M. Thomas Dossus. Eh oui !
M. Xavier Iacovelli. … n’aient pas été retenus. Les taxes comportementales ont un effet bénéfique, comme on le voit avec l’augmentation du prix du tabac à partir du 1er janvier prochain. Par conséquent, madame la ministre, je vous donne rendez-vous l’année prochaine.
En tout état de cause, nous prenons acte de la position de la majorité sénatoriale de s’exonérer d’un nouveau débat. Comme je l’ai indiqué, nous le regrettons, car nous avions la volonté d’engager une nouvelle fois une discussion et un débat constructifs.
Or, chers collègues de la majorité sénatoriale, vous persistez dans votre posture et continuez de refuser le dialogue. Pensez-vous que les Français se satisferont, aujourd’hui, de cette décision ?
Vous ne cessez de rappeler, à juste titre d’ailleurs, la nécessité de respecter le Sénat. Mais, en refusant de poursuivre l’examen de ce texte, vous ne respectez pas le devoir qui nous incombe : débattre et voter la loi. Il s’agit ni plus ni moins que de faire vivre la démocratie, dont notre institution est l’une des garantes.
Certes, le 49.3 a été déclenché à l’Assemblée nationale ; mais le Sénat était précisément en mesure de prolonger l’examen du PLFSS et donc le débat démocratique.
Par cette posture, vous alimentez l’opinion de certains de nos concitoyens, selon lesquels le Sénat n’a pas vraiment d’utilité dans notre système démocratique. Il va sans dire que, sur l’ensemble de ces travées, nous dénonçons de tels propos.
Ce bien précieux qu’est notre sécurité sociale aurait dû nous rassembler. Tel n’est pas le cas et vous comprendrez pourquoi les élus du groupe RDPI ne voteront pas cette motion tendant à opposer la question préalable.
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
Mme la présidente. Je suis saisie, par Mme Doineau, au nom de la commission, d’une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
Considérant que si un accord est intervenu entre les deux assemblées sur certains articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale, des points de désaccord subsistent sur des aspects essentiels ;
Considérant que la trajectoire financière quadriennale du texte considéré comme adopté en nouvelle lecture prévoit le passage du déficit des régimes obligatoires de base de sécurité sociale de 8,7 milliards d’euros en 2023 à 17,2 milliards d’euros en 2027 ;
Considérant que ce texte reprend les montants des Ondam pour 2023 et 2024 que le Sénat a respectivement modifiés et rejetés en première lecture, en estimant qu’ils étaient sous-évalués ;
Considérant, de surcroît, qu’aucune des mesures de régulation ou de renforcement du contrôle du Parlement en cas de dépassement de l’Ondam n’a été intégrée dans ce texte ;
Considérant qu’il est indispensable que le Parlement se prononce sur le montant des dotations que les régimes obligatoires de base de sécurité sociale versent aux fonds, organismes et agences qu’ils subventionnent ;
Considérant que ce texte rétablit la possibilité, pour le Gouvernement, de réduire par arrêté, dès 2023 et sans plafonnement, la compensation à l’Unédic du dispositif de réduction dégressive des contributions patronales d’assurance chômage, ce qui est contraire au principe de gestion paritaire de l’Unédic et remet en cause son désendettement ;
Considérant que le texte ne retient pas la proposition du Sénat d’ajuster la réforme du financement de l’activité de médecine, chirurgie et obstétrique des établissements de santé à l’issue d’une expérimentation en 2025-2027 ;
Considérant que ce texte supprime le transfert, institué par le Sénat, de 2 milliards d’euros de recettes de la branche maladie vers la branche famille, l’article 20 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 ayant réalisé un transfert de charges de 2 milliards d’euros de la branche maladie vers la branche famille, correspondant à 60 % de la charge des indemnités journalières (IJ) pour congé de maternité et à l’intégralité des IJ relatives à l’adoption et à l’accueil de l’enfant, sans transférer les ressources correspondantes ;
Considérant enfin que l’emploi systématique par le Gouvernement de la procédure définie à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution ne permettra pas l’intégration, en lecture définitive, de nouvelles propositions du Sénat ;
Le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour la motion.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, je serai brève, car je sais que vous êtes impatients de reprendre l’examen du projet de loi de finances.
Toutefois – je le rappelle à mon tour –, le budget de la sécurité sociale s’élève désormais à 640 milliards d’euros. Dans quelques années, il dépassera même 650 milliards d’euros, soit 1,5 fois le budget de l’État ! Je regrette d’ailleurs que nous ne soyons pas plus nombreux ce matin en séance pour la conclusion de ce débat.
Quoi qu’il en soit, nous avons pu travailler assez sereinement, dans un profond respect des uns et des autres, malgré les différences d’opinions. À cet égard, je remercie bien sûr l’ensemble des ministres qui se sont succédé au banc du Gouvernement. Ils ont répondu à nos questions et à nos interpellations.
Le dépôt d’une motion tendant à opposer la question préalable n’est certes pas une issue satisfaisante ; mais reconnaissons que nous arrivons à la fin de l’entonnoir législatif et qu’il n’y a plus matière à débattre.
Après d’importantes discussions au Sénat en première lecture, la réunion de la commission mixte paritaire a démontré que nous n’avions plus de possibilité d’avancer ensemble vers des solutions plus consensuelles. Il est temps de se dire que c’est terminé ; je n’en salue pas moins les travaux que nous avons menés ici.
Si cette motion s’impose, c’est en particulier parce que nous ne pouvons pas accepter la trajectoire qui nous est proposée.
Je le répète, nous préférerons toujours les trajectoires ascendantes aux trajectoires descendantes : on ne peut pas partir du principe que les prochaines années conduiront inéluctablement à l’aggravation des déficits. Une telle perspective est inacceptable pour nos enfants et, plus largement, pour les générations qui viennent. À la rigueur, on pouvait l’admettre lorsque les taux d’intérêt étaient très bas, mais ce n’est plus du tout le cas désormais.
Ne serait-ce que pour s’opposer à un tel choix, celui de la dette infinie, je vous demande de voter cette motion tendant à opposer la question préalable ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fialaire, contre la motion.
M. Bernard Fialaire. Madame le rapporteur général, vous savez que, par tradition, les élus du RDSE s’opposent aux questions préalables. Nous croyons en effet aux vertus du débat.
Bien sûr, nous ne sommes pas dupes ; nous savons où en est cette discussion. Il est toutefois nécessaire d’adresser, encore et toujours, des rappels au Gouvernement, en insistant lourdement sur certains choix qui s’imposent.
Vous avez évoqué le creusement de la dette. On sait très bien que, d’une manière ou d’une autre, les dépenses de santé continueront d’augmenter, non seulement parce que la population vieillit et que le nombre de maladies chroniques s’accroît en conséquence, mais aussi parce que, grâce aux progrès de la médecine, les soins vont encore se perfectionner.
Il faut regarder les choses en face. Peut-être faut-il également penser à d’autres sources de financement pour la sécurité sociale.
C’est pour insister sur ces impératifs, dans l’espoir que le Gouvernement nous entende, que nous souhaitons poursuivre le débat. Les membres du RDSE ne voteront donc pas la question préalable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Mesdames, messieurs les sénateurs, à mon tour, je tiens à souligner la qualité des travaux sénatoriaux, en commission comme en séance.
Madame la rapporteure générale, si je suis défavorable à cette motion, c’est presque pour les raisons que vous venez d’invoquer.
Premièrement, il s’agit bel et bien d’un budget considérable, de près de 650 milliards d’euros, que nous parvenons manifestement à construire ensemble : vous l’avez rappelé, plus de 50 % des amendements votés par le Sénat ont été retenus par le Gouvernement.
Deuxièmement, les sujets en question méritent encore d’être débattus et, dans un esprit démocratique, nous aurions aimé poursuivre notre dialogue constructif avec la Haute Assemblée.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Nous l’avons déjà dit : pour notre part, nous voterons cette motion.
Nous approuvons un certain nombre de constats formulés par Mme la rapporteure générale, notamment au sujet de l’Ondam.
En outre, nous déplorons que le Gouvernement ait rétabli la ponction prévue sur l’Unédic : je ne comprends pas que l’on puisse soutenir une telle mesure – c’est pourtant le cas de quelques-uns de nos collègues… Non seulement elle empêchera le désendettement de cet organisme, mais elle l’obligera à faire « rouler » une partie de sa dette, ce qui lui infligera de nouveaux coûts financiers.
Mme la ministre insiste sur le fait que 50 % des amendements adoptés par le Sénat aient été repris : certains groupes ont de la chance ! En effet, 100 % de nos amendements votés, souvent avec un avis favorable de la commission et un avis défavorable du Gouvernement, ont été supprimés…
Comment croire aux vertus de la délibération parlementaire quand le Gouvernement ne respecte pas le débat ? Il n’a même pas retenu le report de trois mois du délai de candidature des collectivités territoriales pour la fusion des sections soins et dépendance des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Pourtant, les collectivités elles-mêmes demandent ce délai avec insistance. La métropole de Lyon a ainsi fait savoir que, sans ces quelques mois supplémentaires, elle ne pourrait pas présenter sa candidature.
Une telle rigidité est vraiment déplorable. Non seulement rien ne presse, puisque cette réforme doit s’appliquer en 2025, mais la mesure dont il s’agit ne coûte rien.
On ne dialogue pas avec un gouvernement si autoritaire, qui se sert du 49.3 pour choisir les amendements trouvant grâce à ses yeux et repousser d’un revers de main tous ceux qui lui déplaisent.
L’usage de cet article et, plus largement, la manière dont le Gouvernement conçoit le débat parlementaire commencent à poser de graves problèmes démocratiques. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 80 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Pour l’adoption | 286 |
Contre | 38 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 est rejeté.
3
Loi de finances pour 2024
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2024, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution (projet n° 127, rapport général n° 128, avis nos 129 à 134).
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
SECONDE PARTIE (suite)
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Enseignement scolaire
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Enseignement scolaire » (et articles 53 et 54).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le ministre, avant d’entrer dans cet hémicycle, vous avez peut-être croisé le regard d’albâtre d’un de vos éminents prédécesseurs, sans doute l’un des plus mythiques : Jules Ferry.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. Madame la présidente, mes chers collègues, nous sommes certes en 2023, mais notre école, notre société et nos institutions restent profondément marquées par les idéaux des pères fondateurs de la IIIe République : ceux d’une société émancipatrice pour tous, où le progrès, la justice et l’harmonie sociale s’ancrent d’abord par l’école.
Cette école, c’est celle des hussards noirs chers à Charles Péguy, obéis, respectés et même admirés ; cette école où « les querelles des hommes ne pénétr[aient] pas » ; cette école dont la transmission du savoir, l’instruction, la méritocratie, l’égalité des chances partout et pour tous constituaient les points cardinaux.
Hélas, cet « âge d’or » est bien lointain ! Aujourd’hui, école rime avec harcèlement, violence, échec, laïcité bafouée, démission de professeurs, crise du recrutement, classement médiocre au titre du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa), malgré 850 000 enseignants dévoués, mais souvent prisonniers d’un système à bout de souffle.
Monsieur le ministre, votre héritage est bien compliqué.
Vous vous êtes attelé à la tâche, sans tabou et avec un talent médiatique certain,…
M. Michel Savin. Et encore…
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. … mais seuls les actes comptent – res non verba. Or, avec la baguette, non pas magique certes, mais budgétaire, vous disposez d’un outil précieux pour remettre en marche notre école, en panne.
Qu’en est-il donc ? En vertu du présent texte, l’éducation nationale dispose d’un budget de 63,5 milliards d’euros – c’est le premier de l’État –, en hausse de 3,9 milliards d’euros, ce qui représente, comme l’an dernier, une augmentation de 6,5 %.
Cet effort notable traduit avant tout la volonté de revaloriser la rémunération des enseignants. Il s’agit là d’un impératif, car, sans professeurs, il n’y a pas d’école.
Or la fonte des vocations et le nombre sidérant de démissions trahissent un fort malaise. « Le plus beau métier du monde » n’attire plus, et pour cause : il est de plus en plus difficile, mal considéré et mal payé.
Les enseignants français sont nettement moins bien rémunérés que la plupart de leurs homologues européens et que la plupart des autres salariés français à diplôme équivalent.
Cette dynamique de rattrapage repose en premier lieu sur le point d’indice, dont bénéficient tous les fonctionnaires – l’effort consenti à cet égard représente tout de même 2,5 milliards d’euros en 2024. En parallèle, certaines primes, comme la prime d’attractivité ou la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, sont revalorisées. Quant aux indemnités de suivi et d’accompagnement ou d’orientation des élèves, les fameuses Isae et Isoe, elles sont doublées, pour atteindre 2 250 euros brut par an.
Vous avez enfin proposé un pacte aux enseignants : travailler plus pour gagner plus. C’est peut-être votre petit côté sarkozyste ! (Mme Laure Darcos s’exclame.) Il est trop tôt pour tirer un bilan objectif de ce dispositif, qui peut s’avérer efficace pour faciliter les remplacements de courte durée et qui offre des heures supplémentaires bien payées. Néanmoins, l’accueil qu’il a reçu ne fut guère enthousiaste et, si le ministère annonçait initialement une enveloppe de 900 millions d’euros, cette dernière a été ramenée à 628 millions d’euros.
La promesse présidentielle d’une revalorisation de 10 % des salaires des enseignants est-elle tenue ? Presque ; pas pour tout le monde néanmoins – je pense notamment aux enseignants en fin de carrière.
Par ailleurs, et malheureusement, l’inflation a contribué à éroder ces louables efforts budgétaires.
Un autre curseur est à la hausse, et fortement : celui des crédits consacrés à l’école inclusive, qui atteignent près de 4,5 milliards d’euros, contre 3,8 milliards d’euros en 2023, avec le recrutement de nouveaux accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH). Leur effectif sera porté à presque 125 000 personnes et leur rémunération sera améliorée.
De 2006 à 2023, le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a quadruplé, passant de 118 000 à 478 000. C’est évidemment une bonne chose.
La progression quantitative est indéniable, mais ne l’assure-t-on pas au détriment du qualitatif ? Ainsi, quid des élèves gravement perturbés ou présentant des troubles du comportement ? Ce problème, devenu majeur, est, hélas ! totalement ignoré. Et ce n’est pas l’article 53, transformant les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial) en pôles d’appui à la scolarité (PAS), qui apportera la solution. L’organisation de l’école inclusive mérite un débat et peut-être même une loi à part entière.
Des moyens supplémentaires sont aussi orientés vers les lycées professionnels. Le Gouvernement souhaite rendre leurs cursus plus attractifs en réservant 400 millions d’euros aux gratifications accordées aux élèves en stage. De même, les crédits dévolus à l’enseignement agricole augmentent de 100 millions d’euros, ce qui représente une progression de 6,3 %.
Mais le budget de l’éducation nationale ne saurait être le tonneau des Danaïdes. Ce n’est pas en dépensant toujours plus que l’on résoudra les problèmes de notre école. Il est temps de repenser en profondeur l’organisation et le fonctionnement de notre système éducatif, qui est de moins en moins performant et, surtout, de moins en moins équitable.
À cet égard, je me dois de pointer la porcelaine de vos contradictions. Vous vous glorifiez des bons résultats obtenus grâce aux dédoublements de classes dans les réseaux d’éducation prioritaire (REP) tout en accélérant les fermetures de classes dans les zones rurales et périurbaines – dans ces territoires, 2 300 classes disparaîtront cette année.
Nous aboutissons ainsi à des paradoxes vécus comme des injustices, et par les enseignants et par les parents d’élèves concernés : à moins de cinq kilomètres de distance, vous pouvez avoir, d’un côté, des classes de CP et de CE1 de douze élèves chacune et, de l’autre, des classes à double niveau CP-CE1 de trente élèves. Ce n’est pas acceptable !
La problématique sociale n’est pas le monopole de certains quartiers. La ruralité et les zones périurbaines, parfois cruellement oubliées, sont à tout le moins les maillons faibles du soutien aux élèves en difficulté ; et ce ne sont pas les territoires éducatifs ruraux, dispositif chichement doté de 5,5 millions d’euros, qui inverseront la tendance.
Quand donc procéderez-vous à la révision de la carte de l’éducation prioritaire, travail annoncé, mais jamais réalisé par vos prédécesseurs ? Un rééquilibrage des périmètres et des effectifs doit permettre de mieux répartir les moyens et de s’attaquer vraiment à l’un des points très faibles de notre école : notre taux d’encadrement, qui est l’un des plus mauvais d’Europe.
La formation des enseignants est un autre chantier incontournable. La sous-consommation chronique des crédits concernés, soulignée avec acuité par M. le rapporteur général, ne peut que nous interpeller.
Monsieur le ministre, la commission des finances, soucieuse de l’efficacité de la dépense publique, qui est loin d’être au rendez-vous dans notre système éducatif, a néanmoins voté votre projet de budget.
En adoptant ces crédits, nous entendons avant tout soutenir les indispensables efforts salariaux que nos enseignants méritent ; mais puissent votre brio devant les micros et votre ambition politique ne pas vous détourner des réformes structurelles qu’attend notre école ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la culture. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de l’éducation nationale augmente de près de 3,9 milliards d’euros par rapport à l’année dernière. Depuis 2017, près de 12,7 milliards d’euros de crédits supplémentaires y sont consacrés. C’est l’équivalent du budget de la justice ; c’est quatre fois le budget de la culture.
Nouveauté de la rentrée 2023, le « pacte enseignant » fait l’objet de nombreuses questions. Il suscite à la fois de l’intérêt et des inquiétudes, voire des réactions de rejet de la part de certains membres du corps enseignant. Quant à moi, je trouve ce projet très intéressant, notamment du fait des passerelles qu’il crée entre l’école et le collège. Vous savez tous combien je suis attaché aux écoles du socle.
Derrière ce budget demeurent toutefois les questions de la mise en œuvre d’une politique publique et de l’efficacité de la dépense.
En français, 45 % des élèves de CM1 ont des difficultés pour lire un texte à voix haute ou identifier des éléments basiques de grammaire. En mathématiques, seule la moitié de ceux-ci maîtrisent le calcul. Contrairement à d’autres pays, comme l’Allemagne, la France n’a pas connu de « choc Pisa ».
Le collège va mal ; un grand nombre de collégiens ne maîtrisent pas les savoirs fondamentaux. Ainsi, un élève de quatrième sur quatre n’a pas le niveau de lecture attendu à la fin du CM2. En mathématiques, les chiffres sont tout aussi alarmants : 25 % des candidats au brevet des collèges obtiennent moins de 4/20 dans cette discipline.
Monsieur le ministre, vous avez fait des annonces ambitieuses pour élever le niveau général. Elles sont certes bienvenues, mais il faut les prolonger par des réformes structurelles.
Notre commission a formulé de nombreuses propositions à ce sujet – en vous interrogeant lors des questions d’actualité au Gouvernement, je suis notamment revenu sur le rapport d’information de notre collègue Max Brisson. J’espère que vous tiendrez compte de nos recommandations.
Tout d’abord, il est indispensable de revoir la formation initiale des enseignants. Il est urgent que l’État assume pleinement son rôle de futur employeur et reprenne en main la définition du contenu de formation.
Ensuite, il est temps de tirer le bilan du collège unique, près de cinquante ans après sa création. Sa remise en cause ne doit plus être un tabou : vous l’avez dit vous-même.
Enfin, il est nécessaire de renforcer l’autonomie des établissements pour mieux répondre aux besoins des élèves. Une expérimentation pourrait être lancée en ce sens.
Pour revaloriser les salaires des personnels, 3,2 milliards d’euros de crédits supplémentaires ont été octroyés, dont 2,1 milliards d’euros par votre seul gouvernement au titre du socle et du pacte. Du fait de cette hausse très substantielle du budget, et sous le bénéfice des observations que je viens d’émettre, la commission de la culture s’est prononcée pour l’adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ». (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la culture.
M. Bernard Fialaire, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai l’honneur d’être rapporteur pour avis de la commission de la culture pour le budget de l’enseignement agricole, lequel est doté de 1,7 milliard d’euros pour 2024. Il augmente ainsi de 100 millions d’euros par rapport à 2023.
Face aux enjeux de renouvellement des générations d’agriculteurs, de souveraineté alimentaire et de transition climatique, l’enseignement agricole doit plus que jamais se réinventer pour former davantage de jeunes à une pluralité croissante de métiers. Or les chiffres de la rentrée 2023, en très légère hausse, ne sont pas encore à la hauteur des ambitions.
Il est indispensable de revaloriser le brevet de technicien supérieur agricole (BTSA) et de lui redonner une perspective claire dans une dynamique à bac+3. Nous attendons particulièrement la création d’un bachelor agro, annoncée par M. le ministre de l’agriculture dans le cadre des travaux relatifs au pacte d’orientation et d’avenir agricoles.
Quelques inquiétudes persistent également au sujet des filières « services » et « agroalimentaire ». Trop souvent encore, les élèves méconnaissent l’offre de l’enseignement agricole et se dirigent vers les formations proposées par l’éducation nationale, dont ils sont issus.
Monsieur le ministre, en matière d’orientation, il est essentiel de renforcer la coopération entre l’enseignement agricole et l’éducation nationale. À ce titre, vous avez présenté hier le dossier des stages de fin d’année : il faut aussi proposer de tels stages dans les domaines agricole et agroalimentaire.
M. Bernard Fialaire, rapporteur pour avis. Les crédits alloués à cet effort de communication ne cessent de diminuer, alors que l’enseignement agricole doit s’appuyer sur une politique de communication ambitieuse, avec une vision de long terme et des moyens à la hauteur des enjeux.
Dans dix ans, 166 000 de nos exploitants agricoles seront partis à la retraite, soit plus d’un tiers d’entre eux : c’est maintenant qu’il faut agir.
Je terminerai en évoquant le pacte enseignant, auquel les personnels de l’enseignement agricole ont plutôt bien adhéré : ainsi, 58 % des agents éligibles y ont souscrit et 65 % des briques disponibles ont été attribuées. Ce pacte présente un intérêt certain, mais sera-t-il suffisant face à la profonde crise d’attractivité que le métier traverse ?
L’enseignement agricole se distingue par l’existence de spécialités techniques et professionnelles, comme l’agroéquipement, dans lesquelles il est particulièrement coûteux et difficile de recruter. Il est urgent de faciliter le recrutement d’enseignants pour former davantage d’élèves à court terme tout en maintenant la qualité de l’enseignement technique agricole.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a donné un avis favorable sur l’adoption des crédits du programme 143, consacré à l’enseignement agricole, de la mission « Enseignement scolaire ». (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP.)