Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il aura fallu, nous dit-on, une pandémie mondiale pour estomper les égoïsmes nationaux incarnés par les pays dits « frugaux ».
L’accord faussement historique du plan de relance européen, entre autres cérémonies d’autosatisfaction, empêche de prendre la mesure de la crise qui traverse l’Europe. Opposant les plus frugaux aux moins frugaux, le débat se mène entre frugaux : « ceux qui en rêvent peuvent l’oublier », a ainsi répondu, d’un ton définitif, la Première ministre de la Finlande, Mme Sanna Marin, à ceux qui plaidaient pour la conception d’un plan de relance renforcé. Les frugaux donnent le la, la France semble subir.
La contribution française pour l’année 2022 s’élève à 26,4 milliards d’euros, soit un quart de plus qu’en 2014, à périmètre constant. Les États membres se trouvent traversés par des désaccords sur les orientations politiques et sur les moyens qu’ils sont prêts à concéder. Ces divergences engendrent confusions, renonciations et tentatives de justifications a posteriori.
J’en veux pour preuve trois problématiques récentes.
Premièrement, on a beaucoup répété, à tort et à travers, le chiffre de 750 milliards d’euros, qui aurait été arrêté pour le plan Next Generation EU. Mais il manquait des précisions importantes. À l’origine, il devait s’agir de 500 milliards d’euros de dotations budgétaires, conformément à l’initiative franco-allemande, auxquels s’ajoutaient 250 milliards d’euros de prêts aux États membres. Finalement, le montant des crédits budgétaires a presque diminué d’un tiers, majorant d’autant la part des prêts. En outre, on exige en échange de ces crédits des contrôles et des contreparties aux finalités diamétralement opposées à celles du plan. Par conséquent, la Commission pourra conditionner, voire bloquer, l’attribution des crédits sur la base d’une liste très importante de critères.
Deuxièmement, la France a reçu mi-août, au titre des préfinancements de son plan de relance, un premier versement de 5,1 milliards d’euros, qui a été salué sur Twitter par la présidente von der Leyen elle-même, ainsi que par plusieurs ministres français. Mais les crédits se font rares, ils arrivent au compte-gouttes ! Seuls 12 % des 40 milliards promis ont été versés. Aucune opération de communication cette fois-ci : il faut aller chercher la page 44 du dernier projet de loi de finances rectificative pour apprendre que la France renonce à percevoir cette année 4,9 milliards d’euros !
Or une telle lenteur dans le versement des crédits pourrait s’avérer extrêmement dommageable dans un contexte de relance. Bénéficierons-nous de ces crédits, ou bien devrons-nous y renoncer ? Tablons-nous toujours sur 40 milliards, monsieur le secrétaire d’État, ou bien avez-vous revu vos estimations à la baisse ? Ce sont des questions légitimes, même si l’artifice de communication selon lequel on aurait véritablement besoin de ces crédits pour financer la relance en France n’a pas tenu longtemps. Le plan de relance français se déroule sans ces crédits, sans que cela semble poser le moindre problème de financement. Nous maintenons cette appréciation.
Troisièmement, le rendez-vous est fixé à 2028 pour le début du remboursement. Les budgets nationaux risquent d’être mis à contribution si les États membres rechignent, comme c’est le cas, semble-t-il, à doter l’Union européenne de nouvelles ressources propres ; plusieurs orateurs ont déjà évoqué ce problème. La France aurait ainsi à s’acquitter de 2,5 milliards d’euros chaque année, pendant trente ans. La France est pourtant contributrice nette du plan de relance européen, à hauteur de 35 milliards d’euros : ces remboursements seraient donc difficiles à expliquer à nos concitoyens, même si la solidarité au sein de la zone euro est importante.
Le Président de la République, qui avait pourtant indiqué à plusieurs reprises – M. Fernique vient de le rappeler – que la France s’opposait à « tous les chèques, toutes les ristournes, tous les rabais », a finalement perdu tous les arbitrages contre les frugaux, par manque de courage politique et à cause de la marginalisation de la France sur la scène européenne, malgré une mise en scène rondement menée.
La présidence française du Conseil de l’Union européenne, dont on ne sait pas grand-chose à l’heure qu’il est, sera elle aussi entravée par les frugaux tant que le Président ne résoudra pas un paradoxe majeur : il lui faut porter la conquête sur de nouvelles ressources européennes, alors même qu’il se refuse à entendre parler de nouvelles recettes dans son propre pays ! (Mme Céline Brulin applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Michel Arnaud. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article 18 de ce projet de loi de finances porte sur la contribution de la France au budget de l’Union européenne. Ce prélèvement opéré sur les recettes du budget de l’État, dont le montant représente actuellement 26,4 milliards d’euros, auxquels il faut ajouter les droits de douane, constitue l’élément essentiel de la participation française au budget européen.
Avant toute chose, je tiens à remercier Jean-Marie Mizzon, notre rapporteur spécial, pour la qualité du travail qu’il a accompli.
Le budget de l’Union européenne pour l’année 2022 s’élève à 169,4 milliards d’euros, hors paiements au titre de la réserve d’ajustement au Brexit. Les crédits de paiement augmentent de 2 % par rapport à 2021, en raison notamment d’une montée en puissance de nouveaux programmes d’investissement, de santé et d’action extérieure. Nous pouvons nous féliciter que les priorités fixées au sein du cadre financier pluriannuel 2021-2027 soient respectées. À la différence des exercices précédents, le nouveau cadre verra certains programmes bénéficier de financements complémentaires non négligeables.
À titre personnel, alors que l’année 2022 a été décrétée Année européenne de la jeunesse, je tiens à saluer l’augmentation des crédits alloués au programme Erasmus+, qui demeure l’un des dispositifs les plus connus et appréciés de nos concitoyens, notamment des plus jeunes d’entre eux.
Pour en revenir à la participation de la France au budget européen, celle-ci se caractérise par une relative stabilité, justifiée par la contribution accrue de Londres au titre de ses obligations financières post-Brexit et par l’accroissement des droits de douane, qui est directement lié au rebond économique de notre pays.
Ces données ne doivent pas occulter trois facteurs politiques et économiques favorisant la hausse systématique, voire systémique, de la contribution française par rapport au cadre financier pluriannuel précédent : l’absorption budgétaire du départ du Royaume-Uni, mais aussi les difficultés à analyser l’impact de la nouvelle taxe plastique en 2021, ainsi que les différents rabais, auxquels il a déjà été fait allusion, négociés par cinq États membres – l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suède, l’Autriche et le Danemark.
Ce dernier point doit évidemment faire l’objet d’une attention toute particulière. À une époque où l’idée de solidarité européenne est brandie à tout-va, ces dérogations budgétaires tendent toujours à favoriser la défiance, voire la mésentente, entre États membres.
Aussi le budget pour 2022 s’accompagne-t-il d’un lot de défis à relever.
Pour commencer, comme cela a été réaffirmé à plusieurs reprises, y compris en commission des finances le 27 octobre dernier, l’instauration de nouvelles ressources propres est un impératif absolu.
Qu’il s’agisse d’une redevance numérique, d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ou d’une taxe sur les transactions financières, les négociations doivent reprendre et aboutir. Les pistes de réforme étudiées à l’échelle de l’OCDE ne sont pas incompatibles avec des travaux menés au niveau européen. Ce point est d’autant plus crucial que les produits des nouvelles ressources propres serviront à financer le plan de relance européen Next Generation EU. Si des avancées en matière de stabilité financière ont été réalisées – je pense notamment à la révision du mécanisme européen de stabilité –, la question budgétaire ne doit pas être en reste.
Par ailleurs, l’annonce en juillet dernier d’un objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne d’ici à 2030 doit se traduire par l’affectation d’une partie des nouvelles ressources propres à un fonds social pour le climat.
Bien que cette initiative soit louable, je partage l’appel à la vigilance énoncé en commission par notre rapporteur spécial. En effet, les futures ressources propres vont servir à la fois à financer le plan de relance et à alimenter ce fonds : une même ressource pour deux objectifs. La volonté d’atteindre nos idéaux ne doit pas se faire au détriment d’une forme de réalisme ! Ainsi la Haute Assemblée doit-elle se montrer attentive à la viabilité budgétaire et financière tant du remboursement des emprunts contractés dans le cadre du plan de relance européen que de nos ambitions climatiques.
Enfin, mes chers collègues, je veux également attirer votre attention sur la hausse structurelle du reste à liquider, symptôme d’un allongement du délai entre l’engagement des dépenses et leur paiement. Si l’existence d’un reste à réaliser s’avère banale, son caractère excessif met en lumière les difficultés inhérentes à la mobilisation sur le terrain des fonds européens.
Comme tout élu local – nous sommes nombreux ici ! –, j’ai été régulièrement confronté aux procédures souvent complexes et fastidieuses qui conditionnent l’accès aux financements européens. Les démarches doivent être simplifiées afin que les crédits européens soient rapidement et efficacement alloués.
Tous ces défis devront être relevés à l’occasion de la future présidence française de l’Union européenne, dont nous attendons encore la feuille de route précise, monsieur le secrétaire d’État. Le bon déploiement du plan de relance, via l’instauration de nouvelles ressources propres notamment, sera sans doute l’une des priorités de cette présidence.
À la veille de la présidence française, les sujets et les défis sont donc nombreux. Comme le disait Jacques Delors après la crise des subprimes de 2008, « après les pompiers, l’Union européenne attend les architectes ». Telle sera la mission de la présidence française.
Nous attendons donc, monsieur le secrétaire d’État, des réponses qui redonnent du souffle et des initiatives qui « reboostent » l’envie d’Europe de nos concitoyens ; plus encore, nous attendons la vision d’une Europe qui protège et innove, d’une Europe qui fasse rayonner nos valeurs de liberté et assure le rang de son économie dans le monde. Tous ces enjeux sont devant nous ; nous espérons que les trois petits mois effectifs et, espérons-le, efficaces de la présidence française permettront d’apporter des réponses qui satisfassent ces objectifs.
Pour en revenir au texte qui nous est soumis, vous aurez compris, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, que le groupe Union Centriste, fidèle à son engagement en faveur de l’Europe, mais aussi de la force et de la puissance de la France au sein de l’Union, votera en faveur de l’article 18 du projet de loi de finances pour 2022. (Applaudissements sur les travées du groupe UC – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux de me trouver ce soir dans cet hémicycle pour vous demander, au nom du Gouvernement, d’autoriser le prélèvement effectué sur les recettes de l’État au profit de l’Union européenne, qui s’élèvera l’année prochaine à 26,4 milliards d’euros, soit une contribution en légère baisse par rapport au montant inscrit en loi de finances pour 2021.
Depuis que je vous ai présenté, voilà un an, la participation française au budget européen pour 2021, je crois pouvoir dire que la solidarité budgétaire en Europe a connu des avancées importantes. Je vais en dire un mot en répondant à quelques-uns des points qui ont été soulevés dans la discussion.
D’abord, cette solidarité européenne a été actée et mise en œuvre avec le déploiement du plan de relance européen, qui est désormais une réalité. Au cours de l’année écoulée, ce plan de relance a été adopté par les vingt-sept États membres, selon leurs procédures constitutionnelles et parlementaires respectives. D’ores et déjà, dix-neuf États membres ont vu leur plan national approuvé par la Commission européenne ; des financements ont commencé d’être distribués, pour un total de plus de 50 milliards d’euros, dont plus de 5,1 milliards pour la France.
Précisons qu’il n’y a pas eu de renoncement à un quelconque versement supplémentaire pour la France : le prochain nous parviendra d’ici au début de l’année 2022, conformément aux dispositions prévues. C’est bien la garantie de bénéficier d’un financement européen qui dépassera au total 40 milliards d’euros qui nous permet d’avoir un plan de relance national d’une telle ampleur, même si, en trésorerie, le décaissement effectif de ces sommes prend un peu plus de temps qu’on l’aurait souhaité.
Au total, la Commission européenne a déjà émis, à l’échelle européenne, plus de 70 milliards d’euros de dette commune, avec une première levée d’obligations dites « vertes » pour 12 milliards d’euros.
Au-delà de ce plan de relance, la mise en œuvre du budget européen consacre la mobilisation de moyens importants : préservés pour la politique agricole commune, accrus pour un certain nombre de politiques prioritaires que vous connaissez – santé, recherche, climat, ou encore mobilité des étudiants et des apprentis, avec les programmes Erasmus.
Cette solidarité a permis une réponse européenne efficace face à la crise. Ainsi l’Union européenne a-t-elle pu retrouver dès 2021 son niveau moyen d’activité d’avant-crise – tel est le cas y compris pour la France, comme vous le savez.
La contribution française n’a d’autre vocation que de permettre la réalisation de ce projet politique : tous ces moyens européens sont au service d’une grande ambition en matière d’écologie, de régulation numérique, de relance économique.
Je veux répondre à plusieurs questions importantes, en partie liées au plan de relance, qui ont été soulevées dans la discussion, notamment celle des ressources propres de l’Union.
Vous avez raison de souligner que, dans l’équilibre qui a été retenu au mois de juillet 2020, qui a fait ensuite l’objet d’une discussion avec le Parlement européen jusqu’à la fin de l’année 2020 avant d’être soumis à l’approbation de votre assemblée, on trouve un accord politique sur les ressources propres et une feuille de route plus précise relative à la liste de ces ressources et au calendrier de leur présentation par la Commission européenne. Nous tiendrons ces engagements.
On a certes pris du retard, comme cela a été justement souligné ; mais la Commission européenne doit présenter dans les prochaines semaines – au tout début de l’année 2022, je l’espère – la liste des premières ressources propres qui feront l’objet de propositions législatives ; les discussions à ce sujet devraient donc commencer sous la présidence française de l’Union européenne.
Certaines de ces ressources propres ont une vocation ou sont de nature climatique ou environnementale. En effet, si le paquet climatique présenté au mois de juillet dernier, dit en bon français « Fit for 55 », comporte un certain nombre de ressources potentielles, la Commission européenne a pris la décision politique d’organiser désormais la discussion en deux débats séparés, l’un portant sur la nature du paquet climatique et l’autre ayant pour objet spécifique les ressources propres. Cela reste vrai quand bien même des ressources comme l’ETS ou Emissions Trading System, le système d’échange de quotas d’émission, ou le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières devront – la position française est très claire sur ce point – constituer des ressources propres et être utilisées comme telles.
Je veux être précis sur une préoccupation qui a été exprimée à plusieurs reprises au sujet de l’extension potentielle des ressources issues de l’ETS. Il n’y aura pas de double affectation contradictoire, si je puis le dire ainsi. Ce qui est aujourd’hui proposé par la Commission européenne, mais non encore acté, c’est qu’un quart des sommes supplémentaires issues de la ressource ETS, qui serait étendue, soit utilisé pour alimenter un fonds social dont l’importance ne saurait être sous-estimée. Il y va en effet de l’accompagnement social de la transition écologique, dont nous avons vu à quel point il était nécessaire.
En revanche, trois quarts de cette ressource supplémentaire resteraient disponibles et pourraient alimenter les ressources propres du budget européen et contribuer au remboursement du plan de relance. La place des curseurs fera l’objet de discussions ; les débats législatifs sur le paquet Climat et sur les ressources propres en seront l’occasion.
Les autres ressources propres sont également attendues. Vous avez ainsi évoqué à deux reprises, mesdames, messieurs les sénateurs, la transposition européenne de l’accord international sur la fiscalité des multinationales, accord essentiel s’il en est. Il est important qu’une partie au moins des recettes afférentes constitue une ressource propre du budget européen ; nous pensions à l’origine créer une taxe numérique, mais son objet s’est quelque peu étendu et il s’agira plutôt, pour ainsi dire, d’une taxe de justice fiscale internationale sur les bénéfices des multinationales. Le débat sur la transposition de cet accord aura lieu, lui aussi, au cours du semestre de présidence française du Conseil de l’Union européenne. Il est important qu’on en fasse alors une ressource propre du budget européen, qui aidera au remboursement du plan de relance.
D’autres débats prendront plus de temps, comme cela a déjà été acté dans la feuille de route que j’évoquais. C’est le cas de la taxe sur les transactions financières, qui pourrait faire l’objet d’une nouvelle proposition, ou encore d’autres discussions, en particulier sur des taxes relatives au marché intérieur.
Puisqu’il est question de fiscalité, je veux aussi répondre à la préoccupation exprimée en particulier par les sénateurs Bocquet et Joly sur le bon niveau de la taxation internationale. L’accord trouvé à l’OCDE résulte d’un consensus international important ; au niveau européen, il fait même l’unanimité.
Cette unanimité est très importante, parce qu’elle a montré que nous pouvions dépasser le drame que nous vivions jusqu’à présent en matière fiscale, et qui peut toujours se reproduire, à savoir un blocage absolu découlant de la règle de l’unanimité en vigueur dans ce domaine : deux ou trois de nos partenaires, bien connus, pouvaient bloquer toutes les propositions en la matière. Or cela ne s’est pas reproduit cette fois-ci, parce qu’il y a eu un élan, une impulsion européenne et internationale très forte. C’est pour nous une satisfaction.
Cela signifie aussi que le taux minimum qui a été fixé, 15 %, aurait pu être plus ambitieux : ce taux résulte d’un compromis international et européen. Il représente déjà, néanmoins, un relèvement important ; démonstration est ainsi faite, surtout, que la règle de l’unanimité n’est pas une fatalité barrant toute tentative d’avancer en matière de juste taxation internationale.
Aurait-on pu aller plus loin ? Je n’en suis pas sûr. Aurait-on souhaité aller plus loin ? Je le maintiens. Des taux de 21 % ou de 25 % ont fait l’objet de différentes propositions. En France, le taux est de 25 % ; nous n’avons donc aucune gêne à proposer un taux supérieur à 15 %, mais c’est ainsi : tel est l’état actuel du compromis.
Je crois donc qu’il convient avant toute chose de consolider ce compromis, de le ratifier au niveau européen et de faire de cette taxe une ressource propre du budget de l’Union, au moins pour partie. La discussion internationale sur ce sujet pourra ensuite reprendre, dans les années qui viennent, même si cela prendra à l’évidence un peu de temps.
J’en viens aux questions relatives au pacte de stabilité et de croissance. Ce débat est essentiel, car il fait partie, avec le plan de relance, de la stratégie de croissance et d’investissement de l’Union européenne. L’application des règles – cela a été rappelé – est suspendue jusqu’à la fin de l’année 2022 ; cela signifie que nous devons anticiper le retour à la normale et avoir un débat, au cours de l’année 2022, sur la nature des règles qui s’appliqueront désormais.
On ne saurait rebrancher à l’identique le pacte de stabilité et de croissance antérieur et le plaquer sur une situation économique qui sera à l’évidence très différente de celle qui prévalait avant la crise. J’en prendrai pour exemple un seul indicateur : le ratio de dette publique de la zone euro a augmenté de près de quinze points, dépassant la barre des 100 % du PIB ; on ne peut pas faire comme si cela n’était pas la réalité économique de toute la zone euro.
Nous aurons donc ce débat sur les critères de dette et d’investissement. Le ministre de l’économie et des finances en a déjà pris l’initiative à l’échelle européenne, et nous devrons en construire les termes avec le nouveau gouvernement allemand. D’ailleurs, pour être tout à fait franc et précis, cette discussion se poursuivra sans doute au-delà du semestre de présidence française du Conseil de l’Union européenne ; elle devra en revanche être lancée pendant cette présidence, dans le cadre de la relation franco-allemande et au sein de la zone euro.
Plusieurs questions ont aussi été posées sur la simplification des financements européens. Je veux apporter une précision très concrète sur un point qui a été évoqué par M. le rapporteur spécial : l’articulation retenue entre le plan de relance et les fonds européens dits traditionnels a été élaborée de manière à être la plus simple possible, notamment pour les régions et les collectivités.
Il n’y aura donc pas de double financement, mais une répartition des projets entre le financement par le plan de relance et celui qui passe par les fonds européens traditionnels comme le Fonds européen de développement régional, le Feder. Un guide de clarification a été élaboré, en collaboration entre plusieurs associations de collectivités et l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), afin que chacun sache bien ce qui relève d’un financement européen traditionnel et ce qui relève du plan de relance ; ainsi pourront être évités les financements croisés, la complexification ou les ralentissements.
Je conclurai mon propos en évoquant la présidence française du Conseil de l’Union européenne, qui commence dans moins de quarante-cinq jours. Ce sera le moment de poursuivre les débats dont nous venons de parler sur la mise en œuvre du plan de relance, sur le pacte de stabilité et de croissance, sur la justice fiscale et sa transposition.
Nous pouvons sans doute encore améliorer les choses, mais je tiens à préciser que nous avons souhaité – j’ai souhaité personnellement – une association transpartisane à la préparation de cette présidence. À trois reprises déjà s’est réuni un comité transpartisan, où siège un représentant de chaque groupe de votre assemblée comme de l’Assemblée nationale et du Parlement européen. J’en réunirai un de nouveau d’ici à la mi-décembre, pour que l’information soit la plus partagée et la plus exhaustive possible. Peut-être l’accord entre nous ne sera-t-il pas complet sur l’ensemble des priorités, mais toutes les informations seront échangées, discutées et partagées.
Sur la question du climat, sur celle de la régulation numérique ou sur les textes sociaux, au-delà de la réforme du travail détaché que nous avons portée, nous défendrons nos priorités, dans le cadre de cette présidence, au travers de textes européens concrets, qui pourront marquer des avancées essentielles dans chacun de ces domaines ; j’ai la faiblesse de penser qu’ils seront largement partagés, par-delà les sensibilités politiques, sur les différentes travées de votre assemblée.
Ainsi ai-je l’honneur, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous demander d’adopter cet article 18, afin que le prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne soit ce soir approuvé. (MM. André Gattolin et Jean-Claude Requier applaudissent.)
Mme la présidente. Nous passons à la discussion de l’article 18.
Article 18
Le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne est évalué pour l’exercice 2022 à 26 400 000 000 €.
Mme la présidente. L’amendement n° I-234 n’est pas soutenu.
Je mets aux voix l’article 18.
(L’article 18 est adopté.)
Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.