M. André Reichardt. Très bien !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Pour les années à venir, comme nous l’avons prévu en révisant la loi organique relative aux lois de finances, il conviendra de revenir à une séparation nette entre le collectif budgétaire qui ajuste les crédits en fin d’année et le projet de loi de finances qui prépare le budget et les dispositions fiscales de l’année suivante.
Mais c’est bien du côté des dépenses que ce PLFR apporte le plus de modifications avec des ouvertures qui dépassent de loin les annulations.
Les ouvertures de crédits concernent de nombreux programmes du budget général. Ainsi, une subvention à France compétences vient combler une nouvelle fois le puits sans fond de la trésorerie de cet organisme à hauteur de 2 milliards d’euros. Pour autant, l’équilibre financier pérenne de cet opérateur n’est toujours pas assuré. Monsieur le ministre, une trajectoire soutenable pour le financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage doit être trouvée.
Le niveau élevé de l’inflation et plus particulièrement des prix de l’énergie reste l’une des principales causes d’ouvertures de crédits. Il s’agit par exemple du chèque énergie exceptionnel, mais aussi de la prolongation de la remise carburant que vous avez évoquée, monsieur le ministre.
Je me félicite que l’Assemblée nationale ait apporté 40 millions d’euros supplémentaires aux associations d’aide alimentaire, comme le Sénat l’avait fait cet été dans le précédent PLFR.
Un nouveau programme, doté de 1,4 milliard d’euros, doit compenser à la sécurité sociale le coût des dons de vaccins à des pays tiers et aussi lui reverser une partie des sommes reçues de l’Union européenne dans le cadre du plan de relance au titre du volet investissement du Ségur.
Et c’est pour compenser auprès de la sécurité sociale le coût des allégements de cotisations sociales décidés dans le cadre de la crise sanitaire que des crédits à hauteur de 1,3 milliard d’euros sont également ouverts sur la mission « Plan d’urgence », alors même que la loi de finances initiale n’avait rien prévu à ce sujet.
Une autre dépense à noter, que vous avez mentionnée, monsieur le ministre, concerne la mission « Défense » et le soutien apporté à l’Ukraine.
Parallèlement à ces nouvelles dépenses, les annulations correspondent uniquement à des économies de constatation, à hauteur, par exemple, de 2 milliards d’euros sur les appels en garantie de l’État au titre des prêts garantis par l’État (PGE), ou de 1 milliard d’euros sur la mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire », qui sont, pour l’essentiel encore, des crédits reportés de 2021.
S’agissant, enfin, des effectifs, la régularisation opérée par le texte conduit à une hausse de 1081 emplois. Je ne vous cache pas que la commission des finances s’en est étonnée, notamment s’agissant des 53 emplois créés au sein des services de la Première ministre, y compris pour le Conseil national de la refondation, même si le nombre reste symbolique.
En conclusion, la commission des finances propose d’adopter les mesures proposées par le Gouvernement ou votées à l’Assemblée nationale qui vont, à notre sens, dans la bonne direction, qu’il s’agisse du chèque énergie exceptionnel, du doublement du seuil d’imputation du déficit foncier sur le revenu global pour des dépenses de rénovation énergétique, du soutien à l’achat de pellets et de bûches de bois, ou du nouveau dispositif, plus favorable, de MaPrimeRénov’.
Nous proposerons également l’ouverture de deux enveloppes destinées à renforcer les moyens alloués, d’une part, à la réfection des ponts, notamment des petites communes, avec 60 millions d’euros supplémentaires, d’autre part, à la réduction du taux de fuite du réseau d’eau et à l’accélération de sa rénovation. Ce dernier enjeu est crucial et urgent, compte tenu de la sécheresse subie cette année. La commission des finances propose donc un abondement de 100 millions d’euros. Je n’oublie pas France Services, dont le budget sera aussi renforcé.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose d’adopter ce projet de loi de finances rectificative, modifié par les amendements dont nous souhaitons l’adoption. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Christian Bilhac. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons le second projet de loi de finances rectificative pour 2022. Je me dois de vous féliciter, monsieur le ministre.
M. Antoine Lefèvre. Ça commence bien !
M. Christian Bilhac. Je ne sais pas si vous avez emprunté l’hélicoptère bleu ou l’hélicoptère rouge, comme dans la célèbre émission télévisée, mais vous avez remporté la chasse au trésor. (Sourires.) En effet, lorsque l’on examine ce texte, on constate que c’est non pas un trésor, mais deux trésors que vous avez découverts : 5,2 milliards d’euros de recettes supplémentaires, fiscales et non fiscales, ainsi que 3,8 milliards d’euros de crédits non consommés.
Comme je l’ai souligné en commission des finances, à tout prendre, je préfère qu’il y ait des trésors cachés plutôt que des déficits cachés.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il y a les deux ! (Sourires.)
M. Christian Bilhac. Vous avez gagné cette chasse au trésor et nous arrivons à équilibrer ce second PLFR sans faire appel à l’emprunt, ce qui est rare, et en offrant un soutien aux entreprises et aux particuliers qui sont frappés de plein fouet par la crise énergétique. C’est une bonne chose de faire ainsi face à l’urgence, même si je ne suis pas un farouche partisan de la politique du chèque.
Ce PLFR me convient beaucoup mieux que le projet de loi de programmation des finances publiques pour la période de 2023 à 2027, dont j’avais dit qu’il manquait de souffle et d’ambition pour la France.
Toutefois, le contexte géopolitique nous invite à rester prudents sur les prévisions de croissance économique, soit +2,7 % du PIB pour 2022, légèrement plus optimistes que lors de la première loi de finances rectificative, mais inférieures aux +4 % prévus en 2021.
Le Haut Conseil des finances publiques estime que les prévisions de croissance et d’inflation du Gouvernement restent crédibles – « un peu élevées » sans être « hors d’atteinte » –, les niveaux d’inflation et de déficit étant quelque peu sous-estimés. La prévision macroéconomique est décidément un exercice fort aléatoire par les temps qui courent, comme M. le ministre l’a souligné.
Ce PLFR de fin d’exercice majore à l’article 1er la fraction de TVA affectée à la sécurité sociale en 2022 pour garantir la neutralité financière et compenser la baisse des cotisations des travailleurs indépendants prévue par la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.
L’article 3 traduit l’incidence sur l’équilibre budgétaire en 2022 des dispositions du présent PLFR et de la réévaluation des recettes. Le solde budgétaire s’améliore légèrement grâce à la hausse des recettes fiscales – +2,8 milliards d’euros d’impôt sur le revenu ; +2,3 milliards d’euros d’impôt sur les sociétés ; +1,2 milliard d’euros de TVA –, et une baisse de 2,3 milliards d’euros des prélèvements sur recettes. Cependant, le déficit public reste abyssal, à un peu plus de 172 milliards d’euros.
L’article 4 présente 6,3 milliards d’euros de nouvelles autorisations d’engagement et crédits de paiement pour le budget général de l’État. Les principaux secteurs bénéficiaires sont l’agriculture, avec 449 millions d’euros, la défense, avec un peu plus de 1 milliard d’euros, l’écologie, avec 1,5 milliard d’euros, les remboursements et dégrèvements, avec 2,6 milliards d’euros, la santé, avec 1,3 milliard d’euros, et le travail et l’emploi, avec 2 milliards d’euros.
Des rallonges budgétaires ont été votées par l’Assemblée nationale : 100 millions d’euros pour la défense, 260 millions d’euros pour l’écologie, dont l’aide pour le bois de chauffage et le nouveau dispositif MaPrimeRénov’. D’autres mesures concernent la Corse, les associations d’aide alimentaire, avec 40 millions d’euros, ou encore l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau.
L’article 6 prévoit 439 millions d’euros en autorisations d’engagement et 442 millions d’euros en crédits de paiement, principalement pour les avances aux collectivités territoriales.
Quant à l’article 7, il prévoit 907 équivalents temps plein d’autorisations d’emplois de l’État pour renforcer les dispositifs de lutte contre les violences intrafamiliales et la justice de proximité.
Enfin, l’article 9 concerne les chèques énergie, lesquels ont bénéficié à 5,8 millions de ménages et se déclinent désormais dans de nouvelles modalités d’attribution, qui viseront plus particulièrement ceux qui travaillent.
Comme je l’ai souligné, malgré le déficit important, je me prononcerai pour ma part par un vote favorable, même si, je le répète, la politique du chèque n’est pas ma tasse de thé – si vous m’autorisez l’expression –, car je la considère comme infantilisante. Toutefois, c’est l’urgence qui commande. Quant au groupe RDSE, comme à l’accoutumée, il s’exprimera en fonction de la teneur des débats, mais il votera, je pense, majoritairement en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. Franck Menonville et Jean-Marie Mizzon applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Bazin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Arnaud Bazin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, un PLFR de fin de gestion est un exercice classique, avec quelques ajustements suscitant peu d’intérêt. Celui-ci ne déroge pas à cette habitude, à quelques détails près…
Tout d’abord, nous constatons une dépense nouvelle de près de 2,5 milliards d’euros pour faire face à la hausse des prix de l’énergie, grâce à un chèque énergie exceptionnel, bien peu exceptionnel, tant cette année d’élection présidentielle aura été l’année des chèques. Ainsi, 12 millions de foyers, sur le critère du revenu fiscal, seraient concernés. Ce dispositif, bricolé dans l’urgence, ne fait aucune différence, à revenu égal, entre le locataire d’un logement social bien isolé et chauffé à l’électricité – on estime à 15 % l’augmentation de sa facture sur une base de consommation faible –, et le propriétaire d’une passoire thermique chauffée au fioul, qui connaîtra au moins 50 % d’augmentation, sur une base élevée. Certes, la recherche d’équité est difficile, mais on touche là aux limites de l’exercice du chèque.
On peut en dire autant de la prolongation de la remise sur le carburant pour deux semaines supplémentaires, qui coûtera 440 millions d’euros.
Inquiétante également est la rallonge de 2 milliards d’euros consentie à France compétences. Elle survient en effet après une première rallonge du même montant dans le premier PLFR et précède un effort d’encore 2 milliards d’euros annoncé dans le PLF 2023, qui s’ajoute aux 3,5 milliards d’euros en supplément pour l’augmentation des contrats d’apprentissage.
Si l’on peut apprécier l’effort en faveur de l’alternance, on ne peut en revanche que s’alarmer de ces 6 milliards d’euros, qui correspondent à des besoins de trésorerie urgents de France compétences.
Sachant qu’un tiers des dépenses de cet organisme est relatif à la formation, et considérant le catalogue parfois surprenant de ces formations, je crois qu’il y a là matière à contrôle parlementaire.
Les autres dépenses sont plus légitimes : activité opérationnelle des forces armées, aides aux agriculteurs, équipements militaires de l’Ukraine, pour un total global de 7,5 milliards d’euros de dépenses nouvelles.
En regard, il y aurait 5 milliards d’euros d’annulations de crédits, notamment 2 milliards d’euros au titre des PGE et 500 millions d’euros au titre des dépenses accidentelles, dont nous avions dit qu’elles étaient surestimées.
Voilà pour le texte, mais c’est le contexte qui me paraît le plus intéressant. Nous devrions terminer l’année 2022, certes en amélioration par rapport à l’estimation initiale, mais avec un solde négatif de près de 165 milliards d’euros, soit l’équivalent de plus de la moitié des recettes de fonctionnement. Et alors que le déficit représente 4,9 % du PIB, il est aux trois quarts de nature structurelle.
Pour la même année 2022, l’Allemagne enregistrera un déficit de 2,6 %, soit presque deux fois moins que nous ; dans les États de l’Union européenne, il atteindra en moyenne 3,8 % du PIB. Nous aurons donc, cette année encore, l’un des pires déficits en Europe.
Pourtant, avec un taux de 52,8 % du PIB, nous avons le niveau de prélèvements obligatoires le plus élevé des 38 pays de l’OCDE – en compagnie de la Finlande et du Danemark, il est vrai. Cela porte à relativiser le discours triomphaliste du Gouvernement en la matière.
Comment peut-on parvenir à un tel déficit quand on a un taux si élevé de prélèvements obligatoires ? En laissant filer les dépenses publiques, bien sûr ! Celles-ci augmentent, même diminuées des dépenses exceptionnelles.
Le taux de dépense publique en France, en 2022, demeure plus important qu’en 2012, 2017 et 2019. Il est surtout le plus élevé de l’Union européenne.
A contrario des administrations de l’État, les collectivités territoriales ont pour leur part, et comme toujours, joué le jeu de la maîtrise de la dépense publique, puisque, en 2022, le déficit des administrations publiques locales est égal à zéro et ce, sans système de contrainte. Cela n’a pas empêché le Gouvernement de prévoir contraintes et sanctions à l’article 23 du récent projet de loi de programmation des finances publiques, heureusement supprimé par notre assemblée, mais qui reviendra, hélas, dans le PLF 2023, sous forme d’un article 40 quater.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Sénat a exigé que l’État fasse autant d’efforts que ceux qu’il demande aux collectivités, en alignant les deux trajectoires budgétaires dans la loi de programmation des finances publiques.
Le fonctionnement courant de notre État est donc financé par la dette de la France, l’une des plus élevées de l’Union européenne.
En 2012, à la fin du quinquennat Sarkozy, notre pays avait un endettement de 90,6 % du PIB, exactement dans la moyenne de la zone euro, qui était de 90,7 %. En 2022, à la fin de cette année, après les quinquennats Hollande et Macron, la France a un endettement de 111,5 % du PIB, contre 95 % dans la zone euro. L’Allemagne, quant à elle, est à 66 % !
Si, en face de ces records, très négatifs, bien évidemment, en matière de dette, de dépenses publiques, de prélèvements obligatoires, nous constations un faible taux de chômage, une vraie réindustrialisation, avec une balance de commerce extérieur favorable grâce à l’investissement, des services publics de bon niveau concourant au bien-être quotidien des Français, peut-être verrions-nous ces chiffres d’un autre œil.
Mais, là aussi, le diagnostic est sombre.
Certes, le chômage a baissé depuis 2017, mais il reste supérieur à la moyenne européenne, avec un taux de 7,1 % en septembre 2022, contre 6,6 % dans l’Union européenne, et 3 % en Allemagne. Et encore cette baisse est-elle en partie due à la mise en formation de nombreux demandeurs d’emploi.
Alors qu’il semble que six acteurs économiques sur dix éprouvent des difficultés sévères, voire dramatiques de recrutement, que des centaines de milliers de postes sont vacants dans de très nombreux secteurs, y compris dans l’emploi public, nous comptons quasiment 3 millions de chômeurs de catégorie A.
Enfin, le déficit commercial bat tous les records et dépassera probablement 200 milliards d’euros au 31 décembre 2022. Il avait déjà atteint plus de 143 milliards d’euros entre les mois de janvier et septembre dernier. En 2021, un nouveau record avait pourtant été établi à 110 milliards d’euros, quand l’Allemagne engrangeait un excédent de 179 milliards d’euros.
Quant aux services publics, leur état est peut-être encore plus préoccupant que les chiffres calamiteux des indicateurs des finances publiques.
Si l’on hésite sur le sort de l’hôpital, c’est qu’on ne sait pas trop dire s’il a déjà craqué ou s’il va craquer incessamment. La médecine de ville n’est guère en meilleur état : les territoires où la couverture des besoins en médecins généralistes est correcte – je ne parle même pas des spécialistes – sont de rares îlots dans une France de déserts médicaux.
Les ministères et leurs administrations sont tellement efficaces qu’il a fallu, en 2021, recourir à des cabinets de conseil pour éclairer les choix stratégiques, pour un montant supérieur à 1 milliard d’euros. Pour l’éducation nationale, moins d’élèves et plus de dépenses aboutissent quand même à une constante dégradation du niveau de notre jeunesse dans les classements internationaux.
M. Gérard Longuet. C’est vrai !
M. Arnaud Bazin. Quant aux services publics décentralisés, ils ont été réduits comme peau de chagrin. L’usager voudra bien s’en remettre au numérique, s’il le peut et quand celui-ci fonctionne, ou bien alors trouver une maison France Services, financée aujourd’hui en partie aux frais des collectivités territoriales et qui le sera sans doute demain en totalité.
Pourtant, ce PLFR, dans son article 7, augmente le plafond d’emplois : plus de 900 équivalents temps plein annuel travaillé (ETPT) pour l’État, plus de 170 pour ses opérateurs.
Plus de fonctionnaires, une masse salariale qui augmente en 2022 et toujours moins de services dans nos territoires ! Le PLF 2023, que nous examinerons dès demain, va poursuivre et amplifier ces mouvements,…
M. Antoine Lefèvre. Eh oui !
M. Arnaud Bazin. … amplifier la dette publique, avec 2 800 milliards d’euros, soit 42 000 euros par Français et amplifier le recours à l’emprunt, puisque nous serons à 270 milliards d’euros, dont 57 milliards d’euros pour le service de la dette.
Ce bilan aurait dû sonner comme une alarme pour le Gouvernement, mais il n’en est rien.
Mes chers collègues, quand nous regardons la situation, nous nous désolons, et quand nous nous comparons avec nos voisins, la désolation est encore plus complète, à la lumière des quelques chiffres que je viens d’exposer. En outre, l’hiver arrive… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Franck Menonville. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi le dernier projet de loi de finances rectificative pour 2022, du moins l’espérons-nous.
Certes, ce texte remplit sa mission de collectif budgétaire de fin de gestion, mais il contient également plusieurs mesures nouvelles.
Les principales sont dictées par l’urgence de la situation que nous vivons et concernent l’inflation. Elles visent principalement à atténuer les coûts liés à la hausse des prix de l’énergie. C’est notamment le cas du chèque énergie exceptionnel, d’un montant de 100 ou 200 euros, qui sera versé aux ménages les plus modestes. Ce dispositif est bienvenu, car il permet de mieux cibler les efforts budgétaires sur ceux qui en ont le plus besoin en complétant les dispositifs mis en place antérieurement.
Force est de constater que l’inflation ne frappe pas tous les Français avec la même intensité. Elle pénalise les ruraux plus que les urbains, et les publics précaires proportionnellement plus que les classes favorisées. En effet, la part du coût de l’énergie dans le revenu disponible des plus précaires est plus élevée que pour le reste de la population. Nous devons donc concentrer nos efforts sur les ménages les moins favorisés.
Il importait également que ce dispositif concerne bien toutes les sources d’énergie. C’est pourquoi la création d’une aide de 230 millions d’euros pour les ménages se chauffant au bois, avec des pellets ou des bûches, calquée sur le chèque exceptionnel fioul, est une avancée que je soutiens pleinement. En complément, j’ai proposé un amendement pour étendre le bénéfice du taux de TVA réduit aux pellets, aux granulés bois et aux plaquettes.
Le prolongement de la ristourne sur le carburant à la pompe permet aussi de répondre aux préoccupations des Français qui subissent de plein fouet la hausse des prix. En effet, même si ce dispositif n’est pas ciblé, puisqu’il n’est pas soumis à des conditions de ressources, il vise avant tout ceux de nos compatriotes qui n’ont d’autre choix que de prendre leur voiture. Cette mesure évite la complexité d’un accès sous conditions et s’adresse prioritairement à la ruralité. C’est un facteur de cohésion sociale en ces temps de forte inflation.
Néanmoins, nous avons déjà pu constater plusieurs formes de détournement de cette mesure. C’est particulièrement le cas dans le Grand Est, où nous voyons de nombreux transfrontaliers, Belges, Luxembourgeois, Allemands ou Suisses venir en France pour bénéficier des prix réduits grâce aux impôts des Français. Nous devons y remédier en ciblant mieux ces aides.
À cet égard, nous saluons le dispositif « gros rouleur ». Si ses contours ne sont pas encore complètement précisés, il semble mieux répondre aux impératifs de justice sociale et d’efficacité budgétaire.
Il importe que nos dispositifs ciblent davantage les travailleurs. Dans notre département de la Meuse, cher Gérard Longuet,…
M. Gérard Longuet. Eh oui !
M. Franck Menonville. … 82 % d’entre eux prennent leur voiture pour aller travailler. C’est à eux qu’il faut s’adresser. Nous devons rassurer les Français sur notre volonté de mieux valoriser le travail. J’y insiste, la flambée des prix de l’énergie fragilise nos concitoyens qui doivent prendre chaque jour leur voiture pour se rendre à leur travail, en particulier dans les territoires ruraux.
Ce PLFR a aussi été enrichi de plusieurs propositions de l’Assemblée nationale. Nombre d’entre elles nous semblent pertinentes, comme les ajustements apportés au dispositif MaPrimeRénov’, ou encore l’extension de l’exonération permanente de taxe foncière pour les bâtiments ruraux affectés à un usage agricole.
Je pense également à la réforme de l’Ifer pour le photovoltaïque au bénéfice des communes. Cette mesure reprend une proposition que notre groupe défendait depuis plusieurs années. Certes, elle n’a sans doute pas sa place dans un PLFR, mais j’espère qu’elle pourra rapidement être mise en œuvre. En effet, la territorialisation des recettes fiscales renforcera l’acceptabilité locale des énergies renouvelables.
Notre groupe salue l’augmentation des effectifs du ministère de la justice,…
M. Antoine Lefèvre. Le nôtre aussi !
M. Franck Menonville. … en espérant que cela améliore l’efficacité et la célérité de la réponse judiciaire sur l’ensemble du territoire national. C’est une forte et légitime attente de nos concitoyens.
Néanmoins, d’autres augmentations interrogent. Toutes ne répondent pas à une urgence, et devraient plutôt être intégrées au PLF.
Au-delà de ces réserves, et pour l’essentiel des dispositions, nous considérons que ce texte va dans le bon sens et permettra de renforcer le pouvoir d’achat des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Sébastien Meurant applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Breuiller. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Daniel Breuiller. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au risque de vous surprendre, permettez-moi de démarrer ce propos par des félicitations adressées au Gouvernement. Ce PLFR de fin d’année contient des mesures pour soutenir les ministères les plus touchés par l’envolée des prix, et c’était important qu’il en soit ainsi.
Je souligne plus précisément les 275 millions d’euros pour aider les universités et les opérateurs de recherche à payer leurs factures énergétiques. Il contient aussi un nouveau chèque énergie bienvenu, qui cible les ménages les plus modestes, et des avancées que l’on doit au travail parlementaire, preuve de son utilité : 230 millions d’euros d’aides pour les ménages qui utilisent du bois domestique comme source de chauffage, le soutien à la filiale presse et médias ou encore la dotation exceptionnelle pour la Corse, le soutien aux agriculteurs victimes de la sécheresse et l’aide à l’Ukraine.
Cela étant dit, et bien que M. le ministre n’ait pas écouté mes compliments (Sourires.), j’aborde maintenant les critiques. Ce PLFR nous interroge à plusieurs égards, notamment sur les prévisions de recettes de TVA, qui subissent, selon vos dires, une « moindre hausse », mettant en évidence une faille dans votre stratégie, puisque vous prévoyiez de financer l’audiovisuel public et de compenser la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises CVAE aux collectivités locales par une fraction de TVA.
Les boucliers tarifaires sont utiles pour panser les plaies face aux multiples crises que nous traversons, mais ils sont inefficaces, coûteux et même inéquitables face à la bifurcation écologique, urgente et nécessaire.
On en trouve une première illustration concrète dans la prolongation de la remise de 30 centimes d’euros sur le litre d’essence pour quinze jours, qui coûtera 440 millions d’euros. Elle correspond, d’après une étude du Conseil d’analyse économique, à 18,50 euros d’aide mensuelle pour les derniers déciles, contre 9,50 euros pour les premiers déciles.
S’il est évident qu’il faut soutenir les travailleurs de l’aide à domicile, qui vont de village en village et utilisent leur voiture toute la journée, pourquoi subventionner toujours plus celles et ceux qui partent en week-end en SUV ? Et pourquoi faire porter cet effort uniquement par le budget de l’État, quand les pétroliers dégagent des profits indécents ? (Mme Nathalie Goulet approuve.)
Pis encore, cette mesure d’urgence va à l’encontre d’une autre urgence, vitale celle-là : réduire notre dépendance aux énergies fossiles. Vous auriez pu réserver l’aide à ceux qui n’ont pas d’autre choix que de prendre leur voiture et reprendre à votre compte une mesure proposée par la Convention citoyenne pour le climat, une mesure efficace, immédiatement applicable, simple à mettre en œuvre, peu coûteuse pour l’État et bénéfique pour tous les automobilistes, même si tous ne la respecteraient pas, à savoir le passage à 110 kilomètres par heure sur l’autoroute. (M. Jean-Claude Requier s’exclame.)
Eh oui, la lenteur mérite un éloge, mon cher collègue…
Ciblez, monsieur le ministre, aidez ceux qui n’ont pas le choix et appelez la contribution de ceux qui accumulent dividendes et biens.
Comme seconde illustration, je prendrai la situation dans laquelle sont placés les élus locaux.
Vous proposez, et c’est une bonne chose, un amortisseur électricité, qui permettra de faire un peu mieux face à la crise – sous réserve que Bercy ne fasse perdre à personne le droit au bouclier énergétique, à la faveur d’un système bien complexe dont il a le secret –, mais vous placez les maires, dont nous sommes nombreux dans cet hémicycle à connaître les responsabilités, dans une situation intenable. Même ceux qui dégagent de l’autofinancement et font donc figure de bons élèves ne savent plus par quel bout prendre l’augmentation des dépenses pour les fournitures, pour l’alimentation destinée aux personnes âgées isolées, aux bébés dans les crèches, aux enfants dans les cantines, pour le chauffage des équipements culturels ou sportifs, et enfin, pour la hausse du point d’indice des fonctionnaires, pourtant bienvenue.
Les maires doivent prendre des décisions, qu’ils savent parfois injustes, voire contradictoires avec leurs engagements pour le service public de proximité. Ils le font avec courage et sens des responsabilités. Or le Gouvernement les dénonce… Nous l’avons encore vu tout à l’heure, lors des questions d’actualité au Gouvernement, où vous avez attaqué Mme Hidalgo, monsieur le ministre, alors que des centaines, voire des milliers de maires, devront eux aussi augmenter les taux d’imposition.
La DGF n’est pas une subvention, mais une dotation pour services rendus. Indexez-la sur l’inflation, renoncez à la suppression de la CVAE et imposez un tarif réglementé de l’énergie pour toutes les collectivités. Je présenterai des amendements en ce sens.
Les élus des collectivités sont assez intelligents pour prévoir et décider en responsabilité. Il faut toutefois leur donner la possibilité de s’adapter face aux événements extérieurs qui les frappent.
Anticipation et adaptation sont nécessaires pour tous. Il ne s’agit plus de répondre à l’urgence dans l’urgence, encore moins par de petits pas, mais de faire en sorte que chaque décision ponctuelle porte en elle les choix de la résilience durable. À l’issue de la COP27, le Président de la République sera une fois encore dos au mur. Il doit agir concrètement et fortement pour la transition écologique et sociale. Le saupoudrage, les mesures ponctuelles ne suffisent plus. Il faut accélérer pour organiser la résilience de notre pays. Ce PLFR, hélas, ne procède toujours pas de cette logique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – MM. Patrick Kanner et Julien Bargeton applaudissent également.)