M. le président. Il faut conclure !

Mme Céline Boulay-Espéronnier. Je vous demande donc que nous adoptions – pourquoi pas ensemble ? – une véritable vision pour les Parisiens. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. David Assouline sexclame.)

enseignement des mathématiques

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Piednoir. Monsieur le ministre, il y a trois ans, le groupe Les Républicains marquait son profond désaccord avec la réforme du baccalauréat général et la disparition programmée de l’enseignement des mathématiques au lycée, voulue par Jean-Michel Blanquer.

À l’époque, votre majorité refusait de voir le déclin du niveau global en mathématiques et le désintérêt dans notre pays pour cette matière. Le contraste était total avec la croissance quasi exponentielle des besoins technologiques dans notre pays pour répondre aux demandes de la société.

Aujourd’hui, vous entreprenez un travail de déconstruction de la réforme imposée par votre prédécesseur, en annonçant le retour, dans le tronc commun du lycée général, d’un enseignement de mathématiques. Vous actez ainsi l’échec patent de la réforme susnommée et cela nous vaut, pour rester dans le thème, une pirouette à 180 degrés !

Je me félicite, bien sûr, de ce retour à la raison un peu tardif, qui est de nature à consolider la culture scientifique du plus grand nombre. Mais la mise en œuvre pratique est encore pour le moins confuse.

Monsieur le ministre, disposerons-nous de suffisamment de professeurs pour assurer les cours à la rentrée ? Irez-vous au bout du raisonnement en permettant de choisir un troisième enseignement de spécialité en classe de terminale ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Pap Ndiaye, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Piednoir, je partage bien entendu votre préoccupation et votre intérêt pour le niveau des mathématiques en France.

Nous sommes dans une situation paradoxale : la France est un pays d’excellence en mathématiques – 13 médailles Fields – et, dans le même temps, il faut bien reconnaître que le niveau général de la population, notamment de la population scolaire, a baissé de manière importante dans cette matière ces dernières années. Tous les classements internationaux le démontrent.

Nous avons donc réintroduit, en effet, une heure et demie de mathématiques dans le tronc commun de première, en parallèle, bien entendu, des élèves de première qui choisissent la spécialité mathématiques – ils sont tout de même 64 % à le faire.

Cette heure et demie vise en quelque sorte à réconcilier les élèves qui sont fâchés – eh oui ! – avec les mathématiques, mais aussi à leur permettre d’accrocher l’option maths complémentaires en terminale, aux côtés de la spécialité maths et des maths expertes.

À cet ensemble, nous ajoutons un module de rattrapage pour les élèves qui rencontrent le plus de difficultés en classe de seconde et un certain nombre de dispositions – club de mathématiques au collège, mesures spécifiques en sixième qui seront annoncées prochainement.

Au-delà des mesures visant les élèves non mathématiciens ou en tout cas en difficulté, nous travaillons aussi sur l’excellence mathématique.

En la matière, une question me tient à cœur. Vous savez que Mme la Première ministre y est également particulièrement attachée, elle qui était en visite hier à l’École polytechnique pour le cinquantième anniversaire de l’entrée des filles dans cette école. Il s’agit de l’égalité filles-garçons et de la présence, qui doit être largement soutenue, des filles dans les filières scientifiques, particulièrement en mathématiques en classe de terminale.

J’ai apporté des précisions en ce sens en disant que l’avenir de l’excellence mathématique en France reposait en grande partie sur les filles. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour la réplique.

M. Stéphane Piednoir. Monsieur le ministre, trois ans : c’est le temps qu’il vous a fallu pour corriger votre copie et vos erreurs de calcul.

Que de temps perdu avec cette politique du zigzag permanent qui caractérise finalement votre majorité depuis 2017 sur tant d’autres sujets !

Vous faites la démonstration, si j’ose dire, que la ligne du Gouvernement est en fait une spirale, une spirale infernale dont les premières victimes sont nos jeunes générations, sacrifiées sur l’autel de vos atermoiements successifs.

M. le président. Il faut conclure !

M. Stéphane Piednoir. Je ne me permettrai pas de vous commander, mais seulement de vous donner un conseil : la prochaine fois, n’hésitez pas à écouter la parole du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mercredi 23 novembre 2022, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Laurence Rossignol.)

PRÉSIDENCE DE Mme Laurence Rossignol

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

4

Communication d’un avis sur un projet de nomination

Mme la présidente. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi ordinaire n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis, lors de sa réunion du mercredi 2 novembre 2022, un avis favorable, par 22 voix pour et aucune voix contre, à la nomination de M. Stanislas Bourron aux fonctions de directeur général de l’Agence nationale de la cohésion des territoires.

5

 
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Discussion générale (suite)

Loi de finances rectificative pour 2022

Adoption d’un projet de loi modifié

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article liminaire

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2022 (projet n° 113, rapport n° 124).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis l’automne 2021, notre pays fait face à une inflation que nous n’avions pas connue depuis des décennies. À la faveur de la reprise de l’économie mondiale et en raison, depuis février 2022, de l’invasion de l’Ukraine, la vie chère met notre société à rude épreuve.

Disons-le sans détour : la situation est particulièrement difficile et l’enlisement du conflit nous place dans une situation de grande incertitude – les missiles tombés hier sur le sol polonais nous l’ont encore rappelé.

Oui, le contexte est sombre, mais notre choix est clair. Ce choix, c’est de lutter contre la vie chère pour protéger les Français et ce projet de loi de finances rectificative(PLFR) marque une nouvelle étape dans ce combat.

C’est un combat que nous continuerons à mener l’année prochaine, car l’inflation devrait demeurer à un niveau élevé. Mais nous devrons le mener de façon différente, je veux bien sûr parler d’une approche plus ciblée dans les soutiens que nous apporterons, car l’équation des finances publiques d’aujourd’hui ne ressemble pas à celle que nous connaissions durant cette parenthèse où l’argent – l’emprunt – semblait gratuit.

Ce projet de loi de finances rectificative, qui n’est pas seulement un texte de fin de gestion, s’inscrit dans la continuité du paquet pouvoir d’achat que vous avez voté et enrichi cet été. Je vous le dis clairement : c’est une continuité que je revendique.

Je la revendique, parce qu’elle constitue une réponse à l’urgence et nos compatriotes ne comprendraient pas qu’on les laisse démunis face aux prix qui augmentent.

Je la revendique aussi, parce qu’elle a produit des résultats : la France est le pays de la zone euro où l’inflation est la plus contenue.

Avant de vous présenter les grandes lignes de ce texte, il me semble utile de vous dire un mot sur la situation de l’économie française en cette fin d’année 2022.

Vous le savez, les prévisions adossées à ce deuxième projet de loi de finances rectificative font état d’une croissance de 2,7 % cette année, un chiffre jugé crédible par le Haut Conseil des finances publiques.

Pour ma part, au-delà des prévisions, ce qui m’intéresse, c’est de savoir si nous mettons tout en œuvre pour atteindre notre objectif. Il est évidemment trop tôt pour dire avec une absolue certitude si nous y parviendrons, mais ce qui me semble incontestable, c’est que le texte que nous vous présentons aujourd’hui intensifie notre combat contre la vie chère et qu’il permettra donc à l’économie française de mieux tenir le choc.

C’est vrai, les nuages s’amoncellent : le conflit ukrainien, la crise immobilière en Chine, l’Inflation Reduction Act américain qui constitue une forme de dumping et qui fait par conséquent peser des risques sur l’économie européenne, en particulier sur notre industrie, les aléas sur la zone euro liés aux choix que fera l’Italie pour la trajectoire de ses finances publiques, etc.

Mais ce que je peux vous dire, c’est que notre économie résiste admirablement en cette fin d’année 2022. Il ne s’agit pas de dire que tout va bien ou de verser dans l’autosatisfaction, mais simplement de savoir distinguer les signes encourageants malgré l’incertitude.

La réalité, c’est que nous sommes au cœur de la tempête, mais que cette tempête ne nous emportera pas. Non, elle ne nous emportera pas, car nous pouvons compter sur des fondamentaux solides.

Je souhaite à cet égard rendre hommage à ces millions de Françaises et de Français qui se lèvent chaque matin pour créer de la richesse par leur travail, leur courage, leur audace et leur intelligence. Je pense en particulier à tous les chefs d’entreprise, à tous les élus et les maires de notre pays, qui tiennent bon malgré les aléas, les difficultés et la hausse des factures, à ces entrepreneurs qui continuent d’investir, d’inventer, d’embaucher. Bref, ce que je veux saluer, c’est cette France qui résiste et qui ne cède pas un pouce de terrain à la morosité.

Les derniers chiffres de l’Insee sont d’ailleurs encourageants : ils démontrent la résilience de notre économie.

La demande intérieure a continué de soutenir la croissance malgré une hausse des prix que nous n’avions pas connue depuis des décennies. L’investissement des entreprises a crû de 2,3 % ce trimestre, tandis que la consommation des ménages s’est maintenue.

La situation de l’emploi constitue un autre indicateur positif, puisque les créations d’emplois sont restées dynamiques au troisième trimestre. Encore au mois de septembre, nous avons comptabilisé 60 000 chômeurs de moins.

S’agissant de ce qui nous attend pour ce quatrième trimestre, les signaux et indicateurs dont nous disposons sont plutôt favorables, qu’il s’agisse de l’activité, des intentions d’embauches ou de l’investissement des entreprises.

Bien entendu, le niveau élevé d’inflation suscite des inquiétudes du côté des ménages comme des chefs d’entreprise.

La hausse des prix a en effet rebondi à 6,2 % en octobre après 5,6 % en septembre. Pour autant, ce niveau reste cohérent avec la prévision adossée à ce deuxième PLFR, c’est-à-dire une inflation de 5,3 % en moyenne annuelle, jugée elle aussi crédible par le Haut Conseil des finances publiques.

Ne nous voilons pas la face : nous avons l’inflation la moins élevée de toute la zone euro, mais la dynamique de hausse des prix fait encore des dégâts.

Le texte que nous vous présentons aujourd’hui permet d’assurer le financement de mesures qui vont changer le quotidien des Français, tout en procédant à un certain nombre d’ajustements dans une logique très classique de fin de gestion.

Comme le PLFR de juillet, ce texte traduit d’abord une volonté de soutenir et de protéger.

Pour ma part, il me semble qu’une large majorité peut se retrouver dans cet objectif. D’ailleurs, ce texte a été adopté par l’Assemblée nationale de manière classique, si je puis dire, c’est-à-dire sans application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, grâce au vote de la majorité présidentielle et à l’abstention constructive des groupes Les Républicains, Socialistes et apparentés et Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (Liot).

Ce qui vous est proposé aujourd’hui, c’est une rallonge de 2,5 milliards d’euros.

M. André Reichardt. Un petit mot sur la dette ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Cette rallonge va notamment permettre d’aider 12 millions de ménages à payer leurs factures énergétiques, qu’ils se chauffent au gaz, à l’électricité, au bois ou au fioul. Avec ce texte, nous mettons 1,8 milliard d’euros sur la table pour financer le chèque énergie exceptionnel. Concrètement, c’est un versement de 100 euros ou de 200 euros qui sera effectué d’ici la fin de l’année.

J’en profite pour rappeler que la première loi de finances rectificative a prévu un budget de 230 millions d’euros pour aider les ménages qui se chauffent au fioul. Cette aide commence à être versée, elle se traduit par l’attribution d’un chèque de 200 euros pour les ménages déjà bénéficiaires du chèque énergie et de 100 euros pour les ménages des troisième à cinquième déciles.

Il y avait un angle mort : les ménages qui se chauffent au bois. Il fallait corriger cela, car ils sont quand même 3,4 millions dans notre pays. C’est la raison pour laquelle nous avons travaillé avec l’ensemble des groupes politiques de l’Assemblée nationale pour mettre en place une aide exceptionnelle pour les ménages qui utilisent le bois comme mode de chauffage.

Au-delà des 230 millions que nous avons ainsi débloqués pour alléger la facture d’une partie de nos compatriotes, nous voulons également – je le dis avec fermeté – lutter contre l’opacité du marché du bois de chauffage et les comportements spéculatifs qui nuisent à des ménages qui sont déjà parfois en grande difficulté.

Ce texte finance un autre choix que nous avons fait depuis le 1er avril : celui de soutenir les automobilistes.

Vous le savez, la Première ministre avait annoncé une prolongation jusqu’à la mi-novembre de la ristourne de 30 centimes par litre pour tenir compte du blocage des raffineries et des difficultés d’approvisionnement dont ont pâti nos compatriotes. Cette prolongation de deux semaines a représenté un coût pour nos finances publiques de 440 millions et ce PLFR permet d’en assurer le financement.

Depuis ce matin et jusqu’au 31 décembre, cette remise à la pompe est réduite à 10 centimes par litre comme nous l’avions annoncé.

Pour autant, 2023 ne sera pas synonyme d’un arrêt brutal du soutien apporté aux automobilistes. Nous avons toujours dit que cette ristourne à la pompe avait vocation à être temporaire et mieux ciblée, parce qu’elle coûte très cher aux finances publiques : sur l’année 2022, elle aura coûté 8 milliards d’euros, soit 30 millions par jour ! L’équivalent du budget du ministère de la justice…

Or ce dispositif n’est pas ciblé sur les Français qui en ont le plus besoin, en particulier ceux qui doivent utiliser leur véhicule pour aller travailler et ceux dont les revenus sont modestes. Qui plus est, ce dispositif finance, aux frais du contribuable français, le plein de personnes qui résident dans des pays voisins de la France… (Exclamations sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

Nous assumons d’avoir pris cette mesure,…

M. François Bonhomme. On ne dirait pas !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. … il était nécessaire de le faire en raison de l’urgence à soutenir les Français. En moyenne, un automobiliste français aura économisé, grâce à cette mesure, 120 euros sur son essence, auxquels on peut ajouter 40 euros pour ceux qui se ravitaillent dans des stations de TotalEnergies.

Nous devons continuer de soutenir les Français, mais nous devons concentrer notre effort sur ceux qui travaillent et qui ont besoin de leur voiture. Le Président de la République l’a dit, un dispositif ciblé sur ces travailleurs sera mis en place.

Vous le voyez, ce PLFR est un texte dont les mesures contribueront à améliorer le quotidien de nos compatriotes dans ces moments difficiles.

C’est aussi un texte de soutien aux opérateurs de l’État face à l’envolée des prix de l’énergie – je pense notamment aux universités, aux établissements de recherche et aux centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous).

Nous avons prévu une enveloppe de 275 millions d’euros, immédiatement débloquée au bénéfice des opérateurs du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous savons – ma collègue Sylvie Retailleau en a parfaitement conscience – que certaines universités sont tentées de privilégier l’enseignement à distance cet hiver afin de limiter leurs factures de chauffage et d’éclairage. Pour notre part, nous préférons des amphithéâtres remplis et éclairés, même si cela mobilise de l’argent public de manière ponctuelle.

Dans la même logique, ce PLFR prévoit l’ouverture de crédits – 200 millions d’euros – pour les frais de carburant exceptionnels du ministère des armées. Cette enveloppe est notamment destinée à nos opérations extérieures et vous me permettrez, à cet instant de nos débats, de rendre hommage à l’engagement et au dévouement de nos soldats.

Ainsi, 2,5 milliards d’euros sont mis sur la table pour aider les Français et certains opérateurs de l’État à faire face au choc énergétique.

Mais, avec ce texte, il ne s’agit pas seulement de parer à l’urgence, il s’agit aussi de procéder à un certain nombre d’ajustements de fin de gestion avec le souci permanent de tenir les comptes publics.

De manière globale, les ouvertures de crédits auxquelles nous procédons pour assurer de nouvelles dépenses, de l’ordre de 5 milliards d’euros, sont compensées par des annulations de crédits d’un montant identique. Autrement dit, nous vous présentons aujourd’hui un texte d’équilibre budgétaire, hors dépenses exceptionnelles liées à la crise de l’énergie – les 2,5 milliards d’euros dont je vous ai parlé. Je veux insister sur ce point : hors ces dépenses exceptionnelles, les ouvertures de crédits sont entièrement compensées par des annulations.

La principale de ces ouvertures de crédit, à hauteur de 2 milliards d’euros, permet de poursuivre le développement de la formation professionnelle et de l’apprentissage.

Ce sont ainsi 2 milliards d’euros de crédits que nous ouvrons pour financer France compétences…

M. François Bonhomme. Ce n’est pas la première fois !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. … afin d’aider chaque Français à construire son avenir professionnel.

Ces 2 milliards d’euros sont la traduction du formidable défi que nous sommes en train de relever sur l’apprentissage après des années où nous avions fini par croire que cela était impossible.

Pour autant, je n’ignore pas les critiques qui ont été formulées ici, notamment lors de mon audition devant votre commission des finances. Nous avons eu ce débat au moment du premier PLFR qui a déjà permis d’ouvrir de nouveaux crédits pour France compétences. Nous devons évidemment continuer de demander à France compétences de réaliser des économies structurelles pour revenir à l’équilibre budgétaire – le projet de loi de finances (PLF) pour 2023 contient des mesures très fortes allant dans ce sens.

Autre ouverture significative de crédits : 1,1 milliard d’euros pour la mission « Défense » afin de financer le soutien militaire que nous apportons à l’Ukraine.

Dernière ouverture de crédits que je souhaite mentionner dans ce propos liminaire : celle de 450 millions d’euros pour prolonger le financement des mesures d’indemnisation des crises agricoles survenues cette année. Nos agriculteurs ont été particulièrement sinistrés, que ce soit à cause de la sécheresse ou de la grêle.

En contrepartie, nous procédons à des annulations de crédits d’un montant équivalent qui ont pour effet de couvrir intégralement les ouvertures que je viens de présenter. J’imagine que nous aurons l’occasion d’y revenir durant ce débat.

Je vous disais que notre premier objectif est d’aider l’économie française à absorber le choc.

Le deuxième, également très important, parce qu’il y va de notre souveraineté, donc de la protection des Français dans les années à venir, est de tenir nos comptes, conformément aux engagements que nous avons pris vis-à-vis de nos partenaires européens et des Français.

Je le disais, hors dépenses exceptionnelles liées à la crise de l’énergie, nous vous présentons aujourd’hui un texte sans ouverture nette de crédits.

Notre pays, malgré les aléas, ne cède pas un pouce de terrain au laisser-aller budgétaire. Cette trajectoire est conforme à ce que le Président de la République a annoncé durant la campagne présidentielle : une réduction progressive de notre déficit public pour revenir sous les 3 % d’ici à 2027. Le déficit public était de 8,9 % en 2020, il est passé à 6,5 % en 2021, il sera très légèrement en dessous de 5 % en 2022 et nous avons l’ambition, je le redis, de le ramener sous les 3 % d’ici à 2027.

M. François Bonhomme. Présenté comme ça…

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Nous tiendrons cette trajectoire de sérieux, qui n’a rien à voir avec l’austérité, en 2023 et les années suivantes, afin d’assurer la stabilisation de la dette…

M. André Reichardt. C’est la première fois que le mot est prononcé !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. … et le retour du déficit sous la barre des 3 %.

Je sais que la majorité sénatoriale souhaite que nous allions plus loin ou plutôt que nous allions plus vite dans la consolidation des finances publiques. Nous avons déjà eu ce débat à plusieurs reprises et nous en discuterons encore ensemble dans les prochaines semaines.

Au moment où la croissance ralentit, notamment en Europe, nous devons prêter attention à une baisse de la dépense publique qui serait trop brutale : cela pourrait avoir des effets procycliques. Tirons les leçons des politiques conduites après la crise de 2008-2010 – il ne s’agit pas de remettre en question la gestion de l’époque, mais chaque gouvernement apprend des expériences du passé.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, cette rallonge anti-inflation, nous la finançons tout en poursuivant notre objectif de maîtrise des comptes publics. Ainsi, 2022 n’est pas seulement l’année du combat contre la vie chère, c’est aussi l’année du combat pour des comptes bien tenus. Cette maîtrise des comptes est possible grâce à une économie qui résiste et à l’engagement et au travail de chacun.

Avec ce projet de loi de finances rectificative, nous aidons les Français à se chauffer et à se déplacer, nous aidons nos étudiants et nos chercheurs à travailler dans de bonnes conditions, nous poursuivons le financement de la bataille en faveur du plein emploi et nous assumons notre choix de nous tenir aux côtés du peuple ukrainien.

Ces objectifs, je pense qu’une immense majorité des Français les soutient et, parce que les Français n’ont tout simplement pas les moyens d’attendre, il nous revient d’agir au service de l’intérêt de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Yves Détraigne applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le second projet de loi de finances rectificative pour 2022 que l’on qualifie généralement de PLFR de fin de gestion.

Le principal objectif de ce texte est de procéder à divers ajustements, ouvertures et annulations de crédits sur le budget de l’État.

J’y reviendrai, mais en réalité l’examen à l’Assemblée nationale a conduit à aller plus loin, monsieur le ministre, en introduisant aussi cette année des mesures fiscales pérennes, revenant sur une pratique établie depuis 2018.

S’agissant du scénario macroéconomique, le Gouvernement anticipe une croissance du PIB de 2,7 % en 2022, ce qui est conforme à la prévision contenue dans le projet de loi de finances pour 2023 tel qu’il a été déposé à l’Assemblée nationale.

Nous sommes bien loin de la croissance économique que nous attendions lors de l’examen du PLF pour 2022 : environ 4 %. Il est vrai que, depuis, de nombreux chocs sont venus ralentir la progression de l’activité économique – le plus important de ces chocs est évidemment la hausse des prix de l’énergie.

La prévision retenue par le Gouvernement se situe dans la borne haute du consensus des économistes, mais elle ne paraît pas pour autant inatteignable. Le ralentissement de l’activité au troisième trimestre plaide plutôt pour une croissance plus proche de 2,5 %.

En ce qui concerne l’état des finances publiques, le Gouvernement prévoit un déficit de 4,9 % du PIB – je crois savoir que nous serons en fait très proches de 5 % – qui serait donc légèrement plus faible que ce qui était attendu au moment du dépôt du PLF pour 2023.

Illustration de nos échanges lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques, l’ensemble du déficit serait, une nouvelle fois, le fait de l’État, puisque les administrations locales comme les administrations sociales seraient en excédent ou à l’équilibre.

Cette légère amélioration, qui laisse tout de même nos comptes publics dans un état plus que préoccupant, s’explique à la fois par des anticipations de recettes plus importantes en matière de prélèvements sociaux et d’impôt sur le revenu et par des dépenses moindres liées à des économies de constatation.

Avec un peu plus de 172 milliards d’euros, le déficit budgétaire de l’État serait finalement supérieur de 18,5 milliards par rapport à la prévision en loi de finances initiale, mais inférieur de 6 milliards par rapport à la première loi de finances rectificative de cet été.

Lors de l’examen du texte par l’Assemblée nationale, le solde a été dégradé de 474 millions d’euros, principalement par une augmentation des dépenses du budget général.

Dans les grandes masses, l’amélioration de la prévision de déficit par rapport à la loi de finances rectificative s’explique d’abord par la révision à la hausse des recettes nettes et du moindre niveau attendu du prélèvement sur recettes à destination de l’Union européenne.

Mais l’amélioration du solde provient également d’une consommation moindre de crédits reportés, puisque seuls 7,6 milliards d’euros devraient être consommés sur les plus de 23 milliards d’euros qui sont reportés.

Monsieur le ministre, la pratique des reports est de plus en plus courante.

À titre d’exemple, seuls 245 millions d’euros sont annulés sur le programme 134, « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie », mais ce programme dispose toujours de 4,5 milliards d’euros non consommés, car de très importants crédits ont été ouverts en cours d’année pour financer les dispositifs d’aide aux entreprises face à l’inflation et ont été très peu utilisés. Ces crédits vont probablement être massivement reportés sur 2023.

Je l’ai déjà indiqué à plusieurs reprises, comme la Cour des comptes, monsieur le ministre, cette pratique n’est pas satisfaisante : les reports massifs de ce type ne devraient plus être pratiqués.

La commission des finances a d’ailleurs déposé un amendement tendant à supprimer 4 milliards d’euros au titre des participations financières de l’État – cette enveloppe n’aura aucune utilité cette année.

Quoi qu’il en soit, le déficit demeure considérable, puisqu’il serait à peu près identique aux niveaux atteints en 2020 et 2021, soit deux fois plus que celui constaté au cours des années 2011 à 2019.

Le projet de loi de finances rectificative suppose toutefois un niveau exceptionnel de dépenses en fin d’année avec une dégradation de près de 25 milliards d’euros dans les trois derniers mois de l’année. Il est vrai que des dépenses importantes sont prévues au titre, notamment, des mesures de protection contre l’inflation, mais il est bien possible que, une nouvelle fois, des crédits importants demeurent non utilisés à la fin de l’année.

En tout état de cause – j’y reviendrai demain au début de l’examen du PLF pour 2023 qui continue malheureusement sur cette trajectoire –, nous sommes sur une sorte de plateau en termes de déficit – plutôt un abîme, si l’on considère le solde… – dont il est bien difficile de sortir.

Le niveau des recettes ne varie pas de manière fondamentale malgré de bonnes nouvelles qui se poursuivent sur l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu.

Mais comme je l’indiquais à l’instant, ce collectif budgétaire contient aussi cinq articles comprenant des dispositions fiscales dont la portée va au-delà de l’exercice 2022.

L’article 9 E qui concerne la taxe d’aménagement va même jusqu’à modifier un article du code général des impôts qui est également modifié par l’article 7 du projet de loi de finances…

Je ne proposerai pas de remettre en cause la plupart de ces dispositions, dont l’ajout dans ce texte résulte aussi du caractère particulier de l’examen du projet de loi de finances par l’Assemblée nationale…

La commission des finances propose toutefois de supprimer l’article 9 C relatif à la répartition entre les collectivités territoriales et leurs groupements du produit de la composante de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (Ifer) liée aux centrales photovoltaïques. En effet, le sujet de la répartition de cette recette ne peut pas être traité à la va-vite dans un collectif de fin d’année ; c’est un sujet de loi de finances initiale et nous débutons justement son examen demain…