Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Laure Darcos. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI.)
Mme Laure Darcos. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Enseignement scolaire » augmentent de 3,9 milliards d’euros en 2024. Ils sont ainsi en hausse de 6,5 % par rapport à 2023 et de plus de 13,5 % par rapport à 2022.
Nous saluons cet important effort budgétaire en faveur de l’éducation, lequel consiste, pour une grande partie, en des mesures de revalorisation salariale.
La rémunération des enseignants est non seulement un important facteur de motivation pour les personnes en poste, mais aussi une condition d’attractivité de ce métier passionnant et exigeant.
Ayons bien à l’esprit que nos enseignants transmettent les savoirs essentiels à l’entrée dans la vie d’adulte et participent à la formation morale et civique des jeunes que la Nation leur confie. Ils méritent toute notre considération.
Dans ce domaine – il faut le rappeler –, les salaires français restent bien en deçà de ceux de la plupart des pays voisins. De ce fait, l’enseignement connaît une réelle crise des vocations, qu’il nous faut traiter. Les bilans annuels des concours du ministère sont, de ce point de vue, tout à fait éloquents.
La voie tracée par ce budget permet donc d’assurer le rattrapage salarial qui s’imposait et d’offrir des conditions de travail plus attractives à nos maîtres et professeurs.
L’augmentation des moyens mobilise 2,46 milliards d’euros, au titre de la revalorisation des salaires sans condition accordée à l’ensemble des enseignants et du rendez-vous salarial. En outre, 900 millions d’euros permettront d’assurer la mise en œuvre du pacte enseignant pour les personnels acceptant des missions supplémentaires, comme les remplacements de courte durée ou le suivi individualisé.
Toutefois, cette augmentation de moyens tout à fait substantielle doit s’accompagner rapidement de résultats tangibles.
Les membres de notre groupe s’alarment en effet de l’incapacité d’une partie des élèves à maîtriser les savoirs fondamentaux – lecture, écriture et calcul. Nous attendons avec intérêt le fameux « choc des savoirs » annoncé récemment.
Nos enseignants sont aussi en première ligne pour détecter le harcèlement scolaire. Au total, un jeune sur dix est victime de violences physiques et verbales répétées, un sur cinq de cyberharcèlement.
Monsieur le ministre, il faut lutter de front contre ce fléau ; je connais votre engagement en la matière.
À cet égard, je tiens à rendre hommage au travail au long cours mené par Colette Mélot. Membre du groupe Les Indépendants, notre ancienne collègue a su alerter et mobiliser très largement les énergies pour endiguer ces violences en milieu scolaire.
Mme Laure Darcos. L’école de la République doit demeurer un sanctuaire où règnent respect mutuel, discipline et soif d’apprendre.
C’est pourquoi nous avons été saisis de stupeur quand nous avons appris, le 23 novembre dernier, que 183 élèves avaient été exclus de leur établissement pour un comportement inadapté lors de l’hommage rendu à Dominique Bernard, professeur assassiné à Arras.
Plus que jamais, l’école doit remplir son rôle de transmission des valeurs républicaines. Nous devons nous montrer fermes et sans compromis à ce sujet.
Enfin, nous tenons à souligner la hausse du budget consacré à l’école inclusive, qui atteint, en 2024, près de 4,5 milliards d’euros.
Acteurs essentiels de l’école inclusive, les accompagnants d’élèves en situation de handicap ont vu leur nombre augmenter de 4 800 à la rentrée 2024. En outre, leur rémunération sera revalorisée grâce à un abondement de 240 millions d’euros au présent budget.
Cet effort soutenu doit se poursuivre, afin que chaque enfant qui a besoin d’une telle aide puisse être accompagné au quotidien : trop d’élèves restent en marge de l’inclusion scolaire, faute d’aides humaines et logistiques adaptées.
En tout état de cause, je suis très circonspecte quant à l’article 53, qui introduit une réforme systémique de l’école inclusive en créant les pôles d’appui à la scolarité en lieu et place des pôles inclusifs d’accompagnement à la scolarité.
Nous ne pouvons accepter qu’au détour d’un article du PLF le Gouvernement impose une organisation nouvelle, anticipant la mise à disposition de matériel pédagogique adapté et de personnels médico-sociaux sans attendre la notification de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH).
De même, il nous paraît impensable de réfléchir à la mise en œuvre du parcours de scolarisation d’un enfant sans sa famille. Par définition, c’est elle qui connaît le mieux ses besoins.
Avant de conclure, nous insistons sur l’importance de la lutte contre le décrochage scolaire. Il s’agit de miser sur l’insertion, non seulement en renforçant les filières professionnalisantes, mais surtout en assurant une orientation bien plus précoce, dès le début du collège.
Les parcours en alternance et l’apprentissage ont démontré leur efficacité et leur attrait auprès des jeunes. Nous devons plus que jamais accompagner ces filières d’excellence et aider chacun d’eux à trouver sa voie, qu’il s’agisse de poursuivre des études longues ou d’entrer sur le marché du travail.
Les élus du groupe Les Indépendants voteront les crédits de la mission « Enseignement scolaire ». (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Jean Hingray applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Annick Billon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le budget de la mission « Enseignement scolaire » – permettez-moi tout d’abord de saluer le travail des rapporteurs.
Le constat est sévère : l’éducation nationale constitue le premier budget de l’État, pourtant, notre système scolaire est en faillite.
Lors de sa dernière session, le baccalauréat a affiché un taux de réussite de 90,9 %, un résultat inversement proportionnel au niveau des collégiens : plus de 50 % des élèves entrant en quatrième ne maîtrisent les compétences requises ni en français ni en mathématiques. Tel Sisyphe, dans la mythologie grecque, le Gouvernement pousse des moyens budgétaires massifs – ils ont augmenté de 12 milliards d’euros depuis 2017 – pour des résultats très peu probants ; la pierre finit toujours par retomber…
Ce constat soulève la question d’un ajustement structurel du système scolaire.
À cet égard, le Sénat a mené une série de travaux sur le sujet et ses rapports d’information et recommandations, achevés ou en cours, constituent une base solide de travail.
Conscient de ces difficultés majeures, le Gouvernement a fait des propositions, que Max Brisson, Marie-Pierre Monier et moi-même avons évaluées dans le cadre d’un rapport d’information faisant le bilan du premier quinquennat et formulant des propositions.
La rentrée de 2023 a été marquée par le déploiement de nouvelles mesures, comme l’instauration d’une heure de soutien en français et en mathématiques pour les élèves de sixième, et des mesures préexistantes ont été renforcées, à l’instar du dispositif « devoirs faits ». Pour mobiliser le personnel nécessaire à la mise en œuvre de ces dispositifs, le ministère compte sur le déploiement du pacte enseignant. Le Gouvernement nous assure que celui-ci est une réussite : 37 % des enseignants de collège et de lycée et 45 % des professeurs de lycée professionnel se sont engagés dans le dispositif.
Néanmoins, les enseignants se montrent bien plus sceptiques. Même si la revalorisation des salaires, de 258 euros net par mois en moyenne, est sans précédent, elle ne doit pas nous empêcher de regarder en face la défiance des enseignants envers leur ministère, qui est bien réelle ; nous avons pu la mesurer lors de nos auditions. La mise en œuvre et la pérennité du pacte sont fragiles, elles dépendront de l’engagement des enseignants et le risque de leur désengagement et d’une rupture d’égalité entre les établissements n’est pas à écarter.
Je m’interroge par ailleurs sur la réalité de l’école inclusive. La hausse des crédits et du nombre d’AESH est à saluer, mais doit être relativisée, car l’augmentation importante du nombre d’élèves concernés en réduit la portée. Le remplacement progressif des pôles inclusifs d’accompagnement localisés par les pôles d’appui à la scolarité, prévu à l’article 53 du texte, pose problème. J’ai d’ailleurs déposé, avec Jocelyne Guidez, un amendement de suppression de l’article.
L’éducation nationale doit mettre en œuvre tous les moyens possibles pour rendre l’école accessible. L’école inclusive ne sera pleinement effective que si elle est adaptée aux besoins spécifiques de chaque élève. Pour ce faire, elle doit se construire en concertation avec les familles et les associations. L’école inclusive passe en outre par une plus grande attractivité du métier d’AESH et par la poursuite des efforts engagés en la matière, du point de vue tant de la rémunération que de la formation.
Max Brisson, Marie-Pierre Monier et moi-même le rappelions en juillet dernier, dans le cadre de notre rapport d’information sur l’autonomie des établissements scolaires : l’école inclusive ne saurait se décréter d’en haut pour tous les établissements du territoire. L’inclusion doit se faire au plus près des établissements : il leur faut plus d’autonomie pour plus d’efficacité.
Je souhaite maintenant insister sur deux autres sujets.
Le premier est l’éducation à la sexualité. Je le répète, aux termes de la loi, cet enseignement fait l’objet d’une obligation de mise en œuvre. Or moins de 20 % des élèves se voient dispenser ces cours. À l’occasion des nombreux travaux qu’elle a menés, la délégation aux droits des femmes a pu en mesurer les conséquences graves.
Monsieur le ministre, vous nous avez indiqué que de nouveaux programmes étaient en cours de préparation par le Conseil supérieur des programmes, mais, au-delà des programmes, il faut de la détermination, de la volonté politique, pour que ces heures deviennent réalité. La lutte contre les violences sexuelles et sexistes passe par l’éducation à la vie sexuelle, mais aussi par l’éducation au numérique ; le rapport d’information sur l’industrie pornographique le confirme.
Second sujet : le harcèlement et le cyberharcèlement. Monsieur le ministre, dès votre prise de fonction vous avez fait part de votre détermination en la matière. Celle-ci se traduit par des engagements budgétaires. Le nombre de victimes et la gravité des faits démontrent l’urgence à agir, nous ne pouvons plus attendre.
Vendredi dernier, j’intervenais au Girouard, en Vendée, dans le cadre d’une conférence sur le cyberharcèlement. J’ai de nouveau pu y constater les conséquences terribles du harcèlement. Les avancées législatives sur l’encadrement de l’espace numérique, en particulier pour les mineurs, se multiplient et en appellent d’autres.
Le harcèlement, le cyberharcèlement et l’éducation à la sexualité ont un point commun : pour accompagner, repérer, signaler et sensibiliser, nous devons offrir aux élèves des espaces d’écoute. Ces derniers ne peuvent être mis en place qu’avec un fléchage de moyens sur la médecine scolaire. À sujet primordial, moyens d’envergure, dit-on ; pour la médecine scolaire, on en est encore loin, comme en témoignent le déficit de postes et le manque d’attractivité du métier.
Enfin, comme tous les ans, je veux attirer votre attention sur l’enseignement agricole, monsieur le ministre. Le budget est, là aussi, en hausse et, depuis 2019, le nombre d’élèves progresse. Toutefois, ces indicateurs positifs ne doivent pas nous dispenser d’être prudents.
D’abord, il convient de maintenir la priorité donnée à l’orientation pour continuer d’attirer les élèves ; des propositions sur ce sujet ont été faites par le Sénat et j’invite le Gouvernement à s’en saisir.
Ensuite, il faut être attentif à la baisse du nombre d’étudiants dans le cursus de BTSA. Selon le ministère, c’est le format de la formation proposée – elle dure deux ans et ne s’inscrit donc pas dans le parcours classique licence-master-doctorat (LMD) – qui freine les candidats potentiels.
Enfin, nous devons être vigilants quant aux moyens alloués aux maisons familiales rurales (MFR). Le rapporteur pour avis et moi-même avons entendu le président de l’Union nationale des maisons familiales rurales d’éducation et d’orientation (UNMFREO), M. Dominique Ravon ; des négociations sont en cours avec la direction générale de l’enseignement et de la recherche (DGER) ; je souhaite vivement qu’elles aboutissent.
Nous sommes confrontés à une régression éducative, qui se traduit par un effondrement des connaissances ; le chantier visant à nous sauver de ce naufrage s’annonce important. Monsieur le ministre, je sais que vous êtes pleinement engagé sur le sujet et je salue les décisions courageuses que vous avez prises lorsque vous êtes entré en fonctions, voilà quelques mois. Les enquêtes récentes sur le niveau des élèves nous imposent une obligation de résultat. Nous ne pouvons pas échouer.
Le groupe Union Centriste votera ce budget en hausse, mais l’éducation ne saurait s’appréhender uniquement en chiffres ; les budgets doivent se traduire par des résultats scolaires, c’est à cette condition qu’on mesurera l’efficacité budgétaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que nous débutons l’examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire », je souhaite adresser un message au nouveau résident du 110, rue de Grenelle. Je me permets de vous mettre en garde, monsieur le ministre, contre un certain nombre d’écueils qui pourraient nuire à votre longévité à la tête de cette grande institution.
Vous dirigez la première administration de l’État par le volume de ses crédits et le nombre de ses fonctionnaires et agents contractuels. Ces données peuvent donner le tournis à quiconque se trouve investi de la charge de l’éducation nationale, surtout quand il s’agit d’un « homme de budget ». Par conséquent, attention au syndrome du capitaine Haddock avec ses « Mille millions de mille sabords ! », car, derrière ces masses, derrière ces chiffres, il y a des femmes et des hommes passionnés, mais aussi épuisés par les conditions actuelles d’exercice de leur métier.
Le passage de votre prédécesseur a malheureusement été de trop courte durée pour que l’on ait pu observer sous son ministère un apaisement du corps enseignant, qui reste marqué par les années Blanquer et les réformes conduites à marche forcée. Le besoin d’apaisement entre la communauté éducative et sa hiérarchie est d’autant plus grand que, en l’espace de deux ans, deux professeurs ont été la cible d’un attentat et ont été assassinés à proximité de leur établissement. Écouter, protéger, réaffirmer la confiance dans le corps enseignant : voilà l’urgence !
Au lieu de cela, en quelques mois, les idées de réformes ont fusé dans la presse : remise en cause du collège unique, institution de groupes de niveaux ou encore « écoles normales du XXIe siècle » ; on pense parfois qu’il suffit d’accoler les mots « XXIe siècle » à une vieille idée pour donner une impression de nouveauté…
On compare souvent le pilotage de l’éducation nationale à celui d’un paquebot. Ce pilotage est celui du temps long, mais il est contraint par la cadence annuelle des rentrées scolaires. L’agitation théorique a peu de prise sur elle ; seuls jouent les faits structurels : le nombre d’élèves par enseignant, qui reste encore supérieur à la moyenne de l’OCDE, surtout dans le secondaire ; le niveau de rémunération et de formation des enseignants ; et, bien que le niveau d’absentéisme des enseignants soit inférieur à celui des salariés du privé, le nombre important d’épisodes de découragement, voire de burn-out.
En ce qui concerne la formation continue, l’idée d’un absentéisme causé par la tenue de formations sur le temps scolaire est une idée reçue. En réalité, 84 % des professeurs des écoles ont uniquement bénéficié des dix-huit heures de formation statutaire et 59 % des enseignants du secondaire ont suivi moins de 2 jours de formation, contre 7,4 jours dans les autres ministères. Surtout, un certain nombre d’enseignants estiment qu’il n’existe pas de formation appropriée à leurs besoins.
Attention enfin à la tentation de l’instrumentalisation de l’institution dans la fracture politique qui divise aujourd’hui le pays. À la suite de l’assassinat de Dominique Bernard à Arras, je vous ai posé une question sur le soutien de la hiérarchie aux professeurs cibles de menaces ; vous avez alors cédé à la polémique en me répondant : « Laïcité ! » Il me semble au contraire nécessaire de limiter les polémiques pour mettre l’école à l’abri des maux du monde. J’ai d’autant plus d’empressement à vous le dire que j’ai consacré, comme beaucoup d’entre nous ici, ma vie professionnelle à l’enseignement.
En tout état de cause, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne votera pas les crédits de cette mission, qui ne prennent pas la mesure de la crise que traverse l’institution scolaire.
Un ministre à l’écoute ne justifierait pas la suppression de 2 190 postes par la baisse de la démographie ; il s’appuierait au contraire sur cette tendance démographique pour améliorer le taux d’encadrement, assurer les remplacements ou reconstituer les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased). Un ministre à l’écoute comprendrait qu’il s’agit là d’un enjeu de lutte contre la ségrégation scolaire, puisque les postes sont principalement supprimés en zone rurale ou périurbaine.
Surtout, la promesse de revalorisation salariale n’a pas été tenue. L’enveloppe consacrée à la hausse des salaires sera, en 2024, de 1,3 milliard d’euros pour la revalorisation inconditionnelle, dite socle, et de 1 milliard d’euros pour la hausse de rémunération liée au pacte enseignant, mais cette augmentation ne permettra pas d’atteindre la revalorisation de 10 % promise par le Président de la République. Pour les AESH également, les mesures proposées sont loin d’être suffisantes et notre collègue Mathilde Ollivier a déposé plusieurs amendements visant à améliorer leur statut.
Monsieur le ministre, nous sommes à vos côtés dans la lutte contre le harcèlement scolaire, je tiens à l’affirmer, mais où sont les moyens consacrés aux cours d’empathie ? Où sont les moyens consacrés à la santé scolaire, l’éducation nationale ayant perdu 30 % de ses médecins et 11 % de ses infirmiers depuis 2017 ? Nous attendons avec impatience le 5 décembre prochain, date à laquelle vous devez annoncer un plan complet pour un véritable choc des savoirs… (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Instruire, c’est former le jugement » disait déjà Montaigne au XVIe siècle. Au XIXe siècle, Ernest Renan disait quant à lui que la matière scientifique ne devait pas être enseignée à des fins purement professionnelles.
Ces ambitions, très brièvement rappelées ici, sont d’une brûlante actualité, car il s’agit, avec l’enseignement, de former les citoyens de demain. Or notre société et notre République sont en grande souffrance. C’est donc à l’aune des moyens que nous consacrerons en 2024 à cette grande et belle ambition, celle du plein épanouissement de la jeunesse, qu’il convient d’apprécier le projet de budget qui nous est soumis.
Le budget de l’enseignement scolaire pour 2024 passerait, avec ce texte, à 63,6 milliards d’euros, traduisant une augmentation de 6,5 %. Nominalement, il s’agit d’une hausse significative ; en revanche, en tenant compte de l’inflation et de l’augmentation du point d’indice, cette hausse s’avère très relative, puisqu’elle est identique à celle de 2023. En réalité, cette évolution – cette hausse qu’il convient de relativiser – consiste à obéir à la prescription de recherche d’économies de la Cour des comptes afin, nous dit-on, de redresser nos finances publiques.
En outre, malgré la création de 4 000 emplois d’AESH et une certaine amélioration de leurs conditions de rémunération, sans que leur soit néanmoins attribué le cadre statutaire de la catégorie B de la fonction publique, ce budget prévoit la suppression de 2 500 postes en raison, assure-t-on, de la chute de la démographie scolaire. Précisément, cette chute de la démographie scolaire constituait au contraire une aubaine pour améliorer notre taux d’encadrement des élèves, l’un des plus faibles parmi ceux des pays de l’OCDE. Cette chute de la démographie scolaire aurait pu également être l’occasion d’éviter la pratique quelque peu brutale consistant à mettre en œuvre la carte scolaire au moyen de coupes claires indifférenciées, notamment dans nos zones rurales. Enfin, en pleine crise de recrutement, cette aubaine démographique aurait pu contribuer à renforcer l’attractivité des métiers de l’enseignement, qui en ont grandement besoin.
Par ailleurs, dans le contexte douloureux que peuvent vivre des enseignants dans leur classe, sans doute aurait-il été possible d’envisager de proposer des mesures de protection fonctionnelle aux enseignants ; il est impossible aux parlementaires, en vertu de l’article 40 de la Constitution, de déposer des amendements en ce sens.
De plus, vous intégrez au sein de l’accompagnement de la vie de l’élève le service national universel (SNU), qui n’a pas fait l’objet à ce stade de beaucoup de débats ni de restitutions devant le Parlement.
En outre, sans vouloir réactiver la guerre scolaire, observons que le budget pour 2024 tend à favoriser le secteur privé, dont le budget croît plus vite que l’inflation, ce qui n’est pas le cas pour le public.
Vous nous dites : « Moins d’enseignants, mais des enseignants mieux rémunérés. » Là encore, il faut nuancer, car il semble y avoir un risque d’écrasement de la hiérarchie des salaires ; cela peut renforcer une certaine hostilité au pacte enseignant, qui n’est pas vécu comme une véritable revalorisation de la profession. En effet, la courbe salariale n’est pas très attractive pour ceux qui envisagent une carrière dans l’enseignement.
Ces observations générales valent également pour l’enseignement agricole, dont le budget, malgré son augmentation significative, est loin de compenser les pertes d’emplois cumulées des dernières années. En matière de création de postes, l’essentiel va au secteur médico-social, qui, certes, en a grandement besoin.
Au cours du débat, nous nous efforcerons de faire valoir un certain nombre de points, tels que le retour de la formation professionnelle dans le giron de l’enseignement ou encore notre attachement à la laïcité et au principe de la mixité sociale dans tous les enseignements.
Ce budget ne nous paraissant pas à la hauteur des ambitions que nous devrions nourrir pour l’enseignement et l’éducation, nous nous y opposerons. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ahmed Laouedj.
M. Ahmed Laouedj. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’école est un lieu de savoir, mais elle est aussi un lieu de confrontation, de défis et de remise en question. Elle est le reflet de notre société, avec ses tensions et ses contradictions et c’est précisément pour cela qu’elle est si précieuse, car c’est là, dans cette confrontation, ce défi, que se forge l’esprit critique, que se construit la citoyenneté.
Pour que l’école puisse remplir cette mission, elle doit être protégée, elle doit rester un sanctuaire, où chaque élève se sente en sécurité, où il puisse apprendre, grandir et se construire. Toutefois, dans notre société, l’éducation est souvent perçue comme un privilège, non comme un droit. Les inégalités sociales se reflètent dans les salles de classe, où se creuse de jour en jour le fossé entre les élèves issus de milieux défavorisés et ceux qui sont issus de milieux plus aisés. C’est une réalité que nous ne pouvons plus ignorer, la réussite scolaire est un enjeu majeur de notre société, elle est le reflet de notre capacité à offrir à chaque enfant les mêmes chances de succès, indépendamment de son milieu social. Elle est le baromètre de notre engagement pour l’égalité des chances.
Nous devons travailler à l’élévation générale du niveau de réussite scolaire. Il s’agit de faire en sorte que chaque enfant puisse atteindre son plein potentiel, développer ses compétences et ses talents, et s’épanouir à l’école. Cela passe par une pédagogie adaptée, une attention particulière portée à chaque élève, une valorisation de ses réussites, mais cela ne suffit pas, il faut également réduire les inégalités sociales et faire en sorte que chaque enfant, quel que soit son milieu social, ait les mêmes chances de réussite. Cela passe par une politique d’éducation inclusive, prenant en compte la diversité des élèves, valorisant leurs différences et luttant contre les discriminations.
Nous devons également mettre en place un plan très concret de lutte contre le harcèlement scolaire. Il s’agit d’un problème complexe, qui nécessite une approche multidimensionnelle. Il ne suffit pas de punir les harceleurs, il faut aussi éduquer, sensibiliser et prévenir.
L’une des principales difficultés dans la lutte contre le harcèlement scolaire est l’utilisation des réseaux sociaux par les jeunes. Ces plateformes, qui devraient être des espaces d’échange et de partage, sont devenues des arènes où se perpètrent des actes de harcèlement. Les insultes, les moqueries, les menaces se propagent à une vitesse vertigineuse, touchant un nombre toujours plus grand de victimes. Il est donc essentiel de mettre en place une surveillance accrue de l’utilisation des réseaux sociaux par les jeunes.
Par ailleurs, les écoles ont besoin de plus de ressources pour mettre en place des programmes de prévention et de sensibilisation, afin de former les enseignants et les élèves à la détection et à la gestion du harcèlement scolaire.
L’absentéisme des professeurs est également un sujet essentiel, qui doit faire l’objet d’une véritable réforme et non simplement de mesures palliatives ne pouvant donner de résultats qu’à court terme.
Un collectif de parents d’élèves a poussé un cri d’alarme en attaquant l’État en justice en mai 2023 pour non-respect de ses obligations en matière d’éducation. Dans de nombreux départements de France, notamment en Seine-Saint-Denis, on constate toujours que de trop nombreuses absences d’enseignant ne donnent pas lieu à remplacement. Selon les derniers chiffres, plus de 15 millions d’heures de cours sont ainsi perdues chaque année.
L’absentéisme des professeurs a des conséquences à long terme. Il affecte non seulement l’éducation, mais aussi l’avenir des élèves. Les enfants qui ont des professeurs absents sont moins susceptibles de réussir à l’école et ont plus de chances de décrocher.
Le Gouvernement avait annoncé un plan pour lutter contre ce fléau, mais, dans une enquête récente, le Syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale-Union nationale des syndicats autonomes (SNPDEN-Unsa), premier syndicat des chefs d’établissements, a relevé qu’il manquait plus d’un enseignant dans 58 % des collèges et lycées le 1er septembre dernier.
Nous devons donc nous interroger sur les moyens à mettre en place pour remédier à cette difficulté symptomatique d’un système éducatif à bout de souffle. Les enseignants exercent une profession sous pression. Ils sont souvent confrontés à des conditions de travail difficiles, à des salaires insuffisants et à un manque de soutien. Ils sont également confrontés à des attentes élevées de la part des parents et des élèves. Ces facteurs peuvent conduire à un épuisement professionnel, facteur déclenchant de l’absentéisme.
Nous devons mettre l’accent sur le financement de programmes de soutien des enseignants. Nous devons également permettre l’amélioration de leurs conditions de travail. En soutenant nos professeurs, en améliorant leurs conditions de travail et en reconnaissant leur valeur, nous pouvons réduire l’absentéisme. Ces solutions nécessitent une véritable volonté politique et une prise de conscience de l’importance de l’éducation pour notre société.
Ne laissons pas nos enfants payer le prix de notre négligence. La réussite scolaire est un objectif qui nécessite du courage, de la détermination, de l’engagement.
Le groupe RDSE votera pour la hausse du budget de la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances pour 2024.