès, le déplacement et l’information des personnes en situation de handicap. En effet, au-delà des inégalités territoriales que cette proposition de loi vise à gommer, il est nécessaire de réduire parallèlement les inégalités entre individus, que les personnes en situation de handicap subissent quotidiennement.
En ce qui concerne la place des collectivités territoriales dans la définition des projets, notre groupe, relais éclairé des besoins des collectivités locales et des élus, ne peut que se féliciter du renforcement du rôle des collectivités dans la mise en œuvre des Serm. Cette proposition de loi fait en sorte que ces services soient un outil pensé par et pour les territoires. C’est pourquoi nous nous félicitons que la place accordée aux maires dans le processus de concertation préalable à la création d’un Serm ait été maintenue par la commission mixte paritaire, comme notre groupe l’a promu en première lecture au Sénat.
Un projet d’une telle dimension ne saurait en effet se faire sans l’avis des maires et les décisions prises ne sauraient aller à l’encontre des intérêts locaux. Il est important que le maillage territorial des futurs Serm soit réalisé selon des critères objectifs et précis. C’est pourquoi les acteurs locaux doivent avoir toute notre confiance quant à l’élaboration du périmètre le mieux adapté à leur situation.
L’enjeu de ce texte excède la seule mobilité : il s’agit de construire ensemble l’aménagement durable des territoires où liberté d’action, flexibilité et souplesse opérationnelles devront être les nouveaux dogmes. Le groupe du RDSE, qui fait sien le souci de l’équilibre entre les territoires, souscrit naturellement aux objectifs et aux ambitions de cette proposition de loi équilibrée, tout en restant attentif à l’évolution de sa traduction budgétaire. Il votera donc pour ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe du RDSE. – Mme Nadège Havet applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Mme Nadège Havet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d’abord, je tiens à saluer le travail du député Jean-Marc Zulesi, auteur et rapporteur de cette proposition de loi à l’Assemblée nationale, et celui de notre rapporteur, Philippe Tabarot.
L’objectif de ce texte nous rassemble sur toutes les travées : il s’agit d’améliorer les mobilités publiques du quotidien, de façon écologique et en désenclavant nos territoires, via le déploiement d’au moins dix services express régionaux métropolitains au cours des dix prochaines années.
Ce texte, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale en juin dernier et au Sénat en octobre, a été examiné par une commission mixte paritaire beaucoup moins médiatique que celle de cet après-midi…
La commission mixte paritaire dont nous examinons les conclusions a conservé plusieurs apports majeurs du Sénat. Ainsi cette proposition de loi conserve-t-elle, dans sa rédaction quasi finale, le renforcement, défendu ici, du rôle des collectivités territoriales dans le processus de déploiement des Serm, l’intégration systématique des cars express et des réseaux cyclables aux projets, en plus du covoiturage et de l’autopartage, dans une logique d’équité territoriale et d’intermodalité, la mise en place d’une tarification spécifique des péages ferroviaires et la prise en compte des enjeux liés à la montée en puissance des zones à faibles émissions.
Il s’agit de la concrétisation d’une promesse du Président de la République, avec un budget de près de 800 millions d’euros acté dans le budget 2024. Cette première enveloppe doit permettre d’amorcer les projets. À celle-ci s’ajoutent les investissements très importants réalisés dans les contrats de plan État-région. Pour ce qui concerne la question du financement de ces services, une conférence nationale, dont l’organisation est inscrite dans la proposition de loi, se tiendra avant le 30 juin 2024.
Finalement, ce texte, qui arrive en fin de navette, organise juridiquement le déploiement des Serm dans plusieurs grandes villes en France, en accroissant la part du transport ferroviaire dans les déplacements du quotidien, avec l’impératif d’une déclinaison spécifique à chaque profil territorial. L’objectif est que chaque collectivité concernée puisse s’approprier le dispositif et l’adapter à ses caractéristiques. Il existera donc autant de Serm que de territoires retenus.
Il est aussi question de répondre à l’urgence environnementale, en accélérant la planification écologique, au travers d’offres de mobilité, adaptées et décarbonées.
La Première ministre le rappelait en février dernier, lors de la présentation du plan d’avenir pour les transports, ce sera « lorsque nos concitoyens pourront trouver un transport en commun régulier, facilement accessible et fiable qu’ils pourront réduire leur usage de la voiture. » Ce dispositif y contribuera largement.
La Société du Grand Paris, chargée de la construction du Grand Paris Express et renommée Société des grands projets, verra ses missions élargies et jouera un rôle essentiel dans le déploiement des Serm. Son expertise, reconnue internationalement, sera mise au service d’autres métropoles, régions et territoires, en leur faisant profiter de son importante capacité d’emprunt et son fonctionnement souple.
Monsieur le ministre, en conclusion, je souhaite de nouveau rendre hommage à votre volontarisme en matière de déploiement du ferroviaire en France. Vous l’avez encore prouvé dernièrement, avec les trains de nuit, qui font peu à peu leur retour dans notre pays. La ligne de train de nuit Paris-Aurillac, supprimée voilà vingt ans, est de nouveau active depuis une semaine. De même, deux ans après le Paris-Vienne, le Paris-Berlin est également relancé. À quand le Paris-Brest ? (Sourires.)
C’est une grosse accélération, vous l’avez dit, alors que la France vise dix lignes de nuit d’ici à 2030. Mes chers collègues, je le constate, nous sommes sur de bons rails ! (Nouveaux sourires.)
Le groupe RDPI votera pour ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
M. Olivier Jacquin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis le dernier intervenant de cette petite, mais très belle aventure législative, même si le fait de passer par une proposition de loi nous aura retiré la possibilité de bénéficier d’une étude d’impact.
Je souhaite, comme chacun de mes prédécesseurs à cette tribune, adresser moi aussi des félicitations au rapporteur, pour l’ensemble de son œuvre ferroviaire, ainsi qu’au président Zulesi et au ministre, qui ont tous trois fait preuve d’écoute et d’attention pour les propositions émanant de toutes les travées des deux chambres. La preuve en est que, dans le texte issu de la commission mixte paritaire qui nous est soumis, sur les quatorze amendements du groupe SER adoptés par le Sénat, sept ont été intégralement maintenus dans le texte de la commission mixte paritaire et deux l’ont été partiellement.
Il n’est pas dit que l’ambiance et le résultat soient tout à fait les mêmes lors de l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire qui aura lieu dans quelques minutes… (Sourires.)
Je veux également adresser mes remerciements et félicitations à l’immense Jacques Fernique, qui, grâce à son colloque du 16 octobre dernier, a grandement contribué à renforcer les liens entre députés et sénateurs, entre majorités et oppositions.
Mes chers collègues, voilà un peu plus d’un an, alors que nous étions en pleine préparation budgétaire, le Président de la République annonçait par surprise le déploiement de dix RER métropolitains, nouvel épisode de l’incohérence de la politique de transport menée depuis 2017, qui va des mobilités du quotidien un jour à la relance de la grande vitesse le lendemain, en passant par la signature d’un contrat de performance de SNCF Réseau de nature à bloquer, voire à dégrader le ferroviaire… Et nous voici revenus maintenant à la case départ sans que les étapes précédentes soient remises en question…
Toutefois, je ne perds pas espoir de voir un futur contrat de performance de SNCF Réseau mettre fin au carcan de cette grande entreprise nationale et j’espère que vous gagnerez vos arbitrages, monsieur le ministre, pour que nous puissions bâtir ensemble une nouvelle loi de programmation des infrastructures. Pareil texte serait nécessaire, puisque nous sommes toujours à la recherche des 100 milliards d’euros annoncés le 24 février dernier par la Première ministre. D’où l’importance de l’article 3 quater du texte, sur la conférence de financement des Serm, qui se tiendra dans les six mois !
Alors que l’ensemble des acteurs, à commencer par les collectivités, crient au manque de moyens, nous attendons toujours de savoir de quel côté tombera la pièce du 49.3, stress annuel insoutenable, alors que nous savons tous ici que le temps des mobilités est un temps long, qui souffre des à-coups et des tête-à-queue. D’où la nécessité de disposer d’une vision claire, de compétences claires et de plans de financements clairs.
Sur ce dernier point, je ne peux que regretter la suppression de deux précisions insérées dans le texte par l’adoption d’amendements de mon groupe : d’une part, la répartition entre l’État et les collectivités ; d’autre part, la révision du contrat de performance de SNCF Réseau par la conférence de financement, alors même que nous dénonçons tous son « insuffisance », pour rester diplomate… Nous regrettons également ce que je qualifierai de « brin de démagogie » de l’article 5 ter A, portant sur le ZAN.
Cela étant, globalement, nous accueillons positivement cette nouvelle brique dans la boîte à outils des mobilités dont disposeront nos territoires à l’heure de l’impérieuse transition écologique et du déploiement des ZFE.
Je mets cependant de nouveau en garde le Sénat, comme je l’ai fait le 23 octobre dernier : le danger est grand que s’accentuent les fractures sociales et territoriales avec le développement des Serm dans les seules métropoles, si l’on ne prend pas correctement en compte leurs périphéries et même leurs aires d’attractivité.
C’est la raison pour laquelle nous vous incitions, mes chers collègues, à aller au bout du raisonnement en quittant la seule logique métropolitaine pour adopter celle des mobilités pour tous. Cela aurait permis d’étendre la belle idée des Serm à des agglomérations de plus petite taille, afin de développer dans le plus grand nombre d’endroits possible une offre complète de services s’appuyant sur les logiques de rabattement depuis le vélo et la voiture individuelle « socialisée » – covoiturage, autopartage – vers les transports plus lourds – bus à haut niveau de service et trains –, plutôt que de la concentrer autour des étoiles ferroviaires.
Monsieur le ministre, je vous ai entendu souligner l’importance du « S » de l’acronyme Serm. J’insisterai pour ma part sur l’importance du « m », qui pourrait désigner les mobilités plutôt que les métropoles.
Nous continuerons de promouvoir cette logique, de proposer d’aller plus loin, afin de garantir un droit effectif à la mobilité pour tous, de mettre fin aux mobilités à deux vitesses. Cela étant, chaque chose venant en son temps, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera pour cette proposition de loi telle qu’elle est issue des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Mme la présidente. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement, l’ensemble de la proposition de loi relative aux services express régionaux métropolitains.
(La proposition de loi est adoptée définitivement.)
Mme la présidente. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents. (Applaudissements.)
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Je tiens à remercier mon homologue de l’Assemblée nationale, le président Jean-Marc Zulesi, ainsi que le rapporteur Philippe Tabarot et le ministre.
Je remercie également les membres de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable de leur travail. Cela a été souligné, de nombreux amendements de la commission ont été conservés par la commission mixte paritaire, parce qu’ils enrichissaient ce texte.
Maintenant que cette proposition de loi est adoptée définitivement, il faut veiller à ce que tous les financements prévus soient assurés, pour réussir ces Serm. Nous souhaitons vivement que ceux-ci aboutissent. Il y va de notre mobilité et de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Clément Beaune, ministre délégué. Je tiens également à remercier très sincèrement l’ensemble des parlementaires, tant de l’Assemblée nationale que du Sénat – je pense notamment à vous-même, monsieur le rapporteur –, qui se sont impliqués dans l’élaboration de ce texte. Vous l’avez fait dans un esprit positif et constructif dans votre collaboration avec le rapporteur Zulesi de l’Assemblée nationale.
Chacun peut le mesurer, y compris le Gouvernement, le Parlement a non seulement été à l’origine de ce texte, mais a contribué à l’améliorer tout au long de la procédure parlementaire. Nous avons parfois eu quelques désaccords, mais, in fine, ce texte, y compris pour ce qui a trait à la fameuse conférence de financement, est utile, complet et positif.
J’ai entendu l’appel à rester vigilant sur un certain nombre de points. Comme le déclarait Churchill, dans des circonstances moins joyeuses : « Ceci n’est pas la fin ni même le commencement de la fin, mais c’est peut-être la fin du commencement. » De fait, nous devons encore franchir des étapes essentielles, financières comme opérationnelles. En effet, les projets de transport – cela a été souligné – sont des projets de long terme. Avec cette proposition de loi, nous avons un cadre juridique formant une base solide sur laquelle construire.
D’autres textes, dans les heures qui viennent, seront peut-être moins consensuels. Je trouve fortement appréciable que de tels projets d’importance, structurants à long terme, réunissent toutes les sensibilités autour de l’avenir de notre pays. Je vous remercie de cet état d’esprit et de ce travail, tout en exprimant ma reconnaissance aux équipes qui se sont mobilisées derrière nous. (Applaudissements.)
3
Ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP
Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP (texte de la commission n° 185, rapport n° 184).
La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Franck Dhersin, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après un itinéraire à travers l’ordre du jour embouteillé de l’automne, la desserte des deux assemblées et un arrêt réussi en commission mixte paritaire, nous voici arrivés au terminus de l’examen parlementaire de ce texte ! Si vous approuvez cet après-midi la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire, la proposition de loi sera définitivement adoptée et pourra être prochainement promulguée.
Nous pouvons collectivement nous féliciter d’avoir œuvré à sa réussite. Son auteur, notre collègue Vincent Capo-Canellas, a su tirer les conclusions législatives de la mission de préfiguration sociale confiée par Île-de-France Mobilités (IDFM) à MM. Bailly et Grosset, dont l’objectif était d’aplanir les difficultés rencontrées au cours du processus d’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP. Il s’agit de fluidifier les modalités du transfert de 19 000 salariés, de 308 lignes et de plus de 4 500 bus, et d’élargir le socle des bénéficiaires du « sac à dos social » par rapport au droit existant, issu de la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (LOM).
Grâce aux auditions et à l’examen en commission, nos deux assemblées ont fait évoluer le texte pour conforter la sécurité juridique des dispositions sans toutefois en modifier l’architecture.
Je sais la réticence, voire l’opposition d’une partie de l’hémicycle à se prononcer en faveur de cette proposition de loi. Mais je rappelle que la question posée n’est pas celle de l’approbation ou du rejet de l’ouverture à la concurrence. Ce débat est tranché depuis près de quinze ans ! Le processus est enclenché et les acteurs s’y préparent, qu’il s’agisse de la RATP, des entreprises de transport ou des salariés. Si le législateur s’abstenait d’agir, le transfert intégral des agents et du matériel aurait lieu la nuit du 31 décembre 2024. En outre, un nombre plus restreint de salariés bénéficierait des garanties sociales de haut niveau et la représentation syndicale pendant la période sensible des transferts d’employés serait intermittente, voire interrompue.
Ce texte s’inscrit donc dans la continuité de l’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP, conformément au choix du législateur. Il module le calendrier, contient des mesures de réalisme social et opérationnel, et maintient le cap qui a été fixé en tenant compte des difficultés rencontrées chemin faisant, dans un esprit de pragmatisme et de responsabilité.
Au cours de la commission mixte paritaire (CMP), un seul point d’achoppement a marqué nos échanges avec les députés. Il portait sur l’instance chargée de trancher les litiges entre la RATP et IDFM.
Lors de l’examen parlementaire de la LOM, le législateur a confié cette mission à l’Autorité de régulation des transports (ART). Les députés, partant du constat que les moyens humains et budgétaires du régulateur ne progressaient pas au rythme de l’élargissement de ses missions, ont supprimé dans cette proposition de loi la compétence de l’ART en la matière. En procédant ainsi, le règlement des différends serait revenu de facto au juge civil ordinaire, ce qui aurait contribué au doublement, voire au triplement du délai moyen de jugement. Ce n’était tout simplement pas concevable étant donné le caractère extrêmement sensible et épineux de ces litiges.
Nous avons obtenu gain de cause au terme de la CMP, mais cette victoire nous engage. Elle nous oblige à faire preuve de vigilance sur les moyens de l’ART et sur sa capacité à mener à bien l’ensemble de ses missions avec la rigueur et l’excellence que nous sommes en droit d’attendre de toute autorité administrative indépendante.
Les craintes du rapporteur de l’Assemblée nationale, Bruno Millienne, sont fondées. Il nous appartiendra donc de veiller à l’adéquation des moyens de l’ART avec ses missions en vérifiant que certaines ne s’exercent pas aux dépens d’autres. Notre commission sera particulièrement attentive à ce que le nouveau président, Thierry Guimbaud, tout juste nommé dans ses fonctions, contribue à renforcer la capacité de l’Autorité à mener de front l’ensemble de ses missions.
J’en appelle également à la responsabilité du Gouvernement afin que les décrets d’application prévus dans le texte soient rapidement publiés. Puisque le législateur a examiné et adopté ce texte en à peine un trimestre, nous attendons la même célérité de l’autorité réglementaire pour rendre l’ensemble des dispositions de la loi applicables dans les meilleurs délais.
Avant de conclure, je remercie tous les sénateurs qui se sont investis sur ce dossier, du président de la commission, M. Longeot, à notre collègue Philippe Tabarot, sans oublier Vincent Capo-Canellas et les sénateurs sur toutes les travées ayant contribué à forger le texte qui sera soumis tout à l’heure à vos suffrages. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions. – Mme Nadège Havet et M. Ahmed Laouedj applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de m’exprimer devant vous sur cette proposition de loi, même s’il sera moins évident de prétendre à l’unanimité ! (Sourires.)
Il faut rappeler ce que ce texte n’est pas. Il n’est pas une proposition de loi sur l’ouverture à la concurrence des bus publics relevant, en tant qu’opératrice exclusive dans la région Île-de-France, de la RATP. Quoi que nous en pensions, cette question a déjà été longuement, largement et régulièrement débattue.
Il faut également distinguer le débat sur l’ouverture à la concurrence de celui sur la privatisation, qui n’est aucunement la question ! (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K.) La plupart des métropoles de France organisent leurs services de transport, notamment les bus, par délégations de service public, lesquelles sont, ni plus ni moins, le modèle ici proposé.
Il s’agit aujourd’hui non pas de revenir sur des étapes considérées à juste titre par M. Karoutchi comme essentielles, mais d’apporter des garanties supplémentaires tout le long de ce processus, qui devrait s’ouvrir à partir de la fin de l’année 2024, selon les termes de la législation actuelle.
J’ai eu l’occasion, voilà plus d’un an, d’exprimer mes doutes et même mes craintes au sujet du calendrier. Je suis donc heureux que la présidente de la région francilienne et d’Île-de-France Mobilités ait accepté d’ouvrir la discussion en confiant une mission à MM. Grosset et Bailly, deux personnalités reconnues en matière de dialogue social par toutes les parties prenantes, y compris par les organisations syndicales. Les intéressés ont remis un rapport détaillé, contenant des propositions de garanties sociales supplémentaires à destination de la région Île-de-France et de l’autorité organisatrice de la mobilité (AOM) francilienne.
Je me réjouis également, monsieur le sénateur Vincent Capo-Canellas, qu’une initiative parlementaire ait traduit dans un texte une large partie de ces propositions, qui nécessitaient une adaptation législative.
La rédaction actuelle contient deux principales avancées qui me conduisent à exprimer un avis extrêmement favorable.
Premièrement, le texte contient une série de garanties sociales supplémentaires, notamment celle qui fonde sur le volontariat la mobilité des chauffeurs et des machinistes en cas de changement de centre-bus ; cette question a été longuement débattue dans l’hémicycle. D’autres apports essentiels font suite à des recommandations de la mission Bailly-Grosset. Le rejet du texte ne permettrait pas d’offrir ces assurances, car elles nécessitent une adaptation législative.
Deuxièmement, ce texte contient un autre élément clé : le calendrier du processus. L’ouverture à la concurrence mise en œuvre par une autorité organisatrice de la mobilité n’a de bienfaits qu’à condition de se faire selon des échéances réalistes et maîtrisées. Le texte est profondément lié à un tel enjeu.
Pour aller dans le sens de cette proposition de loi, il est clair qu’une bascule généralisée vers la mise en concurrence par un transfert de personnel vers d’autres opérateurs au 1er janvier 2025 n’est protectrice ni pour les agents ni pour les usagers du service public. Il était donc nécessaire d’introduire de la souplesse par un décalage du calendrier ; ce texte y pourvoit. Accorder deux ans supplémentaires permettra d’agir par étapes et sous l’égide de l’autorité organisatrice Île-de-France Mobilités pour que le processus soit maîtrisé et protecteur.
La somme de ce double apport – modification du calendrier et garanties sociales supplémentaires – est de nature à améliorer la mise en place de l’ouverture à la concurrence pour en assurer la réussite. Je le pense profondément.
Un certain nombre de débats ont eu lieu, jusqu’à la commission mixte paritaire, sur plusieurs paramètres contenus dans le texte initial ; c’est normal ! Je pense à la répartition des prérogatives ayant conduit l’Autorité de régulation des transports à disposer de la compétence en matière de règlement des différends. Je me réjouis qu’un accord ait été trouvé entre les deux chambres. Comme vous nous y invitez, monsieur le rapporteur, nous veillerons – ce point relève du pouvoir exécutif – à ce que l’ART dispose effectivement de la capacité d’exercer pleinement cette compétence.
Vous l’aurez compris, le Gouvernement soutient, comme il l’a fait tout au long de la navette parlementaire, cette proposition de loi. J’y insiste : ce texte apporte des garanties sociales supplémentaires et fournit un calendrier pragmatique et réaliste. Au contraire, l’absence de vote ne permettrait pas de maîtriser le processus, par le biais d’échéances raisonnables, et d’apporter les protections longtemps ignorées. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC.)
Mme Françoise Gatel. Très bien !
Mme la présidente. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la ratp
Article 1er
I. – La section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la troisième partie du code des transports est ainsi modifiée :
1° L’article L. 3111-16-1 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque survient un changement d’exploitant d’un service ou d’une partie des missions d’un service régulier de transport public par autobus ou autocar dans la région d’Île-de-France opéré par l’établissement public à caractère industriel et commercial de la Régie autonome des transports parisiens, l’ensemble des contrats de travail en cours des salariés affectés à l’exploitation et à la continuité du service public concerné est transféré aux nouveaux employeurs.
« Par dérogation au premier alinéa, les contrats de travail des salariés concourant aux missions du service interne de sécurité mentionné à l’article L. 2251-1, aux missions des structures centrales de la Régie autonome des transports parisiens hors entités mutualisées ainsi qu’à certaines fonctions des entités mutualisées dont la liste est fixée par décret ne sont pas transférés. » ;
b) Aux 1° et 2°, les mots : « partie de » sont remplacés par les mots : « partie des missions d’un » ;
2° Après le même article L. 3111-16- 1, il est inséré un article L. 3111-16-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3111-16-1-1. – Pour l’application de la présente section, on entend :
« 1° Par “centre-bus” : toute entité du cédant chargée de l’exploitation des lignes régulières de transport public par autobus ou autocar ainsi que du remisage et, le cas échéant, de la maintenance des véhicules associés aux lignes ;
« 2° Par “entité mutualisée” : toute entité du cédant dont l’activité n’est pas réservée à un seul centre-bus et au sein de laquelle des salariés concourent directement ou indirectement au service régulier de transport public par autobus ou autocar ou à une partie des missions exercées dans ce service ;
« 3° Par “service” : l’exploitation des lignes régulières de transport public par autobus ou autocar, le remisage et, le cas échéant, la maintenance des véhicules associés aux lignes dans un centre-bus ainsi que les activités y concourant directement ou indirectement. » ;
3° Le 1° de l’article L. 3111-16-2 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « transmises », sont insérés les mots : « individuellement et collectivement » ;
b) Après le mot : « “cessionnaire”, », sont insérés les mots : « concernant notamment l’existence et les conditions du transfert de leur contrat de travail, » ;
c) La deuxième occurrence du mot : « de » est remplacée par les mots : « des missions d’un » ;
4° L’article L. 3111-16-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3111-16-3. – Sans préjudice des articles L. 3111-16- 1 et L. 3111-16-4, le nombre de salariés dont le contrat de travail se poursuit auprès des nouveaux employeurs est déterminé par centre-bus, par entité mutualisée, par catégorie d’emplois et par poste.
« Ce nombre correspond à l’équivalent en emplois à temps plein concourant à l’exploitation du service concerné, à l’exception des emplois des salariés concourant aux missions mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 3111-16-1, au cours des douze mois qui précèdent la publication des avis de concession, la notification de l’attribution directe ou la notification au cédant de la décision de l’autorité organisatrice de fournir elle-même le service ou d’en attribuer l’exécution à une entité juridiquement distincte sur laquelle elle exerce un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services.
« Ce nombre peut être déterminé en fonction de l’évolution prévisionnelle des effectifs du cédant jusqu’à la date du changement d’attributaire.
« Ce nombre est arrêté d’un commun accord par le cédant et par l’autorité organisatrice, sur la base des éléments transmis par le cédant et dans le respect du secret des affaires.
« En cas de différend entre l’autorité organisatrice de transport et le cédant, l’une ou l’autre partie peut saisir l’Autorité de régulation des transports dans les conditions fixées aux articles L. 1263-1 et L. 1263-3. La décision de l’Autorité de régulation des transports s’impose aux parties.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
5° L’article L. 3111-16-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3111-16-4. – I. – Les contrats de travail des salariés affectés à un centre-bus sont transférés au nouvel exploitant du service auquel ce centre-bus est rattaché.
« Par dérogation au premier alinéa, les salariés affectés à un service devant être rattaché, en tout ou partie, à un autre centre-bus à l’issue de la procédure de mise en concurrence peuvent, à la demande de l’autorité organisatrice, lorsque les besoins prévisionnels en effectifs du service transféré le justifient, se porter volontaires, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, en vue du transfert de leur contrat de travail au nouvel exploitant du service public dans cet autre centre-bus.
« II. – Par dérogation au I, un décret en Conseil d’État détermine les conditions dans lesquelles le cédant fait appel au volontariat, parmi les salariés affectés à la conduite de nuit, pour le transfert de leur contrat de travail au nouvel exploitant du service de nuit auquel ils sont actuellement affectés.
« III. – Pour les salariés du cédant affectés à chaque entité mutualisée participant à l’exploitation de l’ensemble des centres-bus auxquels se rattachent les services transférés, un décret en Conseil d’État fixe, pour chaque service transféré :
« 1° Les conditions dans lesquelles il est fait appel prioritairement au volontariat ;
« 2° Les modalités de désignation des salariés, par entité mutualisée, par catégorie d’emplois et par poste ;
« 3° Les modalités et les délais d’établissement et de communication par le cédant de la liste des salariés désignés dont le contrat est susceptible d’être transféré.
« IV. – Pour les services ou parties de services ou les missions ou parties de missions exercées au sein de ces services que l’autorité organisatrice décide de fournir elle-même ou de faire exécuter par une entité juridiquement distincte sur laquelle elle exerce un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services, le contrat de travail des salariés du cédant concourant à l’exploitation du service ou de la mission concerné est transféré, selon le cas, à l’autorité organisatrice ou à l’entité.
« V. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
5° bis Le I de l’article L. 3111-16-5 est ainsi rédigé :
« I. – Le cédant informe individuellement, par tout moyen conférant date certaine, le salarié dont le contrat de travail doit être transféré. Cette information est communiquée au plus tard :
« 1° Six mois avant la date prévue pour le changement effectif d’exploitant du service, lorsque le délai entre la date d’attribution du contrat et la date prévue pour le changement effectif d’exploitant du service est d’au moins douze mois ;
« 2° Quatre mois avant la date prévue pour le changement effectif d’exploitant du service, lorsque le délai entre la date d’attribution du contrat et la date prévue pour le changement effectif d’exploitant du service est inférieur à douze mois.
« Le cédant indique les conditions du transfert du contrat de travail ainsi que les conséquences de son refus pour le salarié. » ;
6° Au premier alinéa des articles L. 3111-16- 7 et L. 3111-16- 10, la référence : « L. 3311-16- 1 » est remplacée par la référence : « L. 3111-16- 1 » ;
7° L’article L. 3111-16-11 est ainsi modifié :
a) Le mot : « ou » est remplacé par le signe : « , » ;
b) Après les mots : « auxiliaires de transport », sont insérés les mots : « , par les dispositions applicables à l’établissement public à caractère industriel et commercial de la Régie autonome des transports parisiens, par les dispositions applicables à l’établissement public Île-de-France Mobilités ou par les dispositions applicables aux filiales des entreprises de transport public urbain régulier de personnes concourant aux activités de gestion, d’exploitation ou de maintenance de service régulier de transport public » ;
c) Les mots : « qu’ils » sont remplacés par les mots : « que ces salariés » ;
8° L’article L. 3111-16-12 est complété par les mots : « , y compris dans le cas prévu au 1° de l’article L. 3111-16- 1 ».
II. – (Supprimé)
Article 2
I. – Après l’article L. 1241-13 du code des transports, sont insérés des articles L. 1241-13- 1 et L. 1241-13- 2 ainsi rédigés :
« Art. L. 1241-13-1. – I. – Le personnel d’Île-de-France Mobilités comprend :
« 1° Des fonctionnaires ;
« 2° Des agents contractuels de droit public recrutés avant le 1er janvier 2004 et régis par le règlement de gestion instauré par la délibération n° 2006/260 de l’établissement du 29 mars 2006 ;
« 3° Des agents contractuels de droit public autres que ceux mentionnés au 2° ;
« 4° Des salariés régis par le code du travail, lorsque les fonctions exercées nécessitent une qualification technique spécialisée et concourent directement ou indirectement à l’exploitation d’un service régulier de transport public de voyageurs.
« II à IV. – (Supprimés)
« Art. L. 1241-13-2. – I A. – Il est institué, au sein d’Île-de-France Mobilités, un comité social unique. Ce comité est compétent pour l’ensemble du personnel d’Île-de-France Mobilités. Il est soumis aux dispositions des chapitres Ier à IV du titre V du livre II du code général de la fonction publique relatives au comité social territorial et aux chapitres II à V du titre Ier du livre III de la deuxième partie du code du travail, relatifs au comité social et économique, sous réserve des adaptations prévues par le décret mentionné au II du présent article.
« I. – Le comité social unique est composé du président d’Île-de-France Mobilités ou de son représentant, qui le préside, et des représentants du personnel. Seuls les représentants du personnel sont appelés à prendre part aux votes lorsque le comité est consulté.
« Les représentants du personnel siégeant au comité social unique sont élus par collège au scrutin de liste à la représentation proportionnelle.
« Les candidatures sont présentées par les organisations syndicales qui remplissent les conditions suivantes :
« 1° Pour le collège des personnels mentionnés aux 1° à 3° du I de l’article L. 1241-13- 1, celles prévues aux articles L. 211-1 à L. 211-4 du code général de la fonction publique ;
« 2° Pour le collège des personnels mentionnés au 4° du I de l’article L. 1241-13- 1 du présent code, celles prévues à l’article L. 2314-5 du code du travail.
« La composition de la représentation du personnel au sein du comité social unique est fixée de façon à permettre la représentation de chaque collège, en tenant compte des effectifs, d’une part, des personnels mentionnés aux 1° à 3° du I de l’article L. 1241-13- 1 du présent code et, d’autre part, des personnels mentionnés au 4° du même I.
« II. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »
II. – L’article L. 1241-13-2 du code des transports entre en vigueur à l’expiration des mandats des représentants des personnels d’Île-de-France Mobilités mentionnés aux 1° à 3° du I de l’article L. 1241-13- 1 du même code en cours à la publication de la présente loi. Les mandats des représentants des personnels d’Île-de-France Mobilités mentionnés au 4° du I de l’article L. 1241-13-1 du code des transports en cours à la date d’entrée en vigueur de l’article L. 1241-13-2 du même code prennent fin à cette même date.
Article 3
L’article L. 1263-1 du code des transports est ainsi modifié :
1° A À l’avant-dernière phrase du premier alinéa, les mots : « ou du deuxième alinéa de l’article L. 1263-3 » sont supprimés ;
1° À la dernière phrase du même premier alinéa, les mots : « des articles » sont remplacés par les mots : « de l’article » et, à la fin, les mots : « ou L. 3111-16- 3 soit, dans les cas où les autorités organisatrices de transport ou l’autorité organisatrice mentionnée au même article L. 3111-16-3 ne publient pas ces informations, à compter de l’information faite au cédant, par tout moyen conférant date certaine, de l’intention de l’autorité organisatrice d’attribuer directement le contrat à un nouvel opérateur, de lancer une procédure de mise en concurrence ou de fournir elle-même le service » sont supprimés ;
2° Après ledit premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’elle est saisie sur le fondement dudit article L. 3111-16-3, elle se prononce dans un délai de trois mois suivant la réception de la saisine. Elle peut proroger ce délai d’un mois en cas de demande de pièces complémentaires. Par décision motivée, l’autorité peut décider de prolonger le délai dans lequel elle se prononce jusqu’à trois mois supplémentaires. »
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Article 5
Le VI de l’article 158 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa du présent VI, les dispositions particulières mentionnées au II de l’article L. 3316-1 du code des transports ne s’appliquent qu’à compter de la date à laquelle survient le changement d’exploitant mentionné à l’article L. 3111-16- 1 du même code. Toutefois, le décret mentionné au II de l’article L. 3316-1 dudit code peut prévoir une entrée en vigueur de certaines de ses dispositions au terme d’une période transitoire, qui ne peut excéder quinze mois à compter du changement d’exploitant mentionné à l’article L. 3111-16- 1 du même code. »
Article 6
Les mandats des représentants du personnel de la Régie autonome des transports parisiens, titulaires et suppléants, au sens des livres Ier et III de la deuxième partie du code du travail, en cours à la publication de la présente loi sont prorogés jusqu’à la date du dernier changement d’exploitant mentionné à l’article L. 3111-16- 1 du code des transports.
Article 7
Le code des transports est ainsi modifié :
1° Après la troisième phrase de l’article L. 2142-8, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Ces biens, lorsqu’ils sont mutualisés entre les différents services relevant d’un même mode de transport, sont remis à Île-de-France Mobilités au plus tard à la date d’entrée en vigueur du premier contrat d’exploitation portant sur l’un de ces services et attribué à un exploitant dans les conditions définies à l’article L. 1221-3, ou au plus tard à la date à laquelle Île-de-France Mobilités décide de fournir lui-même l’un de ces services ou une partie des missions exercées au sein de ces services, si cette date est antérieure. » ;
2° Après la première phrase de l’article L. 2142-9, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Ces biens, lorsqu’ils sont mutualisés entre les différents services relevant d’un même mode de transport et qu’Île-de-France Mobilités estime qu’ils peuvent être utiles à la continuité de ces services, sont repris par Île-de-France Mobilités au plus tard à la date d’entrée en vigueur du premier contrat d’exploitation portant sur l’un de ces services et attribué à un exploitant dans les conditions définies à l’article L. 1221-3, ou au plus tard à la date à laquelle Île-de-France Mobilités décide de fournir lui-même l’un de ces services ou une partie des missions exercées au sein de ces services, si cette date est antérieure. »
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Mme la présidente. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à M. Louis Vogel, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Louis Vogel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, une ouverture à la concurrence doit se penser avec réalisme pour se réaliser avec efficacité. C’est l’objectif de cette proposition de loi, qui arrive en fin de navette parlementaire grâce à une commission mixte paritaire conclusive.
Je salue le travail réalisé par les deux chambres du Parlement et par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, ainsi que par l’initiateur du texte, Vincent Capo-Canellas, et par le rapporteur, Franck Dhersin.
Alors que notre pays finit de se préparer à l’accueil de l’événement sportif le plus important au monde, il était fondamental d’aménager l’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP sur deux points principaux : la date de sa mise en œuvre et les conditions de travail des salariés concernés.
En première lecture, j’avais pu présenter les retours d’expérience de Seine-et-Marne. Que ce soit à Melun, à Sénart, à Fontainebleau, à Bussy-Saint-Georges, à Lagny-sur-Marne, dans le pays briard ou dans la communauté de communes Moret Seine et Loing, l’application des nouvelles délégations de service public issues de la procédure de mise en concurrence avait révélé de nombreux dysfonctionnements, car la mise en place avait été mal préparée et mal encadrée.
Si le constat était partagé sur ces travées, les conséquences que nous en tirions étaient bien différentes selon que l’on se situe à la droite ou à la gauche de l’hémicycle. La navette parlementaire et le passage à l’Assemblée nationale ont confirmé le clivage.
Pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires, la solution réside dans une ouverture à la concurrence dans des conditions saines, préparées et apaisées, comme je l’ai indiqué au mois d’octobre dernier.
D’une part, l’apaisement passe par une mise en place de cette politique au moment opportun, c’est-à-dire lorsque les territoires sont prêts à la faire. En ce sens, l’adoption conforme de l’article 4, qui organise la possibilité d’une mise en œuvre entre le 31 décembre 2024 et le 31 décembre 2026, prouve qu’un aménagement était nécessaire. La flexibilité dans l’ouverture à la concurrence est une condition essentielle de sa réussite.
D’autre part, la réussite passe par la prise en compte des questionnements légitimes des employés quant à leur avenir professionnel et personnel. En dernière analyse, cette considération est importante aussi pour les usagers du service public qui seraient victimes des dysfonctionnements. Nous connaissons les difficultés auxquelles la RATP est confrontée au sujet des recrutements, et notre texte peut aider – nous le souhaitons – à lever les réticences de certains candidats.
À ce titre, je salue les réflexions menées à l’endroit des conditions de travail des conducteurs de bus d’Île-de-France, du transfert des salariés – l’enjeu est important –, des mandats des représentants du personnel de la RATP durant la transition ainsi que des remises de biens.
Je me félicite que les principaux apports du Sénat aient été préservés, particulièrement en ce qui concerne les compétences de l’Autorité de régulation des transports en matière de règlement des différends. La question a fait l’objet de discussions et a été tranchée dans le bon sens.
Le sujet du transfert des contrats de travail pour les salariés et pour les entités qui les emploient est primordial, comme je l’ai évoqué. Associer au maximum les uns et les autres en donnant des informations précises et en imposant des règles claires relève du bon sens. Il faut aller dans cette direction.
Comme j’ai pu l’indiquer, l’ouverture à la concurrence est un enjeu essentiel pour notre économie. Puisque le dispositif proposé nous paraît équilibré et raisonnable, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur du texte. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC. – Mme Nadège Havet et M. Ahmed Laouedj applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Nadège Havet applaudit également.)
M. Vincent Capo-Canellas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue l’aboutissement du travail mené sur cette proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP. Ce texte, que j’avais déposé fin septembre dernier, a fait l’objet d’une CMP conclusive ce 6 décembre. Il comporte des avancées pour les agents de la RATP tout en contenant les précisions nécessaires à la mise en œuvre d’une ouverture à la concurrence déjà engagée.
Je remercie notre rapporteur, Franck Dhersin, et les membres de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable réunis autour de leur président, M. Longeot, tout en saluant particulièrement Didier Mandelli et Philippe Tabarot.
Prévue pour le 1er janvier 2025, l’ouverture à la concurrence constitue un défi technique, opérationnel et social d’une ampleur inédite. Pour assurer la réussite du processus, j’ai déposé ce texte en vue de garantir à la fois la continuité et la qualité du service public offert aux usagers ; l’objectif était aussi d’assurer pour les quelque 19 000 salariés concernés, dont une bonne part de conducteurs de bus, l’acceptabilité sociale des conditions de transfert aux potentiels nouveaux employeurs. Une partie de ces employés resteront bien sûr à la RATP, selon les modalités de l’appel d’offres.
Ce texte est en large partie le fruit du dialogue social mené par MM. Bailly et Grosset, sur un sujet particulièrement sensible. Nombre des recommandations et des solutions qu’ils ont préconisées sont reprises pour faciliter le transfert des salariés dans le respect de l’équité concurrentielle et en assurant la meilleure qualité de service possible, le tout dans un cadre social exigeant.
Je tiens à rappeler à tous que ce texte n’institue pas l’obligation de mise en concurrence, comme l’a souligné M. le ministre. Il en corrige simplement les modalités. Le débat sur l’ouverture à la concurrence a été arbitré voilà plus d’une décennie, lorsqu’un gouvernement, au demeurant de gauche, et une majorité régionale de même sensibilité ont négocié sa mise en œuvre avec la Commission européenne, après le vote de la loi du 8 décembre 2009.
La LOM de 2019 en a très clairement détaillé les modalités et le calendrier.
Le débat était donc tranché depuis longtemps, le processus est déjà engagé, et tous les acteurs s’y préparent. Revenir en arrière nous exposerait à un recours en manquement auprès de la Cour de justice de l’Union européenne. Aujourd’hui, ni la région Île-de-France ni la RATP n’en contestent le principe. Je le rappelle, il s’agit d’une ouverture à la concurrence, et non d’une privatisation, puisque le donneur d’ordre, Île-de-France Mobilités, reste une entité 100 % publique.
Ce texte est animé par l’intention de faire en sorte que le processus d’ouverture à la concurrence soit équitable, socialement juste et améliore la qualité du service, dans l’intérêt des usagers du quotidien. Il s’agit de veiller à la continuité du service public, mais aussi aux conditions de transfert éventuel des salariés. Nous fluidifions le processus et prenons mieux en compte la situation des salariés, avec un aménagement du calendrier raisonnable et respectueux du cadre réglementaire européen.
Ce texte vient donc sécuriser juridiquement le cadre normatif en vigueur sur l’ouverture à la concurrence. Il apportera des garanties à tous les acteurs, en particulier aux 19 000 salariés, mais aussi aux voyageurs, qui attendent le maintien de la qualité du service rendu sans risquer de voir l’ensemble du réseau basculer en une nuit, avec tous les enjeux opérationnels afférents.
Je pense notamment à la notion de centre-bus visant à garantir aux agents affectés à un centre-bus l’absence de mobilité géographique contrainte. Nous prenons aussi en compte la situation des salariés qui verront, demain, leur mission assurée directement par IDFM, en tant qu’autorité concédante, notamment pour ce qui concerne les fonctions de supervision du réseau.
Ce travail a été fait dans l’objectif de trouver les meilleurs compromis possible en concertation avec l’ensemble des acteurs. Il s’agit d’un équilibre subtil.
Comme je l’ai déjà dit, nous sommes loin des discussions de principe ou de doctrine, et nous nous efforçons d’être proches des réalités.
Nous donnons plus de flexibilité à IDFM en aménageant son calendrier d’ouverture à la concurrence sur une durée maximale de deux ans à partir de la date initialement prévue du 1er janvier 2025.
Sur le fond, un seul point a fait débat dans le cadre de la commission mixte paritaire. Il s’agissait des modalités de règlement des différends relatifs au nombre de salariés transférés entre IDFM et la RATP. Sur ce sujet, je tiens à saluer la grande qualité du travail mené par nos deux collègues rapporteurs, Franck Dhersin et Bruno Millienne, qui ont su renforcer cette proposition de loi tout en démontrant leur capacité à avancer ensemble, en acceptant de bâtir un compromis, pour un texte d’intérêt général.
Pour toutes ces raisons, le groupe UC adoptera ces conclusions en accord avec le texte proposé par le Sénat en première lecture. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Jacques Fernique. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes au bout du cheminement parlementaire très rapide de cette proposition de loi visant à aménager, pour les bus de la RATP de Paris et de la petite couronne, leur « privatisation » – veuillez excuser ce gros mot ! –, ou plutôt leur « délégation de service public au privé ».
Je l’ai dit lors de l’examen en première lecture du texte, mon groupe et moi-même nous interrogeons sur les modalités de ce processus d’ouverture à la concurrence proposé au travers de ce texte, qu’il s’agisse de la préservation des conditions de travail des salariés, de l’intérêt des usagers ou de la continuité du service public.
La LOM prévoyait à l’origine ce changement pour le 1er janvier 2025. À un an de l’échéance, chacun s’accorde à le reconnaître, les conditions matérielles, économiques et sociales d’une telle transformation ne sont pas réunies.
La loi de 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires laissait aux AOM la possibilité de choisir entre une ouverture à la concurrence ou une régie publique régionale. Or l’option de la régie publique n’a jamais été sérieusement étudiée, ce qui est bien dommage ! Ce modèle n’aurait-il pas été adapté à l’ensemble multimodal interconnecté que constitue le réseau de la RATP ? En tout cas, la réglementation européenne ne l’aurait pas empêché.
Mettre en concurrence des éléments de cet ensemble multimodal, c’est toucher à un équilibre déjà bien fragile, et s’assurer des problèmes de coordination, de maintenance et de continuité de service.
Les syndicats tirent la sonnette d’alarme. Les quelque 19 000 agents concernés sont inquiets quant à leur transfert aux différents opérateurs. Le fameux « sac à dos social » qu’on leur promet ne les rassure pas, malgré la connotation boy-scout et sympathique de la métaphore.
Ils s’interrogent sur la capacité des acteurs à répondre aux attentes sociales. Alors même qu’il existe déjà de fortes difficultés structurelles en matière de recrutement, est-il nécessaire d’en ajouter ?
Je m’interroge par ailleurs sur l’échéance retenue. En effet, à un tel rythme, il sera difficile d’apaiser les tensions et de clarifier les zones d’ombre.
En effet, l’essentiel de ce texte réside dans l’article fixant l’échéance à tenir, lot après lot, à un rythme enlevé, sitôt les jeux Olympiques passés. Or il nous a été impossible, en tant que parlementaires, de proposer des alternatives, toute initiative en ce sens étant condamnée à être rejetée en application de l’article 40 de la Constitution !
L’autorité organisatrice de la mobilité a fait le choix de retenir le critère du prix comme premier élément de notation, à hauteur, si je ne me trompe, de 40 %. L’offre la moins-disante économiquement pourrait aussi être la moins-disante socialement, les opérateurs privés risquant de rogner d’abord sur la masse salariale.
Or nous devons garantir l’attractivité des transports publics du quotidien. Leur développement est un sujet majeur si nous voulons assurer un report modal vers les mobilités décarbonées.
Le défi est donc grand pour la région Île-de-France, qui s’apprête à absorber d’importantes charges d’exploitation supplémentaires et à entamer la nécessaire transition énergétique d’électrification des bus.
Outre la multiplication des opérateurs, qui sera source de complexité, l’attribution des lots pour cinq ans sera source d’instabilité. Quid du document d’allotissement dont nous ne pouvons mesurer la pertinence, puisque son contenu précis est inconnu à ce stade ? Jusqu’à la fin de 2026, tous les deux mois un lot nouveau est alloué. Il paraît difficile, à une telle cadence, de garantir à tous des conditions de transfert « équitables, justes et bénéfiques ». Avec douze lots ou treize lots et des lignes ou dépôts « éclatés », on peut se préparer à de sacrées complications. Ces lots seront-ils équilibrés et viables ? Cela n’a rien d’évident !
La compétence de l’Autorité de régulation des transports en matière de différends concernant le nombre de salariés transférés avait été supprimée à l’Assemblée nationale. Le Sénat a tenu à réintégrer l’ART comme autorité compétente. C’est fort bien, mais encore faudrait-il qu’elle soit dotée de moyens à la hauteur de l’ensemble de ses missions. M. le rapporteur a raison d’insister sur cette nécessité.
L’ouverture à la concurrence risque enfin, au vu de ses conditions de mise en œuvre, d’amplifier la discrimination territoriale. Elle a débuté dès 2019 pour le réseau de l’Organisation professionnelle des transports d’Île-de-France (Optile). Or certaines communes souffrent aujourd’hui d’un manque de bus. La dégradation des conditions de travail et de la qualité de l’offre est visible dans ces secteurs. Pourquoi ne pas avoir tiré les leçons de ces dysfonctionnements ?
L’expérience le montre, l’ouverture à la concurrence occasionne des problèmes. Pourrons-nous les surmonter en nous empressant, sitôt passés les jeux Olympiques ? Pour toutes ces raisons, notre groupe ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Barros, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
M. Pierre Barros. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner la proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP.
Le Sénat et l’Assemblée nationale ont proposé des dizaines d’amendements à ce texte ; malheureusement, tous ont été rejetés. Je regrette que nos propositions de bon sens n’aient pas été entendues dans le cadre d’une procédure bizarrement accélérée.
Dans le même temps, à quelques mois des jeux Olympiques, les Franciliens ont connu ces dernières semaines des conditions de transport déplorables.
IDFM et sa présidente, Mme Valérie Pécresse, ont ainsi déploré une « nouvelle dégradation des services de transport » et ont rappelé à la RATP et à la SNCF la « nécessité de remonter la pente ». Tous ceux qui prennent les transports en commun en Île-de-France peuvent être d’accord avec ce constat. Malheureusement, la situation ne devrait pas s’arranger avec l’adoption de ce texte, et Mme Pécresse ne devra pas échapper à sa responsabilité.
En effet, l’idée brillante, originale et inédite de la présidente de la région, du Gouvernement et, plus récemment, des majorités parlementaires, c’est qu’une ouverture à la concurrence, soit une privatisation de la RATP, devrait régler une telle situation.
Rappelons-le, la RATP a été créée en 1949 pour répondre à la désorganisation totale du réseau de transports, alors géré par plusieurs entreprises privées. Cette proposition de loi nous ramène ainsi tout droit à la fin du XIXe siècle. Au moins, avec ce texte, vous aurez réussi à inventer la machine à remonter le temps !
Le risque est donc d’accentuer encore davantage – oui, c’est possible ! – la galère dans les transports.
En effet, les exemples d’échecs d’une ouverture à la concurrence sont multiples. Dans le secteur de l’énergie, plus de vingt ans après la première dérégulation, les tarifs ont augmenté en même temps que la précarité énergétique.
Dans le secteur du fret ferroviaire, la part du rail dans le transport de marchandises a été divisée par deux entre 2006 et 2019, au profit des transports routiers, bien plus polluants. À l’étranger, même le Royaume-Uni fait marche arrière et en revient à une gestion publique.
Mes chers collègues, l’ouverture à la concurrence des réseaux de bus franciliens ne fera malheureusement pas exception. Les leçons de la privatisation du réseau Optile n’ont pas été tirées.
Voilà deux ans, pour remporter les appels d’offres, les sociétés de transport ont rogné sur les acquis sociaux et les conditions de rémunération.
Je le rappelle, dans le secteur du transport, la masse salariale et les cotisations sociales représentent 70 % du prix de production.
Dans le département du Val-d’Oise, il aura fallu des grèves dans plusieurs dépôts – Saint-Ouen-l’Aumône, Beauchamp, Argenteuil, Saint-Gratien, Genainville ou Magny-en-Vexin – pour arracher des accords sociaux encore insatisfaisants.
Aujourd’hui, ces mêmes sociétés alertent : la maquette économique n’est pas réaliste. Elles demandent à revoir les conditions de rémunération du personnel à la hausse, tout simplement pour trouver des chauffeurs.
Élu du Val-d’Oise, je mesure déjà les conséquences de ce choix pour les territoires de la grande couronne et pour le personnel de la RATP.
Nous le savons déjà, cette ouverture à la concurrence entraînera moins de bus, des lignes supprimées et une colère encore plus forte de la part des usagers des transports en commun, tant le réseau de bus est primordial pour garantir le droit à la mobilité et limiter le nombre de voitures sur nos routes.
Encore une fois, les maires de nos communes devront faire le service après-vente, seuls et abandonnés. Mais nous avons l’habitude !
Et quel destin pour les salariés de la RATP ? Dans la perspective de l’ouverture à la concurrence en 2025, ils ont vu leurs acquis sociaux démantelés, leurs rémunérations comprimées, leur temps de travail allongé. Une telle dégradation est à l’origine d’une hémorragie des effectifs qui détériore le service. Il manque aujourd’hui 1 700 emplois de chauffeurs de bus.
Face à cette situation, Mme Valérie Pécresse a annoncé un « sac à dos social » préservant certains acquis. Toutefois, il ne s’appliquera pas à tous les agents de la RATP. Ainsi, les opérateurs de maintenance n’y ont pas droit, ce qui crée d’emblée d’importantes inégalités.
Enfin, telle que rédigée actuellement, votre proposition de loi n’apporte pas de réponse à la suppression de la double garantie d’emploi et de retraite, pour les agents statutaires de la RATP. La perte de ces garanties issues de la loi LOM serait préjudiciable pour la suite de la carrière des salariés concernés.
L’ouverture à la concurrence aura également des conséquences financières dramatiques pour IDFM. Pourtant, vous tenez toujours le même discours, selon lequel la privatisation serait source d’économies. Mais où seront-elles ? IDFM devra trouver 4,9 milliards d’euros pour racheter les biens de la RATP. Comme toujours, on nationalisera les pertes et on privatisera les profits ! Toute cette opération est financièrement très approximative et bien mal préparée.
Pour preuve, la région a décidé d’étaler l’ouverture à la concurrence entre le 31 décembre 2024 et le 31 décembre 2026. Personne n’est dupe d’une telle manœuvre : il s’agit de reporter une contestation sociale d’ampleur après les jeux Olympiques.
Avec les sénateurs du groupe CRCE-K, nous pensons qu’une autre voie est possible. Nous déposerons prochainement une proposition de loi visant à reporter l’ouverture à la concurrence, faciliter la création d’une régie régionale et recentrer les activités de la RATP.
Nous voterons donc contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ahmed Laouedj, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Ahmed Laouedj. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la RATP a longtemps été l’un des seuls acteurs sur le marché du transport en commun en Île-de-France, créant ainsi un quasi-monopole peu propice à l’innovation et à l’amélioration continue des services.
L’ouverture à la concurrence des services de bus francilien est un processus initié par le droit européen et anticipé par le législateur français depuis plus de quinze ans. Mais ces dernières années ont été marquées par des événements qui nous ont contraints à réviser le cadre légal et le calendrier établi au début du projet.
L’ouverture à la concurrence d’un monopole historique d’État est un sujet qui suscite toujours de nombreux débats. Certains y voient une opportunité de modernisation, d’innovation et d’amélioration du service public, d’autres une menace pour les acquis sociaux des salariés, sans compter les inquiétudes légitimes des usagers, qui redoutent la dégradation de l’offre de service.
Nous avons donc été confrontés à un défi technique, opérationnel et social d’une ampleur inédite. Il s’agissait de garantir la continuité du service public des transports, tout en permettant à de nouveaux acteurs d’entrer sur le marché dans les meilleures conditions possible. Cela a nécessité une approche prudente, réfléchie et progressive.
Le travail de nos deux assemblées, réunies en commission mixte paritaire, a permis d’améliorer le texte, dans l’intérêt des voyageurs, des salariés et du service.
Face à des agents de la RATP inquiets quant à l’avenir de leurs conditions de travail et des usagers attentifs au devenir d’un service public essentiel dans leur quotidien, il fallait relever le défi de proposer un texte pragmatique tenant compte des intérêts de chacun.
J’avais, pour ma part, proposé un amendement visant à faire en sorte que les salariés de la RATP concernés par le changement d’exploitant ne perdent pas l’accès à leur plan d’épargne entreprise. Cet amendement, bien qu’attendu par les agents de la RATP, n’a malheureusement pas été retenu par notre assemblée.
L’une des principales décisions prises dans le cadre de l’examen du texte a été l’échelonnement du processus d’ouverture à la concurrence. Cette décision, loin d’être une fuite en avant, est au contraire un gage de réalisme et de responsabilité. Elle permettra de prendre le temps nécessaire pour accompagner les salariés de la RATP dans cette transition, pour garantir la continuité du service public et pour permettre à de nouveaux acteurs de se préparer à entrer sur le marché.
Toutefois, cet échelonnement ne suffit pas. La commission a également veillé à ce que l’ouverture à la concurrence ne se traduise pas par une dégradation de la qualité du service public. Les usagers du réseau de bus francilien ont le droit de bénéficier d’un service de qualité, quel que soit l’opérateur chargé de leur ligne de bus.
L’ouverture à la concurrence doit être accompagnée de la mise en place d’organes de régulation et de contrôle. Elle doit être encadrée, afin de permettre la création, en Île-de-France, d’une offre de transports plus dynamique pour les usagers.
La grande majorité du groupe du RDSE votera en faveur de ce texte. (Applaudissements au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Nadège Havet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, adopté en première lecture ici même le 23 octobre dernier, puis à l’Assemblée nationale avec modifications, le texte d’initiative sénatoriale qui nous est présenté ce soir est le fruit d’un compromis intervenu en commission mixte paritaire voilà dix jours.
Je veux ici remercier les membres de cette CMP, qui se sont réunis le 7 décembre dernier pour parvenir à cet accord attendu. Je pense notamment aux deux rapporteurs, M. le sénateur Franck Dhersin et M. le député Bruno Millienne.
Mon groupe votera pour cette dernière version de la proposition de loi déposée par M. le sénateur Vincent Capo-Canellas au mois de septembre dernier.
Il s’agit, dans des délais contraints – mais le cadre initial l’imposait –, d’aménager et de reporter le calendrier d’ouverture à la concurrence du réseau des autobus et autocars franciliens de la RATP.
Plusieurs dispositifs sont intégrés pour qu’aucun des salariés n’y perde. Je pense au « sac à dos social » abordé ici même dans le cadre de l’examen de la loi LOM, chère à notre collègue Didier Mandelli.
Une transition réussie plutôt qu’une bascule chaotique : c’est un programme que le groupe RDPI soutient bien évidemment. Nous le rappelions en première lecture, ce texte vient traduire législativement les préconisations faites par la mission confiée par l’autorité organisatrice Île-de-France Mobilités à Jean-Paul Bailly et Jean Grosset.
Son objectif est de faciliter l’ouverture effective à la concurrence. En effet, notre législation, qui trouve ses racines dans le droit européen et la loi ORTF de transposition de 2009 (loi du 8 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports), prévoit que le monopole de la RATP cessera au 31 décembre 2024, c’est-à-dire dans un an. Cela délai a été jugé trop court, en raison des difficultés opérationnelles et sociales précédemment évoquées.
Avec les jeux Olympiques et Paralympiques, qui se tiendront l’été prochain, le risque de désorganisation et de rupture de continuité du service était réel. Nos deux assemblées ont donc eu la volonté commune d’aboutir à un texte pragmatique, alors même que, dès le début, les convergences étaient nombreuses.
Accord déjà sur le report d’une échéance trop rapprochée, avec un échelonnement sur deux ans du calendrier d’ouverture à la concurrence. Accord ensuite sur la volonté d’offrir aux agents de la RATP les garanties sociales nécessaires pour répondre aux inquiétudes exprimées. Accord aussi sur la volonté d’un renforcement de la qualité du service rendu aux usagers.
Les articles 4 et 8 ont été adoptés conformes, la discussion en CMP ayant porté sur six articles. Les points de désaccord qui subsistaient étaient minimes. Les amendements adoptés par l’Assemblée nationale aux articles 5 et 6 ont été retenus. Par ailleurs, des modifications de nature rédactionnelle, sémantique et d’harmonisation légistique ont par ailleurs été intégrées.
En définitive, il ne subsistait qu’un seul point de désaccord : les modalités de règlement des différends éventuels liés au nombre de salariés transférés entre IDFM et la RATP. La LOM avait confié cette mission arbitrale à l’Autorité de régulation des transports. Pour le Sénat, il était important que l’ART continue de régler ces problématiques.
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Très bien !
Mme Nadège Havet. Un point d’équilibre a été trouvé en maintenant la prérogative de l’autorité publique indépendante, mais en faisant courir le délai à compter de la saisine complète et en prévoyant qu’il puisse être étendu, sur décision motivée, de trois mois supplémentaires.
C’est par conséquent, sur ce point comme sur l’ensemble du texte, une solution pragmatique que nous nous apprêtons à voter, synthèse entre garanties sociales, équité concurrentielle et respect de nos engagements supranationaux.
En adoptant ces conclusions, nous exprimons notre volonté que l’ouverture à la concurrence se fasse dans de bonnes conditions. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et au banc des commissions. – MM. Vincent Capo-Canellas et Ahmed Laouedj applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Simon Uzenat, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur des travées des groupes SER et GEST.)
M. Simon Uzenat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi d’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP n’est pas un texte anodin ; nous avons eu les uns et les autres, au cours du débat parlementaire, l’occasion de le souligner.
Je rappelle quelques chiffres clés : 19 000 salariés, 308 lignes de bus, 4 500 bus. Mais nous pensons surtout aux millions de nos concitoyens qui sont chaque jour en attente d’un service de qualité.
M. Franck Dhersin, rapporteur. Nous le sommes aussi !
M. Simon Uzenat. Nous n’allons pas rejouer les débats que nous avons déjà eus, en commission comme en séance, mais je souhaite une nouvelle fois pointer la procédure législative débridée, pour rester dans le champ lexical des transports, qui a présidé à l’examen de ce texte déposé le 29 septembre. Le véhicule législatif choisi, la proposition de loi, a permis de se passer d’une étude d’impact, document pourtant absolument nécessaire en l’espèce, et nous a empêchés de bénéficier de l’avis du Conseil d’État.
Cette démarche – chacun l’a rappelé, par-delà les divergences d’interprétation – est le fruit d’un accord assumé entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale, la présidente d’Île-de-France Mobilités revendiquant sa proximité avec cette dernière.
Nous le réaffirmons, et il n’y a là de notre part aucune posture, l’ouverture à la concurrence de ces services n’était pas une obligation européenne : il faut être très clair là-dessus.
La concurrence n’est pas une solution magique, au contraire, comme l’ont montré les expériences malheureuses du réseau Optile : dysfonctionnements très sérieux, problèmes économiques et financiers très importants pour les entreprises délégataires.
Cela a été rappelé, le débat sur la concurrence est tranché depuis longtemps. C’est vrai : il l’est depuis quinze ans. Mais qu’a-t-il été fait en quinze ans pour qu’à un an de l’échéance nous ne soyons toujours pas prêts ? Chacun doit s’interroger sur ses responsabilités à cet égard…
Pour ce qui est du calendrier, nous redisons que ce texte témoigne, de la part du Gouvernement et de la majorité sénatoriale, d’une précipitation visant à enjamber les jeux Olympiques et Paralympiques et à éviter un crash industriel. L’article 40 de la Constitution nous a empêchés d’aller plus avant dans cette voie, mais nous proposions une date postérieure à 2028.
Nous ne sommes pas opposés par principe aux délégations de service public. Dans le cadre des collectivités où nous siégeons, il nous arrive d’en voter ; encore faut-il que les conditions de réussite soient réunies. En l’occurrence, de notre point de vue, elles ne le sont pas.
Tout d’abord, et comme nous avons déjà eu l’occasion de le souligner, la dislocation du réseau historique en treize lots et la séparation afférente des modes de transport suscitent des interrogations très fortes. La façon dont seront gérés les incidents pose question, comme l’intermodalité, qui est aujourd’hui garantie par l’unicité du réseau. Chaque lot équivaudra à une métropole de la taille de Rennes ou de Nantes : cela ne s’improvise pas…
Concernant ensuite la soutenabilité financière, sujet sur lequel beaucoup de collègues ont insisté, IDFM fait face à un mur d’investissements et, malgré quelques évolutions annoncées, le compte n’y est pas.
De la même façon, pour ce qui est du rôle dévolu à l’Autorité de régulation des transports, nous soutenions évidemment la position selon laquelle il doit lui revenir de s’occuper des différends. Encore faut-il, là aussi, qu’elle en ait les moyens. Et nous espérons que l’accord ayant prévalu entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale permettra d’accélérer sur ce point.
Pour ce qui concerne enfin les garanties sociales, nos demandes n’ont pas été entendues – nous le regrettons très vivement – et le compte, là encore, n’y est pas, qu’il s’agisse des rémunérations, des retraites ou des recrutements. Les expériences liées à la mise en concurrence du réseau Optile démontrent que ces interrogations et ces inquiétudes sont parfaitement justifiées ; les organisations syndicales ont d’ailleurs rappelé aussi leur très forte préoccupation et leurs désaccords nombreux.
Nous le voyons bien avec cette proposition de loi, des risques très élevés d’embouteillage et même de carambolage pèsent sur la continuité et la qualité du service public rendu à des millions de nos concitoyens en région Île-de-France.
En cohérence avec les positions déjà exprimées en première lecture par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, en commission comme en séance publique, nous voterons contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions. – M. Vincent Capo-Canellas et Mme Nadège Havet applaudissent également.)
M. Franck Dhersin, rapporteur. On finit en beauté !
M. Didier Mandelli. Le meilleur d’entre nous !
M. Philippe Tabarot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que la plus attendue des commissions mixtes paritaires tient actuellement sa réunion à quelques minutes d’ici, il nous revient de rendre compte de l’une de ses « petites sœurs » du jour, j’ai nommé la CMP chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP.
Certes, cette proposition de loi ne truste pas le box-office des conclusions parlementaires de la semaine ni n’a battu le record de la CMP la plus longue de la Ve République, qu’à l’heure actuelle nous détenons, mes chers collègues, avec la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite Climat et résilience, mais elle n’est pas pour autant secondaire.
En plus de laisser la possibilité à Île-de-France Mobilités de reporter l’ouverture à la concurrence des bus du 31 décembre 2024 au 31 décembre 2026, cette proposition de loi déposée par notre collègue Vincent Capo-Canellas apporte des solutions concrètes aux obstructions opérationnelles rencontrées dans le cadre du processus d’ouverture à la concurrence, tout en confortant les garanties sociales des personnels transférés aux nouveaux opérateurs.
Le travail de nos deux assemblées a permis d’améliorer le texte, dans l’intérêt des voyageurs, du service et des salariés.
Cette proposition de loi consacre la place de l’initiative parlementaire, montrant qu’un problème peut être résolu en amont lorsqu’on procède selon une logique contraire à celle qui prévaut habituellement, celle d’un État impotent aveugle à tout ce qui permet d’assouplir les règles bureaucratiques.
Au vu de l’envergure européenne de ce territoire et à l’approche des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, on doit bien reconnaître, même sans être ni Parisien ni Francilien, que la région Île-de-France méritait que l’on se penche sur l’organisation d’un grand service public des mobilités.
Mme Cathy Apourceau-Poly. On se demande où il est, ce grand service public !
M. Philippe Tabarot. Oui, mes chers collègues, je dis bien un grand service public, et non, comme nous avons pu l’entendre à l’Assemblée nationale, une prestation privatisée laissée aux mains de vils et assoiffés libéraux.
Je sais que ce texte n’a pas vocation à trancher la question de savoir si l’ouverture à la concurrence doit se faire ou non. La concurrence n’est pas une option : c’est une réalité.
Sur ce sujet, ma religion est faite depuis longtemps : ce que certains appellent une concurrence à marche forcée est en réalité une délégation de service public régionalisée, placée sous l’autorité d’Île-de-France Mobilités.
Ce que l’on n’explique pas assez à nos concitoyens, c’est que la concurrence peut être une émulation, une école d’humilité.
Ce que l’on n’explique pas assez à nos concitoyens, c’est que le challenge fait grandir, car il est spontanément généreux. Il l’est pour les usagers, qui connaîtront, à n’en pas douter, un accroissement de la qualité de l’offre ; pour les nouveaux entrants, qui pourront développer leurs services ; pour les opérateurs historiques, qui bénéficieront du développement du marché.
Nous avons tous eu à cœur d’aboutir à un texte pragmatique et équilibré, en prévoyant le report d’une échéance qui était trop proche.
Par la progressivité calendaire de sa mise en œuvre, ce texte prend en compte la réalité de la taille du réseau et des effectifs concernés.
Par les réponses sociales tangibles qu’il apporte, il permet des avancées tangibles, offrant aux agents de la RATP les garanties nécessaires pour éteindre leurs inquiétudes.
La qualité du service rendu aux usagers devrait s’en trouver renforcée. (M. Pascal Savoldelli ironise.)
La navette parlementaire a permis de clarifier et d’enrichir le texte, avec, en point d’orgue, en fin de course parlementaire, le retour du phénix qu’est l’Autorité de régulation des transports, régulateur et gendarme des transports. Monsieur le ministre, pour mener à bien en toute indépendance son importante mission, celle-ci doit bénéficier de moyens renforcés, ainsi que nous le proposons, au Sénat, à chaque projet de loi de finances. (M. Pierre Barros éternue.) L’un de nos collègues est allergique à l’ouverture à la concurrence ! (Rires.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. C’est exactement ça !
M. Franck Dhersin, rapporteur. C’est un courant d’air sain !
M. Philippe Tabarot. En garantissant le caractère équitable du processus et l’amélioration de la qualité du service, ce texte parvient à un point d’équilibre via la construction d’un cadre raisonnable.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains se félicite de l’accord trouvé et votera en faveur des conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Nadège Havet applaudit également.)
M. Franck Dhersin, rapporteur. Bravo !
Mme la présidente. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP.
J’ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Union Centriste, l’autre, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 104 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 242 |
Contre | 98 |
Le Sénat a adopté définitivement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP.)
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie l’auteur de la proposition de loi, Vincent Capo-Canellas, notre rapporteur, Franck Dhersin, ainsi que les membres de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Je tiens à remercier également le rapporteur de l’Assemblée nationale, Bruno Millienne : il y avait entre nous un point d’achoppement – il en a été question –, mais nous avons réussi à passer outre en obtenant un accord en commission mixte paritaire ; c’était important.
L’Assemblée nationale a bien compris que l’Autorité de régulation des transports était là pour trancher les éventuels différends qui pourraient émerger entre Île-de-France Mobilités et la RATP, disposition inscrite dans la LOM qu’il convenait de respecter.
Je remercie enfin l’ensemble des groupes : nous avons bien entendu qu’il y avait des différences entre nous, mais elles ont pu s’exprimer. C’est cela, précisément, le débat démocratique : exprimer nos différences, et le faire en toute sérénité ; je me réjouis que de tels débats sereins puissent avoir lieu dans notre hémicycle. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Clément Beaune, ministre délégué. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux moi aussi, au risque de répéter ce que vient de dire l’excellent président Longeot, vous remercier de la qualité de ces débats. Ils ont été, en première lecture, approfondis et utiles, bien que nocturnes !
Nous n’avons, certes, pas réussi le doublé de l’unanimité sur les deux textes relatifs aux transports qui ont été discutés cet après-midi. Néanmoins, et même si les débats ne sont pas éteints sur le fond du sujet, je pense très profondément et très sincèrement qu’il était essentiel, en cette matière, de définir un calendrier raisonnable – « détendu » – et d’apporter des garanties sociales supplémentaires ; nous pouvons au moins nous retrouver sur ces objectifs. Ce texte de loi y pourvoit, dans des délais qu’il était indispensable de tenir, car les négociations sociales et les appels d’offres sont en cours ou – pour d’autres lots – vont commencer. Il était nécessaire d’apporter dès maintenant de telles protections.
Merci pour ces débats : merci à M. le rapporteur et merci à M. le sénateur Capo-Canellas, qui est extrêmement engagé dans plusieurs propositions de loi relatives aux mobilités, des rails jusqu’aux airs ; sur ce dernier sujet, nous attendons pour les prochains jours une décision du Conseil constitutionnel, que j’espère positive.
Merci beaucoup pour cet engagement collectif ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante-six.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset.
M. Michel Masset. Madame la présidente, lors du scrutin public n° 102 sur l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi organique visant à rétablir la réserve parlementaire en faveur des communes et des associations, mon collègue Philippe Grosvalet souhaitait voter contre.
Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin.
5
Restitution des restes humains appartenant aux collections publiques
Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques (texte de la commission n° 182, rapport n° 181).
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c’est avec une profonde émotion que j’interviens ce soir, alors que le Sénat s’apprête à adopter définitivement la proposition de loi que j’ai déposée au mois d’avril dernier avec Max Brisson, Pierre Ouzoulias et plusieurs de nos collègues de la commission de la culture, avec le soutien du président Laurent Lafon ; je les remercie tous très sincèrement.
Je me félicite, sur le plan symbolique, que la discussion parlementaire s’achève dans la chambre du Parlement où la réflexion a débuté voilà plus de vingt ans, avec la proposition de loi déposée par notre ancien collègue Nicolas About relative à la restitution par la France de la dépouille mortelle de Saartjie Baartman à l’Afrique du Sud.
Vous savez à quel point j’ai fait mienne cette question de la restitution de restes humains depuis l’affaire de la tête maorie du muséum de Rouen, voilà quinze ans. Ce sujet, qui touche au respect de la dignité de la personne humaine, à l’égale dignité des cultures, à la justice et à la mémoire, me paraît essentiel.
En dépit des réserves, que je ne comprends pas très bien, exprimées par certains groupes à l’Assemblée nationale, je considère que notre pays s’honore à se doter d’un cadre facilitant la restitution de certains restes humains présents dans nos collections publiques.
Tout d’abord, il s’agit d’un texte profondément empreint d’humanisme et d’universalisme. Gardons à l’esprit les demandes sincères formulées par des communautés étrangères en vue d’honorer la mémoire de leurs ancêtres selon leurs rites et leurs traditions. Nous ne saurions les rejeter systématiquement ou leur imposer des délais exorbitants, alors que l’expérience des têtes maories a démontré que les restitutions sont l’occasion de bâtir des relations plus solides et plus apaisées et de développer de nouvelles coopérations en se penchant ensemble sur notre histoire commune.
Ensuite, il est indispensable que le législateur résolve le conflit de normes qui oppose, d’un côté, le principe d’inaliénabilité des collections et, de l’autre, le principe, résultant des lois bioéthiques, d’interdiction de la patrimonialisation du corps humain.
Enfin, ce cadre apporte la garantie que les demandes de restitution de restes humains seront, à l’avenir, examinées de manière transparente et selon des critères objectifs, de manière à mettre un terme aux pratiques qui pourraient s’apparenter au fait du prince.
Ce texte ne répond pas à une impulsion du moment ; il est le fruit d’une mûre réflexion, alimentée à la fois par le travail conduit sous l’impulsion du législateur par feu la Commission scientifique nationale des collections (CSNC) et par les travaux de contrôle que notre commission a engagés depuis 2019 sur la question des restitutions.
C’est grâce à ce long processus collectif de gestation que nous sommes aujourd’hui parvenus à un texte équilibré, rendant possible la restitution de certains restes humains identifiés, tout en l’encadrant de manière suffisamment stricte pour ne pas remettre en cause le principe d’inaliénabilité, essentiel à la préservation de nos collections.
Le texte circonscrit précisément les conditions dans lesquelles des dérogations à ce principe peuvent être accordées. C’est pourquoi la commission mixte paritaire est d’ailleurs revenue sur la possibilité qu’avaient introduite les députés de restitutions à des fins mémorielles. L’imprécision de ce terme aurait pu ouvrir la voie à une infinité de possibilités d’usages des restes humains restitués, au risque de faire perdre toute portée au principe d’inaliénabilité.
Je sais, madame la ministre, que vous vous êtes engagée à préciser les contours du terme « funéraires » dans le décret d’application : l’expérience acquise avec la restitution des têtes maories prouve qu’il recouvre un sens plus large que la simple inhumation ou crémation et qu’il recouvre toutes sortes de rites permettant d’honorer la mémoire du défunt, y compris la création d’un mémorial.
Le texte met par ailleurs en place une procédure objective et transparente apportant de solides garanties sur le caractère scientifique, juridique et impartial de l’examen qui sera fait des demandes de restitution : un comité scientifique bilatéral sera chargé d’identifier les restes humains en cas de doute et le Conseil d’État aura pour mission de contrôler la décision de restitution avant son adoption.
Les propositions de rédaction que j’ai introduites en commission mixte paritaire avec mon homologue rapporteur de l’Assemblée nationale ont permis d’accroître l’information du Parlement dès le dépôt de la demande de restitution, et ce tout au long de la procédure, afin qu’il puisse, si besoin, lancer des travaux de contrôle approfondis.
Compte tenu du caractère interétatique de la procédure mise en place, il n’a pas été possible de la transposer aux cas des restes humains ultramarins. C’est pourtant un enjeu majeur, pour lequel il est urgent que nous trouvions une solution, comme en témoigne le cas des restes humains kaliña conservés dans les collections du musée de l’Homme ; l’association Moliko Alet+Po, dont je salue la présence en tribune, en demande la restitution.
L’article 2 vise à confier au Gouvernement le soin de remettre, d’ici à un an, un rapport au Parlement identifiant une solution pertinente, globale et pérenne. Madame la ministre, vous avez proposé, avec le ministre des outre-mer, d’associer les délégations aux outre-mer des deux assemblées à cette réflexion à laquelle il faudrait ajouter, à mon sens, les commissions des lois et de la culture. L’important est que nous nous mettions tous rapidement autour de la table.
Malgré son caractère consensuel, l’examen de cette proposition de loi a été complexifié par l’imminence de la troisième loi-cadre, relative aux biens culturels. Je veux croire, madame la ministre, que nos discussions auront permis de mettre en lumière certaines des lignes directrices voulues par le législateur : la nécessité de dérogations au principe d’inaliénabilité limitées et parfaitement justifiées ; l’importance d’une procédure garantissant non seulement une expertise scientifique croisée, mais aussi un avis indépendant permettant d’éclairer l’autorité décisionnaire quant à l’équilibre à trouver entre les différents intérêts en jeu ; enfin, le besoin d’y associer le Parlement.
D’ici là, il me paraît primordial de disposer d’un état des lieux précis et de donner un coup d’accélérateur à la politique en matière de recherche de provenance, afin que ces lois-cadres puissent effectivement produire leurs effets. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture. Madame la présidente, monsieur le président de la commission de la culture, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, j’aimerais commencer par évoquer le chant VI de L’Énéide de Virgile, ce passage où son héros, Énée, descend aux enfers pour dialoguer avec son père Anchise. C’est le moment crucial, celui où le destin d’Énée se noue. Arrivé au bord du Styx, il trouve sur la rive du fleuve qui sépare les morts des vivants, une foule importante.
Étonné et ému par ce tumulte, il demande à sa guide, la Sybille de Cumes : « Dis-moi, vierge, que signifie ce rassemblement près du fleuve ? Que veulent ces âmes ? »
La prêtresse lui répond : « Tous ceux-ci que tu vois, c’est la foule misérable des morts sans sépulture ; […]
« Et ils ne peuvent traverser ces rives effrayantes et ces flots grondants
« Avant que leurs ossements n’aient trouvé le repos dans une tombe. »
Au cœur de ce grand poème, qui fonde le monde latin, se trouve donc la question sur laquelle vous, sénateurs et sénatrices, vous êtes penchés depuis si longtemps. C’est une question qui nous lie à ce que nous avons de commun avec l’Humanité tout entière.
Ce 18 décembre 2023, la proposition de loi relative à la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques va, je l’espère, être définitivement votée.
C’est un moment historique, attendu par plusieurs peuples étrangers, par le personnel scientifique de nos institutions culturelles, par de nombreux parlementaires et, plus largement, par nos concitoyens.
Le Sénat fait figure de pionnier. Dès 2002, il répond à la demande de l’Afrique du Sud en rédigeant une première proposition de loi. Le corps de Sawtche, plus connue sous le nom de Saartjie Baartman, est rendu à sa terre d’origine.
En 2010, vous votiez la loi permettant la restitution par la France des têtes maories à la Nouvelle-Zélande, sur l’initiative de la sénatrice Catherine Morin-Desailly.
Le changement des mentalités, tant scientifique que politique, s’est accéléré dès cette date. Un groupe pluridisciplinaire créé par le ministère de la culture et le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a mené à la publication en 2019 d’un vade-mecum pour la gestion des restes humains dans les collections publiques.
En écho, la commission de la culture du Sénat a lancé en 2020 une mission d’information consacrée à la restitution des biens culturels appartenant aux collections publiques, menée par Max Brisson, Pierre Ouzoulias et Catherine Morin-Desailly, suivie d’une proposition de loi dont l’article 2 concernait les restes humains.
Ce travail de fond, long de plus de dix ans, a donc permis la convergence du travail législatif et des demandes des professionnels du patrimoine. Le temps d’une loi-cadre était venu. Elle est née d’un travail transpartisan qui a mené à un texte d’équilibre entre la garantie du principe d’inaliénabilité et la gestion éthique des collections publiques. Chaque mot a été pesé. Rares sont les lois qui auront nécessité de consulter autant de conservateurs, de chercheurs, de représentants étrangers !
Je salue tout particulièrement l’engagement de la sénatrice Catherine Morin-Desailly à qui nous devons tant. Sa détermination, son dévouement à cette cause, son travail en profondeur font honneur à la France.
M. Max Brisson. Exact !
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Je tiens aussi à saluer l’implication du député Christophe Marion, qui a permis de parvenir aujourd’hui à un texte équilibré, grâce à un travail de dentelle et de précision.
Le respect de la dignité humaine anime cette loi. Son écriture a été guidée par la connaissance approfondie de différentes situations relatives aux restes humains. La France regarde son histoire en face, entend les demandes des autres peuples et souhaite instaurer avec eux une nouvelle ère, ouvrir de nouveaux échanges culturels en ayant contribué à apaiser les mémoires douloureuses.
Les commissions bilatérales sauront étudier avec rigueur et méthode l’histoire propre à chaque cas de restes humains. De cette expertise à plusieurs voix, tant historiques, ethnologiques, qu’autochtones ou juridiques, naîtra un consensus. Celui-ci pourra être le fondement pour non seulement des restitutions, mais aussi des coopérations scientifiques.
Les amendements adoptés par le Sénat et les modifications opérées par la commission mixte paritaire ont réaffirmé la place centrale du rapport scientifique rédigé par la commission bilatérale et ont renforcé les modalités d’association du Parlement à ces travaux.
Cet écrit concourt à assurer le respect du principe d’inaliénabilité, à garantir la qualité scientifique des démarches, mais aussi à joindre la représentation nationale au processus de restitution. C’est une base prometteuse pour l’avenir, et je vous en remercie très sincèrement.
Restituer les restes humains originaires des territoires ultramarins ne pouvait pas avoir sa place dans un texte visant à cadrer les demandes de restitution d’États étrangers. Mais ce travail sera notre priorité des prochains mois. J’ai en effet annoncé que le Gouvernement lancera début 2024 une mission parlementaire sur le sujet. En lien avec la délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale et la délégation sénatoriale aux outre-mer, il aura notamment pour objectif d’évaluer le corpus des restes ultramarins conservés dans les collections publiques, de consulter les autorités administratives, politiques et coutumières des outre-mer, puis d’identifier le véhicule législatif le plus approprié.
Le Gouvernement tiendra son engagement : d’ici à un an, et je l’espère même avant, nous aurons, avec le ministre Philippe Vigier et les territoires concernés, identifié des solutions pour déroger à l’inaliénabilité des restes humains originaires des territoires ultramarins et pour pouvoir les restituer.
Permettez-moi, pour conclure, de revenir à Virgile avec le chant XI, qui suit les premiers affrontements entre les armées d’Énée et les peuples latins. Des ambassadeurs viennent lui demander la faveur de reprendre les corps des vaincus, afin qu’ils puissent être ensevelis : « Le bon Énée, trouvant leur prière tout à fait recevable, leur réserve un accueil favorable, ajoutant ces paroles : “Latins, quelle fortune indigne vous a donc mêlés à une si grande guerre, au point de fuir notre amitié ? Vous demandez la paix pour des morts, victimes des aléas de Mars ?” En vérité, c’est à des vivants aussi que je voudrais l’accorder ! »
Voilà le sens profond de votre travail, voilà le sens de cette loi : rendre les corps des morts pour rendre la paix aux vivants.
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. C’est un texte d’humanité, de dignité, de justice. (Applaudissements.)
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. Bravo !
Mme la présidente. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
proposition de loi relative à la restitution de restes humains appartenant aux collections publiques
Article 1er
I. – Le chapitre V du titre Ier du livre Ier du code du patrimoine est ainsi modifié :
1° et 2° (Supprimés)
3° Est ajoutée une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Restes humains appartenant aux collections publiques
« Art. L. 115-5. – Par dérogation au principe d’inaliénabilité des biens des personnes publiques relevant du domaine public inscrit à l’article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques, peut être prononcée la sortie du domaine public de restes humains, qu’il s’agisse d’un corps complet ou d’un élément de corps humain, relevant de l’article L. 2112-1 du même code, dans les conditions prévues aux articles L. 115-6 à L. 115-8 du présent code.
« La sortie du domaine public est réalisée exclusivement pour permettre la restitution de restes humains à un État à des fins funéraires.
« Par dérogation à l’article L. 451-7, le présent article est également applicable aux restes humains intégrés aux collections des musées de France par dons et legs.
« Art. L. 115-6. – Pour l’application de l’article L. 115-5, la sortie du domaine public de restes humains identifiés et provenant du territoire d’un État étranger ne peut être prononcée que si les conditions suivantes sont remplies :
« 1° La demande de restitution a été formulée par un État, agissant le cas échéant au nom d’un groupe humain demeurant présent sur son territoire et dont la culture et les traditions restent actives ;
« 2° Les restes humains concernés sont ceux de personnes mortes après l’an 1500 ;
« 3° Les conditions de leur collecte portent atteinte au principe de la dignité de la personne humaine ou, du point de vue du groupe humain dont ils sont originaires, leur conservation dans les collections contrevient au respect de la culture et des traditions du groupe.
« Art. L. 115-7. – Lors d’une demande de restitution de restes humains dont l’identification est incertaine, un comité scientifique est créé de façon concertée avec l’État demandeur afin de représenter les deux États de manière équilibrée. Le Gouvernement informe les commissions permanentes chargées de la culture de l’Assemblée nationale et du Sénat de la création d’un tel comité et de sa composition. Ce comité conduit un travail conjoint d’analyse scientifique sur l’origine des restes humains faisant l’objet d’une demande de restitution, afin de tenter de préciser leur identification ou, à défaut, de les relier de manière probante au groupe humain dont ils sont présumés issus. Le comité scientifique peut également se prononcer sur la qualité de restes humains lorsque celle-ci fait débat.
« Des analyses des caractéristiques génétiques constitutionnelles des restes humains étudiés peuvent être réalisées, sous réserve de l’accord de l’État demandeur, lorsqu’aucun autre moyen ne permet d’établir l’identification.
« Le comité rédige un rapport détaillant les travaux conduits et fixant la liste des restes humains dont l’origine a pu être établie, qui est remis au Gouvernement, aux commissions permanentes chargées de la culture de l’Assemblée nationale et du Sénat et à l’État demandeur. Ce rapport est rendu public, sous réserve de l’approbation de l’État demandeur.
« Art. L. 115-8. – La sortie du domaine public est prononcée par un décret en Conseil d’État, pris sur le rapport du ministre chargé de la culture et du ministre de tutelle de l’établissement public national auquel les restes humains sont affectés. Lorsqu’il saisit le Conseil d’État, le Gouvernement lui transmet, le cas échéant, le rapport du comité mentionné à l’article L. 115-7.
« Lorsque le propriétaire est une collectivité territoriale, la sortie du domaine public ne peut être prononcée qu’après l’approbation de la restitution par son organe délibérant.
« Art. L. 115-9. – (Supprimé)
« Art. L. 115-10. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application de la présente section, y compris les conditions dans lesquelles est réalisée l’identification des restes humains et les modalités et les délais de restitution des restes humains à l’État demandeur à la suite de leur sortie du domaine public. »
II. – Chaque année, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant :
1° Les demandes de restitution de restes humains adressées par des États étrangers ;
2° Les décisions de sortie du domaine public prises au cours de l’année écoulée en application de la section 3 du chapitre V du titre Ier du livre Ier du code du patrimoine, assorties des rapports et des avis correspondants mentionnés aux articles L. 115-7 et L. 115-8 du même code, ainsi que tout élément permettant d’informer le Parlement du périmètre de la restitution résultant de la décision de sortie du domaine public prononcée en application de l’article L. 115-8 dudit code, dans les cas où il diffère du périmètre des restes humains dont l’identification a été établie par le comité scientifique mentionné à l’article L. 115-7 du même code ;
3° Les restitutions de restes humains intervenues en application de la section 3 du chapitre V du titre Ier du livre Ier du même code ;
4° Les demandes de restitution n’ayant pas abouti à une décision de sortie du domaine public. Lorsque l’instruction de ces demandes a donné lieu à la création d’un comité scientifique en application de l’article L. 115-7 du même code, le rapport de ce comité est joint.
III (nouveau). – Dans un délai d’un mois à compter de leur réception, le Gouvernement informe les commissions permanentes chargées de la culture de l’Assemblée nationale et du Sénat des demandes de restitution relatives à des restes humains appartenant au domaine public portées à sa connaissance.
Article 2
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport identifiant les solutions possibles pour mettre en place une procédure pérenne de restitution des restes humains originaires du territoire des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et de la Nouvelle-Calédonie conservés dans les collections publiques. Le rapport émet des recommandations sur les moyens budgétaires et humains nécessaires à l’identification des restes humains mentionnés à la première phrase du présent article.
Mme la présidente. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Marie-Claude Lermytte. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous souhaitons remercier les rapporteurs, la commission de la culture et l’ensemble des parlementaires qui ont participé à l’élaboration de ce texte commun sur un sujet très sensible. Les restes humains ne sont pas des biens culturels comme les autres.
Je salue l’engagement de longue date de Catherine Morin-Desailly, accompagnée de Max Brisson et de Pierre Ouzoulias.
Après son passage au Sénat en juin dernier, cette proposition de loi a été adoptée à l’Assemblée nationale. Elle s’ajoute aux différents textes dédiés aux restitutions. Je pense, notamment, au projet de loi visant à faciliter les restitutions d’œuvres d’art spoliées par les nazis aux familles juives. Ce sont des textes importants, qui nous honorent en tant que parlementaires et nous touchent dans notre humanité.
En matière de restitution, le droit évolue progressivement ; il est l’écho des évolutions de la société, ainsi que de notre rapport à la mort et au passé.
Que faire des restes humains ? C’est une question aux enjeux diplomatiques, historiques et patrimoniaux majeurs. Cela représente aussi un enjeu en matière, d’éthique, de sacré et de respect de la dépouille de nos ancêtres.
Qu’il s’agisse de crânes de combattants hérités de notre passé colonial ou encore de squelettes intégrés à nos collections publiques, nous défendons le principe de la dignité humaine.
Avant ce texte, les demandes de restitution étaient traitées au cas par cas. Il était temps de prévoir une loi-cadre à la hauteur des nombreux défis auxquels nous faisons face, un texte permettant de faciliter les retours des restes humains, tout en clarifiant les conditions à remplir.
La commission mixte paritaire (CMP) est parvenue à un accord au sujet des dispositions votées dans les deux chambres. Nous nous en réjouissons. Il est important que les mesures prévues par cette proposition de loi entrent en vigueur.
Une question reste en suspens : celle du devenir de ces restes humains restitués. Les usages funéraires et culturels sont extrêmement divers en fonction des pays. De son côté, la France doit apporter un soutien accru à la recherche de provenance. Il s’agit d’être en mesure de proposer une solution digne et de réparer les éventuelles injustices.
Enfin, nous l’avions déjà souligné lors de l’examen de ce texte, une vaste réflexion doit être menée au sujet de l’avenir de nos collections muséales.
Comment les adapter aux évolutions des usages, aux nouvelles habitudes des visiteurs, aux évolutions technologiques ? Comment perpétuer la mémoire des restes humains et œuvres culturelles destinés à quitter nos musées ?
Voilà les grands sujets qui devront faire l’objet d’une réflexion collective dans les années à venir. Notre politique patrimoniale a vocation à évoluer. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires s’engagera pleinement dans les échanges sur ces questions essentielles.
Vous l’aurez compris, notre groupe soutient l’adoption de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Pierre-Antoine Levi. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission de la culture, madame la rapporteure et auteure de la proposition de loi, chère Catherine Morin-Desailly, mes chers collègues, je partirai naturellement des derniers apports de la commission mixte paritaire au texte.
Le plus notable est, selon nous, l’amélioration de l’information du Parlement à laquelle il procède, qu’il s’agisse de l’information des commissions de la culture des deux assemblées en cas de demande de restitutions de restes humains dont l’identification serait incertaine ou de l’information des mêmes commissions dans un délai d’un mois à compter de la réception des demandes de restitution des restes humains appartenant au domaine public. Ce sont des points clés.
Car ce dispositif de suivi vient répondre à la principale crainte exprimée depuis le début de nos travaux sur le sujet, à savoir qu’en créant une procédure ad hoc de sortie du domaine public pour les restes humains appartenant aux collections publiques, le Parlement se dessaisirait trop largement de sa compétence.
En renforçant de la sorte l’information de nos commissions de la culture, nous pouvons in fine dire que nous parvenons à un équilibre : d’un côté, le Parlement sera toujours impliqué dans l’évolution du périmètre des collections publiques ; de l’autre, il ne sera pas non plus mobilisé à tout bout de champ pour adopter telle ou telle loi d’espèce.
Tel était, depuis le départ, l’objectif recherché. Vous le savez mes chers collègues, les centristes sont naturellement friands de ce type d’équilibre. Mais j’exprimerai aujourd’hui une satisfaction d’autant plus grande que l’on doit cet aboutissement législatif à la famille politique que j’ai l’honneur de représenter.
Le groupe Union Centriste a été moteur pour bousculer les lignes sur cette question et faire avancer notre pays.
Ainsi, les deux premières lois de restitution de restes humains votées en France l’ont été sur l’initiative de Nicolas About – cité par Catherine Morin-Desailly – à l’origine de la loi du 6 mars 2002 relative à la restitution par la France de la dépouille mortelle de Saartjie Baartman, la fameuse « Vénus Hottentote », à l’Afrique du Sud.
En 2010, Catherine Morin-Desailly parvint à faire adopter la loi visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories à la Nouvelle-Zélande et relative à la gestion des collections.
Ces lois d’espèce ont eu une importance historique. Face à l’augmentation des demandes, elles ont pavé la voie vers l’élaboration d’une procédure générale permettant de restituer les restes humains sans mobiliser à chaque fois le Parlement.
C’est bien ce que réclame notre commission de la culture depuis des années. Avec le présent texte, elle sera enfin entendue. Je ne peux que saluer sa détermination, d’autant que la proposition de loi que nous allons voter a bénéficié de l’ensemble des travaux menés sur le sujet depuis plus de dix ans pour parvenir à circonscrire la dérogation.
Je pense aux travaux de la Commission scientifique nationale des collections menés à la suite de la loi de restitution des têtes maories, relayés par un groupe de travail pluridisciplinaire mis en place par le ministère de la culture et le ministère de l’enseignement supérieur. Ces derniers ont permis de définir les critères de restitution que nous nous apprêtons à faire entrer dans la loi.
Le champ du texte est restreint aux seuls restes humains identifiés d’origine étrangère. La restitution ne pourra être accordée qu’à des fins funéraires. C’est une question de dignité. La procédure est claire et les critères sont précis. C’est ce qu’il fallait faire !
Je remercie donc très chaleureusement Catherine Morin-Desailly d’avoir gardé le cap jusqu’au bout. Je félicite également Max Brisson et Pierre Ouzoulias.
Vous l’aurez compris, c’est avec une très grande satisfaction que le groupe Union Centriste votera les conclusions de cette commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions. – M. Martin Lévrier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Thomas Dossus. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans un contexte géopolitique international très sombre, il est peu de dire que l’aboutissement aujourd’hui de cette proposition de loi est un message bienvenu d’apaisement international et de consensus parlementaire.
Je félicite donc ses auteurs, Pierre Ouzoulias et Max Brisson, mais surtout évidemment Catherine Morin-Desailly, car ce texte est aussi pour elle l’aboutissement d’un travail au long cours.
Sur les restitutions culturelles en général, nous sommes en train de changer d’ère. Je tiens donc aussi à remercier Mme la ministre de la culture du travail engagé autour de cette question. Ce texte n’est qu’une première étape, mais c’est une première étape essentielle. Nous avons suffisamment dénoncé, ici, le fait du prince en matière de restitutions ; ce premier cadre est donc le bienvenu.
Pour le traitement spécifique des demandes de restitution de restes humains adressées par des États étrangers, nous avions besoin d’un cadre clair et transparent. Le travail engagé il y a des années par Catherine Morin-Desailly a permis d’avancer plus facilement sur des critères précis et objectifs pour justifier la dérogation au principe d’inaliénabilité, tout en répondant à l’exigence de dignité et en préservant l’expertise scientifique.
Ce texte s’adresse en effet à tous les États qui demandent à la France la restitution d’ossements et autres éléments confectionnés à partir de restes humains, amassés dans nos collections publiques.
Par là, nous montrons que nous avons entendu leurs demandes et que nous considérons que les lois funéraires de chaque société ou communauté humaine s’imposent à nos méthodes ou à nos visions du monde passées. Par là, nous disons notre détermination à respecter l’intégrité et la dignité due à chaque corps humain après la mort. C’est après tout un des fondements de notre humanité.
Pourquoi exposer ce que d’autres ont volontairement enfoui ? Respecter les morts, c’est réconcilier les vivants. Nous disons ici notre volonté que les pratiques mémorielles et le respect des ancêtres s’imposent aux pratiques historiques ou scientifiques, même lorsqu’elles visent l’objectif universel d’un approfondissement des connaissances humaines.
Comme Pierre Ouzoulias l’a exprimé, ce texte va permettre d’accompagner les conservateurs vers la sortie d’une forme de déni. Sans empêcher le progrès des sciences humaines, il vise à renouveler nos pratiques et à nous préserver de l’écueil de l’exotisme, cet exotisme qui nourrissait la fascination malsaine pour le zoo humain de l’exposition universelle de 1889 et que l’ethnologue Tzvetan Todorov, dans son ouvrage Nous et les autres, dénonçait comme le revers du racisme, un « éloge dans la méconnaissance » – donc réducteur – de l’autre. Nous devons achever d’abolir l’exotisme de notre politique muséale.
Enfin, cette proposition de loi répond aux aspirations de la société française, à son attachement à un plus grand respect du principe de dignité humaine, appliqué à toutes les personnes.
Les collections publiques rassemblées dans nos musées sont le reflet de notre société. Le maintien de restes humains contre la volonté des peuples y est désormais impensable.
L’équilibre trouvé dans ce texte va permettre de faciliter les restitutions de restes humains et, surtout, il va permettre à notre pays d’examiner rapidement les demandes.
Nous espérons que nos établissements s’engageront dans un travail en profondeur d’identification des restes potentiellement sensibles qu’ils conservent dans leurs collections.
Enfin, la présente proposition de loi va permettre l’enrichissement des coopérations culturelles et scientifiques avec les États demandeurs, via le comité scientifique mixte.
Cette initiative parlementaire va donc nous faire réellement changer de cadre, en nous faisant entrer dans une nouvelle étape de notre coopération culturelle, et nous permettra d’alléger définitivement nos collections de vestiges de pratiques ethnologiques et archéologiques colonialistes dépassées, alors que les pratiques sont désormais encadrées par les conventions internationales de Londres et de La Valette.
C’est pourquoi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera en sa faveur. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – M. Martin Lévrier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
M. Pierre Ouzoulias. « Tous ceux qui à ce jour ont obtenu la victoire, participent à ce cortège triomphal où les maîtres d’aujourd’hui marchent sur les corps de ceux qui aujourd’hui gisent à terre. Le butin, selon l’usage de toujours, est porté dans le cortège. C’est ce qu’on appelle les biens culturels. […]
De tels biens doivent leur existence non seulement à l’effort des grands génies qui les ont créés, mais aussi au servage anonyme de leurs contemporains. Car il n’est pas de témoignage de culture qui ne soit en même temps un témoignage de barbarie. Cette barbarie inhérente aux biens culturels affecte également le processus par lequel ils ont été transmis de main en main. » Ainsi parlait Walter Benjamin dans son ouvrage posthume Sur le concept d’histoire.
C’est dans la prise de conscience humaniste du caractère barbare de l’exhibition morbide de vestiges humains spoliés à leurs populations d’origine que la présente proposition de loi trouve sa justification quasi philosophique.
Je veux rappeler qu’il a fallu près de vingt ans pour que les têtes maories conservées au muséum de Rouen soient enfin restituées au musée national néo-zélandais, grâce à la loi du 18 mai 2010.
Citer cette loi me permet de louanger la fortitude et la ténacité de notre collègue sénatrice Catherine Morin-Desailly et de rappeler que ce texte législatif était déjà, en quelque sorte, de portée générale, puisqu’il concernait toutes les têtes maories conservées dans des musées de France, y compris celles qui n’étaient pas encore connues au moment de sa rédaction.
Déjà en 2012, le Parlement considérait que ses compétences en matière de domanialité publique l’autorisaient à instituer un régime dérogatoire pour satisfaire le respect d’un principe qu’il considérait comme supérieur au caractère inamovible des collections publiques.
En droit, la présente proposition de loi n’est donc que l’extension à l’ensemble des restes humains des dispositions conçues en 2012 pour les seules têtes maories.
Par une curieuse alliance, les groupes La France insoumise et Les Républicains de l’Assemblée nationale nous ont reproché de déposséder le Parlement de ses prérogatives au profit de l’exécutif. Je regrette qu’ils n’aient pas pris la peine de prendre connaissance plus avant des nombreux travaux que la chambre haute a consacrés au dossier de la restitution des restes humains.
Par la présente proposition de loi, le Sénat a souhaité trancher un conflit juridique entre, d’une part, la nécessaire protection des collections publiques, assurée à la fois par le code général de la propriété des personnes publiques et le code du patrimoine, et, d’autre part, l’article 16-1 du code civil, qui dispose que « le corps humain est inviolable », et que « le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial », et l’article 16-1-1 du même code, qui précise que « le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort ».
À l’occasion de l’affaire des têtes maories, le juge administratif avait considéré que le régime de protection que leur conférait le code du patrimoine l’emportait sur le statut que leur attribuait le code civil.
Par ce texte, nous renversons cette jurisprudence, en considérant que le respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité du corps humain justifie une dérogation au caractère inaliénable des collections publiques. Ainsi, le Parlement, sans se dépourvoir de ses prérogatives en matière de domanialité publique, considère que les restes humains, par essence, ne peuvent pas constituer des objets patrimoniaux.
Ce faisant, nous transposons en quelque sorte dans le droit français les dispositions de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, adoptée par l’Assemblée générale le 13 septembre 2007, qui reconnaissait « un droit au rapatriement de leurs restes humains » et qui invitait les États à organiser leurs restitutions « par le biais de mécanismes justes, transparents et efficaces mis au point en concertation avec les peuples autochtones concernés. »
Contrairement aux assertions des représentants de certains groupes politiques de l’Assemblée nationale, la présente proposition fixe des conditions draconiennes à ces restitutions, qui seront garanties par le Conseil d’État, et organise l’information du Parlement annuellement et durant tout leur déroulement.
Il restera aux gestionnaires des collections publiques, ainsi qu’à leurs tutelles de se mobiliser pour assurer, dans l’année à venir, le récolement complet des restes humains susceptibles de restitution et d’en informer leurs ayants droit. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (M. Michel Masset applaudit.)
M. Bernard Fialaire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la CMP a été conclusive. Je me réjouis de cette issue consensuelle, à l’instant même où nous avons bien besoin de CMP conclusives ! (Sourires.)
Cette proposition de loi est une nouvelle étape de l’engagement de Catherine Morin-Desailly, treize ans après le retour des têtes maories. Je salue sa persévérance, ainsi que le soutien de la commission de la culture, en attendant le troisième volet de la législation sur la migration des biens culturels.
Après les biens juifs spoliés et les restes humains, ce dernier sera le fruit du travail réalisé par Max Brisson, Pierre Ouzoulias et l’incontournable Catherine Morin-Desailly à la suite de la mission d’information sur le retour des biens culturels appartenant aux collections publiques.
Pour en revenir à la restitution des restes humains, le contexte actuel, avec, par exemple, le conflit en Palestine, impose une lecture particulière, alors que nous sommes dans l’attente de libération d’otages et de rapatriements de corps.
Nous ne pouvons considérer des restes humains, aussi sophistiqués fussent-ils, comme des biens culturels banals.
Quelle que soit la date du décès, la dignité humaine impose de respecter la dimension charnelle de la relation qui unit un corps à ses proches, par liens familiaux, par descendance ou par liens historiques, nationaux ou culturels.
L’attente et les drames que vivent actuellement les familles des otages du Hamas nous permettent de mesurer la légitimité que les êtres vivants ou – hélas ! – décédés soient récupérés au plus vite par leurs proches, leur pays, avec le soutien de la communauté internationale.
Cette comparaison n’est pas inopportune et n’exploite pas une émotion immédiate pour argumenter sur un problème d’une autre échelle et d’une autre temporalité.
La restitution de restes humains ne doit souffrir aucune condition juridique d’inaliénabilité de biens culturels. Les seules précautions relèvent de doutes sur l’identification, qu’un comité scientifique doit lever, ainsi que Pierre Ouzoulias l’a bien rappelé.
Bien que ce texte associe le Parlement au travail de restitution, il ne donne que très peu satisfaction aux demandes ultramarines.
En janvier 2022, notre assemblée avait pourtant adopté un texte ambitieux qui se préoccupait de la restitution des restes humains d’origine française. De telles dispositions auraient pu être intégrées au texte final de la présente proposition de loi, afin d’envoyer un signal fort aux collectivités d’outre-mer.
Cependant, je vous ai bien entendue, madame la ministre, et je me réjouis de votre engagement pour qu’un texte puisse aboutir d’ici à la fin de l’année qui va débuter.
Comment pouvons-nous associer des restes humains à des œuvres d’art inaliénables ?
D’ailleurs, l’inaliénabilité des biens doit, à mon sens, porter sur la dimension culturelle du bien, et non sur sa patrimonialité. C’est sa dimension culturelle qui lui donne un caractère universel ! Je me battrai toujours pour le faire reconnaître.
Cette conception conforte la perception particulière des restes humains et de l’inaliénabilité de leur statut, que le temps ne saurait transformer en simples biens culturels.
Au-delà des conditions de restitution des restes humains, c’est la réflexion que nous menons sur les biens culturels que cette proposition de loi nous engage à prolonger, comme nous aurons à le faire rapidement – je l’espère – avec le troisième volet des retours des biens culturels appartenant aux collections publiques.
Si je vous ai livré mes réflexions personnelles, j’indique que le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen votera, bien entendu, les conclusions de la CMP. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Martin Lévrier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au mois de janvier 2023, la ministre de la culture, Rima Abdul-Malak, avait annoncé l’arrivée imminente de trois lois-cadres sur les restitutions, prévues dans le calendrier législatif.
Deux de ces lois sont sur le point d’être adoptées avant la fin de l’année.
La première, portant sur les œuvres issues de spoliations antisémites intervenues entre 1933 et 1945, est parue au Journal officiel n° 169 du 23 juillet 2023
La seconde, concernant la restitution de restes humains appartenant aux collections publiques, devrait, je l’espère, être définitivement adoptée par le Sénat aujourd’hui.
La commission mixte paritaire, consciente des enjeux et de l’impératif de progresser collectivement sur le chemin des restitutions des restes humains appartenant aux collections publiques, a joué un rôle primordial dans l’élaboration d’une proposition de loi-cadre. Cette démarche s’inscrit dans une perspective transpartisane, rassemblant des membres de différentes sensibilités politiques pour construire un consensus nécessaire face à une problématique complexe.
L’essence de cette proposition de loi découle du constat partagé, au sein de la commission, de la nécessité d’apporter des solutions claires et éthiques à la problématique des restes humains dans nos collections publiques. Compte tenu de la complexité de la conservation de ces éléments, la commission a reconnu le besoin d’un cadre législatif général qui facilite le processus de restitution, tout en respectant les principes fondamentaux comme celui de l’inaliénabilité du domaine public.
Le processus de création de cette proposition de loi a été marqué par un engagement transpartisan, témoignant d’une volonté commune de surmonter les obstacles actuels entravant les restitutions.
Les sénateurs Catherine Morin-Desailly, Max Brisson et Pierre Ouzoulias ont joué un rôle essentiel dans cette initiative, mettant à profit leurs compétences et leur expérience et, surtout, démontrant une détermination à traiter cette question de manière sérieuse et responsable.
Je tiens tout particulièrement à saluer la sénatrice Catherine Morin-Desailly pour son engagement sans faille depuis dix ans sur le sujet.
L’approche de la commission s’est inscrite dans une recherche d’équilibre entre le respect du principe protecteur de l’inaliénabilité des collections et la réponse adéquate aux demandes légitimes de populations dont la sensibilité et la mémoire sont heurtées par la conservation des restes humains de leurs ancêtres.
La proposition de loi-cadre qui en a résulté incarne une approche méthodique, rigoureuse et raisonnée, s’appuyant sur la rigueur scientifique pour guider le processus de restitution. En intégrant un comité scientifique mixte pour vérifier l’identification des restes en cas de doute, le texte se dote d’un mécanisme de contrôle supplémentaire, renforçant la crédibilité du processus.
L’accent mis sur la nécessité de transparence, à travers la transmission annuelle d’un rapport au Parlement, témoigne de la volonté de la commission de garantir un suivi démocratique et un contrôle continu sur l’application de la procédure. Cette transparence renforce la légitimité du processus, tout en permettant au Parlement de jouer pleinement son rôle dans la gestion éthique des collections publiques.
En résumé, la commission mixte paritaire a agi de manière déterminée et consensuelle, pour aboutir à une proposition de loi-cadre qui représente une avancée significative dans le traitement des demandes de restitution de restes humains. Cette initiative collective témoigne de la capacité du législateur à répondre de manière responsable aux défis sociétaux, combinant méthode, rigueur scientifique et respect des principes fondamentaux qui guident notre action.
La dernière loi de restitution, qui, comme l’a annoncé la ministre Rima Abdul-Malak, portera sur les biens culturels pillés durant la période coloniale, pourrait nous être soumise dans les premiers mois de 2024. Espérons que nous parvenions une nouvelle fois à un travail consensuel sur ce texte encore plus complexe.
En adoptant ces propositions, nous affirmons notre engagement en faveur d’une gestion éthique de notre patrimoine culturel, respectant la dignité humaine et favorisant la coopération internationale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et au banc des commissions. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Adel Ziane, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Adel Ziane. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour débattre d’une proposition de loi essentielle qui, à notre sens, transcende les clivages politiques et nous invite à faire preuve d’une profonde réflexion sur notre passé et à agir avec justice et respect.
Je tiens tout d’abord, bien sûr, à saluer le travail remarquable et la pugnacité de nos collègues Catherine Morin-Desailly, Max Brisson et Pierre Ouzoulias, dont l’engagement a été crucial dans l’élaboration de cette proposition de loi relative à la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques.
Il est temps de reconnaître que ces restes humains, bien loin d’être de simples objets d’exposition, sont les témoins silencieux de vies passées et de cultures riches et qu’ils portent souvent en eux le poids d’une histoire coloniale complexe.
Ces restes ont trop fréquemment été acquis dans des conditions non compatibles avec les valeurs de notre République, et leur qualification en tant que « biens », dépourvus souvent de tout intérêt scientifique, perpétue une vision dépassée du patrimoine matériel.
Comme cela a été rappelé, le code civil dispose pourtant que « le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort », et que « les restes des personnes décédées […] doivent être traités avec respect, dignité et décence. » Nous devons cet ajout important à notre ancien collègue Jean-Pierre Sueur, qui a particulièrement contribué à faire avancer notre législation funéraire. Je tiens à le saluer.
Jusqu’à ce jour, les rares restitutions ont été entravées par le caractère inaliénable des biens du domaine public, une barrière qui a limité la reconnaissance de la dignité inhérente à chaque individu, même après sa mort.
C’est pourquoi, par le passé, deux lois d’initiative sénatoriale ont été adoptées successivement : la première pour la restitution à l’Afrique du Sud de la dépouille de Saartjie Baartman, surnommée la « Vénus hottentote », en 2002 ; la seconde pour la restitution à la Nouvelle-Zélande de vingt têtes maories, en 2010, sur l’initiative, encore une fois, de Mme Catherine Morin-Desailly, ardente défenseure de ces causes justes.
Plus récemment, vingt-quatre crânes algériens ont été restitués en urgence à l’Algérie, mais cette décision, en 2020, a fait fi de tout cadre scientifique et législatif.
Face à la lourdeur et à la complexité du recours à la procédure législative, il était impératif de construire une loi-cadre. C’est ce que nous faisons aujourd’hui.
Cette nécessité est soulignée par les établissements concernés, au premier rang desquels les musées de notre pays, qui sont touchés par les débats de société, ne sont pas hermétiques aux exigences de la société civile et doivent répondre à la multiplication des demandes de restitution, en provenance du monde entier. Il nous fallait répondre à l’augmentation forte de ces demandes, qui a frappé les musées en particulier lors des dix dernières années.
De nombreux pays européens ont déjà répondu à cette nécessité, en adaptant ou en travaillant à leur législation.
Il nous fallait être à l’heure et au rendez-vous.
La présente proposition de loi y répond, en créant un cadre clair et cohérent pour les restitutions futures, loin des décisions fragmentées et arbitraires du passé.
Cette initiative va au-delà de simples gestes symboliques. Elle incarne notre volonté collective de reconnaître un passé douloureux et de construire ensemble un avenir fondé sur un respect mutuel entre les peuples et les nations, notamment entre la France et ses anciennes colonies.
Vous l’avez dit, madame la ministre, il est également primordial d’apporter une réponse à nos compatriotes d’outre-mer, pour lesquels le texte dont nous débattons aujourd’hui constitue un impensé. Je me réjouis des mesures que vous avez annoncées en ce sens s’agissant de la restitution de restes humains ultramarins.
Il était difficile de faire bénéficier les territoires ultramarins de la procédure mise en place par la présente loi-cadre en faveur des États étrangers. De fait, cette transposition nécessite, à elle seule, une mission et un second texte législatif, permettant d’accomplir notre devoir de mémoire sur cette période de l’histoire où la France accueillait des zoos humains.
Enfin, la démarche que nous officialisions aujourd’hui ne pourra pas réussir – j’insiste sur ce point – sans y adjoindre les moyens humains et financiers à la hauteur du travail colossal qui demeure pour identifier précisément les restes humains présents dans nos collections.
Mes chers collègues, en soutenant cette proposition de loi, nous faisons bien plus que réparer les erreurs du passé : nous faisons honneur à notre pays, nous affirmons notre engagement envers une réconciliation des mémoires et nous construisons un avenir où le respect de la dignité humaine est au cœur de nos actions.
Le groupe socialiste votera donc pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, GEST et RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. Max Brisson. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais d’abord dire combien j’ai été honoré d’être le coauteur, aux côtés de Catherine Morin-Desailly et de Pierre Ouzoulias, de cette proposition de loi, et de réfléchir avec ces collègues au cadre pérenne et méthodologique dont notre pays aura besoin demain pour répondre à d’autres demandes de restitutions en provenance de pays étrangers.
Cette réflexion, nous l’avons voulue transpartisane. Cela était indispensable pour l’inscrire dans le temps long et l’éloigner autant que possible des passions que ce sujet sensible peut parfois déchaîner. Sur la question particulière des restes humains, notre séance de ce soir marque l’aboutissement des travaux conduits depuis longtemps par le Sénat.
Le sujet est consensuel. Les restes humains n’étant pas des biens ordinaires, leur restitution se justifie en vertu d’un principe qui n’est pas d’ordre patrimonial, mais qui tient au respect de la dignité des personnes. La France a d’ailleurs déjà accepté le retour de restes humains, ceux de la « Vénus hottentote » et des têtes maories, et dans les deux cas sur l’initiative du Sénat, grâce au travail et à l’engagement de Catherine Morin-Desailly.
Cependant, depuis lors, d’autres voies ont été empruntées, au mépris du Parlement. Ce fut le cas pour la restitution de crânes à l’Algérie.
Aussi avons-nous voulu, à l’occasion de notre mission d’information de 2020, proposer un cadre permettant d’échapper au fait du prince, qui veut que le Parlement vote des lois d’espèces a posteriori, réduisant celui-ci à une simple chambre d’enregistrement de décisions déjà prises, voire exécutées.
Au travers de notre rapport et de la proposition de loi qui en était issue, nous avions alors réaffirmé l’importance du rôle du Parlement. Nous soulignions qu’au-delà des restes humains, et pour l’ensemble des collections publiques, une instance scientifique capable de porter une analyse objective sur l’origine des œuvres, leurs itinéraires et leurs conditions d’entrée dans les collections publiques était le seul moyen d’éviter vaines polémiques et réécritures historiques. Hélas ! sur ces points, nous avions été éconduits par le Gouvernement.
Fort heureusement, madame la ministre, à votre prise de fonctions, vous avez renoué le dialogue en soutenant la construction d’un triptyque législatif sur les restitutions.
Et voilà que nous nous apprêtons, après un premier texte sur les biens juifs spoliés, que nous avons tout de même attendu près de quatre-vingts ans, à adopter aujourd’hui la deuxième partie de ce triptyque.
Oui, un comité scientifique sera bien chargé d’identifier les restes humains, de façon concertée avec l’État demandeur.
Oui, chaque année, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport présentant les demandes de restitutions adressées et le sort qui leur a été réservé.
Oui, à chaque demande, le Gouvernement informera les commissions permanentes du Parlement chargées de la culture.
Oui, les critères de restituabilité seront clairement définis. Il devra s’agir d’une demande portée par un État étranger relative à des restes humains datés d’une époque postérieure à 1 500 et appartenant à un groupe vivant dont la culture et les traditions restent actives, et dont les conditions de collecte portent atteinte au principe de la dignité humaine.
Mes chers collègues, vous l’avez compris, le texte proposé fixe désormais une méthode et un cadre juridique clair, ce que nous demandions depuis plusieurs années.
Projetons-nous désormais, madame la ministre, vers la dernière partie du triptyque. Je vous le dis très clairement : notre positionnement du jour ne présage en rien de celui que nous adopterons lors de son examen.
Pour répondre aux demandes de restitutions d’œuvres d’art, je crois que notre pays doit encore affiner une méthodologie consensuelle et transparente.
Le débat existe : la France doit-elle se doter d’un cadre pérenne suffisamment solide pour assumer la sortie de ces biens, ou en rester aux lois d’espèce ? Je suis à titre personnel persuadé de la nécessité d’un cadre méthodologique fixé par la loi, considérant que les lois d’espèce ne sont que des lois de ratification. Mais nombreux sont ceux sur ces travées qu’il faudra encore convaincre.
Face à des demandes croissantes et à l’indispensable circulation des œuvres d’art, inscrite dans un dialogue des cultures revivifié, la solution passera par l’inscription dans le XXIe siècle du principe intangible d’universalisme de nos musées et du caractère exceptionnel de la dérogation au principe d’inaliénabilité de nos collections. Le Parlement devra, d’une manière ou d’une autre, en rester le garant.
Madame la ministre, pour y parvenir, nous ne dérogerons pas à la ligne de conduite qui est la nôtre : l’établissement d’une méthode claire reposant sur un éclairage scientifique et impliquant le Parlement tout au long de la procédure. Je suis certain que vous partagez largement ce point de vue.
Si ces conditions ne devaient pas être réunies, je demeurerais sceptique sur la suite que le Sénat pourrait donner à ces travaux. Espérons que tel ne sera pas le cas.
Pour l’heure, le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi relative à la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Martin Lévrier et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)
Mme la présidente. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi, dont la commission a rédigé ainsi l’intitulé : proposition de loi relative à la restitution de restes humains appartenant aux collections publiques.
(La proposition de loi est adoptée définitivement.)
Mme la présidente. Je constate que cette proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents. (Applaudissements.)
La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Bien sûr, nous nous réjouissons tous de ce vote à l’unanimité. Mais je tiens à dire, après la présentation de ce travail de qualité, et à la suite des différents orateurs, que ce texte vient de loin. Il a en effet fallu attendre plus de vingt ans pour passer, en la matière, des lois spécifiques à cette loi-cadre.
Vingt ans pour prendre conscience que ces restes humains ne pouvaient pas demeurer dans nos musées et que leur restitution était une question de dignité.
Vingt ans pour trouver le bon équilibre d’un point de vue légistique et méthodologique, ainsi qu’entre les différentes parties prenantes.
Je veux saluer toutes celles et tous ceux qui, depuis de nombreuses années, ont œuvré pour parvenir à l’unanimité d’aujourd’hui, et en particulier les trois auteurs du rapport : Pierre Ouzoulias, Max Brisson et Catherine Morin-Desailly, également rapporteure de ce texte ; et nous savons tous avec quelle persévérance elle a tenu à mener jusqu’au bout ce travail sur la restitution des restes humains.
Ce texte vient de loin, aussi, parce qu’il nous renvoie à des principes auxquels nous sommes tous attachés ici, comme l’étaient les sénateurs qui nous ont précédés : le respect que nous devons à chaque homme après la mort – les uns et les autres l’ont rappelé – et le sens de l’humanité, qui donne tout son sens à notre engagement politique.
« Chaque homme est une humanité, une histoire universelle », affirmait Jules Michelet. C’est de cette humanité et de cette histoire universelle que ce texte s’inspire aujourd’hui. (Applaudissements.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-huit, est reprise à dix-huit heures cinquante.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
6
Revalorisation du métier de secrétaire de mairie
Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie (texte de la commission n° 204, rapport n° 203).
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme d’une année marquée par l’adoption au Sénat, à deux mois d’intervalle, de deux propositions de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie, nous nous apprêtons à adopter définitivement la proposition de loi présentée par François Patriat et ses collègues du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire (CMP) est porteur d’indéniables avancées pour les secrétaires de mairie, même s’il ne réglera pas à lui seul la difficile question du manque d’attractivité de ce métier.
Je commencerai par la mesure phare de cette proposition de loi : la consécration, dans le code général des collectivités territoriales, de l’emploi de secrétaire de mairie comme un emploi de catégorie B au moins.
La commission des lois du Sénat avait appelé une telle disposition de ses vœux dès le mois de mai dernier, sans pouvoir toutefois l’introduire elle-même, du fait de l’article 40 de la Constitution.
Nous nous devons d’être cohérents : dès lors que nous mettons en avant le niveau élevé de responsabilités qui incombe aux secrétaires de mairie, ainsi que le large éventail des compétences attendues, nous devons reconnaître l’emploi de secrétaire de mairie comme un emploi de catégorie B au moins. Nous vous savons donc gré, monsieur le ministre, d’avoir finalement intégré cette mesure lors de l’examen en séance à l’Assemblée nationale.
Au 1er janvier 2028 s’ouvrira ainsi une nouvelle dynamique de recrutement, avec l’obligation de nommer des secrétaires de mairie à des postes relevant de la catégorie B au moins. Naturellement, je n’ignore pas que nous demandons, par là, un certain effort financier aux maires. Mais l’exigence d’un niveau élevé de compétences n’a-t-elle pas un prix ? Aussi suis-je convaincue que les maires joueront le jeu.
Par ailleurs, nous avons souhaité, en commission mixte paritaire, que la nouvelle dénomination de « secrétaire général de mairie » entre en vigueur dès la promulgation de la loi, sans attendre 2028. Ce changement d’intitulé participera d’une revalorisation symbolique, mais non moins importante de ce métier.
Je souhaiterais ensuite évoquer rapidement l’article 2, qui prévoit une voie de promotion interne par la formation qualifiante pour l’accès à la catégorie B.
Vous vous en souvenez, nous avions souhaité, au Sénat, réserver aux secrétaires de mairie déjà en poste cette voie de promotion interne dérogatoire.
De son côté, l’Assemblée nationale a rétabli la version initiale de l’article 2, qui permet à tout agent de la catégorie C, quels que soient sa filière et son métier, d’être éligible à la catégorie B – en l’occurrence au cadre d’emplois de rédacteur territorial –, après avoir validé une formation relative au métier de secrétaire de mairie.
Vous percevez sans difficulté le prodigieux effet d’aubaine qu’une telle disposition créerait. Pour limiter ce risque, la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire prévoit trois dispositions.
Premièrement, seuls les fonctionnaires de catégorie C relevant des grades d’avancement seraient éligibles, c’est-à-dire, les adjoints administratifs principaux.
Deuxièmement, il ne suffirait pas d’avoir suivi la formation qualifiante, mais il faudrait l’avoir validée par le biais d’un examen professionnel qui permettrait de vérifier l’acquisition effective de compétences. Un décret précisera la nature de cette formation, ainsi que les modalités d’organisation de l’examen professionnel.
Je précise d’emblée que l’organisation de cet examen professionnel reviendra en toute logique aux centres de gestion, qui organisent déjà l’ensemble des examens professionnels, de sorte que cette nouvelle disposition n’induira pas d’accroissement de charge pour eux.
Troisièmement, l’inscription sur la liste d’aptitude du cadre d’emplois de catégorie B ne vaudrait que pour la nomination à un poste de secrétaire de mairie. De plus, l’agent aurait l’obligation d’exercer ces fonctions pendant une certaine durée fixée par décret.
Je souhaiterais vous faire part d’un regret : le texte ne prévoit aucune disposition qui bénéficierait tout particulièrement aux secrétaires de mairie, qui relèvent déjà depuis plusieurs années de la catégorie B.
Mme Françoise Gatel. Absolument !
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Au-delà des secrétaires de mairie qui sont aujourd’hui en catégorie C et qui constituent près des deux tiers des effectifs actuels, il est essentiel de ne pas oublier les secrétaires de mairie relevant aujourd’hui de la catégorie B, qui représentent près d’un quart des effectifs. Les règles actuelles ne permettent pas à la majorité d’entre eux d’accéder à la catégorie A : la préparation d’un concours est hors de leur portée, tandis que les règles de promotion interne de droit commun sont rigides.
Monsieur le ministre, je me permets de vous poser directement la question : ces agents-là ne méritent-ils pas également de bénéficier d’une disposition exceptionnelle favorisant leur promotion dans la catégorie supérieure, à savoir la catégorie A ? Pourquoi leur refuser ce que la présente proposition de loi vise à accorder, de manière systématique ou presque, à leurs collègues qui sont aujourd’hui en catégorie C et seront demain en catégorie B ?
Mme Françoise Gatel. Très bien !
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Je vais vous redire ce que j’ai déjà eu l’occasion d’indiquer à votre cabinet la semaine dernière : en aucun cas je ne demande la requalification globale des secrétaires de mairie de catégorie B vers la catégorie A. Mais j’estime qu’il aurait été juste de donner un « coup de pouce » à ces agents, grâce à une disposition limitée dans le temps. Je regrette de ne pas avoir été comprise, et que nous soyons contraints d’en rester là !
Mes chers collègues, cette proposition de loi marque une première étape, que je vous invite à voter.
Il reviendra ensuite au Gouvernement de travailler aux évolutions réglementaires, qu’elles soient propres aux secrétaires de mairie ou communes à l’ensemble des agents publics territoriaux. À ce propos, je veux rappeler, une nouvelle fois, la nécessité de revoir l’ensemble des grilles indiciaires de la fonction publique territoriale, dans le contexte bien connu de « tassement » des grilles. De même, la refonte générale des règles d’avancement pour l’ensemble des fonctionnaires mériterait également d’être menée à bien au plus vite. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques. Madame la présidente, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, le 6 avril dernier, lors de l’examen de la proposition de loi défendue à cette tribune par Mme la sénatrice Brulin, je m’étais engagé à ce que nous reprenions les travaux législatifs en vue de revaloriser le métier de secrétaire de mairie. Huit mois plus tard, je suis heureux de pouvoir dire que nous l’avons fait ensemble.
Je commencerai par adresser des remerciements : à vous, madame la sénatrice Brulin, qui avez pris l’initiative de ces discussions si importantes ; à vous aussi, monsieur le président Patriat, qui êtes l’auteur de cette proposition de loi confortée par les travaux des deux chambres ; à vous également, madame la rapporteure Di Folco, dont je connais l’exigence – je sais combien vous avez veillé à ce que ce texte serve strictement l’intérêt des secrétaires de mairie et des maires employeurs – ; à vous, madame la présidente de la délégation aux collectivités territoriales, chère Françoise Gatel, qui avez veillé aux intérêts des secrétaires de mairie ; enfin à vous, mesdames, messieurs les sénateurs qui avez contribué, ainsi que vos collègues députés, aux travaux sur ce texte relatif à des agents essentiels à nos territoires ruraux.
J’ai également une pensée pour les élus locaux, qui se sont pleinement impliqués dans la préparation et l’élaboration du texte ?
Je pense, enfin, à l’ensemble des secrétaires de mairie, désormais dénommés « secrétaires généraux de mairie », que nous rencontrons, vous comme moi, régulièrement. Ils attendent beaucoup de ce texte, mais sont conscients que tout n’est pas dans la loi. Le travail doit donc se poursuivre ; j’y reviendrai.
Cette proposition de loi, j’en suis convaincu, est une étape importante. C’est une version ambitieuse que celle sur laquelle la commission mixte paritaire s’est accordée !
Vous l’avez dit, madame la rapporteure, adopter ce texte aujourd’hui, c’est permettre : d’inscrire la fonction de secrétaire général de mairie dans le code général des collectivités territoriales et de la reconnaître comme relevant a minima de la catégorie B ; d’apporter – sur votre initiative, madame la rapporteure – une clarification dans la loi, afin de préciser qu’il s’agit d’une fonction de catégorie A dans les communes comptant entre 2 000 et 3 500 habitants.
La proposition de loi permet également : aux actuels secrétaires de mairie relevant de la catégorie C d’accéder à la catégorie B hors quota de promotion par la reconnaissance des acquis de l’expérience ; à des agents de catégorie C d’exercer ce métier en devenant « catégorie B », dès lors qu’ils auront validé une formation qualifiante ; aux secrétaires généraux de mairie de catégorie B de bénéficier d’une priorité pour la promotion en catégorie A, via la réintégration de l’article 2 ter – il s’agit pour nombre d’entre vous d’un apport important de la commission mixte paritaire ; à l’ensemble des secrétaires généraux de mairie de bénéficier d’accélérateurs de carrière, pour reconnaître leur niveau de responsabilité et les aider à gravir plus vite les échelons, avec à la clé un gain en termes de rémunération indiciaire ; à l’ensemble des secrétaires généraux de mairie, enfin, de bénéficier d’une animation de leur réseau par les centres de gestion.
Tels sont les apports essentiels de cette proposition de loi.
Je le disais, ce vote est une étape importante. Mais ce n’est pas la fin de l’histoire. Nous avons encore plusieurs chapitres devant nous. Là encore, je souhaite qu’ils soient écrits à plusieurs mains.
La prochaine étape, c’est celle des décrets : nous devons préciser dans les textes réglementaires la loi que vous allez adopter aujourd’hui, pour déterminer par exemple les critères du plan de requalification, le contenu de la formation qualifiante et de la formation de prise de postes, ou encore les modalités des accélérateurs de carrière.
Je n’oublie pas non plus ce qui n’est pas dans le champ législatif et doit faire l’objet d’un engagement de la part de l’ensemble des employeurs territoriaux – mairies, centres de gestion, Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) –, afin d’encadrer les éléments de rémunérations et de donner au régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (Rifseep) les contours d’une prime de responsabilité ; nous en avons débattu ici.
Je veux y travailler dans les prochains mois avec les organisations syndicales et les employeurs territoriaux, mais aussi avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs. En effet, je me suis engagé à organiser un groupe de suivi sur cette proposition de loi, composé de parlementaires issus de l’ensemble des groupes. Je réitère cette proposition : ce groupe sera mis en place dès l’adoption de ce texte important, si vous en décidez ainsi.
Enfin, ce que nous avons prévu pour les secrétaires de mairie est loin de signer l’achèvement de notre travail de renforcement de l’attractivité de la fonction publique, comme vous l’avez indiqué, madame le rapporteur.
Il était légitime de commencer en priorité par la reconnaissance et la revalorisation de cette profession essentielle, qui est l’un des métiers les plus en tension de la fonction publique territoriale. Mais ce travail pose aussi les fondements d’un débat plus large pour l’attractivité et l’efficacité de nos services publics. J’en suis absolument convaincu : c’est dans nos mairies et nos services publics de proximité que nous devons préparer l’avenir de nos services publics.
Derrière chaque secrétaire général de mairie se trouve l’agent public de demain. Sous cette proposition de loi perce en réalité le projet de loi que j’aurai l’honneur de vous présenter pour la fonction publique l’année prochaine.
Formation qualifiante, reconnaissance de l’expérience, quotas de promotion, accélérateurs de carrière : voilà autant de sujets dont nous aurons l’occasion de débattre au premier semestre 2024. La Première ministre a confirmé la volonté du Gouvernement d’inscrire ce texte au programme législatif : ce sera un rendez-vous important.
D’ici là, vive nos secrétaires généraux de mairie, vive la fonction publique et vive nos services publics ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – Mme Françoise Gatel et M. Pierre-Alain Roiron applaudissent également.)
Mme la présidente. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue d’abord sur les éventuels amendements, puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie
Article 1er A
I. – Après l’article L. 2122-19 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2122-19- 1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2122-19-1. – Pour assurer les fonctions liées au secrétariat de mairie dans les communes de moins de 3 500 habitants, le maire nomme un agent aux fonctions de secrétaire général de mairie, sauf s’il nomme un agent pour occuper les fonctions de directeur général des services. Le secrétaire général de mairie peut exercer ses fonctions à temps partiel ou à temps non complet. »
II (nouveau). – Après l’article L. 2122-19 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2122-19- 1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2122-19-1. Pour assurer les fonctions liées au secrétariat de mairie dans les communes de moins de 2 000 habitants, le maire nomme un agent relevant d’un corps ou d’un cadre d’emplois classé au moins dans la catégorie B aux fonctions de secrétaire général de mairie.
« Pour assurer les fonctions liées au secrétariat de mairie dans les communes de 2 000 habitants et plus, le maire nomme un agent relevant d’un corps ou d’un cadre d’emplois classé dans la catégorie A aux fonctions de secrétaire général de mairie, sauf s’il nomme un agent pour occuper les fonctions de directeur général des services.
« Quel que soit le nombre d’habitants de la commune, le secrétaire général de mairie peut exercer ses fonctions à temps partiel ou à temps non complet. »
III. – Le II du présent article entre en vigueur le 1er janvier 2028.
IV (nouveau). – À compter du 1er janvier 2028, le I du présent article est abrogé.
Article 1er
Par dérogation à l’article L. 523-1 du code général de la fonction publique, à compter du quatrième mois suivant la publication de la présente loi et jusqu’au 31 décembre 2027, les fonctionnaires de catégorie C relevant des grades d’avancement de leur cadre d’emploi respectif et exerçant les fonctions de secrétaire général de mairie peuvent bénéficier d’une promotion interne dans un cadre d’emplois de la catégorie B, selon les modalités prévues à l’article L. 523-5 du code général de la fonction publique, sans qu’une proportion de postes ouverts à la promotion soit préalablement déterminée.
Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article, notamment les conditions d’ancienneté requise dans l’exercice des fonctions liées au secrétariat de mairie.
Article 2
I. – Outre les modalités de promotion interne mentionnées à l’article L. 523-1 du code général de la fonction publique, les statuts particuliers des cadres d’emplois de la catégorie B peuvent prévoir l’établissement d’une liste d’aptitude ouverte aux fonctionnaires de catégorie C relevant des grades d’avancement de leur cadre d’emploi respectif et ayant validé un examen professionnel sanctionnant une formation qualifiante aux fins d’exercer les fonctions de secrétaire général de mairie, sans qu’une proportion de postes ouverts à la promotion soit préalablement déterminée. La nature de cette formation, les modalités d’organisation de cet examen professionnel ainsi que la nature des épreuves sont précisées par décret.
L’inscription sur la liste d’aptitude prévue au premier alinéa du présent I permet d’être nommé dans l’un des cadres d’emplois de la catégorie B mentionnés au même premier alinéa pour exercer uniquement les fonctions de secrétaire général de mairie. Un décret précise la durée minimale d’exercice de ces fonctions.
II. – (Supprimé)
Article 2 bis A
L’article L. 452-38 du code général de la fonction publique est complété par un 13° ainsi rédigé :
« 13° L’animation du réseau des secrétaires généraux de mairie dans leur ressort territorial, sans préjudice des autres dispositifs en ce sens animés par d’autres acteurs locaux. »
Article 2 bis
Le code général de la fonction publique est ainsi modifié :
1° La sous-section 2 de la section 3 du chapitre II du titre II du livre IV est complétée par un article L. 422-34- 1 ainsi rédigé :
« Art. L. 422-34-1. – Outre la formation initiale dont ils bénéficient en application du statut particulier dont ils relèvent, les agents qui occupent un emploi de secrétaire général de mairie reçoivent, dans un délai d’un an à compter de leur prise de poste, une formation adaptée aux besoins de la collectivité concernée. » ;
2° Avant le dernier alinéa de l’article L. 451-6, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il définit et assure la formation des agents publics occupant un emploi de secrétaire général de mairie dans les conditions prévues à l’article L. 422-34- 1. »
Article 2 ter A
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les formations supérieures préparant au métier de secrétaire de mairie. Ce rapport évalue également la pertinence de la création, au niveau national, d’une filière permettant l’obtention d’un diplôme national d’enseignement supérieur préparant au métier de secrétaire général de mairie.
Article 2 ter
Le 2° de l’article L. 523-5 du code général de la fonction publique est complété par une phrase ainsi rédigée : « Celui-ci veille à ce que les listes d’aptitude comprennent une part, fixée par décret, de fonctionnaires exerçant les fonctions de secrétaire général de mairie. »
Article 3
Les agents exerçant les fonctions de secrétaire général de mairie bénéficient d’un avantage spécifique d’ancienneté pour le calcul de l’ancienneté requise au titre de l’avancement d’échelon.
Article 4
L’article L. 332-8 du code général de la fonction publique est complété par un 7° ainsi rédigé :
« 7° Pour les emplois de secrétaire général de mairie des communes de moins de 2 000 habitants. »
Article 5
(Supprimé)
Mme la présidente. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à Mme Françoise Gatel, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Françoise Gatel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous allons clore ce soir positivement un chantier d’importance, qui a été ouvert il y a près d’un an par la délégation aux collectivités territoriales et la décentralisation et qui a été enrichi par le rapport de nos collègues Catherine Di Folco, Jérôme Durain et Cédric Vial sur l’attractivité du métier de secrétaire de mairie.
L’enjeu de cette fonction est tel qu’il fut confirmé par la proposition de loi de notre collègue Céline Brulin et son groupe, puis par l’initiative législative du président François Patriat et du groupe RDPI.
Ce bouquet d’initiatives extrêmement positives ne peut que nous réjouir, car il est pertinent, indispensable, et urgent ; il est par ailleurs souhaité et attendu par les associations d’élus.
Je remercie très sincèrement notre rapporteur Catherine Di Folco, qui est, comme vous le savez tous, une experte de l’emploi et des carrières de la fonction publique territoriale. Aussi, je salue son travail remarquable dans le cadre de cette proposition de loi.
Mes chers collègues, je le dis souvent, il n’y a pas d’avenir pour nos territoires sans avenir pour les élus, mais il n’y a pas d’avenir pour les territoires ni pour les élus sans avenir ni perspectives pour les personnels de la fonction territoriale.
Le désenchantement de tant de maires découle aussi pour partie de leur dénuement face à la complexité de leurs missions, mais aussi à l’obligation d’infaillibilité juridique à laquelle ils sont soumis et qui repose trop souvent et pour beaucoup sur les épaules des secrétaires de mairie.
Si les maires sont des inventeurs de possibles, ils ne peuvent rien sans leurs secrétaires de mairie, qui sont les chevilles ouvrières de la fabrication de ces possibles. Je veux donc les saluer et leur exprimer notre profonde gratitude. Ils sont environ 23 000. Il en manque 1 900 et, d’ici à 2030, quelque 30 % d’entre eux partiront à la retraite, d’où ces dispositions urgentes.
Grâce à ce texte, l’appellation de « secrétaire général de mairie » et la revalorisation de leur rémunération et de leur carrière nous permettront de recréer de l’attractivité et de l’envie, je l’espère.
Nous sécurisons aussi les communes, par l’obligation de maintien – pour une durée que vous définirez – dans la fonction, afin d’éviter l’évasion vers des collectivités plus attractives, phénomène que nous connaissons aujourd’hui.
Nous luttons aussi contre la solitude et la pression qui pèsent sur des secrétaires de mairie, qui sont souvent seuls dans les petites communes pour quelques jours, par la création d’un réseau qui permettra d’échanger des questions et de partager de bonnes pratiques. C’est essentiel, car de même que, aujourd’hui, un médecin ne veut plus exercer son métier seul dans la campagne, les secrétaires de mairie ne travaillent plus dans les mêmes conditions qu’autrefois.
Il nous faut être inventifs. À ce titre, les centres de gestion de la fonction publique territoriale accomplissent un travail remarquable. J’ai une pensée particulière pour le centre de gestion 35, dans mon département, l’Ille-et-Vilaine, qui a beaucoup travaillé sur la marque employeur.
La mutualisation avec les intercommunalités est également une solution intéressante. Monsieur le ministre, je vous remercie sincèrement d’avoir été à notre écoute. Nous avons réussi à travailler ensemble en bonne intelligence, et je ne doute pas que vous conduisiez ce travail à son terme.
Je veux néanmoins finir sur un billet d’humeur : les principes de l’article 40 de la Constitution sont élevés en un rigorisme insupportable et contre-productif ! En effet, comme Catherine Di Folco l’a souligné, puisque nous ne pouvons imposer des dépenses supplémentaires à une collectivité, le maire employeur n’aurait même pas le droit de faire évoluer sa secrétaire de mairie de la catégorie B à la catégorie A… Cette situation est aussi insupportable que contre-productive.
Notons d’ailleurs que, en revanche, personne ne semble se préoccuper de ce fameux article 40 dans l’allégresse de l’inflation normative : ainsi, de 2017 à 2021, les nouvelles normes ou les normes supplémentaires ont coûté 2,5 milliards d’euros aux collectivités locales !
Monsieur le ministre, je connais votre acharnement à résoudre les problèmes. Je compte sur vous pour permettre enfin aux maires employeurs de faire évoluer les secrétaires de mairie qui ont de l’expérience.
Les maires sont responsables : il faut leur donner les moyens d’exercer leurs fonctions. D’ailleurs, refuser une dépense reviendrait à entraver la libre administration du maire, celui-ci étant de toute façon soumis à l’obligation d’équilibre de son budget.
Bien entendu, ce billet d’humeur ne s’adresse pas à vous personnellement, monsieur le ministre. (M. le ministre sourit.) Nous voterons dans l’allégresse ce texte, que nous considérons comme un premier pas, en espérant qu’il sera suivi par d’autres. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Nadège Havet applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Grégory Blanc, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)
M. Grégory Blanc. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, je veux vous livrer ici les pensées du groupe GEST sur ce texte, en particulier celles de notre collègue Guy Benarroche, qui est retenu par une certaine CMP à l’Assemblée nationale… (Sourires.)
Les discussions ont bien eu lieu sur le texte – la première fois, à l’occasion de la proposition de loi de nos collègues du groupe communiste adoptée en avril. Ses auteurs proposaient d’apporter une solution à un problème latent, en créant un statut innovant pour ces employés essentiels au bon fonctionnement de nos territoires, notamment à celui des communes de moins de 2 000 habitants, qui représentent plus des trois quarts des communes françaises.
Sur toutes ces travées et même au-delà, nous partageons le constat de l’incompréhension par nos concitoyens de la multiplication des strates de collectivités ; mais, malgré ce flou, le maire et les élus de proximité demeurent les élus préférés des Français. Il faut donc renforcer le maire et la commune, en travaillant sur le statut de l’élu, mais aussi sur celui des secrétaires de mairie.
Il est regrettable que l’unanimité obtenue au Sénat dès le mois d’avril n’ait pas suffi à la majorité présidentielle, qui a donc déposé un texte au titre similaire pour chercher à revendiquer une paternité sur ce sujet.
La manœuvre nous semble pour le moins mesquine, le Gouvernement n’ayant pas jugé utile alors d’exprimer ses positions et de proposer ses solutions sous forme d’amendements. Nous y voyons le reflet d’une impréparation, voire d’une politique fluctuante et peu définie…
Au sein du Parlement, le débat a donc eu lieu. Nous parlons aujourd’hui du compromis trouvé la semaine dernière en CMP. Que pouvons-nous dire de ce texte ?
Premièrement, le poste de secrétaire de mairie est l’un des rouages clés du fonctionnement de notre échelon local. Véritable outil d’interface entre les élus, d’une part, l’administration et les citoyens, d’autre part, ce poste, pourvu par des femmes en très grande majorité – à 94 % –, ne bénéficie pas d’un cadre ou d’un statut à la hauteur des missions qui lui sont dévolues.
Le manque de reconnaissance de ce métier pourrait entraîner des difficultés de recrutement dans les prochaines années, l’âge moyen des secrétaires de mairie étant de 50 ans. Ce risque est déjà une réalité, puisque près de 2 000 postes sont vacants.
Les communes font entendre une réelle demande et une forte volonté de sécuriser au mieux leur fonctionnement au travers de la pérennisation et la valorisation des secrétaires de mairie.
Deuxièmement, c’est pour cette raison que nous regrettons le refus de créer un statut spécifique pour ces postes.
Notre rapporteur l’avait ainsi exprimé : « Les dispositions relatives aux cadres d’emplois – intitulé, conditions d’accès, grille indiciaire – ne relèvent toutefois pas de la compétence du législateur. » La commission des lois « a donc préféré substituer aux dispositifs proposés l’instauration d’une formation initiale commune à l’ensemble des secrétaires de mairie, quel que soit leur statut, ainsi qu’une mesure visant à favoriser la promotion interne des agents exerçant ces fonctions. »
Là encore, nous regrettons que le Gouvernement n’ait pas pris d’engagement sur le sujet, pas plus que sur le financement nécessaire pour l’intégration et l’avancement de la catégorie B vers la catégorie A de ces postes.
Le choix d’étendre à l’ensemble des communes de 2 000 habitants la possibilité de recruter sous forme contractuelle pour ces emplois ne semble qu’un pansement sur une jambe de bois. Le temps des mesures ponctuelles doit prendre fin, l’absence de reconnaissance spécifique à ce poste ne peut plus durer.
Par ailleurs, la contractualisation à plus grande échelle nous pose toujours problème. Comme les deux tiers de ces personnels exercent à temps partiel et que près d’un quart d’entre eux travaillent sur plusieurs communes, nous aurions préféré une réflexion sur la mutualisation de ce poste, possible au niveau intercommunal.
Donnons davantage de stabilité au millefeuille, pour garantir une meilleure lisibilité aux services publics. La pérennisation, ainsi que la visibilité sur les perspectives de carrière et de formation de ces postes particuliers, constitue la clé de la consolidation et de la reconnaissance de leur travail.
Nous réitérons donc le souhait déjà exprimé par la commission des lois : monsieur le ministre, nous vous encourageons fortement à prendre en compte les rémunérations et les parcours professionnels de ces personnes dans le cadre des travaux sur la refonte des rémunérations et des carrières dans la fonction publique, que vous avez lancés le 1er février dernier.
Cette proposition de loi n’a pas assez bénéficié du soutien du Gouvernement et ne peut constituer qu’une étape – nous l’espérons courte – vers une réelle amélioration des conditions d’exercice, de recrutement et de pérennisation nécessaires au poste de secrétaire de mairie.
Notre groupe votera donc ce texte, même s’il appelle à poursuivre ce travail avec ardeur. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme Céline Brulin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’importance du rôle des maires n’est plus à démontrer, bien que leur statut demande lui aussi à être largement reconsidéré. Mais à leurs côtés, au quotidien, les secrétaires de mairie exercent un métier bien moins connu, qui doit être revalorisé.
Nous y contribuons par cette proposition de loi, fruit d’un travail parlementaire que nous avons engagé, avec le groupe CRCE-K, en faisant adopter, en avril dernier, un premier texte, qui a depuis lors été complété.
Nous arrivons aujourd’hui à une étape importante avec le vote, que j’espère unanime, de mesures qui permettront une juste reconnaissance pour les personnes exerçant cette profession avec dévouement.
L’adoption de ce texte sera aussi un atout pour conforter l’existence de nos communes et épauler les élus locaux, en particulier dans les territoires ruraux. Ceux-ci font face aux difficultés et aux doutes, à mesure qu’ils voient les moyens financiers de leurs villages se réduire, ainsi que leurs leviers d’intervention et leur pouvoir d’agir se rabougrir.
Dans nos villages, l’administration communale repose sur le binôme composé du maire et du secrétaire de mairie. À eux seuls, ils doivent gérer des tâches de plus en plus nombreuses, complexes, techniques et dématérialisées, tout en palliant souvent, en outre, le recul des autres services publics dans nos territoires.
Les secrétaires de mairie – des femmes, dans l’immense majorité des cas – doivent être polyvalentes en tout point. Elles travaillent, pour la plupart d’entre elles, dans plusieurs communes à la fois, parfois éloignées, cumulant les temps partiels.
Elles doivent à la fois maîtriser le budget, l’état civil, les questions d’urbanisme, les marchés publics, rédiger arrêtés et délibérations, et j’en passe, tout en répondant aux demandes multiples et variées des habitants, la commune étant le premier, mais parfois aussi le dernier service public de proximité.
Mobilisée depuis plusieurs mois sur ce sujet, j’ai constaté la lassitude qui peut gagner les secrétaires de mairie face à leur charge de travail, leur petit salaire, la difficulté de se faire remplacer ou de trouver des interlocuteurs, proches et à l’écoute, notamment au sein des services de l’État.
Nous connaissons une crise de recrutement. Le nombre de personnes voulant s’engager dans ce métier ne cesse de diminuer, alors même qu’un tiers des secrétaires de mairie en poste partira à la retraite d’ici à 2030. Plus de 2 000 postes sont à pouvoir au niveau national – une centaine dans mon département de Seine-Maritime, d’après l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF).
Ce déficit, qui s’aggrave d’année en année, nécessite de rendre attractif le métier de secrétaire de mairie en agissant tant sur le statut que sur le salaire, grâce à des évolutions de carrière facilitées ou à la possibilité de mieux se former.
Le texte qui nous réunit ce soir apporte des réponses, et nous nous en félicitons. Il permettra notamment aux secrétaires de mairie de passer plus facilement de la catégorie C, dont la majorité d’entre elles font partie, à la catégorie B, et d’être renommées « secrétaires générales de mairie ».
Cette proposition de loi enclenchera un mouvement, grâce auquel, à terme, plus aucune secrétaire de mairie ne sera recrutée en dessous de la catégorie B.
Enfin, ce texte rendra obligatoire la mise en place de formations dans l’année de recrutement, prendra en compte la spécificité du rôle des secrétaires dans leur évolution de carrière, lancera la réflexion autour de la création de formations post-bac destinant à ce métier et formalisera le travail en réseau qu’elles demandent pour sortir de leur isolement.
Cette proposition de loi ne devra cependant pas être un point final : je crois que tout le monde se rejoint sur ce point. Nous sommes parvenus à mieux mettre en lumière cette profession : cette lumière ne doit plus s’éteindre !
Il me semble indispensable – je rejoins en cela les propos de notre rapporteur Catherine Di Folco – de renforcer les possibilités de passage des secrétaires de mairie actuellement en catégorie B à la catégorie A. Il serait légitime que les secrétaires générales de mairie soient en catégorie A dans de nombreuses communes, même de petite taille.
Si nous ne travaillons pas d’ores et déjà sur ce sujet, nous risquons de constater dans quelques années que toutes les secrétaires de mairie sont restées en catégorie B et qu’elles n’ont pas bénéficié d’une évolution fluide de l’ensemble de leur carrière. Ne restons donc pas au milieu du gué.
Il est également essentiel que le vote de ce texte soit assorti de mesures réglementaires fortes et cohérentes, afin de mettre en place une réelle revalorisation salariale. Or celles-ci sont entre vos seules mains, monsieur le ministre : ce n’est qu’ainsi que nous pourrons véritablement rendre ce métier plus attractif.
Le sujet des remplacements doit aussi être travaillé, même si j’ai conscience de sa complexité. Nombre de secrétaires de mairie peinent à partir en formation, ou tout simplement en congé, et à laisser la mairie porte close.
Enfin, au regard des difficultés budgétaires des communes – liées, notamment, à la non-indexation de leurs dotations sur l’inflation –, il est nécessaire de les soutenir financièrement, pour qu’elles puissent effectivement traduire cette revalorisation.
Bien évidemment, nous voterons ce texte issu de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Émilienne Poumirol et M. François Patriat applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Michel Masset. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons au bout de la navette parlementaire pour ce texte qui fait l’unanimité sur les travées de notre hémicycle.
Nous saluons les travaux de notre assemblée, depuis la proposition de loi initiale de nos collègues du groupe CRCE-K jusqu’à la mission d’information sur l’avenir de la commune et du maire en France, présidée par Maryse Carrère, et, enfin, le travail de M. François Patriat et de Mme le rapporteur Catherine Di Folco.
À la base de ces travaux législatifs, n’oublions pas les agents eux-mêmes, qui se sont pleinement mobilisés et parfois constitués en associations pour porter la voix des secrétaires de mairie dans bon nombre de départements comme le Lot, cher à mon collègue Raphaël Daubet. Monsieur le ministre, vous étiez d’ailleurs à Cahors voilà quelques semaines pour rencontrer les membres de l’Association des secrétaires de mairie du Lot.
Ce texte parle bien sûr à tous les élus de terrain et de terroirs qui connaissent l’importance du rôle des secrétaires de mairie pour le bon fonctionnement de notre démocratie locale.
Ancien maire, puis président d’un établissement public de coopération intercommunale de Lot-et-Garonne, dans un département rural, voire hyper-rural, selon l’expression de notre regretté collègue Alain Bertrand, je sais ce que nous devons à ces personnes dévouées, qui exercent un métier polyvalent, parfois aride, souvent ardu. Leur relation de confiance et de solidarité avec les élus est irremplaçable.
En effet, les secrétaires de mairie sont les rouages essentiels des services publics de proximité, en première ligne de la demande citoyenne. Elles – 94 % des secrétaires sont en effet des femmes ! – assurent parfois les services de plusieurs communes, et pas que d’une seule, surtout dans les petits territoires, sans pour autant recevoir la reconnaissance institutionnelle nécessaire.
Au mois de juillet dernier, sur l’initiative du centre de gestion de Lot-et-Garonne et de son président Christian Delbrel, nous avons réuni les 280 secrétaires de mairie de Lot-et-Garonne. Nous remettions alors officiellement les diplômes aux lauréates et lauréats du diplôme universitaire « carrières territoriales en milieu rural » pour la session 2023.
La création de ce diplôme, qui existe maintenant depuis dix ans, est une initiative des quatre centres de gestion de Lot-et-Garonne, des Landes, de Gironde et de Dordogne, en partenariat avec l’université de Bordeaux et son antenne agenaise. Cette formation compte 219 heures de formation et comprend un stage d’un mois en collectivité. Près de 220 secrétaires de mairie ont déjà été formés. Ce texte donne du corps à ces programmes territoriaux que j’ai soutenus en tant qu’élu local et que je soutiens aujourd’hui en tant que sénateur.
À l’heure du départ à la retraite massif de ces agents indispensables, il nous faut, d’une part, conforter les secrétaires en place, et, d’autre part, susciter des vocations. Aujourd’hui, 1 900 postes sont vacants, et un tiers des secrétaires en poste cesseront leur activité dans les huit prochaines années.
C’est tout l’objet de cette proposition de loi, dont nous examinons les conclusions élaborées par la commission mixte paritaire : revaloriser une profession cardinale de l’action publique locale.
Ainsi, l’article 1er A consacre les fonctions de secrétaire de mairie dans le code général des collectivités territoriales. À compter du 1er janvier 2028, les nouveaux secrétaires généraux des communes de moins de 2 000 habitants devront relever a minima d’un cadre d’emploi de catégorie B et ceux des communes de plus de 2 000 habitants d’un cadre d’emploi de catégorie A.
Je pense qu’il s’agit là d’une reconnaissance importante pour nos agents. Les secrétaires de mairie de catégorie C, déjà en poste, bénéficieront de nouvelles voies de promotion interne pour un accès facilité à la catégorie B.
Le texte rend également obligatoire une formation initiale adaptée aux besoins de la collectivité concernée, ouvre la possibilité d’une formation continue en lien avec le Centre national de la fonction publique territoriale et crée un avantage spécifique d’ancienneté en raison des responsabilités exercées.
Mes chers collègues, le groupe RDSE soutiendra des deux mains ce texte, qui traite d’un vrai sujet de préoccupation pour nos élus locaux et qui apporte des solutions utiles pour maintenir la qualité de nos services publics.
Jeune sénateur, c’est avec des visages et des expériences encore vives à l’esprit que je voterai pour ce texte, convaincu du bien-fondé des positions défendues. Cette initiative parlementaire ne pourra toutefois pas exempter le Gouvernement d’un travail sur la revalorisation des carrières territoriales. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI, GEST, SER et CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Martin Lévrier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, quel que soit le groupe politique auquel nous appartenons, nous pouvons tous, ce soir, saluer l’adoption imminente d’une proposition de loi d’une grande utilité pour nos communes rurales.
Je souhaite exprimer ma reconnaissance envers les membres de la commission mixte paritaire qui ont travaillé dans l’esprit de concertation transpartisane qui a prévalu tout au long de la navette parlementaire.
Le métier de secrétaire de mairie, présent dans plus de 29 000 communes, est au cœur de nos collectivités. Cependant, il figure parmi les douze métiers les plus en tension dans la fonction publique territoriale en raison d’un déficit d’attractivité préoccupant. Actuellement, plus de 1 900 postes sont non pourvus et près d’un tiers des agents en activité prendront leur retraite d’ici à 2030, ce qui suscite une vive préoccupation quant à la continuité des services essentiels à l’échelon local.
Les auteurs de cette proposition de loi ont eu une double volonté : d’une part, rendre le métier plus attractif ; d’autre part, revaloriser les personnes qui exercent déjà ces fonctions – des femmes, à une écrasante majorité.
Ce texte répond également aux besoins de formation exprimés par la profession, confrontée au manque de temps, à l’éloignement géographique des lieux de formation et aux difficultés à trouver un remplaçant pendant les absences. Les missions des secrétaires de mairie sont pléthoriques, englobant des domaines tels que la comptabilité, le droit, les ressources humaines, soulignant ainsi la polyvalence et la complexité de leur rôle.
Les apports du texte issu de la commission mixte paritaire sont significatifs. En ce qui concerne l’attractivité du métier, le texte prévoit que, à compter du 1er janvier 2028, la fonction de secrétaire général de mairie sera accessible à partir de la catégorie B, plutôt que la catégorie C, marquant ainsi une avancée considérable.
Les personnes exerçant actuellement cette fonction en catégorie C seront accompagnées dans leur passage de grade, soit par une facilitation pour celles qui relèvent des grades d’avancement dans leur cadre d’emploi respectif, soit par la validation d’un examen.
Il est également souligné dans le texte qu’il ne devrait y avoir aucune distinction dans la dénomination du métier entre les catégories A et B, la dénomination commune de « secrétaire général de mairie » ayant été judicieusement adoptée. De plus, le texte prévoit un avantage spécifique d’ancienneté requise au titre de l’avancement d’échelon pour les secrétaires généraux de mairie, reconnaissant ainsi l’expérience et le dévouement des professionnels en place.
Enfin, le suivi de cette proposition de loi sera assuré par le Gouvernement, conformément à l’article 2 ter A, avec l’obligation de rendre un rapport évaluant les formations supérieures préparant au métier de secrétaire de mairie, répondant ainsi à une forte demande d’accompagnement à la formation exprimée par les professionnels.
Le groupe RDPI soutient la démarche de son président François Patriat, à l’initiative de cette proposition de loi, démontre une fois de plus sa connaissance du terrain et des territoires, se positionne naturellement en faveur de cette proposition de loi et se tiendra aux côtés du Gouvernement et des collectivités pour contribuer activement au déploiement réussi de ce texte.
Nous sommes convaincus que ces mesures contribueront non seulement à résoudre les défis actuels du métier de secrétaire général de mairie, mais aussi à renforcer l’ensemble de nos communautés rurales. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Pierre-Alain Roiron. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les travaux parlementaires relatifs à la situation des secrétaires de mairie que nous sommes appelés à conclure aujourd’hui, ont commencé au mois d’avril dernier. Eu égard à l’urgence concernant ce métier en tension, ils auraient mérité que nous puissions aboutir au vote d’un texte avant la fin de l’été. Ce ne fut pas le cas.
Ce sujet nous a mobilisés de manière transpartisane et unanime. Ce résultat découle d’une prise de conscience partagée, à la suite des témoignages et des alertes que nous adressent depuis plusieurs années les maires et les élus municipaux.
Aussi, je tiens à remercier nos collègues Céline Brulin et François Patriat, grâce auxquels ce sujet a été inscrit à l’agenda du Sénat. Je souhaite également saluer nos collègues Catherine Di Folco, Jérôme Durain et Cédric Vial, qui ont produit un rapport d’information de qualité sur les secrétaires de mairie au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, que préside notre collègue Françoise Gatel.
Les sénateurs et sénatrices du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ont activement participé à ces travaux et soutiennent le texte issu de la commission mixte paritaire.
Nous le faisons animés par le souci d’être utiles et de répondre aux demandes des secrétaires de mairie. Nous connaissons tous et toutes le rôle primordial que les secrétaires de mairie tiennent dans les municipalités. Juristes, urbanistes, comptables, informaticiens, les secrétaires de mairie sont des interlocuteurs essentiels pour les habitants, pour lesquels ils représentent le premier service public de proximité, d’ailleurs souvent le seul…
Les secrétaires de mairie sont aussi des partenaires précieux pour les maires et leur équipe municipale. Véritables chevilles ouvrières de l’action publique, ils méritent toute la mobilisation du législateur, mais également et surtout celle de l’exécutif. En effet, malgré toute l’importance de cette profession, celle-ci attire de moins en moins.
Alors que notre pays compte aujourd’hui 23 000 secrétaires de mairie, 1 900 postes ne trouvent pas preneurs et plus de 30 % des postes actuellement occupés seront vacants d’ici à 2030 en raison des départs à la retraite.
Je ne puis naturellement m’empêcher de penser à la situation de mon département, l’Indre-et-Loire : près de la moitié des secrétaires de mairie des communes de moins de 3 500 habitants seront partis à la retraite d’ici à quatre ou cinq ans.
Les causes relevées par les secrétaires de mairie sont leurs conditions de travail, le manque de reconnaissance de leur statut, l’absence de parcours concret de formation face à la multiplicité des tâches à accomplir dans ces emplois, mais également leurs salaires, bien trop bas – sans oublier le manque de perspective en matière d’évolution et de promotion.
Le législateur a tenté de remédier à ces problèmes, dans la limite qui lui est imposée par l’article 40 de la Constitution. Aussi, le vote de cette proposition de loi, s’il est bienvenu, ne réglera pas l’ensemble des questions soulevées.
C’est donc avec lucidité et en responsabilité que nous voterons ce texte,…
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. Pierre-Alain Roiron. … qui contient des mesures nouvelles et utiles.
Nous y souscrivons, même si nous déplorons qu’une proposition de loi plus ambitieuse ne puisse être adoptée en raison de contraintes constitutionnelles.
M. Pierre-Alain Roiron. Aussi, monsieur le ministre, nous attendons avec impatience le projet de loi transversal et volontariste sur la fonction publique que vous nous avez annoncé depuis plusieurs mois déjà. (M. le ministre acquiesce.)
De la même manière, si les élus municipaux sont bien disposés à prendre leur part en matière d’augmentation salariale des secrétaires de mairie, un accompagnement de l’État serait particulièrement bienvenu. Des annonces de votre part seraient de même appréciées, monsieur le ministre.
Vous l’avez compris : notre vote de ce jour est assorti d’une clause de revoyure que nous appelons de nos vœux. Les secrétaires de mairie le méritent ; c’est en leur nom que nous vous demandons d’y répondre. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Françoise Gatel. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Didier Mandelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au Sénat, nous avons pour habitude de mettre en avant le rôle vital des communes dans nos territoires, à la fois comme échelon démocratique de base et comme cadre privilégié de l’exercice de proximité de nombreuses compétences. En raison même de leur maillage territorial très fin, la plupart des communes sont petites et dotées de moyens limités.
Dans ce contexte, les secrétaires de mairie assument souvent un rôle de cheville ouvrière indispensable au fonctionnement des communes de moins de 3 500 habitants.
Leurs tâches vont de l’accueil du public à la gestion des opérations funéraires, à l’instruction de demandes officielles, voire à la passation de marchés publics. Principaux collaborateurs des élus municipaux, se partageant parfois entre plusieurs communes, ils exercent un rôle essentiel, comme beaucoup d’entre nous pourront certainement en attester au regard de leur expérience d’élus locaux.
Pourtant, comme l’ont montré nos collègues Di Folco, Vial et Durain dans leur rapport d’information du mois de juin dernier, Attractivité du métier de secrétaire de mairie – Faire de la fonction de secrétaire de mairie un véritable métier !, la profession fait face à d’importants problèmes d’attractivité dont les répercussions pour le fonctionnement des communes pourraient devenir inquiétantes, si elles ne le sont pas déjà.
Ces problèmes se traduisent en particulier par une pyramide des âges vieillissante annonçant d’importants départs à la retraite, qui devront être anticipés si nous voulons éviter l’émergence de nombreuses fragilités dans l’administration communale de demain.
Par ailleurs, la profession de secrétaire de mairie requiert une forte polyvalence et une technicité administrative bien plus grande que par le passé. Pourtant, malgré la nature changeante du travail effectué, plus de 60 % des secrétaires de mairie appartiennent toujours à la catégorie C et plus de 20 % à la catégorie B.
Aux quatre cadres d’emploi concernés par cette répartition s’ajoute une forte part de contractuels. Le résultat est une dispersion des statuts et des situations, ainsi qu’une inadéquation entre le niveau de responsabilité réel et la catégorie hiérarchique, avec à la clé des problèmes de lisibilité et d’attractivité, qui expliquent les actuelles difficultés de recrutement.
C’est pour remédier à cette situation que le Sénat a unanimement adopté cette proposition de loi. Je salue le travail de connaisseur sur le sujet de la fonction publique accompli par notre collègue Catherine Di Folco, rapporteur de ce texte.
Le texte que nous avons voté prévoyait en particulier de faciliter la promotion interne, mais aussi de permettre de recruter des contractuels dans les communes de moins de 2 000 habitants, contre 1 000 aujourd’hui, ou encore de mettre en place un cadre plus rigoureux de formation des secrétaires de mairie.
Enfin, il a été décidé d’inscrire la fonction dans le code général des collectivités territoriales, en mettant en particulier en avant le titre de « secrétaire général de mairie », permettant de reconnaître à sa juste valeur l’importance de la fonction et in fine de la distinguer de ce qui relève du seul secrétariat du maire.
Nous constatons avec satisfaction que les députés ont largement partagé notre appréciation de la question, retenant des dispositifs proposés par le Sénat, sans divergences fondamentales, avant d’unanimement voter le texte.
Par la suite, un accord a été obtenu en commission mixte paritaire autour des dispositions restant en discussion. Il porte notamment sur la consécration de la terminologie de « secrétaire général de mairie » dans le code général des collectivités territoriales et prévoit à terme le rattachement à la catégorie A de ces personnels exerçant dans les communes de plus de 2 000 habitants.
Un autre sujet concernait les facilités données de la promotion des agents. Avec le rétablissement de l’article 2 ter, nous avons obtenu le maintien d’un mécanisme favorisant également la promotion interne des agents des catégories B vers la catégorie A, en cohérence avec ce qui a déjà été voté au Sénat dans une proposition de loi précédente.
Par conséquent, le groupe Les Républicains votera les conclusions de la commission mixte paritaire, afin de soutenir ce rouage essentiel, mais trop souvent méconnu, de l’administration communale.
Mme la présidente. La parole est à M. Joshua Hochart, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Joshua Hochart. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le travail de législateur, c’est notamment de prendre en compte les remontées de nos collectivités et de tenter d’améliorer leur quotidien.
Le texte que nous étudions aujourd’hui, après qu’il a été examiné en commission mixte paritaire, semble en grande partie répondre à ces attentes.
En effet, les secrétaires de mairie sont les piliers de notre administration locale. Leur rôle est essentiel : gardiens des procédures administratives, agents de première ligne, accueillant nos concitoyens avec professionnalisme et empathie. Nos secrétaires de mairie incarnent l’esprit du service public, bien souvent dans l’ombre, mais avec une influence considérable sur le bon fonctionnement de nos municipalités.
C’est pourquoi il était impératif de reconnaître leur importance en créant une attractivité réelle pour ce métier où les difficultés de recrutement sont réelles, avec plus 1 900 postes vacants.
Nous soulignons les avancées : création d’une voie de promotion interne obligatoire, création d’une formation initiale qualifiante, bénéfice d’un avantage spécifique d’ancienneté, facilitation de la promotion interne.
Les maires de ces communes nous font quotidiennement part de leur difficulté. Je tiens ici à rappeler que les élus de ces petites communes sont souvent le catalyseur de la cohésion sociale et restent les acteurs indispensables à la vitalité de nos territoires, loin de la vision souvent mondialisée du Gouvernement. Les communes rurales sont le cœur battant de nos traditions et de notre patrimoine.
Vous les avez trop souvent oubliés ces dernières années, en leur laissant le sentiment d’être souvent bien seuls face aux difficultés de leurs administrés, portant votre attention et les ressources sur les grands centres urbains.
Pour une fois, monsieur le ministre, vous semblez avoir entendu et écouté l’importance du rôle de secrétaire de mairie dans le quotidien d’un maire et d’une municipalité rurale. C’est suffisamment rare pour être ici souligné.
Les budgets de nos petites communes sont à l’euro près. Pourtant, cette mesure ne vous engage pas, puisque l’État ne la financera qu’a minima. C’est toujours plus facile quand il s’agit de l’argent des autres !
Nous sommes attachés au pragmatisme et nous voterons toujours ce qui peut améliorer le quotidien de nos compatriotes. Nos collègues à l’Assemblée nationale ont défendu et adopté cette avancée, notamment le député Pierrick Berteloot, fortement engagé sur cette question.
Dans cette continuité, nous voterons également en faveur de cette proposition de loi. Notre boussole sera toujours l’intérêt du peuple de France.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Marie-Claude Lermytte. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous remercions les rapporteurs de la commission des lois et l’ensemble des parlementaires qui ont participé à l’élaboration de ce texte commun.
Après son examen au Sénat au mois de juin dernier, cette proposition de loi a été adoptée à l’Assemblée nationale. Il s’agit d’un texte important, visant à donner aux secrétaires de mairie de plus grandes perspectives d’évolution et à leur offrir une meilleure reconnaissance de leur carrière.
La commission mixte paritaire est parvenue à un accord sur les dispositions du texte restant en discussion. Nous nous en réjouissons.
Il est important de valoriser le métier de secrétaire de mairie. Essentiels à la vie de nos communes, ils sont de véritables couteaux suisses, des agents tout terrain exerçant des missions multiples.
Ils sont nécessaires au bon fonctionnement de nos mairies et permettent l’accès de tous aux services publics. Ils accueillent, informent et assistent les administrés dans leurs démarches administratives, assistent le maire dans ses activités quotidiennes, suivent la comptabilité de la mairie, le budget, les recrutements, les demandes en matière d’urbanisme, et j’en passe.
Les secrétaires de mairie sont les partenaires indispensables des maires, notamment dans les petites communes. Les maires peinent toutefois à les recruter.
Ainsi, dans une récente édition du Panorama de l’emploi territorial, la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG) place le métier de secrétaire de mairie en tête des métiers de la fonction publique territoriale les plus en tension. Les raisons sont nombreuses : elles sont liées aux spécificités du métier, à la difficulté des tâches qu’exercent ces agents et à l’immense diversité de leurs missions.
À cet égard, permettez-moi d’adresser un clin d’œil à Séverine Mouillie, secrétaire de mairie à Brouckerque, avec qui j’ai eu la chance de travailler pendant près de dix ans.
En milieu rural, ces agents travaillent bien souvent dans plusieurs communes, ce qui suppose pour eux de nombreux déplacements, parfois pour passer seulement quelques heures auprès d’un maire. Selon certains témoignages, il arrive que des postes de secrétaire de mairie soient partagés entre cinq, voire six mairies. Cela implique une adaptabilité et une grande disponibilité, mais aussi des périodes de travail intenses, notamment en période de budget.
Secrétaire de mairie est également un métier sensible, qui implique de bâtir une relation de confiance avec les élus. C’est d’autant plus vrai dans les très petites communes, où le maire est parfois le seul interlocuteur du secrétaire.
Il était donc urgent de proposer des mesures concrètes pour revaloriser ce métier et renforcer son attractivité. Cela a été rappelé, un tiers des secrétaires de mairie partiront à la retraite au cours des huit prochaines années.
Notre boussole au cours de l’examen de ce texte a été d’introduire de la souplesse dans les processus d’embauche, de sécuriser le parcours des secrétaires de mairie et de leur permettre de progresser en termes de statut et de salaire. Ce texte est un premier pas satisfaisant. Nous devons continuer dans ce sens, afin d’endiguer la pénurie de secrétaires de mairie qui s’annonce et de valoriser ces agents à la hauteur de l’importance de leurs missions.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutient l’adoption de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 105 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 334 |
Pour l’adoption | 334 |
Contre | 0 |
Le Sénat a adopté à l’unanimité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Pierre Ouzoulias.)
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
7
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, lors du scrutin n° 102 sur l’article unique de la proposition de loi organique visant à rétablir la réserve parlementaire en faveur des communes et des associations, il a été indiqué que j’avais voté pour. Or je souhaitais voter contre.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin.
8
Amélioration de l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels
Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels (texte de la commission n° 187, rapport n° 186).
La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le président de la commission des affaires sociales applaudit également.)
Mme Corinne Imbert, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire (CMP) réunie jeudi 7 décembre sur la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels est parvenue à un texte commun.
Des échanges nourris avec mon collègue rapporteur Frédéric Valletoux ont permis d’aboutir à un texte équilibré et cohérent avec la ligne défendue par le Sénat : la confiance plutôt que la contrainte. Le texte adopté par la commission mixte paritaire et, mardi dernier, par l’Assemblée nationale, préserve donc largement les apports du Sénat.
Vingt et un articles ont ainsi été adoptés dans la rédaction que nous proposions, le cas échéant sous réserve de modifications rédactionnelles, et huit articles supprimés par le Sénat ont vu leur suppression maintenue par la commission mixte paritaire.
Sur plusieurs dispositions du texte, les positions de nos deux chambres ont spontanément convergé.
Le Sénat a notamment souscrit à la volonté de l’Assemblée nationale de renforcer le rôle du médecin coordonnateur en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou de créer un statut d’infirmier référent, qui permettra de mieux reconnaître le rôle de la profession dans la coordination des parcours de soins et le suivi de nombreux patients.
De la même manière, les dispositions étendant le contrat d’engagement de service public (CESP) aux étudiants de maïeutique et de pharmacie, comme celles qui permettent de lutter contre le nomadisme de certains professionnels, ont rassemblé nos deux chambres et contribueront à améliorer l’accès aux soins dans certains territoires.
Sur d’autres articles, les positions du Sénat et de l’Assemblée nationale divergeaient sensiblement.
Parmi eux, certains comportaient des dispositions coercitives, inutilement irritantes et contre-productives. Citons notamment l’article 3, concernant l’adhésion automatique aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), et l’article 4 bis, qui prévoyait de réintroduire l’obligation de participation à la permanence des soins ambulatoires (PDSA), mais dont la portée juridique était en réalité nulle.
Le maintien de leur suppression était, pour moi, une condition sine qua non à l’aboutissement de cette commission mixte paritaire. Je me réjouis que le Sénat ait été entendu sur ces points.
L’article 1er témoigne de l’effort de synthèse et de l’esprit de compromis qui nous ont animés dans le cadre de la CMP : guidées par le même objectif de dynamiser la démocratie sanitaire à l’échelle locale, les deux assemblées ont abouti, par leurs apports, à un renforcement des pouvoirs du conseil territorial de santé, sans déposséder les acteurs de l’offre de soins de premier recours de leurs prérogatives actuelles et de leur capacité d’initiative.
À l’article 2 quinquies, le Sénat s’était opposé à la création d’un énième indicateur de l’offre de soins, quand ceux qui existent aujourd’hui demeurent insuffisamment exploités. Finalement, le texte prévoit une actualisation régulière du diagnostic territorial partagé, ainsi que, sur une initiative du Sénat, une actualisation plus fréquente des zonages de l’offre de soins, qui déterminent notamment l’attribution de certaines aides à l’installation.
À notre demande, la commission mixte paritaire a également soutenu l’article additionnel adopté au Sénat prévoyant l’extension de l’expérimentation de l’établissement des certificats de décès par les infirmiers à l’ensemble du territoire national.
Cette disposition permettra de répondre aux difficultés qui sont rapportées par de nombreux élus locaux. Je souhaite, madame la ministre, que le Gouvernement tienne compte le plus rapidement possible de ce vote, en modifiant en ce sens les dispositions réglementaires récemment publiées pour lancer l’expérimentation.
Sur les dispositions du texte relatives aux praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue), les amendements du Sénat tendant à renforcer les garanties entourant la procédure d’autorisation d’exercice et à permettre la réalisation en ambulatoire des parcours de consolidation des compétences (PCC) ont tous été maintenus.
Enfin, concernant l’hôpital, le texte commun préserve la rédaction du Sénat, qui permettra d’engager un rééquilibrage nécessaire de la permanence des soins (PDSES) entre établissements publics et privés et renforcera la gouvernance médico-administrative des hôpitaux.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui ne suffira pas, je le crains, à résoudre les difficultés d’accès aux soins rencontrées dans de nombreux territoires.
Toutefois, et à l’issue d’un important travail de préparation conduit avec le rapporteur de l’Assemblée nationale, il porte un certain nombre de mesures utiles et pragmatiques, qui, sans irriter inutilement les professionnels de santé, contribueront à leur échelle à mieux valoriser leur engagement.
C’est pourquoi je vous propose de l’adopter. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, le ministre Aurélien Rousseau et moi-même tenons tout d’abord à saluer l’accord auquel le Parlement a abouti sur ce texte.
Je veux remercier particulièrement et sincèrement la rapporteure Corinne Imbert. Nous avons pu avoir des divergences lors de nos débats, qui ont été riches, mais je sais la qualité du travail qu’elle a fourni, au sein d’une assemblée qui s’honore, à raison, à faire preuve d’un haut niveau d’exigence dans la fabrication de la loi.
Madame la rapporteure, avec le député Frédéric Valletoux, vous avez su mener un dialogue fructueux pour parvenir à un compromis et une proposition de loi utile.
Je salue également le président de la commission des affaires sociales, Philippe Mouiller, et je le remercie également de son écoute et de sa volonté facilitatrice.
Je sais votre assemblée, avec l’esprit de modération et d’équilibre qui la caractérise, particulièrement attentive aux enjeux d’accès aux soins et d’égalité entre les territoires.
Notre réponse doit prendre forme dans la cohérence et la complémentarité des différentes politiques menées. C’est la logique de ce texte, qui permettra de poser le cadre d’une collaboration rénovée et renforcée entre les métiers, mais aussi entre tous les acteurs locaux, professionnels, élus et citoyens.
C’est la logique aussi des autres leviers d’actions mobilisés par le Gouvernement.
Ainsi, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 comprend des mesures fortes visant à renforcer l’attractivité hospitalière et à permettre un meilleur accès aux soins. Sur ces sujets également, je ne peux que remercier la rapporteure Corinne Imbert de son travail, ainsi évidemment que la rapporteure générale de la commission des affaires sociales, Élisabeth Doineau.
En outre, les négociations conventionnelles suivent leur cours avec les médecins libéraux. Nous venons également de les rouvrir avec les pharmaciens. Je sais que vous serez nombreux ici à y être attentifs.
Je n’évoquerai pas les différentes propositions de loi qui ont été élaborées ces dernières années, mais le fait est que l’activité législative en la matière a été dense.
Enfin, en juillet dernier, j’ai présenté un plan d’action important en matière d’accès aux soins, fondé sur quatre piliers : le recrutement de 10 000 assistants médicaux ; le développement de 4 000 maisons de santé pluriprofessionnelles ; la généralisation des CPTS sur l’ensemble du territoire ; le déploiement de 100 médicobus pour parcourir ce fameux dernier kilomètre, qui est si difficile.
Ce plan doit permettre, d’ici à la fin du quinquennat, à deux millions de Français supplémentaires d’avoir accès à un médecin. J’en ai réalisé un premier bilan d’étape lors d’un déplacement récent dans l’Orne.
La dynamique est bonne sur l’ensemble de ces chantiers, sur lesquels nous avançons main dans la main avec l’ensemble des acteurs nationaux et sur le terrain.
En parallèle, face au manque de soignants, nous devons continuer de mieux utiliser les compétences de chacun en déployant les partages de tâches et les élargissements de compétences entre les professionnels de santé.
En deux ans, ce sont presque vingt nouvelles délégations de tâches qui ont été décidées, souvent par le biais d’un travail parlementaire. Elles nécessitent aujourd’hui d’être pleinement déployées, mais surtout d’être mieux connues des patients pour faciliter leur accès aux soins. Il nous faut absolument, collectivement, améliorer la communication sur ces nouvelles possibilités, qui demeurent trop peu connues de nos concitoyens.
Cette proposition de loi s’inscrit pleinement dans cette dynamique.
Je pense à l’article 1er sur les territoires de santé. Avec cet article, nous redonnons la main à l’ensemble des acteurs du territoire, pour poser ensemble un diagnostic et porter des solutions en faveur de l’accès aux soins, dans une logique graduée de responsabilisation des acteurs. C’est toute l’ambition de cette mesure, qui s’inscrit parfaitement dans la dynamique du Conseil national de la refondation, que nous avons lancée l’année dernière.
Le Sénat a souhaité conserver dans le texte issu de vos travaux en CMP la suppression de l’adhésion obligatoire des professionnels aux CPTS.
De nos débats sur cette mesure, je retiens que nous sommes tous convaincus qu’il est souhaitable et nécessaire, pour les professionnels de santé, de mieux se coordonner, notamment grâce aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
Notre objectif est bien que tous les patients, quel que soit le territoire dans lequel ils résident, bénéficient des missions que les CPTS mettent en œuvre. D’ici à la fin de l’année, une grande partie du chemin aura été parcourue, puisque près de 85 % de la population sera couverte, soit plus de 20 points gagnés en moins d’un an. Nous nous approchons de notre objectif de 100 % de couverture.
Il nous faut poursuivre notre travail d’information et d’accompagnement de tous les professionnels, sur le terrain, pour promouvoir ces CPTS.
Ce texte comporte des mesures utiles sur un enjeu voisin : donner envie à nos étudiants de s’installer dans les territoires.
Je pense, entre autres, à l’extension du bénéfice du contrat d’engagement de service public (CESP) aux étudiants en odontologie, en maïeutique et en pharmacie dès la deuxième année. Le Sénat a d’ailleurs utilement corrigé une lacune, en prévoyant la possibilité pour les étudiants de pharmacie et de maïeutique de percevoir cette allocation au même titre que les étudiants de médecine et d’odontologie.
De même, en adoptant un amendement de Patricia Schillinger, le Sénat a étendu le champ des bénéficiaires de certaines aides fournies par les collectivités locales aux étudiants en santé qui n’étaient pas couverts. Je pense notamment à la chirurgie dentaire.
Parce qu’il faut se donner tous les moyens pour mieux accompagner l’installation, vous avez souhaité, en adoptant un amendement de Véronique Guillotin, associer les représentants des étudiants au guichet unique d’aide à l’installation.
Il nous faut mobiliser tous les leviers, et ces mesures vont dans le bon sens.
En matière de renforcement de la formation – les sujets sont bien évidemment liés – il nous faut mieux prendre en compte la santé physique et mentale des internes en stage. Cet objectif figurera désormais dans la loi, grâce à un travail amorcé par Stéphanie Rist à l’Assemblée nationale et étendu au deuxième cycle par votre rapporteure en commission.
Prendre soin de ceux qui nous soignent est un impératif qui me tient particulièrement à cœur.
J’aimerais dire quelques mots sur l’article 2 quater C, qui élargit à l’ensemble du territoire national l’expérimentation relative à la délivrance des certificats de décès par les infirmiers.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Ah !
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Le Gouvernement partage bien entendu la volonté du législateur d’avancer sur ce sujet essentiel.
Je comprends votre impatience. Le décret et les arrêtés permettant d’engager la mise en œuvre de l’expérimentation dans six régions, pris en application de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2023, ont été publiés le jeudi 7 décembre dernier. Nous avons effectué au cours de l’année un travail important avec l’ensemble des acteurs pour préparer le déploiement de cette expérimentation complexe dans les meilleures conditions.
Ce nouveau vote, moins d’un an après le précédent, entraînant une extension de l’expérimentation à l’ensemble du territoire, non plus sur du fonds d’intervention régional (FIR), mais sur de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), des problèmes opérationnels risquent de se poser. Nous avons déjà eu l’occasion d’en discuter.
Je voudrais revenir également sur l’élargissement de la responsabilité collective dans l’organisation de la permanence des soins en établissements de santé (PDSES), responsabilité qui incombe aux établissements et aux professionnels de santé qui les composent, dans le public comme dans le privé. Ce dispositif essentiel, qui a été affiné durant le débat, permettra notamment de rééquilibrer la charge entre le secteur public et le secteur privé, ce qui réduira la pression sur l’hôpital.
Nous nous sommes, je crois, tous retrouvés autour de l’objectif : garantir à chaque citoyen qu’une réponse sera apportée partout et chaque fois que le besoin s’en fera sentir.
Nous savons combien les attentes du secteur hospitalier étaient fortes pour que nous prenions une mesure permettant à la fois de doter les groupements hospitaliers de territoire (GHT) de la personnalité morale et de faciliter leurs regroupements, et je salue le dialogue intense, mais fructueux qui a permis de traduire ces attentes de manière opérationnelle.
Cette proposition de loi permet également la poursuite de l’effort de régulation et d’encadrement de la pratique de l’intérim médical, désormais interdit en début de carrière. Elle présente le double avantage de stabiliser les collectifs de travail hospitaliers et de mieux accompagner l’entrée dans la vie professionnelle des jeunes soignants. L’idée est bien sûr non pas de stigmatiser, mais de sécuriser le passage du statut d’étudiant à celui de professionnel de santé.
Du côté des fins de carrière, ce texte permet la concrétisation d’un engagement important, qui est la prise en compte des émoluments hospitaliers dans le calcul de la retraite des personnels hospitalo-universitaires.
C’est là une mesure de justice sociale, qui correspond à la juste reconnaissance sociale de l’exercice médical des hospitalo-universitaires. Je veux vous assurer que nous accompagnerons la réforme, pour que celle-ci puisse pleinement produire ses effets et améliorer le revenu de remplacement des professionnels hospitalo-universitaires, lorsque ceux-ci liquident leurs droits à retraite.
Parmi les autres grandes dispositions concrètes figurant dans le texte, on peut citer la suppression de la majoration du ticket modérateur pour les patients n’ayant pas de médecin traitant, ou encore le renforcement du rôle du médecin coordonnateur en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et la création de la fonction d’infirmier référent.
Je voudrais revenir enfin sur les apports de cette proposition de loi concernant les praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue). Je regrette que votre assemblée n’ait pas voulu retenir son article 10, alors que la mise en place de cartes de séjour spécifiques pour ces praticiens était complémentaire des autorisations temporaires que vous avez adoptées à l’article 9.
Vous êtes nombreux sur ces travées à solliciter le Gouvernement – c’est le rôle légitime des représentants des territoires que vous êtes –, pour favoriser la venue de praticiens étrangers dans vos départements.
Les cartes de séjour pluriannuelles de treize mois et quatre ans instaurées par l’article 10 constituaient un facteur d’attractivité pour ces cadres de haut niveau que sont les professionnels de santé, sans jamais transiger sur la qualité des soins que nous devons à nos concitoyens. C’est une occasion perdue pour l’accès aux soins, et je le déplore.
Pour autant, le dispositif des articles 9 et 10 bis prolonge utilement notre ambition de simplifier le parcours d’autorisation des Padhue, et je m’en réjouis particulièrement. Cela donnera davantage de souplesse dans la réalisation des stages de consolidation des compétences, en modulant la durée requise, qui pourra désormais être limitée à six mois. Ce sont des parcours plus lisibles pour les Padhue et une réponse améliorée pour l’accès aux soins.
Je salue d’ailleurs les apports de votre assemblée et du groupe RDPI en faveur des Padhue outre-mer, qui permettent une simplification et une plus grande reconnaissance de la contribution essentielle des praticiens dans ces territoires.
Le Gouvernement accueille donc favorablement les mesures de ce texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. Il salue le travail accompli par les deux chambres et vous invite à voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE.)
M. le président. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels
Article 1er
I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 1434-9 est ainsi modifié :
a) Aux 1° et dernier alinéas, les mots : « démocratie sanitaire » sont remplacés par le mot : « santé » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La délimitation des territoires de santé peut être redéfinie par les membres siégeant au sein des conseils territoriaux de santé compétents, en lien avec l’agence régionale de santé, afin d’assurer un équilibre et une solidarité entre les territoires en matière d’accès aux soins. » ;
2° L’article L. 1434-10 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
a bis) À la première phrase du second alinéa du I, après la seconde occurrence des mots : « territoire concerné », sont insérés les mots : « , dont des représentants des conseils des ordres territorialement compétents, » ;
b) Le II est ainsi modifié :
– après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le conseil territorial de santé participe à l’élaboration des projets territoriaux de santé. » ;
– il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Au moins une fois par an, le directeur général de l’agence régionale de santé présente au conseil territorial de santé ses observations sur l’état de santé de la population du territoire, sur l’offre de soins disponible et sur l’organisation de la permanence des soins. » ;
c) Le III est ainsi modifié :
– la dernière phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « ainsi qu’à toute autre zone caractérisée, au moment du diagnostic territorial partagé, par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins, au sens du 1° de l’article L. 1434-4 » ;
– la seconde phrase du deuxième alinéa est supprimée ;
– l’avant-dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Les projets territoriaux de santé font l’objet d’une évaluation régulière par le conseil territorial de santé, au regard des objectifs prioritaires qu’il définit en matière d’accès aux soins, de permanence des soins et d’équilibre territorial de l’offre de soins. » ;
3° Après le même article L. 1434-10, il est inséré un article L. 1434-10-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1434-10-1. – Afin de répondre aux besoins définis par le diagnostic territorial de santé, le directeur général de l’agence régionale de santé, après consultation du conseil territorial de santé, mobilise les acteurs du territoire pour améliorer l’accès aux soins, en s’appuyant sur :
« 1° Les établissements de santé publics ou privés, les établissements et services médico-sociaux, les centres de santé, les maisons de santé pluriprofessionnelles ou tout autre acteur du territoire pour proposer une offre de soins de premier recours ;
« 2° L’organisation de consultations avancées de médecins de premier ou de deuxième recours dans les zones mentionnées au 1° de l’article L. 1434-4 du présent code ;
« 3° La mise en place de dispositifs incitant à l’installation de professionnels de santé ou soutenant des actions d’amélioration de l’accès aux soins, en lien avec les collectivités territoriales et le guichet unique départemental d’accompagnement des professionnels de santé mentionné au 3° de l’article L. 1432-1 du même code ;
« 4° La mobilisation des dispositifs conventionnels mentionnés à l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale. » ;
4° Le second alinéa de l’article L. 1441-3 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « démocratie sanitaire » sont remplacés par le mot : « santé » ;
b) À la seconde phrase, les mots : « démocratie sanitaire prévus au 1° de l’article L. 1434-9 et de l’autonomie » sont remplacés par les mots : « santé et de l’autonomie prévue à l’article L. 1441-2 » ;
5° Au 4° de l’article L. 1442-1, les mots : « démocratie sanitaire » sont remplacés par le mot : « santé » ;
6° Au 1° de l’article L. 1442-3, les mots : « démocratie sanitaire » sont remplacés par le mot : « santé » ;
7° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 1442-5, les mots : « démocratie sanitaire » sont remplacés par le mot : « santé » ;
8° Au III des articles L. 1443-1, L. 1444-1 et L. 1445-1, les mots : « démocratie sanitaire » sont remplacés par le mot : « santé » ;
9° Au VI de l’article L. 1446-1, les mots : « démocratie sanitaire » sont remplacés par le mot : « santé » ;
10° À l’article L. 5511-2, les mots : « démocratie sanitaire » sont remplacés par le mot : « santé » ;
11° À la première phrase et à la fin de la seconde phrase du troisième alinéa de l’article L. 5511-3, les mots : « démocratie sanitaire » sont remplacés par le mot : « santé ».
II. – Les 1°, 2° et 4° à 11° du I s’appliquent à compter du premier jour du dixième mois suivant la promulgation de la présente loi.
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Article 2 bis
Les professionnels de santé ayant bénéficié des aides à l’installation et des exonérations relevant des catégories suivantes ne peuvent à nouveau être éligibles aux aides à l’installation et aux exonérations relevant de la même catégorie qu’à l’expiration d’un délai de dix ans :
1° Les aides à l’installation mentionnées à l’article L. 1511-8 du code général des collectivités territoriales ;
2° Les exonérations prévues aux articles 44 sexies, 44 octies A, 44 duodecies, 44 terdecies et 44 quindecies du code général des impôts ;
3° Les aides financières à l’installation au titre de la convention prévue à l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale.
Un décret détermine les conditions d’application du présent article.
Articles 2 ter, 2 quater A et 2 quater B
(Supprimés)
Article 2 quater C
L’article 36 de la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023 est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) À la seconde phrase, les mots : « et réalisé au domicile du patient » sont remplacés par les mots : « , réalisé au domicile du patient aux horaires et dans les conditions fixés par décret, » et les mots : « par le fonds d’intervention régional mentionné à l’article L. 1435-8 du code de la santé publique, » sont remplacés par les mots : « par l’assurance maladie » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Ce forfait ne peut excéder celui mentionné à l’article L. 162-5-14-2 du code de la sécurité sociale. » ;
2° La seconde phrase du II est supprimée.
Article 2 quater
L’article 138 de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique est ainsi modifié :
1° A Après le mot : « santé », sont insérés les mots : « et dans les centres de santé qui leur sont rattachés » ;
1° Après la dernière occurrence du mot : « à », sont insérés les mots : « , respectivement, soixante-quinze et » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les reports de limite d’âge mentionnés au premier alinéa du présent article sont également applicables dans les centres de santé gérés par les collectivités territoriales ou leurs groupements mentionnés à l’article L. 6323-1-3 du code de la santé publique, pour les professionnels mentionnés au 8° de l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale ou auxquels s’applique l’article L. 84 du code des pensions civiles et militaires de retraite. »
Article 2 quinquies
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa du III de l’article L. 1434-10 du code de la santé publique est ainsi modifié :
a) Les deuxième, troisième et quatrième phrases sont remplacées par deux phrases ainsi rédigées : « Il évalue la densité de l’offre de soins des territoires, pondérée par leur situation démographique, sanitaire, économique et sociale et met en perspective ces données au regard des situations régionale et nationale. Il prend en compte les évolutions anticipées de l’offre de soins résultant de la démographie des professions de santé. » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Le diagnostic est mis à jour tous les deux ans, après une première actualisation dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi n° … du … visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, en cohérence avec les territoires de santé. »
2° L’article L. 1434-4 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « détermine », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « tous les deux ans, par arrêté, après concertation avec le conseil territorial de santé mentionné à l’article L. 1434-10 : » ;
b et c) (Supprimés)
Article 2 sexies
Le 3° de l’article L. 1432-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Les mots : « à l’installation » sont supprimés ;
1° bis Le mot : « associées » est remplacé par le mot : « associés » ;
2° Sont ajoutés les mots et une phrase ainsi rédigée : « , les collectivités territoriales, leurs groupements, les représentants des étudiants en santé et des jeunes professionnels et la caisse primaire d’assurance maladie. Il assiste les professionnels de santé dans l’ensemble de leurs démarches administratives, notamment celles effectuées dans le cadre de leur installation ou de leur remplacement. »
Article 2 octies
Le chapitre III du titre Ier du livre Ier de la quatrième partie du code de la santé publique est complété par un article L. 4113-15 ainsi rédigé :
« Art. L. 4113-15. – Les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes exerçant à titre libéral et conventionnés communiquent à l’agence régionale de santé et au conseil de l’ordre dont ils relèvent leur intention de cesser définitivement leur activité dans le lieu où ils exercent, au plus tard six mois avant la date prévue pour la cessation de cette même activité, sauf exceptions prévues par décret.
« Les centres de santé employant des médecins, des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes communiquent sans délai, lorsqu’ils en ont connaissance, à l’agence régionale de santé et au conseil de l’ordre concerné l’intention de ces professionnels de santé de cesser définitivement leur activité, dans des conditions définies par décret. »
Article 2 nonies
(Supprimé)
Article 2 decies
Le II de l’article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° Le n du 2° est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi modifiée :
– au début, les mots : « L’article L. 5125-4 » sont remplacés par les mots : « Les 2°, 3° et 4° de l’article L. 5125-1-1 A, le premier alinéa de l’article L. 5125-16, le deuxième alinéa de l’article L. 5125-17 et le troisième alinéa de l’article L. 5125-18 » ;
– après le mot : « autorisant », la fin est ainsi rédigée : « la création d’une seule antenne par le ou les pharmaciens titulaires d’une officine d’une commune limitrophe ou de l’officine la plus proche. » ;
b) Après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « L’antenne fait partie de cette officine et relève de la même entité juridique. » ;
c) La seconde phrase est ainsi modifiée :
– après le mot : « ordre », sont insérés les mots : « des pharmaciens territorialement compétent » ;
– après le mot : « représentatifs », sont insérés les mots : « de la profession ».
Article 2 undecies
I. – A. – Par dérogation au IV de l’article 3 de l’ordonnance n° 2021-583 du 12 mai 2021 portant modification du régime des autorisations d’activités de soins et des équipements matériels lourds, pour les titulaires d’autorisations d’activités de soins et d’équipements matériels lourds dont la liste est fixée par décret ou en l’absence de publication au 1er juin 2023 des décrets mentionnés au même IV, la prorogation mentionnée audit IV prend fin le lendemain de la publication de la présente loi. Les titulaires sollicitent, le cas échéant, le renouvellement de l’autorisation concernée prévu à l’article L. 6122-10 du code de la santé publique.
B. – Par dérogation au A du présent I et aux troisième et dernier alinéas de l’article L. 6122-10 du code de la santé publique, les titulaires mentionnés au A du présent I qui auraient dû déposer une demande de renouvellement d’autorisation entre la publication de l’ordonnance n° 2021-583 du 12 mai 2021 précitée et la publication du schéma régional de santé, ou de la présente loi si sa promulgation est postérieure audit schéma, sollicitent le renouvellement de leur autorisation lors de la première période mentionnée au quatrième alinéa de l’article L. 6122-9 du code de la santé publique postérieure à la publication du schéma régional de santé, ou de la présente loi si sa promulgation est postérieure audit schéma. Ils peuvent poursuivre leur activité jusqu’à ce qu’il soit statué sur leur demande. À défaut de dépôt d’une telle demande, l’autorisation prend fin le lendemain de la fin de ladite période ou à la date d’échéance initiale de l’autorisation.
À défaut d’injonction dans un délai de quatre mois à compter de la fin de la période de dépôt prévue au premier alinéa du présent B, l’autorisation est tacitement renouvelée.
II. – Par dérogation au premier alinéa de l’article L. 6122-9 du code de la santé publique, les nouvelles demandes d’autorisations mentionnées au premier alinéa du IV de l’article 3 de l’ordonnance n° 2021-583 du 12 mai 2021 précitée peuvent être accordées sans recueillir l’avis de la commission spécialisée de la conférence régionale de la santé et de l’autonomie compétente pour le secteur sanitaire, sur critères d’offre, de qualité ou de sécurité des soins définis par décret en Conseil d’État.
III. – Au dernier alinéa de l’article L. 6133-7 du code de la santé publique, les mots : « dont la seule autorisation d’activité de soins dont il est titulaire est une autorisation d’activité biologique d’assistance médicale à la procréation » sont remplacés par les mots : « autorisé à pratiquer les seules activités de soins dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État ».
IV. – L’article L. 6133-7 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, reste applicable jusqu’à la publication du décret en Conseil d’État mentionné au dernier alinéa de l’article L. 6133-7 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant du III du présent article, et au plus tard deux mois après la publication de la présente loi.
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Article 3
(Supprimé)
Article 3 bis AA
L’article L. 6323-1-12 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Après le II, il est inséré un II bis ainsi rédigé :
« II bis. – Lorsque la caisse primaire d’assurance maladie décide de placer le centre de santé hors de la convention en application de l’article L. 162-32-3 du code de la sécurité sociale, celle-ci adresse au directeur général de l’agence régionale de santé ses conclusions et les observations du centre de santé.
« Si les éléments transmis permettent de constater de manière persistante l’un des manquements mentionnés au premier alinéa du I du présent article, le directeur général de l’agence régionale de santé peut prononcer la fermeture immédiate, totale ou partielle, du centre et, lorsqu’elles existent, de ses antennes. » ;
2° À la première phrase du III, après la référence : « II », sont insérés les mots : « ou du II bis ».
Article 3 bis A
Le V de l’article L. 313-12 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Après la première phrase, sont insérées quatre phrases ainsi rédigées : « Sous la responsabilité du responsable de l’établissement, il assure l’encadrement de l’équipe soignante de l’établissement et peut, pour les résidents qui le souhaitent, assurer le suivi médical des résidents de l’établissement, pour lesquels il peut réaliser des prescriptions médicales. Il veille à la qualité de la prise en charge médicale des résidents. La fonction de médecin coordonnateur peut être exercée par un ou plusieurs médecins. En deçà d’un nombre de places au sein de l’établissement fixé par décret, la fonction de coordination est occupée par un seul médecin. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le médecin coordonnateur assure le suivi médical du résident, ce dernier ou, le cas échéant, son représentant légal ou la personne de confiance mentionnée à l’article L. 311-5-1 du présent code peut désigner le médecin coordonnateur comme médecin traitant du résident dans les conditions prévues à l’article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale. Au moment de l’admission dans l’établissement, le contrat de séjour ou le document individuel de prise en charge mentionné à l’article L. 311-4 du présent code fait mention du choix du résident, qui peut être modifié à tout moment de son séjour dans l’établissement. »
Article 3 bis B
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa du I de l’article L. 4041-4, les mots : « six mois » sont remplacés par les mots : « trois ans » ;
2° L’article L. 4411-3 est ainsi rétabli :
« Art. L. 4411-3. – Pour l’application de l’article L. 4041-4 à Mayotte, une société interprofessionnelle de soins ambulatoires doit compter parmi ses associés au moins un médecin et un auxiliaire médical. »
Article 3 bis C
Le chapitre II du titre IV du livre préliminaire de la quatrième partie du code de la santé publique est complété par un article L. 4042-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 4042-4. – La responsabilité à l’égard des tiers de chaque associé de la société interprofessionnelle de soins ambulatoires est engagée dans la limite de deux fois le montant de son apport dans le capital de la société.
« L’associé qui n’a apporté que son industrie est tenu comme celui dont la participation dans le capital social est la plus faible. »
Article 3 bis D
Après l’article L. 162-12-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 162-12-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 162-12-2-1. – Afin de favoriser la coordination des soins, l’assuré ou l’ayant droit âgé de seize ans ou plus atteint d’une affection mentionnée au 3° de l’article L. 160-14 nécessitant des soins infirmiers peut déclarer à son organisme gestionnaire de régime de base d’assurance maladie le nom de l’infirmier référent qu’il a choisi, avec l’accord de celui-ci. Le choix de l’infirmier référent suppose, pour les ayants droit mineurs, l’accord de l’un au moins des deux parents ou du titulaire de l’autorité parentale.
« Plusieurs infirmiers exerçant au sein d’un cabinet situé dans les mêmes locaux, au sein d’un même centre de santé mentionné à l’article L. 6323-1 du code de la santé publique ou au sein d’une même maison de santé mentionnée à l’article L. 6323-3 du même code peuvent être conjointement désignés infirmiers référents.
« L’infirmier référent assure une mission de prévention, de suivi et de recours, en lien étroit avec le médecin traitant et le pharmacien correspondant.
« Pour les ayants droit âgés de moins de seize ans, l’un au moins des deux parents ou le titulaire de l’autorité parentale peut déclarer à l’organisme gestionnaire de régime de base d’assurance maladie le nom de l’infirmier référent qu’il a choisi, avec l’accord de celui-ci.
« Les modalités d’application du présent article sont définies par voie réglementaire. »
Article 3 bis
Au deuxième alinéa de l’article L. 1434-12 du code de la santé publique, après le mot : « sociaux », sont insérés les mots : « , dont des professionnels de la santé scolaire, ».
Article 4
I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 6111-1-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 6111-1-3. – Les établissements de santé sont responsables collectivement de la permanence des soins en établissement dans le cadre de la mise en œuvre du schéma régional de santé et de l’organisation territoriale de la permanence des soins.
« Le directeur général de l’agence régionale de santé assure la cohérence de l’organisation de la permanence des soins mentionnée au premier alinéa du présent article au regard des impératifs de continuité, de qualité et de sécurité des soins.
« Si le directeur général de l’agence régionale de santé constate des carences dans la couverture des besoins du territoire, il réunit les différents établissements de santé et les représentants des professionnels de santé exerçant en leur sein, les invite à répondre aux nécessités d’organisation collective de la permanence des soins et recueille leurs observations. En cas de carences persistantes, il peut désigner les établissements de santé chargés d’assurer la permanence des soins mentionnée au premier alinéa du présent article ou d’y contribuer. Les professionnels de santé exerçant au sein des établissements de santé désignés au titre du présent alinéa participent à la mise en œuvre de cette mission.
« Le présent article s’applique à l’ensemble des titulaires de l’autorisation mentionnée à l’article L. 6122-1 ainsi qu’aux professionnels de santé qui y exercent.
« Lorsque les professionnels de santé exerçant au sein d’un établissement de santé décident de contribuer à la mission de permanence des soins assurée par un autre établissement que celui au sein duquel ils exercent, leur activité à ce titre est couverte par le régime de la responsabilité qui s’applique aux médecins et agents de l’établissement d’accueil.
« Les modalités et les conditions d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État. » ;
2° (Supprimé)
II. – L’article L. 6111-1-3 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la présente loi, s’applique à compter de son entrée en vigueur, nonobstant toute clause contractuelle contraire.
Article 4 bis A
L’article L. 6122-7 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « publique », sont insérés les mots : « , de l’organisation de la permanence des soins » ;
2° Au troisième alinéa, les mots : « l’engagement de mettre en œuvre des » sont remplacés par les mots : « la mise en œuvre de » et après le mot : « et », sont insérés les mots : « l’effectivité de ».
Article 4 bis B
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À l’article L. 6311-4, le mot : « médecins » est remplacé par les mots : « professionnels de santé » ;
2° L’article L. 6314-2 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « du médecin libéral » sont remplacés par les mots : « des professionnels de santé libéraux » ;
b) À la deuxième phrase, les mots : « le médecin libéral assure la régulation des appels depuis son cabinet ou son » sont remplacés par les mots : « les professionnels de santé libéraux assurent la régulation des appels depuis leur cabinet ou leur ».
Article 4 bis
(Supprimé)
Article 5
L’article L. 632-6 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Chaque année, un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale détermine le nombre d’étudiants admis à poursuivre des études de santé à l’issue de la première année du premier cycle des études de médecine, d’odontologie, de maïeutique et de pharmacie ou ultérieurement au cours de ces études et, de façon distincte, le nombre de praticiens à diplôme étranger hors Union européenne autorisés à poursuivre un parcours de consolidation des compétences en médecine ou en odontologie soit dans le cadre du IV de l’article 83 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007, soit au titre de l’article L. 4111-2 du code de la santé publique, qui peuvent signer un contrat d’engagement de service public avec une autorité administrative désignée par arrêté des ministres chargés de la santé et de l’enseignement supérieur. » ;
2° À la première phrase du troisième alinéa et à l’avant-dernier alinéa, les mots : « le centre national de gestion » sont remplacés par les mots : « l’autorité administrative désignée en application du premier alinéa du présent article » ;
2° bis À la première phrase du troisième alinéa, les mots : « médicales ou odontologiques » sont supprimés ;
3° À la troisième phrase du cinquième alinéa, les mots : « le Centre national de gestion » sont remplacés par les mots : « l’autorité administrative désignée en application du premier alinéa du présent article » ;
4° Au sixième alinéa, les mots : « le Centre national de gestion » sont remplacés par les mots : « la même autorité administrative ».
Article 5 bis A
À l’avant-dernier alinéa du I de l’article L. 1511-8 du code général des collectivités territoriales, après le mot : « générale », sont insérés les mots : « de chirurgie dentaire ou de toute autre spécialité ».
Article 5 bis
À la troisième phrase du deuxième alinéa du I de l’article L. 631-1 du code de l’éducation, les mots : « capacités de formation et des besoins de santé du territoire, » sont remplacés par les mots : « besoins de santé du territoire en priorité, puis des capacités de formation ».
Articles 5 ter et 5 quater
(Supprimés)
Article 5 quinquies
Le chapitre III du titre V du livre Ier de la sixième partie du code de la santé publique est complété par un article L. 6153-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 6153-6. – L’entité dans laquelle l’étudiant mentionné aux 1° ou 2° de l’article L. 6153-1 effectue son stage prend les mesures nécessaires pour assurer sa sécurité et protéger sa santé physique et mentale, dans les conditions prévues à l’article L. 4121-1 du code du travail. »
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Article 6
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le I de l’article L. 6132-1 est ainsi modifié :
a) La seconde phrase est ainsi rédigée : « Le groupement hospitalier de territoire peut, sur demande conjointe de l’ensemble des directeurs des établissements parties et sous réserve de délibérations concordantes des conseils de surveillance et des conseils d’administration, être doté de la personnalité morale dans les conditions prévues à l’article L. 6132-5-2. » ;
b) (Supprimé)
1° bis A Après l’article L. 6132-5-1, il est inséré un article L. 6132-5-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 6132-5-2. – Le groupement hospitalier de territoire peut être doté de la personnalité morale dans les cas suivants :
« 1° Lorsque l’ensemble des établissements parties à un groupement hospitalier de territoire fusionnent dans les conditions prévues à l’article L. 6141-7-1. Dans ce cas, l’établissement issu de la fusion n’est pas tenu d’être partie à la convention mentionnée au premier alinéa du I de l’article L. 6132-1 ;
« 2° Lorsque l’ensemble des établissements parties à un groupement hospitalier de territoire constituent, à l’exclusion de tout autre membre, un groupement de coopération sanitaire mentionné à l’article L. 6133-1 afin qu’il assure au moins les fonctions mentionnées au I de l’article L. 6132-3. Le groupement de coopération sanitaire exerce également, le cas échéant, les compétences mentionnées aux II et III de l’article L. 6132-3 et à l’article L. 6132-5-1. Pour l’exercice de ses compétences, le groupement de coopération sanitaire se substitue à l’établissement support du groupement hospitalier de territoire et l’administrateur du groupement de coopération sanitaire exerce l’ensemble des prérogatives accordées au directeur de l’établissement support.
« Le groupement de coopération sanitaire applique les règles d’organisation et de fonctionnement prévues aux articles L. 6133-1 et suivants, sous réserve que le directeur de l’établissement support soit administrateur du groupement de coopération sanitaire et que le président de la commission médicale de groupement mentionnée à l’article L. 6132-2-2, ou le cas échéant le président de la commission médicale unifiée mentionnée à l’article L. 6132-2-5 soit vice-administrateur du groupement. Les règles d’organisation et de fonctionnement du groupement de coopération sanitaire définies dans sa convention constitutive s’accordent avec celles prévues dans la convention constitutive du groupement hospitalier de territoire.
« Par dérogation aux dispositions de l’article L. 6133-7, le groupement de coopération sanitaire n’est pas érigé en établissement de santé dans l’hypothèse où il devient titulaire d’une ou de plusieurs autorisations d’activités de soins. » ;
1° bis L’article L. 6132-7 est complété par un 10° ainsi rédigé :
« 10° Les conditions dans lesquelles un groupement hospitalier de territoire peut être doté de la personnalité morale, en application de l’article L. 6132-5-2, ainsi que les modalités de conciliation des prérogatives respectives du groupement et des établissements parties. » ;
2° L’article L. 6143-1 est ainsi modifié :
aa) Le 1° est complété par les mots : « et, annuellement, les modalités de sa mise en œuvre au sein de l’établissement et de ses structures, présentées par le directeur et le président de la commission médicale d’établissement » ;
a) Après le 8°, sont insérés des 9° à 11° ainsi rédigés :
« 9° (Supprimé)
« 10° Le plan pluriannuel d’investissement ;
« 11° (Supprimé)
a bis) Après le dixième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« – l’état des prévisions de recettes et de dépenses, le plan global de financement pluriannuel ainsi que le programme d’investissement ;
« – la charte de gouvernance mentionnée au III de l’article L. 6143-7-3 ; »
a ter) Après le quatorzième alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Le conseil de surveillance se voit présenter annuellement :
« a) Les observations du directeur général de l’agence régionale de santé sur l’état de santé de la population du territoire et sur l’offre de soins disponible sur ce dernier ;
« b) Les actions universitaires, d’enseignement et de recherche menées par le centre hospitalier universitaire avec lequel l’établissement a conclu une convention au titre de l’article L. 6142-5 ;
« c) Le bilan, élaboré conjointement par le directeur et le président de la commission médicale d’établissement, des actions mises en œuvre par l’établissement pour améliorer l’accès aux soins et la gradation des soins, en lien avec la politique du groupement hospitalier de territoire. » ;
b) (Supprimé)
c) Le dernier alinéa est ainsi modifié :
– la première phrase est supprimée ;
– au début de la seconde phrase, le mot : « Il » est remplacé par les mots : « Le conseil de surveillance » ;
3° L’article L. 6143-7 est ainsi modifié :
a) Le 4° est complété par les mots : « et le soumet à l’approbation du conseil de surveillance » ;
b) Après la référence : « L. 6145-1 », la fin du 5° est ainsi rédigée : « et le plan global de financement pluriannuel, après avis du conseil de surveillance ; »
c) (Supprimé)
4° Au premier alinéa du III de l’article L. 6143-7-3, après les mots : « directeur de l’établissement », sont insérés les mots : « après avis du conseil de surveillance ».
Article 6 bis A
L’article L. 6132-2 du code de la santé publique est complété par un III ainsi rédigé :
« III. – Un établissement partie à la convention d’un groupement hospitalier de territoire peut demander à rejoindre la convention d’un autre groupement existant.
« Avec l’accord du directeur de l’établissement et après délibération du conseil de surveillance de ce dernier, la demande est adressée au directeur général de l’agence régionale de santé conjointement par les directeurs des établissements supports des deux groupements hospitaliers de territoire concernés. Cette demande comprend l’avis favorable du comité stratégique et de la commission médicale de ces deux groupements.
« Au regard de l’amélioration des parcours de soins et dans l’intérêt de la santé publique, le directeur général de l’agence régionale de santé statue sur ces demandes dans un délai de deux mois. Il arrête, le cas échéant, la liste actualisée des groupements hospitaliers de territoire dans la région. »
Article 6 bis B
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 6143-5 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) Le septième alinéa est ainsi rédigé :
« Peuvent demander à participer aux réunions du conseil de surveillance, avec voix consultative, les parlementaires élus dans la circonscription où est situé le siège de l’établissement principal de l’établissement public de santé. » ;
c) Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Par dérogation au I, la composition du conseil de surveillance des établissements publics de santé nationaux est fixée par voie réglementaire. Elle comprend, avec voix délibérative, une représentation de l’Assemblée nationale et du Sénat désignée par chaque assemblée. » ;
2° (Supprimé)
Article 6 ter
Sous réserve des décisions passées en force de chose jugée, sont validés l’inscription sur la liste d’aptitude et les titularisations, au 1er janvier 2021, des trente-neuf élèves-directeurs ayant suivi la formation initiale dispensée après l’admission au concours ouvert au titre de l’année 2018 pour le recrutement des directeurs d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux ainsi que les certificats d’aptitude aux fonctions de directeur d’établissement ou de service d’intervention sociale délivrés aux intéressés, en tant que leur légalité serait remise en cause sur le fondement de la méconnaissance, par le jury du concours externe d’accès au cycle de formation des élèves-directeurs d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux ouvert au titre de l’année 2018, de l’article 7 de l’arrêté du 26 décembre 2007 relatif au programme et aux modalités des concours d’admission au cycle de formation des élèves directeurs des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux de la fonction publique hospitalière, de l’irrégularité de la délibération du 28 novembre 2018 du jury susmentionné fixant la liste des candidats admis au concours externe de directeur d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux ou de celle de l’arrêté du 11 février 2019 établissant la liste des élèves-directeurs et élèves-directrices d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux à l’École des hautes études en santé publique à compter du 1er janvier 2019.
Article 7
I. – La section 5 bis du chapitre III du titre Ier du livre III du code de l’action sociale et des familles est complétée par un article L. 313-23-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 313-23-4. – Les établissements et services relevant des 1°, 2°, 4°, 6° et 7° du I de l’article L. 312-1 ne peuvent avoir recours, dans le cadre des contrats de mise à disposition qu’ils concluent avec des entreprises de travail temporaire, à des médecins, des infirmiers, des aides-soignants, des éducateurs spécialisés, des assistants de service social, des moniteurs-éducateurs et des accompagnants éducatifs et sociaux qu’à la condition que ceux-ci aient exercé leur activité dans un cadre autre qu’un contrat de mission conclu avec une de ces entreprises de travail temporaire pendant une durée minimale appréciée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« À titre dérogatoire, l’interdiction établie au premier alinéa du présent article ne s’applique pas aux contrats de mise à disposition de personnes dotées du statut d’étudiant en santé conclus avec des entreprises de travail temporaire établies en France ou à l’étranger.
« Les entreprises de travail temporaire mentionnées au même premier alinéa vérifient le respect de la condition fixée audit premier alinéa et en attestent auprès des établissements et services médico-sociaux au plus tard lors de la signature du contrat de mise à disposition. Les modalités d’application du présent alinéa sont déterminées par décret en Conseil d’État.
« Ce décret prévoit les sanctions applicables en cas de manquement constaté à l’interdiction prévue au présent article. »
II. – Le chapitre V du titre Ier du livre Ier de la sixième partie du code de la santé publique est ainsi rétabli :
« CHAPITRE V
« Mise à disposition temporaire de professionnels de santé auprès des établissements de santé
« Art. L. 6115-1. – Les établissements de santé et les laboratoires de biologie médicale ne peuvent avoir recours, dans le cadre des contrats de mise à disposition qu’ils concluent avec des entreprises de travail temporaire, à des médecins, des chirurgiens-dentistes, des pharmaciens, des sages-femmes ou des professionnels de santé relevant du livre III de la quatrième partie qu’à la condition que ceux-ci aient exercé leur activité dans un cadre autre qu’un contrat de mission conclu avec une de ces entreprises de travail temporaire pendant une durée minimale appréciée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« À titre dérogatoire, l’interdiction établie au premier alinéa du présent article ne s’applique pas aux contrats de mise à disposition de personnes dotées du statut d’étudiant en santé conclus avec des entreprises de travail temporaire établies en France ou à l’étranger.
« Les entreprises de travail temporaire mentionnées au même premier alinéa vérifient le respect de la condition fixée audit premier alinéa et en attestent auprès des établissements de santé et des laboratoires de biologie médicale au plus tard lors de la signature du contrat de mise à disposition. Les modalités d’application du présent alinéa sont déterminées par décret en Conseil d’État.
« Ce décret prévoit les sanctions applicables en cas de manquement constaté à l’interdiction prévue au présent article. »
III. – Les I et II du présent article s’appliquent aux contrats de mise à disposition conclus en application de l’article L. 1251-42 du code du travail à compter du premier jour du quatrième mois suivant la promulgation de la présente loi.
Article 8
L’article L. 6161-3 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
b) À la deuxième phrase, après le mot : « santé », sont insérés les mots : « ainsi qu’aux services d’inspection et de contrôle dans le cadre de leurs contrôles, » ;
c) La dernière phrase est complétée par les mots : « ainsi qu’aux services d’inspection et de contrôle désignés par décret, dans le cadre d’un contrôle de gestion et des comptes qu’ils peuvent exercer sur ces établissements » ;
2° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le premier alinéa est applicable, dans les mêmes conditions, à tout organisme, toute société ou tout groupe disposant d’un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion dans un établissement de santé privé ou d’un pouvoir de contrôle de celui-ci, au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce, ainsi qu’aux structures satellites qui entretiennent des liens juridiques et financiers avec cet établissement, notamment les sociétés civiles immobilières. »
Article 8 bis A
L’article L. 1442-5 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La mission de permanence des soins mentionnée à l’article L. 6314-1 commune à la Guadeloupe, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin peut comporter un volet particulier à ces collectivités. »
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Article 8 ter
I. – Au chapitre Ier du titre II du livre IX du code de la sécurité sociale, après l’article L. 921-2-1, il est inséré un article L. 921-2-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 921-2-2. – Les membres du personnel enseignant et hospitalier titulaires et stagiaires mentionnés à l’article L. 952-21 du code de l’éducation sont affiliés pour la partie hospitalière de leur activité au régime de retraite complémentaire prévu à l’article L. 921-2-1 du code de la sécurité sociale. »
II. – Le second alinéa du I de l’article 76 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation au premier alinéa, sont exclus de cette assiette :
« 1° La participation d’un employeur public au financement d’un contrat collectif de protection sociale complémentaire auquel la souscription des agents est rendue obligatoire en application d’un accord prévu à l’article L. 827-2 du code général de la fonction publique ou de l’arrêté mentionné au II de l’article L. 4123-3 du code de la défense ;
« 2° Les éléments de rémunération perçus par les membres du personnel enseignant et hospitalier titulaires mentionnés à l’article L. 952-21 du code de l’éducation au titre de leur activité hospitalière. »
III. – L’article 112 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 est abrogé.
IV. – Le présent article entre en vigueur le 1er septembre 2024.
Article 8 quater
Le code des juridictions financières est ainsi modifié :
1° À la première phrase des articles L. 111-7, L. 211-7 et L. 252-9-1 et au premier alinéa de l’article L. 262-10, après le mot : « contrôler », sont insérés les mots : « les centres de santé mentionnés à l’article L. 6323-1 du code de la santé publique, » ;
2° À la première phrase de l’article L. 272-8, après le mot : « contrôle », sont insérés les mots : « sur les centres de santé mentionnés à l’article L. 6323-1 du code de la santé publique, ».
Article 9
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 4111-2, il est inséré un article L. 4111-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 4111-2-1. – Par dérogation à l’article L. 4111-1, l’autorité compétente peut, après avis d’une commission comprenant notamment des professionnels de santé, dont des représentants de l’ordre compétent, délivrer une attestation permettant un exercice provisoire, pour la profession de médecin dans la spécialité correspondant à la demande d’autorisation, pour la profession de chirurgien-dentiste, le cas échéant dans la spécialité correspondant à la demande d’autorisation, ou pour la profession de sage-femme, dans un établissement public ou un établissement privé à but non lucratif de santé, social ou médico-social, aux titulaires d’un titre de formation délivré par un État non-membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen et permettant l’exercice de l’une des professions mentionnées au même article L. 4111-1 dans cet État qui exercent cette profession, qui établissent leur expérience professionnelle par tout moyen et qui disposent d’un niveau de connaissance de la langue française suffisant pour exercer leur activité en France. Ces professionnels s’engagent également à passer les épreuves de vérification des connaissances mentionnées à l’article L. 4111-2.
« La durée de validité de cette attestation, renouvelable une fois, ne peut excéder treize mois.
« Pour les professions de chirurgien-dentiste et de sage-femme, la commission mentionnée au premier alinéa du présent article est nationale.
« Un décret en Conseil d’État définit les conditions d’application du présent article. » ;
2° Après l’article L. 4221-12, il est inséré un article L. 4221-12-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 4221-12-1. – Par dérogation à l’article L. 4221-1, l’autorité compétente peut, après avis d’une commission nationale comprenant notamment des professionnels de santé, dont des représentants de l’ordre compétent, délivrer une attestation permettant un exercice provisoire, pour la profession de pharmacien dans la spécialité correspondant à la demande d’autorisation, aux titulaires d’un titre de formation délivré par un État non-membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen et permettant l’exercice de la profession mentionnée au même article L. 4221-1 dans cet État qui exercent cette profession, qui établissent leur expérience professionnelle par tout moyen et qui disposent d’un niveau de connaissance de la langue française suffisant pour exercer leur activité en France. Ces professionnels s’engagent également à passer les épreuves de vérification des connaissances mentionnées à l’article L. 4221-12.
« La durée de validité de cette attestation, renouvelable une fois, ne peut excéder treize mois.
« Un décret en Conseil d’État définit les conditions d’application du présent article. »
Article 10
(Supprimé)
Article 10 bis
I. – À la fin de l’avant-dernière phrase des sixième, septième et huitième alinéas du I de l’article L. 4111-2 et du sixième alinéa de l’article L. 4221-12 du code de la santé publique, les mots : « , et subordonné au rang de classement aux épreuves de vérification des connaissances » sont supprimés.
II. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le I de l’article L. 4111-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « le directeur général du Centre national de gestion » sont remplacés par les mots : « l’autorité compétente désignée par décret en Conseil d’État » et, après le mot : « commission », sont insérés les mots : « nationale, majoritairement composée de professionnels de santé et » ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
– la deuxième phrase est supprimée ;
– la troisième phrase est complétée par les mots : « ainsi que celles dans lesquelles est fixé le nombre maximal de candidats susceptibles d’être reçus » ;
– la dernière phrase est supprimée ;
c) Le quatrième alinéa est supprimé ;
d) Le sixième alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « de deux ans » sont supprimés ;
– l’avant-dernière phrase est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « À l’issue d’un stage d’évaluation, dont la durée est déterminée par voie réglementaire, la commission mentionnée au premier alinéa émet un avis sur la poursuite du parcours de consolidation des compétences et peut décider de la réalisation d’un stage complémentaire. La décision d’autoriser individuellement les lauréats candidats intervient dans un délai fixé par voie réglementaire à compter de la proclamation des résultats des épreuves mentionnées au deuxième alinéa. » ;
e) Le septième alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « d’une année » et, à la fin, les mots : « , dans les lieux de stage agréés et auprès d’un praticien agréé maître de stage » sont supprimés ;
– la troisième phrase est supprimée ;
– après la même troisième phrase, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « À l’issue d’un stage d’évaluation, dont la durée est déterminée par voie réglementaire, la commission mentionnée au premier alinéa émet un avis sur la poursuite du parcours de consolidation des compétences et peut décider de la réalisation d’un stage complémentaire. La décision d’autoriser individuellement les lauréats candidats intervient dans un délai fixé par voie réglementaire à compter de la proclamation des résultats des épreuves mentionnées au deuxième alinéa. » ;
f) L’avant-dernier alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « d’une année » sont remplacés par les mots : « , le cas échéant dans leur spécialité » et, à la fin, les mots : « , dans un établissement de santé » sont supprimés ;
– la troisième phrase est supprimée ;
– après la même troisième phrase, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « À l’issue d’un stage d’évaluation, dont la durée est déterminée par voie réglementaire, la commission mentionnée au premier alinéa émet un avis sur la poursuite du parcours de consolidation des compétences et peut décider la réalisation d’un stage complémentaire. La décision d’autoriser individuellement les lauréats candidats intervient dans un délai fixé par voie réglementaire à compter de la proclamation des résultats des épreuves mentionnées au deuxième alinéa. » ;
g) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes autorisées à exercer en application de l’article L. 4131-5 du présent code et justifiant de cinq années d’exercice dans les territoires mentionnés au même article L. 4131-5, à condition d’être lauréates des épreuves de vérification des connaissances, peuvent être dispensées du parcours de consolidation des compétences prévu au cinquième alinéa du présent I. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de mise en œuvre du présent alinéa. » ;
h) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le parcours de consolidation de compétences mentionné aux cinquième à septième alinéas du présent I peut notamment être réalisé au sein des établissements de santé publics ou privés à but non lucratif, des établissements sociaux ou médico-sociaux ou au sein des structures d’exercice coordonné mentionnées aux articles L. 6323-1 et L. 6323-3. » ;
2° L’article L. 4221-12 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « le directeur général du Centre national de gestion peut, après avis d’une commission, composée notamment de professionnels de santé » sont remplacés par les mots : « l’autorité compétente désignée par décret en Conseil d’État peut, après avis d’une commission nationale, majoritairement composée de professionnels de santé et comprenant notamment des délégués des conseils nationaux des ordres et des organisations nationales des professions intéressées » ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
– la deuxième phrase est complétée par les mots : « , ainsi que les conditions dans lesquelles est fixé le nombre maximal de candidats susceptibles d’être reçus » ;
– la dernière phrase est supprimée ;
c) Le cinquième alinéa est supprimé ;
d) L’avant-dernier alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « de deux ans » sont supprimés ;
– la troisième phrase est supprimée ;
– après la même troisième phrase, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « À l’issue d’un stage d’évaluation, dont la durée est déterminée par voie réglementaire, la commission mentionnée au premier alinéa émet un avis sur la poursuite du parcours de consolidation des compétences et peut décider la réalisation d’un stage complémentaire. La décision d’autoriser individuellement les lauréats candidats intervient dans un délai fixé par voie réglementaire à compter de la proclamation des résultats des épreuves mentionnées au deuxième alinéa. » ;
e) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes autorisées à exercer en application de l’article L. 4221-14-3 du présent code et justifiant de cinq années d’exercice dans les territoires mentionnés au même article L. 4221-14-3, à condition d’être lauréates des épreuves de vérification des connaissances, peuvent être dispensées du parcours de consolidation des compétences prévu au cinquième alinéa du présent article. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de mise en œuvre du présent alinéa. » ;
f) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le parcours de consolidation de compétences mentionné au cinquième alinéa peut notamment être réalisé au sein des établissements de santé publics ou privés à but non lucratif, des établissements sociaux ou médico-sociaux ou au sein des structures d’exercice coordonné mentionnées aux articles L. 6323-1 et L. 6323-3. »
III. – Le II entre en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2025.
Article 10 ter A
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 4131-5 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, l’année : « 2025 » est remplacée par l’année : « 2030 » et les mots : « et de la Martinique » sont remplacés par les mots : « , de la Martinique et de Mayotte » ;
b) Les deuxième à quatrième alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Une seule commission territoriale d’autorisation d’exercice est constituée pour la Guyane, la Martinique, la Guadeloupe, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon. » ;
c) Au b, les mots : « des commissions territoriales constituées » sont remplacés par les mots : « de la commission territoriale constituée » ;
2° L’article L. 4221-14-3 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, l’année : « 2025 » est remplacée par l’année : « 2030 » et les mots : « et de la Martinique » sont remplacés par les mots : « , de la Martinique et de Mayotte » ;
b) Les deuxième à quatrième alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Une seule commission territoriale d’autorisation d’exercice est constituée pour la Guyane, la Martinique, la Guadeloupe, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon. » ;
c) À la fin du b, les mots : « des commissions territoriales » sont remplacés par les mots : « de la commission territoriale ».
Article 10 ter
(Supprimé)
Article 10 quater
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport portant sur le déroulement de l’internat en médecine et sur le déroulement des études de santé médicales et paramédicales. Le rapport formule notamment des propositions pour améliorer le statut, la rémunération et la prise en charge des dépenses matérielles des étudiants en études de santé médicales et paramédicales, y compris des externes et des internes pendant leur internat. Il examine également la possibilité de créer des épreuves régionales pour l’internat en médecine afin que les futurs médecins puissent être davantage formés dans leur territoire d’origine et la possibilité d’externaliser davantage la formation des internes en médecine, notamment par un nombre plus élevé de semestres en dehors des centres hospitaliers universitaires.
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M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à Mme Anne Souyris, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
Mme Anne Souyris. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi fera certainement œuvre utile, mais sans apporter de véritable réponse aux difficultés d’accès aux soins.
Mme la rapporteure l’avait souligné lors de la première lecture : depuis 2019, le Gouvernement préfère prendre des mesures éparses, plutôt que de déposer un projet de loi, pourtant nécessaire. Alors que la stratégie nationale de santé 2023-2033 est soumise à la consultation publique, je regrette qu’un projet de loi ne l’ait pas accompagnée, car cela aurait été l’occasion d’un débat de fond sur la politique de santé de notre pays.
Je me tourne désormais vers le texte qui nous réunit.
Tout d’abord, je regrette que les termes « démocratie sanitaire » disparaissent du code de la santé publique : les mots sont importants, et parfois même performatifs !
Pour le reste, les réformes prévues à l’article 1er vont dans le bon sens. Nous avions appelé à corriger la composition des conseils territoriaux de santé. S’il y a eu une opposition à inscrire cette composition dans la loi, j’invite le Gouvernement à prendre en compte nos remarques dans l’application de ce texte.
En ce qui concerne la régulation des installations de professionnels de santé, il y a quelques avancées, telle l’obligation d’informer les ARS d’une cessation d’activité sur un territoire. Mais, pour garantir l’accès aux soins, nous ne pourrons faire l’économie d’une véritable régulation, ni d’un effort massif vers les métiers du soin.
Il y a cette année près de 197 000 médecins actifs en France. Selon le Conseil national de l’ordre, ils seront moins de 188 000 dès l’année prochaine, et cette tendance perdurerait jusque 2031. Au contraire, les besoins de santé de la population française, vieillissante, augmentent. Nous manquons de professionnels de santé.
Si la suppression du numerus clausus permettra d’inverser partiellement la tendance, nous n’en verrons le résultat qu’à partir de 2030. De plus, cette réforme ne suffira pas à former le nombre de soignantes et de soignants dont nous avons besoin. Nos jeunes souhaitent s’orienter vers les métiers du soin, sans y parvenir, bloqués par Parcoursup et un système inadéquat.
Nous avions proposé de définir les capacités de formation en nous fondant sur les besoins de santé des territoires et de créer des écoles normales des métiers de la santé. Le Gouvernement et la commission s’y sont opposés.
Nous examinions la semaine dernière une proposition, malheureusement rejetée, visant à créer une allocation d’autonomie d’études. J’invite le Gouvernement à se saisir de ce sujet et à lancer, au moins, une mission sur une extension aux métiers du soin du dispositif dont bénéficient les écoles normales supérieures et l’École polytechnique. C’est une urgence.
Ensuite, l’organisation des soins doit être réformée, afin de mieux partager les activités et les compétences.
Au niveau des établissements, la création du GHT est un bon signe, tout comme celle du statut d’infirmier référent au niveau des professionnels. Je regrette cependant que notre proposition d’aligner les conditions de cumul d’activités des professionnels de santé territoriaux sur celles des hospitaliers n’ait pas été prise en compte ; les collectivités territoriales le demandaient.
Sur la permanence des soins, ce texte avance à tout petits pas, en donnant davantage de responsabilités aux ARS en dernier recours, mais sans proposer de véritable réforme.
Pour les débats importants que nous avons eus, je tiens à remercier l’auteur de la proposition de loi, notre collègue député M. Frédéric Valletoux, la rapporteure de la commission Mme Corinne Imbert et le Gouvernement. Il est dommage que cette montagne ait accouché d’une souris !
Pour conclure, nous ne pouvons nous contenter de rafistolages, quelle que soit leur utilité, car ils sont très insuffisants pour notre système de santé, dont les fragilités se multiplient chaque année.
C’est pourquoi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, sans s’opposer aux mesures que comporte ce texte, s’abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Mme Céline Brulin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un compromis sur la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels a été trouvé.
Malheureusement, il n’y avait pas grand-chose dans ce texte fourre-tout au début de son examen et, malgré un accroissement important du nombre de ses articles, il n’y a toujours pas grand-chose pour améliorer l’accès aux soins !
Le titre de cette proposition de loi laisse à penser que c’est l’engagement territorial des professionnels de santé qui ferait défaut pour que chacun ait accès aux soins.
Or le premier problème est qu’ils ne sont pas suffisamment nombreux dans nos territoires. Cela demande une véritable politique de santé publique assortie de moyens humains et financiers, faute de quoi nous sommes condamnés à appliquer des rustines. Et les Français, dont les principales préoccupations sont actuellement leur pouvoir d’achat et leur accès à la santé, ne s’en satisferont pas.
Le texte n’esquisse même pas l’ombre d’un début de régulation de l’installation des praticiens pour lutter contre la désertification médicale. Nous sommes pourtant de plus en plus nombreux à le proposer, pour répondre aux besoins de nos concitoyens sans médecins généralistes ou confrontés à des délais de rendez-vous indécents.
De même, sur la question des dépassements d’honoraires, majorité sénatoriale et camp présidentiel sont main dans la main : nous avons proposé d’encadrer ces dépassements, vous l’avez refusé.
L’étude publiée il y a quelques jours par l’UFC-Que Choisir montre pourtant les effets délétères de leur développement incontrôlé : en 2021, plus de 70 % des gynécologues, 66 % des ophtalmologues et 48 % des pédiatres pratiquaient des dépassements. Ces proportions ont augmenté d’une dizaine de points en cinq ans.
Sur la permanence des soins, on nous annonçait des progrès. Mais, là encore, quelle déception ! Les hôpitaux publics continueront d’assumer seuls les gardes de nuit et le week-end, les cliniques privées étant sollicitées seulement après le constat d’une carence et de sa persistance. Ce n’est qu’alors que l’ARS demandera aux établissements privés d’y participer, sans qu’on sache vraiment s’ils y seront contraints.
En pleine renégociation de la convention entre médecins libéraux et sécurité sociale, il eût été judicieux d’imposer, en contrepartie de la revalorisation des tarifs, des conditions de permanence des soins les soirs et les week-ends.
Lorsque l’exercice libéral n’est pas, ou n’est plus, en mesure d’assurer l’accès aux soins de nos concitoyens, la puissance publique doit reprendre la main. Il ne peut y avoir, dans notre République, de citoyens de seconde zone, dont la santé serait moins importante que celle des autres.
Certes, quelques mesures vont dans le bon sens, comme la création d’un indicateur territorial régulièrement actualisé et l’accès au CESP dès la deuxième année.
Le CESP peut être un outil pour démocratiser les études de santé et permettre à des jeunes de familles modestes de s’engager dans des études de médecine, mais il est injuste que seuls ceux-ci aient des contraintes d’installation. D’ailleurs, en deuxième année, ils ne savent pas forcément encore vers quelle spécialité ils voudront ou pourront se diriger.
Nous l’avons dit durant nos débats, il est nécessaire de former dès à présent beaucoup plus de professionnels de santé pour faire face aux besoins de la société. Il faut donner aux universités et aux instituts de formation les moyens d’augmenter le nombre d’étudiants et de tuteurs, de formateurs, de terrains de stage. En attendant que les futurs professionnels de santé soient formés, il faut mettre fin à la démission massive des personnels, en revalorisant les carrières, les rémunérations et surtout les conditions de travail à l’hôpital.
Je pense également aux Padhue, indispensables aujourd’hui dans nos hôpitaux, mais qui ne sont ni rémunérés ni reconnus à la hauteur de leurs compétences.
L’inquiétude est évidemment très forte pour ceux qui risquent de se retrouver sans contrat le 31 décembre prochain, donc sans droits. Alors que 6 millions de concitoyens n’ont pas de médecin généraliste, que les services d’urgences sont débordés, nous ne pouvons pas nous passer de ces professionnels formés. Il faut en tirer toutes les conséquences.
Pour l’ensemble de ces raisons, notre groupe CRCE-K ne soutiendra pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.)
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en octobre, nous avions entamé avec scepticisme – c’est peu dire – les débats sur cette proposition de loi.
Sur le fond, nous avions plusieurs motifs d’inquiétude. Le calendrier d’examen était aussi regrettable, juste avant le PLFSS et la reprise des négociations conventionnelles.
Pourtant, la majorité de notre groupe a finalement voté ce texte en première lecture. Les débats ont en effet permis de l’améliorer, en supprimant certains irritants qui risquaient d’aggraver la baisse d’attractivité des métiers du soin, alors que c’est aujourd’hui le nerf de la guerre. Je salue donc le travail de la rapporteure Corinne Imbert, qui a permis d’aboutir à un texte plutôt consensuel.
Parmi les points de consensus figure l’expérimentation encourageant l’orientation de lycéens originaires de zones rurales vers les études de santé. On sait que l’autocensure est l’une des barrières à faire sauter pour diversifier les origines géographiques et sociales des étudiants en santé et favoriser ainsi les implantations en zones sous-dotées. Cette expérimentation est donc bienvenue, et la région Grand Est se déclare partante pour y participer, avec volontarisme, afin d’accélérer le déploiement d’un projet pour lequel j’avais commencé à mobiliser le rectorat et certains ministres.
Au contraire, une autre mesure, qui pourtant a fait consensus entre le Gouvernement et les deux assemblées, et que vous avez évoquée, madame la ministre, comporte des écueils sur lesquels je souhaite attirer votre attention : il s’agit de l’affiliation à l’institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (Ircantec), pour leur activité hospitalière, des praticiens hospitaliers universitaires (PHU). Cette disposition, introduite par amendement au Sénat, n’a pas reçu l’assentiment de tous les représentants des professionnels concernés.
Le rapport récent du professeur Uzan a bien mis en évidence l’injustice avérée du traitement des PHU en la matière, les rémunérations hospitalières étant exclues du calcul de la pension de retraite de l’État.
Pour réparer cette injustice et la désaffection de ces métiers, une réforme était attendue. Mais celle qui est inscrite dans ce texte va entraîner une baisse de rémunération pour les plus jeunes et ne sera pas applicable pour les PHU en poste. Je reconnais qu’elle agira sur la retraite, mais l’attractivité déjà faible de ces métiers, pourtant essentiels à la recherche française et à la qualité de notre médecine, mérite une attention toute particulière.
Madame la ministre, les jeunes PHU sont inquiets et un travail en profondeur avec eux est urgent pour relancer l’attractivité de leur profession, actuellement en berne.
Je me réjouis par ailleurs, pour les professionnels de santé libéraux, que le bon sens ait prévalu sur les CPTS : l’inscription automatique faisait partie des irritants majeurs de ce texte, en plus d’être contre-productive dans la poursuite de leur déploiement.
La participation des établissements privés à la permanence des soins va dans le bon sens. Elle devrait répartir la charge des gardes et astreintes sur un nombre plus important de praticiens. La rédaction finale retenue correspond à ce que notre groupe avait défendu.
J’ai un peu plus de réserves sur l’interdiction de l’intérim en début de carrière et le préavis obligatoire de six mois. Je crois en effet que nous parviendrons mieux à combattre l’intérim en travaillant sur l’attractivité des carrières hospitalières.
Concernant le préavis, dans l’immense majorité des cas, les professionnels se chargent de prévenir leurs patients de leur départ. L’ARS est bien au courant de la démographie médicale et du fait que près de la moitié des médecins ont plus de 55 ans. Je doute que cette mesure ait une quelconque efficacité, l’anticipation devant se faire plus en amont. Pour autant, ce n’est pas pour nous une ligne rouge, même si nous serons attentifs à l’évaluation.
J’en terminerai avec de bonnes mesures, que nous soutenons, comme l’extension à tout le territoire de l’expérimentation sur la réalisation des certificats de décès par les infirmiers, ainsi que la possibilité de désigner un infirmier référent pour les patients de plus de 16 ans en affection de longue durée.
Nous soutenons les mesures en faveur de la montée en compétences des professionnels. Elles devraient conforter le travail indispensable que ceux-ci font déjà sur les territoires et agir en faveur de l’attractivité des métiers. Mais j’insiste sur la nécessité de veiller à maintenir le rôle pivot du médecin généraliste, afin de ne pas déstabiliser le parcours de soins, et ce malgré la raréfaction des médecins sur nos territoires.
Par ailleurs, je salue, pour l’avoir défendue, la possibilité de désigner le médecin coordonnateur comme médecin traitant des résidents des Ehpad. Cette mesure améliorera l’accès aux soins et limitera, dans certains cas les allers-retours à l’hôpital des personnes âgées dépendantes.
De toute évidence, cette loi ne résoudra pas tous les problèmes, mais nous n’en attendions pas plus.
Nous avons largement débattu : des transformations plus structurelles – débat sur la grande sécurité sociale, lutte contre la financiarisation de la santé, accélération du virage de la prévention ou encore décentralisation plus aboutie – sont attendues.
D’ici là, notre groupe votera en faveur de cette version du texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI et UC.)
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Martin Lévrier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier les deux rapporteurs de la loi à l’Assemblée nationale et au Sénat, Frédéric Valletoux et Corinne Imbert, ainsi que les différents membres de la commission mixte paritaire. Grâce à leur important travail de négociation, ils sont parvenus à un accord sur un texte qui propose des mesures en faveur de l’accès aux soins. Ce n’était pas gagné d’avance.
Je ne rappellerai pas combien cet accès est difficile. Je tiens, en revanche, à souligner que la majorité présidentielle et le Gouvernement se sont engagés pour son amélioration depuis maintenant six ans.
Nous avons légiféré pour transformer, simplifier et améliorer le modèle de soins, notamment par le développement des exercices coordonnés et des délégations de compétences, ainsi que par l’instauration de la quatrième année d’internat, afin de valider la spécialité de médecine générale. C’est dans la continuité de ces mesures que nous avons tâché, avec les rapporteurs, de proposer de véritables avancées.
Fruit de ce travail de coconstruction, ce texte pragmatique et méthodique changera l’accès aux soins pour nos concitoyens.
En premier lieu, nous souhaitons susciter des vocations chez les jeunes, afin qu’ils s’engagent dans les études de santé. C’est ainsi que nous avons retenu l’expérimentation permettant d’instaurer des options de santé dans les lycées. Cette mise en contact permettra, je n’en doute pas, de faire découvrir ces carrières et leurs réalités dès l’adolescence, et suscitera, souhaitons-le, moult vocations.
En second lieu, nous nous félicitons de la création du statut d’infirmier référent. Cette disposition, maintenue dans le texte issu de la CMP, crée un véritable triptyque autour du patient : aux côtés du médecin traitant et du pharmacien correspondant, l’infirmier référent jouera pleinement son rôle dans la prévention et le suivi du patient.
De plus, nous sommes parvenus à un compromis satisfaisant permettant d’engager la responsabilité collective des établissements de santé en matière de permanence des soins. Les cliniques et les hôpitaux seront mobilisés pour y participer.
Sans instaurer une obligation de garde, ce texte garantit aux directeurs généraux des agences régionales de santé des pouvoirs gradués leur permettant d’intervenir en cas de carence.
Nous nous félicitons également des limites qui sont posées à l’interdiction de l’intérim médical en début de carrière. Certes, le modèle intérimaire, nous l’avons affirmé, n’a pas vocation à supplanter celui d’une offre de soins stable, continue et garantie.
L’intérim permet toutefois aux étudiants de financer une partie de leurs études. Le dispositif proposé permettra de sécuriser les parcours de chacun, sans pour autant remettre en cause le principe que nous avions mis en place.
Le texte adopté en CMP est donc une version de compromis. Il conserve les mesures qui pallient le manque de professionnels en élargissant le partage des tâches, sans aller jusqu’à la coercition ; il responsabilise les professionnels de santé sans les contraindre ; il permet le développement de l’exercice coordonné sans pour autant enfermer les praticiens ; enfin, il concilie le droit à l’accès aux soins des patients et l’aspiration légitime des professionnels de santé à bénéficier de meilleures conditions de travail.
Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera en faveur de cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Émilienne Poumirol. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cela fait des années que le constat du manque d’accessibilité aux soins a été dressé.
Cela fait des années que nous vous alertons, toutes tendances politiques confondues, sur la désespérance de nos concitoyens face à la difficulté de trouver un médecin, des années que nous demandons une loi ambitieuse de réorganisation complète de notre système de santé pour garantir l’accès aux soins dans notre pays, partout et pour tous.
La situation est telle que, aujourd’hui, en France, 1,6 million de personnes renoncent chaque année à se faire soigner, s’exposant ainsi à une perte de chance aux conséquences parfois dramatiques.
Pourtant, le texte que nous examinons aujourd’hui n’a pas la portée nécessaire pour répondre à cette situation.
Certes, nous avons soutenu un certain nombre de mesures : celles qui visent à limiter le nomadisme médical, la possibilité de signer dès la deuxième année de premier cycle un contrat d’engagement de service public, ainsi que son élargissement aux étudiants en maïeutique et en pharmacie, ou encore la consécration du statut d’infirmer référent pour les patients en affection de longue durée.
Toutefois, ces mesures nous semblent insuffisantes. Certaines questions, pourtant majeures, sont absentes de cette proposition de loi. Ainsi, ni la problématique de l’attractivité de la médecine générale ni la formation des médecins ne sont abordées. Ces leviers sont pourtant fondamentaux pour mettre fin à la situation de pénurie et pour lutter contre la désertification médicale.
La question de l’exercice coordonné de la médecine en équipe de soins pluriprofessionnelle de proximité n’apparaît pas non plus dans le texte, malgré les préconisations de l’ordre des médecins en ce sens.
Une organisation des soins coordonnée et centrée sur la répartition des actes entre le médecin traitant et les autres professionnels de santé au travers d’un protocole dûment établi par l’équipe permettrait pourtant de dégager du temps médical en priorité pour les patients sans médecin traitant ou en affection de longue durée (ALD).
De plus, de nombreuses mesures semblent inefficaces et ne sont pas à la hauteur des enjeux.
Tout d’abord, la création de conseils territoriaux de santé sans aucun pouvoir de décision nous apparaît comme un échelon supplémentaire inutile. Elle n’est pas de nature à favoriser la démocratie sanitaire que nous appelons tous de nos vœux.
De même, l’obligation pour les médecins de déclarer six mois à l’avance leur départ à la retraite n’est assortie d’aucune contrainte et n’a donc pas de portée.
Nous déplorons également l’absence d’obligation de participer à la PDSA pour les médecins libéraux ou à la PDSES pour les établissements privés.
La mise en place du volontariat a entraîné la dégradation de la permanence des soins, qui a pour effet direct l’engorgement des urgences. Il était indispensable de rétablir la PDSA obligatoire et de l’organiser par territoire. Là encore, toutefois, le texte manque cruellement d’ambition.
Le mercenariat que pratiquent aujourd’hui certains médecins à l’hôpital est indécent. Nous partageons donc la nécessité de lutter contre cette dérive. Pour autant, la mesure préconisée ne concernera que les jeunes médecins en fin d’études, d’où une discrimination par l’âge qui n’est pas souhaitable.
Enfin, nous regrettons la disparition, dans ce texte, du nouvel indicateur territorial de l’offre de soins, construit comme un véritable outil dans l’élaboration des politiques de santé.
De toute évidence, ce texte manque cruellement de vision quant au système de santé que nous voulons garantir à la population.
Aussi, le 21 novembre dernier, l’association UFC-Que Choisir a déposé un recours devant le Conseil d’État, pour dénoncer l’inaction du Gouvernement face aux inégalités croissantes d’accès aux soins et pour lui enjoindre d’agir.
« Après des années de négociations auprès des décideurs politiques qui restent sans réponse », explique l’association, l’UFC-Que Choisir saisit aujourd’hui le Conseil d’État « pour faire constater et sanctionner la coupable inaction gouvernementale » et pour « défendre le droit constitutionnel à la santé ».
Il appartient en effet à l’État d’apporter une réponse ambitieuse aux territoires abandonnés par le service public.
Madame la ministre, vous ne pouvez ignorer plus longtemps l’inquiétude de nos concitoyens. Elle suscite un sentiment d’abandon et alimente, malheureusement, l’abstention électorale ou le vote d’extrême droite.
Mme Sophie Primas. Et l’extrême gauche ?
Mme Émilienne Poumirol. Si l’État ne joue pas son rôle dans le domaine de la santé, la dérive de la financiarisation s’accélérera.
Partout en France, des centres de santé de soins primaires à but lucratif ouvrent leurs portes. Ils n’ont pas pour objectif d’assurer le suivi de patients tout au long de leur vie, mais plutôt de faire de la rentabilité financière.
Si nous n’y prenons garde, la santé deviendra un bien de consommation comme les autres, un investissement pour les grands groupes à but lucratif, dont l’unique objectif sera de rapporter des dividendes.
Ce n’est pas le modèle de santé que nous souhaitons. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain défendra toujours un service public de la santé garantissant l’accès aux soins partout et pour tous.
Aussi, malgré ses quelques avancées éparses, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Florence Lassarade. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Les Républicains tient à saluer la qualité du travail de notre rapporteure Corinne Imbert, dont la détermination a permis de parvenir à une position commune en commission mixte paritaire.
Nous nous félicitons d’un accord qui reprend les principales orientations du Sénat.
Nous avons soutenu la suppression des mesures du texte initial qui étaient inutilement irritantes à l’endroit des professionnels de santé. Ainsi, nous nous réjouissons en particulier qu’ait été définitivement retirée l’obligation d’adhésion des professionnels de santé aux communautés professionnelles territoriales de santé, dont nous peinons à mesurer l’effet concret. Laissons les professionnels s’organiser dans les territoires !
Il en va de même de l’obligation de participer à la permanence des soins ambulatoires. Des dispositions de même nature ont été adoptées voilà quelques mois, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi de Mme Rist, devenue la loi du 19 mai 2023 portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé.
Elles n’ont même pas encore produit tous leurs effets, et il faudrait de nouveau légiférer ? Ce n’est pas très sérieux ! En outre, nous considérons que cette question relève de la négociation entre l’assurance maladie et les représentants des professionnels de santé.
Enfin, la suppression de l’indicateur territorial de l’offre de soins est justifiée : de nombreuses données statistiques permettent déjà de documenter les inégalités d’accès aux soins, et les ARS ont mieux à faire.
En parallèle, d’importantes avancées sont à mettre au crédit du Sénat.
En premier lieu, nous nous félicitons de l’adoption des dispositions permettant d’autoriser les infirmiers à signer les certificats de décès. Des retards préjudiciables et malvenus pour les familles endeuillées pourront ainsi être évités.
Le Sénat est aussi à l’initiative de la création du statut d’infirmier référent pour les patients âgés de 16 ans ou plus souffrant d’une affection de longue durée : ces personnes ont un besoin régulier et durable en soins infirmiers.
Nous sommes aussi favorables à l’expérimentation des antennes d’officine, en vue de maintenir une offre pharmaceutique dans des communes très faiblement peuplées qui en seraient, sinon, dépourvues.
En l’espèce, le texte de la CMP rejoint celui qui a été voté par notre assemblée. L’expérimentation sera certes encadrée – une seule antenne pourra être créée par le pharmacien titulaire d’une officine d’une commune limitrophe ou de l’officine la plus proche –, mais elle sera effective. Pour bon nombre de communes, c’est essentiel !
En matière d’accès aux soins, l’article 1er affiche l’objectif audacieux de consolider la démocratie sanitaire en s’appuyant sur les conseils territoriaux de santé (CTS).
Créés en 2016, les CTS regroupent les partenaires locaux professionnels, institutionnels et associatifs, afin de mieux cerner les besoins des territoires en matière de santé.
L’organisation de l’offre de soins dans les territoires souffre en effet d’une structuration complexe : la diversité des acteurs et la superposition des périmètres d’action suscitent un défaut de lisibilité et un émiettement des responsabilités.
Nous avons donc souhaité renforcer le rôle de ces instances, sans brider les initiatives des acteurs de l’offre de soins.
Ainsi, le texte du Sénat maintient la composition actuelle des conseils territoriaux de santé, centrée sur les acteurs du soin, en y ajoutant la participation des conseils des ordres professionnels.
La rédaction de compromis à laquelle nous sommes parvenus permet de renforcer les missions des CTS, en les associant à l’élaboration des projets territoriaux de santé.
Nous nous félicitons que le texte de la CMP ait conservé le recentrage opéré par le Sénat.
Nous espérons également que les guichets uniques départementaux, chargés d’accompagner les professionnels de santé dans l’ensemble de leurs démarches administratives avec le concours des collectivités et des caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), auront la capacité de mener à bien leur mission.
Ce guichet unique assistera notamment les professionnels de santé dans leurs démarches d’installation ou de remplacement.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bourcier, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Mme Corinne Bourcier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer le député Frédéric Valletoux, à l’origine de cette proposition de loi. Il a su proposer un texte ambitieux sur l’accès aux soins pour nos concitoyens, qui a été considérablement enrichi lors des débats.
Je remercie aussi Mme la rapporteure Corinne Imbert de son travail.
Je me réjouis qu’un accord sur un texte commun ait pu être trouvé en CMP sur un sujet aussi important. Lorsqu’ils sont dans l’intérêt des Français, le débat et les compromis entre nos deux assemblées font honneur à notre fonction de parlementaires.
Alors que 6 millions de Français n’ont pas de médecin traitant et que 87 % du territoire sont considérés comme sous-dense, la France est un grand désert médical.
Tous les leviers possibles doivent donc être mobilisés pour renforcer l’accès aux soins, motiver les professionnels et encourager les vocations.
Ce texte ne suffira évidemment pas, à lui seul, à révolutionner l’accès aux soins. Il n’apportera pas non plus toutes les solutions aux difficultés rencontrées par nos concitoyens. Aucun texte, d’ailleurs, ne le peut.
Une grande partie de la solution réside dans la formation des professionnels de santé, qui, pour une grande majorité d’entre eux, demande quelques années.
Ne pouvant pas, bien entendu, exiger des Français qu’ils s’arment de patience, nous devons trouver des solutions de court terme. Ce texte y contribue, en proposant plusieurs mesures pragmatiques. Il soutient l’engagement des professionnels dans leurs territoires, auquel nous croyons, et mise sur lui.
À l’article 1er, il renforce notamment le rôle des conseils territoriaux de santé et de leurs membres. Cela témoigne d’une meilleure prise en compte de l’échelon local : c’est là que peuvent être trouvées les solutions aux problèmes propres à chaque territoire.
En matière de permanence des soins, sujet primordial, le texte prévoit une meilleure répartition de la permanence entre les établissements de santé publics et les établissements de santé privés.
C’est une mesure de juste équilibre, quand on connaît les difficultés que rencontrent les hôpitaux, qui assurent aujourd’hui 82 % de la permanence des soins en établissements.
Dans sa grande majorité, notre groupe était favorable à l’adhésion automatique des professionnels aux CPTS, non pas que nous voulions exercer des contraintes plus fortes sur ces derniers – ils conservaient de toute façon un droit de retrait –, mais parce que nous sommes convaincus que les CPTS sont de véritables atouts, qu’il convient de développer davantage.
Elles permettent une meilleure coordination des professionnels de santé, bénéficiant aux patients, bien sûr, mais aussi aux professionnels eux-mêmes. Ces derniers, en effet, s’ils œuvrent au sein d’un même territoire, peuvent trouver dans les CPTS des ressources supplémentaires pour répondre à des problèmes communs. Il faut poursuivre la promotion de ce dispositif.
La lutte contre le nomadisme médical, par la limitation à une fois tous les dix ans des aides et exonérations fiscales liées à l’installation, est une mesure de bon sens.
L’expérimentation visant à encourager, dans les zones sous-denses, l’orientation des lycéens vers les études de santé et l’extension du contrat d’engagement à d’autres disciplines, dès le premier cycle d’études, sont également des mesures que nous soutenons.
L’article 7 propose un meilleur encadrement de l’intérim médical. Il s’agit non pas de l’interdire totalement, mais de le limiter, notamment en début de carrière.
De notre côté, nous aurions préféré que la version de la commission du Sénat soit conservée. Nous soutenons évidemment cette mesure, qui vise un recours raisonnable à l’intérim.
Je souligne néanmoins que l’intérim peut apporter aux jeunes diplômés, et plus largement à tout moment d’une carrière, un véritable enrichissement de l’expérience professionnelle, par la diversité des environnements de travail et des situations qu’il permet de découvrir.
Il correspond aussi aux aspirations des jeunes générations, qui recherchent plus de flexibilité dans leur travail. J’espère que le décret d’application en tiendra compte.
Enfin, le texte simplifie les procédures d’autorisation d’exercice des Padhue. Cette mesure contribuera assurément au renforcement de l’accès aux soins, à l’heure où nous manquons encore cruellement de médecins.
Notre groupe soutient ce texte et votera évidemment pour cette proposition de loi. (Mme Véronique Guillotin et M. Martin Lévrier applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et RDPI. – M. le président de la commission des affaires sociales applaudit également.)
Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans le contexte de pénurie médicale généralisée qui est au centre des préoccupations des Français, les propositions législatives se succèdent, l’une ne laissant parfois pas à la précédente le temps de porter ses fruits.
Ainsi la loi n’est-elle pas encore opérationnelle, le projet de loi de financement de la sécurité sociale est-il en pleine discussion et les négociations conventionnelles sont-elles encore en cours que déjà notre collègue député Frédéric Valletoux dépose une nouvelle proposition de loi !
Dès l’examen de ce texte en commission, le Sénat, restant sur une ligne constante, avait choisi la voie des mesures concertées avec les professionnels de santé et calibrées selon les besoins des territoires, de telle sorte qu’elles puissent être opérationnelles, et non contre-productives.
En effet, si les choses semblent simples sur le papier, car il suffit apparemment d’un coup de crayon ou d’un coup de gomme pour tout régler, dans la vraie vie, il en va pourtant autrement !
Ainsi, il est essentiel, dans un secteur en crise, de respecter les sensibilités de tous les professionnels. Nous avons tant besoin d’eux ! Personne n’a rien à gagner à susciter leur découragement, voire leur départ.
C’est dans cet esprit que, au terme du processus législatif, s’est déroulée la commission mixte paritaire, chacun visant l’efficacité, tout en gardant bien en tête que seul compte le résultat, et non les déclarations.
Évidemment, dans un contexte de pénurie médicale généralisée, il est difficile de faire bouger les curseurs.
Pourtant, nous avons trouvé un accord équilibré autour d’un ensemble de mesures, qui sont susceptibles, selon nous, d’apporter une bouffée d’oxygène dans ce contexte d’asphyxie.
Corinne Imbert et Frédéric Valletoux ont mené d’intenses travaux préparatoires, qui ont permis d’aboutir à une rédaction consensuelle. Celle-ci prévoit, en particulier, la création d’un statut d’infirmier référent, dont le rôle sera renforcé dans la coordination des parcours de soins et le suivi des patients.
La majorité des propositions du Sénat ont été retenues. Par exemple, afin de lutter contre une forme de nomadisme médical, l’octroi des aides à l’installation a été limité à une fois tous les dix ans.
De même, l’assurance maladie pourra désormais faire procéder à la fermeture immédiate de centres de santé en cas de manquements graves.
Par ailleurs, le diagnostic de la densité de l’offre de soins sera remis à jour tous les deux ans, afin que les élus et les acteurs décisionnaires du territoire puissent s’appuyer sur des données stables et actualisées.
Une rédaction de compromis a été trouvée, afin de renforcer le rôle des conseils territoriaux de santé (CTS), tout en veillant à ce que ce cadre ne bride pas les initiatives des acteurs de l’offre de soins.
De même, le principe d’une adhésion automatique des professionnels de santé aux CPTS a été finalement abandonné : le risque était d’entraîner la création de coquilles vides, à savoir des communautés qui n’auraient eu de médicales que le nom, sans apporter aucune plus-value ni pour les soignants ni pour les patients.
Si le rééquilibrage de la permanence des soins n’est pas un chantier réellement abouti, si certains certificats médicaux n’ont pas été supprimés, l’expérimentation de la délivrance de certificats de décès par les infirmiers sera quant à elle élargie.
Bref, mes chers collègues, entre élargissement des tâches et souhait de faire obstacle à la financiarisation de la santé, nous avons conservé des mesures ciblées dont nous espérons qu’elles porteront leurs fruits.
Bien sûr, ce texte ne sera pas le Grand Soir. Nous en sommes tous parfaitement conscients : c’est la formation qui constituera l’axe majeur de l’amélioration de l’accès aux soins.
Cependant, nous pouvons nous réjouir du respect des apports du Sénat, ainsi que de la recherche de compromis et de solutions réellement opérationnelles. Considérant que les attentes des professionnels de santé sont globalement respectées, la majorité des membres du groupe Union Centriste votera le texte élaboré par la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et RDPI.)
M. le président. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 106 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Pour l’adoption | 241 |
Contre | 81 |
Le Sénat a adopté définitivement. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures vingt-cinq, est reprise à vingt-deux heures vingt-six.)
M. le président. La séance est reprise.
9
Utilisation des titres-restaurant
Adoption définitive en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à prolonger en 2024 l’utilisation des titres-restaurant pour des achats de produits alimentaires non directement consommables (proposition n° 143, texte de la commission n° 173, rapport n° 172).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée. (M. Martin Lévrier applaudit.)
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, le titre-restaurant fait, me semble-t-il, l’unanimité.
J’ai eu l’occasion de le constater : tous les acteurs concernés – les salariés, les employeurs, les restaurateurs et les commerçants – le plébiscitent, et c’est bien la raison pour laquelle il faut le moderniser, le dépoussiérer. C’est la moindre des choses que l’on peut faire pour une invention qui date de 1967 !
Pour autant, le titre-restaurant a su s’adapter aux crises exceptionnelles que nous avons traversées. Je pense en particulier au confinement, qui a conduit à doubler le plafond quotidien d’utilisation du titre, de telle sorte que celui-ci a été porté de 19 euros à 38 euros ; il est ensuite revenu à 19 euros, puis il a été fixé à 25 euros, cette fois de manière pérenne.
Son usage a également évolué en raison de la forte inflation de ces derniers mois. En effet, durant l’été 2022, le Sénat a voté, sur l’initiative de votre collègue Frédérique Puissat, une mesure visant à assouplir exceptionnellement le cadre d’utilisation des titres-restaurant, afin d’autoriser l’achat de produits alimentaires non directement consommables dans la grande distribution.
Ce coup de pouce a incontestablement été bénéfique pour de nombreux salariés français, en particulier les plus précaires. Il a été utile aussi pour de nombreux Français qui ont préféré, grâce à cette souplesse, se cuisiner des plats chez eux pour les apporter le lendemain sur leur lieu de travail ou, tout simplement, pour déjeuner chez eux, en télétravail.
Cette mesure était limitée dans le temps, jusqu’au 31 décembre 2023, afin de répondre à une conjoncture particulière.
Or, dans la mesure où les prix des produits alimentaires demeurent élevés, même si l’inflation commence à refluer, il apparaît de bon sens de prolonger ce dispositif, et le Gouvernement répond favorablement à cette demande.
Lors des débats à l’Assemblée nationale, les députés se sont interrogés sur le caractère temporaire de ce report : pourquoi ne pas inscrire dans la loi cet usage une bonne fois pour toutes, de manière pérenne ?
Tout d’abord, parce que nous devons écouter les corps intermédiaires, qui, je le rappelle, financent avec l’État le titre-restaurant. Or ces derniers y sont opposés. Je pense en particulier aux représentants des partenaires sociaux qui siègent à la Commission nationale des titres-restaurant (CNTR) : le Medef, la CPME et l’U2P, du côté des employeurs, et la CFDT, la CGT, FO et la CFE-CGC, du côté des salariés.
Ensuite, parce qu’une telle évolution du titre-restaurant nécessite un travail et une concertation plus approfondis. C’est pourquoi cette question est débattue avec les parties prenantes, dans le cadre de la réforme structurelle du titre-restaurant que j’ai annoncée. Cette réforme, que nous mènerons en 2024, fera l’objet d’un projet de loi, dans le cadre duquel nous pourrons évoquer, entre autres, la réforme du périmètre d’usage de ce titre.
Comme je l’ai annoncé, l’épine dorsale de cette réforme sera la dématérialisation du titre-restaurant. Celle-ci aura un triple effet.
Tout d’abord, elle entraînera une baisse des frais de gestion : en effet, ceux-ci sont aujourd’hui élevés pour les restaurateurs, en raison notamment du renvoi postal des titres papier aux émetteurs. Par ailleurs, la dématérialisation donnera la possibilité à de nouveaux acteurs d’entrer plus facilement sur le marché. Si elle est totale, elle accélérera une évolution qui est attendue par nos restaurateurs.
Ensuite, elle permettra de sécuriser le système, en facilitant la lutte contre les fraudes dues à la circulation de faux titres.
Enfin, cette réforme sera aussi l’occasion de réfléchir à la question de l’usage solidaire du titre-restaurant – comment s’assurer qu’il puisse toujours financer une partie de l’aide aux plus démunis ? –, ainsi qu’à celle de son usage social, car n’oublions pas qu’il a été inventé pour permettre aux salariés de s’alimenter correctement.
En attendant cette réforme structurelle, mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi répond à une attente forte des Français à court terme, dont vous avez vraisemblablement, je n’en doute pas, saisi la nécessité. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Do Aeschlimann, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat a toujours gardé un œil vigilant sur le pouvoir d’achat des Français. Celui-ci constitue leur préoccupation principale d’après une récente étude de l’institut CSA, qui révèle que l’alimentation représente le premier poste de dépenses des ménages et qu’il est en augmentation.
En effet, malgré le ralentissement de l’inflation, la hausse des prix alimentaires continue de grever le pouvoir d’achat.
Dans ce contexte, il nous est proposé de prolonger l’assouplissement des règles d’utilisation du titre-restaurant. Cette disposition a été introduite par le Sénat, à titre temporaire, à l’été 2022, dans le cadre des mesures d’urgence pour protéger le pouvoir d’achat face à l’inflation.
Si l’objet de la proposition de loi est simple, il importe de s’arrêter sur sa portée et sur ses implications.
Créé en 1967, le titre-restaurant est un titre spécial de paiement, cofinancé par l’employeur, à hauteur de 50 % à 60 % de sa valeur faciale, et par le salarié. Acquis par l’employeur auprès de sociétés émettrices, il est remis aux salariés, sous forme papier ou dématérialisé, et il doit servir à l’achat d’un repas pris pendant l’horaire de travail journalier du salarié.
Cette vocation de soutien au repas du travailleur justifie l’octroi d’avantages sociaux et fiscaux. Ainsi, la contribution de l’employeur à la valeur libératoire du titre-restaurant est exclue de l’assiette des cotisations et des contributions sociales. Ce complément de rémunération est exonéré d’impôt sur le revenu dans la limite d’un plafond revalorisé chaque année.
L’impact du titre-restaurant pour les finances publiques s’élevait ainsi, en 2021, à 1,8 milliard d’euros : 1,4 milliard d’euros pour la sécurité sociale et 400 millions d’euros pour l’État.
Au 31 décembre 2022, quelque 180 000 employeurs avaient recours au titre-restaurant et 5,2 millions de salariés, soit 19 % d’entre eux, en bénéficiaient. Il offre une sécurité sociale de rechange à la mise en place d’un restaurant d’entreprise ou à l’octroi d’une indemnité-repas dite prime de panier.
Il convient de préciser que la remise de titres-restaurant par l’employeur n’est pas obligatoire. Elle représente toutefois un levier d’attractivité et de fidélisation des salariés. Elle constitue aussi un objet de dialogue social, donnant lieu à des accords d’entreprise dans le cadre des négociations obligatoires sur la rémunération.
Le titre-restaurant est accepté par les restaurateurs, les hôteliers-restaurateurs, les détaillants en fruits et légumes et les commerces assimilés agréés par la Commission nationale des titres-restaurant, comme les commerces de bouche et les magasins de la grande distribution, soit au total 234 000 commerces, dont 65 % de restaurants.
Le repas acheté au moyen de titres-restaurant doit être composé de préparations alimentaires directement consommables, à réchauffer ou à décongeler, le cas échéant ; il peut également être composé de produits laitiers ou de fruits et légumes, directement consommables ou non.
La valeur faciale unitaire du titre peut atteindre au maximum 13,82 euros, lorsque le salarié y contribue à hauteur de 50 %.
Il est patent que le dispositif n’a pas pour vocation première de soutenir le pouvoir d’achat des salariés. Il a cependant été mobilisé à cette fin pour faire face à la forte inflation en 2021 et en 2022.
D’une part, le Gouvernement a rehaussé le plafond d’utilisation journalière de 19 euros à 25 euros à compter du 1er octobre 2022.
D’autre part, le plafond d’exonération de la participation de l’employeur a été relevé à 5,92 euros par la loi de finances rectificative du 16 août 2022, puis à 6,50 euros par la loi de finances du 30 décembre 2022 et à 6,91 euros par un décret du 31 mai 2023.
Lors de la discussion, au Sénat, de la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence en faveur du pouvoir d’achat, notre collègue, Frédérique Puissat, rapporteur de la commission des affaires sociales, a proposé d’élargir le périmètre d’utilisation du titre-restaurant.
Cette loi a ainsi prévu un dispositif dérogatoire permettant d’utiliser, jusqu’au 31 décembre 2023, les titres-restaurant pour l’achat de tout produit alimentaire, qu’il soit directement consommable ou non : par exemple, de la farine, des pâtes, du riz ou de la viande non préparée. Ce régime est applicable auprès des commerces assimilés tels que les grandes et moyennes surfaces ou les épiceries.
Depuis la mise en œuvre de cette dérogation, la part des titres-restaurant utilisés dans les grandes et moyennes surfaces est passée, selon la CNTR, de 22,4 % à 28,9 %. Si elle reste prépondérante, la part des restaurants a baissé, de 46,5 % à 44,3 %, tout comme celle des commerces de bouche, qui est passée de 30,9 % à 26,2 %.
Toutefois, la corrélation entre cette évolution et le régime dérogatoire n’est pas évidente. En effet, d’autres paramètres peuvent aussi expliquer la tendance à l’augmentation de la part de marché des grandes et moyennes surfaces : ainsi en est-il du développement du télétravail ou de la préférence croissante pour la préparation de plats à domicile, comme c’est déjà le cas pour 62 % des salariés en Italie.
Au fond, l’évolution constatée dans l’utilisation des titres-restaurant serait antérieure à la mesure dérogatoire et pourrait remonter à la crise sanitaire.
De toute façon, selon la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), la composition du panier d’achat au moyen des titres-restaurant dans les grandes et moyennes surfaces n’a pas été bouleversée par le dispositif dérogatoire. La CNTR estime que 70 % à 75 % des achats restent des produits directement consommables.
Quinze mois après l’entrée en vigueur de cette mesure dérogatoire, on constate que l’inflation, qui avait justifié la mise en place de ce régime, est toujours d’actualité. Selon les données provisoires de l’Insee, les prix de l’alimentation auraient même augmenté de 7,6 % entre novembre 2022 et novembre 2023.
Le Gouvernement, qui n’avait pas anticipé la sortie du dispositif dérogatoire créé en 2022, a été interpellé par des associations familiales et des élus. C’est ce qui a obligé le ministre Bruno Le Maire à se prononcer, devant la commission des affaires économiques du Sénat, en faveur de sa prolongation pour une année supplémentaire.
C’est ainsi, madame la ministre, que nous nous retrouvons, aujourd’hui, contraints de légiférer sur un dispositif qui doit prendre effet dans deux semaines exactement…
La proposition de loi de Guillaume Kasbarian, déposée le 17 novembre et adoptée par l’Assemblée nationale le 23 novembre, vise donc à reporter au 31 décembre 2024 le terme de ce dispositif dérogatoire. Je tiens à rappeler qu’une proposition de loi sénatoriale qui avait été déposée deux jours plus tôt, le 15 novembre, par nos collègues Sophie Primas, Frédérique Puissat, Alexandra Borchio Fontimp, visait exactement le même objectif.
M. Laurent Burgoa. Exact !
Mme Marie-Do Aeschlimann, rapporteure. Je me dois d’indiquer également que cette prolongation suscite certaines réserves, non seulement des représentants des restaurateurs, mais aussi des partenaires sociaux, qui craignent un détournement du titre-restaurant.
Je veux leur dire que le message a été bien entendu et que le Sénat sera vigilant.
Je rappelle aussi que le dispositif n’est pas figé et qu’il a déjà connu des assouplissements. Par exemple, la loi du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail a permis le don de titres-restaurant non utilisés à des associations d’aide alimentaire. Ce régime dérogatoire ne fait donc courir aucun risque immédiat au régime fiscal et social du titre-restaurant, ni a fortiori au dispositif lui-même.
En revanche, je considère qu’une évolution pérenne doit être envisagée avec prudence, même si elle pourrait se justifier au regard des changements dans le monde du travail et les habitudes de consommation évoquées précédemment. En effet, cela pourrait éloigner le dispositif de sa vocation initiale, à savoir financer le déjeuner du salarié, ce qui justifie la participation de l’employeur et un régime fiscal et social favorable.
Aussi, j’estime que la réflexion sur les règles d’utilisation du dispositif doit être abordée dans le cadre de la modernisation plus large à laquelle travaille le Gouvernement, en concertation avec la CNTR.
Cette modernisation inclut la généralisation de la dématérialisation des titres-restaurant et le renforcement de la régulation du dispositif.
Madame la ministre, en octobre dernier, l’Autorité de la concurrence préconisait une régulation adaptée du marché des titres-restaurant et le rééquilibrage du rapport de force entre les sociétés émettrices et les commerçants, notamment les restaurateurs. Quelle suite le Gouvernement entend-il donner à cet avis ?
Enfin, nous ne méconnaissons pas le risque de déstabilisation du secteur de la restauration, déjà fortement touché par la succession des crises, mais nous ne méconnaissons pas davantage la nécessité de trouver une solution pérenne pour le pouvoir d’achat des Français, la politique du chèque s’apparentant à un pansement sur une jambe de bois.
Dans l’immédiat et face à l’urgence, mes chers collègues, la commission vous invite à adopter sans modification cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP, RDSE et RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, les salariés peuvent utiliser leurs titres-restaurant pour l’achat de produits alimentaires, ainsi que, par dérogation, pour l’achat de produits alimentaires non directement consommables, dans les grandes et moyennes surfaces.
Le Gouvernement, qui n’a pas anticipé la fin de ce dispositif au 31 décembre 2023, a été contraint de faire déposer cette proposition de loi par sa majorité à l’Assemblée nationale.
Les titres-restaurant sont un acquis social pour les salariés, qui les utilisent pour eux-mêmes, leur famille, et même en geste de solidarité auprès des plus précaires.
Nous vivons une époque de forte inflation, les prix des produits alimentaires ayant progressé de 7,8 % en octobre, après une progression de 20 % entre 2021 et 2023. Dans ce contexte, le nombre de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté, alors qu’elles travaillent, ne cesse d’augmenter, et 16 % des Français déclarent avoir faim, contre 9 % voilà quelques années.
Aussi, la question au cœur des débats doit être non pas celle de la prolongation ou de la pérennisation de l’exception ouverte à l’usage des tickets-restaurant, mais celle de l’indexation des salaires sur l’inflation.
En effet, le pouvoir d’achat est la préoccupation principale de nos concitoyens. Pour remplir leur caddie, les salariés utilisent les bons de réduction et les points cumulés sur leurs cartes fidélité, mais aussi leurs titres-restaurant, pour tenter de faire baisser la facture. Dans les faits, ces derniers sont devenus un moyen détourné de faire face à la hausse des prix alimentaires.
On ne peut reprocher aux salariés de faire leurs courses du quotidien avec ces moyens de paiement dans les grandes surfaces, alors que le Gouvernement refuse toute mesure de revalorisation des salaires.
Dans la précipitation due, je le répète, à l’imprévoyance du Gouvernement, il faut prolonger ce dispositif, mais nous devons mener une réflexion, avant le 31 décembre 2024, sur les pistes d’évolution des titres-restaurant.
Ce dispositif dérogatoire constitue une mesure ponctuelle et ciblée, qui ne doit pas s’inscrire dans la durée et devenir la règle. En effet, cette évolution des titres-restaurant en moyens de paiement ordinaires pour tout produit de consommation induit un risque de dénaturation de leur usage. Partant, cela pourrait remettre en cause, à terme, leur raison d’être.
Pour nous, la question de l’augmentation des salaires par les employeurs reste centrale. En effet, les titres-restaurant sont de facto une subvention de l’État aux entreprises, puisque celui-ci prend en charge un tiers de la part patronale. Or nous ne pouvons continuer d’enrichir les plateformes de livraison ubérisées avec de l’argent public, alors que ces entreprises ne respectent pas les droits sociaux élémentaires de leurs propres salariés.
Dès lors, une réflexion sur les tickets-restaurant doit être menée, et cela en priorité par les représentants syndicaux au sein de la CNTR.
Le décrochage des salaires par rapport à l’inflation est un problème majeur, qui a plongé de nombreux ménages dans la précarité alimentaire.
En définitive, face à l’ampleur de la crise sociale, nous pensons que l’extension des titres-restaurant ne saurait constituer une réponse complète et satisfaisante. Néanmoins, elle constitue une mesure immédiate nécessaire pour de très nombreux salariés et leurs familles.
Pour cette raison, nous voterons en faveur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, RDPI, RDSE et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin. (M. Martin Lévrier applaudit.)
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à la fin du mois de novembre dernier, le ministre de l’économie reconnaissait que, si la hausse des prix avait perdu de sa vigueur, l’inflation, notamment alimentaire, pénalisait encore beaucoup trop de Français. Cette réalité économique a de vives répercussions sur la vie de nos concitoyens les plus précaires.
Selon l’Insee, la diminution des dépenses alimentaires est sans précédent et reflète les inquiétudes et les difficultés auxquelles les ménages sont confrontés face à la flambée des prix. Ils sont de plus en plus nombreux à surveiller l’évolution de leurs tickets de caisse et à adapter leur manière de consommer, quitte à se priver.
Diverses études, publiées ces derniers mois, ont ainsi souligné l’augmentation du nombre de demandes d’aide auprès des banques alimentaires, dont les besoins ont atteint un niveau historique.
Depuis le 1er octobre 2022, les titres-restaurant peuvent être utilisés pour acheter tout produit alimentaire, qu’il soit ou non directement consommable. Cette mesure, introduite sur l’initiative de notre collègue Frédérique Puissat dans le cadre de la loi sur le pouvoir d’achat d’août 2022, pour permettre aux Français de faire face à l’inflation, devait prendre fin le 31 décembre 2023.
Dans un contexte où le budget de l’alimentation reste une préoccupation majeure pour nos concitoyens, cette proposition de loi a pour objet de prolonger le dispositif jusqu’au 31 décembre 2024. Nous y sommes bien évidemment favorables.
Toutefois, nous entendons les inquiétudes des restaurateurs, victimes d’une forte augmentation de leurs coûts d’exploitation – matières premières, masse salariale, énergie ou encore remboursement des prêts garantis par l’État –, l’élargissement du périmètre des titres-restaurant ayant entraîné un manque à gagner pour des milliers d’entre eux.
Comme notre rapporteure le rappelait, en l’espace d’un an, sur les 8 milliards d’euros dépensés avec ce moyen de paiement, 500 millions d’euros l’ont été dans la grande distribution. Ils craignent ainsi, peut-être à raison, que le titre-restaurant ne soit dénaturé et devienne un « titre-caddie ».
La prolongation d’une année, dans un premier temps, nous semble pertinente pour faire face à l’inflation et de laisser le temps à une réflexion plus structurelle d’aboutir.
Rappelons que ce titre a été créé pour permettre aux salariés de se nourrir correctement sur leur lieu de travail, en l’absence de cantine d’entreprise ou de local aménagé à cet effet. C’est bien au salarié, à l’amélioration de son bien-être au travail et à sa santé, sans omettre le pouvoir d’achat, que nous devons être attentifs.
Il est donc indispensable de tout remettre à plat et de repenser le titre-restaurant de demain. En effet, l’évolution des modes de vie et des habitudes de consommation n’est plus vraiment adaptée à un dispositif qui a été créé, ne l’oublions pas, en 1967.
Je sais, madame la ministre, que vous avez lancé des travaux en vue d’une réforme structurelle, que vous nous présenterez au premier semestre 2024.
Elle devra, à mon sens, prendre en considération les aspirations des salariés qui souhaitent mieux maîtriser leur alimentation, s’adapter aux nouvelles méthodes de travail, telles que le télétravail, et répondre aux besoins spécifiques des salariés qui vivent en milieu rural et qui n’ont pas toujours de restaurant ou de petit commerce à proximité. Elle devra également prendre en compte la dimension santé et prévention. Je sais que votre gouvernement y est sensible.
Dans l’attente de cette réforme, le groupe du RDSE apportera son soutien à la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier.
M. Martin Lévrier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis quelques années, les habitudes des Français au travail ont profondément muté. Entre la disparité des modes et des lieux de travail, les changements de rythme, avec la généralisation du télétravail, les outils liés à la vie au travail doivent également s’adapter à ces modifications.
Tel est le cas du dispositif des titres-restaurant, qui nous réunit aujourd’hui dans cet hémicycle.
Créé en 1967, c’est un dispositif cofinancé par l’employeur et le salarié. Il a pour objectif de permettre aux travailleurs d’acheter un repas journalier dans le cadre d’une journée travaillée. Ces moyens de paiement sont acceptés dans un certain nombre de commerces, comme les restaurants, mais également les grandes surfaces commercialisant des plats préparés.
Depuis 1967, il a connu un grand nombre de changements pour s’adapter aux évolutions du coût de la vie et des pratiques des salariés. La dernière en date a été proposée en août 2022 par le Sénat, sur l’initiative de Frédérique Puissat, avec une mesure dérogatoire permettant d’acheter avec un ticket-restaurant des aliments non préparés comme des pâtes, du riz, ou des fruits secs, qui peuvent servir à cuisiner à la maison.
L’objectif était clair : aider nos concitoyens dans une période de forte inflation, qui avait des conséquences sur leur pouvoir d’achat.
Cette mesure a trouvé son public pour plusieurs raisons.
Face à l’augmentation des prix, certains Français se sont tournés vers la préparation de leur propre gamelle, afin de limiter le coût de revient de leur repas.
De plus, depuis la crise de la covid et la généralisation du recours au télétravail, de plus en plus de nos concitoyens prennent leur repas à domicile.
Cette mesure était donc entrée dans les mœurs, et nous avons tous été pris de court quand nous avons découvert, ou redécouvert pour certains, que ce dispositif n’était que temporaire et allait disparaître le 31 décembre 2023. Alertés par voie de presse de la situation, nous avons immédiatement pris la mesure du problème pour les 5 millions d’utilisateurs des titres-restaurant. Il s’agissait donc d’agir dans l’urgence pour prolonger ce dispositif, et ce pour un an.
Pourquoi un an ? N’est-ce pas reculer pour mieux sauter ? Pourquoi ne pas pérenniser le dispositif ? Pour comprendre cette décision, il faut prendre en compte deux éléments.
Tout d’abord, le temps presse, et les deux chambres doivent s’accorder sur un texte rapidement. Ce délai, qui semble convenir à la majorité des membres du Parlement, permet de sécuriser le dispositif, sans renvoyer aux calendes grecques la réflexion autour de son sort futur. Mes chers collègues, nous avons ainsi besoin d’un votre conforme à celui émis par l’Assemblée nationale.
De plus, modifier le texte en élargissant encore cette dérogation ou en la pérennisant exigerait une concertation. En effet, les titres-restaurant sont financés par les partenaires sociaux, et le législateur ne peut faire fi de cette gestion en éclipsant des discussions préalables nécessaires, que ce soit avec les représentants des employeurs et des travailleurs, mais également les commerçants et les restaurateurs.
Nous devrons tous nous mettre autour de la table dans un avenir proche, et Mme la ministre s’est engagée à le faire durant cette année 2024.
En attendant le résultat de ces discussions, nous n’avons pas de temps à perdre. Aussi, le groupe RDPI votera en faveur de cette proposition de loi sans modification. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Annie Le Houerou. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à prolonger jusqu’au 31 décembre 2024 l’utilisation des titres-restaurant pour des achats de produits alimentaires non directement consommables.
Le 17 août 2022, dans un contexte marqué par une forte inflation, et dans le cadre de l’examen du projet de loi portant des mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, l’adoption d’un amendement de notre collègue Frédérique Puissat a introduit la possibilité d’utiliser les titres-restaurant pour l’achat de denrées alimentaires non directement consommables. Il s’agissait d’une mesure dérogatoire et d’urgence sociale, que nous avons soutenue.
Face à la vive émotion suscitée par l’approche de la fin imminente de cette mesure, nous nous retrouvons aujourd’hui à en débattre en urgence dans cet hémicycle.
Nous aurions espéré une meilleure anticipation de la part du Gouvernement, ce qui aurait permis d’entamer un travail en amont, afin d’adapter ce dispositif sur le long terme et de clarifier sa raison d’être, qui est aujourd’hui oubliée et dévoyée.
Il est important de rappeler l’historique de ces tickets-restaurant et la gestion du dispositif par les partenaires sociaux.
Ce titre est né en 1967, d’un accord entre représentants des employeurs, des salariés et de l’État, chacun contribuant à son cofinancement. Il relève du code du travail.
À défaut de pouvoir bénéficier d’un restaurant d’entreprise, les salariés pouvaient obtenir une contribution financière à leur repas pris pendant leur journée de travail. Il s’agissait non pas d’une contribution au budget alimentation de la famille, mais d’une mesure de soutien à une bonne alimentation au travail.
Dans les années 1970 et 1980, le titre-restaurant était quasi exclusivement utilisé dans les établissements où le prix d’un repas était abordable, les restaurants devant proposer un menu dit ouvrier à un tarif équivalent.
À la fin des années 1980, l’offre alimentaire étant dominée par l’essor des grandes surfaces. L’État a décidé de leur ouvrir les titres-restaurant, mais seulement pour les produits dits traiteur. Cette tolérance, non négociée avec les partenaires sociaux, s’est élargie à tout commerce proposant des préparations alimentaires immédiatement consommables.
La CNTR, qui assure la gestion du dispositif, a dû réguler par une charte leur utilisation, alors que certaines grandes surfaces permettaient l’achat de produits non alimentaires et l’utilisation de carnets entiers pour payer les courses.
Au début des années 2000, l’État a élargi l’utilisation de ce moyen de paiement aux fruits et légumes, aux produits laitiers et aux distributeurs automatiques.
Aujourd’hui, il faut reconnaître que les habitudes alimentaires et l’organisation du travail des salariés ont évolué : le télétravail détache le salarié de son lieu de travail ; la crise du pouvoir d’achat contraint de nombreux salariés à apporter leur repas sur le lieu de travail ; les prix de l’alimentaire augmentent plus vite que les salaires.
Il s’agit donc de se poser la question de l’opportunité de maintenir le titre-restaurant dans son objectif d’origine et d’évaluer la nécessité de le moderniser.
Ce travail, qui ne semble pas avoir été réalisé au fond, doit se faire en concertation entre le Gouvernement et les représentants des cofinanceurs, salariés et employeurs, réunis au sein de la CNTR. Le rappel historique auquel j’ai procédé indique bien que les tickets-restaurant ne doivent pas être confondus avec une aide alimentaire de droit commun, devenue également indispensable dans un contexte de précarité croissante des salariés.
L’inflation alimentaire reste très élevée : entre octobre 2022 et octobre 2023, les prix de l’alimentation ont augmenté en moyenne de 7,7 %.
Selon une enquête de l’Ifop publiée en avril dernier, la moitié des Français parmi les plus précaires ont déclaré avoir sauté un repas pour respecter leur budget.
Depuis la crise de la covid, le nombre de nouveaux bénéficiaires de l’aide alimentaire a augmenté de 34 %. La précarité alimentaire touche non seulement les personnes sans emploi, mais elle affecte également les actifs. Parmi les 17 % d’entre eux qui recourent à l’aide alimentaire, plus de 60 % sont en CDI, souvent à temps partiel, avec un revenu moyen inférieur au seuil de pauvreté de 1 070 euros par mois. La précarité alimentaire touche donc de plus en plus les travailleurs pauvres.
Nous devons aussi être vigilants pour que ces titres-restaurant incitent nos concitoyens à avoir une alimentation saine et équilibrée.
Dans ce contexte, il est compréhensible que les salariés souhaitent les utiliser pour couvrir les frais alimentaires de la famille, dévoyant ainsi leur rôle initial.
Pour rappel, aujourd’hui, seuls 5,4 millions de salariés, sur 27 millions d’actifs, en bénéficient, et 20 % seulement des entreprises participent au dispositif.
Ces titres-restaurant constituent une subvention de l’employeur couvrant de 50 % à 60 % du coût des repas des salariés, le reste étant financé par les salariés eux-mêmes. En échange, cette participation de l’employeur est assortie d’avantages fiscaux et sociaux.
Aussi, il faut relativiser le coup de pouce aux salariés tant vanté par le Gouvernement.
Le véritable coup de pouce demandé par les représentants des salariés que nous soutenons est une revalorisation des salaires, du Smic et de tous les minima sociaux ; le véritable coup de pouce passe par une indexation des salaires sur l’inflation, comme dans d’autres pays européens.
Ce gouvernement utilise ce texte pour donner l’illusion d’œuvrer en faveur du pouvoir d’achat des Français, alors qu’il n’en est rien ! Les tickets-restaurant ne sont pas non plus un cadeau offert par les employeurs aux salariés.
La priorité pour améliorer le pouvoir d’achat demeure l’augmentation des salaires. Il est impératif de relancer sans tarder les discussions avec les partenaires sociaux sur cette question.
Nous regrettons que les derniers débats budgétaires n’aient pas permis un dialogue constructif au sujet des salaires, des aides sociales et de la préservation du pouvoir d’achat des ménages.
Je suis également consciente des défis auxquels font face les restaurateurs et particulièrement sensible aux arguments avancés par le chef Thierry Marx, nouvellement élu président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie.
Dans nos départements, nous avons tous constaté la fermeture de nombreux commerces, notamment des restaurants, en raison de leur difficulté à reprendre une activité normale après la crise sanitaire. Les restaurateurs ont du mal à retrouver les niveaux de consommation d’avant la crise.
Cependant, nous le savons, cette crise n’est pas l’unique origine des multiples difficultés du secteur, qui sont liées à de nouvelles façons de travailler et de consommer.
Enfin, l’essor du télétravail bouscule incontestablement l’utilisation des titres-restaurant. Cette réalité doit être prise en compte dans la réflexion pour concevoir un dispositif durable visant à soutenir l’alimentation des salariés lorsqu’ils travaillent et cuisinent chez eux.
Le week-end dernier, madame la ministre, vous avez formulé des propositions d’évolution des tickets-restaurant. Notre groupe ne peut que souhaiter que la négociation avec les partenaires sociaux aboutisse à un accord unanime.
Dans cette attente, nous voterons les amendements identiques proposés par les groupes Union Centriste et Écologiste – Solidarité et Territoires, qui ont pour objet que la négociation soit conclue dans un délai de six mois, lequel nous semble raisonnable.
Nous sommes conscients que, dans l’urgence, les salariés ne comprendraient pas qu’on limite l’usage des tickets-restaurant. Par conséquent, c’est pour ne pas les pénaliser que, à défaut d’un vote favorable sur ces amendements, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera pour le délai d’un an supplémentaire prévu par cette proposition de loi.
Ce texte ne résoudra pas les inquiétudes grandissantes des salariés quant à la garantie de leur pouvoir d’achat, mais nous le voterons pour répondre à l’urgence. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « inflation » : tel est le mot qui occupe l’esprit de tous les Français, de tant de ménages et de tellement d’étudiants qui n’ont d’autre choix que de travailler pour survivre.
De fait, l’inflation alimentaire cumulée pendant dix-huit mois, entre janvier 2022 et août 2023 pour être précise, atteint 17,9 %. La France remporte tristement ce record, devant six autres pays voisins de l’Europe de l’Ouest. Ce sont 97 % des Français qui ont vu leurs dépenses d’alimentation augmenter. Ces chiffres donnent le vertige, mais il est inutile de les détailler : n’importe quelle personne qui effectue ses courses au supermarché ne peut pas les contester.
Plusieurs facteurs, tant climatiques et géopolitiques que conjoncturels, sont invoqués par les professionnels du secteur. L’exécutif, quant à lui, évoque déjà la fin de la crise inflationniste. Permettez-moi de penser que la réalité risque d’être tout autre dans les rayons. Même si l’inflation alimentaire plie ces dernières semaines, elle ne rompt pas. Je rappelle par ailleurs que recul de l’inflation ne signifie pas baisse des prix.
À la veille de Noël, les rêves se dessinent, mais les prix du panier de fêtes s’envolent, et la facture est salée. Telle est la triste réalité !
À ces augmentations s’ajoute fréquemment la baisse des quantités dans les boîtes de produits vendus, donnant l’illusion d’une stabilité des prix. Ces tours de passe-passe deviennent sordides et perfides.
Les Français ont basculé dans la restriction. La déconsommation touche alors le niveau de la qualité des produits achetés. Alors que le souci de manger sain irrigue toutes les couches de la population, l’on renonce à la qualité tout en y aspirant, ce qui alimente la frustration.
Vous aviez proposé, madame la ministre, de suggérer aux Français d’arrêter d’acheter des plats préparés, plus chers, et même d’encourager les écoliers à apprendre à cuisiner. Pourquoi pas ? Ne pas sombrer dans la malbouffe constitue en effet un enjeu de santé publique.
Ce même constat est apparu à mes collègues Sophie Primas et Frédérique Puissat, ainsi qu’à moi-même : prolonger jusqu’à la fin de 2024 la dérogation qui permet l’utilisation des tickets-restaurant pour acheter tous les produits alimentaires permettra aux bénéficiaires de ne pas avoir à consommer uniquement des plats déjà préparés.
Le 13 novembre dernier, j’avais saisi le ministre de l’économie sur le sujet, mais personne au Gouvernement ne semblait s’en soucier. Quelques jours plus tard, notre proposition de loi était inscrite à l’ordre du jour du Sénat, car protéger le pouvoir d’achat des Français n’est pas une option pour notre assemblée : c’est une obligation à laquelle nous ne dérogerons jamais.
Le seul objectif de l’ensemble de mes collègues du groupe Les Républicains, c’est de proposer une solution à ces fameuses fins de mois difficiles, que 75 % des Français connaissent.
Nous devons cependant mener collectivement une réflexion sur l’utilisation des tickets-restaurant. Si nous débattons ce soir de leur extension, alors qu’ils avaient été pensés pour permettre au salarié d’acheter un repas pendant ses heures de travail, c’est qu’il faut répondre à une urgence.
Bien sûr, le dispositif créé il y a cinquante-six ans n’avait pas vocation à soutenir le pouvoir d’achat des salariés. Mais dans le contexte inflationniste exceptionnel que nous connaissons aujourd’hui, nous devons faire preuve de solidarité.
J’espère donc que le Gouvernement saura répondre à ce double enjeu : protéger, d’une part, le pouvoir d’achat des Français, mais aussi, d’autre part, nos professionnels de la restauration, qui ont vu la crise énergétique et l’inflation sur les matières premières succéder aux années covid.
Cette proposition de loi, brillamment rapportée par notre collègue Marie-Do Aeschlimann, va dans le bon sens, puisqu’elle reprend en tout point celle que nous avions déposée au Sénat. Nous dirons donc que le hasard fait bien les choses…
Les Républicains voteront bien entendu cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bourcier. (M. Grégory Blanc applaudit.)
Mme Corinne Bourcier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le dispositif des titres-restaurant bénéficie aujourd’hui à 19 % des salariés, soit à 5,2 millions de personnes.
Il permet le cofinancement par l’employeur et par le salarié d’un titre de paiement destiné à l’achat d’un repas par un salarié ne bénéficiant ni d’une cantine ni d’un restaurant d’entreprise. En contrepartie, la part financée par l’employeur est exclue de l’assiette des cotisations et des contributions sociales.
En principe, le repas acheté avec un titre-restaurant doit correspondre à une préparation alimentaire directement consommable. On pense évidemment à un plat servi dans un restaurant, mais aussi à un plat préparé, acheté en grande surface ou dans un commerce de bouche.
Créé en 1967, le titre-restaurant n’a pas été conçu comme un moyen de soutenir le pouvoir d’achat des Français. Mais l’inflation exceptionnelle des dernières années a dû conduire à un élargissement de son cadre, parmi d’autres mesures instaurées pour soutenir le pouvoir d’achat de nos concitoyens.
Tout d’abord, en 2022, son plafond d’utilisation journalier a été rehaussé de 19 euros à 25 euros.
Ensuite, il en a été de même du plafond d’exonération de la part de l’employeur.
Enfin, sur l’initiative de notre commission des affaires sociales, la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a ouvert un régime dérogatoire temporaire permettant l’utilisation des titres-restaurant pour l’achat de tout produit alimentaire, directement consommable ou non. La validité de ce dispositif est prévue jusqu’au 31 décembre de cette année.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à prolonger cette dérogation d’un an, en l’étendant jusqu’au 31 décembre 2024.
Notre groupe votera cette proposition de loi, parce que le contexte la justifie. Même si elle ralentit, l’inflation est encore présente, notamment sur les prix de l’alimentation. Nombre de Français doivent encore sortir la calculatrice au moment de faire leurs courses.
Nous partageons tout de même une interrogation soulevée lors de l’examen du texte en commission : que ferons-nous dans un an ? Revenir en arrière pourrait être difficile. La prolongation du régime dérogatoire d’une année devrait donc conduire à une réflexion plus large, sans qu’il soit besoin d’attendre le mois de décembre 2024.
Je l’ai déjà indiqué, ce dispositif a été créé en 1967. Réinterroger son objet et ses modalités plus d’un demi-siècle plus tard n’aurait rien de déraisonnable. La société a largement évolué depuis les années 1960, ainsi que les préférences des salariés et des consommateurs.
On sait depuis longtemps que le titre-restaurant ne permet pas à tous ses bénéficiaires de manger au restaurant, soit que leur pause déjeuner ne soit pas suffisamment longue, soit qu’ils ne disposent pas d’un restaurant à proximité immédiate de leur lieu de travail, en ruralité notamment. Ces mêmes personnes n’ont pas forcément envie de manger tous les jours un sandwich ou une salade industrielle achetés en supermarché.
Nous savons également que beaucoup de salariés préfèrent préparer leurs repas chez eux et l’emporter à leur travail, ce qui leur permet souvent de manger mieux et pour moins cher.
Prendre en compte cette évolution des préférences des salariés me semble évident. Certes, les titres-restaurant n’ont pas été créés pour cela, mais, encore une fois, ils l’ont été il y a bientôt soixante ans.
J’insiste sur le temps qui est nécessaire pour évaluer l’impact d’une évolution pérenne du dispositif. En effet, cette évolution ne devrait pas se faire au détriment des restaurateurs qui, après avoir subi la crise sanitaire, subissent encore de plein fouet les difficultés de recrutement, ainsi que la hausse du coût des matières premières et de l’énergie.
Je connais aussi les difficultés actuelles que nombre de restaurateurs rencontrent pour être remboursés des titres papier, depuis la fermeture des centres de traitement des titres-restaurant au début de cette année. Je pense que la dématérialisation totale du dispositif est attendue.
Les salariés subissent eux aussi cette inflation de toute part et doivent de plus en plus procéder à de nouveaux arbitrages financiers, qui peuvent changer fondamentalement leurs habitudes. Nous devons y être attentifs.
Nous soutenons donc cette proposition de loi, et plus généralement l’idée d’une réforme plus large du titre-restaurant afin d’adapter son cadre à notre époque, qui devra tenir compte de façon équilibrée des nouvelles aspirations des salariés comme des intérêts des restaurateurs. (Mme Nadia Sollogoub ainsi que MM. Martin Lévrier et Marc Laménie applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sur l’initiative du Sénat, la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a prévu un dispositif dérogatoire permettant d’utiliser jusqu’au 31 décembre 2023 les titres-restaurant pour l’achat de tout produit alimentaire, directement consommable ou non.
Force est de constater que la crise sanitaire avait fait disparaître la notion de restaurant de notre vocabulaire et que bien des salariés n’avaient pu utiliser leurs titres-restaurant pendant les périodes de confinement.
Le principe du titre-restaurant est de contribuer au repas d’un salarié ne disposant pas dans son entreprise d’une cantine ou d’un local aménagé à proximité de son lieu de travail. À cet égard, il serait plus exact de l’appeler « titre-déjeuner ».
Le repas acheté au moyen de titres-restaurant est, en principe, composé de préparations alimentaires directement consommables, le cas échéant à réchauffer ou à décongeler, ou encore de produits laitiers ou de fruits et légumes.
Il peut être accepté par les restaurateurs, les hôteliers-restaurateurs, les détaillants en fruits et légumes et par les commerces assimilés agréés par la Commission nationale des titres-restaurant.
Je suis l’élue d’un territoire rural, où il existe évidemment quelques entreprises disposant de restaurants d’entreprises ou de cantines, mais également de très nombreuses petites et moyennes entreprises (PME), qui compensent l’absence de tels lieux de restauration en proposant des tickets-restaurant à leurs salariés. Il existe également de très petites entreprises en milieu très rural, qui sont éloignées des magasins et des restaurants.
Un chef d’entreprise témoignait récemment : « C’est le choix de mes salariés que de cuisiner chez eux et d’apporter leur gamelle sur le lieu de travail pour le déjeuner, mais pas seulement. Parce que là où nous sommes implantés, il n’y a pas de commerce de proximité, et nous n’avons pas la possibilité comme dans les grandes villes, de sortir et de traverser la rue pour acheter un plat tout préparé ! De nombreux salariés en France ne travaillent pas à côté de commerces de bouche et sont obligés, soit de prendre leur voiture, soit d’apporter leur déjeuner sur leur lieu de travail… »
Je voudrais donc souligner, madame la ministre, mes chers collègues, qu’il n’existe pas qu’une seule catégorie de salariés.
Il existe des salariés en rase campagne ; il existe des salariés ayant des intolérances alimentaires ;…
Mme Nadia Sollogoub. … il existe aussi, désormais, de très nombreux salariés qui travaillent chez eux.
Devons-nous, en redonnant son cadre d’origine au titre-restaurant, en exclure les télétravailleurs ? Sinon, quelle logique y aurait-il à autoriser un salarié à travailler chez lui, mais à espérer qu’il sorte durant la pause déjeuner pour acheter un plat tout prêt ? Je force le trait, bien sûr, mais la logique du dispositif devra inexorablement évoluer en fonction des pratiques.
Rester dans un cadre strict et général en ayant en tête le stéréotype du salarié dans un contexte urbain, qui souhaite consommer un produit industriel issu de la grande distribution, sans tenir compte de l’évolution des pratiques professionnelles ni des préférences de consommation, serait évidemment réducteur.
Comme je le lisais récemment dans un quotidien régional : « La fin de cette mesure sonnerait comme un appel à la malbouffe, puisque certains produits bruts ne seraient plus concernés tandis que les plats ultra-transformés feront toujours partie des produits éligibles ».
Cette doctrine irait totalement à l’encontre des campagnes de sensibilisation au sujet de l’équilibre alimentaire et de prévention d’une alimentation trop salée, trop sucrée ou trop riche. Le site « mangerbouger.fr » du ministère de la santé, dans la cadre du programme national nutrition santé, consacre d’ailleurs toute une rubrique aux raisons de privilégier le fait maison.
J’entends que les avis sont partagés sur le sujet, y compris au sein du groupe Union Centriste, qui votera néanmoins en majorité pour la prolongation du dispositif.
Je précise, mes chers collègues, que l’amendement n° 2 rectifié est déposé par Michel Canévet en son nom personnel, et non en celui de notre groupe.
M. Martin Lévrier. C’est dit ! (Sourires.)
Mme Nadia Sollogoub. J’entends que les syndicats majoritaires seraient opposés à ce qui apparaîtrait comme un soutien déguisé au pouvoir d’achat dans un contexte de forte inflation.
Je ne sais pas comment sont représentés les salariés des PME rurales et familiales au sein des grands syndicats nationaux ni ce que pèsent les voix de minorités qui, par leur mode de vie, aspirent à des dispositifs plus souples tenant compte de leurs singularités. Mais je sais, pour les croiser tous les jours, que ces salariés existent.
Outre les syndicats, il aurait pu être intéressant d’entendre des nutritionnistes, dont l’avis aurait probablement été divergent.
Par ailleurs, à titre personnel, toutes les mesures soutenant, même de manière indirecte, le pouvoir d’achat des familles me semblent bienvenues. Acheter et cuisiner soi-même un plat pour son déjeuner revient moins cher qu’acheter un plat transformé, c’est une évidence.
Enfin, j’ajoute que cette extension permet également d’inclure les préparations maison pouvant utiliser des produits plus locaux, donc de soutenir les producteurs. À l’heure où les agriculteurs sont à la peine, c’est loin d’être négligeable.
Il y a donc également un volet environnemental à la réflexion que nous devons avoir, car c’est bien dans une vision globale, de type One Health, que doivent s’inscrire toutes les politiques ayant trait à l’alimentation.
Lorsque tous appellent à manger plus sain et à éveiller la conscience des consommateurs, nous ne pouvons que nous réjouir de voir tant de salariés souhaiter reprendre la maîtrise de leur consommation.
Pour toutes ces raisons, à titre personnel, je suis tout à fait favorable à ce texte, et même à la pérennisation d’un dispositif initialement mis en place à titre dérogatoire.
L’enfer étant pavé de bonnes intentions, veillons cependant à ne pas enfermer les salariés dans un cadre trop rigide ne respectant ni leur contexte de travail, de vie, de santé, ni, finalement, leurs aspirations personnelles.
Pour résumer, la question est de savoir si le droit du travail peut l’emporter sur le droit du consommateur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Martin Lévrier applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, introduite dans le contexte de la crise due à la covid, lors de laquelle les commerces de proximité et les restaurants étaient fermés, l’extension de l’utilisation des titres-restaurant à l’achat de produits alimentaires non directement consommables faisait sens, puisqu’elle permettait aux travailleurs de ne pas voir leurs tickets se périmer et, ainsi, de ne pas perdre leurs droits.
C’est dans ce contexte précis que les partenaires sociaux participant à la Commission nationale des titres-restaurant (CNTR) avaient approuvé cette extension.
Deux ans plus tard, cette dérogation au code du travail se retrouvait dans le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, qui l’étendait au 31 décembre 2023. Elle avait alors été justifiée par l’inflation et transformée en mesure de défense du pouvoir d’achat, à l’heure où montait effectivement la revendication d’augmentation des salaires et des minima sociaux.
Certes, la situation est extrêmement grave. Nous ne l’ignorons pas. Selon l’Insee, en 2021, le taux de pauvreté a de nouveau augmenté. La pauvreté touche désormais un Français sur sept, soit 550 000 personnes de plus qu’en 2017. C’est votre bilan !
Selon le collectif Alerte, 200 000 personnes basculeront sous le seuil de pauvreté dans les prochains mois si aucune revalorisation des minima n’advient d’ici là.
Facteur conjoncturel aggravant cette situation de pauvreté, la hausse des prix de l’alimentation, dopée par les surprofits, étrangle les foyers précaires.
À défaut de lutter contre la pauvreté et les surmarges des grands groupes agroalimentaires et de distribution, le Gouvernement dévoie le rôle du titre-restaurant en instaurant son extension en mesure de défense du pouvoir d’achat.
Cette nouvelle dérogation, prétendument demandée pour une année, constitue le fondement d’un changement pérenne.
Madame la ministre, vous n’attendez même pas qu’ait eu lieu le vote du Sénat sur cette proposition de loi déposée en urgence après l’annonce unilatérale du ministre de l’économie ; vous le considérez comme acquis d’avance : en effet, vous avez annoncé le week-end dernier dans la presse qu’une partie des titres-restaurant pourrait désormais être fléchée vers les achats en supermarché, sans respecter les travaux en cours de la Commission nationale des titres-restaurant (CNTR), laquelle est loin de valider cette évolution.
Mme Raymonde Poncet Monge. En adoptant cette proposition de loi, nous permettrions ce passage en force, car cette prolongation, à laquelle s’oppose l’ensemble des organisations syndicales et patronales et que le Gouvernement impose sans aucune concertation avec les partenaires sociaux du CNTR, est un leurre dans la lutte contre la pauvreté et contre la baisse du pouvoir d’achat qui résulte de votre politique.
Ce dévoiement du rôle, inscrit dans le code du travail, du titre-restaurant, solution de substitution au restaurant d’entreprise, non seulement fragilise ce dispositif, en le réduisant à un titre alimentaire, mais ne permet nullement de tenir la promesse de lutter contre la précarité alimentaire.
Ce dispositif n’a pas de vocation redistributive, car seule une minorité de salariés en dispose. Il n’a pas non plus pour objet de compléter le salaire ou de s’y substituer, car son principe consiste, en l’absence d’un restaurant d’entreprise, à faciliter la prise d’un repas, en théorie en restauration assise, comme son nom l’indique, lors de la pause entre deux séquences d’un même jour travaillé.
En le transformant en un bon alimentaire pour produits de base, vous minez les fondements de son exemption sociale et fiscale. Or la remise en cause par le Conseil d’État de cette exemption condamnerait ce dispositif, réduit à une mesure de partage de la valeur, et sa place dans le code du travail.
Cette dérive ne bénéficierait qu’à la grande distribution. Seule protagoniste qui se soit prononcée en faveur de la proposition de loi lors des auditions, celle-ci a profité d’un transfert d’activité de près de 600 millions d’euros en une seule année de dérogation, au détriment des restaurants et des commerces de proximité. Mais les difficultés croissantes de ces derniers ne semblent guère émouvoir la ministre des petites et moyennes entreprises et du commerce que vous êtes…
Mme Raymonde Poncet Monge. La Banque de France comptabilise une hausse de 69 % des défaillances de restaurants entre 2022 et 2023. Or le titre-restaurant est un apporteur d’affaires vital pour le tissu commerçant de proximité, puisque 15 % du chiffre d’affaires des restaurants y sont liés et qu’une proportion encore plus importante des commerçants assimilés en dépend.
Par contraste, ce dispositif ne représente que 1 % du chiffre d’affaires de la moyenne et de la grande distribution. Cette prolongation se révèle donc délétère également pour le tissu économique de proximité.
Cette proposition de loi fait donc fi du dialogue social. Cela a été souligné récemment dans une lettre adressée à vos services par les cinq organisations syndicales représentatives du CNTR.
C’est pourquoi les écologistes ont déposé un amendement, soutenu par les organisations syndicales, l’Union des entreprises de proximité (U2P) et l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih), visant à limiter la prolongation du dispositif à juin 2024,…
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Raymonde Poncet Monge. … afin non seulement de contrecarrer la pérennisation de la dérogation, mais surtout de rétablir le dialogue social et le paritarisme. (Applaudissements sur des travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc Laménie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis très heureux de pouvoir m’exprimer sur cette proposition de loi.
J’ai eu l’honneur de faire partie de la commission des affaires sociales entre 2007 et 2014. Or, à l’exception de notre collègue Alexandra Borchio Fontimp, qui participe aux travaux de la commission de la culture, et de moi-même, qui siège à la commission des finances, tous les intervenants sont membres de cette commission. Je me réjouis donc de contribuer à ce débat aujourd’hui.
Je tiens à saluer le travail de notre rapporteure, Marie-Do Aeschlimann, ainsi que de l’ensemble des commissaires des affaires sociales sur ce sujet important.
Vous l’avez rappelé, madame la ministre, les tickets-restaurant remontent à 1967. Ce dispositif s’est modernisé – pour ma part, je reste attaché au papier –, et vous indiquiez justement combien la dématérialisation de ce dispositif permettait de lutter contre la fraude, un objectif crucial.
Il y a eu sur ce sujet deux propositions de loi, émanant l’une de l’Assemblée nationale et l’autre de nos collègues Alexandra Borchio Fontimp, Frédérique Puissat et Sophie Primas, puisque cette question concerne également la commission des affaires économiques.
La conjoncture est très particulière, car, aux conséquences de la crise sanitaire, à partir de mi-mars 2020, se sont ajoutées les nouvelles habitudes de travail et la hausse des prix alimentaires.
Ce dispositif concerne plus de 5 millions de salariés, ce qui n’est pas négligeable.
Plusieurs notions importantes ont été évoquées au cours de la discussion générale. Je pense en particulier au pouvoir d’achat, cité par Cathy Apourceau-Poly, et à la précarité alimentaire, abordée par Annie Le Houerou. La gouvernance de la Commission nationale des titres-restaurant, qui associe organisations patronales et syndicales, est également une question centrale ; il convient de soutenir ce dialogue entre les salariés et les employeurs.
Autrefois, il y avait, dans les bourgs et les villages, de petits restaurants ; malheureusement, nombre d’entre eux ont disparu. Il faut donc soutenir le commerce de proximité, et la prorogation du dispositif qui est proposée me semble fondamentale dans cette perspective. Ce texte va donc dans le bon sens.
Au reste, il y a moins de pauses méridiennes qu’auparavant et les habitudes ont évolué, en raison des temps de transport, les délais et du télétravail. Cette proposition de loi permettra de défendre l’ensemble des salariés et de soutenir leur pouvoir d’achat, tout en soutenant le commerce de proximité et l’activité économique.
Mes chers collègues, je vous remercie tous de votre engagement. Les membres du groupe Les Républicains et moi-même voterons ce texte. (Applaudissements.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à prolonger en 2024 l’utilisation des titres-restaurant pour des achats de produits alimentaires non directement consommables
Avant l’article unique
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Khalifé et Mizzon, Mme Belrhiti, MM. J.B. Blanc, Burgoa, Somon et Longeot, Mme Joseph, MM. Sautarel et Pernot, Mmes Josende, Bellurot, Berthet, Gosselin et Malet et M. Klinger, est ainsi libellé :
Avant l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement engage, dans les conditions prévues à l’article L. 1 du code du travail, une concertation avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel sur l’assouplissement des règles d’utilisation du titre-restaurant, suivie le cas échéant d’une négociation.
La parole est à M. Jean-Marie Mizzon.
M. Jean-Marie Mizzon. Cet amendement a été déposé par notre collègue Khalifé Khalifé.
Le titre-restaurant date de 1967, avez-vous indiqué, madame la ministre. C’est aussi l’année au cours de laquelle l’instruction est devenue obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans… Vous avez poursuivi votre propos, madame la ministre, en affirmant qu’il était temps de « le dépoussiérer ».
Pourquoi pas ? Mais ne faudrait-il pas également, alors que l’on s’apprête à prolonger ce dispositif, aménagé au cours du temps, consulter l’ensemble des partenaires sociaux sur le sujet ? Ils ont aussi leur mot à dire, dans la mesure où les modes de vie et de travail ont changé, où le contexte social a évolué et où la pauvreté s’est aggravée. N’est-il pas temps de les associer à cette réflexion, qui devrait commencer dès le mois de janvier prochain ? Le diable se cachant dans les détails, il est temps de se mettre au travail rapidement.
Tel est le sens de cet amendement, dont l’objet est d’aboutir à un texte plus conforme à la société actuelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Do Aeschlimann, rapporteure. Cet amendement vise à contraindre le Gouvernement à engager, dans les conditions prévues à l’article L. 1 du code du travail, une concertation avec les partenaires sociaux sur l’assouplissement des règles d’utilisation du titre-restaurant.
Le cas échéant, cette concertation pourrait être suivie d’une négociation d’un accord national interprofessionnel.
Il existe déjà un cadre de concertation paritaire sur l’évolution du titre-restaurant : la Commission nationale des titres-restaurant. Il est préférable que les travaux se poursuivent dans ce cadre et abordent toutes les questions que nous avons citées : la dématérialisation, les frais de commission, bref, tout ce qui concerne l’évolution nécessaire des titres-restaurant, afin de rendre ces derniers plus efficaces et conformes à l’objet social de ce dispositif.
J’ajoute enfin que la loi ne peut contraindre le Gouvernement à engager une réforme des règles d’utilisation du titre-restaurant. Une telle disposition n’aurait donc qu’un caractère incitatif.
Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Je le répète, l’intention du Gouvernement est que cette concertation ait lieu dès les premiers mois de 2024.
Ce sera au cœur de mon programme de travail, puisque j’aurai l’honneur, sous la tutelle de Bruno Le Maire, ministre de l’économie, d’organiser cette concertation dans le cadre qu’a rappelé Mme la rapporteure.
Compte tenu de l’engagement du Gouvernement de mener cette concertation et cette négociation, je vous demande de bien vouloir retirer de cet amendement, qui est satisfait, monsieur le sénateur ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Mizzon, l’amendement n° 1 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Marie Mizzon. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié est retiré.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je le reprends, monsieur le président !
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 1 rectifié bis, présenté par Mme Raymonde Poncet Monge et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 1 rectifié.
Vous avez la parole pour le défendre, ma chère collègue.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement est justifié, et nous le voterons.
Madame la ministre, la lettre datée du 23 novembre dernier et signée par Marylise Léon, Sophie Binet, Frédéric Souillot, François Hommeril et Cyril Chabanier ne vous est peut-être pas parvenue.
Mme Raymonde Poncet Monge. Les auteurs de cette missive indiquaient que l’extension de la liste des produits éligibles ne peut se faire que dans le cadre de la concertation paritaire et dans le respect de l’objet fondamental du titre-restaurant, que définit le code du travail.
Vous ne l’avez pas fait hier, mais vous assurez que vous le ferez demain et que cet amendement est satisfait…
Ce courrier indiquait que l’extension de cette liste avait été décidée de façon exceptionnelle et que ces règles temporaires devaient prendre fin au 31 décembre 2023, comme c’était prévu et comme cela avait été souhaité unanimement par les quatre collèges de la CNTR.
C’est pour cette raison que vous n’avez pas consulté les partenaires sociaux et c’est aussi ce qui explique la présence de ce texte à notre ordre du jour : « L’éclosion soudaine et simultanée de plusieurs propositions de loi sur le sujet en même temps, en novembre, ainsi qu’un intense lobbying de la grande distribution, nous interroge fortement. »
Comme il est indiqué dans ce courrier, « on entend assimiler le titre-restaurant à un dispositif de pouvoir d’achat. Or cela doit être négocié. Cela relève du code du travail, donc cela doit faire l’objet d’une négociation entre les partenaires sociaux ».
Je suis donc heureuse de reprendre cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote.
Mme Annie Le Houerou. Nous soutenons cet amendement repris par le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. Nous sommes nous aussi très attachés au dialogue social et nous estimons qu’une remise à plat du dispositif est nécessaire.
Un « tiens » vaut mieux que deux « tu l’auras peut-être »… Si cet amendement est adopté, cela permettra de remettre le dispositif à plat et de reprendre les négociations avec les partenaires sociaux.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous soutenons également cet amendement.
Cette proposition de loi a été déposée dans l’urgence. Même si j’ai expliqué les raisons pour lesquelles nous la voterions, il est temps de réunir les partenaires autour de la table des négociations.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Je vais m’exprimer rapidement, mais clairement.
Je recommande à ceux qui ne l’ont pas fait de profiter de la suspension des travaux pendant les vacances de Noël pour prendre le temps de lire le compte rendu les débats, notamment mes réponses, lors de l’examen du texte en commission et en séance publique à l’Assemblée nationale. La raison que j’ai invoquée pour estimer qu’il était impossible de pérenniser le dispositif, c’est justement cette obligation de dialogue social. S’il y a quelqu’un qui l’a rappelé, c’est bien moi !
Quant à mon courrier, je vous rassure, madame la sénatrice Poncet Monge : malgré ma charge de travail et l’ampleur de mon périmètre d’action, je le lis. Aussi, dans le strict respect de la demande d’audience, les personnes susmentionnées seront reçues dès le mois de janvier prochain par mon cabinet, de sorte que nous puissions lancer la concertation.
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.
M. Laurent Burgoa. Même si j’ai cosigné cet amendement, je ne le voterai pas, parce que Mme la rapporteure m’a convaincu lors de son intervention au cours de la discussion générale : mes chers collègues, il convient d’éviter une commission mixte paritaire sur ce texte.
Ne pas adopter cet amendement serait une manifestation de responsabilité.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article unique
À l’article 6 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, la date : « 31 décembre 2023 » est remplacée par la date : « 31 décembre 2024 ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 2 rectifié est présenté par MM. Canévet et Longeot, Mme N. Goulet, MM. Kern et Cambier, Mme Jacquemet et MM. Delcros et Duffourg.
L’amendement n° 3 rectifié est présenté par Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Remplacer la date :
31 décembre 2024
par la date :
30 juin 2024
La parole est à M. Michel Canévet, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié.
M. Michel Canévet. Nous sommes en train d’étudier le dispositif du titre-restaurant. Et si cet intitulé a quelque sens, il signifie « titre pour les restaurants ».
Eu égard à la situation que nous avons connue, il était opportun d’en étendre l’usage à l’achat de denrées alimentaires, me semble-t-il, mais il convient de revenir à l’esprit de ce dispositif ; ou alors, si l’on estime qu’il ne correspond plus aux attentes des usagers, il faut franchement le modifier.
En l’état actuel des choses, il conviendrait de revenir à l’esprit du titre, c’est-à-dire de faire en sorte qu’il soit consacré rapidement à la restauration. Les restaurateurs plaident fortement en ce sens.
Cela étant, ne voulant pas mettre le Gouvernement en difficulté sur le sujet, je propose simplement de limiter la prolongation à six mois, pour avoir le temps de rendre à ce dispositif, dans ce délai, sa vocation initiale.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement n’a pas été adopté en commission, sous prétexte qu’il était nécessaire d’adopter ce texte conforme, car, la fin de l’année approchant, les délais ne laissaient guère le temps pour adopter un dispositif.
Pourtant, on a réussi à convoquer rapidement une commission mixte paritaire ces derniers jours. Cela semble donc possible…
En outre, la démocratie parlementaire n’a pas à se laisser dicter une injonction à l’adoption conforme du fait de la précipitation du Gouvernement, elle-même liée à une décision unilatérale.
La présente proposition de loi ne résoudra nullement le problème de la précarité alimentaire ; ce n’est pas son objet. Votre objectif est de favoriser à terme un usage en supermarché, vous l’avez d’ailleurs annoncé ce week-end.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cette prolongation ne peut s’imposer contre l’avis des organisations syndicales du CNTR, qui ont affirmé que cette façon de faire avait brisé la confiance construite pendant un an de travaux.
Ces organisations dénoncent toutes cette proposition de loi et le manque de dialogue social, comme elles viennent de vous l’indiquer par courrier, madame la ministre.
En proposant une nouvelle dérogation d’un an, vous visez à rendre irréversible la mesure, et ce sans négociations.
Pour toutes ces raisons, en accord avec les parties prenantes, tant syndicales que patronales, je propose par cet amendement de limiter la prolongation à six mois. Ce délai laissera le temps au Gouvernement de prendre – enfin ! – à bras-le-corps le problème du pouvoir d’achat et aux partenaires sociaux de définir, par la négociation, les voies de modernisation de ce dispositif qui est inscrit dans le code du travail. Voilà la bonne manière de faire !
Nous attendons surtout, madame la ministre, que le Gouvernement s’attaque à la question du pouvoir d’achat de manière structurelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Do Aeschlimann, rapporteure. Ces amendements tendent à fixer au 30 juin 2024, au lieu du 31 décembre de la même année, le terme du régime dérogatoire d’utilisation des titres-restaurant pour l’achat de tous produits alimentaires.
Nous pouvons entendre les réserves formulées et la crainte d’une éventuelle pérennisation de la mesure. Cela étant, je vous ai répondu, en mentionnant le risque qu’une telle évolution ferait courir, à savoir la disparition d’un régime social et fiscal favorable – Mme la ministre a également évoqué ce risque. Je pense donc que cette crainte d’une éventuelle pérennisation n’a plus lieu d’être.
L’article unique vise une prolongation de la mesure pour un an seulement. Le dispositif est donc limité dans le temps. Cette période doit être l’occasion de mettre en place une concertation avec tous les acteurs – la ministre en a parlé – de façon à prévoir ensemble une évolution du régime du titre-restaurant. L’objectif est d’adapter ce dernier aux nouvelles réalités du monde du travail et de consommation des salariés.
J’ajoute que la prolongation de six mois aurait moins de sens. Elle risquerait de nous placer dans une posture délicate si jamais nous nous retrouvions à son terme dans la situation qui est la nôtre aujourd’hui, c’est-à-dire dans l’obligation de statuer dans l’urgence.
Enfin, je suis assez étonnée de votre réaction : vos amendements aboutiraient de facto à priver 5,2 millions de salariés français d’un soutien utile à leur pouvoir d’achat dans la période que nous connaissons.
Par conséquent, j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Pour les mêmes raisons que celles qui ont été avancées par la rapporteure, le Gouvernement demande le retrait de ces amendements. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.
M. Grégory Blanc. J’ai bien entendu, madame la ministre, votre engagement à ouvrir une négociation, mais j’ai du mal à comprendre les blocages que suscitent ces amendements.
Ce texte ne constitue pas une mesure de pouvoir d’achat.
M. Grégory Blanc. Si tel était le cas, nous chercherions une réponse qui s’appliquerait à tous les Français.
De fait, le dispositif des titres-restaurant entre dans le champ de la politique salariale. Or une discussion en la matière doit avoir lieu dans le cadre du dialogue social entre les patrons et les salariés à l’échelle soit de la branche soit de l’entreprise.
M. Grégory Blanc. Toute personne qui a été salariée ou patron – on est parfois les deux dans une vie, ce qui est mon cas –…
M. Grégory Blanc. … sait qu’une négociation a lieu tous les ans – c’est notamment l’objectif de l’entretien individuel dans les très petites entreprises (TPE). Elle est l’occasion d’échanger et de proposer.
Or les partenaires sociaux sont tous contre la mesure que nous examinons aujourd’hui !
Si le dispositif devait s’inscrire dans le cadre de la politique salariale, alors il faudrait l’inscrire dans la durée. Pour être cohérent, il faudrait donc donner des perspectives au-delà d’un an. Pourquoi pas, d’ailleurs ?
Dès lors, je ne comprends pas que le fait de fixer l’échéance à six mois représente un problème, puisqu’il ne s’agit pas d’une question salariale.
Madame la ministre, nous savons tous très bien que, dans une négociation, ce n’est pas tant le calendrier que l’intensité qui compte. Six mois peuvent suffire !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 rectifié et 3 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi visant à prolonger en 2024 l’utilisation des titres-restaurant pour des achats de produits alimentaires non directement consommables.
Je rappelle que le vote sur l’article vaudra vote sur l’ensemble de la proposition de loi.
Y a-t-il des demandes d’explication de vote ?…
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 107 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Pour l’adoption | 322 |
Contre | 2 |
Le Sénat a adopté définitivement.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. À l’issue de ce vote, je veux simplement remercier et féliciter Marie-Do Aeschlimann : ce texte est le premier dont elle est rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Martin Lévrier applaudit également.)
Je salue également Sophie Primas, Alexandra Borchio Fontimp et Frédérique Puissat, qui ont déposé, en novembre dernier, une proposition de loi qui allait dans le même sens que le texte que nous venons d’adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
10
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mardi 19 décembre 2023 :
À neuf heures trente :
Questions orales.
À quatorze heures trente et le soir :
Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration ;
Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2024 ;
Explications de vote puis vote sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à faciliter la mobilité internationale des alternants, pour un « Erasmus de l’apprentissage » (texte de la commission n° 197, 2023-2024) ;
Nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants (texte de la commission n° 199, 2023-2024) ;
Projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires (procédure accélérée ; texte de la commission n° 201, 2023-2024).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER