Sommaire
Présidence de M. Georges Patient
Secrétaires :
Mme Corinne Imbert, M. Dominique Théophile.
2. Lutte contre la maltraitance animale. – Adoption définitive des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
Discussion générale :
Mme Anne Chain-Larché, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire
Clôture de la discussion générale.
Texte de la commission mixte paritaire
Amendement n° 3 du Gouvernement. – Réservé.
Amendement n° 4 du Gouvernement. – Réservé.
Amendement n° 5 du Gouvernement. – Réservé.
Amendement n° 1 du Gouvernement. – Réservé.
Amendement n° 2 du Gouvernement. – Réservé.
Adoption définitive, par scrutin public n° 44, de la proposition de loi dans le texte de la commission mixte paritaire, modifié.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques
Suspension et reprise de la séance
3. Confiance dans l’institution judiciaire. – Adoption définitive des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi et des conclusions d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi organique
Discussion générale commune :
Mme Agnès Canayer, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice
Clôture de la discussion générale commune.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie
projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 1 du Gouvernement. – Réservé.
Amendement n° 2 du Gouvernement. – Réservé.
Amendement n° 3 du Gouvernement. – Réservé.
Amendement n° 4 du Gouvernement. – Réservé.
Amendement n° 5 du Gouvernement. – Réservé.
Amendement n° 6 du Gouvernement. – Réservé.
projet de loi organique pour la confiance dans l’institution judiciaire
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Adoption définitive, par scrutin public n° 45, du projet de loi dans le texte de la commission mixte paritaire, modifié.
Adoption définitive, par scrutin public n° 46 du projet de loi organique dans le texte de la commission mixte paritaire.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Laurence Rossignol
4. Candidatures à une mission d’information et à deux commissions d’enquête
5. Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire et à une commission mixte paritaire
6. Loi de finances pour 2022. – Discussion d’un projet de loi
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances
M. Claude Raynal, président de la commission des finances
M. Olivier Dussopt, ministre délégué
Clôture de la discussion générale.
Suspension et reprise de la séance
Article 18 et participation de la France au budget de l’Union européenne
M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur spécial de la commission des finances
Amendement n° I-234 de M. Pierre-Antoine Levi. – Non soutenu.
Adoption de l’article.
Renvoi de la suite de la discussion.
7. Communication relative à une commission mixte paritaire
Nomination de membres d’une mission d’information et de deux commissions d’enquête
compte rendu intégral
Présidence de M. Georges Patient
vice-président
Secrétaires :
Mme Corinne Imbert,
M. Dominique Théophile.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Lutte contre la maltraitance animale
Adoption définitive des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes (texte de la commission n° 87, rapport n° 86).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme la présidente de la commission des affaires économiques applaudit également.)
Mme Anne Chain-Larché, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire (CMP) a trouvé un accord sur le texte de la proposition de loi visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes.
Pour éviter le pire, nous allons voter ce texte, que le Sénat a renommé et en grande partie réécrit : notre assemblée n’a pas cédé sur ses lignes rouges !
C’est un texte rééquilibré, l’aboutissement de diverses concessions, qui tend à limiter les effets de bord de certaines mesures de la proposition de loi initiale ainsi que certaines conséquences désastreuses qu’elles auraient pu entraîner pour des professionnels extrêmement inquiets et leurs animaux.
Préférant l’efficacité aux effets d’annonces, le Sénat a agi selon trois axes : lutter contre l’abandon, en encadrant les cessions d’animaux ; faciliter le travail des acteurs de terrain qui exercent auprès des animaux, plutôt que de l’entraver ; refuser le credo « interdire et laisser mourir » et trouver, toujours, des solutions pour le bien-être des animaux et l’avenir des professionnels.
Si certaines dispositions finalement retenues laissent malheureusement un sentiment amer, nous les avons en revanche assorties de garanties. Pas d’interdiction sans solution !
C’est le cas des spectacles d’animaux sauvages dans les cirques itinérants : je regrette que la solution opérationnelle que nous avions proposée, à savoir l’élaboration d’une liste portant des interdictions progressives, ciblées et analysées espèce par espèce, après une consultation élargie, ait été refusée par les députés. Interdire de montrer tous les animaux sauvages d’un coup posera de vraies difficultés : il sera compliqué de leur trouver des places d’accueil. Le Gouvernement ne le réalise qu’aujourd’hui : c’est un peu tard !
Toutefois, le Sénat a obtenu un délai de transition de sept ans, pour laisser le temps aux professionnels de s’organiser. Aucune interdiction de détention d’un animal ne sera prononcée sans la proposition, pour les animaux, d’une solution d’accueil qui garantisse leur bien-être. À défaut, des dérogations seront mises en œuvre.
C’est la moindre des attentions que nous devions aux circassiens, que nous respectons et qui crient leur désespoir. Le respect qu’on leur doit est piétiné lorsque certains animalistes les traitent de « maltraitants » et s’opposent physiquement à l’exercice de leur activité pourtant légale, encadrée et contrôlée. Un véritable délit d’entrave doit être instauré pour faire cesser cette guérilla dangereuse et inacceptable. Le Sénat a déjà voté une proposition de loi dans ce sens ; la balle est dans le camp des députés.
Je veux insister sur un point : les voleries ne relèvent pas de cette interdiction dès lors qu’elles ne sont pas considérées comme itinérantes, mais mobiles. Cela a été réaffirmé en commission mixte paritaire par les deux rapporteurs.
En ce qui concerne les parcs zoologiques aquatiques, auxquels le législateur est très attaché, le texte garantit que les vingt et un dauphins et les quatre orques présents en France pourront être conservés dans ces établissements si ceux-ci s’engagent dans des programmes scientifiques reconnus ; ils pourront présenter le contenu et les résultats de leur recherche au public. Cela évitera que ces cétacés finissent dans des piscines de luxe à l’autre bout du monde ou qu’ils soient euthanasiés. C’était, là encore, une ligne rouge pour le Sénat, qui a tenu bon.
Sur les animaux de compagnie, la lutte contre l’abandon a été érigée en priorité, avec la mise en place d’un certificat d’engagement signé par l’acquéreur, en lien avec un délai de réflexion de sept jours avant l’achat, dans des conditions précisées par décret de manière à ne pas créer de difficultés pour la tenue de certains événements, comme les foires. Je pense aussi aux nouvelles sanctions et aux moyens renforcés alloués à la lutte contre les trafics. Un encadrement strict des offres de cession en ligne d’animaux de compagnie est acquis : le contenu des annonces sera vérifié et labellisé par ces plateformes, qui en seront responsables. Ce point est une avancée historique, que l’on doit au Sénat.
S’agissant des animaleries, notre assemblée a rétabli la vente de tous les animaux de compagnie, à l’exception des chiots et des chatons ; des dérogations seront accordées aux refuges, qui pourront proposer à l’adoption leurs animaux en magasin. Nos arguments ont convaincu les députés. Plutôt que d’opposer ces professionnels de qualité, nous avons créé des ponts entre eux. Cependant, le risque de voir basculer cette économie dans des trafics illégaux reste entier.
Je me félicite de la reconnaissance législative des associations sans refuge, alors que leur existence même était menacée au sortir de l’Assemblée nationale. Ces bénévoles sont des acteurs de terrain essentiels.
Je me réjouis enfin des mesures renforcées que nous avons proposées contre la zoophilie et la zoopornographie, ainsi que de l’abandon de l’idée absurde d’obliger les maires à faire stériliser les chats errants sans compensation financière ou d’imposer la construction d’une fourrière dans chaque commune, autre ligne rouge pour le Sénat.
Tous ces apports sénatoriaux aboutissent à un texte équilibré et opérationnel, plus pragmatique et moins idéologique, qui me semble répondre aux objectifs partagés par le plus grand nombre pour améliorer la condition animale.
Pour ma part, je n’exprimerai qu’un seul remerciement, celui de m’avoir placée sur le chemin de professionnels exceptionnels, passionnés et passionnants, qui œuvrent pour le bien-être et la connaissance des animaux, ainsi que le rapprochement de ceux-ci avec l’homme.
Je vous invite, mes chers collègues, à adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI. – Mme la présidente de la commission des affaires économiques applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureuse et émue de vous retrouver ici aujourd’hui, à un moment important d’une évolution majeure de notre regard, d’une prise de conscience de notre place, en tant qu’êtres humains, face au règne animal, au sein de la nature.
Nous allons aujourd’hui montrer que les parlementaires et le Gouvernement, tous les acteurs, en écho aux attentes de nos concitoyens, ont su trouver ou retrouver cette part d’humanité et d’humanisme qui nous assure une meilleure place dans le monde. Certaines valeurs progressent aujourd’hui ; elles sont vivantes, elles évoluent et nous avec elles. L’amélioration du bien-être animal est une responsabilité morale collective ; nous en prenons aujourd’hui la mesure.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous allez adopter, dans ce texte, des mesures ambitieuses et essentielles, qui font écho à une préoccupation très forte du Gouvernement.
Dès septembre 2020, la ministre de la transition écologique, Barbara Pompili, annonçait notre souhait de voir progressivement prendre fin la présence de la faune sauvage dans les cirques itinérants et celle des cétacés dans les delphinariums, ainsi que l’élevage de visons d’Amérique pour leur fourrure. Aujourd’hui, vous transcrivez ce désir dans la loi, et vous allez même encore plus loin : le débat parlementaire a permis d’enrichir largement toutes ces mesures.
Le ministre de l’agriculture, Julien Denormandie, avait quant à lui annoncé en décembre 2020 la mise en place des certificats de sensibilisation à l’achat ou à l’adoption d’animaux de compagnie. Ces mesures courageuses vont désormais être inscrites dans la loi, au terme de ce parcours législatif enrichi de vos débats.
Je tiens à vous remercier tout particulièrement, madame la rapporteure : vous avez toujours eu le souci de la nuance et de l’équilibre, ce qui était absolument essentiel sur des sujets aussi sensibles. Cela nous a permis, collectivement, d’aboutir à cette commission mixte paritaire conclusive, qui représente une belle victoire pour ces idées et ces avancées.
L’ensemble des membres de votre assemblée qui ont participé à cette commission mixte paritaire, issus de tous les groupes politiques, ont été actifs pour la faire aboutir ; ils ont embrassé cette réflexion et mené des débats d’une très haute tenue. Je tiens à vous remercier pour cette mobilisation collective, pour cette voie que vous avez su trouver avec vos homologues de l’Assemblée nationale, qui sont à l’origine du texte.
Vous vous êtes accordés, tout d’abord, sur des mesures fortes et ambitieuses en faveur des animaux sauvages. Le Gouvernement avait souhaité ces dispositions ; il les accompagnera dans le temps, dès aujourd’hui, car nous devrons évidemment être aux côtés des acteurs concernés et anticiper le devenir de ces animaux. Nous ouvrons aujourd’hui un chemin pour accompagner cette transition.
Notre ministère a déjà accompagné les cirques au cours des deux dernières années, du fait des périodes d’inactivité qu’ils ont subies pendant la crise sanitaire, à hauteur de 2,4 millions d’euros, de manière à assurer le nourrissage et les soins de leurs animaux. Il poursuivra évidemment cet accompagnement, dans le cadre de la réforme portée dans ce texte : nous soutiendrons les circassiens pour les aider à faire évoluer leur activité.
Accompagner ces professionnels, c’est aussi leur redire aujourd’hui notre soutien : je sais leur attachement à ces animaux, nous sommes tous conscients que cette évolution peut être douloureuse et nous serons à l’évidence pleinement à leurs côtés pour que cette transition soit la plus sereine possible.
Il faudra, dans le cadre de cette réforme et de l’évolution de leurs activités, prévoir des reconversions de personnels et des solutions d’accueil pour les animaux. Sur ce dernier point, le Sénat a tenu à ce que les conditions soient précisées ; c’était nécessaire et essentiel. Il faut que les solutions retenues garantissent le bien-être des animaux ; nous partageons évidemment cette volonté.
Vous avez également acté la fin, à horizon de cinq ans, de la détention et de la reproduction des cétacés dans les delphinariums.
Il a fallu prévoir certaines dérogations, pour les sanctuaires et les centres de soin, bien sûr, mais aussi pour certains programmes scientifiques qui devront être validés par le Gouvernement. Nous serons évidemment d’une grande vigilance sur les programmes que nous autoriserons et sur leur évaluation.
Toujours dans le cadre de ces dérogations, il était nécessaire d’encadrer précisément la définition des refuges et des sanctuaires. Vous l’avez fait, en excluant notamment tout but lucratif, les contacts directs avec le public et les numéros de dressage. Cela pouvait sembler évident, mais il valait mieux l’inscrire dans la loi, à l’issue d’un débat riche et nourri, de manière à renforcer cette exigence.
Je me félicite également de l’interdiction, dès la promulgation de la loi, de l’élevage des visons d’Amérique pour leur fourrure, mais aussi de toutes les espèces non domestiques élevées uniquement pour leur fourrure.
Lorsque la ministre de la transition écologique a annoncé son intention de mettre fin à l’élevage de visons d’Amérique pour leur fourrure, il y a un an, notre pays comptait quatre élevages ; aujourd’hui, il n’en reste plus qu’un. Les trois autres ont répondu à cette attente et ont accepté de franchir le pas ; nous les accompagnons dans cette évolution. Cette évolution, en seulement un an, montre l’efficacité de notre démarche de sensibilisation et d’accompagnement lors de cette phase de transition. Nous continuerons évidemment à accompagner et soutenir les professionnels concernés.
Pour ce qui est des animaux domestiques, le texte sur lequel vous allez vous prononcer aujourd’hui contient également des avancées importantes.
Ces avancées s’inscrivent dans le triple combat appelé de ses vœux par le Gouvernement pour lutter contre la maltraitance animale.
Le premier levier, c’est la sensibilisation, l’éveil, à ces questions. La clef pour lutter contre l’abandon, première cause de maltraitance animale, c’est de mieux informer et responsabiliser les acquéreurs en amont de l’achat, pour que chacun soit pleinement conscient de ses devoirs et de ses responsabilités vis-à-vis d’un animal de compagnie.
C’est pourquoi je me félicite de la création, par ce texte, d’un certificat d’engagement et de connaissance pour toute acquisition d’un animal de compagnie ou d’un équidé. Le Gouvernement aura à cœur de publier les textes d’application nécessaires à sa mise en œuvre dans les plus brefs délais.
L’encadrement de la vente en ligne, source majeure d’abandons et de trafic, était également essentiel. Le Gouvernement s’est attaché depuis longtemps à cette question et a engagé un travail avec les vétérinaires en ce sens dès la fin de l’année 2020. Ce travail va désormais être traduit dans la loi, et c’est heureux. C’est une avancée majeure pour nos animaux de compagnie.
Toujours dans cette optique, vous avez acté l’encadrement de la vente en animalerie à partir de 2024. Cela nous permettra de lutter contre les achats impulsifs de chiots et de chatons et de limiter ainsi les risques d’abandon.
Il faut toujours rappeler que l’objectif de ces mesures est bien d’opérer une prise de conscience collective et de l’accompagner. Détenir un animal de compagnie, c’est une joie qui concerne un foyer sur deux en France – nous avons là un important levier de médiation et de participation à cette réflexion –, mais c’est aussi et surtout une responsabilité. Avec ce texte, nous affirmons haut et fort que cette responsabilité est à la fois individuelle et collective ; il me semble que nous sommes de nouveau au rendez-vous d’une meilleure prise en compte du bien-être animal.
Pour toucher un public plus large, ce texte prévoit qu’une sensibilisation à l’éthique animale sera dispensée lors du service national universel, mais aussi dans le cadre de l’enseignement moral et civique, à l’école primaire, au collège et au lycée. Les enfants sensibilisent aussi leurs parents, là où cette conscience n’est encore que peu présente. Je me réjouis donc que, dès le plus jeune âge, nous sensibilisions efficacement nos concitoyens.
Le deuxième levier de lutte contre la maltraitance de nos animaux domestiques passe par l’accompagnement du recueil des animaux abandonnés.
L’animal maltraité ou abandonné est recueilli par des refuges, des associations, des familles d’accueil qui font au quotidien, partout en France et souvent bénévolement un formidable travail que je tiens à saluer ce matin. Je salue également l’engagement de nos élus locaux sur les territoires, ainsi que le travail essentiel des vétérinaires.
Pour simplifier l’action des communes dans la mise en œuvre de cette politique publique, vous avez actualisé le dispositif des fourrières et de la gestion de l’errance animale. C’était également une attente extrêmement forte.
De même, l’expérimentation prévue dans ce texte, qui articule les actions de l’État, des collectivités et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en matière de stérilisation de chats errants, doit nous permettre de mieux lutter contre la surpopulation féline.
Ce sujet d’importance fait l’objet d’un accompagnement financier de l’État dans le cadre du plan France Relance. Comme il s’agit d’une priorité majeure, le Président de la République a donc décidé que cet investissement serait abondé de 15 millions d’euros supplémentaires de manière à répondre aux besoins énormes qui s’expriment partout en France.
Enfin, le dernier levier de notre politique de lutte contre la maltraitance animale consiste en un renforcement des sanctions.
Vous avez prévu l’aggravation de celles qui s’appliquent en cas de sévices graves et d’actes de cruauté infligés à un animal. C’est une évolution éminemment positive, qui engage la société vers laquelle nous voulons avancer. Quelles que soient les raisons avancées, il n’est pas acceptable de maltraiter un animal.
Je voudrais conclure mon propos en évoquant un point sur lequel, me semble-t-il, un consensus est acquis.
Désormais, la présence d’animaux, domestiques ou non, sera interdite en discothèque, ainsi que sur les plateaux de télévision pour les animaux sauvages. Il s’agit de mesures de bon sens : aucun animal n’a sa place en discothèque et les animaux sauvages ne sont pas un accessoire de tournage. Ce texte clarifie cela ; c’est une excellente chose.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux vous remercier de nouveau pour votre travail sur ce texte, qui est marqué par le progrès. Nous sommes au rendez-vous de l’histoire : c’était une attente forte des Français, avec laquelle le Parlement est en phase.
Je vous redis mon émotion à partager l’humanité qui s’exprime dans ce texte vis-à-vis des animaux et de la société que nous appelons de nos vœux. Cette future loi est une fierté pour notre représentation nationale, pour le Gouvernement et pour notre pays tout entier ! (M. Éric Gold applaudit.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
proposition de loi visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes
Chapitre Ier
Conditions de détention des animaux de compagnie et des équidés
Article 1er
I. – Le titre Ier du livre II du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° A La section 1 du chapitre Ier est complétée par un article L. 211-10-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 211-10-1. – Tout détenteur d’un équidé atteste de sa connaissance des besoins spécifiques de l’espèce.
« Lorsque la détention ne relève pas d’une activité professionnelle, l’attestation prend la forme d’un certificat d’engagement et de connaissance des besoins spécifiques de l’espèce, signé par le détenteur.
« Un décret précise les modalités d’attestation applicables, et dans le cas visé au deuxième alinéa, le contenu et les modalités de délivrance du certificat.
« Avant tout changement de détenteur d’un équidé, le propriétaire de l’animal s’assure que le nouveau détenteur a attesté de ses connaissances en application du premier alinéa. » ;
1° B Au début du 2° du I de l’article L. 214-8, sont ajoutés les mots : « Lorsque l’acquéreur de l’animal n’est pas tenu de signer un certificat en application du V du présent article, » ;
1° (Supprimé)
2° Le V du même article L. 214-8 est ainsi rétabli :
« V. – Toute personne physique qui acquiert à titre onéreux ou gratuit un animal de compagnie signe un certificat d’engagement et de connaissance des besoins spécifiques de l’espèce, dont le contenu et les modalités de délivrance sont fixés par décret.
« Toute personne cédant un animal de compagnie à titre onéreux ou gratuit s’assure que le cessionnaire a signé le certificat d’engagement et de connaissance prévu au premier alinéa. La cession de l’animal ne peut intervenir moins de sept jours après la délivrance du certificat au cessionnaire.
« Les animaux de compagnie mentionnés au deuxième alinéa sont les chats et les chiens ainsi que les animaux de compagnie précisés par décret. »
II. – L’article L. 211-10-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant du I du présent article, est applicable à l’expiration du délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi lorsque la détention de l’équidé ne relève pas d’une activité professionnelle.
Le premier alinéa du V de l’article L. 214-8 du même code, dans sa rédaction résultant du I du présent article, est applicable à toute personne physique qui acquiert pour la première fois depuis la promulgation de la présente loi un animal de l’espèce concernée.
Article 1er bis
(Supprimé)
Article 2
Le titre Ier du livre II du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa de l’article L. 212-13, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les policiers municipaux et les gardes champêtres ont qualité pour rechercher et constater les infractions à l’article L. 212-10 et des décrets et arrêtés pris pour son application, dans les limites des circonscriptions où ils sont affectés. » ;
2° À l’article L. 215-3-1, la référence : « et L. 211-16 » est remplacée par les références : « , L. 211-16 et L. 212-10 ».
Article 2 bis A
À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 212-10 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « nés après le 6 janvier 1999 » et les mots : « nés après le 1er janvier 2012 » sont supprimés.
Article 2 bis B
La section 7 du chapitre II du titre Ier du livre II du code rural et de la pêche maritime est complétée par un article L. 212-15 ainsi rédigé :
« Art. L. 212-15. – Dans les établissements de soins vétérinaires, une signalisation apparente rappelle les obligations d’identification des animaux mentionnées à la présente section. »
Article 2 bis C
Après le premier alinéa de l’article L. 212-2 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les carnivores domestiques, les informations mentionnées au premier alinéa sont enregistrées dans un fichier national et font l’objet d’un traitement automatisé dans les conditions précitées. Peuvent aussi être enregistrées dans ce fichier, dans les mêmes conditions, les informations relatives aux détenteurs des carnivores domestiques. »
Article 2 bis
Le chapitre V du titre Ier du livre II du code rural et de la pêche maritime est complété par un article L. 215-14 ainsi rédigé :
« Art. L. 215-14. – Les contraventions prévues en application du présent livre peuvent faire l’objet d’un traitement automatisé confié à l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions. »
Article 3
Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° L’article L. 211-24 est ainsi rédigé :
« Art. L. 211-24. – Chaque commune ou, lorsqu’il exerce cette compétence en lieu et place de ladite commune, chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dispose d’une fourrière apte à l’accueil et à la garde, dans des conditions permettant de veiller à leur bien-être et à leur santé, des chiens et chats trouvés errants ou en état de divagation, jusqu’au terme des délais fixés aux articles L. 211-25 et L. 211-26. Cette fourrière peut être mutualisée avec un autre établissement public de coopération intercommunale ou un syndicat mixte fermé. La commune compétente peut mettre en place une fourrière communale sur son territoire ou disposer du service d’une fourrière établie sur le territoire d’une autre commune, avec l’accord de cette commune. Lorsqu’elle ne l’exerce pas en régie, la commune peut confier le service public de la fourrière à des fondations ou associations de protection des animaux disposant d’un refuge, sous forme de délégation de service public et dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« La fourrière a une capacité adaptée aux besoins de chacune des communes pour lesquelles elle assure le service d’accueil des animaux en application du présent code. Cette capacité est constatée par arrêté du maire de la commune où elle est installée.
« La surveillance dans la fourrière des maladies mentionnées à l’article L. 221-1 est assurée par un vétérinaire sanitaire désigné par le gestionnaire de la fourrière, dans les conditions prévues à la section 1 du chapitre III du titre préliminaire du présent livre.
« Dans leurs contrats de prestations, les fourrières sont tenues de mentionner les sanctions encourues pour sévices graves ou actes de cruauté envers des animaux, mentionnées à l’article 521-1 du code pénal.
« Les animaux ne peuvent être restitués à leur propriétaire qu’après paiement des frais de garde. En cas de non-paiement, le propriétaire est passible d’une amende forfaitaire dont les modalités sont définies par décret.
« Par dérogation au cinquième alinéa du présent article, les fonctionnaires et agents mentionnés au premier alinéa de l’article L. 212-13 du présent code peuvent restituer sans délai à son propriétaire tout animal trouvé errant et identifié selon les modalités définies à l’article L. 212-10, lorsque celui-ci n’a pas été gardé à la fourrière. Dans ce cas, l’animal est restitué après paiement d’un versement libératoire forfaitaire dont le montant est fixé par arrêté du maire.
« Le gestionnaire de la fourrière est tenu de suivre une formation relative au bien-être des chiens et des chats, selon des modalités fixées par un décret qui prévoit des équivalences avec des formations comparables. » ;
2° À la deuxième phrase du II de l’article L. 211-25, après le mot : « refuge », sont insérés les mots : « ou aux associations mentionnées à l’article L. 214-6-5, » ;
3° (Supprimé)
4° Les neuvième et dixième lignes du tableau constituant le second alinéa de l’article L. 275-2, les douzième et treizième lignes du tableau constituant le second alinéa de l’article L. 275-5 et les neuvième et dixième lignes du tableau constituant le second alinéa de l’article L. 275-10 sont remplacées par une ligne ainsi rédigée :
« |
L. 211-24 et L. 211-25 |
Résultant de la loi n° … du … visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes |
» |
Article 3 bis AA
Le deuxième alinéa du 3° du I de l’article L. 214-6-1 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :
« – être en possession d’une certification professionnelle en lien avec au moins l’une des espèces concernées. La liste des certifications reconnues est établie par le ministre chargé de l’agriculture ; ».
Article 3 bis A
Après l’article L. 214-6-3 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 214-6-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 214-6-4. – I. – À des fins de suivi statistique et administratif, les personnes exerçant des activités mentionnées aux articles L. 214-6-1, L. 214-6-2 et L. 214-6-3 transmettent au fichier national mentionné à l’article L. 212-2, des informations relatives à leurs capacités d’accueil, à la traçabilité des animaux dont elles ont la charge et à leur suivi sanitaire, en ce qu’elles concernent leurs activités relatives aux carnivores domestiques.
« II. – Le décret en Conseil d’État prévu au dernier alinéa de l’article L. 212-2 détermine les modalités d’application du présent article. Il précise la nature des informations collectées, les conditions dans lesquelles la collecte des données et leur traitement peuvent être confiés à des personnes agréées par le ministère chargé de l’agriculture, la durée de conservation et les conditions de mise à jour des données enregistrées et les catégories de destinataires de ces données. »
Article 3 bis
Le titre Ier du livre II du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° A, 1° B et 1° (Supprimés)
2° L’article L. 214-6 est complété par un V ainsi rédigé :
« V. – On entend par famille d’accueil une personne physique accueillant sans transfert de propriété à son domicile un animal de compagnie domestique confié par un refuge ou une association sans refuge au sens de l’article L. 214-6-5, dans les conditions prévues à l’article L. 214-6-6. » ;
3° (Supprimé)
3° bis Après l’article L. 214-6-3, sont insérés des articles L. 214-6-5 et L. 214-6-6 ainsi rédigés :
« Art. L. 214-6-5. – I. – Les associations sans refuge sont des associations de protection des animaux n’exerçant pas d’activité de gestion de refuge au sens de l’article L. 214-6-1 et ayant recours au placement d’animaux de compagnie auprès de familles d’accueil mentionnées à l’article L. 214-6.
« Ces associations accueillent et prennent en charge des animaux soit en provenance d’une fourrière à l’issue des délais de garde fixés aux articles L. 211-25 et L. 211-26, soit donnés par leur propriétaire, soit à la demande de l’autorité administrative ou judiciaire.
« II. – Ne peuvent détenir, même temporairement, d’animaux de compagnie ou avoir recours au placement d’animaux en famille d’accueil en application de l’article L. 214-6-6 que les associations sans refuge :
« 1° Ayant fait l’objet d’une déclaration au représentant de l’État dans le département ;
« 2° Dont au moins l’un des membres du conseil d’administration ou du bureau remplit au moins l’une des conditions mentionnées au 3° du I de l’article L. 214-6-1 ;
« 3° Ayant établi un règlement sanitaire.
« III. – La liste des associations sans refuge déclarées en application du 1° du II est tenue et actualisée par l’autorité administrative compétente en matière sanitaire, et tenue à la disposition du public.
« IV. – (Supprimé)
« Art. L. 214-6-6. – Tout refuge au sens de l’article L. 214-6-1 ou association sans refuge au sens de l’article L. 214-6-5 ayant recours au placement d’animaux de compagnie auprès de familles d’accueil au sens du V de l’article L. 214-6 :
« 1° Établit et conserve un contrat d’accueil d’animal de compagnie signé par la famille d’accueil et l’association, comprenant les informations essentielles prévues par décret ;
« 2° Remet à la famille d’accueil le document d’information mentionné au 2° du I de l’article L. 214-8 ;
« 3° Transmet à la famille d’accueil et conserve un certificat vétérinaire, établi dans un délai maximal de sept jours à compter de la remise de l’animal ;
« 4° Tient un registre des animaux confiés à des familles d’accueil, tenu à la disposition de l’autorité administrative à sa demande. Les informations relatives à la famille d’accueil sont enregistrées au fichier national mentionné à l’article L. 212-2 ;
« 5° Poursuit les démarches relatives à l’adoption de l’animal, lorsque le placement en famille d’accueil ne revêt pas un caractère définitif aux termes du contrat d’accueil mentionné au 1° du présent article.
« Un décret fixe les conditions d’application du présent article. » ;
4° (Supprimé)
Article 3 ter
(Supprimé)
Article 3 quater
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport dressant un diagnostic chiffré sur la question des chats errants. Le rapport évalue le coût de la capture et de la stérilisation des chats errants. Il formule des recommandations pérennes et opérationnelles pour répondre à cette problématique. Le rapport précise le champ d’application des mesures prévues, qui peuvent le cas échéant concerner également les chats domestiques. Il précise la mise en œuvre territoriale des recommandations formulées et indique les territoires prioritaires. Le rapport présente les modalités de financement par les collectivités territoriales et l’État de ce dispositif. Il étudie en particulier la pertinence d’assurer ce financement par le biais d’un fonds de concours ou d’un fonds de dotation. Il est établi en lien avec l’observatoire de la protection des animaux de compagnie.
Article 4
I. – L’article L. 211-27 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° et 2° (Supprimés)
2° bis Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre peuvent, en application de l’article L. 5211-4-2 du code général des collectivités territoriales, mettre les moyens nécessaires à disposition des maires pour l’exercice de ce pouvoir de police. » ;
2° ter (nouveau) Au deuxième alinéa, la référence : « à l’alinéa précédent » est remplacée par la référence : « au premier alinéa du présent article » ;
3° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’application du présent article, le nourrissage de ces populations est autorisé sur leurs lieux de capture. »
I bis. – La onzième ligne du tableau constituant le second alinéa de l’article L. 275-2, la quatorzième ligne du tableau constituant le second alinéa de l’article L. 275-5 et la onzième ligne du tableau constituant le second alinéa de l’article L. 275-10 du code rural et de la pêche maritime sont remplacées par une ligne ainsi rédigée :
« |
L. 211-27 |
Résultant de la loi n° … du … visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes |
» |
II. – À titre expérimental, pour une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, l’État, les collectivités territoriales et les établissements de coopération intercommunale à fiscalité propre volontaires peuvent articuler leurs actions dans le cadre de conventions de gestion des populations de chats errants.
La convention est signée par le représentant de l’État dans la région et les présidents ou maires des collectivités territoriales et établissements de coopération intercommunale volontaires, afin d’améliorer la gestion et la prise en charge des populations de chats errants ou en divagation et d’articuler les compétences et moyens de chaque signataire dans cet objectif.
La convention fixe des objectifs en matière de gestion et de suivi des populations de chats errants, au regard notamment des missions prévues à l’article L. 211-27 du code rural et de la pêche maritime. La convention contient des engagements respectifs de chacune des parties. Ces engagements peuvent être de nature opérationnelle, organisationnelle ou – lorsque ces derniers sont financés par une loi de finances promulguée, un budget déjà approuvé ou un dispositif de financement existant – de nature financière.
Les conventions signées en application du présent II ne peuvent excéder une durée de trois ans.
À l’issue de la période d’expérimentation prévue au premier alinéa du présent II, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation faisant état de la mise en œuvre des conventions. »
Article 4 bis A
L’article L. 211-27 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les mairies et les établissements de soins vétérinaires, une signalisation apparente présente l’intérêt de la stérilisation des animaux domestiques en termes de santé, de bien-être animal et de préservation de la biodiversité. »
Article 4 ter
(Suppression maintenue)
Article 4 quater
Au début du chapitre III du titre Ier du livre IV du code de l’environnement, il est ajouté un article L. 413-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 413-1 A. – I. – Parmi les animaux d’espèces non domestiques, seuls les animaux relevant d’espèces dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de l’environnement peuvent être détenus comme animaux de compagnie ou dans le cadre d’élevages d’agrément.
« II. – La liste mentionnée au I est établie et révisée tous les trois ans après enquête approfondie conduite par le ministre chargé de l’environnement. Cette enquête se fonde sur des données scientifiques disponibles récentes présentant des garanties de fiabilité.
« III. – Toute personne physique ou morale peut demander la mise à l’étude de l’inscription d’une espèce d’animal non domestique à la liste mentionnée au I, ou le retrait d’une espèce d’animal non domestique de cette même liste.
« La demande fait l’objet d’une réponse motivée du ministre chargé de l’environnement au plus tard six mois avant la révision de la liste en application du II. La réponse peut faire l’objet d’un recours devant le juge administratif.
« Toute personne ayant présenté une demande en application du premier alinéa du présent III peut solliciter une dérogation au I du présent article, accordée par le représentant de l’État dans le département.
« IV. – Par dérogation au I, la détention d’un animal d’une espèce ne figurant pas sur la liste mentionnée au même I est autorisée si son propriétaire démontre qu’il a acquis l’animal avant la promulgation de la loi n° … du … visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes.
« V. – Un décret précise les modalités d’application du présent article, ainsi que la notion d’élevage d’agrément au sens du I. »
Article 4 quinquies
I. – L’article L. 214-6-3 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« Un arrêté du ministre chargé de l’agriculture fixe les règles sanitaires et de protection animale applicables aux établissements de vente d’animaux de compagnie relevant du présent article et les autorités administratives chargées de leur contrôle.
« II. – La cession à titre onéreux ou gratuit de chats et de chiens est interdite dans les établissements de vente mentionnés au premier alinéa du I.
« En partenariat avec des fondations ou associations de protection des animaux, les établissements de vente d’animaux de compagnie mentionnés au même premier alinéa peuvent présenter des chats et des chiens appartenant à ces fondations ou associations, issus d’abandons ou dont les anciens propriétaires n’avaient pas été identifiés. Ces présentations s’effectuent en présence de bénévoles desdites fondations ou associations. »
II (nouveau). – Le premier alinéa du II de l’article L. 214-6-3 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant du I du présent article, entre en vigueur le 1er janvier 2024.
Article 4 sexies A
L’article L. 214-6-3 du code rural et de la pêche maritime est complété par un III ainsi rédigé :
« III. – La présentation en animaleries d’animaux visibles d’une voie ouverte à la circulation publique est interdite. »
Article 4 sexies B
I. – Après le I de l’article L. 206-2 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un I bis ainsi rédigé :
« I bis. – Lorsqu’est constaté un manquement répété aux règles d’identification et aux conditions sanitaires prévues pour les échanges intracommunautaires ou les importations ou exportations de carnivores domestiques aux articles L. 236-1 à L. 236-8, l’autorité administrative ordonne la suspension de l’activité en cause pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois. »
I bis. – L’article L. 236-1 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Tout chien importé ou introduit sur le territoire national ne peut entrer que s’il dispose d’au moins une dent d’adulte. » ;
2° Au second alinéa, la référence : « à l’alinéa précédent » est remplacée par la référence : « au premier alinéa ».
II. – L’article L. 236-5 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Au second alinéa, les mots : « grave ou répétée » sont supprimés ;
2° Le même second alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les frais occasionnés par ces contrôles sont mis à la charge de la personne ayant méconnu les dispositions du même article L. 236-1 ou de ses complices. »
III. – L’article L. 215-10 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le montant : « 7 500 € » est remplacé par le montant : « 30 000 € » ;
2° (Supprimé)
Article 4 sexies
Le titre Ier du livre II du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° L’article L. 214-8 est complété par des VI à VIII ainsi rédigés :
« VI. – L’offre de cession en ligne d’animaux de compagnie est interdite.
« Par dérogation au premier alinéa du présent VI, une offre de cession en ligne d’animaux de compagnie est autorisée sous réserve :
« 1° Qu’elle soit présentée dans une rubrique spécifique aux animaux de compagnie, répondant aux obligations prévues à l’article L. 214-8-2 ;
« 2° Que la rubrique spécifique précitée comporte des messages de sensibilisation et d’information du détenteur relatif à l’acte d’acquisition d’un animal.
« Les modalités de mise en œuvre de ces obligations sont définies par décret.
« La cession en ligne à titre onéreux d’animaux de compagnie ne peut être réalisée que par les personnes exerçant les activités mentionnées aux articles L. 214-6-2 et L. 214-6-3.
« VII. – L’expédition d’animaux vertébrés vivants par voie postale est interdite.
« VIII. – La mention “satisfait ou remboursé” ou toute technique promotionnelle assimilée est interdite. » ;
2° (nouveau) La section 2 du chapitre IV est complétée par un article L. 214-8-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 214-8-2. – Tout service de communication au public ou annonceur autorisant la diffusion d’offres de cession des carnivores domestiques sur son service impose à l’auteur de l’offre de renseigner les informations prévues à l’article L. 214-8-1 et met en œuvre un système de contrôle préalable afin de vérifier la validité de l’enregistrement de l’animal sur le fichier national mentionné à l’article L. 212-2 et de labelliser chaque annonce. » ;
3° (nouveau) Le chapitre V est complété par un article L. 215-14 ainsi rétabli :
« Art. L. 215-14. – Est puni de 7 500 euros d’amende le fait de ne pas mettre en œuvre le système de contrôle préalable mentionné à l’article L. 214-8-2. »
Article 5
I. – L’article L. 214-8-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de l’article 1er de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« I. – Toute publication d’une offre de cession d’animaux de compagnie fait figurer : » ;
2° Après le même premier alinéa, sont insérés cinq alinéas ainsi rédigés :
« – les noms scientifique et vernaculaire de l’espèce, de la race et de la variété auxquelles appartiennent les animaux ;
« – leur sexe, s’il est connu ;
« – leur lieu de naissance ;
« – le nombre de femelles reproductrices au sein de l’élevage et le nombre de portées de ces femelles au cours de l’année écoulée, sauf élevages de poissons et d’amphibiens ;
« – le numéro d’identification des animaux, lorsque ceux-ci sont soumis à obligation d’identification en application du présent code ; »
2° bis Au troisième alinéa, les mots : « le numéro d’identification de chaque animal ou » sont supprimés ;
2° ter Après le même troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les modalités de contrôle des informations d’identification des animaux sont définies par décret. » ;
3° Au début de l’avant-dernier alinéa, est ajoutée la mention : « II. – » et les mots : « de chats ou de chiens » sont remplacés par les mots : « d’animaux de compagnie » ;
4° Au début du dernier alinéa, est ajoutée la mention : « III. – » ;
5° (Supprimé)
II. – (Supprimé)
Article 5 bis
(Suppression maintenue)
Article 5 ter
Le II de l’article L. 214-8 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La cession à titre gratuit ou onéreux aux mineurs d’un animal de compagnie est interdite en l’absence de consentement des parents ou des personnes exerçant l’autorité parentale. »
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Article 6 bis
L’article L. 241-4 du code du sport est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour l’application du premier alinéa du présent article, les conditions d’accès prévues aux locaux mentionnés au 3° de l’article L. 232-18-4 s’appliquent aux lieux où se déroulent les manifestations mentionnées à l’article L. 241-2 et les entraînements y préparant, ainsi qu’aux locaux dans lesquels les animaux prenant part à ces manifestations ou entraînements sont habituellement gardés.
« Pour l’application du premier alinéa du présent article, la constatation des infractions prévues à l’article L. 241-2 et aux 2° et 3° du I de l’article L. 241-3 peut s’effectuer dans les conditions prévues à l’article L. 232-18-9. »
Article 7
Le chapitre III du titre Ier du livre II du code rural et de la pêche maritime est complété par une section 2 ainsi rédigée :
« Section 2
« Vente forcée des équidés confiés au titre d’un contrat de dépôt ou d’un contrat de prêt à usage
« Art. L. 213-10. – I. – Dans le cas où un équidé est confié à un tiers, dans le cadre d’un contrat de dépôt ou de prêt à usage, et que le propriétaire ne récupère pas l’équidé dans un délai de trois mois à compter de la réception d’une mise en demeure de récupérer l’animal, que ce soit pour défaut de paiement, inaptitude ou incapacité totale de l’animal d’accomplir les activités pour lesquelles il a été élevé, le dépositaire peut vendre ledit équidé dans les conditions déterminées au présent article.
« II. – Le professionnel qui veut user de la faculté prévue au I présente au président du tribunal judiciaire une requête qui énonce les faits et donne les éléments d’identification de l’équidé et son lieu de stationnement, le nom du propriétaire et, le cas échéant, l’indication précise du montant de la somme réclamée à ce propriétaire, avec le décompte des différents éléments de la créance ainsi que le fondement de celle-ci. Il peut également demander la désignation d’un tiers à qui l’équidé sera confié en cas de carence d’enchères.
« III. – Si, au vu des documents produits, la demande lui paraît fondée en tout ou partie, le président du tribunal judiciaire rend une ordonnance autorisant la mise en vente forcée aux enchères publiques de l’équidé. L’ordonnance détermine, s’il y a lieu, le montant de la créance du requérant. Si le requérant justifie de l’accord d’un tiers pour assumer la charge matérielle de l’équidé, l’ordonnance peut prévoir que l’animal sera remis à ce tiers en cas de carence d’enchères.
« IV. – À peine de caducité, l’ordonnance doit être signifiée au propriétaire à la diligence du requérant dans un délai de trois mois. L’huissier de justice doit, par acte conjoint, signifier le jour, le lieu et l’heure de la vente, qui ne peut intervenir dans un délai inférieur à un mois à compter de la signification de l’acte. Dans ce délai d’un mois, le propriétaire peut récupérer son équidé après paiement de la créance s’il est débiteur du requérant. Le propriétaire peut aussi s’opposer à la vente par exploit signifié au requérant. Cette opposition emporte de plein droit citation à comparaître à la première audience utile de la juridiction qui a autorisé la vente.
« V. – La vente a lieu conformément aux dispositions du code des procédures civiles d’exécution relatives à la vente forcée des biens saisis.
« VI. – Le produit de la vente est remis au dépositaire jusqu’à concurrence du montant de sa créance, en principal et intérêts mentionnés par l’ordonnance, augmentée des frais. Le surplus est consigné à la Caisse des dépôts et consignations, au nom du propriétaire, par l’officier public, sans procès-verbal de dépôt. Il en retire un récépissé de consignation qui lui vaut décharge. Le montant de la consignation, en principal et intérêts, est acquis à l’État en application de l’article L. 518-24 du code monétaire et financier, s’il n’y a pas eu dans l’intervalle réclamation de la part du propriétaire, de ses représentants ou de ses créanciers. »
Article 7 bis
I. – Après l’article L. 214-10 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 214-10-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 214-10-1. – I. – (Supprimé)
« I bis. – Les manèges à poneys, entendus comme attractions permettant, pour le divertissement du public, de chevaucher tout type d’équidé, via un dispositif rotatif d’attache fixe privant l’animal de liberté de mouvement, sont interdits.
« II. – (Supprimé) ».
II (nouveau). – Le premier alinéa de l’article L. 215-11 est complété par les mots : « ou de ne pas respecter l’interdiction prévue à l’article L. 214-10-1 ».
Article 7 ter
I. – Au sein des modules visant à développer une culture de l’engagement et à transmettre un socle républicain du service national universel, les participants reçoivent une sensibilisation à l’éthique animale concernant les animaux de compagnie.
Cet enseignement amène les volontaires du service national universel à étudier le rapport de l’Homme avec l’animal sous le prisme philosophique et scientifique.
Par un arrêté conjoint du ministre chargé de l’agriculture et de l’alimentation, du ministre chargé de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports et du ministre des armées, sont précisés le contenu et les modalités de mise en œuvre de la sensibilisation à l’éthique animale.
II. – L’article L. 312-15 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’enseignement moral et civique sensibilise également, à l’école primaire, au collège et au lycée, les élèves au respect des animaux de compagnie. Il présente les animaux de compagnie comme sensibles et contribue à prévenir tout acte de maltraitance animale. »
Chapitre II
Renforcement des sanctions dans la lutte contre la maltraitance à l’encontre des animaux domestiques
Article 8
L’article 521-1 du code pénal est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois » et le montant : « 30 000 euros » est remplacé par le montant : « 45 000 euros » ;
2° Après le même premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque les faits ont entraîné la mort de l’animal, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende.
« Est considéré comme circonstance aggravante du délit mentionné au premier alinéa le fait de le commettre en présence d’un mineur. » ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’ils sont commis avec circonstance aggravante, sauf lorsque les faits ont entraîné la mort de l’animal, les délits mentionnés au présent article sont punis de quatre ans d’emprisonnement et de 60 000 euros d’amende. »
Article 8 bis A
Le titre II du livre V du code pénal est ainsi modifié :
1° Le chapitre unique devient le chapitre Ier ;
2° Il est ajouté un chapitre II ainsi rédigé :
« CHAPITRE II
« Des atteintes volontaires à la vie d’un animal
« Art. 522-1. – Le fait, sans nécessité, publiquement ou non, de donner volontairement la mort à un animal domestique, apprivoisé, ou tenu en captivité, hors du cadre d’activités légales, est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.
« Le présent article n’est pas applicable aux courses de taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée. Il n’est pas non plus applicable aux combats de coqs dans les localités où une tradition ininterrompue peut être établie.
« Art. 522-2. – Les personnes physiques coupables de l’infraction prévue à l’article 522-1 encourent également les peines complémentaires d’interdiction, à titre définitif ou non, de détenir un animal et d’exercer, pour une durée de cinq ans au plus, une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l’infraction. Cette interdiction n’est toutefois pas applicable à l’exercice d’un mandat électif ou de responsabilités syndicales. »
Article 8 bis
(Suppression maintenue)
Article 8 ter
L’article 521-1 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Est considéré comme circonstance aggravante de l’acte d’abandon le fait de le perpétrer, en connaissance de cause, dans des conditions présentant un risque de mort immédiat ou imminent pour l’animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité. »
Article 8 quater
Après le premier alinéa de l’article 521-1 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de sévices graves ou d’actes de cruauté sur un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, prévus au présent article, est considéré comme circonstance aggravante le fait d’être le propriétaire ou le gardien de l’animal. »
Article 8 quinquies
Après le premier alinéa de l’article 521-1 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Est considéré comme circonstance aggravante du délit mentionné au premier alinéa le fait de le commettre sur un animal détenu par des agents dans l’exercice de missions de service public. »
Article 8 sexies
(Supprimé)
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Article 10
La première phrase du troisième alinéa de l’article 521-1 du code pénal est ainsi modifiée :
1° Le mot : « article » est remplacé par le mot : « chapitre » ;
2° (Supprimé)
3° Les mots : « pour une durée de cinq ans au plus » sont remplacés par les mots : « soit définitivement, soit temporairement, dans ce dernier cas pour une durée qui ne peut excéder cinq ans ».
Article 10 bis A
I. – À l’occasion d’un dépôt de plainte pour vol d’un animal, le plaignant signale obligatoirement ce vol aux personnes agréées pour la collecte et le traitement des données d’identifications mentionnées à l’article L. 212-2 du code rural et de la pêche maritime.
II. – Après le 11° de l’article 311-4 du code pénal, il est inséré un 12° ainsi rédigé :
« 12° Lorsqu’il est destiné à alimenter le commerce illégal d’animaux. »
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Article 10 ter
L’article 230-19 du code de procédure pénale est complété par un 19° ainsi rédigé :
« 19° Les interdictions de détenir un animal prévues à l’article 131-21-2 du même code. »
Article 10 quater A
Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Après le 5° bis de l’article L. 221-1, il est inséré un 5° ter ainsi rédigé :
« 5° ter Veiller au repérage et à l’orientation des mineurs condamnés pour maltraitance animale, ou dont les responsables ont été condamnés pour maltraitance animale ; »
2° L’article L. 226-3 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu’elles sont notifiées par une fondation ou une association de protection animale reconnue d’intérêt général à ladite cellule, les mises en cause pour sévices graves ou acte de cruauté ou atteinte sexuelle sur un animal mentionnées aux articles 521-1 et 521-1-1 du code pénal, donnent lieu à une évaluation de la situation d’un mineur mentionnée au troisième alinéa du présent article. » ;
b) Au dernier alinéa, après la référence : « 5° », sont insérées les références : « , 5° bis et 5° ter ».
Article 10 quater
L’article L. 214-23 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa du III est supprimé ;
2° Il est ajouté un IV ainsi rédigé :
« IV. – Les frais induits par les mesures prises par l’autorité administrative en application du 7° du I ainsi que des II et III sont à la charge du propriétaire, du détenteur, du destinataire, de l’importateur, de l’exportateur ou, à défaut, de toute autre personne qui participe à l’opération d’importation ou d’échange et ne donnent lieu à aucune indemnité. »
Article 10 quinquies
Au premier alinéa de l’article L. 215-11 du code rural et de la pêche maritime, après le mot : « dressage », sont insérés les mots : « , d’activités privées de sécurité, de surveillance, de gardiennage, de protection physique des personnes ou des biens employant des agents cynophiles ».
Article 11
Le code pénal est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° Après l’article 521-1, il est inséré un article 521-1-2 ainsi rédigé :
« Art. 521-1-2. – Est constitutif d’un acte de complicité des sévices graves ou actes de cruauté ou atteintes sexuelles sur un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité, prévus au premier alinéa des articles 521-1 et 521-1-1 et est puni des peines prévues aux mêmes articles 521-1 et 521-1-1 le fait d’enregistrer sciemment, par quelque moyen que ce soit et sur quelque support que ce soit, des images relatives à la commission des infractions mentionnées au présent alinéa. Est constitutif d’un acte de complicité de mauvais traitements sur un animal et est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe le fait d’enregistrer sciemment, par quelque moyen que ce soit et sur quelque support que ce soit, des images relatives à la commission de l’infraction de mauvais traitements précitée.
« Le fait de diffuser sur internet l’enregistrement de telles images est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
« Le présent article n’est pas applicable lorsque l’enregistrement, la détention, la diffusion ou la consultation de ces images vise à apporter une contribution à un débat public d’intérêt général ou à servir de preuve en justice. »
Article 11 bis A
Au premier alinéa de l’article 227-24 du code pénal, après le mot : « pornographique », sont insérés les mots : « , y compris des images pornographiques impliquant un ou plusieurs animaux, ».
Article 11 bis
Après le 4° de l’article 226-14 du code pénal, il est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° Au vétérinaire qui porte à la connaissance du procureur de la République toute information relative à des sévices graves, à un acte de cruauté ou à une atteinte sexuelle sur un animal mentionnés aux articles 521-1 et 521-1-1 et toute information relative à des mauvais traitements sur un animal, constatés dans le cadre de son exercice professionnel. Cette information ne lève pas l’obligation du vétérinaire sanitaire prévue à l’article L. 203-6 du code rural et de la pêche maritime. »
Article 11 ter A
L’article L. 241-5 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rétabli :
« Art. L. 241-5. – Tout vétérinaire, y compris un assistant vétérinaire, est tenu au respect du secret professionnel dans les conditions établies par la loi. Le secret professionnel du vétérinaire couvre tout ce qui est venu à la connaissance du vétérinaire dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire ce qui lui a été confié mais également ce qu’il a vu, entendu ou compris. »
Article 11 ter
Le chapitre unique du titre II du livre V du code pénal est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article 521-1, les mots : « , ou de nature sexuelle, » sont supprimés ;
2° Après le même article 521-1, il est inséré un article 521-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 521-1-1. – Les atteintes sexuelles sur un animal domestique, ou apprivoisé ou tenu en captivité sont punies de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
« Les soins médicaux et d’hygiène nécessaires ainsi que les actes nécessaires à l’insémination artificielle ne peuvent être considérés comme des atteintes sexuelles.
« Ces peines peuvent être portées à quatre ans d’emprisonnement et à 60 000 euros d’amende lorsque les faits sont commis en réunion, ou en présence d’un mineur, ou par le propriétaire ou le gardien de l’animal.
« En cas de condamnation du propriétaire de l’animal ou si le propriétaire est inconnu, le tribunal statue sur le sort de l’animal, qu’il ait été ou non placé au cours de la procédure judiciaire. Le tribunal peut prononcer la confiscation de l’animal et prévoir qu’il sera remis à une fondation ou à une association de protection animale reconnue d’utilité publique ou déclarée, qui pourra librement en disposer.
« Les personnes physiques coupables des infractions prévues au présent article encourent également les peines complémentaires d’interdiction, à titre définitif, de détenir un animal et d’exercer une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l’infraction. Cette interdiction n’est toutefois pas applicable à l’exercice d’un mandat électif ou de responsabilités syndicales.
« Les personnes morales déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues à l’article 121-2 encourent les peines suivantes :
« 1° L’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38 ;
« 2° Les peines prévues aux 2°, 4°, 7°, 8° et 9° de l’article 131-39. »
Article 11 quater
Après l’article 521-1 du code pénal, il est inséré un article 521-1-3 ainsi rédigé :
« Art. 521-1-3. – Le fait de proposer ou solliciter des actes constitutifs d’atteintes sexuelles sur un animal telles que définies à l’article 521-1-1, par quelque moyen que ce soit, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »
Article 11 quinquies
L’article 706-47 du code de procédure pénale est complété par un 15° ainsi rédigé :
« 15° Délits prévus au premier alinéa de l’article 521-1-1 du même code. »
Chapitre III
Fin de la captivité d’espèces sauvages utilisées à des fins commerciales
Article 12
I. – Le chapitre III du titre Ier du livre IV du code de l’environnement est complété par une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Dispositions relatives aux animaux d’espèces non domestiques détenus en captivité à des fins de divertissement
« Art. L. 413-9. – Une commission nationale consultative pour la faune sauvage captive est placée auprès du ministre chargé de la protection de la nature, qui en fixe par arrêté l’organisation et le fonctionnement et en nomme les membres.
« Elle est composée :
« 1° De personnalités qualifiées en matière de recherche scientifique relative à l’éthologie, à la reproduction, à la conservation, aux caractéristiques biologiques et aux besoins des animaux non domestiques ;
« 2° D’un vétérinaire spécialiste de la faune sauvage ;
« 3° De représentants du ministère chargé de la protection de la nature, d’un représentant du ministère chargé de l’éducation, d’un représentant du ministère chargé de l’agriculture et d’un représentant du ministère chargé de la recherche ;
« 4° De représentants d’organismes internationaux actifs en matière de conservation des espèces ;
« 5° De représentants des associations de protection des animaux ;
« 6° De représentants des associations d’élus locaux ;
« 7° Et, sur désignation du président de la commission nationale consultative pour la faune sauvage captive, en fonction de l’ordre du jour, des représentants des établissements soumis aux dispositions du présent chapitre.
« Ses membres exercent leurs fonctions à titre gratuit.
« La commission nationale consultative pour la faune sauvage captive peut être consultée par le ministre sur les moyens propres à améliorer les conditions d’entretien ainsi que de présentation au public des animaux d’espèces non domestiques tenus en captivité.
« Art. L. 413-10. – I. – Il est interdit d’acquérir, de commercialiser et de faire se reproduire en vue de les présenter au public dans des établissements itinérants des animaux appartenant aux espèces non domestiques.
« Cette interdiction entre en vigueur à l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi n° … du … visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes.
« II. – Sont interdits, dans les établissements itinérants, la détention, le transport et les spectacles incluant des espèces d’animaux non domestiques. Cette interdiction entre en vigueur à l’expiration d’un délai de sept ans à compter de la promulgation de la loi n° … du … précitée.
« Des solutions d’accueil pour les animaux visés par l’interdiction prévue au premier alinéa du I sont proposées à leurs propriétaires. Ces solutions garantissent que les animaux seront accueillis dans des conditions assurant leur bien-être.
« Un décret en Conseil d’État précise les conditions dans lesquelles le ministre chargé de la protection de la nature peut déroger aux interdictions prévues à compter de cette entrée en vigueur, lorsqu’il n’existe pas de capacités d’accueil favorables à la satisfaction de leur bien-être pour les animaux visés par les interdictions prévues aux I et II.
« III. – Les certificats de capacité et les autorisations d’ouverture prévus aux articles L. 413-2 et L. 413-3 ne peuvent être délivrés aux personnes ou établissements souhaitant détenir, en vue de les présenter au public dans des établissements itinérants, des animaux des espèces non domestiques. Les autorisations d’ouverture délivrées aux établissements réalisant une des activités interdites par le présent article sont abrogées dès le départ des animaux détenus.
« IV. – Tout établissement itinérant détenant un animal en vue de le présenter au public, procède à son enregistrement dans le fichier national mentionné au II de l’article L. 413-6 dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi n° … du … précitée, dans des conditions précisées par arrêté du ministre chargé de l’environnement.
« V. – Les conditions d’application du présent article sont précisées par arrêté du ministre chargé de la protection de la nature.
« Art. L. 413-11. – Les établissements de spectacles fixes présentant au public des animaux vivants d’espèces non domestiques sont soumis aux règles générales de fonctionnement et répondent aux caractéristiques générales des installations des établissements zoologiques à caractère fixe et permanent, présentant au public des spécimens vivants de la faune locale ou étrangère. Les modalités d’application du présent article sont précisées par voie réglementaire.
« Art. L. 413-12. – I. – Sont interdits les spectacles incluant une participation de spécimens de cétacés et les contacts directs entre les cétacés et le public. Cette interdiction entre en vigueur à l’expiration d’un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi n° … du … précitée.
« II. – Il est interdit de détenir en captivité ou de faire se reproduire en captivité des spécimens de cétacés, sauf au sein d’établissements mentionnés à l’article L. 413-1-1 ou dans le cadre de programmes scientifiques dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la protection de la nature. Cette interdiction entre en vigueur à l’expiration d’un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi n° … du … précitée.
« III. – Un arrêté du ministre chargé de la protection de la nature détermine les caractéristiques générales, les modalités de présentation du contenu des programmes scientifiques et les règles de fonctionnement des établissements autorisés à détenir des spécimens vivants de cétacés mentionnés au II. »
I bis, II et III. – (Supprimés)
Article 12 bis
Après l’article L. 413-1 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 413-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 413-1-1. – Un refuge ou sanctuaire pour animaux sauvages captifs est un établissement à but non lucratif accueillant des animaux d’espèces non domestiques, captifs ou ayant été captifs, ayant fait l’objet d’un acte de saisie, de confiscation, trouvés abandonnés ou placés volontairement par leur propriétaire qui a souhaité s’en dessaisir.
« L’exploitant d’un refuge ou sanctuaire pour animaux sauvages captifs doit être titulaire du certificat de capacité prévu à l’article L. 413-2 pour une activité d’élevage des espèces animales présentes sur le site lorsqu’il n’y a pas de présentation au public. Dans l’hypothèse d’une présentation au public, le certificat pour cette activité est requis.
« L’établissement doit avoir fait l’objet d’une autorisation d’ouverture prévue à l’article L. 413-3.
« Au sein d’un refuge pour animaux sauvages captifs, les animaux doivent être entretenus dans des conditions d’élevage qui visent à satisfaire les besoins biologiques, la santé et l’expression des comportements naturels des différentes espèces en prévoyant, notamment, des aménagements, des équipements et des enclos adaptés à chaque espèce.
« Toute activité de vente, d’achat, de location, de reproduction d’animaux est interdite.
« La présentation de numéros de dressage, et tout contact direct entre le public et les animaux à l’initiative du visiteur ou du personnel du refuge ou du sanctuaire sont interdits.
« Les dispositions du présent article s’appliquent sans préjudice des autres dispositions réglementaires relatives aux animaux d’espèces non domestiques.
« Le ministre chargé de l’environnement et le ministre chargé de l’agriculture assurent l’exécution du présent article. »
Article 13
I. – La section 3 du chapitre III du titre Ier du livre IV du code de l’environnement, telle qu’elle résulte de l’article 12 de la présente loi, est complétée par un article L. 413-13 ainsi rédigé :
« Art. L. 413-13. – I. – Il est interdit de présenter des animaux domestiques et non domestiques en discothèque. Pour l’application du présent I, est considérée comme discothèque tout lieu clos ou dont l’accès est restreint, dont la vocation première est d’accueillir du public, même dans le cadre d’événements privés, en vue d’un rassemblement destiné principalement à la diffusion de musique et à la danse.
« II. – Il est interdit de présenter des animaux non domestiques, que ceux-ci soient captifs ou sortis de leur milieu naturel, lors d’émissions de variétés, de jeux et d’émissions autres que de fiction majoritairement réalisées en plateau, en dehors des locaux d’établissements disposant de l’autorisation d’ouverture prévue à l’article L. 413-3, et diffusées sur un service de télévision ou mis à disposition sur un service de médias audiovisuels à la demande, au sens de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. »
II. – A. – (Supprimé)
B. – Le II de l’article L. 413-13 du code de l’environnement entre en vigueur à l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi.
Article 14
I. – La section 3 du chapitre III du titre Ier du livre IV du code de l’environnement, telle qu’elle résulte de l’article 12 de la présente loi, est complétée par un article L. 413-14 ainsi rédigé :
« Art. L. 413-14. – I. – Il est interdit de détenir des ours et des loups, y compris hybrides, en vue de les présenter au public à l’occasion de spectacles itinérants.
« II. – L’acquisition et la reproduction d’ours et de loups, y compris hybrides, en vue de les présenter au public à l’occasion de spectacles itinérants est interdite.
« III. – Les certificats de capacité et les autorisations d’ouverture prévus aux articles L. 413-2 et L. 413-3 ne peuvent être délivrés aux personnes ou établissements souhaitant détenir, en vue de les présenter au public dans des établissements itinérants, des animaux des espèces non domestiques mentionnés au I du présent article. Les autorisations d’ouverture délivrées aux établissements réalisant une des activités interdites par le présent article sont abrogées dès le départ des animaux détenus. »
II. – Les I et III de l’article L. 413-14 du code de l’environnement entrent en vigueur à l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi.
Chapitre IV
Fin de l’élevage de visons d’Amérique destinés à la production de fourrure
Article 15
I. – Après l’article L. 214-9 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 214-9-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 214-9-1. – I. – Les élevages de visons d’Amérique (Neovison vison ou Mustela vison) et d’animaux d’autres espèces non domestiques exclusivement élevés pour la production de fourrure sont interdits.
« II. – La création, l’agrandissement et la cession des établissements d’élevage de visons d’Amérique mentionnés au I sont interdits. »
II et III. – (Supprimés)
Article 15 bis A
(Supprimé)
Article 15 bis
(Suppression maintenue)
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M. le président. Nous passons à la présentation des amendements du Gouvernement.
Articles 1er à 2 bis b
M. le président. Sur les articles 1er à 2 bis B, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
article 2 bis c
M. le président. L’amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, monsieur le président, ma présentation vaudra pour les cinq amendements du Gouvernement : ce sont tous des amendements rédactionnels ou de précision juridique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne Chain-Larché, rapporteure. Il est favorable sur tous les amendements.
M. le président. Le vote est réservé.
L’amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – À l’article L. 212-7 du code rural et de la pêche maritime, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « dernier ».
Je rappelle que le Gouvernement a déjà présenté cet amendement et que la commission y est favorable.
Le vote est réservé.
article 2 bis
M. le président. Sur l’article 2 bis, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur cet article ?…
Le vote est réservé.
article 3
M. le président. L’amendement n° 5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par une ligne ainsi rédigée :
L. 211-26 |
Résultant de l’ordonnance n° 2000-914 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code de l’environnement |
Je rappelle que le Gouvernement a déjà présenté cet amendement et que la commission y est favorable.
Le vote est réservé.
Articles 3 bis aa à 11 quinquies
M. le président. Sur les articles 3 bis AA à 11 quinquies, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
article 12
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 18
1° Au début
Insérer la référence :
II bis. –
2° Remplacer les mots :
l’interdiction prévue au premier alinéa du I
par les mots :
les interdictions prévues aux I et II
II. – Alinéa 19
Au début
Insérer la référence :
II ter. –
Je rappelle que le Gouvernement a déjà présenté cet amendement et que la commission y est favorable.
Le vote est réservé.
articles 12 bis et 13
M. le président. Sur les articles 12 bis et 13, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
article 14
M. le président. L’amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
de l’article 12
par les mots :
des articles 12 et 13
Je rappelle que le Gouvernement a déjà présenté cet amendement et que la commission y est favorable.
Le vote est réservé.
articles 15 à 15 bis
M. le président. Sur les articles 15 à 15 bis, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à M. Daniel Salmon, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
M. Daniel Salmon. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous en arrivons à la lecture finale de ce texte, qui constitue une nouvelle étape dans la lutte contre la maltraitance animale ; je veux à cette occasion saluer nos collègues députés qui en sont à l’origine.
Je souhaiterais également remercier les associations ainsi que les citoyennes et les citoyens, mobilisés depuis de longs mois sur cet enjeu majeur, pour leur engagement contre la maltraitance animale.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires avait quelques points de divergences avec le texte issu du Sénat, car celui-ci remettait en question des avancées nous mettant pourtant tout juste au niveau de pays plus protecteurs en Europe. Cependant, nous avions salué certains apports de notre commission, notamment sur la question des sanctions ou sur le statut donné aux associations sans refuge.
Quant à cette ultime version du texte, nous regrettons toujours qu’elle ne traite pas de sujets essentiels pour la lutte contre la maltraitance, comme ceux de la faune sauvage victime de certaines pratiques de chasse, ou de la corrida, mais l’accord trouvé en commission mixte paritaire garantit de réelles avancées.
C’est ainsi le cas avec le rétablissement de la suppression de la vente de chiens et de chats en animalerie d’ici à 2024, mesure très attendue par les associations, avec une exception bienvenue pour les animaux issus des refuges, dans le cadre d’un partenariat entre animaleries et associations, afin de favoriser les adoptions de chats et chiens abandonnés. Ce compromis nous paraît plutôt pertinent.
L’introduction d’un délai de réflexion de sept jours avant l’achat d’un animal de compagnie et le certificat d’engagement et de connaissance pour les futurs détenteurs d’animaux sont des mesures utiles, qui permettront une évolution bienvenue des pratiques pour prévenir la maltraitance animale.
Concernant le renforcement des sanctions, nous nous félicitons que les sévices et les atteintes sexuelles soient plus lourdement punis. De nouvelles circonstances aggravantes ont été créées afin de mieux protéger les animaux ainsi que les enfants, lorsque ces actes sont malheureusement perpétrés sous leurs yeux.
Enfin, nous ne pouvons que nous réjouir du rétablissement par les députés de l’interdiction de l’acquisition de mammifères marins et de leur reproduction dans les delphinariums, dans un délai de cinq ans, et de l’interdiction de la détention d’animaux sauvages par les cirques itinérants, dans un délai de sept ans.
Certes, nous souhaitions aller plus loin et prohiber la présence d’animaux sauvages dans l’ensemble des spectacles, fixes ou itinérants, et ce dans des délais plus brefs, mais il s’agit déjà d’une avancée majeure, qu’il faut reconnaître.
Nous appelons tout de même à la vigilance quant au risque de sédentarisation des cirques itinérants : les cirques fixes n’étant quant à eux soumis à aucune interdiction, ils pourront toujours posséder des animaux sauvages.
À l’État maintenant de faciliter cette transition et d’accompagner les cirques et les établissements animaliers vers des spectacles sans animaux.
Enfin, nous nous réjouissons de l’interdiction de l’élevage de visons et d’animaux d’espèces non domestiques destinés à l’industrie de la fourrure, avec effet immédiat dès la promulgation de la loi.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, si nous évaluons plutôt positivement cette dernière version de la proposition de loi, nous formulerons néanmoins quelques regrets.
Concernant la vente d’animaux en ligne, nous nous interrogeons sur le système de labellisation proposé, soumis à différents critères. L’objectif de cette mesure est bien – nous en conviendrons tous – que seuls des professionnels puissent vendre des animaux en ligne, et ce uniquement sur des sites spécialisés. Dès lors, une interdiction claire et nette de la vente d’animaux sur les sites et les plateformes non spécialisés n’aurait-elle pas été un procédé de contrôle plus simple et plus efficace ?
Quant à la stérilisation des chats errants, un sujet qui emporte avec lui ceux de la souffrance animale, de la santé publique, mais aussi des atteintes à la biodiversité, si nous soutenions l’obligation, inscrite dans le texte initial, pour les maires et les intercommunalités de prendre en charge ce problème, il nous paraissait légitime que l’État, en parallèle, engage des moyens supplémentaires pour soutenir les collectivités dans cet objectif de politique publique.
Sur cette question, il faut aller vite. Nous suivrons de près les travaux de l’Observatoire de la protection des animaux de compagnie, dont nous espérons qu’il alimentera judicieusement le rapport prévu à l’article 3 quater, lequel devra prévoir des propositions de financements pérennes pour la mise en place de ces campagnes de stérilisation.
Bien sûr, beaucoup reste à faire, notamment sur un autre aspect fondamental de la souffrance animale : l’élevage industriel. Nous en sommes convaincus, lutter contre la souffrance animale passe par un changement de notre modèle agricole et en particulier des conditions d’élevage. Nous y reviendrons dans d’autres débats, je n’en doute pas.
Pour conclure, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera pour ce texte, certes encore timide sur certains sujets, mais qui acte des progrès majeurs pour mieux protéger les animaux de la violence et de l’abandon.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Fabien Gay. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, malgré ses imperfections et ses manques, cette proposition de loi constituait une avancée pour la lutte contre la maltraitance animale, car sur ce sujet nous partons de très loin.
C’est pourquoi, malgré quelques désaccords entre notre position et la version issue des travaux du Sénat, nous avions voté pour ce texte en première lecture.
Le compromis qui a été trouvé entre nos deux chambres reste à mi-parcours, mais il permet tout de même quelques avancées.
D’abord, les spectacles avec des animaux sauvages seront finalement interdits dans les delphinariums en 2026, malgré des dérogations, et dans les cirques itinérants en 2028. À ce sujet, je tiens à souligner la proposition de Mme la rapporteure, acceptée en commission mixte paritaire, de trouver d’ici à 2028 une solution pour accueillir ces animaux de cirque au lieu de les euthanasier comme le prévoyait l’Assemblée nationale.
Il en va de même pour la fin de la vente de chats et de chiens en animalerie à partir de janvier 2024. Nous sommes plus partagés sur cette question, car nous avons conscience que cela peut accroître le risque d’augmentation du nombre d’élevages clandestins ; il est impératif de renforcer les contrôles. Cela étant, on sait que les animaux vendus en animaleries sont issus souvent d’élevages d’Europe de l’Est, où ils sont détenus dans des conditions déplorables, sevrés trop tôt, ce qui entraîne des conséquences comportementales, et transportés dans de très mauvaises conditions ; d’ailleurs, beaucoup meurent au cours du trajet.
M. Stéphane Piednoir. Caricature !
M. Fabien Gay. Certes, cette proposition de loi s’est cantonnée aux mesures les plus consensuelles et certains sujets n’ont pas été abordés, mais il est important qu’un texte soit voté pour apporter un début de réponse aux attentes de nos concitoyens.
En effet, il n’est plus acceptable que les animaux soient considérés comme des objets ou de simples marchandises dont on fait la promotion, que l’on offre sans réfléchir aux conséquences et que l’on peut jeter après un achat compulsif ou non raisonné.
Il n’est plus acceptable que des animaux sauvages soient tenus en captivité et exhibés dans un cadre et un environnement qui ne sont pas les leurs.
Dans le même temps, il nous faudra être vigilants afin que certaines pratiques ne perdurent pas du fait des lacunes que ce texte laisse subsister ; encore une fois, la parole du politique en sortirait grandement affaiblie. Je pense en particulier à la dérogation, qui permettra aux delphinariums de conserver leurs animaux et de les présenter au public s’ils participent à un programme de recherche homologué par le ministère de la transition écologique. C’est un débat que nous avons avec Mme la rapporteure.
Au-delà du texte en lui-même, je pense que cet accord en commission mixte paritaire nous oblige. Il nous oblige à une réflexion et à une action plus globale en faveur des animaux. Il nous oblige aussi à débattre de sujets qui crispent et à faire évoluer certaines pratiques.
Je pense à la nécessité de revoir complètement notre modèle d’élevage intensif et notre rapport aux animaux que l’on dit « de rente », avec les agricultrices et les agriculteurs, mais je pense aussi à la protection d’espèces en voie de disparition et à la fin de l’usage irraisonné des pesticides dont l’impact sur la biodiversité est dévastateur. Rappelons que la biodiversité est une condition indispensable de la vie sur Terre.
Comme je l’ai dit en première lecture, je ne suis pas favorable à la politique des petits pas ; pour autant, je pense sincèrement que la cause animale est un sujet que nous ne pourrons plus occulter et qu’il est urgent d’en débattre ici, car il s’agit d’une question éminemment politique.
Ne nous y trompons pas, la société capitaliste, qui se traduit par l’exploitation de l’homme et de l’environnement, porte aussi préjudice aux animaux. La recherche effrénée du profit se fait au détriment de la vie humaine, de l’environnement et de la vie animale. (M. Stéphane Piednoir le conteste.) D’ailleurs, peu nombreux sont ceux qui tirent bénéfice de cette course au profit. Un tel constat devrait nous inciter à mettre en œuvre d’autres politiques. Ce système, avec son mode de production, a exacerbé l’exploitation des animaux et a fait d’eux une marchandise comme une autre.
Il faut bien réaliser qu’aucune compensation ne pourra remédier à la disparition d’espèces sur terre et aux dégâts irréversibles qu’elle provoque sur notre écosystème. (M. Stéphane Piednoir s’exclame.)
Nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à attendre que nous nous saisissions véritablement de la question de la maltraitance animale. Il nous faut maintenant aller plus loin. (M. Stéphane Piednoir s’agace.)
Cher collègue qui avancez des arguments que j’aimerais entendre à cette tribune…
M. Stéphane Piednoir. Absolument !
M. Fabien Gay. … plutôt qu’en échos lancinants derrière un masque, vos réflexions ne me feront jamais taire. Je n’ai jamais reculé sur un terrain de rugby, ce n’est pas ici que je le ferai sous la pression de vos interpellations !
Nous voterons cette proposition de loi, en espérant qu’elle ne sera qu’une première étape à la fois dans la lutte contre la maltraitance animale et dans une réflexion sur notre rapport aux autres espèces. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Prince, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Paul Prince. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes a rempli sa mission le 21 octobre dernier.
Entre les représentants de l’Assemblée nationale et du Sénat, un dialogue apaisé et des échanges fructueux ont eu lieu. Nous pouvons d’autant plus nous en féliciter que le sujet traité, particulièrement délicat, est souvent à l’origine de débats passionnés. À cet égard, je tiens en particulier à remercier Mme la rapporteure, ainsi que Mme la présidente de la commission.
Second sujet de satisfaction pour notre assemblée : nous pouvons nous satisfaire qu’un certain nombre des modifications que le Sénat a apportées aient été conservées dans le texte final.
Les relations entre l’homme et l’animal ont connu au cours du temps des évolutions considérables dans notre pays. Autrefois, la force des animaux était la principale énergie disponible, en particulier pour l’agriculture et les transports. L’exploitation des énergies fossiles, puis renouvelables, les a libérés de cette servitude, mais ces relations se perpétuent de multiples manières, principalement dans l’élevage, qui a lui aussi connu de profonds changements, et pour l’agrément des humains.
La perception de l’animal par l’homme a également considérablement changé. Si les animaux étaient considérés par Descartes comme de simples « machines » et dans le code napoléonien comme des « choses », leur sensibilité a été peu à peu reconnue, d’abord par la société, puis par le législateur dans la loi du 10 juillet 1976. Par voie de conséquence, la protection du bien-être animal a été continuellement renforcée au fil des années par la loi et le règlement.
Le texte que nous examinons aujourd’hui vient encore renforcer cette protection, ses dispositions portant sur des sujets aussi variés que l’élevage des visons et l’identification des chats errants par les maires. Je me contenterai ici d’évoquer les principales dispositions qui ont été discutées en commission mixte paritaire.
Mon premier point porte sur la question des animaux sauvages détenus en captivité à des fins de divertissement. Au vu de l’évolution des mentalités, eu égard aux souffrances provoquées par le dressage et le travail de ces animaux, ainsi que par leur vie itinérante, il était nécessaire de mettre fin à ces activités. Toutefois, et le Sénat y fut attentif, il fallait procéder de manière ordonnée et laisser suffisamment de temps aux professionnels pour s’adapter à cette interdiction et pour trouver des hébergements convenables aux animaux. Le texte que nous votons aujourd’hui comporte des délais appropriés. L’instauration de la commission nationale consultative pour la faune sauvage captive, composée d’experts, ajout du Sénat, figure également dans le texte final.
Mon deuxième point concerne la vente d’animaux de compagnie. À côté de la vente en animalerie s’est développée, grâce à internet, la vente en ligne entre particuliers. Le texte voté par les députés interdisait la vente en animalerie d’ici à 2024 afin de favoriser l’adoption des animaux de refuges. Cette position, à laquelle les députés se sont montrés fermement attachés en commission mixte paritaire, est assez discutable, eu égard au fait que la vente en animalerie est déjà soumise à une réglementation rigoureuse, comme nous avions eu l’occasion de le dire ici.
Il est à craindre que la vente en ligne de particulier à particulier sur des plateformes comme Le Bon Coin, qui sont beaucoup moins réglementées, ne bénéficie de cette interdiction. Nous pouvons en revanche nous satisfaire du maintien de l’amendement sénatorial visant à interdire la présentation d’animaux dans les vitrines des animaleries.
Mon troisième point porte sur l’interdiction des attractions appelées manèges à poneys. Le terme trop général de carrousel, qui signifie « parade où les cavaliers évoluent suivant des figures convenues », utilisé pour désigner cette attraction à l’article 7 bis, dans sa version adoptée à l’Assemblée nationale, risquait de dépasser l’intention initiale du législateur. Il était en outre porteur d’insécurité juridique pour de nombreuses activités impliquant des chevaux, comme le Cadre noir de Saumur et de nombreuses animations équestres, de Chambord au Puy du Fou. Au Sénat, plusieurs d’entre nous s’en étaient alarmés et l’article avait été réécrit afin de le rendre plus précis. Cette rédaction a été conservée dans le texte final.
Dans l’ensemble, ce texte améliore de façon concrète la situation des animaux dans notre pays. Il était en effet nécessaire d’adapter la législation aux évolutions de la société et de répondre ainsi à une attente de nos concitoyens. J’espère que son adoption pourra contribuer à l’apaisement dans ce domaine où, je l’ai dit, les oppositions peuvent être virulentes et parfois donner lieu à des débordements.
Pour conclure, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, une majorité du groupe Union Centriste votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Éric Gold. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec satisfaction que nous examinons aujourd’hui les conclusions de la commission mixte paritaire, qui est parvenue à un accord sur cette proposition de loi visant à lutter contre la maltraitance animale. On oublie trop souvent le travail de concertation menée par députés et sénateurs, qui parviennent à s’entendre sur des textes communs au-delà des divergences politiques et de l’agenda électoral. Aujourd’hui, nous renforçons la protection des animaux ; nous pouvons nous réjouir de ce travail commun et fructueux.
Certaines dispositions vont, je le pense, dans le sens de l’Histoire. Elles permettront de rattraper en partie le retard accumulé par la France dans ce domaine, retard qui nécessitait une mise à niveau rapide et ambitieuse. Les mentalités ont évolué et il est sain que notre législation s’y conforme.
Ainsi, il sera interdit, dans un délai de deux ans, d’acquérir, de commercialiser ou de faire se reproduire des ours et des loups dans des spectacles itinérants et tout animal non domestique en vue de la présentation au public. Dans un délai de cinq ans, l’interdiction de la détention, de la reproduction en captivité et, bien sûr, des spectacles de cétacés entrera en vigueur. Dans un délai de sept ans, il sera interdit de détenir, de transporter ou de produire des spectacles incluant des animaux non domestiques dans les cirques itinérants.
Par ailleurs, la promulgation de la loi marquera la fin de l’élevage des visons d’Amérique et de tous les animaux non domestiques élevés pour leur fourrure.
Enfin, une liste révisée tous les trois ans déterminera les espèces d’animaux non domestiques pouvant être détenus comme animaux de compagnie.
Ces avancées, qui sont des marqueurs importants, feront date.
Nous saluons également les mesures de ce texte qui permettront de mieux protéger les près de 77 millions d’animaux domestiques et d’en finir avec le nombre colossal d’abandons dans notre pays : plus de 100 000 chaque année. En la matière, la palme du record européen nous fait honte et nous oblige à agir sans attendre.
Toute première acquisition d’un animal de compagnie sera donc désormais soumise à la signature d’un certificat d’engagement et de connaissance des besoins spécifiques de l’espèce et ouvrira droit à un délai minimal de sept jours de réflexion. Il ne sera plus possible ni de vendre ni de donner un animal de compagnie à un mineur sans le consentement préalable de ses représentants légaux.
Les apports du Sénat ont été conservés sur ces deux points pour mieux décourager les achats impulsifs, qui sont souvent la cause des abandons.
Dans le même objectif, comme mon groupe le défendait, les chiens et les chats ne pourront plus être vendus en animalerie à compter de 2024. Des chiens et chats abandonnés, destinés à l’adoption, pourront toutefois être présentés en animalerie par les bénévoles d’associations de protection des animaux. Pour les autres animaux, la vente restera autorisée, mais non la présentation en vitrine extérieure.
La vente en ligne d’animaux de compagnie sera mieux encadrée, de même que les informations figurant sur l’offre de cession. Nous nous félicitons d’ailleurs du maintien dans le texte final de notre amendement visant à introduire dans l’annonce le nombre de portées de la femelle au cours de l’année écoulée.
Ces mesures envoient un message clair : il faudra désormais faire appel à des associations ou à des éleveurs respectueux du bien-être animal, en mesure d’accompagner chaque nouvel acquéreur. Les animaux ne sont pas des biens de consommation courante ; ils doivent être considérés à chaque étape de leur vie comme des êtres doués de sensibilité.
Enfin, l’arsenal juridique a été renforcé pour mieux lutter contre la maltraitance animale. La levée du secret professionnel du vétérinaire permettra de porter à la connaissance du procureur de la République toute information relative à des sévices graves, à des actes de cruauté ou à de mauvais traitements envers un animal. Les peines ont été aggravées dans les cas d’atteintes sexuelles, d’abandon avec mise en danger de la vie de l’animal, de mise à mort d’un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité, de même que dans les cas de sévices graves ou d’actes de cruauté.
Le fait de commettre ces délits devant un mineur sera considéré comme une circonstance aggravante. Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE) avait naturellement soutenu cette disposition, qui a été ajoutée par le Sénat. Malheureusement, il est souvent difficile de prouver l’élément intentionnel. C’est pourquoi le renforcement des dispositions pénales devait s’accompagner de mesures de prévention susceptibles de faire durablement évoluer les mentalités.
Le stage de prévention et de lutte contre la maltraitance animale viendra remplacer ou compléter les peines d’emprisonnement, l’objectif étant de réduire les récidives grâce à une plus grande sensibilisation.
En matière de prévention, on n’en fait jamais trop : nous sommes donc satisfaits de constater qu’un module consacré à l’éthique animale figurera au programme du service national universel et de celui de l’enseignement moral et civique dans le primaire et le secondaire.
Aussi, vous l’aurez compris, le groupe du RDSE votera sans réserve cette proposition de loi. S’il lui a été reproché de ne pas balayer tous les sujets relatifs au bien-être animal, elle est le fruit d’un travail de concertation transpartisan et porte en elle des avancées qu’il nous est impossible de renier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Michelle Meunier et M. Jean-Paul Prince applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les résultats des travaux du Sénat sur ce texte à l’issue de sa première lecture étaient, à divers égards, décevants. Si les conclusions de la commission mixte paritaire redonnent de la consistance à cette proposition de loi, mon engagement envers le bien-être animal m’oblige à y relever certaines lacunes.
L’interdiction de l’exploitation des animaux non domestiques à des fins de divertissement constitue une avancée dans notre relation avec les animaux. Je regrette cependant la longueur des délais accordés aux acteurs concernés pour mettre fin à certaines pratiques. Bien que la reconversion nécessite du temps, la possibilité d’acquérir et de faire reproduire des animaux pendant encore deux ans est injustifiable. Que deviendront-ils dans cinq ans, une fois l’interdiction devenue effective ?
Je tiens toutefois à féliciter les cirques ayant déjà mis en place des alternatives innovantes à cette exploitation. Je pense, entre autres, à l’introduction dans leurs spectacles d’hologrammes animaliers. Se divertir sans causer de souffrance, c’est possible, et les cirques le prouvent.
L’interdiction de la vente en animalerie des chiens et des chats et de leur exhibition en vitrine, ainsi que l’encadrement de ce commerce anarchique sur internet, constituent des avancées louables. L’offre immense que constitue ce marché favorise les acquisitions non réfléchies et donc les abandons, au nombre de 300 000 par an.
Cependant, ces progrès ne doivent pas nous faire oublier le bilan insuffisant du quinquennat d’Emmanuel Macron sur le sujet.
Quid des mesures relatives à la lutte contre la maltraitance des animaux d’élevage ? Les propositions de vidéosurveillance des abattoirs, d’encadrement du transport et d’amélioration des conditions de vie sont absentes du texte. Le constat est identique pour la faune sauvage. Le Président de la République, à des fins électorales évidentes, offre des avantages exagérés aux chasseurs (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), au détriment des animaux, de la nature et de notre sécurité.
M. Laurent Burgoa. Vive la chasse !
Mme Esther Benbassa. En instaurant une différenciation entre les animaux qu’il n’est plus possible de maltraiter et les autres, ce texte n’atteint hélas que partiellement son objectif. Une réforme globale et ambitieuse du droit animal serait la bienvenue.
Je voterai toutefois pour ce texte.
M. Franck Menonville. Oui, vive la chasse !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
M. Jean-Claude Tissot. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le jeudi 21 octobre dernier, nous sommes parvenus, au sein de la commission mixte paritaire, à un compromis sur la proposition de loi visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes.
Durant les semaines d’examen du texte dans les deux chambres, jusqu’à la présentation des conclusions de la commission mixte paritaire aujourd’hui au Sénat, nous avons tous constaté la mobilisation, l’engagement et l’émoi que pouvait susciter la maltraitance animale.
Comme sur la majorité des sujets sociétaux, les oppositions ont été fortes et les débats ont été animés dans l’hémicycle et lors des travaux de préparation de la commission mixte paritaire. La vitalité de notre démocratie passe aussi par ces échanges et ces réflexions sur la place et les droits des animaux.
L’aboutissement de ce texte était donc particulièrement attendu par nos concitoyens, par de nombreuses associations – cela a été dit –, et par les acteurs du secteur animalier.
Le texte contient plusieurs dispositions ambitieuses, qui ont été conservées lors de la commission mixte paritaire : la création d’un certificat d’engagement et de connaissance pour l’acquisition d’un animal de compagnie, l’interdiction de la vente d’animaux de compagnie aux mineurs sans le consentement de leurs parents, la suppression de la vente des chats et des chiens en animalerie ou encore l’encadrement de la vente en ligne des animaux par l’instauration d’un label.
Le renforcement des sanctions afin de lutter contre les actes de maltraitance et de zoophilie et limiter les abandons représente également une avancée indéniable.
En ce qui concerne l’interdiction des animaux sauvages dans les cirques itinérants et les delphinariums, les délais prévus en commission mixte paritaire constitueront une période de transition nécessaire, cette période devant être adaptée aux spécificités de chaque espèce et permettre la création d’espaces réservés.
Toutefois, mes chers collègues, n’oublions pas que certains sujets sensibles liés au bien-être animal ont été volontairement ignorés dans cette proposition de loi, la majorité présidentielle les ayant soigneusement évités à l’approche des échéances électorales. Ce texte aurait dû être l’occasion d’évoquer l’élevage et de porter un regard objectif sur les conditions de travail de nos éleveurs, afin d’améliorer le bien-être animal.
Malgré cela, lors des débats dans cet hémicycle, nous avons su représenter et défendre les collectivités territoriales afin qu’elles puissent continuer de prendre leur part dans la lutte contre la maltraitance animale, sans que des efforts financiers incohérents leur soient demandés.
Nous avons ainsi obtenu la suppression, à l’article 4, de l’obligation pour les communes de faire stériliser les chats errants, à leurs seuls frais et sous la responsabilité des maires. L’expérimentation de cinq années qui sera effectuée dans certains territoires permettra d’aborder avec recul, et donc efficacement, la question des chats errants, qui représente un enjeu. Aussi, lors de la réunion de la commission mixte paritaire, ma collègue Florence Blatrix Contat et moi-même avons voté en faveur de ce texte de compromis.
Aujourd’hui, je tiens à réaffirmer le soutien du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain à ces premières avancées ambitieuses en matière de lutte contre la maltraitance animale. Dans cet esprit, ambitieux et raisonné, nous continuerons d’être mobilisés pour améliorer la législation portant sur le secteur animalier et le bien-être animal.
Pour conclure, je tiens à remercier l’ensemble de mes collègues membres de la commission mixte paritaire du travail de concertation effectué et du compromis trouvé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Bernard Buis. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous n’étions pas tous très optimistes sur l’issue de cette commission mixte paritaire, mais nous sommes parvenus à un accord ! Je vous remercie, madame la rapporteure, d’avoir su mener les travaux de cette commission avec tact.
Le texte tel qu’il résulte de nos travaux comporte des mesures concrètes qui changeront le quotidien de nos animaux et amélioreront leurs conditions de vie. Notre groupe votera sans réserve et à l’unanimité ce texte majeur en faveur de la protection animale.
Cet accord entre nos chambres n’a pas été si facile à obtenir. Même si nous sommes tous favorables au bien-être animal, entre l’approche très pragmatique du Sénat et celle, volontariste, de l’Assemblée nationale, il paraissait complexe de trouver une issue commune. Toutefois, à force de concertation, de compromis, d’ajustements, en choisissant de minimiser les logiques partisanes au profit de l’intérêt de nos concitoyens et de la cause animale, nous y sommes parvenus.
Les discussions se sont certes terminées tard dans la soirée la veille de la réunion de la commission, mais nous avons su faire prévaloir le bon sens et la sagesse.
Permettez-moi maintenant de revenir avec vous sur quelques points saillants de nos négociations, au cours desquelles nous sommes parvenus intelligemment à préserver un niveau d’exigence ambitieux tout en ménageant des adaptations pour nos structures existantes.
Ainsi, pour les cirques itinérants, le compromis trouvé prévoit l’interdiction des animaux sauvages dans un délai de sept ans après la promulgation de la loi, à condition que des solutions adaptées au bien-être des animaux existent. À défaut, un décret permettra aux cirques de conserver les espèces pour lesquelles des solutions acceptables n’auraient pas été trouvées.
Dans les delphinariums, la détention de dauphins ne sera prohibée que d’ici à cinq ans. Les spectacles seront également interdits à terme. Néanmoins, la présence d’animaux reste possible dans les refuges, suivant des critères qui seront définis par arrêté, afin notamment de faire valoir leur dimension scientifique.
L’interdiction de la vente de chiots et chatons en animalerie, que le Sénat avait supprimée, a finalement été rétablie à l’horizon 2024, mais une dérogation est prévue pour les animaux issus de refuges, dans le cadre d’un partenariat entre les animaleries et les associations, afin de favoriser les adoptions de chats et chiens abandonnés.
Face aux difficultés d’application de l’article prévoyant la stérilisation des chats errants, les maires n’ayant pas parfois les capacités budgétaires de remplir cet objectif, nous nous sommes entendus pour mettre en place une expérimentation de cinq ans. Elle sera réalisée dans les collectivités territoriales volontaires, dans le cadre de conventions de gestion des populations de chats errants.
J’en profite pour saluer les nombreux maires présents au Sénat ce matin, en particulier les Drômois. Sans accompagnement financier, les communes, notamment les plus petites d’entre elles, ne pourront mener à bien cette expérimentation. Je pense bien sûr à ma commune de Lesches-en-Diois, qui compte 50 habitants, mais aussi à celle de Rochefourchat, qui n’en compte qu’un seul, et à de nombreuses communes de France du même acabit.
Saluons enfin la proposition commune sur l’encadrement strict des offres de cession en ligne des animaux de compagnie et la fin immédiate des élevages de visons pour leur fourrure.
En définitive, grâce à ce texte issu de la majorité présidentielle, nous apportons des mesures concrètes qui changeront le quotidien de nos animaux et amélioreront leurs conditions de vie.
Il me semble utile d’ajouter qu’il est particulièrement constructif que le Sénat et l’Assemblée nationale puissent faire œuvre commune sur des sujets aussi sensibles pour nos concitoyens, comme ils l’ont déjà fait en s’accordant sur la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets et sur la loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs. J’en appelle à cette même coconstruction concernant la proposition de loi portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires. Notre crédibilité de parlementaires responsables s’en trouvera ainsi grandie !
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, « le véritable test moral de l’humanité […], ce sont ses relations avec ceux qui sont à sa merci : les animaux ». Kundera a vu juste. Si nous ne luttons pas contre la maltraitance animale, personne ne le fera.
La commission mixte paritaire est parvenue à un accord sur la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Il faut nous en féliciter, car ce texte est attendu par beaucoup de nos concitoyens. Il s’inscrit d’ailleurs dans une tendance de fond, qui s’est traduite par plusieurs initiatives législatives.
La version sur laquelle le Parlement s’est accordé est un texte d’équilibre, qui prend en compte les réalités de notre pays. Près de la moitié de nos concitoyens possède un chat ou un chien. Nous ne pensons pas qu’un animal domestique soit un animal maltraité, comme le prétendent certains.
L’histoire de l’humanité est intimement liée à celle des animaux. La relation entre l’humain et le chien remonte au moins à plusieurs dizaines de millénaires. Nous devons non pas renoncer à ces liens, mais mieux protéger les animaux contre les mauvais traitements.
Il est indispensable que les propriétaires d’animaux disposent des informations nécessaires avant d’être sanctionnés. Les animaux sont non pas les égaux des humains, mais des êtres sensibles dont il importe de connaître les besoins. Le texte prévoit à cet effet que les particuliers qui acquièrent un animal devront disposer d’un certificat d’engagement et de connaissance des besoins spécifiques de l’espèce. Cette mesure peut paraître symbolique, mais elle permettra au moins de s’assurer que les fondamentaux sont connus.
La proposition de loi renforce également l’encadrement de la vente d’animaux de compagnie. La vente sur internet sera désormais interdite, et c’est heureux : les animaux ne sont pas de simples marchandises.
Les conditions de vente en animalerie sont également revues. Les animaux ne devront pas être visibles depuis la rue, afin de réduire les acquisitions impulsives.
Nous nous interrogeons cependant, comme Mme la rapporteure, sur la pertinence d’une interdiction générale de la vente de chiens et de chats dans les animaleries. Ou bien nous considérons que les personnels des animaleries sont des professionnels compétents – nous pensons que c’est le cas – ou bien il aurait fallu leur interdire la vente de tout animal, ce que nous ne souhaitons pas.
La solution retenue est un entre-deux qui ne nous paraît pas satisfaisant. Ces professionnels méritent mieux. Ils peuvent être utiles à la lutte contre la maltraitance. Le texte leur confie d’ailleurs un rôle de promotion de l’adoption des animaux de refuges.
Ces derniers sont en effet submergés par l’ampleur des abandons. Pour éviter l’échec que constitue l’euthanasie, nous devons trouver des solutions pour les 100 000 animaux abandonnés chaque année.
À cet égard, nous saluons l’expérimentation permettant à l’État et aux collectivités de mieux se coordonner pour gérer les populations de chats errants. Ces populations sont en effet un sujet de préoccupation majeure pour de nombreuses communes, notamment dans le nord de la France, comme l’avait indiqué notre collègue Jean-Pierre Decool.
Le texte prévoit aussi de lutter plus efficacement contre les importations illégales d’animaux. Ces trafics nuisent gravement à la condition animale, mais aussi à nos propres filières. Le montant de l’amende encourue est quadruplé, passant ainsi de 7 500 à 30 000 euros.
Au-delà de la lutte contre l’abandon et ses conséquences, la proposition de loi renforce également les sanctions des actes de maltraitance. Certaines circonstances le justifient, notamment, comme l’a dit Éric Gold, lorsque ces actes sont commis en présence de mineurs, sur qui ils ont de graves conséquences.
Je rappelle toutefois que la réponse pénale n’est certainement pas la panacée, que nos juridictions sont d’ores et déjà engorgées et que, malgré la hausse des crédits de la justice cette année, le nombre de magistrats n’a pas beaucoup augmenté depuis le siècle dernier. Comme l’a indiqué Mme la rapporteure, il me semble qu’il vaudrait mieux privilégier la sensibilisation et le travail d’éducation.
La proposition de loi aborde enfin la maltraitance animale sous l’angle des spectacles animaliers, dont la commission mixte paritaire a décidé l’arrêt progressif. Les delphinariums disparaîtront dans cinq ans. Les cirques ne pourront plus détenir d’animaux sauvages deux ans plus tard. De nombreuses collectivités avaient déjà anticipé cette interdiction.
Pour conclure, nos concitoyens sont de plus en plus attentifs au sort des animaux dans notre société. L’ensemble du texte, pragmatique, comporte de nombreuses avancées, même si nous conservons quelques regrets. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires le votera donc.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Chauvin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Christine Chauvin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est important de rappeler ce matin que la protection des animaux n’est pas une préoccupation nouvelle. La France a posé dès 1850 le premier jalon d’une législation protectrice des droits des animaux domestiques en punissant d’une amende les mauvais traitements infligés publiquement. Cette législation s’est étoffée au fil des années jusqu’à reconnaître, en 2015, que les animaux étaient « des êtres vivants doués de sensibilité ».
Aujourd’hui l’attente sociétale est grande pour aller plus loin dans la protection des animaux et moderniser en conséquence notre législation.
Le texte proposé par l’Assemblée nationale, qui est le fruit de plusieurs initiatives parlementaires, n’est pas une loi structurante sur le bien-être animal. Toutefois, son périmètre réduit a permis à notre rapporteure, dont je veux saluer le travail, et à notre assemblée, de mener cette analyse de façon approfondie et dans des délais restreints.
Le Sénat a veillé à amplifier les mesures qui lui semblaient aller dans le bon sens, à corriger les effets de bord de certaines propositions, à supprimer les dispositions qui n’étaient pas en phase avec la réalité des pratiques et, de façon générale, à maintenir une place pour les animaux dans notre société. En effet, la tentation est grande, pour certains, d’interdire à brève échéance toute détention d’animaux, voire même tout contact avec eux. Nous disons au contraire que la relation entre les animaux et les hommes fait partie intégrante de notre société.
Loin de tout dogmatisme, le Sénat a souhaité valoriser dans ses propositions des solutions opérationnelles reposant sur des critères objectifs et scientifiques élaborés en lien avec les professionnels, les associations et les vétérinaires, dans le but d’améliorer les conditions de vie des animaux. Je me réjouis que nombre de ces propositions aient été maintenues dans le texte final. J’en citerai quelques-unes, qui concernent les animaux domestiques.
La reconnaissance du travail des associations sans refuge, d’abord : le texte issu de l’Assemblée nationale aurait entraîné la fin des activités des 3 200 associations sans refuge existantes, pourtant très actives et nécessaires sur le terrain. Sur l’initiative du Sénat, un statut juridique a été créé pour permettre à ces structures de poursuivre leur mission de prise en charge des animaux.
Je pense ensuite à la vente des animaux en animalerie. Une interdiction sèche de l’activité des animaleries n’était pas la solution aux problèmes soulevés par les députés : contrôles insuffisants, règles parfois inadaptées, achats impulsifs, nombreux abandons, défaut de formation des acquéreurs… Elle aurait au contraire redirigé l’activité de vente vers des canaux certainement moins satisfaisants du point de vue du bien-être animal. C’est pourquoi le Sénat a autorisé de nouveau la vente des animaux de compagnie dans les animaleries, à l’exception des chiens et des chats, encadré cette activité et encouragé les partenariats entre animaleries et associations de protection des animaux, dans le but de trouver une famille aux chiens et aux chats abandonnés.
Je pense encore à l’encadrement de la vente des animaux domestiques en ligne. Face à ce qui est devenu la première animalerie de France, il est apparu indispensable au Sénat de fixer un cadre pour la vente des animaux domestiques en ligne, dans le double but de lutter contre les trafics et de s’assurer du bien-être des animaux proposés à la vente.
Je pense enfin au renforcement des sanctions contre les maltraitances à l’encontre des animaux domestiques. Le Sénat a sensiblement amélioré le texte sur ce point, par exemple en créant des circonstances aggravantes en cas de sévices graves ou d’actes de cruauté, en renforçant les plaintes en cas de vol d’un animal domestique lorsque ce vol est destiné à alimenter le commerce illégal, en réprimant plus fortement la zoopornographie, et en créant un délit d’atteinte sexuelle sur animal domestique pour condamner la zoophilie.
D’autres propositions tout aussi structurantes ont été maintenues. C’est pourquoi le groupe Les Républicains votera le texte issu de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc de la commission.)
M. le président. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement, l’ensemble de la proposition de loi visant à lutter contre la maltraitance animale.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 44 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Pour l’adoption | 332 |
Contre | 1 |
Le Sénat a adopté définitivement.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je prends rapidement la parole pour vous dire que j’ai entendu, madame la secrétaire d’État, dans vos propos, l’engagement du Gouvernement pour le bien-être animal ; vous avez même parlé de moment historique.
Je voudrais vous dire qu’en la matière, le Gouvernement a tout de même fait une petite erreur de méthode. Une telle ambition méritait un projet de loi, « filtré » par le Conseil d’État et travaillé sérieusement en amont avec toutes les associations et les professionnels. Cela nous aurait évité de nous trouver face à un texte mal élaboré, sans et parfois contre les professionnels – je pense notamment à la façon dont les circassiens ont été particulièrement maltraités au début.
Cette proposition de loi était mal préparée, parfois dogmatique pour être médiatique, et servir l’exposition de certains plutôt que le règne animal… Pour ma part, je tiens à vous le dire, je n’ai jamais eu à examiner un texte dans de telles conditions. Je me réjouis néanmoins du travail qui a été effectué et du vote que nous venons d’obtenir, à la quasi-unanimité.
Je remercie Mme la rapporteure pour son travail sérieux, mené en profondeur, et tous les collègues de notre assemblée qui se sont investis sur ce texte, ainsi que les services de la commission. Je remercie également les ministres, avec lesquels nous avons échangé sérieusement et de façon constructive, et les professionnels formidables que nous avons rencontrés, qui font sur le terrain un travail exceptionnel. Je remercie enfin tous les groupes politiques, qui ont très largement voté pour ce texte.
Mon dernier mot sera pour les circassiens : ils aiment leurs animaux, et cette proposition de loi a pu profondément les heurter et les blesser. Je veux leur dire le soutien total du Sénat. Nous porterons une attention particulière à la poursuite de leur activité et à l’avenir de leurs animaux. (Mme Marie-Christine Chauvin et Mme la rapporteure applaudissent.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à onze heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
3
Confiance dans l’institution judiciaire
Adoption définitive des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi et des conclusions d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi organique
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire (texte de la commission n° 84, rapport n° 83) et des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique pour la confiance dans l’institution judiciaire (texte de la commission n° 85, rapport n° 83).
Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme le rapporteur.
Mme Agnès Canayer, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour l’ultime examen du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, au terme d’un chemin long et sinueux qui, ces dernières semaines, était plus proche d’un rallye corse que d’une longue promenade de santé ! (M. le garde des sceaux s’en amuse.) Le processus a toutefois fini par déboucher sur une issue positive, ce dont nous nous félicitons.
Ce texte, dont l’intitulé affiche l’ambition, est avant tout consacré à l’exercice des différentes professions judiciaires. En effet, si 53 % des Français ne font pas confiance à l’institution judiciaire, ils font majoritairement confiance à ses professionnels qui, malgré des conditions d’exercice souvent difficiles, portent cette institution à bout de bras.
Comme nous l’avons souvent entendu dire, notamment lors de l’Agora de la justice ou de la séance de lundi dernier du colloque organisé avec la Cour de cassation sur « Les attentes du justiciable à l’égard de la justice du quotidien », seules des réformes de fond pourront répondre aux nombreuses difficultés rencontrées par la justice.
Si nous ne sommes toujours pas convaincus que ce texte composite permette à lui seul de restaurer la confiance, nous l’avons néanmoins examiné dans un esprit constructif, qui a permis de déboucher sur un accord en commission mixte paritaire (CMP).
Comme tout accord, celui-ci est imparfait, mais il reprend de nombreuses avancées adoptées par le Sénat, notamment la meilleure organisation de la discipline et de la déontologie des professions judiciaires, la force exécutoire pour les accords négociés entre avocats, l’enregistrement et la diffusion des audiences, ou la réforme des remises de peine et du travail pénitentiaire.
De même, cet accord entérine des dispositions votées par le Sénat, qui correspondent aux standards que nous avions posés comme préalables, comme l’avertissement pénal probatoire, qui remplace le rappel à la loi.
Concernant les cours criminelles départementales, nous avons obtenu le prolongement de l’expérimentation d’une année supplémentaire pour ne les généraliser qu’à partir du 1er janvier 2023, ce qui nous laissera le recul nécessaire.
Mes chers collègues, c’est ce texte de compromis, fruit de nombreux et intenses échanges avec nos collègues de l’Assemblée nationale, mais aussi avec M. le garde des sceaux, que nous vous soumettons aujourd’hui pour approbation. Certaines dispositions, notamment sur le secret professionnel des avocats, sont encore mal comprises. Mais je suis convaincue que les explications de mon collègue Philippe Bonnecarrère, qui n’a pas ménagé sa force de conviction et de pédagogie, éclaireront le sens des travaux du Sénat, et que la pratique lèvera les dernières résistances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Dominique Vérien applaudit également.)
M. André Reichardt. Absolument !
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires. Monsieur le garde des sceaux, vous aviez, lors des débats, évoqué le sentiment que vos arguments rebondissaient sur la muraille du Parlement. (M. le garde des sceaux le conteste.)
Vous avez pu constater que le Parlement, au terme du débat, écoutait les arguments, et l’accord que nous avons trouvé en CMP en a été pour vous la démonstration. Cet accord permet au projet de réforme de déployer ses effets, à la fois, en matière de communication, pour les remises de peine et sur le travail pénitentiaire. L’accord porte aussi sur les cours départementales criminelles et l’organisation déontologique des professions juridiques.
J’évoquerai de façon plus précise les articles 2 et 3.
L’article 2 concerne les enquêtes. Leur durée sera limitée à deux ans, avec la possibilité de la prolonger jusqu’à trois ans. Nous avions souhaité un certain nombre d’exceptions. Vous avez voulu, monsieur le garde des sceaux, conserver une structure et une règle générales, et nous vous avons suivi. Nous allons retrouver ce débat dans les mois et les années à venir au travers de deux éléments.
Premièrement, le bon fonctionnement de cette réforme reposera sur la capacité à disposer de suffisamment d’enquêteurs judiciaires, ce qui reste une difficulté. (M. le garde des sceaux le reconnaît.)
Deuxièmement, c’est à l’évidence le grand retour du juge d’instruction, ce qui aura des conséquences sur les États généraux de la justice, avec le débat entre les modalités accusatoires et inquisitoires. En quelque sorte, monsieur le garde des sceaux, vous préemptez les termes du débat, dans un contexte où la question du délai peut jouer. (M. le garde des sceaux le conteste.)
L’article 3 se résume à la situation suivante : la profession d’avocat a une culture d’indépendance, une culture du secret, qui l’a conduite à se considérer comme bénéficiant d’un secret professionnel général ou illimité. Elle en bénéficie en effet en matière de défense, mais pas, dans le droit positif, en matière de conseil. (M. le garde des sceaux acquiesce.) La solution à laquelle nous avons abouti comporte une double avancée : des garanties en matière de perquisitions et un élargissement – certes non intégral, parce que la société doit se défendre, mais bien réel – sur la question du conseil.
Mes chers collègues, je vous remercie de votre attention et de votre soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. André Reichardt applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, après dix mois de travail, je suis heureux de vous retrouver aujourd’hui, à la suite de l’accord conclu en CMP.
Je sais depuis Jean de La Fontaine que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute, mais je souhaite vous dire que j’aime le bicaméralisme et le second regard qu’il permet. Lorsque j’étais avocat, le second regard, c’était la cour d’appel ; ne vous enflammez pas, vous n’êtes pas la cour d’appel de l’Assemblée nationale… (Sourires.) Ce second regard permet de prospérer ensemble.
Ceux qui ont pu dire que nous étions en opposition sur certains sujets, et notamment sur le secret professionnel, se sont trompés. Sur ce point, je suis parti du secret de la défense ; les députés y ont ajouté le secret du conseil ; et le Sénat a rappelé, à juste titre, comme vous venez de le faire, monsieur le rapporteur, que le secret du conseil n’était pas absolu, qu’il n’était pas garanti par notre Constitution, contrairement au secret professionnel de la défense, car le conseil est une activité de services, et même une activité commerciale – et les notaires le savent.
Je me félicite de la façon dont nous avons travaillé ensemble. Bien sûr, sur certains sujets, nous n’étions pas d’accord – et c’est bien le moins. Mais, sur bon nombre de sujets, nous avons coconstruit le texte, et nous sommes parvenus à des solutions qui, me semble-t-il, sont de nature à restaurer la confiance.
J’ai bien entendu qu’il ne suffit pas d’un texte, hélas… Ce serait trop beau, ce serait la baguette magique que je ne partagerais avec personne ! Il ne suffit certes pas d’un texte pour rétablir la confiance, mais je voudrais revenir quelques instants sur plusieurs sujets.
Filmer les audiences, sans trash, avec la seule volonté pédagogique de permettre à nos compatriotes de mieux comprendre comment fonctionne la justice, doit permettre d’empêcher le « justice bashing », qui permet à certains populismes de prospérer. Chacun verra ainsi comment on détermine une peine, par exemple. Mon expérience d’avocat m’a montré que, quand nos compatriotes ont été jurés, ils en ressortent transformés : ils ont viscéralement mesuré à quel point juger était compliqué.
La solution à laquelle nous avons abouti va, je le crois, dans le bon sens. La justice s’invite dans le salon des Français, ou plutôt les Français pourront inviter la justice dans leur salon. Rappelons-le, la publicité est d’ailleurs une grande garantie démocratique du bon fonctionnement de la justice. Dans les dictatures, la justice n’est pas publique. Nous allons écarter les murs de l’audience.
J’en viens à l’enquête préliminaire. Il n’est pas anormal que dans une grande démocratie comme la nôtre, on enserre l’enquête préliminaire, devenue parfois enquête éternelle, dans des délais. C’est une violation patente des droits de l’homme que de savoir qu’un homme peut être suspecté pendant deux, trois, quatre ans, parfois plus, sans savoir à quelle sauce il va être mangé, avec, parfois, quelques atteintes graves à sa présomption d’innocence dans la presse. Nous avons renforcé cette présomption d’innocence, et limité l’enquête préliminaire.
S’agissant du jury populaire, nous lui redonnons ses lettres de noblesse. Enfin, et comme c’était le cas autrefois, il faudra désormais qu’une majorité de jurés se soient exprimés pour envisager une condamnation.
En ce qui concerne des cours départementales, j’ai entendu ce qu’a dit le Sénat, lequel a souhaité que l’expérimentation se poursuive. Je suis presque convaincu. (M. André Reichardt s’en réjouit.)
L’argument qui a définitivement fini de me persuader, c’est que l’expérimentation a eu lieu durant une période que nous venons de traverser et dont nous ne sommes pas encore sortis, qui est celle du covid. Alors pourquoi pas ? Je n’ai pas du tout l’intention d’être caporaliste, et la voix des parlementaires m’importe infiniment.
Pour que cette cour départementale, dont nous savons déjà qu’elle est efficace, soit mise en œuvre et généralisée, nous allons donc attendre la fin de l’expérimentation.
Sur les crimes en série, la réforme est extrêmement importante. Nous allons créer une juridiction nationale. Je pense à toutes les victimes qui n’ont pas connu ce qu’elles espéraient – l’interpellation, l’arrestation et le jugement des auteurs de crimes sériels – pour une raison absolument insupportable à nos yeux, qui est qu’une affaire peut être instruite là, une autre là-bas, une autre encore ailleurs, et que les magistrats et les enquêteurs ne travaillant pas ensemble, nous n’aboutissions pas. Une juridiction spécialisée en la matière est une formidable avancée, me semble-t-il.
S’agissant de la suppression du rappel à la loi, j’ai également entendu ce que disait le Sénat. Je proposais un an, vous en proposiez trois, nous avons retenu deux : quelle sagesse ! (Sourires.) Ce rappel à la loi, plus personne n’en voulait. Il n’impressionnait plus que les honnêtes gens, alors qu’il est fait aussi – et surtout ! – pour ceux qui commettent des infractions. Devant les maires, réunis en ce moment même à Paris, j’ai rappelé quel était le sens de l’avertissement pénal probatoire. Pour la période probatoire, nous avons retenu une durée de deux ans. Nous avons exclu les violences : il n’est plus possible que l’avertissement pénal probatoire soit appliqué quand des violences ont été commises. Il n’est plus possible, non plus, d’y avoir recours pour une personne qui a déjà été condamnée.
M. André Reichardt. Heureusement !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. C’est l’un des premiers barreaux de l’échelle, non pas des peines, mais des sanctions. L’avancée est, me semble-t-il, considérable.
Sur l’application des peines, je veux résumer une idée qui nous est chère à tous : plus de droits, bien sûr, mais plus de devoirs aussi. Permettre à une personne d’obtenir, sur une peine de dix ans, deux ans de réduction automatique sans aucun effort, c’est hérétique. C’est hérétique pour tous ceux qui travaillent ! Puis, le sens de l’effort n’est pas interdit : c’est bon pour le détenu, c’est bon pour ceux qui savent que le détenu sortira un jour, et c’est bon pour la réinsertion.
Le contrat de travail du détenu travailleur permet de fixer les choses et de faire venir davantage de travail en prison. Je veux absolument que davantage de détenus travaillent : nous avons déjà augmenté leur nombre de 2 %. Je souhaite une augmentation massive du travail en prison, car c’est gagnant pour tout le monde : pour le patron, pour le détenu et pour nous tous, qui espérons que quelqu’un qui sort de prison n’a pas perdu les codes de la société civile.
La codification des règles pénitentiaires, attendue depuis très longtemps, est aussi très importante, tout comme l’accélération et l’élargissement de la médiation, pour une justice plus rapide, plus proche, plus efficace et mieux acceptée par nos compatriotes.
C’est extrêmement important. Au passage, les avocats n’oublieront pas que nous permettons désormais d’authentifier les actes par le truchement du greffier. Ils le souhaitaient ; ils l’ont obtenu.
Il était également nécessaire d’introduire plus d’équité au sein des professions du droit. Il était anormal que l’affaire d’un justiciable se plaignant de son huissier, de son notaire ou de son avocat soit traitée par un huissier, un notaire ou un avocat. Nous avons souhaité l’échevinage. Je pense que c’est une avancée en termes de procès équitable.
J’aurai l’occasion dans quelques instants, en présentant l’amendement n° 2, de préciser ce que nous avons envisagé et prévu s’agissant du secret professionnel. S’il ne m’appartient pas de m’exprimer au nom du Sénat, je sais quelle est sa pensée profonde tant nous avons travaillé – bossé, oserais-je dire –ensemble sur le sujet. Nous avons également beaucoup échangé avec les avocats, qui n’ont pas du tout été exclus depuis le début de nos travaux : le premier comité de travail que j’ai institué comporte huit avocats, dont un ancien bâtonnier. Il y a eu un certain nombre d’incompréhensions ; nous allons lever toutes les ambiguïtés dans quelques minutes.
Mais, même si je ne suis pas votre porte-parole – je suis infiniment respectueux de la séparation des pouvoirs –, il est au moins un élément que je puis affirmer en votre nom : personne ne pourra prétendre que nous aurions voulu tuer le secret professionnel ou que nous en serions les fossoyeurs. De telles accusations sont absolument insupportables. Nous avons fait exactement le contraire.
D’ailleurs, beaucoup d’avocats – ne l’oublions pas ! – nous remercient aujourd’hui. Ils comprennent les avancées considérables qui ont été apportées tant au secret professionnel de la défense qu’au secret du conseil, dont nous parlerons dans quelques instants.
Je mesure évidemment l’ampleur de la tâche qui est la mienne. Je le sais bien, ce n’est pas en un texte de loi que l’on rétablit la confiance. Vous avez eu raison, madame la rapporteure, de me rappeler à l’humilité, qui ne m’a d’ailleurs pas quitté l’ombre de l’once d’un instant sur cette question.
Il reste évidemment beaucoup de travail. Nous aborderons un certain nombre d’éléments relatifs à la modernisation de la justice lors des États généraux, que d’aucuns ont évoqués. Lors de leur mise en place, j’ai tenu à ce que nous ayons une vision transpartisane : il n’y a pas une justice LREM, une justice LR ou une justice LFI !
Mme Éliane Assassi. Il n’y en a pas ici, des LFI !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je ne vous oublie pas, madame Assassi ! (Sourires.)
Il est indispensable que nous effectuions ensemble un travail transpartisan pour moderniser l’institution judiciaire, pour une raison toute simple : nos compatriotes le demandent.
J’ai entendu à de nombreuses reprises qu’il s’agissait d’un texte patchwork. D’abord, vous en conviendrez, il existe de jolis patchworks. Surtout, un certain nombre d’idées que j’ai formulées et de mesures que j’ai mises en œuvre découlent des constats que j’ai dressés au cours de mes trente-six années de vie professionnelle. Et j’ai estimé que ces différentes mesures étaient de nature à renforcer, modestement, la confiance des Français envers l’institution judiciaire.
En ce sens, l’amendement de fond – les autres sont des amendements de précision – que j’aurai l’honneur de vous présenter vise à faire en sorte que le texte puisse entrer en vigueur le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour un rappel au règlement.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mon rappel se fonde sur l’article 42 du règlement du Sénat.
Il m’avait semblé que la séance de ce matin était consacrée à l’examen des conclusions des commissions mixtes paritaires sur le projet de loi et le projet de loi organique pour la confiance dans l’institution judiciaire.
Or, en écoutant M. le garde des sceaux, j’ai eu le sentiment d’être devant le journal de 20 heures lorsque le Président de la République, sous couvert d’évoquer le passe sanitaire et la vaccination, s’est livré à un panégyrique de sa propre action.
Les conditions de discussion dans lesquelles nous sommes aujourd’hui enserrés sont draconiennes. Notre groupe, tout comme les autres, ne pourra pas faire connaître sa position sur les différents amendements – je rappelle que le Gouvernement a en tout de même déposé six, dont un particulièrement important, après une commission mixte paritaire conclusive ! –, puisqu’il s’agit d’un vote bloqué.
Nous aurons l’occasion de donner notre sentiment sur la manière dont le Gouvernement ne respecte pas, ou à tout le moins traite avec légèreté, la procédure parlementaire seulement lors des explications de vote sur l’ensemble.
Simplement, M. le garde de sceaux a oublié de préciser qu’il s’agissait d’un texte d’Éric Dupond-Moretti pour Éric Dupond-Moretti ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Au fond, les seuls changements dans ce texte intéressent le justiciable Éric Dupond-Moretti. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Il faut tout de même le dire. Je pourrais ainsi évoquer la modification que le Sénat a souhaitée sur la prise illégale d’intérêts, les restrictions du pouvoir du parquet national financier ou encore les encadrements de procédure en cas d’investigations visant des avocats.
Je pense donc qu’il faut avoir conscience du rôle que le Gouvernement fait aujourd’hui jouer au Parlement.
Contrainte par la procédure extrêmement rigide de l’article 42 du règlement, je souhaitais tout de même souligner ces différents éléments, après l’émouvant panégyrique autosatisfait auquel M. le garde des sceaux vient de se livrer.
M. le président. Acte est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur le projet de loi.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur le projet de loi.
projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES À L’ENREGISTREMENT ET À LA DIFFUSION DES AUDIENCES
Article 1er
I. – La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifiée :
1° A Les troisième à antépénultième alinéas de l’article 35 sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :
« La vérité des faits diffamatoires peut toujours être prouvée, sauf lorsque l’imputation concerne la vie privée de la personne.
« Le troisième alinéa du présent article ne s’applique pas lorsque les faits sont prévus et réprimés par les articles 222-23 à 222-32 et 227-22 à 227-27 du code pénal et ont été commis contre un mineur. La preuve contraire est alors réservée. Si la preuve du fait diffamatoire est rapportée, le prévenu sera renvoyé des fins de la plainte. » ;
1° B À la première phrase du troisième alinéa de l’article 38 ter, après le mot : « punie », sont insérés les mots : « de deux mois d’emprisonnement et » ;
1° Après le même article 38 ter, il est inséré un article 38 quater ainsi rédigé :
« Art. 38 quater. – I. – Par dérogation au premier alinéa de l’article 38 ter, l’enregistrement sonore ou audiovisuel d’une audience peut être autorisé, pour un motif d’intérêt public d’ordre pédagogique, informatif, culturel ou scientifique, en vue de sa diffusion. La demande d’autorisation d’enregistrement et de diffusion est adressée au ministre de la justice. L’autorisation est délivrée, après avis du ministre de la justice, par le président du Tribunal des conflits, le vice-président du Conseil d’État, le premier président de la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes, concernant leurs juridictions respectives. Elle est délivrée, après avis du ministre de la justice, par le président de la juridiction concernant les juridictions administratives et les juridictions comprenant un magistrat du siège membre de la Cour de cassation, et par le premier président de la cour d’appel concernant les cours d’appel et les juridictions de l’ordre judiciaire de leur ressort.
« Lorsque l’audience n’est pas publique, l’enregistrement est subordonné à l’accord préalable et écrit des parties au litige. Lorsqu’un majeur bénéficiant d’une mesure de protection juridique est partie à l’audience, qu’elle soit publique ou non, l’enregistrement est subordonné à l’accord préalable du majeur apte à exprimer sa volonté ou, à défaut, de la personne chargée de la mesure de protection juridique. Lorsqu’un mineur est partie à l’audience, qu’elle soit publique ou non, l’enregistrement est subordonné à l’accord préalable du mineur capable de discernement ainsi qu’à celui de ses représentants légaux ou, le cas échéant, de l’administrateur ad hoc désigné.
« Les modalités de l’enregistrement ne portent atteinte ni au bon déroulement de la procédure et des débats, ni au libre exercice de leurs droits par les parties et les personnes enregistrées, dont la confidentialité des échanges entre l’avocat et son client. Le magistrat chargé de la police de l’audience peut, à tout moment, suspendre ou arrêter l’enregistrement. Cette décision constitue une mesure d’administration judiciaire insusceptible de recours.
« La diffusion, intégrale ou partielle, de l’enregistrement n’est possible qu’après que l’affaire a été définitivement jugée. En cas de révision d’un procès en application de l’article 622 du code de procédure pénale, la diffusion de l’enregistrement peut être suspendue.
« La diffusion est réalisée dans des conditions ne portant atteinte ni à la sécurité, ni au respect de la vie privée des personnes enregistrées, ni au respect de la présomption d’innocence. Cette diffusion est accompagnée d’éléments de description de l’audience et d’explications pédagogiques et accessibles sur le fonctionnement de la justice.
« Sans préjudice de l’article 39 sexies de la présente loi, l’image et les autres éléments d’identification des personnes enregistrées ne peuvent être diffusés qu’avec leur consentement donné par écrit avant la tenue de l’audience. Les personnes enregistrées peuvent rétracter ce consentement dans un délai de quinze jours à compter de la fin de l’audience.
« L’image et les autres éléments d’identification des mineurs ou des majeurs bénéficiant d’une mesure de protection juridique ne peuvent, en aucun cas, être diffusés.
« Aucun élément d’identification des personnes enregistrées ne peut être diffusé cinq ans après la première diffusion de l’enregistrement ou dix ans après l’autorisation d’enregistrement.
« L’accord écrit des parties au litige ou des personnes enregistrées ne peut faire l’objet d’aucune contrepartie.
« II. – Après recueil de l’avis des parties, les audiences publiques devant le Conseil d’État et la Cour de cassation peuvent également être diffusées le jour même, sur décision de l’autorité compétente au sein de la juridiction, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« III. – Le présent article est également applicable, par dérogation à l’article 11 du code de procédure pénale, aux audiences intervenant au cours d’une enquête ou d’une instruction ainsi qu’aux auditions, interrogatoires et confrontations réalisés par le juge d’instruction. Lors des auditions, interrogatoires et confrontations, l’enregistrement est subordonné à l’accord préalable et écrit des personnes entendues et le juge d’instruction peut, à tout moment, suspendre ou arrêter l’enregistrement.
« III bis. – Le fait de diffuser un enregistrement réalisé en application du I sans respecter les conditions de diffusion prévues au même I est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
« III ter. – La cession des droits sur les images enregistrées emporte de droit transfert au cessionnaire des obligations et interdictions prévues au présent article.
« IV. – Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. » ;
2° L’article 39 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « les cas prévus aux paragraphes a, b et c » sont remplacés par les mots : « le cas prévu au troisième alinéa » ;
b) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les interdictions prévues au premier alinéa du présent article ne sont pas applicables lorsque les parties ont donné leur accord. » ;
3° Au dernier alinéa de l’article 48, après la référence : « 13 », est ajoutée la référence : « , 38 quater ».
II. – À la fin du a de l’article L. 221-2 du code du patrimoine, le mot : « vice-président » est remplacé par le mot : « président ».
TITRE II
DISPOSITIONS AMÉLIORANT LE DÉROULEMENT DES PROCÉDURES PÉNALES
Chapitre Ier
Dispositions renforçant les garanties judiciaires au cours de l’enquête et de l’instruction
Section 1
Dispositions renforçant le respect du contradictoire et des droits de la défense
Article 2
I. – Le chapitre II du titre II du livre Ier du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après l’article 75-2, il est inséré un article 75-3 ainsi rédigé :
« Art. 75-3. – La durée d’une enquête préliminaire ne peut excéder deux ans à compter du premier acte de l’enquête, y compris si celui-ci est intervenu dans le cadre d’une enquête de flagrance.
« L’enquête préliminaire peut toutefois être prolongée une fois pour une durée maximale d’un an à l’expiration du délai mentionné au premier alinéa, sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République, qui est versée au dossier de la procédure.
« Les enquêteurs clôturent leurs opérations et transmettent les éléments de la procédure au procureur de la République en application de l’article 19 avant l’expiration du délai de deux ans ou, en cas de prolongation, du délai de trois ans, afin de permettre soit la mise en mouvement de l’action publique, le cas échéant par l’ouverture d’une information judiciaire, soit la mise en œuvre d’une procédure alternative aux poursuites, soit le classement sans suite de la procédure. Tout acte d’enquête intervenant après l’expiration de ces délais est nul, sauf s’il concerne une personne qui n’a été mise en cause au cours de la procédure, au sens de l’article 75-2, que depuis moins de deux ans ou, en cas de prolongation, de trois ans.
« Lorsque l’enquête porte sur des crimes ou délits mentionnés aux articles 706-73 ou 706-73-1 ou relevant de la compétence du procureur de la République antiterroriste, les délais de deux ans et d’un an prévus au présent article sont portés respectivement à trois ans et à deux ans.
« Pour la computation des délais prévus au présent article, il n’est pas tenu compte, lorsque l’enquête a donné lieu à une décision de classement sans suite puis a repris sur décision du procureur de la République, de la durée pendant laquelle l’enquête a été suspendue. Il n’est pas non plus tenu compte, en cas de demande d’entraide judiciaire, du délai entre la signature de la demande par le parquet émetteur et la réception par ce même parquet des pièces d’exécution. Lorsqu’il est procédé au regroupement de plusieurs enquêtes dans le cadre d’une même procédure, il est tenu compte, pour la computation des délais prévus au présent article, de la date de commencement de l’enquête la plus ancienne. » ;
2° L’article 77-2 est ainsi rédigé :
« Art. 77-2. – I. – À tout moment de l’enquête préliminaire, le procureur de la République peut, lorsqu’il estime que cette décision ne risque pas de porter atteinte à l’efficacité des investigations, indiquer à la personne mise en cause, à la victime ou à leurs avocats qu’une copie de tout ou partie du dossier de la procédure est mise à la disposition de leurs avocats, ou à leur disposition si elles ne sont pas assistées par un avocat, et qu’elles ont la possibilité de formuler toutes observations qui leur paraîtraient utiles.
« Ces observations peuvent notamment porter sur la régularité de la procédure, sur la qualification des faits pouvant être retenue, sur le caractère éventuellement insuffisant de l’enquête, sur la nécessité de procéder à de nouveaux actes qui seraient nécessaires à la manifestation de la vérité et sur les modalités d’engagement éventuel des poursuites ou le recours éventuel à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
« II. – Sans préjudice du I, toute personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre, en tant qu’auteur ou complice, une infraction punie d’une peine privative de liberté peut demander au procureur de la République, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par déclaration au greffe contre récépissé, de prendre connaissance du dossier de la procédure afin de formuler ses observations lorsqu’au moins l’une des conditions suivantes est remplie :
« 1° Si la personne a été interrogée dans le cadre d’une audition libre ou d’une garde à vue qui s’est tenue il y a plus d’un an ;
« 2° S’il a été procédé à une perquisition chez la personne il y a plus d’un an ;
« 3° S’il a été porté atteinte à la présomption d’innocence de la personne par un moyen de communication au public. Le présent 3° n’est pas applicable lorsque les révélations émanent de la personne elle-même ou de son avocat, directement ou indirectement, ou que l’enquête porte sur des faits relevant des articles 706-73 et 706-73-1 ou relevant de la compétence du procureur de la République antiterroriste.
« Lorsqu’une telle demande lui a été présentée et qu’il estime qu’il existe à l’encontre de la personne une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre, en tant qu’auteur ou complice, une infraction punie d’une peine privative de liberté, le procureur de la République avise cette personne ou son avocat de la mise à la disposition de son avocat, ou à sa disposition si elle n’est pas assistée par un avocat, d’une copie de la procédure et de la possibilité de formuler les observations prévues au I du présent article, selon les formes mentionnées au premier alinéa du présent II.
« Par dérogation au cinquième alinéa du présent II et pour une durée maximale de six mois à compter de la réception de la demande, le procureur de la République peut refuser à la personne la communication de tout ou partie de la procédure si l’enquête est toujours en cours et si cette communication risque de porter atteinte à l’efficacité des investigations. Il statue dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande, par une décision motivée versée au dossier. À défaut, le silence vaut refus de communication. La personne à l’origine de la demande peut contester un refus devant le procureur général, qui statue également dans un délai d’un mois à compter de sa saisine, par une décision motivée versée au dossier. Lorsque l’enquête porte sur des crimes ou délits mentionnés aux articles 706-73 et 706-73-1 ou relevant de la compétence du procureur de la République antiterroriste, le délai de six mois prévu au présent alinéa est porté à un an.
« Dans la période d’un mois qui suit la réception de la demande, le procureur de la République ne peut prendre aucune décision de poursuites hors l’ouverture d’une information, l’application de l’article 393 ou le recours à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité prévue aux articles 495-7 à 495-13.
« Le procureur de la République peut décider de ne pas mettre à la disposition de la personne certaines pièces de la procédure en raison des risques de pression sur les victimes, les autres personnes mises en cause, leurs avocats, les témoins, les enquêteurs, les experts ou toute autre personne concourant à la procédure.
« III. – Lorsqu’une enquête préliminaire fait l’objet d’une demande de communication dans les conditions prévues au II, la victime, si elle a porté plainte, est avisée par le procureur de la République qu’elle dispose des droits prévus au I dans les mêmes conditions que la personne à l’origine de la demande.
« III bis. – Les observations formulées en application du présent article sont versées au dossier de la procédure. Le procureur de la République apprécie les suites à apporter à ces observations. Il en informe les personnes concernées. S’il refuse de procéder à un acte demandé, sa décision peut être contestée devant le procureur général.
« IV. – Lorsqu’une période de deux ans s’est écoulée après l’un des actes mentionnés aux 1° et 2° du II, l’enquête préliminaire ne peut se poursuivre à l’égard des personnes ayant fait l’objet de l’un de ces actes et à l’encontre desquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elles ont commis ou tenté de commettre, en tant qu’auteurs ou complices, une infraction sans que le procureur de la République fasse application du I à leur profit ainsi qu’à celui du plaignant. » ;
3° À la première phrase de l’article 77-3, la référence : « premier alinéa du I » est remplacée par la référence : « II ».
II. – L’article 696-114 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il poursuit les investigations après l’expiration des délais d’enquête prévus à l’article 75-3, le procureur européen délégué est également tenu de procéder conformément aux dispositions applicables à l’instruction. »
Article 3
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le III de l’article préliminaire est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le respect du secret professionnel de la défense et du conseil, prévu à l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, est garanti au cours de la procédure pénale dans les conditions prévues par le présent code. » ;
2° L’article 56-1 est ainsi modifié :
aa) À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « prise », sont insérés les mots : « par le juge des libertés et de la détention saisi » et, à la fin, les mots : « et l’objet de celle-ci » sont remplacés par les mots : « , l’objet de celle-ci et sa proportionnalité au regard de la nature et de la gravité des faits » ;
ab) À la fin de la deuxième phrase du même premier alinéa, les mots : « dès le début de la perquisition à la connaissance du bâtonnier ou de son délégué par le magistrat » sont remplacés par les mots : « à la connaissance du bâtonnier ou de son délégué dès le début de la perquisition par le magistrat effectuant celle-ci » ;
a) Avant la dernière phrase dudit premier alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Lorsque la perquisition est justifiée par la mise en cause de l’avocat, elle ne peut être autorisée que s’il existe des raisons plausibles de le soupçonner d’avoir commis ou tenté de commettre, en tant qu’auteur ou complice, l’infraction qui fait l’objet de la procédure ou une infraction connexe au sens de l’article 203. » ;
a bis) Le deuxième alinéa est complété par les mots : « et à ce qu’aucun document relevant de l’exercice des droits de la défense et couvert par le secret professionnel de la défense et du conseil, prévu à l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, ne soit saisi et placé sous scellé » ;
b) À la fin du quatrième alinéa, les mots : « non susceptible de recours » sont supprimés ;
c) Après le septième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« La décision du juge des libertés et de la détention peut faire l’objet d’un recours suspensif dans un délai de vingt-quatre heures, formé par le procureur de la République, l’avocat ou le bâtonnier ou son délégué devant le président de la chambre de l’instruction. Celui-ci statue dans les cinq jours suivant sa saisine, selon la procédure prévue au cinquième alinéa du présent article.
« Ce recours peut également être exercé par l’administration ou l’autorité administrative compétente. » ;
2° bis Après le même article 56-1, sont insérés deux articles 56-1-1 et 56-1-2 ainsi rédigés :
« Art. 56-1-1. – Lorsque, à l’occasion d’une perquisition dans un lieu autre que ceux mentionnés à l’article 56-1, il est découvert un document mentionné au deuxième alinéa du même article 56-1, la personne chez qui il est procédé à ces opérations peut s’opposer à la saisie de ce document. Le document doit alors être placé sous scellé fermé et faire l’objet d’un procès-verbal distinct de celui prévu à l’article 57. Ce procès-verbal ainsi que le document placé sous scellé fermé sont transmis sans délai au juge des libertés et de la détention, avec l’original ou une copie du dossier de la procédure. Les quatrième à neuvième alinéas de l’article 56-1 sont alors applicables.
« Art. 56-1-2. – Dans les cas prévus aux articles 56-1 et 56-1-1, le secret professionnel du conseil n’est pas opposable aux mesures d’enquête ou d’instruction :
« 1° Lorsque celles-ci sont relatives aux infractions mentionnées aux articles 1741 et 1743 du code général des impôts et aux articles 421-2-2, 433-1, 433-2 et 435-1 à 435-10 du code pénal ainsi qu’au blanchiment de ces délits et que les consultations, correspondances ou pièces, détenues ou transmises par l’avocat ou son client, établissent la preuve de leur utilisation aux fins de commettre ou de faciliter la commission desdites infractions ;
« 2° Ou lorsque l’avocat a fait l’objet de manœuvres ou actions aux fins de permettre, de façon non intentionnelle, la commission, la poursuite ou la dissimulation d’une infraction. » ;
2° ter (Supprimé)
3° Après l’article 60-1, il est inséré un article 60-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 60-1-1. – Lorsque les réquisitions prévues à l’article 60-1 portent sur des données de connexion émises par un avocat et liées à l’utilisation d’un réseau ou d’un service de communications électroniques, qu’il s’agisse de données de trafic ou de données de localisation, elles ne peuvent être faites que sur ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention, saisi à cette fin par le procureur de la République.
« Cette ordonnance fait état des raisons plausibles de soupçonner que l’avocat a commis ou tenté de commettre, en tant qu’auteur ou complice, l’infraction qui fait l’objet de la procédure ou une infraction connexe au sens de l’article 203 ainsi que de la proportionnalité de la mesure au regard de la nature et de la gravité des faits.
« Le bâtonnier de l’ordre des avocats en est avisé.
« Les formalités prévues au présent article sont prescrites à peine de nullité. » ;
4° À la fin du troisième alinéa de l’article 77-1-1, les mots : « est également applicable » sont remplacés par les mots : « et l’article 60-1-1 sont également applicables » ;
5° L’article 99-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les réquisitions portent sur des données mentionnées à l’article 60-1-1 et émises par un avocat, elles ne peuvent être faites que sur ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention, saisi à cette fin par le juge d’instruction, et les trois derniers alinéas du même article 60-1-1 sont applicables. » ;
6° L’article 100 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Aucune interception ne peut porter sur une ligne dépendant du cabinet d’un avocat ou de son domicile, sauf s’il existe des raisons plausibles de le soupçonner d’avoir commis ou tenté de commettre, en tant qu’auteur ou complice, l’infraction qui fait l’objet de la procédure ou une infraction connexe au sens de l’article 203 et à la condition que la mesure soit proportionnée au regard de la nature et de la gravité des faits. La décision est prise par ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention, saisi à cette fin par ordonnance motivée du juge d’instruction, prise après avis du procureur de la République. » ;
6° bis Le troisième alinéa de l’article 100-5 est complété par les mots : « et couvertes par le secret professionnel de la défense et du conseil, prévu à l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, hors les cas prévus à l’article 56-1-2 » ;
7° Au premier alinéa de l’article 706-95, les mots : « par les articles 100, deuxième alinéa, » sont remplacés par les mots : « aux deuxième et dernier alinéas de l’article 100 ainsi qu’aux articles ».
Section 2
Dispositions relatives au secret de l’enquête et de l’instruction et renforçant la protection de la présomption d’innocence
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Chapitre II
Dispositions tendant à limiter le recours à la détention provisoire
Article 5
La section 7 du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de procédure pénale est ainsi modifiée :
1° Le premier alinéa de l’article 137-3 est complété par une phrase ainsi rédigée : « En matière correctionnelle, les décisions prolongeant la détention provisoire au-delà de huit mois ou rejetant une demande de mise en liberté concernant une détention de plus de huit mois doivent également comporter l’énoncé des considérations de fait sur le caractère insuffisant des obligations de l’assignation à résidence avec surveillance électronique mobile, prévue au troisième alinéa de l’article 142-5 et à l’article 142-12-1, ou du dispositif électronique prévu à l’article 138-3, lorsque cette mesure peut être ordonnée au regard de la nature des faits reprochés. » ;
2° L’article 142-6 est ainsi modifié :
a) Après le troisième alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« En matière correctionnelle, cette saisine est obligatoire dans les cas suivants :
« 1° Si elle est demandée par une personne détenue ou son avocat un mois avant la date à laquelle la détention peut être prolongée, sauf décision de refus spécialement motivée du juge d’instruction ;
« 2° Avant la date à laquelle la détention peut être prolongée lorsque la personne encourt une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans, sauf décision de refus spécialement motivée du juge ;
« 3° Avant la date de la seconde prolongation de la détention lorsque la personne encourt une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans. Sauf s’il envisage un placement sous contrôle judiciaire, le juge ne peut refuser le placement de la personne sous assignation à résidence sous surveillance électronique qu’en cas d’impossibilité liée à la personnalité ou à la situation matérielle de la personne. » ;
b) Les quatrième et avant-dernier alinéas sont supprimés ;
c) Au dernier alinéa, la première occurrence du mot : « et » est remplacée par le mot : « à ».
Chapitre III
Dispositions améliorant la procédure de jugement des crimes
Article 6
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° AAA Le quatrième alinéa de l’article 181 est ainsi rédigé :
« Lorsqu’elle est devenue définitive, l’ordonnance de mise en accusation couvre, s’il en existe, les vices de la procédure, sous réserve de l’article 269-1. » ;
1° AA À l’article 234-1, la référence : « 249, » est supprimée ;
1° A L’article 249 est ainsi modifié :
a) À la fin du premier alinéa, les mots : « tribunal judiciaire du lieu de la tenue des assises » sont remplacés par les mots : « ressort de la cour d’appel » ;
b) Le second alinéa est ainsi rédigé :
« Le premier président de la cour d’appel peut désigner un des assesseurs, lorsque la cour d’assises statue en premier ressort, parmi les magistrats exerçant à titre temporaire, ou, lorsqu’elle statue en premier ressort ou en appel, parmi les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles dans les conditions prévues à la section II du chapitre V bis de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. » ;
1° B Après l’article 269, il est inséré un article 269-1 ainsi rédigé :
« Art. 269-1. – Lorsque l’accusé n’a pas été régulièrement informé, selon le cas, de sa mise en examen ou de sa qualité de partie à la procédure, de l’avis de fin d’information judiciaire ou de l’ordonnance de mise en accusation, et que cette défaillance ne procède pas d’une manœuvre de sa part ou de sa négligence, il peut saisir le président de la chambre de l’instruction, alors même que l’ordonnance de mise en accusation est devenue définitive et au plus tard trois mois avant la date de sa comparution devant la cour d’assises, d’une requête contestant les éventuelles irrégularités de la procédure d’information.
« Le président de la chambre de l’instruction statue dans un délai d’un mois, au vu des observations écrites de l’accusé ou de son avocat et des observations écrites du ministère public, par une décision motivée susceptible de pourvoi en cassation.
« À défaut pour l’accusé d’avoir exercé ce recours, l’ordonnance de mise en accusation couvre les vices de la procédure. » ;
1° Après l’article 276, il est inséré un article 276-1 ainsi rédigé :
« Art. 276-1. – Après avoir procédé à l’interrogatoire de l’accusé en application de l’article 272, le président de la cour d’assises organise en chambre du conseil une réunion préparatoire criminelle. Si l’accusé est en détention provisoire, le président de la cour d’assises sollicite la communication d’une copie de son dossier individuel de détention. La réunion se tient en présence du ministère public et des avocats de l’ensemble des parties, le cas échéant par tout moyen de télécommunication, afin de rechercher un accord sur la liste des témoins et des experts qui seront cités à l’audience, sur leur ordre de déposition et sur la durée de l’audience, notamment lorsqu’il a été fait application de l’article 380-2-1 A.
« Si un accord intervient, il ne fait obstacle, en cas de nécessité, ni à la possibilité pour le ministère public et les parties de citer d’autres témoins ou experts que ceux qui avaient été prévus, ni à une modification de leur ordre de déposition. À défaut d’accord, il est procédé dans les conditions prévues aux articles 277 à 287. » ;
1° bis Après l’article 304, il est inséré un article 304-1 ainsi rédigé :
« Art. 304-1. – Lorsque la cour d’assises statuant en appel doit se prononcer uniquement sur la peine, le discours aux jurés prévu à l’article 304 est ainsi modifié :
« 1° Les mots : “les charges qui seront portées contre X…” sont remplacés par les mots : “les éléments de preuves retenus contre X, qui ont conduit à sa déclaration de culpabilité” ;
« 2° Les mots : “de vous rappeler que l’accusé est présumé innocent et que le doute doit lui profiter ; de vous décider d’après les charges et les moyens de défense” sont remplacés par les mots : “de vous prononcer sur la peine d’après les charges et les moyens de défense”. » ;
1° ter A La première phrase de l’article 305-1 est ainsi rédigée : « L’exception tirée d’une nullité autre que celles purgées par la décision de renvoi devenue définitive ou en application de l’article 269-1 et entachant la procédure qui précède l’ouverture des débats doit, à peine de forclusion, être soulevée dès que le jury de jugement est définitivement constitué. » ;
1° ter Après le mot : « ils », la fin du deuxième alinéa de l’article 327 est ainsi rédigée : « résultent de l’information, y compris, s’il y a lieu, les éléments à décharge mentionnés par les observations de l’avocat déposées en application du III de l’article 175, même si ces éléments ne figurent pas dans l’ordonnance de renvoi prise en application de l’article 184. » ;
2° À l’article 359, le mot : « six » est remplacé par le mot : « sept » ;
2° bis A Le deuxième alinéa de l’article 362 est ainsi modifié :
a) À la deuxième phrase, le mot : « six » est remplacé par le mot : « sept » ;
b) (nouveau) Après le mot : « perpétuité », la fin de la troisième phrase est supprimée.
2° bis L’article 366 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La lecture des textes de loi et des réponses faites aux questions n’est pas obligatoire si l’accusé ou son défenseur y renonce. » ;
3° L’article 367 est ainsi modifié :
aa) Au deuxième alinéa, après la première occurrence du mot : « cas », sont insérés les mots : « , si l’accusé est condamné à une peine de réclusion criminelle » ;
a) Le même deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque l’accusé n’est pas détenu au moment où l’arrêt est rendu et qu’il est condamné à une peine d’emprisonnement, la cour peut, par décision spéciale et motivée, décider de décerner mandat de dépôt, à effet immédiat ou différé, si les éléments de l’espèce justifient une mesure particulière de sûreté. » ;
b) Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Si la peine prononcée est supérieure à six mois, la cour peut également prononcer un mandat de dépôt à effet différé. » ;
4° Aux articles 888 et 923, la première occurrence du mot : « six » est remplacée par le mot : « sept ».
II. – Les articles 622 à 626-1 du code de procédure pénale sont applicables aux condamnations prononcées par une cour d’assises sous l’empire du code d’instruction criminelle, lorsque la culpabilité de la personne à la suite d’aveux obtenus par l’usage de la torture.
La commission d’instruction de la cour de révision et de réexamen est alors compétente pour procéder à l’annulation des pièces du dossier faisant état de déclarations de personnes entendues comme suspect ou comme témoin dont il apparaît qu’elles ont été recueillies à la suite de violences exercées par les enquêteurs.
Article 6 bis
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Les quatrième et avant-dernier alinéas de l’article 52-1 sont ainsi rédigés :
« Les juges d’instruction composant un pôle de l’instruction sont seuls compétents pour connaître des informations donnant lieu à une cosaisine dans les conditions prévues aux articles 83-1 et 83-2.
« Ils sont également seuls compétents pour connaître des informations en matière de crime et le demeurent en cas de requalification des faits au cours de l’information ou lors du règlement de celle-ci. Toutefois, s’il s’agit d’un crime puni de quinze ans ou de vingt ans de réclusion criminelle, lorsqu’il n’est pas commis en état de récidive légale et si le procureur de la République considère qu’il résulte des circonstances de l’espèce et de son absence de complexité que le recours à la cosaisine, même en cours d’instruction, paraît peu probable, il peut requérir l’ouverture de l’information auprès du juge d’instruction du tribunal judiciaire dans lequel il n’y a pas de pôle de l’instruction. » ;
2° Au premier alinéa du II de l’article 80, après le mot : « criminelle, », sont insérés les mots : « lorsque la gravité ou la complexité de l’affaire le justifie » ;
3° Le dernier alinéa de l’article 118 est ainsi modifié :
a) Après la première occurrence du mot : « instruction », sont insérés les mots : « et lorsque la gravité ou la complexité de l’affaire le justifie » ;
b) Les mots : « se dessaisit » sont remplacés par les mots : « peut se dessaisir, d’office ou sur réquisition du procureur de la République, » ;
4° À la dernière phrase du dernier alinéa de l’article 397-2, les mots : « les faits relèvent de la compétence d’un pôle de l’instruction » sont remplacés par les mots : « la gravité ou la complexité de l’affaire justifie que le tribunal commette un juge du pôle de l’instruction compétent » ;
5° À la première phrase de l’article 397-7, après le mot : « objet », sont insérés les mots : « , en raison de leur gravité ou de leur complexité, ».
Article 6 ter
Le livre IV du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après le 2° de l’article 706-54, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le fichier contient également, sur décision du procureur de la République ou du juge d’instruction, pour une durée et un régime d’effacement similaires à ceux des traces dans les dossiers criminels, les empreintes génétiques des victimes d’un crime mentionné à l’article 706-106-1 du présent code, ainsi que, lorsque l’empreinte génétique de la victime n’a pu être recueillie ou qu’il est nécessaire de confirmer son identification, les empreintes génétiques des ascendants, descendants et collatéraux de ces victimes, sous réserve de leur consentement éclairé, exprès et écrit, et de leur possibilité de demander à tout moment au procureur de la République d’effacer leur empreinte du fichier. » ;
2° Après le titre XXV, il est inséré un titre XXV bis ainsi rédigé :
« TITRE XXV BIS
« DE LA PROCÉDURE APPLICABLE AUX CRIMES SÉRIELS OU NON ÉLUCIDÉS
« Art. 706-106-1. – Un ou plusieurs tribunaux judiciaires désignés par décret exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application des articles 43, 52 et 382 du présent code pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement des crimes prévus aux articles 221-1 à 221-5, 222-1, 222-3 à 222-6, 222-23 à 222-26 et 224-1 à 224-3 du code pénal et de tous les délits connexes à ces crimes, lorsque l’une au moins des deux conditions ci-après est remplie et que les investigations les concernant présentent une particulière complexité :
« 1° Ces crimes ont été commis ou sont susceptibles d’avoir été commis de manière répétée à des dates différentes par une même personne à l’encontre de différentes victimes ;
« 2° Leur auteur n’a pas pu être identifié plus de dix-huit mois après leur commission.
« Lorsqu’ils sont compétents pour la poursuite ou l’instruction des infractions mentionnées au présent article, le procureur de la République et le juge d’instruction des juridictions désignées exercent leurs attributions sur toute l’étendue du ressort territorial précisé par le décret prévu au premier alinéa. Si une seule juridiction spécialisée est désignée, cette compétence s’étend à l’ensemble du territoire national.
« La juridiction saisie demeure compétente, quelles que soient les incriminations retenues lors du règlement ou du jugement de l’affaire. Toutefois, si les faits constituent une contravention, le juge d’instruction prononce le renvoi de l’affaire devant le tribunal de police compétent en application de l’article 522.
« Art. 706-106-2. – Au sein de ce ou ces tribunaux judiciaires, le procureur général et le premier président, après avis du procureur de la République et du président du tribunal judiciaire, désignent respectivement un ou plusieurs magistrats du parquet, et juges d’instruction chargés spécialement de l’enquête, la poursuite et l’instruction des infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-106-1.
« Les magistrats du parquet et juges d’instruction désignés ainsi que le procureur général près la cour d’appel compétente peuvent demander à des assistants spécialisés, désignés dans les conditions prévues à l’article 706, de participer, selon les modalités prévues au même article 706, aux procédures concernant les crimes et délits entrant dans le champ d’application de l’article 706-106-1.
« Art. 706-106-3. – Le procureur de la République près un tribunal judiciaire autre que celui ou ceux mentionnés à l’article 706-106-1 peut, pour les infractions relevant du même article 706-106-1, d’office, sur proposition du juge d’instruction ou à la requête des parties, requérir du juge d’instruction initialement saisi de se dessaisir au profit de la juridiction d’instruction compétente en application dudit article 706-106-1.
« Si elles ne sont pas à l’origine de la demande, les parties sont avisées de ces réquisitions et sont invitées par le juge d’instruction à faire connaître leurs observations.
« L’ordonnance statuant sur le dessaisissement est rendue huit jours au plus tôt et un mois au plus tard à compter des réquisitions ou de l’avis donné aux parties.
« Les trois derniers alinéas de l’article 706-77 et l’article 706-78 sont applicables à cette ordonnance.
« Art. 706-106-4. – Le procureur de la République peut ordonner une enquête, ou saisir le juge d’instruction d’une information, ayant pour objet de retracer l’éventuel parcours criminel d’une personne condamnée pour des faits relevant de l’article 706-106-1 ou pour laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre de tels faits.
« Art. 706-106-5. – Les modalités d’application du présent titre, notamment les conditions dans lesquelles des officiers de police judiciaire spécialement désignés peuvent assister les magistrats désignés en application de l’article 706-106-2, sont précisées par voie réglementaire. »
Article 7
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article 181 est complété par les mots : « , sous réserve de l’article 181-1 » ;
2° Après l’article 181, sont insérés des articles 181-1 et 181-2 ainsi rédigés :
« Art. 181-1. – S’il existe, à l’issue de l’information, des charges suffisantes contre la personne d’avoir commis, hors récidive, un crime puni de quinze ans ou de vingt ans de réclusion criminelle, elle est mise en accusation par le juge d’instruction, selon les modalités prévues à l’article 181, devant la cour criminelle départementale, sauf s’il existe un ou plusieurs coaccusés ne répondant pas aux conditions prévues au présent alinéa.
« Le délai d’un an prévu au huitième alinéa de l’article 181 est alors porté à six mois et il ne peut être procédé qu’à une seule prolongation en application du neuvième alinéa du même article 181.
« Art. 181-2. – Lorsqu’une ordonnance de mise en accusation du juge d’instruction qui n’est plus susceptible d’appel a, au regard des qualifications criminelles retenues, renvoyé par erreur l’accusé devant la cour d’assises au lieu de la cour criminelle départementale ou inversement, le président de la chambre de l’instruction peut, sur requête du procureur de la République ou d’une partie, procéder par ordonnance motivée à la rectification de cette erreur en renvoyant l’accusé devant la juridiction criminelle compétente.
« Si l’affaire est renvoyée devant la cour d’assises, les délais prévus à l’article 181 sont alors applicables.
« Si l’affaire est renvoyée devant la cour criminelle départementale, les délais applicables sont ceux prévus au second alinéa de l’article 181-1 à compter de la décision prévue au premier alinéa du présent article, sans pouvoir dépasser les délais prévus à l’article 181. » ;
3° Au premier alinéa de l’article 186, après la référence : « 181 », est insérée la référence : « , 181-1 » ;
4° Le premier alinéa de l’article 186-3 est complété par les mots : « ou devant la cour criminelle départementale » ;
5° L’article 214 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par les mots : « ou devant la cour criminelle départementale » ;
b) Au second alinéa, les mots : « cette juridiction » sont remplacés par les mots : « la juridiction criminelle compétente » ;
6° L’intitulé du titre Ier du livre II est complété par les mots : « et de la cour criminelle départementale » ;
7° Au début du même titre Ier, il est inséré un sous-titre Ier intitulé : « De la cour d’assises » et comprenant les chapitres Ier à IX ;
8° Au début du premier alinéa de l’article 231, sont ajoutés les mots : « Sous réserve des dispositions de l’article 380-16, » ;
9° Le titre Ier du livre II est complété par un sous-titre II ainsi rédigé :
« Sous-titre II
« De la cour criminelle départementale
« Art. 380-16. – Par dérogation aux chapitres Ier à V du sous-titre Ier du présent titre, les personnes majeures accusées d’un crime puni de quinze ans ou de vingt ans de réclusion criminelle, lorsqu’il n’est pas commis en état de récidive légale, sont jugées en premier ressort par la cour criminelle départementale.
« Cette cour est également compétente pour le jugement des délits connexes.
« Elle n’est pas compétente s’il existe un ou plusieurs coaccusés ne répondant pas aux conditions prévues au présent article.
« Art. 380-17. – La cour criminelle départementale, qui siège au même lieu que la cour d’assises ou, par exception et dans les conditions prévues à l’article 235, dans un autre tribunal judiciaire du même département, est composée d’un président et de quatre assesseurs, choisis par le premier président de la cour d’appel, pour le président, parmi les présidents de chambre et les conseillers du ressort de la cour d’appel exerçant ou ayant exercé les fonctions de président de la cour d’assises et, pour les assesseurs, parmi les conseillers et les juges de ce ressort. Le premier président de la cour d’appel peut désigner deux assesseurs au plus parmi les magistrats exerçant à titre temporaire ou les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles dans les conditions prévues à la section II du chapitre V bis de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.
« Art. 380-18. – Sur proposition du ministère public, l’audiencement de la cour criminelle départementale est fixé par son président ou, à la demande du procureur général, par le premier président de la cour d’appel.
« Art. 380-19. – La cour criminelle départementale applique les dispositions du présent code relatives aux cours d’assises sous les réserves suivantes :
« 1° Il n’est pas tenu compte des dispositions qui font mention du jury ou des jurés ;
« 2° Les attributions confiées à la cour d’assises sont exercées par la cour criminelle départementale et celles confiées au président de la cour d’assises sont exercées par le président de la cour criminelle départementale ;
« 3° La section 2 du chapitre III du sous-titre Ier du présent livre, l’article 282, la section 1 du chapitre V du même sous-titre Ier, les deux derniers alinéas de l’article 293 et les articles 295 à 305 ne sont pas applicables ;
« 4° Pour l’application des articles 359, 360 et 362, les décisions sont prises à la majorité ;
« 5° Les deux derniers alinéas de l’article 347 ne sont pas applicables et la cour criminelle départementale délibère en étant en possession de l’entier dossier de la procédure.
« Art. 380-20. – Si la cour criminelle départementale estime, au cours ou à l’issue des débats, que les faits dont elle est saisie constituent un crime puni de trente ans de réclusion criminelle ou de la réclusion criminelle à perpétuité, elle renvoie l’affaire devant la cour d’assises. Si l’accusé comparaissait détenu, il demeure placé en détention provisoire jusqu’à sa comparution devant la cour d’assises ; dans le cas contraire, la cour criminelle départementale peut, après avoir entendu le ministère public et les parties ou leurs avocats, décerner, par la même décision, mandat de dépôt ou mandat d’arrêt contre l’accusé.
« Art. 380-21. – L’appel des décisions de la cour criminelle départementale est examiné par la cour d’assises dans les conditions prévues au sous-titre Ier du présent titre pour l’appel des arrêts rendus par les cours d’assises en premier ressort.
« Art. 380-22. – Pour l’application des dispositions relatives à l’aide juridictionnelle, la cour criminelle départementale est assimilée à la cour d’assises. » ;
10° (nouveau) Après l’article 888, il est inséré un article 888-1 ainsi rédigé :
« Art. 888-1. – Les dispositions relatives à la cour criminelle départementale ne sont pas applicables dans le département de Mayotte. »
II. – Il est institué, jusqu’à la date d’entrée en vigueur de l’article 7, un comité d’évaluation chargé du suivi de l’expérimentation prévue aux II et III de l’article 63 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Ce comité comprend deux députés et deux sénateurs, respectivement désignés par le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat. Sa composition, ses missions et ses modalités de fonctionnement sont précisées par décret. Il établit un rapport public au plus tard deux mois avant l’entrée en vigueur de l’article 7 de la présente loi.
Article 8
I. – (Supprimé)
II. – Un des assesseurs de la cour criminelle départementale, désigné par ordonnance du premier président de la cour d’appel, peut être un avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles dans les conditions prévues à l’article 3 de la loi organique n° … du … pour la confiance dans l’institution judiciaire. Dans cette hypothèse, le premier président de la cour d’appel ne peut désigner en qualité d’assesseur à la cour criminelle départementale, par dérogation à l’article 380-17 du code de procédure pénale, qu’un seul magistrat exerçant à titre temporaire ou magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.
III. – Le présent article est applicable à titre expérimental dans au moins deux départements et au plus vingt départements, déterminés par arrêté du ministre de la justice, pendant une durée de trois ans à compter de la date fixée par ce même arrêté, et au plus tard six mois après l’entrée en vigueur du présent article.
Six mois au moins avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de cette expérimentation.
Chapitre IV
Dispositions relatives à l’exécution des peines
Article 9
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le III de l’article 706-56 est abrogé ;
1° bis AA L’article 710 est ainsi modifié :
a) La deuxième phrase du premier alinéa est supprimée ;
b) À la seconde phrase du troisième alinéa, les mots : « de confusion » sont supprimés ;
1° bis A Après le même article 710, il est inséré un article 710-1 ainsi rédigé :
« Art. 710-1. – Lorsqu’une personne condamnée demande, en application de l’article 132-4 du code pénal, la confusion de peines prononcées contre elle après que les condamnations sont devenues définitives, sa demande est portée devant le tribunal correctionnel, dont la décision peut faire l’objet d’un appel devant la chambre des appels correctionnels. Sont compétents le ou les tribunaux correctionnels ayant prononcé les peines, ou se trouvant au siège d’une des juridictions ayant prononcé les peines. Les deux derniers alinéas de l’article 710 du présent code sont alors applicables. Si l’une ou plusieurs des peines prononcées sont des peines criminelles, le renvoi à la formation collégiale du tribunal ou de la chambre des appels correctionnels est de droit s’il est demandé par le condamné ou le ministère public. » ;
1° bis Après la première occurrence du mot : « pénitentiaire », la fin du premier alinéa de l’article 712-4-1 est ainsi rédigée : « , d’un représentant du service pénitentiaire d’insertion et de probation et d’un représentant du corps de commandement ou du corps d’encadrement et d’application du personnel de surveillance. » ;
2° Le premier alinéa de l’article 712-19 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il en est de même lorsque la juridiction de jugement a fixé, en application du deuxième alinéa de l’article 131-9 du code pénal ou du second alinéa de l’article 131-11 du même code, une durée maximale d’emprisonnement dont le juge de l’application des peines peut ordonner la mise à exécution et que le condamné ne respecte pas les obligations ou interdictions résultant de la ou des peines prononcées. » ;
2° bis À la première phrase du dernier alinéa du même article 712-19, après la référence : « 712-6 », sont insérés les mots : « du présent code » ;
3° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 713-43, la seconde occurrence du mot : « public » est supprimée ;
4° Après la référence : « 721 », la fin de la seconde phrase du cinquième alinéa de l’article 717-1 est ainsi rédigée : « et 729 du présent code, sur l’octroi ou le retrait de réductions de peine ou l’octroi d’une libération conditionnelle. » ;
5° L’article 720 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) Aux cinquième et sixième alinéas, le mot : « article » est remplacé par la référence : « I » ;
c) Sont ajoutés des II et III ainsi rédigés :
« II. – Lorsqu’il reste au condamné exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée totale inférieure ou égale à deux ans un reliquat de peine à exécuter qui est inférieur ou égal à trois mois, la libération sous contrainte s’applique de plein droit, sauf en cas d’impossibilité matérielle résultant de l’absence d’hébergement. Le juge de l’application des peines détermine, après avis de la commission de l’application des peines, la mesure applicable.
« En cas de non-respect de la mesure et des obligations et interdictions le cas échéant fixées, le juge de l’application des peines peut ordonner, selon les modalités prévues à l’article 712-6, le retrait ou la révocation de la mesure et la réincarcération de la personne pour une durée égale au plus au cumul de la peine qu’il lui restait à exécuter au moment de la décision et des réductions de peine octroyées qui n’avaient pas fait l’objet d’un retrait.
« III. – Le II du présent article n’est pas applicable :
« 1° Aux condamnés incarcérés pour l’exécution d’une ou de plusieurs peines dont l’une au moins a été prononcée pour une infraction qualifiée de crime, pour une infraction prévue aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, pour une infraction prévue au titre II du livre II du même code lorsqu’elle a été commise sur la personne d’un mineur de moins de quinze ans ou sur une personne dépositaire de l’autorité publique ou pour une infraction commise avec la circonstance aggravante définie à l’article 132-80 dudit code ;
« 2° Aux personnes détenues ayant fait l’objet, pendant la durée de leur détention, d’une sanction disciplinaire prononcée pour l’un des faits suivants :
« a) Exercer ou tenter d’exercer des violences physiques à l’encontre d’un membre du personnel de l’établissement ou d’une personne en mission ou en visite dans l’établissement ;
« b) Exercer ou tenter d’exercer des violences physiques à l’encontre d’une personne détenue ;
« c) Opposer une résistance violente aux injonctions des membres du personnel pénitentiaire de l’établissement ;
« d) Participer ou tenter de participer à toute action collective de nature à compromettre la sécurité de l’établissement ou à en perturber l’ordre. » ;
6° L’article 721 est ainsi rédigé :
« Art. 721. – Une réduction de peine peut être accordée par le juge de l’application des peines, après avis de la commission de l’application des peines, aux condamnés exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté qui ont donné des preuves suffisantes de bonne conduite et qui ont manifesté des efforts sérieux de réinsertion.
« Cette réduction ne peut excéder six mois par année d’incarcération et quatorze jours par mois pour une durée d’incarcération inférieure à un an.
« Les preuves suffisantes de bonne conduite sont appréciées en tenant compte notamment de l’absence d’incidents en détention, du respect du règlement intérieur de l’établissement ou des instructions de service, de l’implication dans la vie quotidienne ou du comportement avec le personnel pénitentiaire ou exerçant à l’établissement, avec les autres personnes détenues et avec les personnes en mission ou en visite.
« Les efforts sérieux de réinsertion sont appréciés en tenant compte notamment du suivi avec assiduité d’une formation scolaire, universitaire ou professionnelle ayant pour objet l’acquisition de connaissances nouvelles, des progrès dans le cadre d’un enseignement ou d’une formation, de l’engagement dans l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul, de l’exercice d’une activité de travail, de la participation à des activités culturelles, notamment de lecture, de la participation à des activités sportives encadrées, du suivi d’une thérapie destinée à limiter les risques de récidive, de l’investissement soutenu dans un programme de prise en charge proposé par le service pénitentiaire d’insertion et de probation ou des versements volontaires des sommes dues aux victimes et au Trésor public.
« Dès que la condamnation est devenue définitive, le service pénitentiaire d’insertion et de probation travaille avec la personne en vue de la préparation d’une sortie encadrée. Dans le cadre de l’examen des réductions de peine, l’avis remis par le service pénitentiaire d’insertion et de probation au juge de l’application des peines comporte des éléments lui permettant de déterminer les mesures favorisant l’accompagnement des condamnés en fin de peine à travers un aménagement, une libération sous contrainte ou le suivi prévu à l’article 721-2.
« Pour l’application du présent article, la situation de chaque condamné est examinée au moins une fois par an.
« La réduction de peine est prononcée en une seule fois si l’incarcération est inférieure à une année et par fractions annuelles dans le cas contraire.
« Sauf décision contraire du juge de l’application des peines, lorsque la personne condamnée pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru ne suit pas le traitement qui lui a été proposé en application des articles 717-1 et 763-7, elle ne peut bénéficier de la réduction de peine prévue au présent article qu’à hauteur de trois mois par année d’incarcération et de sept jours par mois pour une durée d’incarcération inférieure à un an. Il en est de même lorsque la personne condamnée dans les circonstances mentionnées au second alinéa de l’article 122-1 du code pénal refuse les soins qui lui sont proposés.
« Le présent article s’applique également aux personnes condamnées qui bénéficient d’un aménagement de peine sous écrou.
« Dans l’année suivant son octroi, la réduction de peine peut être rapportée en tout ou en partie, après avis de la commission de l’application des peines, en cas de mauvaise conduite du condamné. Le retrait est prononcé par ordonnance motivée du juge de l’application des peines agissant d’office, sur saisine du chef d’établissement ou sur réquisitions du procureur de la République. Le condamné est mis en mesure de faire valoir ses observations, le cas échéant par l’intermédiaire de son avocat.
« Lors de sa mise sous écrou, le condamné est informé par le greffe des règles afférentes à la réduction de peine prévue au présent article, des critères d’appréciation et d’attribution de cette réduction, ainsi que des possibilités de retrait de tout ou partie de cette réduction.
« Les modalités d’application du présent article sont précisées par voie réglementaire. » ;
7° Les quatre premiers alinéas et la seconde phrase du dernier alinéa de l’article 721-1 sont supprimés ;
8° L’article 721-1-1 est ainsi modifié :
a) À la fin de la première phrase, les mots : « bénéficient pas des crédits de réduction de peine mentionnés à l’article 721 du présent code » sont remplacés par les mots : « peuvent bénéficier des réductions de peine mentionnées à l’article 721 du présent code qu’à hauteur de trois mois par année d’incarcération et de sept jours par mois pour une durée d’incarcération inférieure à un an » ;
b) La seconde phrase est supprimée ;
8° bis L’article 721-1-2 est ainsi rédigé :
« Art. 721-1-2. – Les personnes condamnées à une peine privative de liberté pour une ou plusieurs infractions mentionnées aux articles 221-3, 221-4, 222-3, 222-8, 222-10, 222-12, 222-14-1 et 222-15-1 du code pénal au préjudice d’une personne investie d’un mandat électif public, d’un magistrat, d’un militaire de la gendarmerie nationale, d’un militaire déployé sur le territoire national dans le cadre des réquisitions prévues à l’article L. 1321-1 du code de la défense, d’un fonctionnaire de la police nationale, des douanes ou de l’administration pénitentiaire, d’un agent de police municipale, d’un sapeur-pompier professionnel ou volontaire ou de toute autre personne dépositaire de l’autorité publique ne peuvent bénéficier des réductions de peine mentionnées à l’article 721 du présent code qu’à hauteur, s’il s’agit d’un crime, de trois mois par année d’incarcération et sept jours par mois pour une durée d’incarcération inférieure à un an ou, s’il s’agit d’un délit, de quatre mois par année d’incarcération et neuf jours par mois pour une durée d’incarcération inférieure à un an. » ;
8° ter La seconde phrase de l’article 721-1-3 est supprimée ;
9° L’article 721-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa du I et à la première phrase du premier alinéa du II, les mots : « d’une ou plusieurs des réductions de peines prévues aux articles 721 et 721-1 » sont remplacés par les mots : « de réductions de peines prévues à l’article 721 » ;
b) La seconde phrase de l’avant-dernier alinéa du I et du dernier alinéa du II est ainsi rédigée : « Les articles 712-17 et 712-19 sont applicables. » ;
c) Le dernier alinéa du I est supprimé ;
10° La section 4 du chapitre II du titre II du livre V est complétée par un article 721-4 ainsi rédigé :
« Art. 721-4. – Une réduction de peine exceptionnelle, dont le quantum peut aller jusqu’au tiers de la peine prononcée, peut être accordée aux condamnés ayant permis, au cours de leur détention, y compris provisoire, d’éviter ou de mettre fin à toute action individuelle ou collective de nature à perturber gravement le maintien du bon ordre et la sécurité de l’établissement ou à porter atteinte à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique des membres du personnel pénitentiaire ou des détenus de l’établissement. Dans le cas des condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité, une réduction exceptionnelle du temps d’épreuve prévu au neuvième alinéa de l’article 729, dont le quantum peut aller jusqu’à cinq années, peut être accordée.
« Pour les condamnés exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée totale supérieure à sept ans, ces réductions exceptionnelles sont accordées par le tribunal de l’application des peines, sur demande du condamné, sur saisine du chef d’établissement, sur réquisitions du procureur de la République ou à l’initiative du juge de l’application des peines dont relève le condamné en application de l’article 712-10, selon les modalités prévues à l’article 712-7.
« Pour les condamnés exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée totale inférieure ou égale à sept ans, ces réductions exceptionnelles sont accordées, après avis de la commission de l’application des peines, par ordonnance motivée du juge de l’application des peines, agissant d’office, sur demande du condamné, sur saisine du chef d’établissement ou sur réquisitions du procureur de la République, selon les modalités prévues à l’article 712-4-1. » ;
11° À l’article 723-29, les mots : « au crédit de réduction de peine et aux réductions de peines supplémentaires » sont remplacés par les mots : « aux réductions de peine » ;
11° bis Le deuxième alinéa de l’article 728-15 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Il peut procéder à cette transmission à la demande de l’autorité compétente de l’État d’exécution.
« Sous réserve de l’article 728-22-1, il peut également procéder à cette transmission d’office ou à la demande de la personne concernée. » ;
11° ter Le premier alinéa de l’article 728-22 est ainsi rédigé :
« Tant que l’exécution de la peine n’a pas commencé, le représentant du ministère public peut, à tout moment, décider de retirer le certificat, sous réserve de l’article 728-22-1. Il indique à l’autorité compétente de l’État d’exécution le motif de ce retrait. » ;
11° quater Le paragraphe 1 de la section 2 du chapitre VI du titre II du livre V est complété par un article 728-22-1 ainsi rédigé :
« Art. 728-22-1. – La personne condamnée peut contester devant le président de la chambre de l’application des peines de la cour d’appel la décision du représentant du ministère public :
« 1° De transmission d’office à l’autorité compétente d’un autre État membre de l’Union européenne d’une décision de condamnation aux fins d’exécution en application du troisième alinéa de l’article 728-15 ;
« 2° De refus de transmettre une telle décision en application du même troisième alinéa, malgré la demande en ce sens du condamné ;
« 3° De retrait du certificat pris en application du premier alinéa de l’article 728-22.
« Ce recours est suspensif.
« Le dossier ou sa copie est alors transmis par le représentant du ministère public au président de la chambre de l’application des peines de la cour d’appel dans le ressort de laquelle se trouve la juridiction ayant prononcé la décision de condamnation.
« Le président statue après avoir recueilli les observations écrites du représentant du ministère public et de la personne condamnée par une ordonnance motivée qui n’est pas susceptible de recours. » ;
12° Au deuxième alinéa de l’article 729, les mots : « réadaptation sociale » sont remplacés par le mot : « réinsertion » ;
13° À la première phrase de l’article 729-1, la référence : « 721-1 » est remplacée par la référence : « 721 » ;
14° Au quatrième alinéa du I de l’article 803-8, le mot : « dix » est remplacé par le mot : « sept ».
Article 9 bis A
(Supprimé)
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Chapitre V
Dispositions diverses
Article 10
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° A Le III de l’article préliminaire est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En matière de crime ou de délit, le droit de se taire est notifié à toute personne suspectée ou poursuivie avant tout recueil de ses observations et avant tout interrogatoire, y compris pour obtenir des renseignements sur sa personnalité ou pour prononcer une mesure de sûreté, lors de sa première présentation devant un service d’enquête, un magistrat, une juridiction ou toute personne ou tout service mandaté par l’autorité judiciaire. Aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement de déclarations faites sans que ledit droit ait été notifié. » ;
1° B Au 8° de l’article 10-2 et à l’article 10-4, après le mot : « choix, », sont insérés les mots : « y compris par un avocat, » ;
1° Le neuvième alinéa de l’article 41 est ainsi rédigé :
« Ces diligences doivent être prescrites avant toute réquisition de placement en détention provisoire lorsque la peine encourue n’excède pas cinq ans d’emprisonnement et en cas de poursuites selon la procédure de comparution immédiate prévue aux articles 395 à 397-6 ou lorsque la personne est déférée devant le procureur de la République en application de l’article 393 et en cas de poursuites selon la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité prévue aux articles 495-7 à 495-13. » ;
1° bis A Le 1° de l’article 41-1 est ainsi rédigé :
« 1° Adresser à l’auteur de l’infraction qui a reconnu sa culpabilité un avertissement pénal probatoire lui rappelant les obligations résultant de la loi ou du règlement ainsi que les peines encourues et lui indiquant que cette décision est revue en cas de commission dans un délai de deux ans d’une nouvelle infraction. Cet avertissement ne peut être adressé que par le procureur de la République ou son délégué ; il ne peut intervenir à l’égard d’une personne qui a déjà été condamnée ou à la suite d’un délit de violences contre les personnes ou d’un délit commis contre une personne dépositaire de l’autorité publique ou investie d’un mandat électif public. Lorsque l’infraction a causé un préjudice à une personne physique ou morale, l’avertissement ne peut intervenir que si le préjudice a déjà été réparé ou s’il est également fait application de la mesure prévue au 4° ; »
1° bis BA À l’avant-dernier alinéa de l’article 41-2, après le mot : « temporaire », sont insérés les mots : « ou tout magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles dans les conditions prévues à la section II du chapitre V bis de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, » ;
1° bis B À la première phrase du sixième alinéa de l’article 145, après le mot : « examen », sont insérés les mots : « à laquelle a été notifié son droit de se taire » ;
1° bis C À la première phrase du premier alinéa de l’article 148-2, les mots : « audition du ministère public, du prévenu ou de » sont remplacés par les mots : « avoir entendu le ministère public, le prévenu auquel est préalablement notifié son droit de se taire, ou » ;
1° bis Le premier alinéa de l’article 180-1 est ainsi modifié :
a) Les mots : « , du mis en examen et de la partie civile » sont remplacés par les mots : « ou du mis en examen » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu’une partie civile est constituée, cette ordonnance ne peut être prise qu’après avoir mis celle-ci en mesure de faire valoir ses observations ou, en cas de plainte avec constitution de partie civile, qu’avec son accord. » ;
2° Le quatrième alinéa de l’article 199 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque la personne mise en examen comparaît devant la chambre, elle ne peut être entendue qu’après avoir été informée de son droit de se taire. » ;
2° bis (Supprimé)
2° ter À la deuxième phrase du dernier alinéa de l’article 394, après le mot : « prévenu », sont insérés les mots : « préalablement informé de son droit de se taire » ;
3° Après le mot : « provisoire », la fin du deuxième alinéa de l’article 396 est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Après avoir informé le prévenu de son droit de se taire, il recueille ses observations éventuelles ou celles de son avocat. L’ordonnance rendue n’est pas susceptible d’appel. » ;
4° L’article 495-15 est ainsi rédigé :
« Art. 495-15. – Le prévenu qui a fait l’objet, pour l’un des délits mentionnés à l’article 495-7, d’une citation directe ou d’une convocation en justice en application des articles 390 ou 390-1, d’une convocation par procès-verbal en application de l’article 394 ou d’une ordonnance de renvoi en application de l’article 179 peut, soit lui-même, soit par l’intermédiaire de son avocat, indiquer au procureur de la République qu’il reconnaît les faits qui lui sont reprochés et demander l’application de la procédure prévue à la présente section. Dans ce cas, le procureur de la République peut, s’il l’estime opportun, procéder dans les conditions prévues à l’article 495-8, après avoir convoqué le prévenu et son avocat ainsi que, le cas échéant, la victime. L’acte de saisine du tribunal correctionnel est alors caduc, sauf si la personne n’accepte pas les peines proposées ou si le président du tribunal judiciaire ou le juge délégué par lui refuse de les homologuer, lorsque l’un ou l’autre de ces refus intervient plus de dix jours avant la date de l’audience devant se tenir sur le fond devant le tribunal correctionnel.
« Le procureur de la République peut également prendre l’initiative de proposer au prévenu de procéder conformément au premier alinéa du présent article.
« Le présent article est applicable tant que le tribunal correctionnel n’a pas examiné l’affaire sur le fond, y compris si celle-ci a fait l’objet d’une décision de renvoi.
« Lorsque le tribunal a été saisi par une citation directe délivrée par la partie civile ou que l’ordonnance de renvoi a été prise par le juge d’instruction saisi par une plainte avec constitution de partie civile, le présent article ne peut être mis en œuvre qu’avec l’accord de la partie civile.
« Le présent article est applicable au prévenu condamné par le tribunal correctionnel qui a formé appel en limitant la portée de celui-ci aux peines prononcées, lors de la déclaration d’appel ou ultérieurement. Les attributions confiées au procureur de la République et au président du tribunal ou à son délégué par la présente section sont alors exercées respectivement par le procureur général et par le président de la chambre des appels correctionnels ou son délégué. » ;
4° bis Le second alinéa de l’article 523 est ainsi rédigé :
« Lorsqu’il connaît des contraventions des quatre premières classes, à l’exception de celles déterminées par un décret en Conseil d’État, ainsi que des contraventions de la cinquième classe relevant de la procédure de l’amende forfaitaire, le tribunal de police peut être constitué par un magistrat exerçant à titre temporaire ou par un magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles dans les conditions prévues à la section II du chapitre V bis de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. Si l’importance du contentieux le justifie, le président du tribunal judiciaire peut décider qu’à titre exceptionnel, le magistrat exerçant à titre temporaire ou le magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles préside une partie des audiences du tribunal de police consacrées aux contraventions de la cinquième classe, à l’exception de celles déterminées par décret en Conseil d’État. » ;
4° ter Le second alinéa de l’article 541 est ainsi rédigé :
« Les articles 470-1 et 472 sont applicables. » ;
4° quater Le premier alinéa de l’article 543 est ainsi rédigé :
« Sont applicables à la procédure devant le tribunal de police les articles 475-1 à 486 concernant les frais de justice et dépens, la restitution des objets placés sous la main de la justice et la forme des jugements. » ;
5° L’article 656-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article est applicable au témoignage des agents étrangers affectés dans des services de police judiciaire spécialement chargés de la lutte contre le terrorisme sur des faits dont ils auraient eu connaissance à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. » ;
5° bis Le titre IV bis du livre IV est complété par un article 656-2 ainsi rédigé :
« Art. 656-2. – L’autorité judiciaire peut recueillir le témoignage d’experts d’organisations internationales ou utiliser un rapport qu’ils ont rédigé comme faisceau d’indices permettant d’établir l’élément matériel de l’infraction ou comme éléments permettant de contribuer à la manifestation de la vérité. La demande de témoignage est transmise par le ministre des affaires étrangères. » ;
6° (Supprimé)
6° bis Le premier alinéa de l’article 698-6 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Le premier président de la cour d’appel peut désigner, lorsque la cour d’assises statue en premier ressort, deux assesseurs au plus, parmi les magistrats exerçant à titre temporaire ou les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles dans les conditions prévues à la section 2 du chapitre V bis de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. Lorsqu’elle statue en appel, il peut désigner trois assesseurs au plus, parmi les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles dans les conditions prévues par ces mêmes dispositions. » ;
6° ter L’article 704 est ainsi modifié :
a) Après la première phrase du dix-septième alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Pour siéger au sein du tribunal correctionnel, peuvent être désignés des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles dans les conditions prévues à la section 2 du chapitre V bis de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. » ;
b) Le dix-huitième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pour siéger au sein de la chambre des appels correctionnels, peuvent être désignés des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles dans les conditions prévues à la section 2 du chapitre V bis de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée. » ;
6° quater L’article 706-75-1 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pour siéger au sein du tribunal correctionnel, peuvent être désignés des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles dans les conditions prévues à la section 2 du chapitre V bis de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. » ;
b) Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Peuvent être désignés des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles dans les conditions prévues au second alinéa de l’article 249. » ;
c) Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pour siéger au sein de la chambre des appels correctionnels, peuvent être désignés des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles dans les conditions prévues à la section 2 du chapitre V bis de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée. » ;
7° Après l’article 706-112-2, il est inséré un article 706-112-3 ainsi rédigé :
« Art. 706-112-3. – Lorsque les éléments recueillis au cours d’une enquête préliminaire font apparaître qu’une personne chez laquelle il doit être procédé à une perquisition fait l’objet d’une mesure de protection juridique révélant qu’elle n’est pas en mesure d’exercer seule son droit de s’opposer à la réalisation de cette opération, l’officier en avise par tout moyen son curateur ou son tuteur, afin que l’assentiment éventuel de la personne prévu aux deux premiers alinéas de l’article 76 ne soit donné qu’après qu’elle a pu s’entretenir avec lui. À défaut, la perquisition doit être autorisée par le juge des libertés et de la détention en application de l’avant-dernier alinéa du même article 76. » ;
8° Au début de l’article 706-113, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Sans préjudice de l’application des articles 706-112-1 à 706-112-3, lorsque la personne fait l’objet de poursuites, le procureur de la République ou le juge d’instruction en avise le curateur ou le tuteur ainsi que le juge des tutelles. Il en est de même si la personne fait l’objet d’une alternative aux poursuites consistant en la réparation du dommage ou en une médiation, d’une composition pénale ou d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou si elle est entendue comme témoin assisté. » ;
9° Au début de l’article 800-2, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« À la demande de l’intéressé, toute juridiction prononçant un non-lieu, une relaxe, un acquittement ou toute décision autre qu’une condamnation ou une déclaration d’irresponsabilité pénale peut accorder à la personne poursuivie pénalement ou civilement responsable une indemnité qu’elle détermine au titre des frais non payés par l’État et exposés par celle-ci. Il en est de même, pour la personne civilement responsable, en cas de décision la mettant hors de cause. » ;
9° bis Le troisième alinéa du même article 800-2 est ainsi rédigé :
« Les deuxième et troisième alinéas sont applicables devant la Cour de cassation en cas de rejet d’un pourvoi portant sur une décision mentionnée au deuxième alinéa. » ;
10° Le dernier alinéa du II de l’article 803-1 est ainsi rédigé :
« Le présent II est également applicable, selon des modalités précisées par voie réglementaire, lorsque le présent code impose une signification par voie d’huissier de justice à destination du ministère public, des parties civiles, des experts et des témoins, ainsi que, lorsque ces personnes ne sont pas détenues, des prévenus ou des condamnés. »
I bis A. – Au premier alinéa de l’article L. 332-1 du code de la justice pénale des mineurs, les mots : « de comparution » sont supprimés.
I bis. – L’article L. 322-3 du code de la justice pénale des mineurs est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le mineur entendu par le service de la protection judiciaire de la jeunesse est informé, préalablement à l’entretien, de son droit de se taire sur les faits qui lui sont reprochés. »
II. – Après le premier alinéa de l’article L. 423-11 du code de la justice pénale des mineurs, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Le juge des enfants peut, en cas d’incident, délivrer à l’encontre d’un mineur un mandat de comparution.
« Lorsque le mineur se soustrait aux obligations et interdictions d’un contrôle judiciaire ou d’une assignation à résidence avec surveillance électronique, le juge des enfants peut également ordonner à l’encontre du mineur un mandat d’amener ou, si le mineur est en fuite ou réside à l’étranger, un mandat d’arrêt. Il est alors procédé dans les conditions prévues aux articles 123 à 134 du code de procédure pénale. Le mineur retenu en exécution d’un mandat bénéficie des droits prévus à l’article L. 332-1 du présent code. »
II bis. – Le code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa du 2° de l’article L. 423-9 et après le deuxième alinéa de l’article L. 423-11, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le mineur est informé que la décision ne pourra intervenir qu’à l’issue d’un débat contradictoire et qu’il a le droit de demander un délai pour préparer sa défense. Si le mineur ou son avocat sollicite un tel délai, le juge des libertés et de la détention statue selon les modalités prévues aux trois derniers alinéas de l’article L. 521-21. » ;
2° L’article L. 423-11 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Faute pour le juge des libertés et de la détention d’avoir statué dans le délai prévu au troisième alinéa, le mineur ou son avocat et le procureur de la République peuvent saisir la chambre spéciale des mineurs de la cour d’appel, qui statue selon les modalités prévues au second alinéa de l’article L. 521-23. »
III. – Le code des douanes est ainsi modifié :
1° L’article 67 F est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la personne entendue est mineure, le titre Ier du livre III et les chapitres Ier et II du titre Ier du livre IV du code de la justice pénale des mineurs sont applicables. » ;
2° À l’article 323-10, la référence : « et L. 411-1 » est remplacée par les références : « , L. 411-1 et L. 413-1 ».
IV. – Le 4° quater du I entre en vigueur le 31 décembre 2021.
Article 10 bis
I. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article 432-12, le mot : « quelconque » est remplacé par les mots : « de nature à compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité » ;
1° bis Après le même article 432-12, il est inséré un article 432-12-1 ainsi rédigé :
« Art. 432-12-1. – Constitue une prise illégale d’intérêts punie des peines prévues à l’article 432-12 le fait, par un magistrat ou toute personne exerçant des fonctions juridictionnelles, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, dans une entreprise ou dans une opération à l’égard de laquelle elle a la charge de prendre une décision judiciaire ou juridictionnelle, un intérêt de nature à influencer, au moment de sa décision, l’exercice indépendant, impartial et objectif de sa fonction. » ;
2° (Supprimé)
II. – L’article 6-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° La première phrase est ainsi modifiée :
a) Les mots : « judiciaire impliquerait la violation d’une disposition de procédure pénale » sont remplacés par les mots : « pénale ou d’une instance devant une juridiction impliquerait la violation d’une règle de procédure » ;
b) Après la seconde occurrence du mot : « poursuite », sont insérés les mots : « , de la décision intervenue » ;
c) Sont ajoutés les mots : « ou en application des voies de recours prévues par la loi ou le règlement » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article est notamment applicable en cas de poursuites sur le fondement de l’article 432-12-1 du code pénal. »
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TITRE III
DU SERVICE PUBLIC PÉNITENTIAIRE
Article 11 AA
Après le troisième alinéa de l’article 714 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À titre exceptionnel, les personnes mentionnées au premier alinéa ayant interjeté appel ou formé un pourvoi en cassation contre leur condamnation peuvent être incarcérées dans un établissement pour peines lorsque cet établissement offre des conditions de détention plus satisfaisantes eu égard à la capacité d’accueil de la maison d’arrêt où ces personnes doivent être détenues en application du deuxième alinéa. »
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Article 11
L’article 717-3 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 717-3. – Les activités de travail et de formation professionnelle ou générale sont prises en compte pour l’appréciation des efforts sérieux de réinsertion et de la bonne conduite des condamnés.
« Au sein des établissements pénitentiaires, toutes dispositions sont prises pour assurer une activité professionnelle, une formation professionnelle ou générale ou une validation d’acquis de l’expérience aux personnes incarcérées qui en font la demande. À cet effet, celles-ci bénéficient de l’accès aux ressources pédagogiques nécessaires, y compris par voie numérique.
« Le chef d’établissement s’assure que les mesures appropriées sont prises en matière d’accès à l’activité professionnelle des personnes handicapées détenues.
« L’administration pénitentiaire travaille en partenariat avec l’institution publique mentionnée à l’article L. 5312-1 du code du travail, avec les missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes et avec les organismes de placement spécialisés dans l’insertion professionnelle des personnes handicapées afin de favoriser la réinsertion professionnelle des personnes condamnées à l’issue de leur détention. »
Article 12
I. – Après la section 1 du chapitre II du titre II du livre V du code de procédure pénale, est insérée une section 1 bis A ainsi rédigée :
« Section 1 bis A
« Du travail des personnes détenues
« Sous-section 1
« Dispositions générales
« Art. 719-2. – Le travail des personnes détenues participe au parcours d’exécution des peines privatives et restrictives de liberté. Il vise à préparer l’insertion ou la réinsertion professionnelle et sociale de la personne détenue en créant les conditions de son employabilité et concourt à la mission de prévention de la récidive confiée au service public pénitentiaire.
« Le travail est accompli sous le contrôle permanent de l’administration pénitentiaire, qui assure la surveillance des personnes détenues, la discipline et la sécurité sur les lieux de travail. Les conditions d’exercice de l’activité préparent la personne détenue aux relations de travail auxquelles elle pourra participer après sa sortie. Elles sont adaptées à sa personnalité et aux contraintes inhérentes à la détention. En particulier, des motifs disciplinaires ou liés au maintien du bon ordre et de la sécurité des établissements pénitentiaires peuvent conduire à tout moment l’administration pénitentiaire, dans les conditions définies à l’article 719-7, à suspendre temporairement l’activité de travail ou à y mettre un terme.
« Art. 719-3. – Le travail des personnes détenues peut être accompli pour un donneur d’ordre qui est :
« 1° Au service général, l’administration pénitentiaire ;
« 2° Dans le cadre d’une activité de production, un concessionnaire, une entreprise délégataire, une structure d’insertion par l’activité économique mentionnée à l’article L. 5132-4 du code du travail, une entreprise adaptée mentionnée à l’article L. 5213-13 du même code ou un service de l’État ayant pour mission de développer le travail et l’insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice. Le donneur d’ordre peut également être notamment une personne morale de droit privé mentionnée au 1° du II de l’article 1er de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire et poursuivant un but d’utilité sociale au sens de l’article 2 de la même loi, une société commerciale mentionnée au 2° du II de l’article 1er de ladite loi ou une société remplissant les conditions mentionnées à l’article L. 210-10 du code de commerce.
« Le travail pour un donneur d’ordre est accompli dans le cadre du contrat d’emploi pénitentiaire régi par la sous-section 3 de la présente section. Les relations entre la personne détenue et le donneur d’ordre sont régies par les dispositions du présent code et par celles du code du travail auxquelles le présent code renvoie expressément.
« Art. 719-4. – Les personnes détenues peuvent travailler pour leur propre compte, après y avoir été autorisées par le chef d’établissement.
« Art. 719-5. – La présente section est applicable lorsque le lieu de travail de la personne détenue se situe, en tout ou partie, sur le domaine affecté à l’établissement pénitentiaire ou à ses abords immédiats.
« Sous-section 2
« Classement au travail et affectation sur un poste de travail
« Art. 719-6. – La personne détenue qui souhaite exercer un travail en détention pour un donneur d’ordre mentionné à l’article 719-3 adresse une demande à l’administration pénitentiaire. Cette demande donne lieu à une décision de classement ou de refus de classement au travail prise par le chef d’établissement, après avis de la commission pluridisciplinaire unique. La décision de classement précise les régimes selon lesquels la personne détenue peut être employée : service général, concession, service de l’emploi pénitentiaire, insertion par l’activité économique, entreprise adaptée, établissement et service d’aide par le travail. Une liste d’attente d’affectation est constituée dans chaque établissement pénitentiaire. La décision de refus de classement est motivée. Cette décision est susceptible de recours.
« Lorsque la personne détenue est classée au travail et en fonction des régimes selon lesquels elle peut être employée, elle peut adresser à l’administration pénitentiaire une demande d’affectation sur un poste de travail. Au vu de l’avis de la commission pluridisciplinaire unique et, le cas échéant, de la demande d’affectation formulée par la personne détenue, l’administration pénitentiaire organise des entretiens professionnels entre celle-ci et le service, l’entreprise ou la structure chargé de l’activité de travail. Au vu des résultats de ces entretiens, au terme desquels le service, l’entreprise ou la structure chargé de l’activité de travail opère un choix, et en tenant compte des possibilités locales d’emploi, le chef d’établissement prend, le cas échéant, une décision d’affectation sur un poste de travail.
« Art. 719-7. – I. – En cas de faute disciplinaire, le chef d’établissement peut :
« 1° Mettre fin au classement au travail ;
« 2° Mettre fin à l’affectation sur un poste de travail ;
« 3° Suspendre le classement au travail, pour une durée qu’il détermine.
« Les mesures prévues aux 1° à 3° sont prises à titre de sanction disciplinaire, dans les conditions prévues à l’article 726.
« II. – Le chef d’établissement peut suspendre l’affectation sur un poste de travail pour des motifs liés au maintien du bon ordre, à la sécurité de l’établissement pénitentiaire ou à la prévention des infractions. La durée de la mesure doit être strictement proportionnée.
« L’affectation peut également être suspendue pendant la durée d’une procédure disciplinaire ou pour des motifs liés à la translation de la personne détenue ou, en ce qui concerne les prévenus, aux nécessités de l’information. Elle peut également être suspendue à la demande de la personne détenue.
« III. – L’affectation de la personne détenue sur un poste de travail prend fin lorsqu’il est mis fin au contrat d’emploi pénitentiaire en application du II de l’article 719-11. Elle est suspendue lorsque le contrat est suspendu en application de l’article 719-12.
« Sous-section 3
« Contrat d’emploi pénitentiaire
« Art. 719-8. – La personne détenue ne peut conclure un contrat d’emploi pénitentiaire sans avoir été préalablement classée au travail et affectée sur un poste de travail dans les conditions prévues à l’article 719-6.
« Art. 719-9. – Lorsque le donneur d’ordre est l’administration pénitentiaire, le contrat d’emploi pénitentiaire est conclu entre le chef d’établissement et la personne détenue.
« Lorsque le donneur d’ordre est un de ceux mentionnés au 2° de l’article 719-3, le contrat d’emploi pénitentiaire est conclu entre la personne détenue et le représentant légal du donneur d’ordre. Une convention signée par ces deux personnes et par le chef d’établissement pénitentiaire lui est annexée. Cette convention détermine les obligations respectives de l’établissement, du donneur d’ordre et de la personne détenue et prévoit notamment les modalités de remboursement par le donneur d’ordre des rémunérations et cotisations avancées par l’établissement.
« La durée du contrat d’emploi pénitentiaire est fixée en tenant compte de la durée de la mission ou du service confié à la personne détenue. Le contrat mentionne cette durée, qui peut être indéterminée.
« Le contrat d’emploi pénitentiaire énonce notamment les droits et obligations professionnels de la personne détenue, ainsi que ses conditions de travail et sa rémunération.
« Art. 719-10. – Le contrat d’emploi pénitentiaire prévoit une période d’essai dont la durée ne peut excéder :
« 1° Deux semaines, lorsque la durée du contrat est au plus égale à six mois ;
« 2° Un mois, lorsque la durée du contrat est supérieure à six mois ou indéterminée.
« Dans le cas prévu au 2°, la période d’essai peut être prolongée pour une durée maximale de deux mois lorsque la technicité du poste le justifie.
« Art. 719-11. – I. – Il est mis fin au contrat d’emploi pénitentiaire :
« 1° D’un commun accord entre la personne détenue et le donneur d’ordre ou à l’initiative de la personne détenue ;
« 2° Lorsque la détention prend fin ;
« 3° En cas de transfert définitif de la personne détenue dans un autre établissement ;
« 4° Lorsqu’il est mis fin au classement au travail ou à l’affectation sur un poste de travail dans les conditions prévues au I de l’article 719-7.
« Lorsqu’il est mis fin au contrat d’emploi pénitentiaire en application du 2° du présent I, y compris dans le cadre d’un aménagement de peine, et en cas de commun accord entre la personne détenue et le donneur d’ordre, la conclusion d’un contrat de travail entre ces deux parties doit être facilitée. À cet effet, le donneur d’ordre informe la personne détenue des possibilités d’emploi dans son service, son entreprise ou sa structure et examine la possibilité de conclure avec cette personne, à l’issue de sa détention, un contrat de travail lui permettant de continuer à exercer une activité pour ce même donneur d’ordre, selon les dispositions du code du travail.
« Lorsqu’il est mis fin au contrat d’emploi pénitentiaire en application du 3° du présent I, la personne transférée conserve le bénéfice du classement au travail préalablement obtenu. Toutes les dispositions sont prises pour l’affecter en priorité sur un poste de nature comparable, compte tenu des possibilités locales d’emploi.
« II. – Le donneur d’ordre mentionné à l’article 719-3 peut, après avoir mis la personne détenue en mesure de présenter ses observations, mettre fin au contrat d’emploi pénitentiaire en cas d’inaptitude ou d’insuffisance professionnelle ou, lorsque le donneur d’ordre est une structure d’insertion par l’activité économique ou une entreprise adaptée, en cas de non-respect de l’accompagnement socioprofessionnel proposé.
« Le donneur d’ordre peut également mettre fin au contrat d’emploi pénitentiaire en cas de force majeure, pour un motif économique ou, lorsque le donneur d’ordre est l’administration pénitentiaire, pour un motif tenant aux besoins du service.
« Art. 719-12. – I. – Le contrat d’emploi pénitentiaire est suspendu de plein droit lorsque le classement au travail de la personne détenue ou son affectation sur le poste de travail est suspendu en application des I ou II de l’article 719-7.
« II. – Le contrat d’emploi pénitentiaire peut être suspendu, dans le cadre du service général, par le chef d’établissement ou, dans le cadre d’une activité de production, par le donneur d’ordre mentionné au 2° de l’article 719-3 :
« 1° En cas d’incapacité temporaire de travail pour raison médicale ;
« 2° En cas de baisse temporaire de l’activité.
« Art. 719-13. – Tout litige lié au contrat d’emploi pénitentiaire et à la convention mentionnée au deuxième alinéa de l’article 719-9 relève de la compétence de la juridiction administrative.
« Sous-section 4
« Durée du travail, repos, jours fériés et rémunération
« Art. 719-14. – Le montant minimal de la rémunération et les règles relatives à la répartition des produits du travail des personnes détenues sont fixés par décret. Le produit du travail des personnes détenues ne peut faire l’objet d’aucun prélèvement pour frais d’entretien en établissement pénitentiaire. La rémunération du travail des personnes détenues ne peut être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur le salaire minimum de croissance défini à l’article L. 3231-2 du code du travail. Ce taux peut varier en fonction du régime sous lequel les personnes détenues sont employées.
« Art. 719-15. – Sont définis par décret en Conseil d’État :
« 1° Les durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail effectif de la personne détenue ainsi que les conditions dans lesquelles peut être mis en place un dispositif d’aménagement du temps de travail sur une durée supérieure à la semaine ;
« 2° La durée du travail effectif à temps complet ;
« 2° bis La durée minimale de travail en cas de recours au temps partiel ;
« 3° Le régime des heures supplémentaires et complémentaires ;
« 4° Le régime des temps de pause, du repos quotidien, du repos hebdomadaire et des jours fériés dont bénéficient les personnes détenues.
« Sous-section 5
« Dispositions diverses et dispositions d’application
« Art. 719-16. – Dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 5135-1 à L. 5135-8 du code du travail, une période de mise en situation en milieu professionnel peut être effectuée par la personne détenue au sein d’une structure d’accueil en milieu libre dans le cadre d’un placement à l’extérieur, d’une permission de sortir ou selon les modalités prévues pour le travail à l’extérieur.
« Art. 719-17. – Sous réserve de l’article 719-14, les modalités d’application de la présente section sont fixées par décret en Conseil d’État. »
II. – L’article 718 du code de procédure pénale est abrogé.
II bis. – Au premier alinéa des articles 868-3 et 868-4 du code de procédure pénale, la référence : « le dernier alinéa de l’article 713-3 » est remplacée par la référence : « l’article 719-14 ».
III. – Après l’article 868-4 du code de procédure pénale, il est inséré un article 868-5 ainsi rédigé :
« Art. 868-5. – Les références au code du travail figurant à la section 1 bis A du chapitre II du titre II du livre V sont remplacées, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna, par les références aux dispositions applicables localement ayant le même objet. »
IV. – (Supprimé)
V. – Au deuxième alinéa de l’article 937 du code de procédure pénale, la référence : « 718 » est remplacée par la référence : « 719-4 ».
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Article 14
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de dix mois à compter de la publication de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi aux fins :
1° D’ouvrir ou de faciliter l’ouverture des droits sociaux aux personnes détenues afin de favoriser leur réinsertion :
a) En prévoyant l’application d’une assiette minimale de cotisations pour l’acquisition de droits à l’assurance vieillesse pour les personnes travaillant sous le régime du contrat d’emploi pénitentiaire ;
b) En prévoyant l’affiliation des personnes travaillant sous le régime du contrat d’emploi pénitentiaire au régime de retraite complémentaire mentionné à l’article L. 921-2-1 du code de la sécurité sociale ;
c) En permettant aux personnes travaillant sous le régime du contrat d’emploi pénitentiaire de bénéficier, à l’issue de leur détention, de droits à l’assurance chômage au titre du travail effectué en détention :
– en adaptant le régime de l’assurance chômage aux spécificités de la situation de ces personnes ;
– en prévoyant les modalités de financement de l’allocation d’assurance chômage ;
– en adaptant la période de déchéance des droits à l’assurance chômage afin de prolonger les droits constitués au titre d’un travail effectué avant la détention ;
d) En permettant l’ouverture des droits aux prestations en espèces, en prenant en compte les périodes travaillées sous le régime du contrat d’emploi pénitentiaire ou le statut de stagiaire de la formation professionnelle et les périodes d’activité antérieures à la détention pour le respect des conditions d’ouverture de droits ainsi que pour l’application des règles de maintien des droits et de coordination entre régimes et de calcul des prestations, pour les prestations :
– de l’assurance maternité prévues aux articles L. 331-3 à L. 331-6 du code de la sécurité sociale, en déterminant les modalités de versement des indemnités journalières en cas de difficulté médicale liée à la grossesse ;
– de l’assurance invalidité et de l’assurance décès, notamment en adaptant la procédure d’attribution de la pension d’invalidité ;
– de l’assurance maladie, à l’issue de la détention ;
e) En permettant l’ouverture d’un droit au versement d’indemnités journalières pendant la détention au titre du régime d’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles, en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle survenus soit dans le cadre du contrat d’emploi pénitentiaire, soit dans le cadre d’une formation professionnelle, soit lors de périodes d’activité antérieures à la détention, en définissant les règles de coordination entre régimes et les règles de calcul des prestations ;
f) En prévoyant les modalités d’affiliation des détenus stagiaires de la formation professionnelle continue au régime d’assurance maladie, maternité, invalidité et décès ainsi que les modalités d’affiliation et les règles de calcul des prestations au titre du régime d’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles ;
2° De favoriser l’accès des femmes détenues aux activités en détention, en généralisant la mixité de ces activités, sous réserve du maintien du bon ordre et de la sécurité ;
3° De lutter contre les discriminations et le harcèlement au travail en milieu carcéral, en permettant :
a) De prévenir, poursuivre et condamner, à l’occasion du travail en détention, les différences de traitement qui ne seraient pas justifiées par des objectifs légitimes et ne répondraient pas à des exigences proportionnées ;
b) De prévenir, poursuivre et condamner des mesures et des comportements de harcèlement moral ou sexuel à l’occasion du travail en détention ;
4° De favoriser l’accès à la formation professionnelle à la sortie de détention et de valoriser les activités bénévoles auxquelles les personnes détenues participent en détention, en permettant :
a) D’ouvrir en détention un compte personnel d’activité prévu à l’article L. 5151-1 du code du travail pour les personnes détenues susceptibles de bénéficier de l’un des comptes qu’il comprend, à l’exception du compte professionnel de prévention prévu à l’article L. 4163-4 du même code ;
b) D’ouvrir et d’alimenter le compte personnel de formation prévu à l’article L. 6323-1 dudit code pour les personnes travaillant sous le régime du contrat d’emploi pénitentiaire, y compris en prévoyant un dispositif spécifique de financement et d’alimentation de ce compte et en permettant de mobiliser des droits acquis sur ce compte à la sortie de détention ;
c) D’organiser l’ouverture du compte d’engagement citoyen prévu à l’article L. 5151-7 du même code pour les personnes détenues et d’en fixer les modalités d’abondement ;
d) De créer une réserve civique thématique prévue à l’article 1er de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et la citoyenneté, selon les modalités prévues au même article 1er ;
5° De déterminer les personnes et services ayant pour mission de prévenir toute altération de la santé des détenus du fait de leur travail en détention ainsi que les règles relatives à l’intervention de ces personnes et services, y compris celles relatives à l’évaluation de l’aptitude des personnes détenues et au suivi de leur état de santé ;
6° De confier aux agents de contrôle de l’inspection du travail des prérogatives et des moyens d’intervention au sein des établissements pénitentiaires afin de veiller à l’application des dispositions régissant le travail en détention ;
7° De permettre l’implantation dans les locaux de l’administration pénitentiaire d’établissements et services d’aide par le travail en détention, selon des modalités adaptées aux spécificités de la détention ;
8° De prévoir des modalités de réservation de marchés ou de concessions relevant du code de la commande publique au bénéfice des opérateurs économiques employant des personnes sous le régime d’un contrat d’emploi pénitentiaire, au titre des activités qu’ils réalisent dans ce cadre ;
9° Le cas échéant, d’étendre et d’adapter aux collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution les mesures prises sur le fondement des 1° à 8° du présent I.
II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chacune des ordonnances prévues au I.
Article 14 bis
L’article 12 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq » ;
2° Après le même premier alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les personnes qui ont bénéficié de ce dispositif et souhaitent conclure un contrat d’apprentissage ou un contrat de professionnalisation dans le cadre d’une semi-liberté ou à l’issue de leur détention afin de terminer leur formation ne peuvent bénéficier de l’application :
« 1° Des deux premiers alinéas de l’article L. 6222-7-1 et de l’article L. 6325-11 du code du travail relatifs aux durées des contrats ;
« 2° Des quatrième et avant-dernier alinéas de l’article L. 6211-2 et du second alinéa de l’article L. 6325-13 du même code relatifs aux durées de formation ;
« 3° Des dispositions du premier alinéa de l’article L. 6222-1 et du 1° de l’article L. 6325-1 dudit code relatives à l’âge maximal de l’apprenti ou du bénéficiaire du contrat de professionnalisation. »
Article 15
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de dix mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi nécessaire pour :
1° Rassembler et organiser dans un code pénitentiaire les dispositions relatives au service public pénitentiaire, à son contrôle et à la prise en charge ainsi qu’aux droits et obligations des personnes qui lui sont confiées ;
2° Assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés, harmoniser l’état du droit, remédier aux éventuelles erreurs et abroger les dispositions, codifiées ou non, obsolètes ou devenues sans objet.
II. – Les dispositions mentionnées au I sont celles en vigueur à la date de publication de l’ordonnance ainsi que, le cas échéant, les dispositions publiées mais non encore entrées en vigueur à cette date.
III. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
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Article 16 bis
À la dernière phrase de l’article 22 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire, après le mot : « handicap », sont insérés les mots : « , de l’identité de genre ».
TITRE IV
SIMPLIFICATIONS PROCÉDURALES
Article 17
Le code de justice administrative est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa de l’article L. 213-5 est supprimé ;
2° Le chapitre III du titre Ier du livre II est complété par une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« Médiation préalable obligatoire
« Art. L. 213-11. – Les recours formés contre les décisions individuelles qui concernent la situation de personnes physiques et dont la liste est déterminée par décret en Conseil d’État sont, à peine d’irrecevabilité, précédés d’une tentative de médiation. Ce décret en Conseil d’État précise en outre le médiateur relevant de l’administration chargé d’assurer la médiation.
« Art. L. 213-12. – Lorsque la médiation constitue un préalable obligatoire au recours contentieux, son coût est supporté exclusivement par l’administration qui a pris la décision attaquée.
« Art. L. 213-13. – La saisine du médiateur compétent interrompt le délai de recours contentieux et suspend les délais de prescription, qui recommencent à courir à compter de la date à laquelle soit l’une des parties, soit les deux, soit le médiateur déclarent, de façon non équivoque et par tout moyen permettant d’en attester la connaissance par l’ensemble des parties, que la médiation est terminée.
« Art. L. 213-14. – Lorsque le Défenseur des droits est saisi dans son champ de compétences d’une réclamation relative à une décision concernée par la médiation préalable obligatoire, cette saisine entraîne les mêmes effets que la saisine du médiateur compétent au titre de l’article L. 213-11. »
Article 17 bis
Après l’article 25-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, il est inséré un article 25-2 ainsi rédigé :
« Art. 25-2. – Les centres de gestion assurent par convention, à la demande des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, une mission de médiation préalable obligatoire prévue à l’article L. 213-11 du code de justice administrative.
« Les centres de gestion peuvent également assurer, dans les domaines relevant de leur compétence, à la demande des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, une mission de médiation à l’initiative du juge ou à l’initiative des parties, telle que prévue aux articles L. 213-5 à L. 213-10 du même code, à l’exclusion des avis ou décisions des instances paritaires, médicales, de jurys ou de toute autre instance collégiale administrative obligatoirement saisie ayant vocation à adopter des avis ou des décisions.
« Des conventions peuvent être conclues entre les centres de gestion pour l’exercice de ces missions à un niveau régional ou interrégional, selon les modalités déterminées par le schéma régional ou interrégional de coordination, de mutualisation et de spécialisation mentionné à l’article 14 de la présente loi.
« Les dépenses afférentes à l’accomplissement des missions mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article sont financées dans les conditions fixées à l’avant-dernier alinéa de l’article 22. »
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TITRE V
RENFORCER LA CONFIANCE DU PUBLIC DANS L’ACTION DES PROFESSIONNELS DU DROIT
Chapitre Ier
Déontologie et discipline des professions du droit
Section 1
Déontologie et discipline des officiers ministériels
Article 19 A
La présente section est applicable aux avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, aux commissaires de justice, aux greffiers des tribunaux de commerce et aux notaires.
Article 19
Un code de déontologie propre à chaque profession est préparé par son instance nationale et édicté par décret en Conseil d’État. Ce code énonce les principes et devoirs professionnels permettant le bon exercice des fonctions et s’applique en toutes circonstances à ces professionnels dans leurs relations avec le public, les clients, les services publics, leurs confrères et les membres des autres professions.
Les instances nationales mentionnées au premier alinéa sont l’Ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, la Chambre nationale des commissaires de justice, le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce et le Conseil supérieur du notariat.
Toute contravention aux lois et règlements, tout fait contraire au code de déontologie commis par un professionnel, même se rapportant à des faits commis en dehors de l’exercice de sa profession, et toute infraction aux règles professionnelles constituent un manquement disciplinaire.
Article 19 bis
Des collèges de déontologie sont institués auprès des instances nationales de chacune des professions mentionnées à l’article 19 A. Ils participent à l’élaboration du code de déontologie de la profession et émettent des avis et des recommandations sur son application.
Ils sont composés de deux professionnels et de deux personnalités extérieures qualifiées, dont au moins un membre honoraire du Conseil d’État ou un magistrat honoraire de l’ordre administratif ou de l’ordre judiciaire. Ils sont présidés par le président de l’instance nationale ou par une personne qu’il désigne.
Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.
Article 20
I. – Le procureur général exerce une mission de surveillance de la déontologie et de la discipline des officiers publics et ministériels du ressort de la cour d’appel. Il peut saisir les services d’enquête de ces professions et demander toute explication à un professionnel ou aux instances représentatives de la profession. Il exerce l’action disciplinaire à l’encontre des commissaires de justice, des greffiers des tribunaux de commerce et des notaires du ressort de la cour d’appel, concurremment avec les autorités de chacune de ces professions habilitées à l’exercer.
II. – L’action disciplinaire à l’encontre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation est exercée, concurremment avec le président de l’Ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, par le vice-président du Conseil d’État quand les faits en cause ont trait aux fonctions exercées devant le Tribunal des conflits ou les juridictions de l’ordre administratif et, dans les autres cas, par le premier président de la Cour de cassation ou le procureur général près la Cour de cassation.
Article 21
En cas de manquement d’un professionnel à ses obligations, l’autorité habilitée de chaque profession peut, même d’office, avant l’engagement éventuel de poursuites disciplinaires :
1° Demander des explications à ce professionnel et, le cas échéant, le convoquer ;
2° Lui adresser, à l’issue d’une procédure contradictoire, un rappel à l’ordre ou une injonction de mettre fin au manquement. Elle peut assortir cette injonction d’une astreinte, qu’elle est compétente pour liquider et dont le montant maximal est fixé par décret en Conseil d’État. Le montant et la durée de l’astreinte sont fixés en considération de la gravité du manquement et des facultés contributives du professionnel mis en cause.
Aucun rappel à l’ordre ou injonction de mettre fin au manquement ne peut être adressé au-delà d’un délai de trois ans à compter du jour où l’autorité mentionnée au premier alinéa du présent article a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits susceptibles de justifier de telles mesures.
La décision liquidant l’astreinte a les effets d’un jugement au sens du 6° de l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution.
Les décisions mentionnées au 2° du présent article peuvent être contestées devant le président de la juridiction disciplinaire de premier ressort ou son suppléant.
Article 22
Conformément à l’article L. 112-3 du code des relations entre le public et l’administration, toute réclamation à l’encontre d’un professionnel adressée à l’autorité de la profession mentionnée à l’article 21 de la présente loi donne lieu à un accusé de réception. L’autorité en informe le professionnel mis en cause et l’invite à présenter ses observations.
Lorsque la nature de la réclamation le permet, et sous réserve des réclamations abusives ou manifestement mal fondées, l’autorité convoque les parties en vue d’une conciliation, à laquelle prend part un membre au moins de la profession concernée.
L’auteur de la réclamation et le professionnel mis en cause sont informés des suites réservées à la réclamation. En l’absence de conciliation, en cas d’échec de celle-ci ou en l’absence de poursuite disciplinaire, l’auteur de la réclamation est informé sans délai de la possibilité de saisir les autorités mentionnées à l’article 20 ou de saisir directement la juridiction disciplinaire.
Le président de la juridiction disciplinaire de première instance ou son suppléant peut rejeter les plaintes irrecevables, manifestement infondées ou qui ne sont pas assorties des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé.
Article 23
Il est institué, auprès de chaque juridiction disciplinaire de premier ressort mentionnée à l’article 24, un service chargé de réaliser les enquêtes sur les agissements susceptibles de constituer un manquement disciplinaire. Ce service peut être saisi par l’autorité de la profession habilitée à exercer l’action disciplinaire, par les autorités mentionnées à l’article 20 ou par la juridiction disciplinaire dans le cadre de ses pouvoirs d’instruction.
L’enquête est conduite en toute indépendance. Le professionnel est tenu de répondre aux convocations du service d’enquête et de lui fournir tous renseignements et documents utiles, sans pouvoir opposer le secret professionnel.
Les modalités de saisine de ces services, de désignation de leurs membres et de déroulement de la procédure sont précisées par décret en Conseil d’État.
Les membres des services d’enquête ne peuvent siéger au sein des juridictions mentionnées à l’article 24.
Article 24
I. – Des chambres de discipline, instituées respectivement auprès des conseils régionaux des notaires et des chambres régionales des commissaires de justice désignés par arrêté du ministre de la justice, connaissent en premier ressort des poursuites disciplinaires contre ces professionnels. Elles sont composées d’un magistrat du siège de la cour d’appel, en activité ou honoraire, président, et de deux membres de la profession concernée.
Deux cours nationales de discipline sont instituées, l’une auprès du Conseil supérieur du notariat, l’autre auprès de la Chambre nationale des commissaires de justice. Elles connaissent des appels formés contre les jugements des chambres de discipline de la profession concernée. Elles sont composées d’un magistrat du siège de la Cour de cassation, en activité ou honoraire, président, de deux magistrats du siège de la cour d’appel, en activité ou honoraires, et de deux membres de la profession concernée.
Les arrêts de ces cours nationales de discipline peuvent faire l’objet d’un pourvoi devant la Cour de cassation.
II. – Une cour nationale de discipline, instituée auprès du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, connaît des poursuites contre ces professionnels. Elle est composée d’un magistrat du siège de la Cour de cassation, en activité ou honoraire, président, et de quatre membres de la profession.
Les arrêts de cette cour peuvent faire l’objet d’un recours devant la Cour de cassation, qui statue en fait et en droit.
III. – Une cour nationale de discipline, instituée auprès de l’ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, connaît des poursuites disciplinaires contre ces professionnels. Elle est composée d’un membre du Conseil d’État, d’un magistrat du siège de la Cour de cassation, en activité ou honoraire, et de cinq membres de la profession.
La cour est présidée par le membre du Conseil d’État lorsque les faits en cause ont trait aux fonctions exercées devant le Tribunal des conflits ou devant les juridictions de l’ordre administratif. Dans les autres cas, elle est présidée par le magistrat du siège de la Cour de cassation.
Les arrêts de la cour peuvent faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’État lorsque les faits en cause ont trait aux fonctions exercées devant le Tribunal des conflits ou les juridictions de l’ordre administratif, ou devant la Cour de cassation dans les autres cas, qui statuent en fait et en droit.
IV. – Les membres des juridictions disciplinaires instituées par le présent article ainsi que leurs suppléants sont nommés par arrêté du ministre de la justice pour une durée de trois ans, renouvelable une fois. Les membres du Conseil d’État sont nommés sur proposition du vice-président du Conseil d’État. Les magistrats du siège de l’ordre judiciaire, en activité ou honoraires, sont nommés, selon le cas, sur proposition du premier président de la cour d’appel compétente ou du premier président de la Cour de cassation. Les membres de chaque profession sont nommés sur proposition de l’instance nationale de la profession pour les cours nationales de discipline et par les instances régionales de la profession pour les chambres de discipline.
La récusation d’un membre de la juridiction peut être demandée dans les conditions prévues à l’article L. 111-6 du code de l’organisation judiciaire.
Le membre de la juridiction disciplinaire qui suppose en sa personne une cause de récusation ou estime en sa conscience devoir s’abstenir est remplacé dans les conditions prévues à l’article L. 111-7 du même code.
V. – Les magistrats honoraires membres des juridictions disciplinaires ne peuvent siéger au-delà de la date de leur soixante et onzième anniversaire.
Article 25
I. – Outre les peines prononcées en application de l’article L. 561-36-3 du code monétaire et financier, les peines disciplinaires qui peuvent être prononcées contre un professionnel mentionné à l’article 19 A de la présente loi, personne physique ou morale, sont :
1° L’avertissement ;
2° Le blâme ;
3° L’interdiction d’exercer à titre temporaire pendant une durée maximale de dix ans ;
4° La destitution, qui emporte l’interdiction d’exercice à titre définitif ;
5° Le retrait de l’honorariat.
II. – La peine de l’interdiction temporaire peut être assortie, en tout ou partie, d’un sursis. Si, dans le délai de cinq ans à compter du prononcé de la peine, le professionnel a commis un manquement ayant entraîné le prononcé d’une nouvelle peine disciplinaire, celle-ci entraîne, sauf décision motivée, l’exécution de la première peine sans confusion avec la seconde.
III. – La juridiction disciplinaire peut prononcer, à titre principal ou complémentaire, une peine d’amende dont le montant ne peut excéder la plus élevée des deux sommes suivantes :
1° Dix mille euros ;
2° 5 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé par le professionnel au cours du dernier exercice clos, calculé sur une période de douze mois.
La peine d’amende peut être assortie, en tout ou partie, d’un sursis. Elle n’est pas applicable aux professionnels salariés.
Lorsqu’une amende prononcée en application du présent III est susceptible de se cumuler avec une amende pénale infligée à raison des mêmes faits au professionnel auteur du manquement, le montant cumulé des amendes prononcées ne peut dépasser le maximum légal le plus élevé.
IV. – Lorsque dix ans se sont écoulés depuis une décision définitive de destitution, le professionnel frappé de cette peine peut demander à la juridiction disciplinaire qui a statué sur l’affaire en première instance de le relever de l’incapacité résultant de cette décision.
Lorsque la demande mentionnée au premier alinéa du présent IV est rejetée par une décision devenue définitive, elle ne peut être à nouveau présentée que cinq ans après l’enregistrement de la première demande.
V. – La juridiction disciplinaire peut ordonner, à titre de sanction complémentaire, la publicité de toute peine disciplinaire.
Article 26
Lorsque l’urgence ou la protection d’intérêts publics ou privés l’exige, le président de la juridiction disciplinaire de première instance ou son suppléant peut, à la demande d’une des autorités habilitées à exercer l’action disciplinaire, suspendre provisoirement de ses fonctions le professionnel qui fait l’objet d’une enquête ou d’une poursuite disciplinaire ou pénale, après avoir recueilli ses observations au terme d’un débat contradictoire.
La suspension ne peut excéder une durée de six mois, renouvelable une fois ou, au-delà de cette limite, lorsque l’action publique a été engagée contre le professionnel mentionné à l’article 19 A à raison des faits qui fondent la suspension. Elle peut, à tout moment, être levée par le président de la juridiction disciplinaire si des éléments nouveaux le justifient. Elle cesse de plein droit à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la clôture de l’enquête. Elle cesse également de plein droit lorsque l’action disciplinaire ou l’action pénale s’éteint.
Le président ou son suppléant qui s’est prononcé sur la suspension d’un professionnel ne peut siéger au sein de la juridiction disciplinaire statuant sur sa situation.
La décision de suspension prise à l’égard d’un notaire ou d’un commissaire de justice peut faire l’objet d’un recours devant la cour nationale de discipline de la profession concernée. Lorsqu’elle est prise à l’égard d’un avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, la décision peut faire l’objet d’un recours, selon la nature des faits en cause, devant le Conseil d’État ou la Cour de cassation. Lorsqu’elle est prise à l’égard d’un greffier des tribunaux de commerce, elle peut faire l’objet d’un recours devant la Cour de cassation.
Article 27
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnances, dans un délai de huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute disposition relevant du domaine de la loi relative aux professions mentionnées à l’article 19 A de la présente loi afin de :
1° Réunir l’ensemble des dispositions destinées à régir la discipline des professions mentionnées au même article 19 A, dans le respect de la présente section ;
2° Tirer les conséquences de la présente section sur les règles statutaires applicables à chacune de ces professions et prévoir toute adaptation rendue nécessaire par leur organisation particulière ;
3° Désigner, aux échelons régional et national, les autorités mentionnées aux articles 21 à 23 et préciser leurs compétences respectives ;
4° Préciser les effets des peines disciplinaires sur l’activité des professionnels sanctionnés, sur les structures d’exercice et sur les offices ;
5° Prévoir les dispositions transitoires et les dispositions d’adaptation relatives à l’outre-mer rendues nécessaires par la présente section ;
6° Assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des dispositions et abroger les dispositions législatives contraires à la présente section ou devenues sans objet.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de chacune des ordonnances.
Section 2
Discipline des avocats
Article 28
La loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques est ainsi modifiée :
1° A Au second alinéa de l’article 18, la référence : « dernier alinéa » est remplacée par la référence : « IV » ;
1° L’article 21 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) La seconde phrase du deuxième alinéa est supprimée ;
c) Après le même deuxième alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« II. – Le bâtonnier instruit toute réclamation formulée à l’encontre d’un avocat. Il accuse réception de la réclamation, en informe l’avocat mis en cause et invite celui-ci à présenter ses observations.
« Lorsque la nature de la réclamation le permet, et sous réserve des réclamations abusives ou manifestement mal fondées, le bâtonnier peut organiser une conciliation entre les parties, à laquelle prend part un avocat au moins.
« L’auteur de la réclamation et l’avocat mis en cause sont informés des suites réservées à la réclamation. En l’absence de conciliation, en cas d’échec de celle-ci ou en l’absence de poursuite disciplinaire, l’auteur de la réclamation est informé sans délai de la possibilité de saisir le procureur général près la cour d’appel de sa réclamation ou de saisir directement la juridiction disciplinaire.
« III. – Le bâtonnier prévient ou concilie les différends d’ordre professionnel entre les membres du barreau. » ;
d) Au début du dernier alinéa, est ajoutée la mention : « IV. – » ;
2° L’article 22-1 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, le mot : « composé » est remplacé par les mots : « une juridiction composée » ;
b) Le troisième alinéa est complété par les mots : « parmi ses membres » ;
3° Après l’article 22-2, il est inséré un article 22-3 ainsi rédigé :
« Art. 22-3. – Par dérogation aux articles 22-1 et 22-2, le conseil de discipline est présidé par un magistrat du siège de la cour d’appel, en activité ou honoraire, désigné par le premier président, lorsque la poursuite disciplinaire fait suite à une réclamation présentée par un tiers ou lorsque l’avocat mis en cause en fait la demande. Le magistrat honoraire président du conseil de discipline ne peut siéger au-delà de la date de son soixante et onzième anniversaire.
« La récusation d’un membre de la juridiction peut être demandée dans les conditions prévues à l’article L. 111-6 du code de l’organisation judiciaire.
« Le membre de la juridiction disciplinaire qui suppose en sa personne une cause de récusation ou estime en sa conscience devoir s’abstenir est remplacé dans les conditions prévues à l’article L. 111-7 du même code. » ;
4° L’article 23 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– le mot : « ou » est remplacé par le mot : « par » ;
– sont ajoutés les mots : « ou par l’auteur de la réclamation » ;
a bis) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le président de l’instance disciplinaire peut rejeter les réclamations irrecevables, manifestement infondées ou qui ne sont pas assorties des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé. » ;
b) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« La décision de l’instance disciplinaire peut faire l’objet d’un appel devant la cour d’appel de la part de l’avocat poursuivi, du bâtonnier dont il relève ou du procureur général. La formation de jugement de la cour d’appel comprend trois magistrats du siège de cette cour, en activité ou honoraires, et deux membres des conseils de l’ordre du ressort de la cour d’appel. Elle est présidée par un magistrat du siège. Les magistrats honoraires membres des juridictions disciplinaires ne peuvent siéger au-delà de la date de leur soixante et onzième anniversaire. » ;
4° bis À la fin de la seconde phrase du premier alinéa de l’article 24, les mots : « quatre mois, renouvelable » sont remplacés par les mots : « six mois, renouvelable une fois ou, au-delà de cette limite, lorsque l’action publique a été engagée contre l’avocat à raison des faits qui fondent la suspension » ;
5° Au troisième alinéa de l’article 25, les mots : « un département ou un territoire d’outre-mer ou à Mayotte » sont remplacés par les mots : « une collectivité d’outre-mer » ;
6° L’article 53 est ainsi modifié :
a) Au début du 2°, les mots : « Les règles de déontologie » sont remplacés par les mots : « Le code de déontologie des avocats préparé par le Conseil national des barreaux » ;
b) Au 7°, la référence : « dernier alinéa » est remplacée par la référence : « IV ».
Section 3
Obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme
Article 28 bis
I. – Le I de l’article L. 561-36 du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Le 4° est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elles peuvent être assistées dans leur mission de contrôle par le Conseil supérieur du notariat, conformément à l’article 6 de la même ordonnance ; »
2° Le 5° est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elles peuvent être assistées dans leur mission de contrôle par la chambre nationale des commissaires de justice, conformément à l’article 16 de la même ordonnance ; »
3° (Supprimé)
II. – L’article 6 de l’ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le conseil supérieur peut assister les chambres des notaires dans leur mission de contrôle du respect, par les notaires, des obligations prévues aux chapitres Ier et II du titre VI du livre V du code monétaire et financier, des dispositions européennes directement applicables en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, y compris celles des règlements européens portant mesures restrictives pris en application des articles 75 ou 215 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ainsi que celles prises en application du même article 215 à d’autres fins. »
III. – Après le 14° de l’article 16 de l’ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice, il est inséré un 15° ainsi rédigé :
« 15° D’assister les chambres régionales dans leur mission de contrôle du respect, par les commissaires de justice, des obligations prévues aux chapitres Ier et II du titre VI du livre V du code monétaire et financier, des dispositions européennes directement applicables en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, y compris celles des règlements européens portant mesures restrictives pris en application des articles 75 ou 215 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ainsi que celles prises en application du même article 215 à d’autres fins. »
Chapitre II
Conditions d’intervention des professions du droit
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Article 29 bis
I. – Le chapitre Ier du titre II de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative est ainsi modifié :
1° À l’article 21-2, après le mot : « compétence », il est inséré le mot : « , indépendance » ;
2° Au début de l’article 21-5, sont ajoutés les mots : « Sans préjudice du 7° de l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution, » ;
3° La section 1 est complétée par des articles 21-6 et 21-7 ainsi rédigés :
« Art. 21-6. – Un Conseil national de la médiation est placé auprès du ministre de la justice. Il est chargé de :
« 1° Rendre des avis dans le domaine de la médiation définie à l’article 21 et proposer aux pouvoirs publics toutes mesures propres à l’améliorer ;
« 2° Proposer un recueil de déontologie applicable à la pratique de la médiation ;
« 3° Proposer des référentiels nationaux de formation des médiateurs et faire toute recommandation sur la formation ;
« 4° Émettre des propositions sur les conditions d’inscription des médiateurs sur la liste prévue à l’article 22-1 A.
« Pour l’exercice de ses missions, le Conseil national de la médiation recueille toutes informations quantitatives et qualitatives sur la médiation.
« Un décret en Conseil d’État fixe l’organisation, les moyens et les modalités de fonctionnement du Conseil national de la médiation.
« Art. 21-7. – Siègent au Conseil national de la médiation des personnalités qualifiées ainsi que des représentants des associations intervenant dans le champ de la médiation, des administrations, des juridictions et des professions du droit. Une majorité des membres ont une expérience pratique ou une formation à la médiation.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de sa composition. » ;
4° Le dernier alinéa de l’article 22-2 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le mot : « consigneront » est remplacé par le mot : « versent » ;
b) À la deuxième phrase, le mot : « consignation » est remplacé par le mot : « versement ».
II (nouveau). – Au début du premier alinéa de l’article 2066 du code civil, sont ajoutés les mots : « Sans préjudice du 7° de l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution, ».
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Article 31
I A. – Le début de la deuxième phrase du second alinéa de l’article 216 du code de procédure pénale est ainsi rédigé : « Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent et la chambre tient… (le reste sans changement). »
I. – Au début de la deuxième phrase de l’article 375, de la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 475-1 et de la seconde phrase de l’article 618-1 du code de procédure pénale, sont ajoutés les mots : « Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent et ».
I bis. – Au début de la deuxième phrase de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, sont ajoutés les mots : « Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent et ».
I ter. – Au début de la deuxième phrase de l’article L. 2333-87-8 du code général des collectivités territoriales, sont ajoutés les mots : « Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent et ».
II. – La loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique est ainsi modifiée :
1° L’article 37 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, partielle ou totale » sont remplacés par les mots : « pouvant être rétribué, totalement ou partiellement, au titre de l’aide juridictionnelle » ;
b) Au début de la deuxième phrase du même deuxième alinéa, sont ajoutés les mots : « Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent et » ;
2° L’article 75 est ainsi modifié :
a) Au début de la deuxième phrase du I, sont ajoutés les mots : « Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent et » ;
b) Il est ajouté un V ainsi rédigé :
« V. – L’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ne fait pas obstacle à la production en justice de tout élément nécessaire à la justification des sommes demandées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »
Article 31 bis
À la seconde phrase de l’article L. 422-11 du code de la propriété intellectuelle, après le mot : « avocat », sont insérés les mots : « , à l’exception pour ces dernières de celles portant la mention “officielle” ».
TITRE V bis
ACCÈS AU DROIT EN NOUVELLE-CALÉDONIE
Article 31 ter
La loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique est ainsi modifiée :
1° La sixième partie est ainsi modifiée :
a) À la fin de l’intitulé, les mots : « et à Mayotte » sont remplacés par les mots : « , à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie » ;
b) Il est ajouté un titre III ainsi rédigé :
« TITRE III
« DISPOSITIONS APPLICABLES EN NOUVELLE-CALÉDONIE
« Art. 69-17. – La deuxième partie de la présente loi, à l’exception de l’article 61, est applicable en Nouvelle-Calédonie, sous réserve des adaptations figurant au présent titre III.
« Art. 69-18. – Les dispositions de la deuxième partie de la présente loi mentionnant le représentant de l’État, les collectivités publiques et le tribunal de grande instance sont comprises comme désignant respectivement le haut-commissaire de la République, les collectivités territoriales et le tribunal de première instance.
« Art. 69-19. – Les conditions dans lesquelles s’exerce l’aide à la consultation en matière juridique mentionnée au 3° de l’article 53 sont déterminées par le conseil de l’accès au droit de Nouvelle-Calédonie, en conformité avec les règles de déontologie des personnes chargées de la consultation et dans le respect de la réglementation des professions judiciaires et juridiques concernées applicable localement.
« Art. 69-20. – Le rapport mentionné au dernier alinéa de l’article 54 est transmis au haut-commissaire et aux présidents des institutions de la Nouvelle-Calédonie et publié par tout moyen.
« Art. 69-21. – I. – Le conseil de l’accès au droit de la Nouvelle-Calédonie qui exerce les attributions dévolues au conseil départemental de l’accès au droit prévu à l’article 55 est constitué des représentants :
« 1° De l’État ;
« 2° Des associations de maires ;
« 3° De l’ordre des avocats au barreau de Nouméa ;
« 4° De la caisse des règlements pécuniaires de ce barreau ;
« 5° De la chambre des notaires de Nouvelle-Calédonie ;
« 6° De la chambre des huissiers de justice de Nouvelle-Calédonie ;
« 7° De deux associations œuvrant dans le domaine de l’accès au droit, de l’aide aux victimes ou de la médiation, désignées conjointement par le président du tribunal de première instance et les membres du conseil, sur la proposition du haut-commissaire.
« Les institutions de la Nouvelle-Calédonie peuvent être membres du conseil d’accès au droit sur décision de leur assemblée délibérante. En outre, toute autre personne morale de droit public ou privé peut également être membre.
« II. – Le conseil de l’accès au droit est présidé par le président du tribunal de première instance. Ce dernier a voix prépondérante en cas de partage égal des voix. Le procureur près le tribunal de première instance, membre de droit, est vice-président du conseil.
« Un magistrat de la cour d’appel de Nouméa, chargé de la politique associative, de l’accès au droit et de l’aide aux victimes, désigné conjointement par le premier président et le procureur général près ladite cour d’appel, exerce la fonction de commissaire du Gouvernement.
« III. – La convention constitutive détermine les modalités d’adhésion de nouveaux membres ainsi que la participation des membres au financement des activités.
« Art. 69-22. – Pour son application en Nouvelle-Calédonie, le 1° de l’article 57 est ainsi rédigé :
« “1° Avec des membres des professions juridiques ou judiciaires réglementées ou leurs organismes professionnels, en vue de définir les modalités de leur participation aux actions d’aide à l’accès au droit ;” »
2° Après l’avant-dernier alinéa de l’article 70, il est inséré un 6° ainsi rédigé :
« 6° En Nouvelle-Calédonie, notamment les règles de composition et de fonctionnement du conseil de l’accès au droit ; ».
TITRE VI
DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES
Article 32 A
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après la section 5 du chapitre II du titre X du livre IV, est insérée une section 5 bis ainsi rédigée :
« Section 5 bis
« De la transmission et de l’exécution des décisions de gel en application du règlement (UE) 2018/1805 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 concernant la reconnaissance mutuelle des décisions de gel et des décisions de confiscation
« Art. 695-9-30-1. – Pour l’application du règlement (UE) 2018/1805 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 concernant la reconnaissance mutuelle des décisions de gel et des décisions de confiscation, les autorités compétentes mentionnées aux 8 et 9 de l’article 2 du même règlement sont les suivantes :
« 1° Les autorités d’émission des décisions de gel sont le procureur de la République, les juridictions d’instruction, le juge des libertés et de la détention et les juridictions de jugement compétents en application du présent code ;
« 2° L’autorité d’exécution des décisions de gel prises par les juridictions d’un autre État membre de l’Union européenne est le juge d’instruction territorialement compétent, le cas échéant par l’intermédiaire du procureur de la République ou du procureur général. Le juge d’instruction territorialement compétent est celui du lieu où se situe l’un des biens gelés ou, à défaut, le juge d’instruction de Paris.
« Art. 695-9-30-2. – Il est procédé dans les conditions prévues aux articles 695-9-22 et 695-9-24 du présent code pour l’application de l’article 33 du règlement (UE) 2018/1805 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 concernant la reconnaissance mutuelle des décisions de gel et des décisions de confiscation. » ;
2° Après la section 1 du chapitre III du titre Ier du livre V, est insérée une section 1 bis ainsi rédigée :
« Section 1 bis
« De la transmission et de l’exécution des décisions de confiscation en application du règlement (UE) 2018/1805 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 concernant la reconnaissance mutuelle des décisions de gel et des décisions de confiscation
« Art. 713-35-1. – Pour l’application du règlement (UE) 2018/1805 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 concernant la reconnaissance mutuelle des décisions de gel et des décisions de confiscation, les autorités compétentes mentionnées aux 8 et 9 de l’article 2 du même règlement sont les suivantes :
« 1° L’autorité d’émission des décisions de confiscation prononcées par les juridictions françaises est le ministère public près la juridiction qui a ordonné la confiscation ;
« 2° L’autorité d’exécution des décisions de confiscation prononcées par les juridictions d’un autre État membre de l’Union européenne est le tribunal correctionnel territorialement compétent, saisi sur requête du procureur de la République. Le tribunal correctionnel territorialement compétent est celui du lieu où se situe l’un des biens confisqués ou, à défaut, le tribunal correctionnel de Paris.
« Art. 713-35-2. – Il est procédé dans les conditions prévues à l’article 713-29 du présent code pour l’application de l’article 33 du règlement (UE) 2018/1805 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 concernant la reconnaissance mutuelle des décisions de gel et des décisions de confiscation. »
II. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° L’article 131-21 est ainsi modifié :
a) La première phrase du troisième alinéa est complétée par les mots : « , et sous réserve du dernier alinéa » ;
b) À la deuxième phrase du neuvième alinéa, après le mot : « foi », sont insérés les mots : « et du même dernier alinéa » ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la peine de confiscation porte sur des biens sur lesquels un tiers autre que le condamné dispose d’un droit de propriété, elle ne peut être prononcée si ce tiers dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure n’a pas été mis en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation envisagée par la juridiction de jugement aux fins, notamment, de faire valoir le droit qu’il revendique et sa bonne foi. » ;
2° À l’article 225-25, après le mot : « foi », sont insérés les mots : « et du dernier alinéa de l’article 131-21 » ;
3° Le 4° de l’article 313-7 et le 8° de l’article 324-7 sont complétés par les mots : « et sous réserve du dernier alinéa de l’article 131-21 ».
Article 32 B
Le titre X du livre IV du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° À la fin de l’intitulé de la section 3 du chapitre II du titre X du livre IV, les mots : « unité Eurojust » sont remplacés par les mots : « Agence Eurojust » ;
3° L’article 695-4 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, les mots : « Conformément à la décision du Conseil du 28 février 2002 instituant Eurojust afin de renforcer la lutte contre les formes graves de criminalité, » sont supprimés ;
b) (nouveau) Aux deux premiers alinéas, le mot : « unité » est remplacé par le mot « Agence » ;
3° bis (nouveau) Aux premier et dernier alinéas de l’article 695-5 et au premier alinéa de l’article 695-5-1, le mot : « unité » est remplacé par le mot : « Agence » ;
4° L’article 695-6 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « unité » est remplacé par le mot : « Agence » et les mots : « dans les meilleurs délais » sont remplacés par les mots : « sans retard injustifié » ;
b) À la fin du second alinéa, les mots : « la sécurité de la Nation ou compromettre la sécurité d’une personne » sont remplacés par les mots : « des intérêts nationaux essentiels en matière de sécurité ou compromettre le succès d’une enquête en cours ou la sécurité d’une personne physique » ;
4° bis (nouveau) Au premier alinéa de l’article 695-7, le mot : « unité » est remplacé par le mot : « Agence » ;
5° Au premier alinéa de l’article 695-8, le mot : « unité » est remplacé par le mot : « Agence » et les mots : « quatre ans » sont remplacés par les mots : « cinq ans renouvelable une fois » ;
5° bis (nouveau) À l’article 695-8-1, le mot : « unité » est remplacé par le mot : « Agence » ;
6° Le 1° du I de l’article 695-8-2 est ainsi modifié :
a) Le b est ainsi rédigé :
« b) Abus sexuels ou exploitation sexuelle, y compris pédopornographie et sollicitation d’enfants à des fins sexuelles ; »
b) Au début du f, le mot : « Fraude » est remplacé par le mot : « Infractions » ;
c) Le g est ainsi rédigé :
« g) Faux-monnayage ou falsification de moyens de paiement ; »
6° bis (nouveau) Au III du même article 695-8-2, le mot : « unité » est remplacé par le mot : « Agence » ;
7° Le I de l’article 695-8-5 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « , à la demande ou » sont supprimés ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
– la première phrase est supprimée ;
– au début de la seconde phrase, les mots : « La demande ou » sont supprimés ;
c) Le dernier alinéa est supprimé ;
7° bis (nouveau) Au 2° du II du même article 695-8-5, le mot : « unité » est remplacé par le mot : « Agence » ;
8° L’article 695-9 est ainsi modifié :
a) Au début de la première phrase, les mots : « Avec l’accord de l’autorité judiciaire compétente, » sont supprimés ;
b) La seconde phrase est supprimée ;
8° bis (nouveau) Au premier alinéa de l’article 695-42, le mot : « unité » est remplacé par le mot : « Agence » ;
9° À l’article 695-9-46, les mots : « aux unités Eurojust et » sont remplacés par les mots : « à l’Agence Eurojust et à l’unité » ;
10° L’article 695-22 est ainsi modifié :
a) Au 2°, les mots : « ou par celles d’un État tiers » sont supprimés ;
b) (nouveau) Le 4° est supprimé ;
10° bis (nouveau) Au premier alinéa de l’article 695-22-1, les mots : « est également » sont remplacés par les mots : « peut être » ;
10° ter (nouveau) Au premier alinéa de l’article 695-23, les mots : « est également » sont remplacés par les mots : « peut également être » ;
11° L’article 695-24 est ainsi modifié :
a) (nouveau) Au 2°, les mots : « ou réside régulièrement de façon ininterrompue depuis au moins cinq ans sur le territoire national » sont remplacés par les mots : « , a établi sa résidence sur le territoire national ou demeure sur ce territoire » ;
b) Il est complété par des 5° et 6° ainsi rédigés :
« 5° Si la personne recherchée a fait l’objet, par les autorités judiciaires d’un État tiers, d’une décision définitive pour les mêmes faits que ceux faisant l’objet du mandat d’arrêt européen à condition, en cas de condamnation, que la peine ait été exécutée ou soit en cours d’exécution ou ne puisse plus être ramenée à exécution selon les lois de l’État de condamnation ;
« 6° Si les faits pour lesquels le mandat d’arrêt européen a été émis pouvaient être poursuivis et jugés par les juridictions françaises et que la prescription de l’action publique ou de la peine se trouve acquise. » ;
12° Au dernier alinéa de l’article 695-46, la référence : « 694-32 » est remplacée par la référence : « 695-23 » ;
12° bis L’article 696-111 est ainsi rédigé :
« Art. 696-111. – Les signalements prévus aux 1 à 3 et au 5 de l’article 24 du règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen sont directement adressés au procureur européen délégué par les autorités nationales compétentes mentionnées à l’article 19, au second alinéa de l’article 40 et à l’article 80 du présent code, qui en informent alors simultanément le procureur de la République spécialisé compétent. Ces signalements peuvent aussi être adressés au procureur européen délégué par le procureur de la République spécialisé compétent, lorsque celui-ci a été informé par les autorités nationales compétentes mentionnées au présent article. » ;
13° À la première phrase du premier alinéa de l’article 696-22, après le mot : « intéressé », sont insérés les mots : « , y compris en faisant application de l’article 74-2, » ;
14° À la fin de l’intitulé de la section 3 du chapitre V, les mots : « entre les États membres de l’Union européenne » sont supprimés ;
15° L’article 696-25 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La présente section est également applicable aux demandes d’arrestation provisoire aux fins d’extradition adressées à la France par un État partie au troisième protocole additionnel du 10 novembre 2010 à la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957. » ;
16° L’article 696-35 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la personne réclamée déclare consentir à l’extension de son extradition, la procédure prévue à la section 3 du présent chapitre est applicable. »
II. – (Supprimé)
Article 32
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai d’un an à compter de la publication de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires :
1° et 2° (Supprimés)
3° Pour transposer la directive (UE) 2019/884 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 modifiant la décision-cadre 2009/315/JAI du Conseil en ce qui concerne les échanges d’informations relatives aux ressortissants de pays tiers ainsi que le système européen d’information sur les casiers judiciaires (ECRIS), et remplaçant la décision 2009/316/JAI du Conseil, et pour prendre les mesures d’adaptation nécessaires à l’application du règlement (UE) 2019/816 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 portant création d’un système centralisé permettant d’identifier les États membres détenant des informations relatives aux condamnations concernant des ressortissants de pays tiers et des apatrides (ECRIS-TCN), qui vise à compléter le système européen d’information sur les casiers judiciaires, et modifiant le règlement (UE) 2018/1726, tout en permettant l’enregistrement dans le casier judiciaire national automatisé des empreintes digitales des personnes condamnées.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance prévue au présent article.
Article 32 bis
Après l’article L. 111-12 du code de l’organisation judiciaire, il est inséré un article L. 111-12-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 111-12-1. – Sans préjudice du code de la santé publique et du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et par dérogation à l’article L. 111-12 du présent code, le président de la formation de jugement peut, devant les juridictions statuant en matière non pénale, pour un motif légitime, autoriser une partie, un témoin, un expert ou toute autre personne convoquée et qui en a fait expressément la demande, à être entendu par un moyen de communication audiovisuelle au cours de l’audience ou de l’audition.
« Les modalités d’application du présent article, notamment les conditions de sécurité et de confidentialité des échanges, sont fixées par décret en Conseil d’État. »
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Article 34
La sous-section 2 de la section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre II du code de l’organisation judiciaire est complétée par un article L. 211-21 ainsi rédigé :
« Art. L. 211-21. – Le tribunal judiciaire de Paris connaît des actions relatives au devoir de vigilance fondées sur les articles L. 225-102-4 et L. 225-102-5 du code de commerce. »
Article 35
I A. – Les articles L. 211-17 et L. 211-18 du code de l’organisation judiciaire sont abrogés.
I. – Le IX de l’article 109 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice est abrogé.
II. – Aux articles L. 531-1, L. 541-1, L. 551-1 et L. 561-1 du code de l’organisation judiciaire, les références : « L. 211-17, L. 211-18, » sont supprimées.
Article 35 bis
I. – Au I de l’article L. 151 A du livre des procédures fiscales, après le mot : « exécutoire », sont insérés les mots : « ou d’une décision de justice autorisant une saisie conservatoire sur comptes bancaires, ».
II. – À l’article L. 152-1 du code des procédures civiles d’exécution, après le mot : « exécution », sont insérés les mots : « y compris d’une décision de justice autorisant une saisie conservatoire sur comptes bancaires, ».
Article 36
I. – (Supprimé)
II. – Les articles 75-3 et 77-2 du code de procédure pénale, dans leur rédaction résultant de l’article 2 de la présente loi, ne sont applicables qu’aux enquêtes commencées à compter de la publication de celle-ci.
III. – L’article 3 entre en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de la présente loi.
IV. – Le I de l’article 6 entre en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de la présente loi, à l’exception des 1° AAA, 1° B et 1° ter A qui entrent en vigueur le 31 décembre 2021.
L’article 276-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de l’article 6 de la présente loi, est applicable aux procédures dans lesquelles la décision de renvoi de l’accusé a été rendue après le premier jour du troisième mois suivant la publication de la présente loi. Lorsque la décision a été rendue avant cette date, le président de la cour d’assises ou de la cour criminelle départementale peut cependant organiser une réunion préparatoire dans les conditions prévues à l’article 276-1 du code de procédure pénale.
V. – L’article 7 entre en vigueur le 1er janvier 2023. Dans les départements où est en cours l’expérimentation prévue aux II et III de l’article 63 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le terme de cette expérimentation est reporté à cette même date.
Les personnes déjà mises en accusation devant la cour d’assises avant le 1er janvier 2023 peuvent être renvoyées devant la cour criminelle départementale, avec leur accord recueilli en présence de leur avocat, sur décision du premier président de la cour d’appel.
À compter du premier jour du premier mois suivant la publication de la présente loi, dans les départements où est en cours l’expérimentation, les personnes sont mises en accusation conformément aux dispositions du code de procédure pénale résultant de l’article 7 de la présente loi. Les personnes ayant fait l’objet d’une ordonnance de mise en accusation devant la cour d’assises intervenue à compter du 13 mai 2021 sont, sur décision du premier président de la cour d’appel, renvoyées devant la cour criminelle départementale lorsque les faits relèvent de la compétence de cette juridiction.
Lorsque la personne est renvoyée devant la cour criminelle départementale sur décision du premier président de la cour d’appel conformément aux dispositions des deux alinéas précédents, les délais d’audiencement devant cette juridiction sont ceux prévus au second alinéa de l’article 181-1 du code de procédure pénale à compter de cette décision, sans pouvoir dépasser les délais prévus à l’article 181 du même code.
Dans les départements autres que ceux dans lesquels l’expérimentation est intervenue, une deuxième prolongation de six mois peut être ordonnée en application de l’article 181-1 de ce code pour toutes les personnes renvoyées devant la cour criminelle départementale avant le 1er mars 2023.
VI. – L’article 8 entre en vigueur le lendemain de la publication de la loi organique n° … du … pour la confiance dans l’institution judiciaire.
VII. – Les articles 717-1, 721, 721-1, 721-2 et 729-1 du code de procédure pénale dans leur rédaction résultant de l’article 9 de la présente loi sont applicables aux personnes placées sous écrou à compter du 1er janvier 2023, quelle que soit la date de commission de l’infraction. Les personnes placées sous écrou avant cette date demeurent soumises au régime défini aux articles 717-1, 721, 721-1, 721-1-1, 721-2 et 729-1 du code de procédure pénale dans leur rédaction antérieure à la présente loi.
VII bis. – L’article 720 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de l’article 9 de la présente loi, est applicable à l’ensemble des personnes condamnées exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté à compter du 1er janvier 2023, quelle que soit la date de commission de l’infraction.
VII ter. – Le 1° bis A de l’article 10 entre en vigueur le 1er janvier 2023.
De la publication de la présente loi au 1er janvier 2023, le 1° de l’article 41-1 du code de procédure pénale n’est pas applicable en cas de délits commis contre une personne dépositaire de l’autorité publique ou investie d’un mandat électif public.
À compter du 1er juin 2022 et jusqu’au 1er janvier 2023, le même 1° n’est pas applicable en cas de délits de violences.
VII quater (nouveau). – Les 1° A, 1°bis B, 1° bis C, 2°, 2° ter et 3° des I et I bis de l’article 10 et le II de l’article 32 A entrent en vigueur le 31 décembre 2021.
VIII. – Le II de l’article 10 et le I de l’article 37 entrent en vigueur le 30 septembre 2021.
IX. – Les articles 11 à 13 entrent en vigueur le 1er mai 2022.
IX bis. – Les actes d’engagement signés avant le 1er mai 2022 demeurent en vigueur, au plus tard jusqu’au 31 décembre 2022, dans les conditions fixées à l’article 33 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire. Durant cette période, toute personne détenue ayant précédemment signé un acte d’engagement se voit proposer la signature d’un contrat d’emploi pénitentiaire, conformément aux articles 719-8 à 719-13 du code de procédure pénale, dans leur rédaction résultant de l’article 12 de la présente loi.
En cas de changement des conditions de travail prévues dans son acte d’engagement, la personne détenue se voit proposer la conclusion d’un contrat d’emploi pénitentiaire au sens de la présente loi. Le refus de signer le contrat d’emploi pénitentiaire met fin à la relation de travail au plus tard le 31 décembre 2022.
Les personnes détenues classées au travail avant la publication de la présente loi qui n’ont pas signé d’acte d’engagement dans les conditions prévues à l’article 33 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 précitée sont intégrées dans la liste d’attente d’affectation mentionnée à l’article 719-6 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de l’article 12 de la présente loi.
X. – L’article 16 entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er juin 2022.
XI. – Le chapitre Ier du titre V entre en vigueur le 1er juillet 2022.
Article 37
I. – Aux articles L. 721-1, L. 722-1 et L. 723-1 du code de la justice pénale des mineurs, la référence : « n° 2021-218 du 26 février 2021 ratifiant l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs » est remplacée par la référence : « n° … du … pour la confiance dans l’institution judiciaire ».
II. – Le code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :
1° À l’article L. 531-1, après la référence : « L. 211-20 », est insérée la référence : « , L. 211-21 » ;
2° À la fin des articles L. 531-1, L. 551-1 et L. 561-1, la référence : « n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée » est remplacée par la référence : « n° … du … pour la confiance dans l’institution judiciaire ».
III. – L’article 711-1 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 711-1. – Sous réserve des adaptations prévues au présent titre, les livres Ier à V du présent code sont applicables, dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … pour la confiance dans l’institution judiciaire, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. »
IV. – Le premier alinéa de l’article 804 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Le présent code est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … pour la confiance dans l’institution judiciaire, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des adaptations prévues au présent titre et aux seules exceptions : ».
V. – L’article 69 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi rédigé :
« Art. 69. – La présente loi est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … pour la confiance dans l’institution judiciaire, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
« Pour leur application en Nouvelle-Calédonie, les références au code civil sont remplacées par les références aux dispositions applicables localement ayant le même objet. »
VI. – Après le 4° de l’article L. 641-1 du code des procédures civiles d’exécution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’article L. 111-3 est applicable dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … pour la confiance dans l’institution judiciaire. »
VII. – Au deuxième alinéa des III, IV et V de l’article 81 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, la référence : « n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle » est remplacée par la référence : « n° … du … pour la confiance dans l’institution judiciaire ».
VIII. – À l’article 69-2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, la référence : « n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales » est remplacée par la référence : « n° … du … pour la confiance dans l’institution judiciaire ».
IX. – L’article 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 précitée est complété par un VI ainsi rédigé :
« VI. – Le présent article est applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et dans les Terres australes et antarctiques françaises. Il est également applicable, en Nouvelle-Calédonie, en tant qu’il concerne la procédure pénale et la procédure administrative. »
X (nouveau). – Le livre VII du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa des articles L. 745-13, L. 755-13 et L. 765-13, les mots : « Les articles L. 561-2 et L. 561-36 sont applicables dans leur » sont remplacés par les mots : « L’article L. 561-2 est applicable dans sa » ;
2° Après le deuxième alinéa des articles L. 745-13, L. 755-13 et L. 765-13, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’article L. 561-36 est applicable dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … pour la confiance dans l’institution judiciaire. »
Article 38
À la deuxième phrase de l’article L. 123-4 du code de l’organisation judiciaire, les mots : « deux années » sont remplacés par les mots : « une année ».
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, je sollicite une suspension de séance pour permettre à la commission des lois de se réunir et d’examiner les six amendements déposés par le Gouvernement, en particulier celui qu’a précisément évoqué M. le garde des sceaux.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à douze heures vingt-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous passons à la présentation des amendements du Gouvernement.
article 1er
M. le président. Sur l’article 1er, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur cet article ?…
Le vote est réservé.
article 2
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 7, deuxième phrase
Remplacer les mots :
de demande d’entraide judiciaire
par les mots :
d’entraide judiciaire internationale
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. L’amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 15 à 17
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. 56-1-2. – Dans les cas prévus aux articles 56-1 et 56-1-1, sans préjudice des prérogatives du bâtonnier ou de son délégué prévues à l’article 56-1 et des droits de la personne perquisitionnée prévus à l’article 56-1-1, le secret professionnel du conseil n’est pas opposable aux mesures d’enquête ou d’instruction lorsque celles-ci sont relatives aux infractions mentionnées aux articles 1741 et 1743 du code général des impôts et aux articles 421-2-2, 433-1, 433-2 et 435-1 à 435-10 du code pénal ainsi qu’au blanchiment de ces délits sous réserve que les consultations, correspondances ou pièces, détenues ou transmises par l’avocat ou son client, établissent la preuve de leur utilisation aux fins de commettre ou de faciliter la commission desdites infractions. » ;
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. J’insiste sur la longue concertation qui a eu lieu entre le ministère de la justice, le barreau, dans sa représentativité plurielle, et les parlementaires. Je réaffirme ici l’engagement total qui est le nôtre d’améliorer le secret professionnel des avocats, qu’il s’agisse du secret de la défense ou du secret du conseil.
Nous avons désormais un juge de la liberté et de la détention (JLD) qui aura à statuer sur la possibilité ou non de perquisitionner. Autrefois, cela relevait seulement du procureur ou du juge d’instruction. Le barreau réclamait de longue date un contrôle du JLD, qui n’est pas au cœur des investigations. Nous l’avons fait.
Le barreau demandait également une possibilité de recours contre la décision du JLD en matière de saisies. Nous l’avons aussi fait. Le recours devant le président de la chambre de l’instruction sera désormais possible.
Par ailleurs, nous avons également étendu les garanties de l’avocat mis en cause, avec les motivations spécifiques. Aux termes du texte, il conviendra désormais qu’il y ait des raisons plausibles de suspecter une implication. Cela a un sens dans notre procédure pénale.
Le fait que la relation entre l’avocat et le client soit couverte par le secret avant même l’ouverture d’une procédure pénale est, là encore, une avancée significative. Cela répond à une jurisprudence de 2014 que les avocats avaient âprement contestée. Moi-même – j’étais à l’époque avocat –, j’avais pris avec certains de mes confrères l’initiative d’une pétition qui a recueilli en France et à l’étranger plus de 10 000 signatures. C’est dire combien l’émotion était grande au sein du barreau.
Une autre avancée concerne la perquisition chez le client. La saisie de documents chez le client sera désormais soumise aux mêmes règles que la saisie des documents chez l’avocat, avec les mêmes possibilités de recours. Cela concerne donc le JLD, ainsi que le président de la chambre de l’instruction.
Enfin, les fadettes seront assimilées aux écoutes.
De telles avancées sont considérables. Les représentants du barreau les ont d’ailleurs soulignées, et ce dès la présentation du texte en conseil des ministres.
Ainsi que je l’ai expliqué précédemment, les députés ont souhaité que nous traitions – ce n’était pas prévu dans le texte initial – du secret du conseil. À cet égard, le Sénat a procédé à un certain nombre de rappels opportuns.
Le secret du conseil est désormais consacré dans le code de procédure pénale. Jusqu’à présent, il ne l’était dans aucun texte. C’est donc une avancée incontestable et considérable. Mais le secret du conseil – certains l’ont oublié – ne bénéficie pas de la même protection constitutionnelle et conventionnelle que le secret de la défense. Le Sénat a proposé trois exceptions pour des infractions limitativement énumérées : terrorisme, fraude fiscale, corruption et blanchiment. D’une part, aucun Français ne comprendrait qu’il en aille autrement. D’autre part, la délimitation du nombre d’infractions limite l’atteinte possible au secret du conseil.
Le 16 de ce mois, dans une décision Sargava contre Estonie, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rappelé l’importance des garanties procédurales pour protéger la confidentialité des échanges entre l’avocat et son client. Elle a également réaffirmé que la Convention européenne des droits de l’homme n’interdisait pas d’imposer aux avocats certaines obligations susceptibles de concerner leurs relations avec leurs clients, notamment dans le cadre de la lutte contre certaines pratiques. C’est presque un clin d’œil du hasard si une telle décision a été rendue le 16 novembre. Néanmoins, nous n’en avions pas besoin – même si, bien entendu, une décision de la CEDH n’est jamais superfétatoire – pour rappeler ce qu’est conventionnellement et constitutionnellement le secret du conseil.
Procédons à un petit comparatif : avant ce texte, il était possible de perquisitionner sans limitation quant aux infractions ; avec le texte, les infractions sont définies et le secret du conseil est – enfin ! – consacré dans l’article préliminaire du code de procédure pénale.
L’amendement n° 2 a un double objet.
Il tend à préciser que le bâtonnier sera évidemment toujours présent lors des perquisitions. Certains ont pu en douter, mais il suffisait de bien lire le texte pour s’assurer que ni le Sénat, ni le ministre de la justice, ni les députés n’avaient eu l’intention d’enlever le bâtonnier d’une perquisition. Mais nous apportons tout de même cette précision et, comme nous sommes des gens extrêmement délicats, nous dirons qu’elle n’est pas superfétatoire. Les bâtonniers se sont émus ; j’ai entendu cette émotion. Nous allons régler le problème une fois pour toutes.
Par ailleurs, l’autre alinéa visé par l’amendement était sans doute trop large et imprécis. Il convenait donc de le supprimer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai été particulièrement à l’écoute, et j’ai toujours cherché la concertation. J’ai écrit la semaine dernière à l’ensemble des bâtonniers. Je dois à la vérité de dire que, parmi les nombreuses réponses que j’ai reçues, beaucoup d’avocats m’ont fait part de leur satisfaction à l’égard du texte.
Je prends acte de la position que le Conseil national des barreaux a exprimée. Pour autant, en conscience et en pleine responsabilité, je veux consacrer avec vous les avancées majeures que je viens de vous rappeler et que vous connaissez par cœur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
Je ne souhaite pas rouvrir le débat sur le secret professionnel de l’avocat. Nous nous sommes largement exprimés dans l’hémicycle. M. le garde des sceaux vient de vous donner sa lecture, que nous faisons objectivement nôtre, évidemment dans le respect complet de l’indépendance du rôle des uns et des autres.
J’aimerais en revanche m’exprimer sur la procédure parlementaire. Compte tenu des dispositions de notre règlement, seul le Gouvernement peut déposer des amendements après une commission mixte paritaire conclusive. Cette possibilité existe ; le Gouvernement l’exerce.
Faisons-nous en l’espèce une entorse aux usages parlementaires en acceptant une telle modification de l’article 3 ?
D’abord, même si on ne peut pas faire le bonheur des gens contre leur gré, il faut tout de même toujours choisir la solution la plus positive et la plus raisonnable. À partir du moment où nous avions une solution qui paraissait répondre à toutes les préoccupations, en constituant une avancée tout en évitant les éventuelles difficultés d’interprétation, il fallait saisir l’occasion.
À mon sens, il y aurait bien eu une difficulté en termes de procédure parlementaire si le Gouvernement avait présenté un amendement de suppression de l’article 3, car il se serait alors agi d’une modification substantielle. Mais cette option n’a pas été retenue.
Nous avons donc le sentiment de faire une bonne loi sans que cela soulève de difficultés au regard des usages parlementaires. D’ailleurs, mes chers collègues, vous pourrez mettre en avant le fait que le Parlement n’a pas accepté une modification qui eût été substantielle.
M. le président. Sur l’article 5, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur cet article ?…
Le vote est réservé.
article 6
M. le président. L’amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 33
Remplacer les mots :
lorsque la culpabilité de la personne à la suite d’aveux obtenus par l’usage de la torture
par les mots :
après des aveux recueillis à la suite de violences exercées par les enquêteurs
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Cet amendement découle d’une initiative du député François Jolivet, inspiré par l’affaire Mis et Thiennot.
Le dispositif a recueilli l’assentiment de tous les parlementaires. Il a été reconnu que MM. Mis et Thiennot avaient fait l’objet de violences. Or le mot « torture » qui figure dans le texte est restrictif. Dans le code pénal, la torture et des violences, ce n’est pas la même chose.
L’amendement a donc pour objet de faciliter une révision. Je veux saluer Mme Nadine Bellurot, sénatrice de l’Indre, dont je connais l’attachement à ce dossier.
J’insiste, le maintien du terme « torture » multiplierait les problèmes. L’introduction du terme « violences » permet, me semble-t-il, de simplifier les choses. Tel est le sens de cet amendement de précision rédactionnelle.
J’indique que les amendements suivants sont également rédactionnels.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Avis favorable sur l’ensemble des amendements.
M. le président. Sur les articles 6 bis à 9 bis A, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
article 10
M. le président. L’amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3, première phrase
Après le mot :
taire
insérer les mots :
sur les faits qui lui sont reprochés
II. – Alinéa 10
Compléter cet alinéa par les mots :
sur les faits qui lui sont reprochés
III. – Alinéa 11
Après le mot :
taire
insérer les mots :
sur les faits qui lui sont reprochés
IV. – Alinéa 15
Compléter cet alinéa par les mots :
sur les faits qui lui sont reprochés
V. – Alinéa 17
Compléter cet alinéa par les mots :
sur les faits qui lui sont reprochés
L’amendement n° 5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 8, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
; ce délai est fixé à un an en matière contraventionnelle
Je rappelle que le Gouvernement a déjà présenté ces amendements et que la commission a émis un avis favorable sur chacun d’entre eux.
Le vote est réservé.
articles 10 bis à 32 a
M. le président. Sur les articles 10 bis à 32 A, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
article 32 b
M. le président. L’amendement n° 6, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 51
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
I bis. – À l’article 344-1 du code des douanes, la seconde occurrence des mots : « Parquet européen » est remplacée par les mots : « procureur européen délégué, soit directement, soit ».
Je rappelle que le Gouvernement a déjà présenté cet amendement et que la commission y est favorable.
Le vote est réservé.
articles 32 à 38
M. le président. Sur les articles 32 à 38, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique.
projet de loi organique pour la confiance dans l’institution judiciaire
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AUX MAGISTRATS EXERÇANT À TITRE TEMPORAIRE ET AUX MAGISTRATS HONORAIRES EXERÇANT DES FONCTIONS JURIDICTIONNELLES
Article 1er
L’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est ainsi modifiée :
1° La seconde phrase de l’article 41-10 A est complétée par les mots : « ni composer majoritairement la cour d’assises ou la cour criminelle départementale » ;
2° Après le deuxième alinéa de l’article 41-10, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elles peuvent enfin exercer les fonctions d’assesseur dans les cours d’assises et les cours criminelles départementales. » ;
2° bis A L’article 41-11 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque ces fonctions sont également exercées par un magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, les troisième à cinquième alinéas sont applicables à l’ensemble des magistrats mentionnés à la présente section. » ;
2° bis B Le cinquième alinéa de l’article 41-12 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature peut, à titre exceptionnel et au vu de l’expérience professionnelle du candidat, le dispenser également de cette formation ou le dispenser uniquement du stage en juridiction. » ;
2° bis Au début du deuxième alinéa de l’article 41-14, sont ajoutés les mots : « Sans préjudice de l’application du deuxième alinéa du même article 8, » ;
2° ter L’article 41-25 est ainsi rédigé :
« Art. 41-25. – Des magistrats honoraires peuvent être nommés pour exercer les fonctions de juge des contentieux de la protection, d’assesseur dans les formations collégiales des tribunaux judiciaires et des cours d’appel, de juge du tribunal de police ou de juge chargé de valider les compositions pénales, de substitut près les tribunaux judiciaires ou de substitut général près les cours d’appel. Ils peuvent également être nommés pour exercer une part limitée des compétences matérielles pouvant être dévolues par voie réglementaire aux chambres de proximité. Ils peuvent également être désignés par le premier président de la cour d’appel pour présider la formation collégiale statuant en matière de contentieux social des tribunaux judiciaires et des cours d’appel spécialement désignées pour connaître de ce contentieux. Ils peuvent enfin exercer les fonctions d’assesseur dans les cours d’assises et les cours criminelles départementales. » ;
3° (Supprimé)
4° Le second alinéa de l’article 41-26 est supprimé ;
5° Le même article 41-26 est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« En qualité de juge du tribunal de police, ils ne peuvent connaître que d’une part limitée du contentieux relatif aux contraventions.
« Lorsqu’ils sont chargés de valider les compositions pénales, ils ne peuvent assurer plus du tiers de ce service.
« Lorsqu’ils exercent les fonctions de juge des contentieux de la protection ou de juge chargé de connaître des compétences matérielles pouvant être dévolues par voie réglementaire aux chambres de proximité, ils ne peuvent exercer plus du tiers du service du tribunal ou de la chambre de proximité dans lesquels ils sont affectés.
« Lorsque ces fonctions sont également exercées par un magistrat exerçant à titre temporaire, les deuxième à quatrième alinéas du présent article sont applicables à l’ensemble des magistrats mentionnés à la présente section. »
Article 2
Le I de l’article 12 de la loi organique n° 2019-221 du 23 mars 2019 relative au renforcement de l’organisation des juridictions est abrogé.
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AU STATUT DE L’AVOCAT HONORAIRE EXERÇANT DES FONCTIONS JURIDICTIONNELLES
Article 3
I. – Dans le cadre de l’expérimentation prévue à l’article 8 de la loi n° … du … pour la confiance dans l’institution judiciaire, pour une durée de trois ans à compter de la date fixée par l’arrêté prévu au III du même article 8, peuvent être nommés pour exercer les fonctions d’assesseur des cours criminelles départementales les avocats honoraires remplissant les conditions suivantes :
1° Être de nationalité française ;
2° Jouir de leurs droits civiques et être de bonne moralité ;
3° Ne pas avoir de mention au bulletin n° 2 du casier judiciaire ;
4° Ne pas avoir exercé la profession d’avocat depuis au moins cinq ans dans le ressort de la cour d’appel à laquelle ils sont affectés.
II. – Les avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles recrutés au titre du présent article sont nommés pour une durée de trois ans, dans la limite de la durée de l’expérimentation prévue au I, dans les formes prévues pour les magistrats du siège.
L’article 27-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature n’est pas applicable aux nominations mentionnées au premier alinéa du présent II.
Les avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles sont affectés à une cour d’appel. Ils ne peuvent recevoir, sans leur consentement, une affectation nouvelle.
Ils suivent une formation préalable à leur prise de fonctions, organisée par l’École nationale de la magistrature.
Préalablement à leur entrée en fonctions, ils prêtent le serment suivant devant la cour d’appel : « Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un assesseur digne et loyal. »
Ils ne peuvent en aucun cas être relevés de ce serment.
Un décret en Conseil d’État détermine les conditions de dépôt et d’instruction des dossiers de candidature, les modalités d’organisation et la durée de la formation préalable ainsi que les conditions dans lesquelles les avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles sont indemnisés.
III. – Les avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles ne peuvent, seuls ou avec des magistrats mentionnés à la deuxième section du chapitre V bis de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée, composer majoritairement la cour criminelle départementale.
IV. – L’exercice des fonctions d’avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles est incompatible avec l’exercice des mandats et fonctions publiques électives mentionnés à l’article 9 de l’ordonnance n° 58-172 du 22 décembre 1958 précitée.
Un avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles ne peut pas exercer les fonctions d’assesseur d’une cour criminelle départementale dans le département dont son conjoint est député ou sénateur.
Les avocats honoraires recrutés en application du présent article peuvent exercer une activité professionnelle concomitamment à leurs fonctions juridictionnelles, sous réserve que cette activité ne soit pas de nature à porter atteinte à la dignité de la fonction et à son indépendance. Toutefois, ils ne peuvent effectuer aucun acte d’une profession libérale juridique et judiciaire soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ni être salarié d’un membre d’une telle profession, ni exercer de mission de justice, d’arbitrage, d’expertise, de conciliation ou de médiation dans le ressort de la cour d’appel à laquelle ils sont affectés.
L’exercice des fonctions d’avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles est également incompatible avec l’exercice des fonctions suivantes :
1° Membre du Gouvernement, du Conseil constitutionnel ou du Conseil supérieur de la magistrature ;
2° Membre du Conseil d’État ou de la Cour des comptes, magistrat des cours et tribunaux administratifs ;
3° Secrétaire général du Gouvernement ou d’un ministère, directeur d’administration centrale, membre du corps préfectoral.
En cas de changement d’activité professionnelle, l’avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles en informe le premier président de la cour d’appel à laquelle il est affecté, qui lui fait connaître, le cas échéant, l’incompatibilité entre sa nouvelle activité et l’exercice de ses fonctions juridictionnelles.
V. – Les avocats honoraires recrutés en application du présent article exercent leurs fonctions en toute indépendance, impartialité, dignité et probité et se comportent de façon à exclure tout doute légitime à cet égard. Ils s’abstiennent, notamment, de tout acte ou comportement public incompatible avec leurs fonctions. Ils sont tenus au secret des délibérations.
Ils veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement les situations de conflit d’intérêts au sens de l’article 7-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée.
L’article 7-2 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée leur est applicable. Ils remettent leur déclaration d’intérêts au premier président de la cour d’appel à laquelle ils sont affectés.
Ils ne peuvent pas connaître d’un dossier présentant un lien avec leur activité professionnelle d’avocat ou lorsqu’ils entretiennent ou ont entretenu des relations professionnelles avec l’une des parties ou ses conseils. Dans ces hypothèses, le président de la cour criminelle départementale décide, à la demande de l’intéressé ou de l’une des parties, que l’affaire sera renvoyée à une formation de jugement autrement composée. Cette décision n’est pas susceptible de recours.
L’avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles ne peut ni mentionner cette qualité, ni en faire état dans les documents relatifs à l’exercice de son activité professionnelle, tant pendant la durée de ses fonctions que postérieurement.
VI. – Tout manquement d’un avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles aux devoirs de son état, à l’honneur, à la probité ou à la dignité constitue une faute disciplinaire.
Le pouvoir d’avertissement et le pouvoir disciplinaire à l’égard des avocats honoraires recrutés dans le cadre du présent article est exercé par l’autorité investie de ce pouvoir dans les conditions prévues au chapitre VII de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée. Cette autorité peut, indépendamment de la sanction prévue au 1° de l’article 45 de la même ordonnance, prononcer, à titre de sanction exclusive de toute autre sanction disciplinaire, la fin des fonctions d’avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.
VII. – Les avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles ne peuvent demeurer en fonctions au-delà de l’âge de soixante-quinze ans.
Il ne peut être mis fin aux fonctions des avocats honoraires recrutés dans le cadre du présent article qu’à leur demande ou au cas où a été prononcée à leur encontre la sanction prévue au VI.
Pour une durée d’un an à compter de la cessation de leurs fonctions, ces avocats honoraires sont tenus de s’abstenir de toute prise de position publique en relation avec les fonctions juridictionnelles qu’ils ont exercées.
TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES À L’ENREGISTREMENT ET À LA DIFFUSION DES AUDIENCES DEVANT LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE
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TITRE IV
DISPOSITIONS FINALES
Article 5
L’article 2 entre en vigueur le 1er janvier 2023.
M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi et du projet de loi organique dans la rédaction résultant des textes élaborés par les commissions mixtes paritaires, texte modifié par les amendements adoptés par le Sénat pour le projet de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la commission mixte paritaire a abouti à un accord. Il est vrai que les divergences de points de vue étaient – il faut le rappeler – assez minces.
Il n’en demeure pas moins que ce texte reste extrêmement épars et composite. Il ne traite qu’à la marge de la justice du quotidien qu’est la justice civile. C’est pourtant la principale préoccupation des Français en matière de justice. Il aurait peut-être été de bon aloi de prendre cet élément en compte pour renouer leur confiance envers l’institution judiciaire.
Au regard du contenu du projet de loi, qui me semble toujours déconnecté des préoccupations de nos concitoyens et plus encore de celles des professionnels du droit, à la tête desquels les magistrats, qui croulent sous les dossiers, l’ambition affichée est hélas vouée à l’échec, même si je ne le souhaite pas.
Faut-il rappeler que la durée moyenne pour obtenir un jugement au civil au tribunal de Nanterre, par exemple, est d’un an et demi ? Selon la présidente du tribunal judiciaire Catherine Pautrat, « il y a un dysfonctionnement et toutes les chambres sont en souffrance ».
D’ailleurs, la lenteur est la première chose que les Français reprochent à la justice, selon le sondage publié par notre commission des lois le 27 septembre dernier. Cette question devrait, me semble-t-il, faire l’objet, si ce n’est de ces projets de loi, de débats à l’occasion des États généraux de la justice.
Par quels moyens cela se traduira-t-il ? Le budget de la justice prévu dans le projet de loi de finances pour 2022 continue, certes, à afficher une augmentation – c’est une évidence –, mais cette évolution s’inscrit toujours dans le cadre d’un rattrapage de retard durable et ancré pour colmater l’indécence des moyens accordés par le passé à ce ministère régalien. La France continue à être l’un des pays européens qui attribue le moins de moyens à la justice au regard de sa population.
En outre, ce budget sert à financer une logique toujours à l’œuvre, que nous avons continué à dénoncer lors de la discussion de ce texte : celle d’une politique gestionnaire de la justice. L’expérimentation et, désormais, la généralisation à compter du 1er janvier 2023 des cours criminelles départementales n’ont pour nous qu’un objectif comptable, le même que celui qui a présidé à la suppression des tribunaux d’instance en 2018.
Moins de proximité, moins de collégialité… pour une justice au rabais !
En matière de procédure pénale, alors que les professionnels sont demandeurs de simplification, ce projet de loi ajoute au contraire de la complexité à la procédure, qui devrait être revue en ce moment même au cours des États généraux de la justice.
En parallèle, la réforme des remises de peine est selon nous dangereuse, notamment au regard de la surpopulation carcérale, à laquelle notre pays n’apporte pas d’autre réponse que l’augmentation du parc carcéral.
À l’heure où nombre de nos voisins européens s’attaquent à la décroissance carcérale et à la question de la régulation carcérale, nous en sommes à augmenter le nombre de places en prison non pour désemplir celles qui sont saturées, mais pour accueillir plus longtemps des prévenus dont les remises de peines seront désormais plus difficiles à obtenir ou pour enfermer ceux qui se sont rendus coupables de l’un des nombreux délits créés sous ce quinquennat.
Nous n’avons pas pu évoquer l’amendement du Gouvernement sur l’article 3. Certes, nous ne pouvons que nous réjouir de la position commune adoptée au final entre la Chancellerie et les avocats. Mais, encore une fois, nous regrettons les conditions d’examen d’une mesure aussi importante, qui aurait mérité, selon nous, que notre assemblée puisse s’exprimer à la fois sur le fond et sur la forme, même si, je le répète, nous sommes favorables à l’amendement.
Toutefois, malgré cette avancée et quelques autres, par exemple sur l’encadrement du travail en détention ou sur les règles déontologiques et disciplinaires des professionnels du droit, ce texte appartient encore dans sa philosophie profonde à l’ancien monde, celui d’une justice en manque criant d’ambition et de moyens, et pas seulement financiers. J’ai le regret de dire qu’il est largement utilisé à des fins médiatiques et aussi, me semble-t-il, politiciennes. C’est pourquoi le groupe CRCE maintient aujourd’hui son vote de rejet. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Dominique Vérien. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà donc à la fin de l’examen de ces textes, qui visent à réformer le lien entre les Français et l’une des institutions régaliennes qui est au cœur de notre pacte social : la justice.
L’intention est louable, au regard des chiffres qui montrent, année après année, un décrochage entre les Français et leur justice. Leur constat est dur, sans appel, voire excessif, si bien que la justice et les magistrats font parfois figure de coupables parfaits, jugés trop rapidement responsables de maux de notre société qui dépassent bien souvent le champ de leur action.
L’initiative est donc à saluer, surtout de la part de notre institution. Le Sénat s’est longtemps engagé, au travers de ses nombreux travaux, en faveur d’une réforme en profondeur de la justice. Cependant, soyons francs : il est fort probable que ces mesures, aussi diverses que de portée inégale, ne suffisent pas à rétablir ce lien qui s’est dégradé depuis des années.
Ne boudons pas pour autant notre plaisir : cette CMP est conclusive et c’est toujours une bonne chose que de parvenir à un texte de compromis laissant toute leur place aux propositions sénatoriales.
Le texte final, amendé par le travail important de nos rapporteurs, que je tiens à saluer, permet d’étendre le secret professionnel des avocats tout en préservant les possibilités d’enquête en matière de fraude fiscale, de corruption ou de blanchiment.
Les propositions du Sénat relatives à la durée des enquêtes préliminaires n’ont pas été retenues. Nous le regrettons, car les enquêtes en matière de délinquance économique sont longues et complexes. Pour autant, limiter la durée des procédures plus générales est effectivement nécessaire, tant est attendue une accélération des procédures.
Attention cependant, car qui dit procédure plus rapide dit forcément enquête plus rapide. Pour tenir cette nouvelle cadence, il est donc indispensable que les moyens en enquêteurs, c’est-à-dire en officiers de police judiciaire (OPJ), et donc ceux de la police et du ministère de l’intérieur, suivent. À défaut, nous risquons d’assister à un raccourcissement des durées en raison de l’augmentation des classements sans suite, ce qui serait totalement inacceptable. L’alternative serait d’ouvrir très vite une instruction et de faire porter les délais sur la justice, faute de pouvoir traiter les dossiers au sein de la police. Ce sera au futur garde des sceaux de veiller à ce que cela ne se produise pas.
En ce qui concerne la généralisation des cours criminelles, c’est la version du Sénat qui a été retenue. L’expérimentation ira jusqu’à son terme, en 2023. À titre personnel, je le regrette dans la mesure où ces cours permettent de juger les viols pour ce qu’ils sont – des crimes – et d’éviter le risque d’une requalification en délit, véritable double peine pour les victimes. (M. le garde des sceaux approuve.)
En ce qui concerne le délit de prise illégale d’intérêts, l’ajout du Sénat a été retenu. Il faudra désormais que, dans la prise de décision, l’objectivité, l’impartialité ou l’indépendance de l’élu aient été manifestement affectées pour prouver le délit. Il s’agit d’une demande de longue date de nos élus locaux. Il était temps de les entendre, tant la rédaction actuelle occasionnait des situations franchement ubuesques. Les élus locaux en ont ici la preuve : le Sénat est bien leur chambre.
En définitive, ce texte nous semble trop modeste face à l’ampleur de la tâche et n’est que le prélude – du moins je le souhaite – d’un prochain projet de loi issu des États généraux de la justice.
Le lancement de ces États généraux est intervenu en octobre dernier, alors que nos travaux sur ce texte étaient déjà bien avancés, ce qui montre bien qu’il est nécessaire de compléter celui-ci.
Néanmoins, le groupe Union Centriste votera ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de l’examen du texte au mois de septembre dernier, la position de notre groupe demeurait réservée, connaissant même certaines évolutions guidées par nos débats.
Les sénateurs du groupe du RDSE avaient fini par voter en majorité contre le texte tel que rédigé par le Sénat, ou s’étaient abstenus.
Deux éléments avaient principalement guidé notre choix et continuent de le faire.
En premier lieu, nous continuons de penser que le dispositif adopté en matière de diffusion des audiences manque encore de précautions. Chacun en convient, l’exercice de la justice n’est pas voué au divertissement. La justice n’a pas vocation à disposer de producteurs chargés de monter les images, de veiller à la mise en scène ou encore au respect du script.
Qu’importent les objectifs, le bureau du juge, non plus que la salle d’audience, n’est pas un décor de cinéma. Les enjeux sont cruciaux pour les hommes et les femmes qui s’y retrouvent. Si la diffusion des procès peut être une bonne chose, il est absolument nécessaire d’avancer prudemment.
L’expérimentation nous avait semblé constituer une voie souhaitable car modérée ; nous l’avions demandée par voie d’amendement et nous déplorons, une fois encore, que cette solution n’ait pas été retenue. Certes, la rédaction retenue par la CMP intègre les garanties apportées par le Sénat. Il demeure que nous aurions pu les approfondir encore davantage.
En second lieu, nos débats avaient conduit à l’adoption de certains amendements clivants, qui avaient continué de nous faire douter.
Si notre assemblée a fait preuve de sagesse en rejetant le dispositif abrogeant la disposition du code pénal permettant l’aménagement des courtes peines de prison, un autre fut adopté avant lui, visant à réduire l’usage des travaux d’intérêt général.
L’ajout de cette disposition, en plus de ne pas nous convaincre, tendait à dénaturer le texte. Aussi, je veux dire la satisfaction que nous éprouvons à ne pas la retrouver dans le texte élaboré par la CMP.
Dans l’ensemble, les arbitrages effectués ne nous posent pas de difficulté. Je pense notamment à la généralisation des cours criminelles départementales au 1er janvier 2023.
Espérons que ce texte participe à dissiper ce sentiment d’inefficacité et d’impuissance de la justice, de plus en plus fréquent chez nos concitoyens.
Comme l’a souligné le Président de la République dans son discours du 18 octobre dernier en ouverture des États généraux de la justice, le sujet est vaste et « beaucoup de sujets sont encore à moderniser, clarifier, réouvrir ».
Ce projet de loi ne réglera pas tout, au point qu’il devrait être adopté alors même que le chantier de la justice est déjà relancé. Je l’avais souligné lors de l’examen précédent des textes, l’agencement du calendrier nous semble poser question.
Je conclurai en évoquant un point spécifique : l’article 3 du projet de loi relatif au secret professionnel des avocats, sur lequel nous avons été fortement sollicités. Si nous entendons les inquiétudes des avocats, nous comprenons aussi les impératifs ayant pu justifier l’insertion de ce dispositif, auquel nous sommes favorables. Surtout, nous avons eu le loisir d’observer que des discussions ont encore eu lieu sur le sujet, même après la réunion de la CMP, jusqu’à donner lieu à l’examen d’un nouvel amendement.
Bien entendu, rien n’empêche cette procédure, mais elle soulève tout de même une question plus globale quant à nos méthodes de travail. Pourquoi nous imposer de travailler dans des conditions d’urgence permanente, en recourant presque systématiquement à la procédure accélérée et donc sans deuxième lecture ?
Faut-il rappeler l’utilité de la procédure ordinaire – hélas devenue exceptionnelle –, qui permet à chacun d’exprimer sereinement ses positions, de manifester ses points d’intérêt, en vue de l’adoption d’un texte qui ne soit pas une expression balbutiante de l’intérêt général ?
Vous l’aurez donc compris, si notre groupe se montre dans sa majorité favorable au texte, certains éléments susciteront, de notre part, une vigilance particulière.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, selon un sondage de l’IFOP (Institut français d’opinion publique) publié en 2019, 62 % des Français considèrent que la justice fonctionne mal.
Dans le cas d’une éventuelle confrontation personnelle avec la justice, seuls 44 % d’entre eux aborderaient cette situation avec confiance. En cause, une méconnaissance de notre système judiciaire, une réticence envers les acteurs du droit et une justice jugée ou trop laxiste ou trop lente.
La commission mixte paritaire a donc fini par trouver un accord sur les dispositions restant en discussion du projet de loi.
Cela dit, je regrette que ce texte n’ait pas davantage approfondi les questions relatives à la justice du quotidien. Il aurait été préférable de nous attarder sur cette dernière, en adoptant des mesures renforçant la politique d’accès au droit, simplifiant les démarches pour tous les justiciables, intensifiant la politique d’aide aux victimes, etc.
L’efficacité de la justice passe, vous le savez, par une organisation interne des juridictions, qui soit modernisée et harmonisée.
Je suis d’accord avec l’amendement du Gouvernement tendant à modifier l’article 3 portant sur le secret professionnel de l’avocat dans le cadre de la lutte contre la délinquance économique et financière.
À mon sens, le secret professionnel de l’avocat doit être absolu. Il est la garantie d’un État de droit juste. Si nous commençons à transgresser ne serait-ce qu’un peu les droits de la défense, que restera-t-il de notre démocratie ?
Ce projet de loi ne doit laisser place à aucune ambiguïté. Il s’agit de renforcer la confiance des Français dans notre justice. Nous devons être à la hauteur de cette mission.
Je voterai contre ce texte.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le ministre, si nous pouvons partager en grande partie vos propos sur la question du secret professionnel des avocats, les conditions dans lesquelles se déroule cette discussion du texte du projet de loi élaboré par la CMP sont à la fois nouvelles et problématiques.
En temps normal, une CMP réunit des membres du Parlement, sénateurs et députés, qui travaillent à l’établissement d’un texte commun, lequel est ensuite proposé à l’adoption des deux assemblées. Le Gouvernement dépose traditionnellement des amendements très techniques visant à corriger de petites erreurs.
Finalement, on remplace cette CMP par autre chose. Nous sommes ici dans une espèce de trilogue, dans un mécanisme où le Gouvernement intervient et où, pour que ne pas réduire à néant le travail réalisé jusqu’ici et éviter de procéder à une deuxième lecture, il faut désormais que les rapporteurs des deux chambres acceptent au préalable, monsieur le garde des sceaux, vos propositions de modifications.
Cela change fondamentalement la donne. En effet, nous avons désormais une corde de rappel, autrement dit la possibilité, pour les uns et les autres, après un accord en CMP, de faire évoluer les équilibres de ce qui avait jusqu’à présent constitué une procédure parlementaire particulièrement bien huilée.
Ce que nous vivons aujourd’hui est, je le redis, assez nouveau. Permettez-moi, monsieur le président de la commission des lois, d’exprimer mon inquiétude à cet égard. La nature des CMP pourrait s’en trouver modifiée, de même que la nature de ce que nous pourrions faire après les CMP et avant la lecture de leurs conclusions devant le Parlement, dans un système qui manquerait alors de transparence.
Monsieur le ministre, en tant que sénateur des Français de l’étranger, j’effectue des déplacements fréquents et j’évoque souvent les attentes et les griefs à l’égard de leur justice qu’ont les personnes vivant dans d’autres pays.
Je dois dire que, quoi qu’on en pense, notre justice, en France, est un service public ; elle a le sens de l’intérêt général, de son indépendance et de sa probité. C’est pourquoi, en cet instant, avant d’aller plus loin, je voudrais rendre hommage à l’ensemble des acteurs du service public de la justice.
Il faut le rappeler, le problème de confiance vient d’ailleurs. Il vient d’abord du fait que la justice française est l’une des plus mal dotées dans l’Union européenne : elle se classe vingt-quatrième sur vingt-sept en termes de moyens. Ses tribunaux sont engorgés, les spécialisations sont négligées, certaines affaires de délinquance accusent des délais allant jusqu’à deux ans entre la première instance et l’appel, et parfois plus de quatre ans en matière criminelle. Comment espérer alors, compte tenu de ce type de délais, une réponse pénale adaptée et répondant aux besoins de la société ?
Le contrôle des détentions et l’application des peines se font aussi avec des contraintes fortes en matière de moyens.
Le titre du projet de loi que nous examinons, « Confiance dans l’institution judiciaire », semble quelque peu ambitieux et clinquant eu égard aux mesures finalement assez hétéroclites qu’il contient.
Le quinquennat a vu se succéder chronologiquement une loi de programmation de la justice, un projet de loi de confiance dans l’institution judiciaire et, maintenant, les États généraux de la justice. On a l’impression que les choses ont été faites à l’envers ! Il est difficile de vous en tenir totalement rigueur, mais telles sont nos institutions et nous devons constater, à l’heure du bilan du quinquennat, la manière dont se font les choses et leur chronologie.
Les Français expriment aujourd’hui, pour 53 % d’entre eux, de la défiance envers la justice. Chaque année, deux millions d’affaires civiles sont jugées : divorces, questions familiales, contentieux, etc. C’est sur cette justice du quotidien que reposent d’abord la perception de la justice et la confiance à son égard.
Pour bon nombre de justiciables, les 800 000 affaires pénales, bien que très importantes également, sont beaucoup moins sensibles.
Malgré tout, ce projet de loi ne traite pas du tout des affaires civiles.
Qu’en retenir alors ?
Filmer les audiences du quotidien, pourquoi pas, mais il convient d’éviter la justice spectacle. Conjuguée à la généralisation des cours criminelles départementales, cette mesure accroît le risque de transformer le citoyen d’acteur de la justice en téléspectateur.
Il faudrait plutôt, dès l’école, renforcer la pédagogie sur les principes généraux du droit, qui sont très différents de l’« instinct de justice ». La judiciarisation de plus en plus prégnante de notre société exige que ces principes généraux et la hiérarchie des normes soient bien compris de nos concitoyens.
L’encadrement des enquêtes préliminaires sera utile, même s’il pose quelques difficultés en matière d’enquêtes financières et internationales.
Le contrat de travail pour les détenus constitue également une avancée, tandis que la substitution au rappel à la loi d’un avertissement pénal probatoire sous le contrôle et avec intervention du procureur sera utile.
Nous voterons néanmoins contre ce texte. Parce qu’il n’est pas à la hauteur des ambitions ; parce que nous refusons cette évolution du citoyen acteur de la justice au citoyen spectateur de la justice ; parce que notre groupe a déposé trente-deux amendements en première lecture et qu’un seul d’entre eux a été accepté ; parce qu’il s’inscrit dans un contexte de multiplication du recours aux ordonnances ; et parce que la réforme de la réduction des peines entraîne un risque d’engorgement des prisons, au moment où les nouvelles incarcérations sont au nombre de mille par mois, un chiffre réellement problématique au regard, en particulier, des conditions indignes de détention que nous connaissons.
M. le président. Veuillez conclure.
M. Jean-Yves Leconte. Enfin, s’il s’agit de la confiance dans la justice et de son indépendance, monsieur le ministre, il est temps de réformer la composition du Conseil supérieur de la magistrature. (Marques d’impatience sur plusieurs travées.)
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean-Yves Leconte. Il n’est pas acceptable que des dispositions législatives d’application immédiate ne soient pas mises en œuvre…
M. le président. Concluez !
M. Jean-Yves Leconte. … parce que nous attendons des circulaires de la Chancellerie. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les deux textes qui nous sont soumis aujourd’hui sont l’aboutissement de plusieurs mois de travaux, de réflexion, de concertations et de débats sur l’indispensable sujet de la confiance et du crédit portés, dans notre société, à l’institution judiciaire.
Notre groupe avait salué la convergence qui se dessinait, dès la première lecture, entre le Sénat et l’Assemblée nationale sur la majorité des dispositions. Cette dynamique s’est confirmée en commission mixte paritaire, dont nous saluons l’accord.
Vous l’avez dit, monsieur le garde des sceaux, ce projet de loi comporte des avancées. Il permet d’agir concrètement sur les ressorts d’une défiance procédant parfois de mécanismes ne fonctionnant pas, ou plus, assez bien. C’est un texte de confiance – et de sens – pour notre justice et pour ses justiciables.
Je me limiterai à évoquer trois axes qui illustrent, me semble-t-il, ce renforcement du sens de la justice, qui est en quelque sorte imbriqué dans la confiance portée par les dispositions que nous examinons ce matin.
J’entends d’abord le sens comme la compréhension, par le citoyen, du fonctionnement de l’institution. Je pense bien sûr aux nouvelles possibilités d’enregistrement et de diffusion des audiences à des fins pédagogiques, dont les garanties ont été confortées par nos rapporteurs.
C’est ensuite le sens de la réponse judiciaire, de la peine. Y concourront les dispositifs tels que le rétablissement de la minorité de faveur aux assises ou le remplacement du rappel à la loi par un avertissement pénal probatoire, plus solennel et dissuasif. C’est aussi le sens de l’application de la peine, par le nouveau mécanisme de réduction de peine, fondé sur l’effort, ainsi que par la lutte contre les sorties sèches et la création du contrat d’emploi pénitentiaire, qui favorisera l’insertion professionnelle des personnes détenues. Je le rappelle, au travers de ce deuxième axe c’est la préservation de la sécurité de notre société qui est en jeu.
Enfin, le sens de la justice pour chaque justiciable, ce sont les droits de la défense. Le texte réprime plus sévèrement les violations du secret de l’enquête ou de l’instruction. Il renforce le principe du contradictoire et limite la durée des enquêtes préliminaires, avec un allongement possible – soutenu également par notre groupe – pour des cas d’entraide internationale, afin de ne pas nuire, notamment, à la lutte contre la corruption internationale.
Cette question des dérogations nous amène à évoquer le sujet du secret de l’avocat.
Dans le texte initial que vous portiez, monsieur le garde des sceaux, il était question du secret de la défense.
M. Thani Mohamed Soilihi. Soumission des perquisitions au cabinet et au domicile de l’avocat à la décision du JLD, conditionnement de ces perquisitions à des éléments préalables sérieux, application du même régime strict aux communications de fadettes et aux écoutes, protection des correspondances de l’avocat saisies dans un autre lieu que son cabinet : autant d’avancées, dans cet article 3, espérées, attendues, depuis plusieurs années.
Du secret de la défense, l’examen à l’Assemblée nationale a fait basculer le débat du côté du secret du conseil. Sur ce point aussi, il faut le dire clairement, le texte issu de la commission mixte paritaire et, d’une manière plus évidente encore, celui issu de l’adoption de l’amendement du Gouvernement portent une avancée majeure.
Aujourd’hui, le secret du conseil n’est pas protégé dans le cadre de la procédure pénale. Demain, cela a été rappelé, il sera consacré dans le code de procédure pénale. Dans le cadre d’une perquisition, le secret du conseil sera inopposable dans une seule hypothèse : lorsque la procédure porte sur des faits de fraude fiscale, de financement du terrorisme ou de corruption, ou de blanchiment de ces délits, dans des conditions qui ont été précédemment évoquées.
Renoncer à cet équilibre constitutionnel au bénéfice d’une protection sans conciliation aurait fragilisé juridiquement le dispositif et mené à des espoirs déçus.
À l’inverse, renoncer à l’article 3 aurait conduit à en rester à un statu quo non satisfaisant en matière de secret du conseil, d’une part, tout en se privant, d’autre part, par ricochet, d’avancées majeures et plutôt consensuelles pour les droits de la défense de nos concitoyens.
Pour ces raisons, et pour l’ensemble des apports précédemment évoqués, le groupe RDPI votera, avec enthousiasme et conviction, en faveur de ces textes.
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour Les Indépendants – République et Territoires.
M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, voilà maintenant plusieurs années que les textes de programmation et de réforme se succèdent. Des États généraux sont en cours jusqu’au début du mois prochain : la justice est malade et le Gouvernement se démène pour y remédier.
La situation est grave, en effet, car des enquêtes d’opinion indiquent que la moitié de nos compatriotes n’ont pas confiance en elle. Or la justice est au cœur du contrat social. Si sa légitimité est remise en question, c’est l’ensemble de l’édifice républicain qui est menacé.
Nous l’avons dit et nous aurons l’occasion de le répéter, et certains l’ont relevé également : ce dont la justice a besoin, c’est d’abord de moyens financiers. Reconnaissons au Gouvernement le mérite d’avoir consenti un effort budgétaire inédit sur le budget de la justice cette année. Cet effort devrait être maintenu pour l’année prochaine, il faut s’en réjouir.
Au-delà des moyens, les Français ont besoin de connaître davantage le fonctionnement de leur justice, afin de mieux la comprendre. Le projet de loi s’y emploie, en ouvrant la voie à la diffusion audiovisuelle des procès. Les audiences sont déjà publiques, mais leur diffusion renforcera significativement l’information de nos concitoyens sur la façon dont la justice est rendue dans notre pays.
Ces enregistrements ne concerneront ni l’ensemble des audiences ni l’ensemble des procédures. La justice exige parfois le secret. Ce qui est vrai pour les audiences l’est aussi pour l’enquête et l’instruction.
M. Emmanuel Capus. Nous nous félicitons du renforcement des sanctions contre la violation de ces secrets, dans une société qui, parfois, pousse à l’excès le culte de la transparence.
Cette violation du secret aboutit trop souvent à livrer en pâture la réputation de femmes et d’hommes à la vindicte des médias ou de la rue, lesquels ne sauraient avoir la légitimité pour rendre justice.
Si le respect de ces secrets est essentiel à la justice, le respect de celui de l’avocat ne l’est pas moins. Nous avons assisté ici à de curieuses et inquiétantes discussions sur son périmètre. Je fais partie de ceux qui ne comprennent pas, monsieur le garde des sceaux.
Les députés souhaitaient réaffirmer que ce secret devait couvrir l’ensemble des activités de l’avocat. Cela ne signifiait pas pour autant qu’il devait être absolu. Il ne l’a d’ailleurs jamais été.
M. Emmanuel Capus. Il est possible, en l’état actuel du droit, de perquisitionner le cabinet d’un avocat en respectant une procédure équilibrée.
Les services d’enquêtes financières ont cependant souhaité faire brèche à ce secret. Ils ont trouvé de puissants relais qui ont satisfait leur demande, mais à quel prix ?
C’est l’ensemble des droits de la défense, et donc des libertés publiques, qui sont affaiblis lorsque l’on porte atteinte à l’une de ses composantes.
M. Emmanuel Capus. Vous le savez mieux que quiconque : la séparation entre le conseil et la défense est extrêmement ténue, surtout en matière fiscale.
Si le secret est écarté pour certaines activités ou certains soupçons, comment pourrait-il se justifier pour les autres ?
La liste des infractions rendant le secret professionnel inopposable aux services d’enquête s’allongera. Elle s’est d’ailleurs déjà allongée entre le texte de la commission du Sénat et celui de la CMP, puisque vous y avez introduit le terrorisme.
Pour reprendre vos mots, monsieur le garde des sceaux, aucun Français ne comprendrait que demain on maintienne le secret pour le trafic de stupéfiants, pour la traite humaine, pour l’écocide.
M. Emmanuel Capus. Il n’y a pas de limite. C’est un engrenage dès lors que la protection des intérêts légitimes de l’État est placée au-dessus des libertés publiques.
Il est, à mon sens, injustifié de considérer que l’avocat et le secret auquel il doit être astreint puissent faire obstacle à la justice. Bien au contraire – et je le dis sous la statue de Malesherbes –, ils en sont la condition nécessaire.
De quelle justice est-il question dès lors que les services d’enquête peuvent venir consulter les dossiers des avocats ? Ces dispositions nous paraissent donc inquiétantes dans un État démocratique.
Pour le reste, les textes comportent d’autres dispositions qui nous paraissent aller dans le bon sens. Cela a été rappelé, des avancées ont été faites s’agissant des avocats, de la suppression des réductions de peine automatiques ou encore de la limitation de la durée des enquêtes préliminaires.
En conclusion, ces projets de loi comportent de nombreuses avancées pour notre justice, mais également une mesure qui nous paraît particulièrement dangereuse pour celle-ci.
Dans ces conditions, les membres du groupe Les Indépendants voteront selon leur conviction : vous aurez compris que, très majoritairement, elle se traduira par une abstention.
M. le président. La parole est à Mme Nadine Bellurot, pour le groupe Les Républicains.
Mme Nadine Bellurot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Les Républicains se réjouit du caractère conclusif de la commission mixte paritaire.
Députés et sénateurs sont en effet tombés d’accord sur le fond de ce texte, qui offrira demain – nous l’espérons – un ensemble de mesures de nature, comme son nom l’indique, à redonner confiance dans l’institution judiciaire.
Nous sommes d’accord, monsieur le garde des sceaux : en effet, il n’y a pas de baguette magique.
Mme Nadine Bellurot. Avec humilité, nous pouvons dire que l’ambition est forte, mais que la tâche est rude.
Comme l’a dit récemment le président du tribunal de Paris, « la perte de confiance dans une justice efficace entraîne une perte de confiance dans l’État ».
L’Assemblée nationale a fait le choix de maintenir la quasi-totalité des dispositions insérées par le Sénat dans le texte issu de la commission mixte paritaire, moyennant quelques compromis. Il y a donc tout lieu de s’en féliciter.
Sans revenir dans le détail des dispositions du texte qui n’ont pas fait l’objet de divergences majeures, comme l’enregistrement et la diffusion des audiences, le conditionnement des réductions de peine à la bonne conduite de la personne détenue ou encore la modernisation du rappel à la loi, j’évoquerai plutôt celles qui ont réclamé des échanges plus approfondis entre nos deux chambres.
S’agissant de l’épineux sujet du secret professionnel des avocats ou secret professionnel de la défense, consacré dans ce texte, le Sénat a largement approuvé l’extension inédite des garanties renforçant la protection de ce secret, tant dans l’activité de défense que de conseil, en posant néanmoins une exception pour cette dernière.
Dans le souci d’opérer l’équilibre le plus juste possible entre la prévention des infractions, d’une part, et l’exercice des droits et libertés constitutionnellement garantis, d’autre part, car telle est la mission incombant au législateur, le Sénat a proposé, dès l’examen du texte en commission, de limiter ce secret dans une perspective bien précise : celle de conserver les moyens de lutter contre la délinquance économique et financière dans le respect des engagements internationaux de la France afin d’éviter que ne se mettent en place des stratégies de contournement.
En commission mixte paritaire, avec nos collègues députés, nous sommes parvenus à une nouvelle rédaction qui distingue bien le cas dans lequel un avocat prend activement part à la commission d’un délit de fraude fiscale, corruption ou blanchiment de celui dans lequel il est instrumentalisé pour rédiger des actes juridiques litigieux.
Le Gouvernement a choisi de retoucher à la marge ce dispositif sans revenir sur les équilibres du texte ; nous adopterons donc l’amendement proposé – cette version nous semble satisfaisante.
Par ailleurs, nous nous félicitons du renoncement des députés, que nous appelions de nos vœux tout comme les forces de l’ordre, à prévoir explicitement la présence de l’avocat au cours des perquisitions.
Nous saluons également la limitation de la participation des avocats honoraires au jugement des crimes dans les seules cours criminelles départementales, à l’exclusion des cours d’assises.
Pour ce qui est des cours criminelles départementales, nous nous rallions, non sans remords, à la proposition visant à les généraliser au 1er janvier 2023, en espérant que le bilan de leur évaluation qui sera fait d’ici là sera aussi encourageant que nous l’assure le garde des sceaux.
Le groupe Les Républicains tient cependant à exprimer deux regrets.
Le premier concerne la suppression de l’article 9 bis A, introduit sur l’initiative du président Bruno Retailleau, qui entendait supprimer la possibilité de prononcer une peine de travail d’intérêt général en cas de condamnation pour des délits de violence. Nous aurons sûrement l’occasion d’en reparler.
Le second est relatif à l’attribution de la compétence des actions engagées à l’encontre des entreprises qui méconnaissent leurs obligations au titre du devoir de vigilance au tribunal judiciaire de Paris plutôt qu’au tribunal de commerce de Paris. Cette dernière juridiction, dotée d’une chambre internationale dont l’expertise est reconnue, aurait été, à notre sens, la juridiction la plus compétente pour appréhender ce contentieux.
Pour finir, je tiens à saluer la qualité du travail mené par nos rapporteurs, Agnès Canayer et Philippe Bonnecarrère.
Je ne doute pas qu’une grande majorité de notre groupe se prononcera en faveur de ce texte tel qu’issu des travaux de la commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
M. Guy Benarroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre groupe partage le constat d’une justice trop incomprise et éloignée des Français, d’une justice trop lente et donc perdant de son efficacité. Pour autant, nous craignons la réflexion qui se résumerait ainsi : « La justice est trop lente ; court-circuitons-la ! »
Ce projet de loi texte nous semble finalement apporter une réponse incomplète à de vrais besoins. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires n’adhère pas au mouvement qui verrait comme seule réponse aux difficultés de la justice le fait de rogner sur les droits de la défense et sur l’initiative des magistrats enquêteurs ou d’acter l’éloignement des justiciables du juge.
En outre, ce texte n’est pas l’aboutissement d’une réflexion concertée : l’ouverture le 18 octobre, après le début de l’étude de ce texte, des États généraux de la justice, ainsi que le dépôt tardif par votre gouvernement de plusieurs amendements sur le texte issu de la commission mixte paritaire l’ont bien prouvé.
Avec ce projet de loi, présenté comme le résultat d’une réflexion qui devait couronner la fin du mandat en matière de justice, nous restons sur notre faim.
Vous avez certainement noté, monsieur le garde des sceaux, l’audace du ministre de l’intérieur dans la course à l’amélioration des chiffres et dans l’affichage de ceux-ci, puisqu’il s’est dernièrement félicité de la baisse des cambriolages sur une période – ces derniers mois – qui comprenait confinement, couvre-feu et restrictions de déplacements…
Il nous semble que la réponse n’est pas dans l’éloignement des justiciables du juge. Sous couvert de la recherche du compromis et de l’efficacité – « c’est plus simple de passer uniquement par des accords devant un avocat » –, vous rendez en quelque sorte optionnel l’accès à un juge en matière civile.
À vouloir afficher un changement radical, vous ne permettez d’amélioration profonde ni des conditions d’accès à la justice ni des conditions de travail des magistrats.
Nous ne pouvons pas nous associer à ce véritable changement de philosophie du droit que vous semblez opérer. Loin d’une vision de la justice pénale qui, en plus de juger les faits, personnalise la peine au travers du principe essentiel du jugement par ses pairs, votre désir – majoritairement partagé dans cet hémicycle – d’expérimenter, sous couvert de simplification, dans la durée les cours criminelles nous semble démontrer votre déconnexion par rapport à ce qu’une démocratie est en droit d’attendre de la justice.
Cette dérive, similaire à la problématique de correctionnalisation de certaines infractions sexuelles, nous paraît constituer un nouveau recul.
Faire plus simple, c’est bien. Mais faire plus juste, c’est mieux !
Je regrette les lacunes de ce texte concernant la justice des mineurs qui, vous le savez, est en souffrance, ainsi que les mesures sur l’exécution des peines qui sont toujours en trompe-l’œil et révèlent une pure volonté d’affichage.
De manière générale, les mesures touchant à l’exécution des peines ne découlent pas d’une réflexion profonde. La prison n’est pas la seule sanction efficace dans notre arsenal. Encore faudrait-il juger de l’efficacité d’une sanction non seulement comme réponse à une demande de punition, mais aussi comme étape permettant une réinsertion sociale, une fois l’aspect d’expiation et de protection de la société échu.
Cette ambition de sanctionner plus fort, et forcément par de la prison, ne s’accompagne pourtant d’aucune avancée sur les conditions des détenus. Je ne saurais trop rappeler les condamnations répétées de notre pays sur les conditions de détention.
Je comprends la volonté de remplacer le rappel à la loi, que vous qualifiez de sanction inefficace – je vous cite : « il n’impressionnait plus que les honnêtes gens » –, par des sanctions affichant une plus grande sévérité. Mais cela sert aussi, vous devez le savoir, à apporter de l’eau au moulin de ceux qui disent que la justice ne condamne pas assez.
Par ailleurs, nous trouvons aussi certaines propositions conservées dans ce texte un peu éloignées de la réalité du terrain. Par exemple, si la valorisation de la participation à des activités culturelles ou de l’acquisition de connaissances universitaires pour l’examen d’une réduction de peine est positive, ce sont des activités qui ne sont pas matériellement accessibles à tous dans un grand nombre de lieux de détention.
L’un des aspects clairement positifs de ce projet de loi est le traitement du travail en détention, zone particulièrement grise de notre système carcéral, même si le texte semble consolider l’idée que le droit du travail, particulièrement en termes de rémunération et de droits sociaux, s’arrête à l’entrée des prisons.
Une autre avancée réelle du texte est la possibilité de filmer les procès, ce qui permettra de mieux faire connaître le fonctionnement des tribunaux ou le déroulé d’un procès. Mon groupe s’est montré très vigilant sur ce sujet, s’agissant notamment de l’encadrement de cette pratique. C’est pourquoi je me félicite qu’un amendement que nous avions déposé sur la possibilité de mieux rendre anonymes les parties à la procédure ait été retenu lors de la commission mixte paritaire.
Monsieur le garde des sceaux, nous avons eu l’occasion et le plaisir d’échanger à plusieurs reprises et j’apprécie, depuis votre nomination, votre positionnement sur le budget de la justice, qui est en augmentation.
Mais cette réforme nous semble manquer d’une vision globale ancrée dans des principes aussi vieux que forts de notre système judiciaire. Nous estimons qu’elle risque d’aggraver la dérive vers une justice répondant essentiellement à une demande de plus de fermeté.
L’accroissement de l’éloignement entre les citoyens et les juges n’améliorera ni la confiance ni l’efficacité de la justice. C’est pour cela que le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre ce texte.
M. le président. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement, l’ensemble du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 45 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Pour l’adoption | 235 |
Contre | 94 |
Le Sénat a adopté définitivement le projet de loi.
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets maintenant aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble du projet de loi organique pour la confiance dans l’institution judiciaire.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 46 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 249 |
Contre | 93 |
Le Sénat a adopté définitivement le projet de loi organique.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures trente, est reprise à quinze heures, sous la présidence de Mme Laurence Rossignol.)
PRÉSIDENCE DE Mme Laurence Rossignol
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
Candidatures à une mission d’information et à deux commissions d’enquête
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la désignation des membres d’une mission d’information et de deux commissions d’enquête.
En application des articles 8 et 8 ter, alinéa 5, du règlement, les listes des candidats remises par les groupes politiques pour la désignation des membres de la mission d’information sur le thème « Comment redynamiser la culture citoyenne ? », de la commission d’enquête sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques et de la commission d’enquête « afin de mettre en lumière les processus ayant permis ou pouvant aboutir à une concentration dans les médias en France et d’évaluer l’impact de cette concentration sur la démocratie » ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées, si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
En accord avec le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, la désignation des dix-neuf membres de la mission d’information sur le thème « Protéger et accompagner les individus en construisant la sécurité sociale écologique du XXIe siècle » aura lieu mardi 23 novembre, à quatorze heures trente, le délai limite pour la remise des listes de candidats étant fixé le même jour, à dix heures.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
5
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire et à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2021 et au sein de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées, si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
6
Loi de finances pour 2022
Discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2022, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 162, rapport général n° 163).
Rappel au règlement
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour un rappel au règlement.
M. Éric Bocquet. Monsieur le ministre, je viens de lire un article du journal Le Monde paru ce jour, où il est fait référence à votre dernier ouvrage dans lequel vous suggérez, à propos de la réforme des institutions et des pouvoirs du Parlement, de « limiter les compétences du Sénat en matière budgétaire à des observations et à une approbation finale, et non plus une lecture complète »… (Exclamations et applaudissements sur les travées des groupes CRCE, GEST et Les Républicains.)
Mme la présidente. Acte est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Discussion générale
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre délégué – cher Olivier Dussopt –, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous propose de laisser à une prochaine séance, qui risque d’être longue et houleuse, la discussion sur l’organisation institutionnelle du pays. Je suis gaulliste, j’ai des convictions gaullistes (Exclamations sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe Les Républicains.) et, en ce qui concerne la place du Sénat et le fonctionnement de nos institutions, j’ai des convictions qu’il ne me paraît pas utile de rappeler à l’occasion de la présentation d’un projet de loi de finances.
M. Bruno Retailleau. Cela pourrait néanmoins être utile !
M. Pascal Savoldelli. C’est du double langage !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je vais donc me concentrer sur ce qui nous intéresse particulièrement aujourd’hui : les résultats économiques de la France.
Nos résultats économiques sont là : 6,25 % de croissance prévue pour 2021, 4 % pour 2022. J’ai reçu ce matin le secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui fait une évaluation plus optimiste de la croissance française : il l’évalue à 6,8 % pour cette année et à 4,2 % pour l’année prochaine. Les investissements des entreprises redémarrent, la consommation est forte. Nous avons donc devant nous une perspective de redressement économique dynamique, avec une France qui tire les autres économies de la zone euro.
Ces résultats économiques sont, d’abord, dus au travail de fond que nous avons engagé en début de quinquennat, notamment la baisse des impôts sur les ménages comme sur les entreprises qui incite à consommer et à investir. Ils sont dus, ensuite, à la vigueur du plan de relance que nous avons mis en place, dont 70 milliards d’euros seront engagés dès la fin de l’année 2021. Ils sont dus, enfin, au plan d’investissement que nous avons commencé à déployer.
Il existe néanmoins des risques que je voudrais rappeler à cette tribune.
Le premier risque, chacun en a conscience, c’est le retour de la pandémie. Je voudrais une nouvelle fois appeler chacun au sens des responsabilités, à la vaccination, dont le rappel vaccinal, et au respect des gestes barrières pour éviter que nous ayons à revivre en fin d’année 2021 ce que nous avons connu l’année dernière.
Je me souviens très bien de ces semaines de l’année dernière, où nous étions tous confrontés à des fermetures de commerces et aux difficultés des artisans, des indépendants, des grands magasins, des grandes surfaces, etc. Je ne voudrais pas qu’à quelques semaines de Noël, alors que tous ces secteurs d’activité redémarrent remarquablement bien, que les restaurants embauchent et cherchent des employés, que les commerces préparent les fêtes de Noël, la pandémie nous oblige de nouveau à des restrictions qui pèseraient sur la vie de nos compatriotes.
Je crois que c’est aujourd’hui le risque principal. Il dépend de chacun d’entre nous et de notre sens des responsabilités.
Le deuxième risque qui pèse sur la croissance française, c’est le risque de pénurie de main-d’œuvre et de composants, notamment de composants électroniques et de semi-conducteurs. Vous vous en êtes tous fait l’écho au cours des dernières semaines.
L’ajustement prendra du temps – on ne règle pas les problèmes de main-d’œuvre du jour au lendemain –, en particulier sur les semi-conducteurs qui sont essentiels pour toute industrie, automobile comme aéronautique.
La seule bonne réponse consiste à mener une politique d’investissement de long terme pour que la France puisse disposer des semi-conducteurs dont elle a besoin pour son industrie, ses transports, ses télécommunications. C’est exactement ce que nous avons commencé à engager avec le plan France 2030. La question des semi-conducteurs m’occupe au quotidien : nous devons réussir à faire venir de nouveaux investissements en France.
Enfin, le troisième risque, celui dont on débat beaucoup, c’est celui de l’inflation.
Je veux le confirmer à cette tribune, notre évaluation est que l’inflation est temporaire. Elle est tirée principalement par les prix de l’énergie et, dans le fond, la véritable difficulté est moins la hausse des prix que la forte augmentation des prix spécifiques de l’énergie, qui appelle des réponses fortes et rapides comme celles que le Gouvernement a apportées.
Pour le coup, cette augmentation des prix de l’énergie s’inscrit sur plusieurs mois. En effet, la demande est très dynamique en Chine, aux États-Unis et partout en Europe. En outre, l’épuisement des ressources fossiles, les moindres financements en faveur de ces énergies ou encore la transition vers des énergies renouvelables ou de l’énergie nucléaire sont des affaires de mois et d’années, beaucoup plus que de semaines.
Nous sommes donc confrontés à une augmentation durable des prix de l’énergie qui tire l’inflation, même si nous estimons cette inflation temporaire.
J’ajoute en ce qui concerne l’inflation, parce que j’entends les craintes sur ce qui se passe aux États-Unis, que le modèle américain n’est pas le modèle européen. Les politiques monétaire et budgétaire obéissent à une autre logique que celle qui préside aux choix faits en Europe. Par conséquent, il n’y a pas à craindre de contagion automatique de l’augmentation de l’inflation des États-Unis vers l’Union européenne.
En somme, mieux vaut une analyse lucide que d’exagérer la gravité de la situation ; mieux vaut garder son sang-froid sur ce sujet très sensible de l’inflation.
C’est ce qui nous a amenés à apporter deux réponses spécifiques : l’une sur l’énergie et l’autre en direction des ménages les plus modestes.
Sur l’énergie, d’abord, le Premier ministre a annoncé le gel des prix du gaz et le plafonnement des prix de l’électricité, qui est absolument vital, puisque, aujourd’hui, à l’heure où je vous parle, nous sommes confrontés à une augmentation des prix de l’électricité qui pourrait atteindre plus de 15 % à la fin du mois de janvier. Nous avons garanti aux Français que l’électricité n’augmenterait pas de plus de 4 % à cette échéance : nous prendrons à notre charge la différence entre ces 4 % et l’augmentation automatique.
Je veux insister aussi, toujours sur la réponse à apporter en matière d’énergie, sur la nécessité de modifier en profondeur le marché européen de l’énergie.
C’est un débat difficile, chacun connaît les positions de nos partenaires, mais je pense que personne ici ne peut accepter que les prix de production de l’électricité en France, qui sont modérés grâce aux choix énergétiques que nous avons faits depuis les années 1960, soient directement affectés par l’augmentation des prix du gaz, et que le coût marginal d’augmentation d’une centrale à gaz dans l’est de l’Europe définisse le prix de l’électricité produite dans une centrale nucléaire en France.
Je me bats pour la décorrélation entre le prix du gaz et le prix de l’électricité produite en France. Je me bats au fond pour l’indépendance énergétique de notre pays. Nous n’avons pas à dépendre des choix politiques ou économiques qui peuvent être faits par M. Poutine, lequel livre, je le rappelle, 40 % du gaz en Europe.
Sur la réponse apportée aux ménages les plus modestes, ensuite, nous avons décidé la mise en place d’une indemnité inflation réservée à chaque personne ayant un revenu inférieur à 2 000 euros.
De ce point de vue, je tiens à dire que nous regrettons, avec Olivier Dussopt, que vous ayez supprimé cette mesure simple et rapide qui concerne 38 millions de personnes et qui permet d’apporter une protection contre l’augmentation des prix pour toute personne, je le répète, ayant un revenu inférieur à 2 000 euros.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Nous l’avons remplacée par une mesure plus juste !
M. Bruno Le Maire, ministre. Votre mesure de remplacement, que j’ai évidemment étudiée soigneusement, exclut les retraités et les indépendants.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Non !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je considère donc qu’elle est moins juste et moins efficace. Par conséquent, la majorité rétablira en nouvelle lecture notre proposition initiale d’indemnité inflation pour chacun de nos compatriotes qui a un revenu inférieur à 2 000 euros. (M. Bruno Retailleau s’en désole.) C’est la protection que nous devons à nos compatriotes face à l’augmentation des prix.
Pour terminer, je voudrais m’intéresser quelques instants aux défis pour l’avenir qui vont aussi occuper nos débats sur ce texte. Je vois trois sujets majeurs sur lesquels le projet de loi de finances s’engage et qui doivent nous permettre de poursuivre sur la voie du redressement économique de notre pays et de renouer avec des performances économiques du meilleur niveau et – enfin ! – avec un plein-emploi que nous n’avons pas connu depuis un demi-siècle.
Le premier défi, c’est la réduction du chômage et des inégalités.
Ce combat, nous commençons à le gagner, mais la partie qui reste devant nous est la plus difficile, parce que, pour arriver enfin au plein-emploi que beaucoup de nos partenaires européens et occidentaux connaissent, pour sortir d’un demi-siècle de chômage de masse qui a fragilisé la société française tout entière, il faut poursuivre dans la voie d’un certain nombre de politiques qui sont courageuses et difficiles, mais qui donnent des résultats.
Réformer l’assurance chômage, lorsqu’il y a des propositions d’emplois qui se multiplient, qu’on a créé un million d’emplois en cinq ans, 500 000 au cours des dernières années, est une question d’efficacité et de justice.
Il est légitime de réformer l’assurance chômage, d’augmenter le nombre de mois de cotisations avant d’avoir accès à une indemnisation et d’être très strict sur le respect des règles. Il existe des règles pour pouvoir bénéficier d’une indemnisation du chômage. On peut refuser des offres d’emploi, mais, au bout d’un certain temps, si on ne prend pas un travail, si on ne respecte pas les règles, il est juste, comme l’a indiqué le Président de la République, de suspendre l’indemnisation du chômage.
Il faut également, en début de carrière professionnelle, multiplier les dispositifs qui permettent de développer l’apprentissage. Nous sommes en train de gagner cette bataille de l’apprentissage que beaucoup d’entre vous souhaitaient voir livrée depuis des années.
Nous sommes en train de devenir une grande nation d’apprentis. L’apprentissage, on le sait tous, c’est la meilleure voie d’entrée sur le marché du travail. C’est celle qui a été employée par nos partenaires allemands avec efficacité, et c’est celle que nous avons développée. Il faut poursuivre dans cette voie, car elle donne des résultats, d’autant que toutes les entreprises, même les plus petites, jouent parfaitement le jeu.
Le troisième instrument à déployer, c’est celui de la formation continue, qui doit être d’autant plus encouragée que des secteurs entiers de notre économie sont confrontés à des transitions comme elles n’en ont pas connu depuis un siècle. Le véhicule thermique se transformant progressivement en véhicule électrique, l’industrie automobile connaît la révolution technologique et industrielle la plus importante depuis le début du XXe siècle.
Aussi, il va falloir accompagner des dizaines de milliers de salariés pour leur permettre d’acquérir une nouvelle formation, une nouvelle qualification. On doit pouvoir dire à chaque ouvrier qui travaille aujourd’hui dans une fonderie, et qui sait parfaitement que le volume de commandes va diminuer – il y a quatre fois moins de pièces de fonte dans un moteur électrique que dans un moteur diesel ou essence –, que l’on va lui donner une nouvelle formation et l’accompagner vers un nouvel emploi. Il doit être assuré que, de la fonderie où il travaillait, il peut parfaitement basculer sur un emploi dans une gigafactory d’électrolyseurs que nous allons ouvrir, soit en Normandie, soit à Belfort, soit ailleurs.
L’accompagnement et la formation de chaque salarié confronté aux révolutions technologiques sont des impératifs absolus.
Enfin, pour gagner définitivement cette bataille du chômage, il faut évidemment engager une réforme des retraites, de sorte que nous ayons un âge légal de départ à la retraite plus tardif pour tenir compte de l’allongement de la durée de la vie, chacun étant incité à travailler plus longtemps.
Le deuxième défi, c’est celui d’une économie décarbonée. Nous voulons devenir la première grande économie mondiale à être totalement décarbonée : zéro émission de CO2 ! Cela suppose des investissements supplémentaires dans le nucléaire, avec l’ouverture de nouveaux réacteurs, comme l’a annoncé le Président de la République, l’investissement dans des réacteurs de nouvelle génération, le financement d’installations pour l’hydrogène vert, toutes choses que nous avons déjà engagées.
Je veux souligner à quel point ce défi est difficile à relever et demande beaucoup de constance dans nos choix.
M. Bruno Retailleau. Surtout de la constance !
M. Bruno Le Maire, ministre. Prenez l’exemple d’Ascoval, une entreprise que nous avons sauvée dans le nord de la France. Cette aciérie est confrontée aujourd’hui, alors qu’elle est parfaitement rentable, à une augmentation du prix des matières premières et de l’électricité.
Nous avons apporté une première réponse à cette entreprise au travers d’un amendement voté à l’Assemblée nationale pour toutes les entreprises fortement consommatrices d’énergie. Celui-ci prévoit une compensation financière de l’augmentation des coûts de CO2, à hauteur de 150 millions d’euros, dont une partie sera spécifiquement consacrée à Ascoval. Cette entreprise est particulièrement concernée, car elle fonctionne avec un four électrique qui émet certes moins de CO2, mais qui est évidemment plus coûteux lorsque le prix de l’électricité augmente.
Notre deuxième réponse, c’est la réception ce soir, par le cabinet de la ministre de l’industrie, des dirigeants de Saarstahl, qui se sont engagés à commander un volume minimum de rails au moment de la reprise d’Ascoval. Nous ferons respecter cet engagement, de façon à ce que l’entreprise puisse continuer à fonctionner dans de bonnes conditions. Pour écarter toute ambiguïté sur le sujet et, surtout, toute crainte et toute inquiétude des ouvriers et des salariés, je précise qu’une délocalisation d’Ascoval est totalement exclue.
Enfin, le troisième et dernier défi, c’est évidemment celui des finances publiques. Nous les avons rétablies lors des deux premières années du quinquennat. Nous avons ensuite fait le choix d’engager des dépenses massives pour protéger les salariés et des entreprises. L’Institut des politiques publiques vient de l’indiquer très clairement, il était moins coûteux de dépenser de l’argent pour protéger les salariés, éviter l’explosion du chômage et les faillites de masse, que de laisser faire et d’avoir une crise économique et sociale avec, derrière, des coûts absolument considérables. Nous avons une dette de 115 % au moment où je vous parle ; elle aurait été, selon cet institut, de 126 % si nous n’avions pas dépensé d’argent public pour protéger les salariés et les entreprises.
Nous continuerons à le faire, car la réduction de la dette, progressive et déterminée, est un impératif pour la Nation. Cela passe par de la croissance ; cela passe également par les réformes que j’ai indiquées – assurance chômage et réforme des retraites – ; cela passe enfin par un budget adopté sous une forme pluriannuelle, de façon à avoir de la visibilité et un calendrier clair sur la réduction de cette dette. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Madame la présidente, monsieur le ministre – cher Bruno Le Maire –, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le contexte macroéconomique brossé par le ministre de l’économie à l’instant, nous avons préparé un projet de loi de finances pour 2022 autour de quelques priorités que je souhaite rappeler au début de ce débat.
Notre premier objectif est évidemment de tenir les engagements pris par le Président de la République depuis 2017 et de mettre en œuvre les priorités politiques qui sont celles du Gouvernement. C’est la raison pour laquelle le budget que nous vous présentons prévoit de revaloriser un certain nombre de budgets, en commençant par les crédits accordés aux fonctions régaliennes de l’État.
Ainsi, comme les années précédentes, nous vous proposons de respecter la loi de programmation militaire, avec une augmentation de 1,7 milliard d’euros des crédits. Les crédits du ministère de l’intérieur sont, quant à eux, augmentés de 1,5 milliard d’euros. Nous avions initialement prévu, lors du débat d’orientation sur les finances publiques, une augmentation de 987 millions d’euros, mais cette somme a été revue à la hausse pour tenir compte des conclusions du cycle de concertation dit de Beauvau.
De la même manière, nous vous proposons d’augmenter le budget du ministère de la justice de 8 % pour la deuxième année consécutive, soit une augmentation de crédits de 670 millions d’euros. Ainsi, en 2022, nous aurons non seulement rattrapé la trajectoire de la loi de programmation pour la justice, mais nous serons même au-delà, avec une exécution à laquelle nous veillons, et qui a été l’objet de discussions, hier, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances rectificative.
En parallèle, il est proposé de consacrer des crédits nouveaux à la préparation de l’avenir. Le budget du ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports sera ainsi augmenté de 1,7 milliard d’euros, dont 200 millions d’euros seront consacrés au financement par l’État de la participation obligatoire des employeurs publics à la protection sociale complémentaire, à l’instar de ce que nous avons prévu pour tous les ministères.
Le budget du ministère de l’enseignement supérieur sera, lui, augmenté de 700 millions d’euros, à la fois, pour respecter les engagements de la loi de programmation pour la recherche, à hauteur de 550 millions d’euros, et pour financer les mesures en faveur de la vie étudiante. Je pense notamment à la revalorisation des crédits consacrés aux bourses du fait de l’augmentation du nombre d’étudiants boursiers, mais aussi à des mesures d’accompagnement de la sortie de crise.
Préparer l’avenir, c’est aussi anticiper et accompagner la transition écologique. À cette fin, le budget du ministère de la transition écologique augmentera de 1,5 milliard d’euros, ce qui nous permettra, notamment, de maintenir le niveau des crédits consacrés à MaPrimeRénov’ à 2 milliards d’euros et, ainsi, de garder le même rythme d’accompagnement de la rénovation des logements.
Autre priorité, nous avons aussi voulu accorder une attention particulière à celles et ceux de nos concitoyens qui sont les plus fragiles, autrement dit à la question de la solidarité, dans toutes ses dimensions et à l’égard de tous les publics, qui sont très divers.
Nous vous proposons de maintenir 190 000 places d’hébergement d’urgence, avec une logique de gestion annuelle et non plus en saison, comme c’était le cas auparavant. Cela nous amène ainsi à maintenir le budget consacré à l’hébergement d’urgence à hauteur de 2,7 milliards d’euros. Je souligne qu’au début du quinquennat ces crédits s’élevaient à 1,8 milliard d’euros – l’augmentation est donc de 900 millions d’euros.
Nous souhaitons par ailleurs revaloriser les crédits consacrés à l’allocation aux adultes handicapés (AAH). Là encore, il s’agit d’un poste de dépenses qui a beaucoup augmenté depuis le début du quinquennat, avec un accroissement des crédits de 2,4 milliards d’euros en cinq ans. En complément, nous vous proposons de mettre en œuvre un engagement pris devant vous par ma collègue Sophie Cluzel, consistant à prévoir un abattement sur les revenus des bénéficiaires de l’AAH vivant en couple. Cela permettra à 110 000 allocataires de bénéficier d’une revalorisation de 110 euros par mois.
Toujours dans le domaine de la solidarité, nous voulons maintenir notre effort en matière de lutte contre les discriminations et en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Le total des crédits consacrés à cette thématique, lorsque l’on agrège tous les ministères, s’élève à 1 milliard d’euros. Les crédits pilotés directement par le ministère délégué à l’égalité entre les femmes et les hommes sont plus modestes – ils financent le 39 19, qui est désormais ouvert sept jours sur sept, et différents appels à projets. Ils s’élevaient à 28 millions d’euros voilà deux ans et seront de 51 millions d’euros cette année.
Par ailleurs, nous voulons mettre en avant les questions relatives à la solidarité internationale. Ainsi, comme les années précédentes, nous vous proposons d’augmenter de nouveau les crédits affectés à l’aide publique au développement, ce qui nous permettra, en 2022, de consacrer 0,55 % du revenu national brut à ce poste budgétaire, et ainsi d’avoir rempli l’engagement pris par le Président de la République, qui était d’atteindre le taux de 0,5 %. Ce budget est certainement l’un de ceux qui auront le plus évolué.
Toujours pour illustrer les orientations et les priorités de ce projet de loi de finances, je veux enfin m’arrêter un instant sur les relations financières entre l’État et les collectivités locales. Ce budget présente dans ce domaine des éléments de stabilité : la dotation globale de fonctionnement (DGF) est reconduite à hauteur de 26,8 milliards d’euros ; la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) est reconduite à hauteur de 1 milliard d’euros ; la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) est, elle aussi, reconduite à hauteur de 1 milliard d’euros, que nous allons revaloriser de 350 millions d’euros supplémentaires, avec la volonté de flécher principalement cette somme sur les projets inscrits dans les contrats de relance et de transition écologique, dont nous souhaitons la signature avec les intercommunalités.
S’agissant des relations financières entre l’État et les collectivités, nous voulons consacrer un principe de stabilité fiscale. Comme vous le savez, la fiscalité locale a beaucoup évolué, ce qui a occasionné des débats souvent longs et parfois même complexes entre le Gouvernement et la Haute Assemblée. Nous vous proposons donc la stabilité, avec la mise en œuvre d’une tranche supplémentaire de suppression de la taxe d’habitation, ce qui ne change pas désormais le panier de ressources des collectivités. C’est aussi au nom de cette stabilité que nous avons pris la décision de ne pas inscrire dans ce projet de loi de finances la réforme de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), que beaucoup attendaient, notamment du côté des opérateurs de téléphonie. Nous avons considéré qu’il fallait davantage de concertation afin d’aboutir à une réforme plus consensuelle que celle qui pouvait être évoquée.
Enfin, s’agissant toujours des collectivités, nous prévoyons des crédits supplémentaires pour accompagner un certain nombre de mesures importantes dans les territoires. Je pense à l’augmentation des crédits consacrés au Fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT), à hauteur de 35 millions d’euros, pour accompagner le déploiement des maisons France Services. Je pense aussi à l’augmentation des crédits du ministère chargé de la politique de la ville, pour 47 millions d’euros, à la fois pour accompagner le déploiement d’éducateurs spécialisés et pour financer 200 cités éducatives, puisque cette expérience a montré tout le bénéfice qu’elle pouvait apporter – nous souhaitons ainsi l’élargir.
Telles sont les priorités que nous finançons, et nous le faisons en respectant trois lignes directrices en matière budgétaires.
La première ligne directrice ne vous surprendra pas, puisque c’est celui que nous suivons depuis le début du quinquennat : il s’agit de l’allégement de la fiscalité. Ce projet de loi de finances, comme je viens de l’indiquer, met en œuvre la suppression d’une deuxième tranche de taxe d’habitation pour les 20 % de ménages qui la paient encore. De la même manière, nous achevons la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés. Ainsi, en 2022, l’engagement de voir l’ensemble des sociétés assujetties à un taux de 25 % sera tenu.
Cet engagement en matière de fiscalité nous permet d’atteindre nos objectifs. Nous reviendrons en 2022 à un taux de prélèvements obligatoires de 43,4 %, soit un taux équivalent à celui de 2010, ce qui signifie qu’en l’espace d’un quinquennat nous aurons effacé les conséquences en matière de prélèvements obligatoires des deux chocs fiscaux qui ont conduit à un relèvement de la fiscalité : celui, juste après 2010, qui a plutôt concerné les ménages, et celui de 2012-2013, qui portait davantage sur les entreprises.
La deuxième ligne directrice, c’est de continuer à mener un certain nombre de réformes. Nous aurons l’occasion de revenir, à l’article 3 en particulier, sur la mise en place d’une avance immédiate en ce qui concerne le crédit d’impôt pour les services à la personne et de vous proposer d’aller plus avant en matière de réforme de l’unification du recouvrement. D’autres réformes sont abordées, notamment en matière d’opérateurs et d’établissements.
Même si nous avons fait le choix de ne pas inscrire dans ce projet de loi de finances des mesures extrêmement structurées et dures, qui auraient peut-être été de nature à accélérer le redressement des finances publiques, nous continuons à moderniser et à simplifier à chaque fois que nous le pouvons. Notre volonté est d’accompagner la relance de la croissance, car c’est ce qui va nous permettre de faire face à nos engagements financiers. Nous ne voulons pas répéter l’erreur de vouloir redresser trop rapidement les comptes publics, au risque d’étouffer la croissance. C’est la raison pour laquelle nous sommes plutôt sur une voie de normalisation.
À cet égard, et j’en terminerai avec la troisième ligne directrice, le projet de budget marque la fin du « quoi qu’il en coûte », avec l’extinction des mesures d’urgence et la volonté d’aller au bout du plan de relance. Bruno Le Maire l’a indiqué, 70 % des mesures du plan seront mises en œuvre au 31 décembre prochain, et l’année 2022 nous permettra d’engager, et surtout de décaisser, les crédits correspondant au reste.
Hors dépenses consacrées au plan de relance et hors reste à payer consacré aux mesures d’urgence, les dépenses dites ordinaires de l’État sont donc maintenues et maîtrisées. Ainsi, nous vous proposons un projet de loi de finances qui s’appuie sur une hypothèse d’évolution des dépenses publiques hors relance et hors urgence, toutes administrations confondues, à 1 % en volume, ce qui est aussi le signe et l’illustration d’une forme de normalisation en matière de finances publiques.
Pour conclure, quels sont les résultats que nous vous proposons d’atteindre avec ce projet de loi de finances ?
Nous voulons d’abord respecter l’engagement que nous avons pris devant vous de décrue progressive du déficit public. Nous étions à 9,1 % en 2020, et nous serions, avec ce budget, à 8,2 % pour 2021, mais la perspective d’une croissance plus importante que celle que nous avions envisagée à la fin du mois d’octobre peut entraîner des recettes supplémentaires de nature à diminuer le déficit. Dans ces conditions, peut-être pourrions-nous espérer atteindre 8 %, voire 7,9 %. Enfin, nous serons sur un déficit égal ou inférieur à 5 % en 2022, ce qui est la marque d’une trajectoire de redressement et l’annonce d’un retour à une situation, qui, si elle reste dégradée, nous paraît un peu plus normale et soutenable.
Le niveau de la dette sera lui aussi moins important que prévu, comme je l’ai indiqué hier. Nous prévoyons pour 2022 une dette représentant 113,5 % du PIB, alors qu’il y a quelques mois encore nous craignions d’atteindre les 120 %.
Le poids de la dépense publique par rapport au PIB sera également revu à la baisse, à hauteur de 56 % à 57 %, ce qui correspond peu ou prou au niveau de 2018. Je rappelle que nous avions atteint 53,5 % en 2019. C’était également l’un des engagements qui avaient été pris.
S’agissant des prélèvements obligatoires, je l’ai déjà dit, nous serons à 43,4 %.
Ces quatre indicateurs tiennent compte de l’intégration par l’Assemblée nationale, à la fois, des crédits consacrés au plan d’investissement, des pertes de recettes que représente le bouclier tarifaire en matière énergétique, que nous avons proposé pour accompagner les Français face à la crise, ainsi que de la mise en œuvre de l’indemnité inflation, en grande partie portée par le projet de loi de finances rectificative.
Nous vous présentons donc un budget qui permet d’accompagner la relance, d’aller vers une forme de normalisation en matière de finances publiques et de tenir les engagements du Président de la République et de sa majorité. Je ne doute pas que les heures et les jours à venir de discussions sur ce budget nous permettront d’approfondir nos réflexions et d’améliorer le texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, l’an dernier, à la même place, nous ouvrions l’examen du projet de loi de finances dans le contexte d’un reconfinement de la France et du retour à grande force du virus de la covid-19.
Cette année, alors que la reprise économique s’avère plus forte que nous l’avions espérée au cours des derniers mois, c’est un budget livré « en kit » que nous nous apprêtons à discuter. Lors de son dépôt, le 22 septembre, il a même été qualifié d’incomplet par le Haut Conseil des finances publiques lui-même, dans la mesure où les principales mesures annoncées au cours des derniers mois, à savoir, notamment, le grand plan d’investissement, devenu France 2030, et le revenu d’engagement, devenu contrat d’engagement jeune, n’y figuraient pas.
Depuis, au gré des déplacements présidentiels et ministériels, de nouvelles annonces se font jour, se concrétisant, pour la plupart d’entre elles, dans le projet de loi de finances au fil de son examen à l’Assemblée nationale.
D’un budget incomplet, nous sommes passés, autant le dire, à un budget de campagne, assorti de mesures pour le moins hétéroclites. Il y en a pour tout le monde, ou presque !
Pour cela, l’exécutif profite d’une embellie économique inespérée, puisque la croissance pour 2021 pourrait atteindre plus de 6,6 %, et même 6,8 % – monsieur le ministre, je suis plutôt d’accord avec vous sur ce point.
L’ampleur de la reprise en 2021 constitue évidemment une bonne nouvelle et elle offre une rampe de lancement particulièrement favorable pour l’économie en 2022. Ainsi, dans l’hypothèse pessimiste où l’activité ne progresserait pas au cours du quatrième trimestre, l’acquis de croissance en 2022 pourrait s’élever à 1,8 %, niveau qui n’a été dépassé que trois fois en trente ans.
Pour autant, les conjoncturistes jugent que la prévision de croissance à 4 % en 2022 est optimiste, sachant que la forte croissance en 2021 témoigne davantage d’un rattrapage plus précoce que d’une amélioration de nos fondamentaux économiques.
En outre, d’importants aléas pèsent sur la croissance. Ainsi, le niveau de consommation des ménages pourrait, d’un côté, être porté par la libération de l’épargne de précaution accumulée pendant la crise épidémique et, de l’autre, être réduit sous l’effet de l’inflation, en particulier de la flambée des prix de l’énergie. Les données publiées par l’Insee à la fin du mois d’octobre invitent à considérer que les prévisions gouvernementales, auparavant crédibles, sont désormais dépassées, au moins pour 2021, avec une inflation de l’indice des prix à la consommation harmonisé de 2 %, contre 1,7 % prévu.
L’éventuelle poursuite de la hausse des prix de l’énergie pourrait réduire la croissance en pesant non seulement sur la consommation des ménages, mais aussi sur la compétitivité des entreprises. La direction du Trésor et l’Insee estiment, à cet égard, qu’une hausse de 10 dollars des prix du pétrole réduit le PIB d’environ 0,1 point l’année suivante.
Il faut, par ailleurs, garder à l’esprit que la question des prix de l’énergie s’articule avec l’augmentation tendancielle des prix des matières premières et des difficultés de recrutement : autant de facteurs qui ont in fine un impact sur les prix de vente et donc sur l’inflation ou sur la profitabilité et la compétitivité des entreprises.
Enfin, une reprise importante de l’épidémie de covid-19 ne serait, bien sûr, pas sans conséquence.
Face à ces aléas, le Gouvernement a apporté une réponse au fil de l’eau, en direction des ménages et des fournisseurs d’électricité.
S’agissant de l’état de nos finances publiques, je ne cache plus mon inquiétude. Depuis le début de l’épidémie, nous avons été soucieux de donner au Gouvernement les moyens d’agir dans l’urgence face à la crise, ainsi que pour la relance. Un volume important de dépenses ou de baisses de recettes a été autorisé pour soutenir notre économie, ce qui n’a pas été un mauvais choix : au sortir de la crise, nos capacités de production ont été préservées.
Pour autant, cette situation extraordinaire ne saurait avoir ni effacé la mémoire de notre commission ni exonéré le Gouvernement de toute responsabilité en matière de maîtrise des comptes publics.
Ainsi, contrairement à ses engagements pris en loi de programmation et à l’effort assez ambitieux qu’il s’était assigné, le Gouvernement a abandonné tout effort de maîtrise des dépenses à compter de 2019.
Concrètement, ce relâchement signifie que les dépenses primaires ont poursuivi une trajectoire de hausse très importante tout au long du quinquennat, avec une croissance en volume de l’ordre de 1,2 % par an. En comparaison avec les objectifs fixés en début de quinquennat, la dépense primaire devrait ainsi accuser un écart de 65 milliards d’euros en 2022.
Compte tenu du scénario de croissance et des dépenses nouvelles qui s’ajoutent à ce qui était prévu initialement dans le projet de loi de finances, le solde public atteindrait donc 5 % du PIB en 2022, avec un taux d’endettement de 113,5 %.
Est également particulièrement critiquable le fait que 40 milliards d’euros de dépenses primaires soient à ce jour constatés. La dernière fois que nous avions pu assister à une hausse de cette ampleur, c’était en 2017, à l’aube – est-ce une surprise ? – d’une autre campagne présidentielle.
Quoi qu’il en soit, le Gouvernement n’a pas voulu mettre à profit les bénéfices d’un regain inattendu de la croissance pour réduire notre endettement et assainir nos finances publiques.
J’observe que, parallèlement, les administrations publiques locales produisent, elles, les efforts demandés. Leurs dépenses de fonctionnement augmenteraient ainsi seulement de 0,9 % en volume en 2022, ce qui signifie qu’elles auraient progressé de 1,1 % en moyenne depuis 2019. Avouez, messieurs les ministres, que c’est un effort substantiel et méritoire de maîtrise des dépenses de la part des collectivités territoriales, dans la mesure où, sur une longue période, ces dépenses croissent tendanciellement d’environ 1,9 % par an en volume.
La stratégie affichée du Gouvernement en matière de maîtrise des comptes publics pour l’avenir ne laisse pas de m’inquiéter. Il propose en effet de limiter la croissance annuelle de la dépense primaire hors mesures d’urgence et de relance à 0,4 % par an en volume entre 2022 et 2027.
Un tel résultat serait empiriquement inédit, et je ne peux que redire combien il nécessite, pour être crédible, de déterminer et de présenter les moyens envisagés pour y parvenir. Or une telle documentation n’existe pas et le Gouvernement se contente, à ce stade, de donner une cible, sans préciser comment elle serait atteinte. En tout état de cause, ce n’est pas le budget 2022 qui amorcera le processus.
D’ailleurs, en pratique, le Gouvernement s’était déjà engagé sur un objectif comparable en début de quinquennat. Il réitère donc aujourd’hui une promesse qu’il n’a pas su tenir. Devant l’absence de résultats, la trajectoire proposée par le Gouvernement s’apparente, de mon point de vue, à une simple mesure d’affichage.
La crise sanitaire ne peut masquer ni le manque de sérieux budgétaire du Gouvernement au cours du quinquennat ni l’absence de perspectives crédibles d’amélioration des comptes publics. Pourtant, la maîtrise de la dépense publique et l’assainissement de nos comptes publics sont une nécessité absolue. Il y a une véritable urgence à transformer la simple promesse en un véritable engagement.
S’agissant plus précisément du budget de l’État, après un niveau inédit en 2021, avec un déficit de 205 milliards d’euros, selon les prévisions du projet de loi de finances rectificative de fin d’année, le budget 2022 affiche désormais un déficit qui reste particulièrement élevé, à 155,1 milliards d’euros, dont près de 12 milliards supplémentaires sous le seul effet des mesures adoptées par l’Assemblée nationale, tant en recettes, avec le bouclier tarifaire, qu’en dépenses. Le Gouvernement semble donc considérer que le niveau de déficit atteint au plus fort de la crise de 2009 et 2010 est désormais, en quelque sorte, un régime de croisière normal pour le paquebot de l’État.
Or ce paquebot s’alourdit d’une dette qui ne cesse de croître et de s’aggraver, avec des émissions nouvelles de 260 milliards d’euros pour la troisième année consécutive. À cet égard, le « remboursement » de la dette covid à hauteur de 1,9 milliard d’euros, proposé par le Gouvernement, n’est en réalité qu’un artifice comptable consistant à emprunter pour rembourser la dette, dont il ne réduit pas du tout le niveau.
Le déficit n’est pas dû aux recettes, qui bénéficient, elles, de la reprise économique. Le bouclier tarifaire introduit par amendement à l’Assemblée nationale réduit toutefois ces recettes de 5,3 milliards d’euros, mais cela sera certainement davantage, puisque ce chiffre a déjà été révisé à 5,9 milliards d’euros.
Le projet de loi de finances n’introduit pas de réforme fiscale de grande ampleur et se place dans la continuité des années précédentes. Sur l’ensemble du quinquennat, le niveau global des recettes fiscales nettes est stable, autour de 290 milliards d’euros, et on peut observer un choix marquant du Gouvernement consistant à transférer de plus en plus de parts de fiscalité à des tiers, tels que la sécurité sociale ou les collectivités : ainsi, la fiscalité affectée est désormais de 335 milliards d’euros et dépasse le montant des recettes fiscales revenant à l’État lui-même. Par conséquent, le surcroît des recettes qui résulterait de la croissance ne profiterait que partiellement à l’État, ce qui rendra le remboursement de la dette encore plus difficile.
C’est donc aux dépenses que le déficit est dû à titre principal. Le sujet est pour le moins mouvant, compte tenu des 277 amendements que l’Assemblée nationale a adoptés en seconde partie de la loi de finances, dont 113 présentés par le Gouvernement. Autant le budget déposé en septembre était famélique et incomplet, autant celui qui nous est transmis porte des mesures de dépenses en surabondance.
Rendez-vous compte : hors missions « Plan de relance » et « Plan d’urgence », les dépenses dites pilotables étaient, dès le dépôt du texte en septembre, donc avant les mesures nouvelles, en augmentation de 11,8 milliards d’euros, soit 4,1 %, à périmètre constant, par rapport à la loi de finances initiale pour 2021.
Les dépenses courantes continuent la progression qui a marqué l’ensemble du quinquennat, loin, très loin des objectifs de diminution fixés voilà quatre ans. Nous assistons là à une véritable dérive.
Et la quasi-totalité des missions du budget général est concernée par les augmentations de dépenses. Il y en a vraiment pour tout le monde ! Le plus marquant est bien sûr l’amendement, inédit sous la Ve République par son montant, qui ouvre 34 milliards d’euros d’autorisations d’engagement pour le plan d’investissement France 2030, dont nous ignorons toutes les modalités, et qui pèse déjà à hauteur de 3,5 milliards d’euros sur le solde en 2022.
Cet amendement est l’exemple même des mesures qui, prises en toute fin du quinquennat, augmentent les engagements de l’État et instaurent une contrainte à la hausse sur les dépenses des prochaines années et pour le prochain président de la République.
S’agissant enfin des emplois, 850 équivalents temps plein sont créés dans les ministères au titre des missions du budget général. Toutefois, le Gouvernement a réduit artificiellement les plafonds d’emplois de près de 7 000 équivalents temps plein travaillés en excluant tout simplement les apprentis de leur décompte. Sur l’ensemble du quinquennat, le nombre d’emplois est stable, le Gouvernement ayant totalement abandonné l’objectif initialement fixé d’une baisse de 50 000 emplois, tandis que la masse salariale poursuit inexorablement son augmentation.
En conclusion, la commission des finances a proposé d’adopter la première partie de ce projet de loi de finances, sans entrain et avec un nombre limité d’amendements techniques et de correction des dispositifs qui lui étaient transmis par l’Assemblée nationale.
Je lui proposerai demain matin, en complément, d’adopter deux amendements, déjà annoncés, qui me paraissent devoir être présentés du fait de l’importance de leurs sujets.
Le premier concerne les collectivités locales, car j’estime nécessaire de prévoir une compensation intégrale de la perte de recettes de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), estimée à 5 % en 2022. Il s’agit là non seulement d’une conséquence de la crise, du fait de la mécanique de cette cotisation, mais aussi d’une forme de reconnaissance et d’un juste retour de l’action et de la présence des collectivités territoriales, en première ligne pendant la crise.
Le second vise à s’attaquer à la fraude, puisque je proposerai un renforcement du dispositif de lutte contre les arbitrages de dividendes, pratique mise en lumière par l’affaire des « CumEx Files » en 2018 et contre laquelle la commission des finances avait déjà présenté un amendement.
Le sujet est revenu dans l’actualité et le bilan du dispositif a minima que l’Assemblée nationale a finalement adopté me semble insuffisant.
Du côté des dépenses, la commission a eu l’occasion de formuler lors de ses réunions de nombreuses critiques sur les choix politiques qui guident l’élaboration des budgets alloués à bien des politiques publiques. Cela nous a conduits à proposer de ne pas adopter les crédits de plusieurs missions et comptes d’affectation spéciale.
Ainsi peuvent être résumés les résultats des travaux de la commission des finances avant d’aborder l’examen en séance d’un budget à la fois évolutif et manifestement tourné vers la prochaine campagne présidentielle, dont il porte très clairement la marque. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous débutons l’examen en séance du projet de loi de finances pour 2022. Comme il est de tradition, je rappellerai qu’il succède à plusieurs semaines d’analyse approfondie du volet budgétaire et fiscal de ce texte en commission, depuis sa présentation en Conseil des ministres le 22 septembre dernier.
Le rapporteur général, les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis ont conduit un nombre considérable d’auditions pour se forger une opinion sur tous les aspects de ce budget, et je veux saluer leur engagement à l’ouverture de nos débats.
Cet engagement est d’autant plus méritoire que, dès l’origine, il nous a été indiqué que le budget 2022 serait complété « au fur et à mesure » des arbitrages présidentiels sans considération du temps nécessaire aux parlementaires pour évaluer les mesures nouvelles soumises à leur vote.
L’Assemblée nationale a ainsi été invitée à ouvrir pas moins de 34 milliards d’euros de crédits pour le plan France 2030 par voie d’amendement, un mois et demi après la présentation du projet de loi de finances, sans étude d’impact et avec une idée très schématique de la manière dont ils seront dépensés.
« Faites-nous confiance » – cela me rappelle la chanson du Livre de la jungle, « Confiance, aie confiance… » (Sourires.) – semble nous dire le Gouvernement, considérant manifestement qu’il n’appartient pas aux parlementaires d’examiner sérieusement l’opportunité d’engager ces dépenses.
Tout au plus pourrons-nous « plancher » a posteriori sur leur exécution, car nous en avons le droit. Cette méthode contrevient aux fondements mêmes de l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 aux termes duquel les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, et de la consentir librement, autrement dit de manière éclairée.
Au-delà de ce rappel de principe, j’en viens aux caractéristiques essentielles de ce projet de loi de finances, telles qu’elles apparaissent aujourd’hui.
Tout d’abord, ce budget est marqué par le retour bienvenu de la croissance, avec une estimation à hauteur de 4 % en 2022, après une croissance qui pourrait atteindre 6,75 % à 6,8 % cette année, si l’on en croit les dernières prévisions de la Banque de France. Certes, le PIB a fortement chuté en 2020 et retrouve tout juste son niveau de 2019, mais chacun pourra se réjouir du redémarrage de l’économie, même si celui-ci reste soumis à de nombreux aléas tant sanitaires qu’économiques et même s’il faut bien reconnaître que nous avons définitivement perdu près de 5 % de croissance entre 2020 et 2021.
Dans ce contexte, nous devons rester attentifs, d’une part, à consolider la croissance en ne mettant pas fin brutalement au soutien budgétaire, qui a d’ailleurs en partie contribué à l’alimenter, et, d’autre part, à ne pas laisser de côté certains de nos concitoyens. La hausse des prix de l’énergie et plus généralement le retour de l’inflation pèsent sur le budget des ménages les plus modestes, ce qui justifie un accompagnement ciblé, qui doit aller au-delà d’une aide ponctuelle.
À cet égard, l’indemnité inflation relève plus d’une solution ponctuelle que d’une réponse construite au défi posé par une hausse des prix qui risque de se poursuivre en 2022. Eurostat a estimé le taux d’inflation dans la zone euro au mois d’octobre dernier à 4,1 % sur un an, soit le taux le plus haut depuis 2008, et le chiffre atteint 6,2 % aux États-Unis. Il n’est pas possible à ce stade de savoir à quel moment aura lieu la décélération et les ménages constatent dès aujourd’hui l’effet de l’inflation sur leur pouvoir d’achat.
La crise que nous avons traversée a aussi eu des répercussions très fortes sur la jeunesse. Le contrat d’engagement jeune qui se substituerait à la garantie jeunes pour environ 400 000 jeunes sans emploi ni formation ou études n’est pas à la hauteur des enjeux, comme nous le savons tous. Il s’agit par ailleurs d’une réponse très tardive, dont l’entrée en vigueur est prévue en mars 2022, alors même que nous avions mis le sujet sur la table au Sénat dès le premier semestre 2020.
Le budget 2022 voit la plupart des missions budgétaires augmenter, ce qui ne surprend guère en période préélectorale. Le déficit s’établirait encore à 5 % du PIB en 2022, bien au-dessus de l’objectif de 3 %, et la dette s’élèverait à 113,5 % du PIB.
Messieurs les ministres, heureusement que nous n’avons pas pu voter dès 2019 la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques de MM. Woerth et Saint-Martin, car vous auriez été hors-jeu dès la première année !
Cependant, dans son rapport du 9 novembre dernier, le Fonds monétaire international (FMI) conseille d’ores et déjà à la France – il le fait sans qu’on lui ait demandé quoi que ce soit –, après l’élection présidentielle, « d’entreprendre un rééquilibrage progressif mais global des finances publiques » pour réduire son endettement. Et le FMI de considérer que « la poursuite des réformes déjà prévues, telles que celles des retraites, de l’assurance chômage et de la fonction publique, contribuerait considérablement au rééquilibrage nécessaire ».
Je regrette que ces préconisations sur les seules dépenses, qui rejoignent d’ailleurs celles de la Cour des comptes, omettent le fait qu’un budget résulte toujours d’un équilibre entre recettes et dépenses.
Le ministère des finances a lui-même calculé que ce quinquennat se sera traduit par près de 50 milliards d’euros d’allègement de la pression fiscale, dont la moitié sur les ménages et l’autre sur les entreprises.
Il est dommage que ces baisses d’impôt aient été faites à crédit. Ainsi, vous vous réjouissiez de la baisse des prélèvements obligatoires, monsieur le ministre. Vous avez toutefois oublié d’indiquer que cette baisse, que l’on aurait pu saluer si elle avait consisté à répartir une partie de la croissance, se traduisait en réalité par une hausse de la dette.
Pour les ménages, les réductions fiscales ont, nous le savons tous, d’abord profité aux catégories sociales les plus aisées. Les entreprises ont vu leur facture s’alléger sans contrepartie, qu’il s’agisse de la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés, mesure dont nous comprenons parfaitement l’esprit, ou de celle des impôts de production, dont nous ne partageons pas la philosophie.
Récemment, France Stratégie, confirmant les analyses que nous avions faites, a reconnu ne pas pouvoir démontrer que la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ou la création de la flat tax ait permis une réorientation de l’épargne vers le financement de l’économie. Nous sommes loin du « ruissellement » promis – si les services du Premier ministre le disent eux-mêmes, comment ne pas les croire ?
Enfin, malgré les annonces de l’OCDE, tout reste encore à construire en matière d’imposition des multinationales, notamment des entreprises du numérique, même si une première étape vient d’être passée, ce qui va dans le bon sens.
En conclusion, il me semble important pour le redressement à moyen terme de nos finances publiques, d’une part, de mettre fin au « désarmement fiscal » auquel il a été procédé au cours de ce quinquennat, afin de renforcer l’équité entre les citoyens et entre les générations ; d’autre part, de préparer l’avenir en veillant à ne pas sacrifier les dépenses durablement favorables à la croissance économique, au progrès social et environnemental, dans la lignée de la position exprimée par la Commission sur l’avenir des finances publiques. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – Mme Sophie Taillé-Polian applaudit également.)
Mme la présidente. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
Mme la présidente. Je suis saisie, par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, d’une motion n° I-559.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances pour 2022 (n° 162, 2021-2022).
La parole est à M. Éric Bocquet, pour la motion.
M. Éric Bocquet. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous voici arrivés au jour de l’ouverture de l’examen du projet de loi de finances pour 2022.
Il s’agira du dernier budget du quinquennat de M. Macron, aussi nous paraît-il judicieux de tirer un bilan global de ces cinq années. Nos collègues de la majorité sénatoriale eurent, il y a quelques semaines de cela, des mots très durs à l’endroit du présent budget. Voici, en effet, ce que vous déclariez, mes chers collègues : « Le Gouvernement n’envisage plus le projet de loi de finances que comme un bout de torchon et il ajoute ensuite des mesures au fur et à mesure. Mais la réponse est non. Ce n’est pas comme cela qu’on gère la France. »
J’ajoute cette seconde déclaration : « C’est vrai qu’on peut se poser la question de savoir si cela vaut la peine de perdre trois semaines pour corriger les imperfections d’un budget indécent ».
Notre groupe, lors de la discussion générale, déclinera ses propositions par la voix de nos collègues, Pascal Savoldelli, d’une part, et Céline Brulin, d’autre part, pour le volet particulier des collectivités.
Pour l’instant, afin d’expliquer ce qui nous a motivés à déposer cette question préalable, je tâcherai d’établir l’état des lieux de notre pays et de la société française au terme de ce quinquennat.
Notre pays reste profondément fracturé sur le plan social. La décision très emblématique du Gouvernement de supprimer l’ISF a finalement été un échec politique cuisant. C’est une étude récente de France Stratégie qui nous le dit. Le ruissellement annoncé ne s’est pas produit. Par contre, les revenus des 0,1 % les plus riches de notre pays ont explosé. Or cette mesure était censée « favoriser la croissance de notre tissu d’entreprises, stimuler l’investissement et l’innovation ».
S’il y a bien eu croissance, elle a surtout concerné le patrimoine des 500 plus grosses fortunes de France, qui a quasiment doublé sous le quinquennat de M. Macron, ce qui permit au magazine Challenges, en juillet dernier, de titrer : « Classement des fortunes de France : cru record en pleine année Covid ». Plus on est riche en France, plus on s’est démesurément enrichi. Si la fortune des 500 premiers milliardaires a crû de 30 %, celle des cinq premiers a grimpé de 45 % !
L’instauration du prélèvement forfaitaire unique a incontestablement eu des effets, puisqu’elle a entraîné une hausse de 60 % des dividendes distribués, les faisant passer de 14,3 milliards en 2017 à 23,2 milliards d’euros en 2018, et la hausse s’est poursuivie en 2019.
De plus, l’étude précitée indique que cette augmentation des dividendes est de plus en plus concentrée sur la population. En 2018, 0,1 % des foyers fiscaux, soit 38 000 personnes environ, ont perçu les deux tiers des montants totaux et les ultrariches, soit 0,01 % des foyers fiscaux ou 3 800 personnes, qui en captaient un cinquième, en ont reçu le tiers.
Tel est, mes chers collègues, le bilan vu du côté des patriciens ; tournons-nous désormais du côté des plébéiens. Voyons où en est la France des fins de mois difficiles, celle où la moindre dépense imprévue peut faire basculer dans la précarité.
Dans notre pays, en effet, un Français sur cinq a du mal à joindre les deux bouts. Est considéré comme pauvre celui dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté, fixé à 60 % du niveau de vie médian, soit aujourd’hui 1 063 euros pour une personne seule, à un peu moins de 200 euros du montant net du SMIC quand on y songe, mes chers collègues… Pas moins de 14,6 % de la population survit dans ces conditions.
Au-delà des statistiques froides, ce sont des situations humaines difficiles, parfois dramatiques, qu’il nous faut considérer. Un tiers de la population française puise dans ses économies pour boucler son budget et la moitié se déclare au moins en difficulté de logement, selon l’Insee.
En France, 2,3 millions de personnes vivent avec au mieux 735 euros par mois pour une personne seule et 4 millions de ménages doivent se contenter de minima sociaux, ce qui représente plus de 6 millions de personnes si l’on inclut les conjoints et les enfants.
Il y a aussi toutes celles et tous ceux qui connaissent l’insécurité alimentaire. Cette année, 5 millions de nos concitoyennes et concitoyens ont eu recours à l’aide alimentaire. La Fondation Abbé Pierre indiquait, dans un rapport publié la semaine dernière, que deux Français sur dix ont froid chez eux.
Certains allument le chauffage quand la température des chambres tombe sous les 14 degrés. Les 20 % des ménages les plus modestes consacrent 16 % de leurs revenus aux dépenses énergétiques, quand pour les 20 % des ménages les plus aisés le chiffre tombe à 4,5 %.
Certes, le Gouvernement se targue d’avoir rendu 24 milliards d’euros aux ménages. Il nous faut analyser ces données avec beaucoup de précision. En valeur absolue, ce sont bien les ménages les plus aisés qui ont bénéficié de ces gains, les ménages modestes n’étant pas ciblés par la suppression de la taxe d’habitation notamment, puisque, parmi les 20 % des ménages les plus pauvres, environ la moitié ne payait pas cette taxe.
Quand on examine la situation des retraités, on découvre des perdants qui ont subi l’augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG) en début du quinquennat et le quasi-gel des pensions. Précarité et pauvreté restent à un niveau très élevé dans notre pays. Peu de personnes arrivent à en sortir durablement et une partie importante de la population éprouve de plus en plus de difficultés à faire face aux dépenses courantes.
Au surplus, la plupart du temps, les améliorations proviennent d’opérations reposant sur des primes ou des exonérations quand la vraie réponse passerait par une hausse durable et sensible des salaires et des pensions. Comment s’étonner, dans ce contexte, que la question des salaires et du pouvoir d’achat soit devenue la première préoccupation de nos concitoyens ?
Or vous choisissez ce moment pour mettre en œuvre la réforme de l’assurance chômage, en vue de réaliser des économies budgétaires !
Votre saupoudrage de mesures ne peut suffire à constituer une réponse efficace à la problématique du pouvoir d’achat.
L’augmentation des prix de l’énergie et le léger sursaut d’inflation inquiètent légitimement le pays. Ainsi, 56 % des Français estiment que leur pouvoir d’achat a plutôt diminué sous la présidence de M. Macron.
Entre des classes moyennes et populaires insatisfaites, à 64 % et 56 % respectivement, et des classes aisées qui le sont bien moins, à seulement 19 %, l’image du « président des riches » est un véritable sparadrap.
À l’évidence, il n’y a pas eu dans ce quinquennat de réelle volonté de s’attaquer aux profondes inégalités qui traversent notre société. Les laisser ainsi s’accroître, c’est courir un très grand risque social et politique.
Oui, nous restons convaincus que l’impôt juste, équitable et progressif est une arme efficace contre ces problèmes. Nous pensons utile de rétablir un ISF rénové et renforcé. À celles et ceux qui disent que ce n’est pas avec cette seule mesure que l’on va redresser la France, nous rappellerons que les 5,2 milliards d’euros de recettes que cet impôt produisait avant sa suppression sont à mettre en regard des budgets présentés dans ce projet de loi de finances pour 2022 : 2,7 milliards d’euros pour l’agriculture, 3 milliards d’euros pour la culture, 1,6 milliard d’euros pour la jeunesse et la vie associative, 2,4 milliards d’euros pour les outre-mer, ou encore 4,9 milliards d’euros pour l’aide publique au développement. Ce budget ne prévoit aucune mesure fiscale nouvelle, alors que les besoins auxquels nous devons faire face sont immenses.
La question de savoir qui va payer la dette publique ne peut que renforcer notre inquiétude. En effet, la dette est l’argument absolu utilisé depuis longtemps par les gouvernements successifs pour justifier ce qu’ils désignent comme « la maîtrise » de la dépense publique – en réalité, il faut comprendre qu’il s’agit de sa « réduction ».
Le Gouvernement, après avoir fait le choix incontournable du « quoi qu’il en coûte » face à la pandémie s’apprête à présenter la facture aux Français. Cela a commencé avec la réforme de l’assurance chômage. Emmanuel Macron, président-candidat ou candidat-président, a déjà donné des gages aux libéraux sur « l’incontournable » réforme des retraites, qu’il mettrait en œuvre, dit-il, dès 2022… Nous voilà tous prévenus !
Pour ce dernier budget du quinquennat, les choix attendus par le pays n’ont à l’évidence pas été faits. Vous n’abandonnez pas le dogme de la baisse draconienne des dépenses publiques, prévue dans le cadre du programme de stabilité, puisque celle-ci constitue la contrepartie aux réductions d’impôts qui profitent aux plus fortunés de nos concitoyens. Vous proposez donc d’économiser sur la santé, le logement, les aides personnalisées au logement (APL), l’assurance chômage…
Un État fort doit être capable d’agir grâce à des marges budgétaires importantes, issues des recettes fiscales qu’il voudra se donner. Les Pandora Papers viennent de braquer une nouvelle fois les projecteurs sur l’argent soustrait aux caisses de l’État. Le Gouvernement avait annoncé, lors de ces révélations, qu’il procéderait à des vérifications. Au même moment, Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, réagissait vigoureusement face à ses homologues européens en donnant son accord pour que les Seychelles soient retirées de la liste des paradis fiscaux… Toujours cette ambivalence qui illustre le manque d’une véritable volonté politique du Gouvernement de s’attaquer radicalement à ce scandale de notre temps !
Pourtant, les sommes en cause dans ces différentes révélations sont absolument vertigineuses. Votre action, globalement, s’apparente davantage à un saupoudrage cosmétique qu’à une intervention en profondeur. Ce budget devrait mobiliser les crédits nécessaires aux grands investissements de la transition écologique. La récente COP26 de Glasgow a montré à quel point des moyens financiers considérables devaient être engagés.
Consacrer 10 milliards d’euros par an à la rénovation des bâtiments publics et des logements permettrait par exemple de réduire la consommation énergétique des ménages, donc leur facture.
Cinq années après le vote du premier budget de votre quinquennat, ce dernier projet de loi de finances s’inscrit dans les standards de la philosophie macroniste. En 2022, la baisse des impôts se poursuivra. Les plus riches gagneront encore 5 milliards d’euros grâce au dégrèvement de la taxe d’habitation et les plus grandes entreprises bénéficieront de l’abaissement à 25 % du taux de l’impôt sur les sociétés.
Nous savons que la possibilité de présenter une motion portant question préalable est une idée qui a traversé l’esprit de plusieurs de nos collègues de la majorité sénatoriale. Il ne s’agit pas de faire l’école buissonnière ; notre groupe soumet donc cette motion au débat. C’est toute la logique de cette construction budgétaire qu’il convient de rejeter. Il incombe désormais à chacune et chacun d’entre nous de s’exprimer sur le sujet, en pleine lucidité et en pleine responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Pour répondre aux arguments développés par Éric Bocquet, je précise que nous sommes un certain nombre, sur les travées de cette assemblée, à partager des observations qui ont été formulées ; à l’inverse, nous sommes aussi un certain nombre, notamment dans le groupe Les Républicains, à ne pas approuver les raisons qui motivent le dépôt de cette motion.
C’est la raison pour laquelle la commission a décidé, ce matin, de rejeter la motion.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. M. Bocquet s’est fait le procureur du bilan du quinquennat – il est dans son rôle – et je m’en ferai l’avocat, en montrant, je l’espère, un peu plus de finesse et de justesse d’analyse qu’il ne l’a fait (Protestations.), et davantage d’honnêteté quant à la réalité du pays.
Je suis le premier à constater, dans ma circonscription et lors de mes déplacements, que des millions de Français sont encore dans la difficulté, que le taux de pauvreté reste trop élevé pour un pays développé comme le nôtre, que nos concitoyens sont des millions à avoir du mal à joindre les deux bouts, à s’inquiéter de l’augmentation du prix du gaz et de l’électricité, à compter chaque euro dans les dépenses quotidiennes – je sais tout cela, bien entendu.
Cependant, le bilan que nous tirons de ce quinquennat, avec Olivier Dussopt, c’est que nous avons ouvert des perspectives pour les Français et que nous avons amélioré la vie de millions d’entre eux qui cherchaient un travail, qui en ont trouvé et qui bénéficient, à l’heure où je vous parle, d’une meilleure rémunération que celle dont ils pouvaient disposer au début du quinquennat. (Mme Laurence Cohen proteste.)
Mme Éliane Assassi. Les Français n’ont donc plus à s’inquiéter !
M. Bruno Le Maire, ministre. La lutte contre les inégalités est au cœur de ce que nous voulons construire politiquement et notre stratégie consiste à aller nous attaquer aux inégalités en les prenant à la racine.
La divergence d’analyse est ici intéressante : alors que vous voulez tout corriger par l’impôt, nous voulons le faire par l’éducation, la formation et la qualification.
Vous croyez à une redistribution toujours plus forte dans un pays dont le taux d’imposition est le plus élevé de tous les pays développés et où une immense majorité de Français ont exprimé un ras-le-bol fiscal salutaire. L’augmentation des impôts ne peut pas être une solution dans une Nation où le taux de prélèvements obligatoires est le plus élevé de tous les pays développés. Si les impôts faisaient le bonheur des gens, nous serions la Nation la plus heureuse de la planète ; ce n’est pas le cas.
Je conteste donc votre proposition politique, car j’estime que c’est la voie qui a été empruntée pendant des décennies et des décennies, et qui a contribué au malheur français. Quand vous retirez à ceux qui travaillent une trop grande partie du produit de ce travail, ne vous étonnez pas que le désespoir, le malheur et la désespérance se développent dans notre pays.
Mme Laurence Cohen. C’est plutôt là le fruit de votre politique !
M. Bruno Le Maire, ministre. Nous avons pris les problèmes à la racine. Nous avons dédoublé les classes dans les zones d’éducation prioritaire, nous nous sommes attachés à donner une chance à tous ceux qui en avaient le moins, au départ, dans leur situation scolaire. Désormais, 300 000 enfants sont dans des classes de douze élèves, alors qu’ils étaient auparavant dans des classes de vingt-cinq ou trente élèves. Cette chance est offerte à chacun d’entre eux pour réduire les inégalités et cela donne des résultats.
Nous n’avons pas laissé de côté les plus fragiles. L’étude de l’Institut des politiques publiques à laquelle vous faites référence omet un certain nombre de données, notamment le fait que nous avons, en 2018, augmenté l’intégralité des minima sociaux.
On estime que parce que la décision a été prise sous le quinquennat de François Hollande, mais adoptée sous celui d’Emmanuel Macron, il ne faudrait pas la mettre au compte de ce dernier. Je considère au contraire que l’augmentation générale des minima sociaux décidée en 2018 doit être portée au compte du Président de la République, comme doit l’être aussi le remboursement à 100 % des soins optiques et des soins dentaires, ou l’augmentation des prestations pour les bénéficiaires dont le niveau de revenus est le plus fragile.
Tous ces éléments corrigent l’analyse réalisée par l’Institut des politiques publiques.
Enfin, nous avons une ligne directrice – vous pouvez la contester, c’est le mérite du débat démocratique. Néanmoins, elle existe, et la politique économique de la majorité tient tout entière dans un mot : « travail ». Le travail, le travail, le travail !
Il s’agit d’abord de développer le travail pour tous, de faire en sorte que chacun puisse trouver un emploi, de faire baisser le taux de chômage. Nous avons livré un combat sans relâche pour cela, qui a commencé à donner des résultats.
Vous devriez vous réjouir, monsieur Bocquet, que la crise économique actuelle n’ait pas produit des centaines de milliers de chômeurs supplémentaires, ce qui aurait dû être le cas, si nous n’avions pas fait le choix de financer l’activité partielle. Nous avons mis sur la table 35 milliards d’euros pour éviter les licenciements de salariés, les pertes de compétences et les drames sociaux partout en France. Aucune autre majorité n’a eu le courage d’investir autant d’argent dans l’activité partielle pour éviter un drame social ou politique et pour faire en sorte de protéger l’emploi dans notre pays !
Telle est notre ligne conductrice : le travail, le travail, le travail. Et du travail qui paie – vous devriez vous retrouver dans cet objectif ! Prenez la prime d’activité, soit 10 milliards d’euros par an, que vous votez pour que ceux dont le niveau de rémunération est le plus faible puissent avoir un revenu décent.
Mme Laurence Cohen. Plutôt que des primes, augmentez les salaires !
M. Bruno Le Maire, ministre. La suppression des cotisations patronales, la défiscalisation des heures supplémentaires, la défiscalisation des pourboires, la suppression de la taxe à 20 % sur l’intéressement et sur la participation, tout cela permet de mieux associer les salariés aux résultats de l’entreprise, de sorte qu’un salarié rémunéré au niveau du SMIC pourra toucher non pas 1 270 euros net par mois, mais presque 1 500 euros. Certains candidats de la droite en ont rêvé, nous l’avons fait pendant ce quinquennat (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), en garantissant à ces salariés, j’insiste, près de 1 500 euros net par mois grâce aux aides de l’État, car nous croyons au travail qui paie.
Il est vrai, effectivement, qu’à nos yeux il est bon que les Français gardent une partie du produit de leur travail et que tout ne leur soit pas pris par les impôts. Nous avons baissé de 26 milliards d’euros les impôts sur les ménages. Je considère que cette mesure est juste et efficace.
Quant à la baisse de l’impôt sur le revenu, monsieur Bocquet, je rappelle qu’elle a été concentrée en priorité sur les ménages dont le niveau de revenus est le plus modeste.
Le résultat de toutes ces mesures, quel est-il ? Nous créons de l’emploi, la croissance est de retour : nous allons dans la bonne direction.
Sans mésestimer la colère et le désespoir de beaucoup de Français, qui, je l’ai dit, ont le sentiment que l’horizon est bouché, j’affirme que nous avons ouvert une voie, axée sur une idée simple : un travail pour chacun, garantissant une vie digne et permettant de se construire et de trouver sa place dans la société. Je considère que cette voie est la bonne pour la France.
Pour ce qui est des inégalités internationales, monsieur Bocquet, je pense que nous devrions tous être fiers : c’est la France qui a pris la tête de la coalition qui a décroché, après six mois de combats, 100 milliards de dollars pour aider les pays les plus fragiles via les droits de tirage spéciaux émis par le FMI. Les pays en développement n’ont consacré que 2,5 % de leur richesse à la protection de leur économie et à la relance, contre 25 % pour les pays développés. C’est la France qui a promu cette idée d’une réduction des inégalités entre le Nord et le Sud, afin d’éviter une grande divergence.
Nous pouvons également tirer une fierté collective du combat pour une fiscalité internationale plus juste que nous avons livré depuis près de cinq ans. Nous avons réussi à relever le défi que représentait cette inégalité fiscale internationale en obtenant un impôt minimum et, enfin, une taxation des géants du digital.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud, pour explication de vote.
M. Didier Rambaud. Éric Bocquet et ses collègues du groupe CRCE ne seront pas surpris d’apprendre que nous ne voterons pas cette question préalable. Cela dit, je préfère la clarté et le courage de leurs propos et de leur action à l’attitude qui consiste à travailler pour rien pendant trois jours avant de baisser le rideau dès mardi prochain !
Nos concitoyens attendent que nous votions ce budget, dont plusieurs mesures ont été annoncées par le Président de la République. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ils attendent le vote de l’indemnité inflation, l’adoption du bouclier tarifaire pour faire face à la hausse des prix de l’énergie, l’adoption des crédits nécessaires au fonctionnement de la justice et de l’éducation. Les collectivités territoriales, elles, attendent le vote des dotations.
Le rôle du Sénat est justement de discuter, d’amender, de supprimer des dispositions et d’en créer de nouvelles.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas ce qu’a écrit Bruno Le Maire dans son livre !
M. Didier Rambaud. Là est notre rôle ; nous ne devons pas renoncer à notre responsabilité de législateurs en nous empêchant d’adopter des mesures qui sont très attendues par les Français !
Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.
M. Emmanuel Capus. Depuis quinze jours, les couloirs bruissent de l’intention du groupe Les Républicains de déposer une question préalable. Je me réjouis qu’en définitive il n’en soit rien. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Par nature, le groupe Les Indépendants est hostile à ce type de question préalable, qui revient à se tirer une balle dans le pied…
Mme Éliane Assassi. Toujours les mêmes raccourcis !
M. Emmanuel Capus. … en se privant du débat !
Mme Éliane Assassi. Nous sommes ici pour faire de la politique !
M. Emmanuel Capus. L’une de nos collègues, interrogée par Public Sénat, soutenait d’ailleurs, voilà quinze jours, qu’il serait intéressant que le débat ait lieu sur ce dernier budget du quinquennat. La crise a été sérieusement ressentie, indiquait-elle, ajoutant que le débat serait nécessaire et qu’il serait bon que chaque formation puisse donner son point de vue. C’est Éliane Assassi qui s’exprimait ainsi le 25 octobre dernier.
Comme elle, je pense qu’il est intéressant de faire de la politique. Les Français, néanmoins, doivent s’y perdre un peu, puisqu’en quinze jours notre collègue a changé totalement d’avis. Le 25 octobre, elle était hostile à la question préalable dans l’hypothèse où le groupe LR en déposerait une ; elle y est favorable aujourd’hui, la motion dont nous discutons émanant de son groupe !
Elle précisait d’ailleurs que les motions déposées par son groupe dans le passé visaient parfois à « rejeter », parfois à obtenir la « possibilité de s’exprimer » – j’en déduis, jusqu’à preuve du contraire, qu’en l’espèce il ne s’agit que de bénéficier d’une intervention supplémentaire,…
Mme Éliane Assassi. Cela s’appelle faire de la politique, mais vous n’en faites plus depuis longtemps !
M. Emmanuel Capus. En tout état de cause, le groupe Les Indépendants aurait rejeté cette question préalable : par principe, nous devons débattre de l’ensemble des questions posées.
Mme Laurence Cohen. C’est très mauvais d’agir par principe !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.
M. Michel Canévet. Les membres du groupe Union Centriste souhaitent que nous puissions débattre du budget de la France, qui définit les grandes orientations de notre pays pour demain.
Nous n’imaginons pas du tout arrêter la discussion à ce stade, alors que nous avons tant à dire, car il s’agit d’apporter des réponses aux besoins de nos concitoyens et d’assurer le développement harmonieux de notre pays. Comme M. le ministre vient de le rappeler, les enjeux sont considérables, en matière de décarbonation notamment.
Nous souhaitons donc que ce projet de loi de finances soit examiné ; c’est pourquoi nous ne voterons pas la question préalable.
Mme Éliane Assassi. Mais vous ne voterez pas les recettes ni, partant, n’examinerez les dépenses !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Je serais tenté de voter la question préalable, non pas que je partage les idées d’Éric Bocquet, mais, quitte à achever l’examen de ce texte mardi, pourquoi ne pas finir dès ce soir ? (Rires et applaudissements.)
Néanmoins, mon groupe est par principe hostile aux questions préalables, qui nous empêchent de débattre ; nous ne la voterons donc pas.
M. Emmanuel Capus. Excellent !
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° I-559, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de finances.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 47 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Pour l’adoption | 15 |
Contre | 316 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Discussion générale (suite)
Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bernard Delcros. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Emmanuel Capus applaudit également.) – (M. le ministre quitte l’hémicycle.)
Mme Éliane Assassi. M. Le Maire nous quitte déjà ?
M. Roger Karoutchi. Record battu, malgré tout…
M. Éric Bocquet. Veni, vidi, vici !
M. Bernard Delcros. Madame la présidente, monsieur le ministre chargé des comptes publics, mes chers collègues, l’examen du budget de la Nation est pour nous une étape incontournable de la vie parlementaire et, à travers elle, de la vie démocratique du pays.
Ce projet de loi de finances pour 2022 n’échappe évidemment pas à cette règle. Il doit ouvrir la voie de l’après-crise, c’est-à-dire d’une reprise réussie, fondée sur une croissance qui ne saurait être conçue sur le modèle des années 1970 et 1980, mais serait bien plutôt mise au service de l’environnement, de la cohésion sociale, de la cohésion territoriale et de la souveraineté.
Avec l’extinction progressive de la mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire », ce projet de loi de finances acte la fin des dispositifs financiers qui avaient prévalu pour faire face à la crise.
L’intervention massive de l’État, en 2020 et 2021, pour soutenir le tissu productif et le tissu social, pour préserver nos entreprises d’une vague de faillites et leurs salariés du chômage, aura engendré une reprise extrêmement rapide et dynamique de l’activité économique. Cela a été rappelé : la croissance pourrait s’élever en 2021 à 6,6 %, voire 6,8 % selon certaines prévisions. En 2022, elle pourrait s’établir à 4 %. En outre, le taux de chômage est au plus bas depuis treize ans. Nous nous en réjouissons, bien sûr !
Mais ce soutien de l’État, nécessaire durant la crise – nous l’avons d’ailleurs soutenu via plusieurs projets de loi de finances rectificative –, s’est immanquablement traduit par une dégradation importante des ratios de finances publiques. S’il est inévitable que la dette publique augmente dans de telles proportions en période de crise et de récession, il nous paraît désormais indispensable d’en reprendre le contrôle pour en assurer la soutenabilité.
Nous devons donc nous fixer un cap pour accélérer la décrue du déficit public, de façon à stabiliser dès que possible le poids de la dette par rapport à notre produit intérieur brut.
Pour notre part, nous sommes convaincus qu’une croissance vertueuse y pourvoira. Une lutte plus efficace contre la fraude et l’évasion fiscales pourrait aussi y contribuer. Notre groupe fera des propositions en ce sens ; nos collègues Sylvie Vermeillet et Michel Canévet auront l’occasion d’y revenir dans un instant.
M. Emmanuel Capus. Très bien !
M. Bernard Delcros. De même, la bonne tenue de l’investissement privé ne doit pas faire oublier l’impératif de justice fiscale. C’est pourquoi le groupe Union Centriste vous proposera de supprimer une niche fiscale implicite sur la transmission du nouveau plan d’épargne retraite issu de la loi Pacte, la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises.
M. Vincent Segouin. Bonne idée !
M. Bernard Delcros. Une faille dans le mécanisme permet en effet aux foyers les plus aisés d’échapper à une partie de leur impôt sur le revenu – pour un montant d’un peu plus de 3 milliards d’euros tout de même !
Ce projet de budget pour 2022 constitue également la dernière étape dans la trajectoire de baisse du taux de l’impôt sur les sociétés. Alors que celui-ci a été abaissé de plus de 33 % en 2017 à 25 % en 2022, il est intéressant de constater que la recette de cet impôt a connu, au cours de cette même période, une très forte augmentation, supérieure à 30 %, même si plusieurs facteurs expliquent ce résultat.
La première partie de ce projet de loi de finances, dont nous entamons aujourd’hui l’examen, ne contient au bout du compte qu’une seule mesure fiscale nouvelle d’un montant significatif, le bouclier tarifaire en matière d’énergie. Le gel des tarifs réglementés du gaz, le plafonnement de l’augmentation des tarifs réglementés de l’électricité, le rehaussement du chèque énergie pour 6 millions de ménages et le complément prévu dans le dernier PLFR forment un bloc indispensable pour préserver autant faire se peut le pouvoir d’achat des Français dont les revenus sont les plus modestes.
Pour ce qui concerne plus particulièrement les collectivités locales, qui contribuent activement, on le sait, à la vie des territoires, il est indispensable de maintenir leur capacité à investir. La dotation globale de fonctionnement (DGF) ayant diminué de 25 % avant de connaître une stabilisation au cours des cinq dernières années, nous devrons à l’avenir, et au-delà de 2022, réexaminer son évolution au regard du rebond de l’inflation.
Je tiens enfin à saluer les avancées contenues dans ce projet de loi de finances en faveur des collectivités les plus fragiles, les collectivités rurales notamment : hausse de la péréquation de 190 millions d’euros en faveur des communes, doublement des crédits affectés à la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et la valorisation des aménités rurales, désormais ouverte aux communes membres d’un parc naturel régional, prorogation jusqu’à la fin de l’année 2023 de plusieurs zonages, les zones de revitalisation rurale (ZRR) notamment. Nous nous sommes particulièrement investis, ces derniers mois, en faveur de ces avancées, comme en témoigne la mobilisation de notre collègue Charles Guené.
Vous l’aurez compris : notre groupe souhaite procéder à l’examen de ce projet de loi de finances. Nous avons formulé un certain nombre de propositions, dont nous espérons qu’elles retiendront votre attention. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi de finances est – déjà ! – le dernier du quinquennat, qui n’aura pas manqué d’événements imprévus. Elle est loin, en effet, l’époque où nous examinions le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, qui prévoyait, pour 2022, un déficit public effectif de 0,3 %, un déficit structurel de 0,8 % et un taux d’endettement public de 91,4 % du PIB !
Ce projet tient lieu également de bilan pour un quinquennat jalonné de réformes économiques et fiscales.
La suppression progressive de la taxe d’habitation sur les résidences principales, tout d’abord, est l’une des grandes mesures de pouvoir d’achat de ce quinquennat. Elle a toutefois suscité de nombreux besoins de compensation pour les collectivités territoriales, encore renforcés par les pertes de recettes subies depuis le début de la crise sanitaire. Ces dispositifs de compensation, dont la mise en œuvre est toujours en cours, feront l’objet de plusieurs amendements à l’occasion de l’examen de cette première partie.
Autres mesures emblématiques du début de ce quinquennat : la transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI) et l’instauration d’une flat tax sur les revenus du capital.
La réduction du taux d’imposition sur les bénéfices des sociétés, destinée à renforcer l’attractivité de notre pays, s’est aussi poursuivie, malgré quelques contretemps budgétaires en début de législature puis au moment du mouvement des gilets jaunes.
Le Gouvernement avait également fait une priorité de la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisses de cotisations, pour le coût « modique » de 20 milliards d’euros.
Il faut citer enfin, dans le cadre du plan de relance lancé à la fin de l’année dernière, la baisse des impôts dits de production, qui figurait également dans les cartons de l’exécutif. Cette dernière mesure n’est pas sans conséquence sur les finances des collectivités locales…
Les objectifs ambitieux annoncés en début de mandat quant à la réduction des effectifs de l’État semblent avoir fait long feu, quoiqu’ils fussent jugés insuffisants par certains, à la droite de cet hémicycle. Il est vrai que la transformation de l’administration est un processus complexe, qui nécessite du temps, de la stabilité et l’association des agents concernés. Elle s’est poursuivie néanmoins, en particulier au sein de l’administration de Bercy.
L’un des principaux points d’achoppement reste la fiscalité environnementale ; corollaire : la mise en œuvre de la transition énergétique s’en trouve obérée. Alors que la dernière réunion de la COP vient de s’achever à Glasgow, les difficultés rencontrées là où il s’agit de répondre véritablement au défi du changement climatique semblent toujours immenses, pour ne pas dire insurmontables.
La fiscalité énergétique représente une part importante, souvent très technique, des débats sur la loi de finances. Nous relayons chaque année des propositions visant notamment à encourager le développement de carburants alternatifs, tout en restant soucieux de l’équilibre financier des entreprises et de l’équité pour les ménages engagés dans cette transition énergétique.
Autre point d’achoppement majeur : l’ajournement de la réforme des retraites du fait de la crise sanitaire. Si son opportunité pouvait faire débat en 2019, le retour de déficits importants dans l’ensemble des comptes de la sécurité sociale laisse imaginer quels efforts seront nécessaires dans les années à venir, quoi qu’on en dise pendant la prochaine campagne électorale. Il est néanmoins certain qu’une telle réforme ne pouvait être engagée par le biais d’un simple amendement au PLFSS.
À l’exception notable de ces deux dernières années, marquées par les mesures d’urgence et le « quoi qu’il en coûte » face à la crise sanitaire, des efforts réels d’amélioration et de transparence ont été faits dans la gestion des finances publiques : moindre recours aux décrets d’avance, qui contournent l’autorisation parlementaire, limitation du PLFR de fin d’année à un texte de fin de gestion, travaux menés à l’Assemblée nationale en vue d’une modernisation de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, qui ont débouché, un peu tardivement il est vrai, sur une proposition de loi et une proposition de loi organique de modernisation de la gestion des finances publiques, contenant principalement des mesures techniques.
Mon exposé serait incomplet si j’omettais d’évoquer la mise en place du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu ; cette réforme s’est avérée plutôt consensuelle, bien que le calcul de l’impôt ait pu, dans certains cas, gagner en complexité.
Sur le plan des dépenses, ce quinquennat aura été marqué par le renforcement des budgets régaliens, défense, intérieur, justice, mais aussi par un réinvestissement dans l’enseignement, sans oublier le système de santé, qui s’est retrouvé au cœur de la crise sanitaire.
Les relations ont parfois été rugueuses, en début de quinquennat, entre les collectivités territoriales et un gouvernement du « nouveau monde » qui n’était pas toujours au fait des réalités qu’elles connaissent. La seconde moitié du mandat aura été plus consensuelle, l’exécutif se montrant véritablement à l’écoute des difficultés rencontrées par les responsables locaux et désireux d’apporter des solutions dans le cadre de réformes telles que la loi Engagement et proximité.
Je souhaite à ce stade évoquer les contraintes inhérentes au statut de parlementaire lors de l’examen des projets de loi, recevabilité financière définie par l’inflexible article 40 de la Constitution et règles anti-cavaliers. Ces dispositions limitant l’initiative parlementaire, qui découlent du parlementarisme rationalisé cher aux fondateurs de la Ve République, ne s’appliquent bien sûr pas au Gouvernement, lequel doit néanmoins répondre de ses actes devant la Commission européenne.
L’examen au Sénat de ce PLF pour 2022 intervient, une fois encore – hélas –, dans un contexte de rebond de la crise épidémique du covid-19. Je note toutefois que les nombreux dispositifs de soutien émanant de nos travées et de l’action gouvernementale ont bel et bien porté leurs fruits.
Le taux de croissance devrait en effet dépasser cette année les 6 %. Il est inutile de se réjouir trop vite : nous nous trouvons dans une situation de rattrapage par rapport à 2020, et non dans un schéma de pleine reprise économique. Concernant le budget de l’année 2022, je note une hausse des dépenses de 12 milliards d’euros ; ainsi l’objectif de dépenses totales de l’État s’établit-il à 495 milliards d’euros.
Autre nouvelle a priori satisfaisante : le déficit budgétaire diminuerait de 3,5 points de PIB, passant de 8,2 % en 2021 à 4,8 % du PIB en 2022. Quant à la dette publique, elle s’élèverait à 114 % en 2022, contre 115,6 % en 2021.
Enfin, le texte prévoit une hausse des recettes fiscales de l’État de 13,4 milliards d’euros par rapport à la prévision révisée pour 2021, celles-ci s’établissant dès lors à 292 milliards d’euros. L’objectif est clair : le projet de budget pour 2022 a pour ambition d’illustrer, selon les mots du Gouvernement lui-même, une « normalisation progressive des finances publiques », bien qu’il recoure encore fortement à la dépense publique, comme l’ont montré les amendements déposés et adoptés à l’Assemblée nationale.
Comme chaque année, mon groupe formulera plusieurs propositions d’amendements.
Je citerai notre traditionnel amendement « Caillaux » sur l’impôt citoyen, que nous avons néanmoins adapté aux réalités fiscales d’aujourd’hui, afin de prendre en compte en particulier la contribution sociale généralisée (CSG). Nous défendrons aussi plusieurs amendements de soutien aux acteurs publics locaux, notamment les maires – à cet égard, je salue leur participation au congrès annuel qui a fait son grand retour, ces derniers jours, après son annulation l’an dernier.
Nous proposerons également des amendements d’aide aux associations, en reprenant la proposition de loi de notre collègue Éric Gold visant à encourager les dons et adhésions aux associations à vocation sportive et culturelle. Nous n’oublions pas les associations d’aide aux plus démunis, puisque nous demanderons la prolongation du relèvement du plafond du dispositif « Coluche ».
Nous présenterons également d’utiles mesures de soutien à l’agriculture et à la viticulture, ainsi qu’un amendement tendant à relever d’un point la taxation des grandes entreprises du numérique, qui ne s’acquittent toujours pas du juste impôt qu’elles devraient payer au titre de leurs activités dans notre pays.
En tant que rapporteur spécial, avec Michel Canévet, des crédits de la mission « Aide publique au développement », j’ai à cœur de défendre une politique, parfois critiquée, qui constitue à la fois un outil de coopération avec les pays du Sud et un élément de rayonnement de la France dans le monde.
J’ai relevé par ailleurs des mesures qui auront des conséquences importantes dans les domaines concernés : la poursuite de la reprise de la dette ferroviaire à hauteur de 10 milliards d’euros, l’expérimentation de la recentralisation du RSA dans les départements volontaires, les multiples mesures prises en faveur des professionnels indépendants ou encore la réforme par ordonnance du régime de responsabilité des comptables publics.
Je conclurai mon intervention par une brève considération sur la période qui s’ouvre : nous savons bien qu’un budget préélectoral peut comporter des mesures exceptionnelles. Alors que les citoyens seront bientôt appelés à se prononcer dans le cadre du rendez-vous politique majeur de notre pays, mon groupe tient à rappeler son attachement au débat parlementaire dans sa plénitude : examiner les textes dans leur totalité est le moyen dont nous disposons pour formuler des propositions constructives et honorer le mandat qui nous a été confié par nos électeurs. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Rémi Féraud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’an dernier, nous débutons l’examen de ce projet de loi de finances dans un contexte incertain. Notre pays connaît certes, à l’instar de ses voisins européens, une reprise de l’économie, mais il fait face aussi à un regain de l’épidémie. Or il est difficile de mesurer aujourd’hui les conséquences budgétaires exactes d’une éventuelle cinquième vague. Je crois donc qu’il faut, comme l’an dernier, prendre avec prudence l’ensemble des prévisions réalisées.
Il s’agit aussi du dernier projet de loi de finances du quinquennat ; l’occasion nous est donc offerte de revenir sur la politique économique et fiscale menée depuis cinq ans.
La législature s’est ouverte sur la suppression de l’ISF et l’exécutif n’a cessé, depuis, de privilégier les entreprises et les plus riches de nos concitoyens : instauration de la flat tax sur les revenus du capital ; baisse des impôts de production pour les entreprises, même les plus prospères ; inconditionnalité des aides aux entreprises, tant en matière sociale qu’en matière environnementale ; hausse de la CSG pour une grande partie des Français ; prolongation, votée l’an dernier, de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) ; abandon de la politique du logement et baisse des aides personnalisées au logement (APL), dont la ministre Wargon s’est félicitée qu’elle ait permis 1,1 milliard d’euros d’économies quand tant de Français modestes, de jeunes, de familles, vivent des situations très difficiles.
Si la liste est longue, la finalité est toujours la même : ce sont les catégories populaires et la classe moyenne qui doivent payer la facture, mais aussi les générations futures, via l’accroissement du déficit et de la dette. Et ce sont les plus riches et les entreprises – même les plus grandes, même celles qui font le plus de bénéfices – qui sont préservés, pour des raisons idéologiques.
La sortie de crise offrait au Gouvernement l’occasion de se remettre en question et de changer de modèle. Elle révèle, à rebours, le cœur de sa politique économique et fiscale : une politique injuste, douce avec les riches, mais dure avec ceux qui sont déjà le plus en difficulté, comme l’illustre la réforme de l’assurance chômage. Et que dire du recul de l’âge de la retraite, présenté comme indispensable par le ministre de l’économie voilà un instant ? Le Président de la République dit pourtant le contraire – en tout cas pour l’instant ! Les Français doivent se méfier de cette contradiction, qui relève soit du double discours soit de la navigation à vue.
Le groupe socialiste n’a jamais cru à la théorie du ruissellement : en plus d’être inefficace, elle renforce les inégalités. Comme l’a montré France Stratégie, qui dépend pourtant de Matignon, les entreprises dont les actionnaires étaient assujettis à l’ISF avant 2017 ou perçoivent des dividendes qui se sont trouvés moins taxés après l’instauration de la flat tax n’ont pas investi davantage.
Au regard des quelques années de recul dont nous disposons sur les réformes fiscales engagées depuis cinq ans, il est désormais clair que les premiers de cordée ne sont pas naturellement partageux avec les premiers de corvée. Pour ce qui est de l’absence de politique volontariste de redistribution, les différences entre la droite sénatoriale et le Gouvernement relèvent souvent de l’épaisseur du trait. Comme l’a dit Bruno Le Maire : ce dont certains candidats de la droite rêvaient, le Gouvernement, lui, l’a fait.
Bien sûr – nous ne sommes pas sectaires –, certaines mesures et décisions que prend le Gouvernement vont dans le bon sens. Sur les grandes orientations, toutefois, nous sommes en profond désaccord ; en la matière, monsieur le ministre, le débat démocratique me paraît indispensable.
Que dire par ailleurs de la méthode du Gouvernement ?
Que dire du plan France 2030, doté de 34 milliards d’euros en autorisations d’engagement et introduit par voie d’amendement à l’Assemblée nationale ? Ce plan démontre en réalité l’insuffisance du plan de relance lui-même, comme nous avons déjà eu l’occasion de le souligner.
Ainsi que l’a indiqué notre collègue députée Christine Pires Beaune, le montant cumulé des crédits introduits dans le texte par voie d’amendement à l’Assemblée nationale représente 7 % du budget total en autorisations d’engagement – excusez du peu.
Les parlementaires ne sont d’ailleurs pas les seuls à s’en offusquer puisque, pour la première fois, le Haut Conseil des finances publiques a refusé d’émettre un avis sur le volet dépenses du projet de loi de finances. Cette méthode permettant en outre au Gouvernement de s’affranchir de toute étude d’impact, tout cela ne nous paraît ni sérieux ni respectueux des droits du Parlement.
Je le sais bien, la période de précampagne présidentielle n’est pas pour rien dans cette situation. Personne n’est dupe : ces annonces s’apparentent davantage à de la communication et à du saupoudrage qu’à une réelle volonté de résoudre les problèmes auxquels le pays et nos concitoyens sont confrontés.
Un budget qui était, au mois de septembre, incomplet, à trous, est devenu, au mois de novembre, un budget électoraliste, au service du candidat-président sortant. Voilà ce qui caractérise le PLF 2022.
Et pourtant, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain souhaite en débattre intégralement, en recettes comme en dépenses.
Puisque nous n’avons pas voté la question préalable présentée par le groupe communiste,…
M. Emmanuel Capus. Très bien !
M. Rémi Féraud. … pourquoi ne discuterions-nous de ce projet de budget qu’à moitié ? Pourquoi nous arrêterions-nous au milieu du chemin ?
Enfin, je dirai quelques mots du pouvoir d’achat.
Sa hausse, annoncée à grand renfort de communication par le Gouvernement, est elle aussi à nuancer – j’emploie là un euphémisme –, comme l’a souligné l’Institut des politiques publiques (IPP) dans une étude publiée cette semaine. Je note à cet égard qu’une fois encore Bruno Le Maire a contesté toutes les expertises indépendantes publiées sur le sujet ces derniers temps. Cela commence à faire beaucoup d’éléments objectifs mis en doute par le Gouvernement…
Les économistes de l’Institut des politiques publiques, disais-je, ont simulé l’effet des mesures fiscales et sociales mises en œuvre pendant le quinquennat sur le niveau de vie des ménages. Mais, contrairement à la direction générale du Trésor, qui a classé les ménages par décile, l’IPP les a répartis en cent catégories, selon leur niveau de vie. Le ministre a déclaré que cette étude était incomplète ; je crois surtout qu’elle est plus précise.
Le résultat est en tout cas sans appel : les simulations montrent bien une légère – je dis bien « légère » – augmentation du niveau de vie de l’ensemble des Français, aujourd’hui contrecarrée par l’accélération de l’inflation, sauf pour les 5 % des Français les plus modestes. En effet, sur les cinq années passées, ces derniers auraient perdu jusqu’à 0,5 % de leur pouvoir d’achat, quand le 1 % des Français les plus riches a vu le sien augmenter de 3 %. Cet écart est encore plus important si l’on prend en compte le 0,1 % des Français les plus aisés.
Et le fossé entre les deux extrêmes est plus frappant encore lorsqu’on l’exprime en euros et non en pourcentages.
On retrouve le fil conducteur de la politique budgétaire et fiscale du Gouvernement : une injustice qui accroît les inégalités sans dynamiser la croissance. C’est l’échec du ruissellement ! Rien dans ce projet de budget pour 2022 ne vient malheureusement rectifier cette trajectoire. Nous ne saurions donc nous y reconnaître. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Daniel Salmon et Mme Sophie Taillé-Polian applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Une petite éclaircie pour le Gouvernement ! (Sourires.)
M. Didier Rambaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce cinquième projet de loi de finances de la législature, dont nous entamons l’examen, est un budget inédit, d’abord parce que c’est le dernier du quinquennat, ensuite et surtout parce que c’est le budget des promesses tenues, de la sortie de crise, de l’avenir de la France par la relance. (M. le président de la commission s’esclaffe.)
Et, n’en déplaise à ses contradicteurs, ce budget est également un budget sincère et cohérent, mais j’aurai l’occasion d’y revenir.
Le PLF pour 2022 traduit la poursuite de la mise en œuvre des engagements pris par le Président de la République depuis 2017 : tout faire pour améliorer la compétitivité de notre économie et augmenter le pouvoir d’achat des Français. C’est la relance par la compétitivité qui nous permet de financer notre modèle de protection sociale et d’accompagner les plus vulnérables au cœur de la crise.
Poursuivre la mise en œuvre des engagements pris, disais-je, cela passe par la baisse historique des impôts, à hauteur de plus de 50 milliards d’euros par an. Les résultats sont là, puisque le taux de prélèvements obligatoires s’établit désormais à 43,5 % du PIB, soit son niveau le plus bas depuis 2011 !
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Vous oubliez de parler de la dette qui va avec !
M. Didier Rambaud. C’est au prix de cet effort que le pouvoir d’achat des ménages a pu augmenter de façon continue depuis 2017 – l’Insee, dans de récentes publications, évalue cette hausse à 8 %. Encore une promesse tenue !
La stratégie du Président de la République porte ses fruits. Avec le PLF pour 2022, nous allons au bout de nos engagements en achevant la grande réforme fiscale engagée dès le début du quinquennat.
Ainsi, nous atteignons la cible de la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés, dont le taux sera désormais de 25 % pour toutes les entreprises, et nous achevons la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales, qui concernera enfin 100 % des Français en 2022.
Des paroles aux actes, il y a parfois un long chemin. Depuis 2017, la majorité présidentielle, elle, aura tenu ses engagements.
C’est le budget des promesses tenues, donc, mais aussi un budget adapté et prudent en vue de la sortie de crise. La politique du « quoi qu’il en coûte » était nécessaire, mais elle a surtout été efficace ! Sans elle, combien de faillites inévitables aurait-on eu à déplorer ?
Les mesures de soutien prises par le Gouvernement ont limité les conséquences économiques et sociales de cette crise sans précédent. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) l’a rappelé dans une nouvelle étude publiée aujourd’hui : la reprise passera par une mise en œuvre rapide et efficace des plans France Relance et France 2030. Nous serons au rendez-vous !
Mais ce n’est pas tout. Les mesures de soutien ont surtout permis le rebond rapide de notre économie. En témoignent les principaux indicateurs économiques : le taux de croissance s’établit à 6,25 % et le taux de chômage a retrouvé son niveau d’avant-crise. Rendez-vous compte qu’entre juillet et septembre 2,5 millions d’embauches environ ont été enregistrées dans notre pays. C’est une première depuis plus de vingt ans !
L’État a été au rendez-vous avec des dispositifs ciblés mais flexibles face à un virus qui a tant de fois déjoué les pronostics.
Permettez-moi de rappeler en quelques chiffres l’ampleur de ce soutien.
L’activité partielle est financée à hauteur de 35 milliards d’euros. Plus de 2 millions d’entreprises, dont 99 % de TPE-PME, bénéficient du fonds de solidarité. Les exonérations de charges et les prêts garantis par l’État, eux, auront profité à plus de 685 000 entreprises. Au total, ce sont près de 80 milliards d’euros qui ont été mobilisés de 2020 à 2022 dans le cadre de la mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire ». Ces financements auront été la clé de voûte de la reprise.
Aujourd’hui, l’amélioration de l’activité nous conduit à rester prudents et à redéfinir un certain nombre de dispositifs. Les nouveaux scénarios de croissance et la réduction du déficit public, qui sera quasiment divisé par deux en 2022 et devrait atteindre un niveau inférieur à 5 %, apportent leur lot de bonnes nouvelles.
Il serait toutefois dangereux d’arrêter brutalement les dispositifs de soutien en pleine phase de reprise et de laisser les entreprises face au mur de la dette. C’est pourquoi la date limite d’octroi des prêts garantis par l’État a été prolongée du 30 juin au 31 décembre 2021.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Non, jusqu’au 30 juin 2022 !
M. Didier Rambaud. Ce budget est inédit, également, compte tenu des défis auxquels nous devons faire face.
Nous devons redresser nos finances publiques en résorbant le déficit, tout en accompagnant la reprise.
Le défi est de taille ; là est toute l’ambition de ce budget, à la croisée des chemins entre la sortie de l’urgence et la préparation de l’avenir. Cette ambition passe par une redéfinition de nos grandes priorités et devra tracer un chemin pour les dix années qui viennent, en commençant par une relance durable via l’accélération de la transition écologique. Dans ce projet de budget, 1,5 milliard d’euros supplémentaires sont ainsi alloués au ministère de la transition écologique.
Pour reprendre en main le destin de notre pays, le Président de la République s’est engagé à renforcer l’indépendance de la France dans de nombreux secteurs d’avenir comme l’hydrogène, l’aéronautique ou les biomédicaments. Je parle bien entendu du plan France 2030, doté de 34 milliards d’euros sur cinq ans, inscrits dans le présent PLF.
Nous avions promis de réarmer notre pays en matière de financement des missions régaliennes de l’État. Une fois encore, l’engagement sera tenu.
Ainsi, 1,7 milliard d’euros de crédits supplémentaires sont alloués à l’armée, dans le respect de la loi de programmation militaire, et 1,5 milliard d’euros au ministère de l’intérieur, au lendemain du Beauvau de la sécurité.
Quant au budget de la justice, il augmente de 8 % en 2022, pour la deuxième année consécutive. C’est une hausse historique au service des justiciables et de ceux qui travaillent au quotidien à ce que la justice soit bien et vite rendue – tous les gouvernements précédents y avaient renoncé. Ce PLF consacre une revalorisation historique du budget destiné à l’aide juridictionnelle, qui s’est accru de près de 30 % depuis 2016.
Nous nous étions engagés à renforcer les moyens du régalien : l’engagement sera tenu.
Relancer la France ne sera évidemment possible qu’avec le soutien des collectivités territoriales.
Préservée grâce au soutien de l’État durant la crise sanitaire, la situation des finances locales s’améliore nettement en 2021. Malgré des disparités, chaque niveau de collectivité bénéfice en réalité d’une hausse de ses recettes.
Les chiffres sont éloquents : +2,6 % pour les recettes réelles de fonctionnement du bloc communal, +4 % pour les recettes des départements, qui profitent de la forte croissance des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), +2,6 % pour les ressources des régions, protégées par la structure de leur budget et par la hausse de la TVA.
On peut dès lors s’étonner de la position de M. le rapporteur général de la commission des finances, qui défend la compensation des pertes de recettes de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) alors que l’engagement du Gouvernement a précisément consisté à préserver l’équilibre global des recettes des collectivités, et non à compenser isolément certaines recettes, quand d’autres augmentent fortement. Que l’on ne vienne pas nous parler ensuite de promesses électorales !
Et pourtant, je n’oublie pas que les collectivités ont besoin d’un soutien fort et durable de l’État. Avec ce budget, l’engagement pris depuis 2017 est tenu. Ainsi les dotations de fonctionnement sont-elles stables pour la cinquième année consécutive.
L’expérimentation d’une recentralisation du RSA permettra aux départements qui le souhaitent de se consacrer pleinement à leur mission d’insertion des demandeurs d’emploi, tandis que l’État reprendra à sa charge le risque lié à l’augmentation du nombre de bénéficiaires – les départements en formulent la demande depuis de nombreuses années.
En 2022, le soutien à l’investissement local atteint un niveau record, 2,3 milliards d’euros, en hausse de 276 millions d’euros par rapport à 2021.
Je veux également insister sur la solidarité entre les territoires : ce projet de loi de finances la favorise via la mise en place d’un nouveau système de péréquation horizontale, élaboré en collaboration avec les régions.
Chacun, dans cette assemblée, porte une attention particulière à nos territoires et aux élus qui les font vivre au quotidien ; or, vous le constatez, mes chers collègues, les concours financiers de l’État aux collectivités territoriales progressent de 525 millions d’euros par rapport à 2021.
À aucun moment nous ne nous sommes servis de la crise pour baisser les dotations. Bien au contraire, les collectivités se portent aujourd’hui mieux qu’en 2017 grâce à une augmentation de leurs investissements, de leur épargne brute et de leur trésorerie. Je n’oublie pas que nos élus locaux n’ont pas ménagé leurs efforts et méritent la confiance renouvelée que leur accorde l’État à travers ces moyens financiers nouveaux.
Ce projet de loi de finances est un budget pour l’avenir des territoires. Le plan de relance ouvre notamment 1,2 milliard d’euros de crédits pour soutenir les actions en matière d’emploi ou d’infrastructures de transport fluvial et ferroviaire.
Notre jeunesse a besoin de retrouver sa liberté. Cela passe notamment par la promotion de la pratique sportive dans nos territoires, sujet qui m’est cher.
L’enveloppe exceptionnelle du Pass’Sport sera ainsi augmentée de 100 millions d’euros ; quant au plan destiné à créer ou à moderniser 5 000 équipements sportifs de proximité d’ici 2024, il sera financé à hauteur de 200 millions d’euros.
Je souhaite aussi dire un mot d’une des mesures phares de ce budget inédit, le contrat d’engagement jeune.
Pas moins de 550 millions d’euros seront consacrés à ce dispositif qui n’est pas, contrairement à ce qu’affirment certains, un « RSA jeunes ». Et pour cause, c’est un contrat, avec des droits et des devoirs ! Notre objectif est clair : aider au moins 400 000 jeunes en 2022.
Certains qualifient ce projet de loi de finances d’électoraliste ; d’autres parlent d’un budget insincère, voire incohérent.
Je compte répondre à ces accusations.
L’insincérité, tout d’abord : il me semble que les mots ont un sens. Le PLF était certes incomplet lors de sa présentation à l’Assemblée nationale – nous l’avons reconnu –, car il faut du temps pour élaborer des dispositifs destinés à durer…
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Vous ramez !
M. Didier Rambaud. … et à dessiner l’avenir de notre pays pour les dix années à venir, mais il n’était pas insincère. Le Haut Conseil des finances publiques a d’ailleurs reconnu que le terme d’« insincérité » n’était pas approprié.
Mes chers collègues, je l’affirme aujourd’hui à cette tribune : ce budget est complet, sincère et cohérent !
M. Didier Mandelli. Mais oui, bien sûr !
M. Didier Rambaud. Crame-t-il la caisse ? Symbolise-t-il un chéquier illimité destiné à faire campagne ? Certains candidats n’ont pas manqué de créativité ou de mauvaise foi pour le dénoncer, souvent, d’ailleurs, de façon contradictoire. Peut-on, dans le même temps, parler d’une cagnotte constituée sur le dos des Français et dénoncer un budget qui ferait sauter toutes les digues et « cramerait la caisse » ?
Je mets nos détracteurs au défi de nous proposer la suppression de l’une ou l’autre de ces mesures,…
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Nous l’avons fait hier !
M. Didier Rambaud. … sans doute parce qu’au fond ils en approuvent chacune des composantes.
Veulent-ils revenir sur l’augmentation de l’aide juridictionnelle ? Veulent-ils renoncer à l’augmentation des bourses sur critères sociaux, aux revalorisations décidées lors du Ségur de la santé ?
J’observe du reste que ces mêmes responsables politiques ne refuseront évidemment pas que l’État vienne au secours d’Île-de-France Mobilités pour 800 millions d’euros cette année, après un versement de 1,2 milliard d’euros l’an passé ! Peut-être manquent-ils un peu de cohérence, ou de créativité et d’imagination… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mes chers collègues, ce budget protège largement nos concitoyens, et c’est heureux, car les Français font aujourd’hui face à une situation alarmante en raison de l’inflation.
Mme la présidente. Veuillez conclure.
M. Didier Rambaud. Le bouclier tarifaire voté pour contrer la hausse des prix de l’énergie, ce sont 5 milliards d’euros rendus au Français.
Mme la présidente. Il faut conclure.
M. Didier Rambaud. Parce que les choix actuels sont déterminants pour l’avenir de la France et de notre relance, et parce que le projet de loi de finances pour 2022 est un budget sincère et complet, le groupe RDPI soutiendra avec résolution l’adoption de ce texte !
Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Capus. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. Emmanuel Capus. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il existe deux méthodes pour analyser le dernier budget d’un quinquennat : on peut l’examiner soit à l’aune du quinquennat qui s’ouvre soit à l’aune de celui qui se termine.
Si l’on retient la première méthode, le projet de loi de finances pour 2022 se résume à une rampe de lancement en vue du prochain quinquennat, donc des élections d’avril 2022. Rien n’y est sincère, tout y est troublé par les jeux politiques. Les positions des uns et des autres répondent à des tactiques qui n’ont, au fond, pas grand-chose à voir avec la gestion des finances publiques.
Si l’on adopte la seconde méthode, le projet de loi de finances pour 2022 révèle la politique menée depuis 2017. Il fait apparaître les succès et les échecs, les avancées et les lacunes. Bref, il permet de dresser un bilan de l’action gouvernementale.
Pour ne rien vous cacher, monsieur le ministre, mes chers collègues, je crains que nous cédions cette année aux sirènes de la première méthode. Je tâcherai pour ma part, humblement, d’éviter cet écueil, mais je pense utile d’aborder d’emblée les critiques qui sont adressées à ce budget.
On dit de ce projet de loi de finances pour 2022 qu’il est insincère et incomplet.
Insincère, parce que les mesures qu’il contient ne répondraient qu’à des objectifs strictement électoraux. Incomplet, parce que le texte a été, depuis sa présentation en conseil des ministres, augmenté de nombreuses mesures, au gré des annonces de l’exécutif.
Sur ce second point, si l’on préfère voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide, on peut dire que le Gouvernement a complété le texte au fur et à mesure. Cette situation présente au moins un avantage pour le Sénat : nous aurons le loisir, pour ce qui nous concerne, de débattre d’un texte complet, du moins je l’espère. Nos collègues députés ne peuvent pas en dire autant.
Quoi qu’il en soit, il est légitime d’affirmer que nous entamons l’examen de ce texte dans l’incertitude. En effet, beaucoup des mesures qui ont été introduites par voie d’amendement lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale continuent de susciter des interrogations. J’espère que nos débats permettront d’y apporter des réponses. C’est l’une des principales prérogatives du Parlement que de voter le budget. Le président du Sénat lui-même l’a dit : nous sommes en droit de savoir exactement ce que nous votons.
Un exemple : en tant que rapporteurs spéciaux des crédits de la mission « Travail et emploi », ma collègue Sophie Taillé-Polian et moi-même avons été directement confrontés à la difficulté d’en savoir davantage sur le contrat d’engagement jeune. À l’instar de nombreux collègues de la majorité sénatoriale, j’ai été rassuré de constater qu’il ne s’agissait pas, sous couvert d’un nouvel acronyme, d’un RSA jeunes. La mesure vise au contraire à renforcer la garantie jeunes, qui a fait ses preuves. Reste à trouver la meilleure manière de l’articuler avec les dispositifs existants.
Ainsi présenté, ce contrat d’engagement semble cibler les publics les plus éloignés du marché de l’emploi, ceux-là mêmes qui ne bénéficient pas de l’amélioration du marché du travail. Ce nouveau dispositif est également susceptible de simplifier le panel des solutions proposées aux jeunes. Il offre donc davantage de lisibilité et de clarté aux acteurs de terrain.
Cependant, le Sénat, dans sa grande diversité, demeure très attaché au rôle que jouent les missions locales dans le maillage des politiques d’insertion des jeunes.
À cet égard, monsieur le ministre, force est de constater que la lente incubation du dispositif dans les arcanes de Bercy, puis sa précipitation brutale dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale n’ont pas permis d’atténuer toutes les inquiétudes. J’espère que nous aurons l’occasion d’en débattre : c’est ainsi que nous pourrons faire entendre la voix des élus dans l’élaboration de ce budget.
Pour ce qui concerne le premier point, à savoir la prétendue insincérité du budget, nos débats, là encore, devraient permettre de lever les doutes sur certaines des interrogations légitimes qui ont été formulées.
Mais toutes ces interrogations, pour légitimes qu’elles soient, font moins signe, à mon sens, vers l’insincérité du budget qu’elles ne l’envisagent sous l’angle de la grande incertitude liée à la situation sanitaire de la France, de l’Europe et du monde.
Or nous nous trouvons aujourd’hui dans une conjoncture des plus paradoxales.
D’une part, la reprise économique est forte. Les bons résultats valident la stratégie, adoptée par le Gouvernement et approuvée par le Parlement, de soutien aux entreprises et aux ménages. Le taux de chômage est au plus bas depuis quinze ans. La croissance, dont le taux s’est établi à plus de 6 % en 2020 et à plus de 4 % en 2021, atteint des niveaux qui rappellent presque les Trente Glorieuses. L’inflation, que l’on croyait disparue en Europe, fait son retour en France et inquiète jusqu’en Allemagne.
D’autre part, l’épidémie menace de reprendre partout dans le monde, en Europe plus vigoureusement qu’ailleurs. En Allemagne, justement, l’augmentation fulgurante du nombre de cas incite à la plus grande vigilance sanitaire.
Surtout, cette instabilité chronique nous oblige à naviguer à vue en matière économique, car les indicateurs conjoncturels ne valent désormais plus que pour quelques mois, si ce n’est pour quelques semaines.
Pour ne pas nous égarer, nous devons nous en remettre à notre boussole. Il s’agit de combiner le court terme et le long terme, d’articuler la tactique et la stratégie, de parer à l’urgence présente, tout en préparant l’avenir.
À cet égard, il me semble que ce projet de budget prolonge clairement le sillon tracé depuis 2018, malgré l’enchaînement des crises sociale, économique et sanitaire. Un simple coup d’œil dans le rétroviseur permet de nous assurer que nous n’avons pas dévié de notre chemin.
La baisse des prélèvements obligatoires se poursuit de façon massive, tant pour les ménages que pour les entreprises, même s’il faut encore l’accentuer.
Les ménages bénéficient d’une revalorisation du barème de l’impôt sur le revenu destinée à neutraliser les effets de l’inflation, ainsi que de la suppression de la taxe d’habitation pour tous les Français.
Pour les entreprises, le Gouvernement propose de maintenir la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés et des impôts de production. Ces mesures doivent nous permettre d’accélérer la réindustrialisation de notre pays et de conserver les centres de décision en France, en évitant de futures délocalisations. Elles font même dire à certains élus de gauche qu’il s’agit d’un budget de droite…
Le message envoyé est clair : la France valorise mieux le travail. Les efforts de nos concitoyens paient mieux. Leur niveau de vie s’améliore, et l’État les protège en cas de coup dur. Cette stratégie du Gouvernement a de quoi rassurer tous les tenants d’un gaullisme social fondé sur la promotion du travail.
M. Roger Karoutchi. N’exagérons rien !
M. Emmanuel Capus. Dans cette logique, je tiens aussi à insister sur les diverses mesures qui déclinent, au niveau fiscal, le plan Indépendants.
Celles-ci visent à compléter le projet de loi que nous avons adopté le mois dernier, et qui permettra de simplifier la vie de tous les indépendants, de tous les commerçants, de tous les artisans, de tous les libéraux, bref, de tous ceux qui, en France, se font une certaine idée de l’autonomie et du travail.
Nous ferons plusieurs propositions pour amplifier la portée de ces mesures et soutenir ces hommes et ces femmes ; ils ont tenu bon pendant la crise et ne doivent pas être les grands oubliés de la reprise.
C’est une question de justice fiscale, c’est-à-dire de répartition équitable des contributions selon les efforts et les mérites. La justice fiscale ne saurait se réduire à une formule toute faite, que l’on utiliserait à l’envi pour taxer davantage les Français. Elle doit permettre de mieux rémunérer le travail et le mérite.
À cet égard, la commission des finances défendra, par la voix de M. le rapporteur général, un amendement important sur la compensation des pertes de recettes de CVAE pour les collectivités territoriales.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. En effet !
M. Emmanuel Capus. La politique fiscale du Gouvernement, qui a allégé le fardeau fiscal qui pesait sur les ménages et sur les entreprises, ne doit pas se faire aux dépens des collectivités locales. Notre groupe accueille donc favorablement la proposition de la commission, qui renforcera le consentement à l’impôt dans nos territoires et qui, à elle seule, justifierait que nous votions la première partie de ce projet de loi de finances. (M. le rapporteur général s’esclaffe.)
Au travers de ce budget, le Gouvernement continue de tracer la ligne claire qu’il s’est attaché à dessiner tout au long du quinquennat. Elle consiste à renforcer l’autorité de l’État dans ses missions régaliennes, en consolidant les crédits des armées, de la justice et de la police. Depuis 2017, nous affirmons notre attachement à cet engagement, et nous persistons dans cette voie.
La commission des finances ne s’y est d’ailleurs pas trompée en adoptant les crédits de chacune de ces missions régaliennes. Ce faisant, nous nous donnons les moyens de remettre de l’ordre dans notre pays. C’est ce qu’attendent les Français, mais ces efforts…
Mme la présidente. Veuillez conclure.
M. Emmanuel Capus. … ne doivent pas se faire au détriment de notre souveraineté économique. C’est pourquoi il nous faudra, sans tarder, remettre de l’ordre dans nos finances publiques. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur général applaudit également.)
Vous pouvez l’applaudir, c’est la première femme à intervenir…
Mme Christine Lavarde. Merci, madame la présidente !
Il n’aura échappé à personne que ce budget est le dernier du quinquennat. Il est donc temps de dresser un bilan.
En 2017, le candidat Emmanuel Macron avait mis en avant quatre objectifs chiffrés en matière de finances publiques qu’il promettait d’atteindre avant la fin du quinquennat : moins 1 point de prélèvements obligatoires, moins 2 points de déficit public, moins 3 points de dépenses publiques, moins 5 points de dette publique.
M. Roger Karoutchi. Ouh là là !
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Mais ça, c’était avant ! (Sourires.)
Mme Christine Lavarde. Qu’en est-il ? (M. le rapporteur général pointe ses pouces vers le bas.)
La baisse affichée de 30 milliards d’euros des dépenses publiques en 2022 n’est due qu’à l’extinction des mesures de soutien et à la diminution des crédits de la relance. En réalité, la hausse des dépenses publiques, hors mesures de soutien et de relance, se poursuit : +19 milliards d’euros en 2020, +48 milliards d’euros en 2021, +32 milliards d’euros en 2022.
M. Vincent Segouin. Bravo !
Mme Christine Lavarde. Nous déplorons qu’aucune mesure d’économie ne permette de compenser ces dépenses. Toutes les réformes ambitieuses du quinquennat en matière d’économie ont été abandonnées – je pense à la réforme des retraites ou à la diminution du nombre de fonctionnaires –, et ce avant même le déclenchement de la crise. Dépenser n’est pas réformer !
Depuis 2015, la France est la championne des dépenses publiques au sein de l’OCDE. Le « quoi qu’il en coûte » perdure même après la crise : catégorie de population après catégorie de population, des chèques en bois sont signés ; de nombreuses dépenses nouvelles sont pérennes ou engagées sur plusieurs années : elles pèseront sur les budgets du prochain quinquennat, obérant la capacité du prochain Président de la République à redresser les comptes publics.
Quelle que soit la légitimité des besoins, devant la multiplication des chèques quelques mois avant l’élection présidentielle, personne n’est dupe de la finalité électoraliste de telles mesures.
Si la crise a détérioré de manière exceptionnelle nos finances publiques, elle a aussi mis en lumière nos faiblesses et l’absence d’efforts antérieurs. Malgré quelques baisses d’impôt, la France demeure le pays le plus fiscalisé des pays développés.
À elle seule, la prolongation de la CRDS de 2024 jusqu’à 2033 au plus tôt, votée en juillet 2020, représente près de 136 milliards d’euros de prélèvements qui seront effectués durant le prochain quinquennat.
Notre déficit public, en période de crise, est bien supérieur à la moyenne de nos voisins européens : il est de cinq points plus élevé que celui qu’a enregistré l’Allemagne en 2020 et de deux points plus élevé que la moyenne des dix-neuf pays de la zone euro.
En réalité, notre pays avait déjà, en 2019, le pire déficit public, avec la Roumanie, des vingt-sept pays de l’Union européenne : plus de 3 % du PIB, tandis que les deux tiers des pays européens étaient en situation d’excédent budgétaire. Ces pays, eux, avaient déjà entrepris des réformes structurelles ; l’âge moyen de départ à la retraite est ainsi de 65 ans en Europe.
Notre déficit commercial est sans doute le meilleur indicateur de nos faiblesses : pour la période qui s’étend de janvier à septembre 2021, l’Allemagne présente déjà un excédent cumulé de 146 milliards d’euros. Les balances commerciales les plus déficitaires de la zone euro sont celles de la Grèce et de la Roumanie, –17 milliards, très loin derrière la France, dont le déficit commercial atteint, hélas, 76 milliards d’euros.
Conséquence de ces déficits considérables : notre dette publique est bien plus importante que celle des États voisins. Comme l’a très bien dit le gouverneur de la Banque de France, notre problème n’est pas la dette covid, mais la dette d’avant-crise ! La France est entrée dans la crise avec une dette qui atteignait près de 100 % de son PIB, quand celle de l’Allemagne avoisinait les 60 %.
Au regard de l’ensemble de ces indicateurs, crise ou pas crise, ce quinquennat aura été un échec. La France, initialement moteur de l’Europe avec l’Allemagne, est aujourd’hui un frein au redressement de l’économie européenne : elle occupe la vingt-deuxième place sur vingt-sept en matière de chômage et de déficit public, la vingt-troisième place sur vingt-sept en matière de dette et la vingt-septième place, autant dire la dernière, en matière de déficit commercial, de dépenses publiques ou encore de prélèvements obligatoires.
M. Vincent Segouin. Et tout va bien !
Mme Christine Lavarde. Deuxième point de ce bilan : l’écologie demeure, malheureusement, une simple ambition.
La transition écologique avait été présentée en 2017 par Emmanuel Macron comme « le défi du XXIe siècle ». Ce PLF reprend cette ambition, au moins sur le papier, puisqu’il est sous-titré « Pour une croissance durable ».
Mais qu’en est-il dans les faits ?
Pour atteindre les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) en matière de production de chaleur renouvelable, il faudrait que le rythme d’augmentation soit au minimum de 7 térawattheures par an, au des 4 actuellement observés.
Concernant la performance énergétique des bâtiments, malgré une forte augmentation des crédits alloués à cette politique via MaPrimeRénov’, l’objectif fixé voilà cinq ans d’une réduction de la précarité de 15 % est loin d’être atteint. La multiplication des dispositifs de soutien – l’Observatoire national de la précarité énergétique en a recensé 49 – rend les démarches complexes et peu lisibles.
Le bonus écologique destiné à encourager l’acquisition de véhicules lourds « propres » est totalement inopérant : seuls quatre poids lourds et sept bus ont été subventionnés pour un montant de 320 000 euros, quand 100 millions d’euros de crédits ont été prévus dans le cadre du plan de relance.
M. Albéric de Montgolfier. Très efficace !
Mme Christine Lavarde. Les obligations fixées par la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite Climat et résilience, seront difficiles à respecter pour le secteur des transports.
Par ailleurs, des décisions de justice récentes condamnent l’État pour inaction.
Le tribunal administratif de Paris lui a imposé récemment de réparer les conséquences de sa carence en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Selon les juges, et malgré l’aide de la covid-19, les engagements fixés dans la stratégie nationale bas-carbone pour la période 2015-2018 sont atteints à 15 millions de tonnes équivalent CO2 près.
Par arrêt du 15 novembre 2021 – c’était cette semaine –, le Conseil d’État ordonne au Gouvernement d’agir pour réduire de façon draconienne l’utilisation des pesticides dans les sites Natura 2000.
Ce bilan étant dressé, venons-en au détail de ce PLF.
Je dois malheureusement le constater, le texte qui nous est présenté ne respecte ni le Parlement ni les Français.
Vous prenez les Français pour des imbéciles – j’ai le regret de le dire –, espérant que l’avalanche de chèques et de cadeaux emporte leur vote au printemps prochain. Mais ils ne sont pas dupes ! Ils savent bien que l’argent magique n’existe pas. Je remarque d’ailleurs avec malice que cette politique ne va pas dans le sens de l’émancipation par le travail prônée par le candidat-président.
Vous créez également un sentiment d’inquiétude dans les milieux économiques. Interrogé sur France Info, Geoffroy Roux de Bézieux a qualifié l’indemnité inflation de « dangereuse » car elle « met dans la tête des Français l’idée qu’on va compenser systématiquement l’inflation par des mesures d’aides gouvernementales. Cela ne peut pas marcher. »
Surtout, vous faites preuve d’un véritable mépris à l’égard du Parlement.
Pour ce qui est des réponses aux questionnaires budgétaires, le Gouvernement s’est montré défaillant. À la date limite fixée par la LOLF, trois missions, et pas des moindres, n’avaient reçu absolument aucune réponse – la mission « Justice », par exemple, figurait dans la liste. Pour d’autres missions, le taux de réponse était inférieur à 15 %. Même si les réponses ont fini par nous parvenir, hors délai, cette situation nuit à la qualité du travail parlementaire.
Par ailleurs, certaines pratiques, dérogatoires au principe d’universalité budgétaire, sont peu compatibles avec l’autorisation parlementaire des dépenses de l’État.
Je ne prendrai qu’un exemple, celui du programme 204. En 2020, pas moins de 700 millions d’euros issus d’un fonds de concours alimenté par des versements de Santé publique France, agence désormais financée intégralement par l’assurance maladie et dont la dotation échappe au contrôle parlementaire, ont été rattachés à ce programme. Le détail des dépenses du fonds de concours n’est retracé nulle part dans les documents budgétaires, alors même que celles-ci ont représenté plus du triple des crédits ouverts sur le programme en loi de finances initiale pour 2020. Le présent projet de loi de finances, tout comme le PLF pour 2021, ne remet pas en cause cette architecture.
Le projet de loi de finances qui a été présenté en conseil des ministres était en outre bien mince : il comportait 20 % d’articles en moins par rapport à la moyenne des dernières années, et seulement des dispositifs techniques.
Le texte a beaucoup gagné en volume lors de son passage à l’Assemblée nationale.
Ainsi, 95 nouveaux articles non rattachés ont été adoptés, dont plus de 20 prorogations, renforcements ou créations de niches fiscales – autant de pertes de recettes non chiffrées qui auront un impact sur le prochain quinquennat.
Mais ce sont les 148 amendements déposés par le Gouvernement et adoptés par les députés qui posent le plus problème. Il ne s’agit pas de simples corrections apportées aux articles du projet de loi initial, mais de nouveaux articles importants ajoutés au dernier moment, c’est-à-dire sans l’expertise du Conseil d’État et sans évaluation préalable. La défiscalisation des pourboires est le meilleur exemple de ce qu’il ne faut pas faire, vu les difficultés qu’elle semble engendrer.
On ne peut justifier ces dispositions nouvelles par la crise sanitaire ou économique. Ces amendements ont pour unique objet d’honorer les engagements d’un Président de la République qui est en campagne sans s’être encore déclaré candidat.
Au total, 11,8 milliards d’euros de dépenses ont été ajoutés à l’Assemblée nationale. Qu’en serait-il à la sortie du Sénat, puisque les quarante annonces des trois derniers mois représentent 25 milliards d’euros de dépenses supplémentaires pour 2022 et 65 milliards d’euros sur le prochain quinquennat ? Je note à cet égard que certaines promesses, notamment celles qui ont été faites aux personnes âgées en perte d’autonomie et pour le développement du fret ferroviaire, le remboursement des consultations chez les psychologues ou l’élargissement du Pass’Sport, n’ont toujours pas de traduction budgétaire.
À eux seuls, quatre amendements représentent près de 7 % du budget de l’État. L’amendement portant les crédits de France 2030 est d’ailleurs le plus cher de la Ve République. Même le rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale a reconnu qu’« on pouvait avoir des choses à redire sur la forme ».
Pour plus de facilité, ou peut-être pour cause d’impréparation, le plan France 2030 a été intégré dans la mission « Investissements d’avenir ». La Cour des comptes, dans un référé de juillet 2021, n’a pourtant pas manqué d’émettre de vives critiques sur la gouvernance du programme d’investissements d’avenir (PIA), regrettant notamment la faiblesse du contrôle interne et de la maîtrise des risques. Je vous fais grâce des extraits de ce référé, mes chers collègues, mais je vous invite à le lire.
La moitié seulement des 60 milliards d’euros prévus par les différents PIA ont été effectivement déboursés à ce jour. La question de la gouvernance du dispositif est un sujet crucial, comme plusieurs économistes, notamment Xavier Ragot, président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), l’ont souligné.
Or le Président de la République a promis que la refonte de cette gouvernance serait achevée d’ici au mois de janvier prochain. Autant dire que les députés ont voté les yeux fermés 34 milliards d’euros d’autorisations d’engagement !
L’exposé des motifs de l’amendement n° II-2389, le fameux amendement à 34 milliards, ne précise d’ailleurs pas la ventilation des crédits ; il dresse une liste de dix priorités stratégiques sans préciser les montants affectés à chacune. La ventilation des crédits entre les programmes de la mission « Investissements d’avenir » est qualifiée de « première ébauche », la répartition pouvant évoluer « en fonction de la réussite des dispositifs sous-jacents ». Je note que le Président de la République n’a pas attendu la première évaluation pour faire évoluer cette ventilation : ce mardi, à Béziers, il a annoncé une enveloppe de 1,9 milliard d’euros supplémentaires en faveur de l’hydrogène.
Je conclurai en évoquant tous les défis auxquels ce projet de loi finances n’apporte pas de réponse, en commençant par revenir sur le sujet de la fiscalité écologique.
Le ministre de l’économie – malheureusement, il a dû quitter l’hémicycle –, devant l’Assemblée nationale, a qualifié la fiscalité verte de « défi politique ».
C’est tout à fait vrai, puisque le poids des taxes est prépondérant dans ce domaine. En France, le prix d’un plein d’essence est aujourd’hui à plus de la moitié composé de taxes. Celles-ci représentent 30 % du prix final du gaz. Elles pèsent à hauteur de 36 % dans celui de l’électricité, contre 26 % en 2010.
Le Gouvernement a justifié les 12 milliards d’euros de dépenses – bouclier tarifaire, baisse de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), chèque énergie, indemnité inflation – par une hausse conjoncturelle des prix de l’énergie, liée à la reprise de la croissance.
Mais, en réalité, monsieur le ministre, tout est aligné pour que les prix continuent d’augmenter, comme l’a indiqué Bruno Le Maire dans son intervention liminaire. Si l’électricité française est produite à bas coût grâce au parc nucléaire, une partie du prix du mégawattheure est, elle, indexée sur le prix du gaz, en lien direct avec la croissance des énergies renouvelables intermittentes dans le mix électrique. Qu’en sera-t-il cet hiver si, malheureusement, il n’y a pas de vent ?
La France a maintenant besoin de mesures pérennes et structurelles pour garder une indépendance et une souveraineté énergétiques à des prix corrects pour les Français et leurs entreprises.
Or le soutien à la filière hydrogène et au nucléaire relève encore trop de l’effet d’annonce.
Alors que 600 millions d’euros devaient être consacrés à la production d’hydrogène décarboné, 534 millions d’euros d’autorisations d’engagement ont été annulés dans la loi de finances rectificative du mois de juillet dernier. Au cours des neuf premiers mois de l’année 2021, sur les 100 millions d’euros du plan Hydrogène de 2018, seuls 35 millions d’euros de crédits ont été engagés et 4 millions d’euros seulement décaissés.
Le plan de relance consacre seulement 200 millions d’euros à la filière nucléaire ; quant au plan France 2030, il lui alloue 1 milliard d’euros d’ici à 2030.
Le prochain gouvernement ne devra pas enjamber le passage devant le Parlement à l’occasion de la révision de la PPE.
Autre défi, la fiscalité locale.
Les effets de la suppression de la taxe d’habitation et d’une partie des impôts de production sur les indicateurs synthétiques auxquels est adossé le système des finances locales, et le lissage de ces effets jusqu’en 2028, constituent une véritable bombe à retardement pour les mécanismes de péréquation, déjà minés par l’obsolescence des indicateurs.
Avec la révision des valeurs locatives en 2026, les élus ne disposent plus d’aucune lisibilité sur leurs finances. Ils anticipent, après les échéances du printemps, un tour de vis sur les dotations de l’État pour faire face au mur de la dette. Ce contexte empreint de fortes incertitudes compromet la libre administration que leur reconnaît la Constitution.
Je terminerai cette revue par la dette.
Par un tour de passe-passe, celle-ci évolue de 115 % à 114 % du PIB entre 2021 et 2022. Or le déficit sera de l’ordre de 125 milliards d’euros en 2022, pour une croissance du PIB de seulement 85 milliards d’euros. Pas besoin d’être un « crack » en mathématiques pour comprendre qu’il y a un problème…
M. Albéric de Montgolfier. Tout à fait !
Mme Christine Lavarde. La chute de 1,6 point de PIB, soit environ 40 milliards d’euros, résulte uniquement d’opérations de trésorerie : vous avez « surémis » lors des exercices précédents, monsieur le ministre, pour présenter de meilleurs ratios en 2022.
M. Jean-Raymond Hugonet. Bien sûr !
M. Pierre Cuypers. Eh oui !
Mme Christine Lavarde. La soutenabilité du volume de la dette est un vrai problème. Le récent rapport de la délégation sénatoriale à la prospective – je le signale en présence de sa rapporteure Mme Sylvie Vermeillet – met en lumière, avec pédagogie, la façon dont un mauvais alignement des planètes pourrait conduire notre pays à la catastrophe.
Le remboursement de la dette ne peut reposer que sur une croissance corrélée à la maîtrise, à défaut d’une baisse, de la dépense publique. Le PLFR que nous avons examiné hier et, plus encore, le PLF dont nous allons débattre au cours des prochains jours ne suivent absolument pas cette voie. Il nous incombe d’être responsables à l’égard des Français, notamment des générations futures.
Le groupe Les Républicains refuse le chemin de la facilité et de la démagogie. Nous ne voterons donc pas ce texte, par respect pour les Français. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Brigitte Devésa applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances nous parvient dans un contexte que nous espérons toutes et tous être un contexte de sortie de crise : la croissance est là, mais elle ne peut masquer un nombre important de besoins sociaux et environnementaux non satisfaits.
Quel est donc ce contexte social ?
La crise sanitaire va de pair avec un accroissement de la pauvreté et de la précarité.
Selon l’Insee, la pauvreté s’est intensifiée.
Les auteurs d’une récente étude, sur laquelle s’appuie le Gouvernement, prétendent que le taux de pauvreté serait stable, à un niveau tout de même très élevé de 15 %. Mais sont exclus de l’échantillon beaucoup d’étudiants, de personnes sans domicile fixe et de personnes travaillant dans le secteur informel, c’est-à-dire de personnes très exposées à la pauvreté. Il est donc fort probable que le taux de pauvreté ait en réalité augmenté.
Les associations de solidarité le vivent au quotidien. Nous ne saurions négliger le fait que 20 % des Français ont froid chez eux l’hiver, ou encore que 20 % d’entre eux déclarent sauter certains repas parfois ou souvent, contre 14 % en 2020 !
Les conclusions du rapport du Secours catholique paru aujourd’hui même sont alarmantes.
La crise sanitaire a alourdi les inégalités : l’épargne des 20 % les plus pauvres a chuté de 2 milliards d’euros, tandis que celle des 10 % les plus riches s’accroissait de 25 milliards d’euros.
La fortune des milliardaires français atteint en 2020 un niveau record, selon Oxfam, et, en 2021, selon le classement de Challenges, on observe « les plus fortes progressions annuelles jamais enregistrées ».
Les faits sont têtus, monsieur le ministre : les inégalités progressent et votre politique fiscale n’a fait qu’amplifier ce phénomène.
Les classes moyennes sont par ailleurs touchées par un retrait majeur du service public dans les territoires.
Face à cette situation, que fait le Gouvernement ?
Il mène une politique fondée sur l’offre, via un plan de relance et un plan d’investissement qui sont avant tout des plans de subventions aux entreprises sans conditionnalité, ne portant ni objectif stratégique ni véritable ambition de transformation verte. Les 30 milliards d’euros du plan de relance consacrés à la transition écologique sur plusieurs années, loin d’être suffisants, manquent en outre de cohérence.
Au-delà même de ces insuffisances, avec ce plan de relance et ces multiples aides non ciblées, que constate-t-on ? Qu’en 2021 un record historique est battu en matière de taux de marge des entreprises : plus de 35 % !
Pour autant, le taux d’investissement stagne. Les entreprises, au lieu d’investir davantage, versent des dividendes et rachètent des actions – pour 51 milliards d’euros en 2021. Voilà ce que vous financez par votre politique !
Vous objectez que, selon la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), le chômage baisse.
Mais la reprise est celle d’un marché de l’emploi très dégradé, marqué par l’accroissement du travail précaire. Ainsi, le nombre de demandeurs d’emploi de la catégorie B et celui de la catégorie C sont en hausse respective de 3,3 % et de 9,5 % sur un an.
La politique consistant à clamer haut et fort que le chômage diminue, que tout va bien, que de très nombreux emplois ne sont pas pourvus est une vaste supercherie. Elle sert à justifier le discours de culpabilisation des chômeurs, qui lui-même sert à justifier la baisse des dépenses publiques au détriment de leurs indemnisations, et ce pour financer les baisses d’impôts octroyées aux entreprises et aux riches.
C’est injuste, c’est brutal, c’est contre-productif ! Et le discours permanent selon lequel il faudrait lutter contre l’« optimisation » que font les chômeurs de leurs droits est totalement inique : lorsqu’elle est fiscale et concerne les riches, l’optimisation ne vous choque pas !
Quant aux mesures environnementales et climatiques, elles sont très insuffisantes face à une situation que tout le monde qualifie pourtant de situation d’extrême urgence. Sécheresses, incendies, inondations, canicule : tout le monde est touché ; la France aussi, bien entendu.
En juillet, le Conseil d’État a fixé un ultimatum au Gouvernement afin qu’il prenne les mesures permettant à la France d’atteindre son objectif de réduction de 40 % de ses émissions de CO2 d’ici à 2030.
Or que voit-on ? Le budget vert s’applique seulement à une petite partie des dépenses ; de surcroît, il est méthodologiquement défaillant puisque, même dans sa version améliorée de 2021, toute dépense permettant une infime amélioration par rapport à l’existant est considérée comme favorable à l’environnement, y compris si cette amélioration est par ailleurs insuffisante pour respecter les engagements internationaux de la France.
Par conséquent, ce budget vert est inopérant.
Dans sa nouvelle version, le nucléaire est par ailleurs classé comme énergie totalement propre, ne produisant pas de déchets polluants. Je veux bien que nous ayons des débats sur le nucléaire, mais il y a là, tout de même, un non-sens.
Bien que le budget vert ait permis d’identifier un certain nombre de niches fiscales polluantes, le présent PLF n’en prend pas acte : leur suppression n’y est pas proposée ni n’est envisagée, d’ailleurs, une simple trajectoire de suppression.
Pendant ce temps, en raison de la fraude fiscale, la France perd chaque année 17 milliards d’euros de recettes d’impôt sur les sociétés, soit 40 % des recettes de cet impôt. L’évasion fiscale permet aux 1 % les plus riches de réduire leurs impôts sur le revenu d’un montant pouvant atteindre 30 % des impôts dus. Chaque année éclatent des scandales de fraude ou d’optimisation, le dernier en date étant celui des CumEx Files. Je rappelle que le Sénat avait adopté un dispositif au lendemain de la première vague de cette crise, et que le Gouvernement en a très considérablement amoindri la portée. Le résultat, le voici : le scandale ressort !
En définitive, monsieur le ministre, vous avez sciemment laissé faire et vous vous obstinez dans ce choix, en poursuivant la restriction des effectifs dans les services de contrôle fiscal.
Ainsi, au terme de ces cinq années de présidence, on voit bien que ce quinquennat est celui des inégalités et qu’Emmanuel Macron est le président des riches.
Au moment de la suppression de l’ISF, vous aviez promis de revoir votre copie si cette politique s’avérait inefficace. Elle l’est, tout le monde le dit et les rapports le montrent les uns après les autres. Il est donc temps de revenir sur cette décision. Le nouvel ISF que nous vous proposerons présentera, bien entendu, des avancées par rapport à l’ancien, afin de ne pas retomber dans les mêmes problématiques que par le passé.
Nous ferons beaucoup de propositions, d’ailleurs – comme d’habitude –, sans grand espoir pour ce budget, mais les yeux tournés vers l’avenir.
Ce projet de budget, on le voit, ne répond pas aux grands enjeux : réduire les inégalités, affronter le dérèglement climatique.
Mais je voudrais prendre quelques instants pour évoquer la méthode employée.
On a le sentiment, depuis le mois de septembre, que le Gouvernement a le carnet de chèques bien ouvert. Après plusieurs années d’austérité budgétaire, pas une journée ne passe, depuis la rentrée, sans annonce nouvelle. C’est la féerie de Noël ! Chaque ministère y a droit !
Mais les largesses d’aujourd’hui sont financées par l’austérité de demain, que vous vous proposez de mettre en œuvre en cas de réélection, comme vous l’avez écrit à la Commission européenne en avril dernier, dans le cadre du programme de stabilité.
Loin d’utiliser le poids de la France pour faire de la sortie de crise un moment fort de rupture avec la logique d’austérité des traités européens, vous confortez cette logique et vous engagez, pour le prochain quinquennat, à revenir sous le seuil des 3 % dès 2027, via une trajectoire de limitation de l’augmentation des dépenses publiques d’une ampleur inégalée, que même les gouvernements les plus sectaires en matière d’austérité budgétaire n’ont pas réussi à tenir.
Pour terminer, un mot sur votre politique en faveur de la jeunesse.
Au vu de l’angoisse climatique qui se développe au sein de notre jeunesse, après des mois d’une crise très dure qui l’a mise en danger, il faudrait une vaste politique permettant à chaque jeune de trouver sa voie, de construire sa vie et son projet, afin que toute notre société bénéficie de ses potentialités.
Or vous ne voulez même pas répondre à la question de l’urgence…
Le dispositif du contrat d’engagement jeune, présenté très tardivement, vient d’un trait de plume, sans étude d’impact, sans concertation avec les acteurs, supprimer la garantie jeunes et la remplacer par un objet non identifié, qui ne sera mis en place qu’à partir de mars et n’a vocation à toucher que 400 000 jeunes, alors qu’il faudrait aider, on le sait, plus de 1 million d’entre eux, qui se trouvent en situation de rupture sociale.
Il fallait répondre à la situation d’urgence et ouvrir immédiatement le RSA aux jeunes âgés de 18 à 25 ans.
En parallèle, il fallait travailler à offrir de réelles chances à notre jeunesse. Mais, même aux étudiants qui réussissent, vous n’offrez aucune perspective ; vous êtes incapables de leur permettre ne serait-ce que de poursuivre leurs études – je pense ici à ces milliers de jeunes qui ont obtenu leur licence avec de bons résultats et qui, n’ayant pas de master, sont obligés de s’exiler en Belgique, dans le meilleur des cas, pour avoir une chance de continuer leur cursus.
Je pense aussi à tous ces jeunes broyés par cet abominable logiciel Parcoursup, qui crée de l’angoisse chez les élèves dès la première et les trie sans aucun égard pour leurs rêves, leurs souhaits, leur avenir.
Et je pense à ces jeunes qui, en lycée professionnel, ont vu baisser leurs heures d’enseignement général, au mépris de la formation de citoyen à laquelle ils ont droit.
Ce projet de budget n’est décidément par pour elles ni pour eux, qui pensent à l’avenir, qui n’osent pas espérer, mais qui attendaient à tout le moins de la France qu’elle soit à la hauteur des enjeux à Glasgow. Cette jeunesse vaut mieux que des concours d’anecdotes, et vous la méprisez par une politique qui insulte l’avenir !
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. Pascal Savoldelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre question préalable ne valait pas fermeture au débat, mais appel à un vote sanction – sanction d’un budget toujours plus discriminant et béotien.
Nous ferons, amendement après amendement, proposition après proposition, la démonstration de l’échec de ce quinquennat.
Posons-nous d’ores et déjà deux questions. Quels sont les progrès sociaux dont le Gouvernement peut se prévaloir ? Quelles sont ses réussites ?
Baisser la dette, conformément à votre objectif, monsieur le ministre ? Vous l’avez alourdie de presque 20 points de PIB.
Restaurer les finances publiques ? Vous avez réduit d’au moins 52 milliards d’euros les recettes de l’État de façon pérenne.
Retrouver le chemin de la croissance ? L’activité avait reculé de 18 % au second trimestre de 2020, soit un quart de plus que la moyenne européenne.
Baisser le chômage ? Depuis le début du quinquennat, il y a tout de même 17 000 demandeurs d’emploi supplémentaires.
Augmenter le pouvoir d’achat ? Les plus riches ont bénéficié de 3 518 euros en moyenne ; les plus modestes ont encore perdu 35 euros par an.
Restaurer la « compétitivité » de l’économie française ? Le solde de la balance commerciale est négatif de 60 milliards d’euros en moyenne sur le quinquennat, attestant la dépendance de la France aux importations étrangères.
On le sait, « l’éloge des absents se fait sans flatterie ». Le ministre Bruno Le Maire avait tort le 31 mai 2021 ; il a tort en novembre 2021 ; il aura probablement tort en 2022. Non, les indicateurs économiques ne sont pas bons ! Mais quelle importance, tant que triomphe, au bout du compte, la vérité des plus fortunés ? À force de toujours préserver les intérêts des mêmes, monsieur le ministre, vous creusez le fossé des inégalités et ouvrez les frontières d’un paradis… fiscal.
Notre pays est enlisé dans un alourdissement de la dette publique qui menace la pérennité de l’État et la souveraineté de la Nation ; il est amoindri, de surcroît, à mesure que des travailleurs sont privés d’emplois.
Les résultats de la politique d’Emmanuel Macron sont résumés dans les quelques chiffres que j’ai cités. C’est là votre bilan et ce sera, demain, votre fardeau.
Vous avez commencé par détricoter le code du travail, en légitimant le plafonnement des indemnités de licenciement et en consacrant les accords d’entreprise au détriment des accords de branche. Les salariés sauront qui les a privés de leurs droits face au patronat.
Peu après, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, vous avez supprimé l’impôt de solidarité sur la fortune et restauré l’exit tax. Pourtant, aucun ruissellement n’a coulé sur l’économie réelle.
L’année suivante, la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ÉLAN, a impulsé une véritable dynamique, celle du démantèlement des financements publics de l’habitat social. Le secteur privé a gagné le droit de construire plus vite, moins bien et plus cher. Vous avez obligé à la vente à la découpe, y compris dans les communes carencées au titre de la loi SRU, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Vous avez favorisé la vente des HLM tout en baissant le montant des APL.
En 2020, sur 25 millions de salariés français, seuls 6,2 millions avaient touché la fameuse « prime Macron ». Par ailleurs, en 2019 comme en 2020, les montants perçus étaient bien inférieurs au montant maximal annoncé de 1 000 euros – encore un élément de communication, sans doute… –, plus proches en vérité de 400 euros.
En plus d’évincer la question des salaires et de faire preuve d’une confiance aveugle envers le grand patronat et les cabinets privés, le Président de la République pensait faire un geste à destination des travailleurs précaires. Encore une fois, c’est raté ! Aussi nous a-t-il ressorti les vieilles recettes de la défiscalisation des heures supplémentaires.
Les retraités, eux, avaient obtenu l’injuste augmentation de la CSG, un effort qui, de l’aveu même d’Emmanuel Macron, était « trop important » et « pas juste » pour les retraités percevant une petite pension. C’est à cette même période qu’apparaît le chèque énergie, remplaçant les tarifs sociaux de l’énergie et matérialisant l’incapacité du Gouvernement à anticiper la hausse de la facture pour nos concitoyens.
Nous ne sommes qu’en mai 2019 lorsque le démantèlement de l’État se traduit dans la loi Pacte, ce même État détenant 124 milliards d’euros de participation dans des entreprises stratégiques, sans compter le capital détenu par la Banque publique d’investissement, laquelle n’est pas, nous dit-on, un « bon actionnaire » –.
Il vous a fallu privatiser la Française des jeux, dont les profits sont considérables, et ouvrir la voie à celle d’Engie, puis de La Poste, jusqu’à l’échec – heureux – de la privatisation des aéroports de Paris. Ce camouflet a probablement contribué à faire changer d’avis ces ministres qui, une fois la crise sanitaire arrivée, n’ont pu ignorer la SNCF, EDF ou Air France-KLM, comme si l’État avait finalement une raison d’être dans ces secteurs.
Vient ensuite cette « taxe vitrine » sur les géants du numérique, qui rapporte bien peu à l’État au regard des bénéfices colossaux engrangés par ces entreprises.
Jusqu’à présent, monsieur le ministre, vous avez avancé tout droit sur un chemin sinueux. Dites-vous bien que ce chemin est jonché de travailleurs précaires, de pauvres, de Françaises et de Français qui n’ont constaté aucun progrès social significatif durant le quinquennat d’Emmanuel Macron. Nous partageons leur avis ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – MM. Thierry Cozic et Patrice Joly, ainsi que Mme Isabelle Briquet, applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
Mme Sylvie Vermeillet. Madame la présidente, monsieur le ministre – merci de votre présence constante et attentive à nos côtés –, mes chers collègues, l’année 2022 devrait être celle, tant attendue, de la sortie de crise et du retour à une vie un peu plus normale.
D’un point de vue économique, le choc de la crise du covid-19 a été largement absorbé par les finances publiques. Si nous n’en remettons pas en cause le bien-fondé stratégique, le « quoi qu’il en coûte » a un prix : la dette. Et l’État providence a ses limites, temporelles et structurelles.
La limite temporelle sera vraisemblablement atteinte dans douze mois, avec la fin probable de la clause dérogatoire générale du pacte de stabilité et de croissance européen.
La limite structurelle, quant à elle, a été franchie avant même la pandémie, la dette publique ayant dépassé le seuil symbolique de 100 % du PIB en septembre 2019.
Désormais tournés vers la sortie de crise et contemplant nos comptes publics plus éprouvés encore qu’auparavant, nous pouvons nous réjouir que la charge de la dette reste faible. C’est justement parce qu’elle l’est, et parce que la croissance repart avec force, que notre groupe estime que la priorité budgétaire doit être donnée à la vertu. Lorsque les taux d’intérêt finiront par remonter, il sera trop tard.
Dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2022, le groupe Union Centriste portera une parole de responsabilité budgétaire globale. À cet effet, nous défendrons par voie d’amendement des dispositions visant à assainir nos finances publiques, tantôt à travers des recettes fiscales supplémentaires tantôt à travers des mesures d’économies budgétaires, autant de pistes permettant d’affecter davantage de moyens au service de la dette.
L’une de ces pistes me tient particulièrement à cœur : la transformation de l’impôt sur la fortune immobilière en un impôt sur la « fortune improductive » dont l’assiette réintégrerait notamment le patrimoine polluant dit luxueux, dans la perspective de tenir les engagements environnementaux qui sont les nôtres depuis la signature de l’accord de Paris. Cette mesure est symbolique à plus d’un titre.
Le budget vertueux que nous appelons de nos vœux doit également favoriser le déploiement d’outils permettant de mobiliser l’épargne « covid » des Français, estimée par la Banque de France à 267 milliards d’euros, soit plus du double de son niveau hors pandémie.
L’Observatoire français des conjonctures économiques, dans une note d’avril dernier, précise qu’une consommation d’un cinquième de cette épargne conduirait à une croissance du PIB de 2 points supplémentaires.
Orienter davantage l’épargne vers les fonds propres de nos entreprises constituerait véritablement un puissant moteur pour notre activité économique et notre souveraineté nationale, sans recours à la dépense publique.
Par leur épargne, les Français peuvent investir aussi bien que l’État et même à sa place.
Le fait que la dette française soit détenue à hauteur de 49,5 % par des non-résidents n’inquiète pas les élus de mon groupe : à nos yeux, c’est même un signe de la confiance des prêteurs étrangers. Mais il nous importe que les Français restent souverains et que, via l’épargne nationale, ils détiennent le patrimoine national industriel ou stratégique, quel qu’il soit.
Les membres de notre groupe plaideront également pour la poursuite de la mise en œuvre du plan France Relance. L’objectif de 70 milliards d’euros déployés sur les 100 milliards annoncés doit être tenu d’ici à la fin de l’année 2021.
Face à la menace persistante d’une inflation prolongée, face à une pénurie de main-d’œuvre et de matières premières qui s’annonce durable, nous ne pouvons que nous interroger sur la pertinence du lancement du plan France 2030 dès l’année 2022.
À force de milliards, notre économie s’expose paradoxalement à la surchauffe. Il nous paraît plus cohérent de nous attacher dans un premier temps à concentrer l’effort public sur la consommation des programmes d’investissements d’avenir existants et du reliquat de 30 milliards d’euros de France Relance.
Au nombre des secteurs essentiels durablement affectés par la pandémie et encore inquiets pour demain compte celui de la première transformation du bois ; je défendrai un amendement visant à créer une provision pour investissement en faveur de ce secteur, et notamment des entreprises de scierie, afin de sécuriser l’avenir de ces dernières.
Notre filière bois, comme le secteur de la construction dans son ensemble, est fragilisée par la forte hausse du coût des matières premières. Ce phénomène conjoncturel, qui s’ajoute à une fragilité structurelle en capital, aggrave la situation de nos entreprises sur ce marché très concurrentiel à l’international. La place de l’État est à leurs côtés.
Enfin, un budget ne saurait être vertueux sans donner à notre administration les moyens de lutter contre les fraudes fiscale et sociale. Bien sûr, il faut assurer la sanctuarisation des effectifs de la police, de la justice et de l’armée, ainsi que des moyens des ministères qui en sont chargés. Mais, dans la même logique, les élus de notre groupe, par la voix de Nathalie Goulet, veilleront aussi tout particulièrement au maintien des moyens humains et techniques du ministère de l’économie et des finances, afin qu’il puisse continuer à remplir ses missions en la matière.
Le temps du retour à la normale implique une vigilance particulière quant à nos comptes publics. Il oblige également le Sénat à être force de proposition afin d’accroître l’accompagnement budgétaire des collectivités territoriales, qui ont beaucoup donné, sur le chemin de la reprise.
Toutes ces raisons conduiront notre groupe, dans sa grande majorité, à choisir d’examiner ce budget dans son intégralité ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Emmanuel Capus, Gérard Larcher et Jean-Claude Requier applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Cozic. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Thierry Cozic. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « mieux vaut un raccommodage qu’un trou ». (M. Gérard Larcher approuve.) Cette maxime résume à elle seule tous les écueils du budget qui nous est proposé.
Monsieur le ministre, ce PLF est à l’image des choix budgétaires de votre politique générale : aussi l’occasion m’est-elle donnée de revenir, brièvement, sur ces cinq années budgétaires.
De raccommodage, il est bien question après les cinq années d’Emmanuel Macron au « château ». Mais cela n’empêche en rien la présence de trous dans le budget.
Ce quinquennat peut se diviser en trois périodes. La première est la mise en œuvre du programme néolibéral du Président de la République, de juin 2017 à la fin de l’année 2018. La deuxième, due au tournant imposé par le mouvement des gilets jaunes, va du début de l’année 2019 à mars 2020. La troisième, enfin, a été imposée par la crise sanitaire et le « quoi qu’il en coûte ».
De ces trois périodes, une seule a été choisie : les autres ont été dictées par un agenda sur lequel le maître des horloges n’a eu aucune prise. Nul doute qu’aujourd’hui, sans ces événements, la première période aurait été la seule : il se serait agi, en tout et pour tout, de développer un libéralisme sauvage.
Pourtant, entre le mouvement des gilets jaunes et la crise sanitaire, nous aurions pu imaginer une autre voie que celle qui fut ouverte au début du quinquennat. Force est de le constater : tel n’a pas été et tel ne sera pas le cas. Les très riches restent les grands gagnants des choix fiscaux de votre gouvernement.
Selon une évaluation de l’Institut des politiques publiques, entre 2017 et 2022, les mesures sociales et fiscales ont fait augmenter de 2,8 % le niveau de vie du 1 % des Français les plus aisés, qui – je le rappelle – vivent avec 126 654 euros en moyenne par an, soit un gain moyen de 3 518 euros. « En même temps », le niveau de vie du 1 % le plus pauvre a baissé de 0,17 %, soit une perte de 9 euros sur le quinquennat.
Il semblerait que la boussole politique du Gouvernement ait pour nord les premiers de cordée ; tant pis si même Joe Biden nous explique que le ruissellement est une fable. L’important, c’est que notre Président y croie vraiment : cela conforte sa foi dans le bien-fondé de ses mesures.
Le million de pauvres supplémentaire qui découle de la crise sanitaire est souvent cité. Derrière ces données, il y a des femmes et des hommes à qui, à peine arrivés au pouvoir, vous avez commencé par supprimer 5 euros d’APL, avant de les trahir, au cœur de la crise sanitaire, en refusant d’augmenter les minima sociaux ou de les étendre aux moins de 25 ans.
Vos politiques n’ont eu aucun effet sur l’investissement. Personne n’est surpris, si ce n’est vous, qui feignez de l’être. Le fait était prévu, d’ailleurs. Il a également été confirmé par les études que le Gouvernement a commandées à France Stratégie ; celles-ci concluent à l’impossibilité d’établir un lien entre les réformes de la fiscalité du capital et un accroissement des investissements ou des créations d’emplois.
Affirmer le contraire – vous le faites régulièrement – relève au mieux de la naïveté, au pire du mensonge. Mais je ne m’étendrai pas davantage sur cet inventaire : mon collègue Rémi Féraud a déjà eu l’occasion de l’aborder.
Concentrons-nous sur ce budget.
Le PLF 2022, comme le PLFSS récemment adopté, ne comporte aucune mesure notable en ce qui concerne les ressources publiques, impôts ou cotisations sociales.
Toutefois, la baisse de l’impôt sur les sociétés se poursuit, pour 3 milliards d’euros. La baisse de la taxe d’habitation rapportera 2,8 milliards d’euros aux 20 % de ménages les plus aisés, lesquels bénéficieront de la même somme de 2,8 milliards d’euros en 2023.
Avec les membres de mon groupe, je déplore la pratique récurrente consistant à autoriser les entreprises à verser des suppléments de rémunération défiscalisés et désocialisés. Le quinquennat Macron rivalise d’ingéniosité en la matière. Je pense non seulement à la fameuse prime exceptionnelle de 1 000 euros que les entreprises peuvent verser à leurs salariés, mais aussi à votre lumineuse idée d’exonérer d’impôts et de cotisations sociales les pourboires des hôtels, cafés et restaurants versés par carte bancaire.
Je le dis sans ambages : cette mesure incitera les entreprises à instaurer un pourboire quasi obligatoire de 20 %, comme cela se fait aux États-Unis, et à baisser en contrepartie les salaires fixes.
Tous les salariés ont droit à des salaires garantis. En outre, j’estime que toutes les rémunérations doivent supporter les impôts et les cotisations sociales, non par dogme politique, mais parce que ces dernières ouvrent des droits aux prestations chômage et retraite. En cela, la désocialisation ou défiscalisation des salaires est un piège grossier, qui, de surcroît, se referme toujours sur les mêmes.
Mais là n’est pas le seul écueil de votre politique.
Le plan France Relance est dépeint comme un grand succès. Pourtant, quand on le regarde en détail, seuls 47 des 100 milliards d’euros annoncés ont effectivement été dépensés un an plus tard.
Au passage, je tiens à souligner que, dans nos territoires, l’ingénierie nécessaire pour monter les dossiers suscite des difficultés persistantes.
Ce plan de relance comportait trois volets, qui ont été financés de manière relativement équitable. Néanmoins, il marque un tournant vers un capitalisme technologique vert, par lequel, sous couvert d’écologie, l’État finance les efforts d’adaptation des entreprises françaises.
D’un côté, il peut être utile de financer certaines innovations vertes et d’aider les entreprises à produire en France. De l’autre, le concept de « capitalisme vert » est un oxymore. En effet, le but des entreprises reste la maximisation des profits plutôt que le bien-être social. Leur gouvernance n’est jamais remise en cause et l’objectif de sobriété, que visaient la plupart des 149 mesures de la Convention citoyenne pour le climat, est oublié.
De toute évidence, et malgré la crise sanitaire, il manque une réflexion d’ensemble sur l’évolution à long terme de l’économie française : quelle souveraineté économique voulons-nous ? Quel tournant écologique ? Quel plein-emploi ? Toutes ces questions sont malheureusement laissées sans réponse et ce PLF n’y change rien.
En revanche, sous la pression de Bruxelles, le secteur énergétique est abandonné au jeu du marché et de la concurrence.
Loin du slogan « Make the planet great again », les actes en faveur de l’environnement continuent de se faire attendre.
Tout d’abord, qu’en est-il du plan de rénovation des bâtiments publics et des logements privés ? Ce dispositif est ouvert à tous les propriétaires, quels que soient leurs revenus, qu’ils soient occupants ou bailleurs, pour une somme totale annoncée de 2 milliards d’euros en 2022. Au regard du format retenu, je crains un fort effet d’aubaine : les propriétaires les plus aisés, ayant de toute façon prévu des chantiers de rénovation, pourront profiter de la prime pour effectuer ces travaux à moindre coût aux frais du contribuable.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ce ne serait pas la première fois…
M. Thierry Cozic. Vous ne cessez de vous présenter en chantres de la défense du pouvoir d’achat. Pourtant, les chiffres nous disent le contraire.
Selon les statistiques publiées par le Trésor, le pouvoir d’achat augmenterait de 8 % entre 2017 et 2022. Or ce chiffre, que vous mettez en avant à la moindre occasion, ne prend pas en compte l’évolution démographique.
Ainsi, le pouvoir d’achat aurait en fait progressé de 1 % par an, soit un gain annuel moyen de 334 euros pour une personne seule. D’ailleurs, les Français ne s’y trompent pas : ils sont même près de six sur dix à estimer que leur pouvoir d’achat a plutôt baissé ces cinq dernières années.
Plan pour Marseille, plan d’investissement France 2030, contrat d’engagement jeune : tous ces dispositifs, inscrits dans le PLF à la faveur de 148 amendements du Gouvernement, cachent difficilement leur finalité véritable. Ils sont la transcription d’annonces tout aussi électoralistes qu’opportunistes, qui frisent parfois le ridicule. Je pense par exemple à votre amendement dispendieux tendant à abonder de 34 milliards d’euros le dispositif France 2030.
Monsieur le ministre, nonobstant ses atours généreux, ce budget pour 2022 ne masquera jamais les choix budgétaires qui vous ont guidés ces cinq dernières années ; ces choix, que nous avons toujours dénoncés, ont toujours profité aux mêmes. Les Français en seront juges dans quelques mois ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Didier Mandelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après étude approfondie de chacun des rapports, toutes commissions confondues, nous avons tous le sentiment d’être les acteurs d’un mauvais scénario où la fiction est devenue réalité.
Nous mesurons, bien sûr, l’impact de la crise sanitaire sur la vie de nos concitoyens, de nos entreprises et de nos collectivités territoriales. Et nous saluons le retour de la croissance et de la création d’emplois. Mais comment expliquer que la confiance dans l’action publique, entamée il est vrai depuis plusieurs décennies, ne soit pas revenue ?
Les Françaises et les Français sont lucides. Ils savent par expérience que les engagements sont rarement tenus et qu’un jour il faudra collectivement régler l’addition. Ils savent que l’argent facile, l’argent magique, l’argent gratuit n’existent pas. Ils subissent chaque année la hausse du prix des matières premières et de l’énergie ; un chèque inflation ne changera pas grand-chose à leur quotidien.
Avant la crise covid, la trajectoire des finances publiques n’était déjà pas vertueuse. Elle devient vertigineuse et pour le moins hasardeuse.
Comme mon excellente collègue Christine Lavarde, je tiens à rappeler les engagements présentés le 22 février 2017 par le candidat Emmanuel Macron : 60 milliards d’euros d’économies, dont 25 dans la sphère sociale ; 20 milliards d’euros d’économies sur les prélèvements obligatoires et 10 autres sur l’assurance chômage – je note que, sur ce dernier point, la réforme est tout juste engagée et qu’elle ne permettra pas d’atteindre l’objectif annoncé ; réduction de 120 000 postes de fonctionnaires, dont 70 000 dans les collectivités territoriales, ce qui trahissait d’ailleurs d’emblée une volonté d’ingérence dans les exécutifs locaux.
Sur tous ces points, bilan rime avec néant.
Les contrats dits de Cahors, qu’un certain nombre d’élus ont considéré, à juste titre, comme un chantage à la dotation, avaient pour but de contenir la hausse des dépenses de fonctionnement des collectivités signataires entre 0,75 % et 1,65 %.
Monsieur le ministre, ces collectivités ont respecté leur plan de charge, qui représente 13 milliards d’euros d’économies sur cinq ans. Pourquoi l’État ne s’est-il pas imposé, à tout le moins, le même régime d’économies ?
Les élus locaux savent bien que la règle d’or budgétaire s’applique aux seules collectivités et que l’État, prompt à fustiger leur gestion, est loin d’être exemplaire.
En mars dernier, le Premier ministre a confié à un groupe d’experts conduits par Jean Arthuis, garant de l’orthodoxie budgétaire s’il en est, le soin d’analyser la situation et de faire des propositions. Parmi celles-ci figurent la création d’une norme de dépenses pluriannuelle déclinée dans toutes les administrations publiques et la création d’un compteur des écarts, que l’Allemagne, l’Autriche et la Suède ont déjà mis en œuvre. L’ensemble serait contrôlé par une institution budgétaire indépendante issue de la transformation du Haut Conseil des finances publiques.
Après lecture approfondie du travail de Jean Arthuis, le Premier ministre a déclaré : « Ce rapport alimentera les travaux du Gouvernement sur la stratégie politique budgétaire post-crise, ainsi que les réflexions en cours avec le Parlement », dont nous n’avons pas connaissance, « sur la rénovation du cadre de gouvernance de nos finances publiques ».
Qu’en est-il de ces réflexions et démarches ? Je peux le dire au nom des parlementaires : nous vous attendons.
Pour l’heure, comme vous-même, sans doute, quelquefois, nous sommes les simples témoins des annonces quasi quotidiennes du Premier ministre et du Président de la République, faites au gré de leurs déplacements et rencontres.
S’agit-il de clientélisme à visée électorale ? À chacun d’en juger. En tout état de cause, cette situation a rendu difficile l’examen du projet de loi de finances pour 2022 par l’Assemblée nationale – la version transmise au Sénat est un peu plus claire –, car elle ne permet pas une projection cohérente à moyen et long terme.
Ce manque de lisibilité est préjudiciable à l’ensemble des acteurs et forces vives de notre pays. Il inspire des doutes, des attentes et des frustrations. Il incite à la prudence, si l’on en juge par le niveau d’épargne des Français, alors que la consommation des ménages est ô combien nécessaire. Ce dont nous avons besoin, ce n’est pas d’imprudence, bien sûr, mais de prises de risque.
En conclusion, et pour revenir à des considérations plus immédiates concernant ce projet de loi de finances, nous sommes satisfaits de voir exaucer certains de nos vœux, exprimés de longue date. Je pense notamment aux différents rapports consacrés aux transports et à la mobilité, à la transition écologique et au numérique, pour ne retenir que les sujets relevant de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Nos recommandations sont suivies d’effet, mais à quel prix ? En outre, ces mesures n’occultent en rien nos questions légitimes sur la capacité de votre gouvernement à inverser la trajectoire financière inquiétante qui, sans réforme majeure, nous conduira à un endettement représentant 128 % du PIB dans dix ans – c’est Jean Arthuis lui-même qui l’écrit.
L’année 2022 sera déterminante pour l’avenir et la place de notre pays en Europe et, plus largement, dans le concert des nations ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement se félicite d’avoir « stabilisé » les dotations des collectivités territoriales depuis 2017, après des années de réduction. Mais, monsieur le ministre, ce contentement de vous-même ne résiste pas à l’analyse de ce PLF, le dernier d’un quinquennat marqué par une défiance inégalée entre le Président de la République et les élus locaux.
Les conclusions du Congrès des maires, cet après-midi, ne suffiront sans doute pas à renouer avec des élus qui se sentent méprisés, isolés, abandonnés.
Les communes ont perdu un impôt historique – la taxe d’habitation –, dont la dernière tranche disparaît avec ce PLF. Elles ont également perdu la moitié des impôts de production. Les départements, après les régions, doivent renoncer à leur dernier pouvoir de taux.
Les compensations sont incomplètes et illisibles – ainsi du coefficient correcteur. Le paysage des finances locales n’a plus rien de cohérent et plus personne n’y comprend rien !
Le lien, décisif pour la cohésion sociale, entre les citoyens et leurs communes, départements et régions, entre les activités économiques et les collectivités territoriales, se distend.
L’autonomie financière des collectivités, indispensable au respect du principe constitutionnel de libre administration, se réduit encore ; et cette recentralisation ne se traduit aucunement par un renforcement de la présence de l’État dans nos territoires, au contraire. En témoigne la disparition de plus de 500 trésoreries depuis 2013.
Or, moins l’État est présent, plus il se fait tatillon, exigeant et technocrate, à l’égard des communes notamment.
Le recul des services publics se répercute sur les collectivités. Celles-ci doivent par exemple contribuer au financement des maisons France Service pour garantir une présence minimale de la puissance publique, ou encore prendre des initiatives face à la désertification médicale.
L’efficacité économique n’est pas non plus au rendez-vous. Ce sont d’abord les plus grandes entreprises, celles qui en ont finalement le moins besoin, qui bénéficient de la diminution des impôts de production. Pour elles, le gain moyen est de plus de 9 millions d’euros, contre 940 euros seulement pour les très petites entreprises (TPE).
Monsieur le ministre, votre gouvernement poursuit le mouvement de regroupement et de fusion des collectivités, malgré le mécontentement que suscitent les intercommunalités et les régions XXL.
Les communes qui fusionnent sont davantage subventionnées, au détriment de celles qui veulent continuer à assurer la proximité et à faire vivre l’institution préférée des Français.
Vous poursuivez la mise en concurrence entre collectivités. À enveloppes constantes, quand les dotations augmentent pour certaines, elles diminuent pour d’autres, à l’image de la DGF, qui a baissé pour plus de la moitié des communes en 2021. Nous défendrons d’ailleurs des amendements tendant à revaloriser la DGF en prenant pour base l’année 2013 et en tenant compte de l’inflation actuelle.
Nous proposons aussi que l’augmentation de la dotation de solidarité urbaine (DSU) et de la dotation de solidarité rurale (DSR) ne se fasse pas au détriment des communes qui n’en bénéficient pas.
La logique de contractualisation et d’appels à projets est tout aussi critiquable. Le fléchage de ces derniers vers des objectifs prédéfinis par l’exécutif pénalise les plus petites communes, qui ne disposent ni de l’ingénierie nécessaire ni du soutien de l’État pour concourir.
Enfin, le soutien accordé aux collectivités territoriales face aux dépenses et aux pertes de recettes subies durant la crise sanitaire est sans commune mesure avec l’aide apportée à la sphère privée. Les collectivités ont pourtant été et restent en première ligne face à l’épidémie.
La clause de sauvegarde devait apporter 750 millions d’euros à environ 12 000 communes. Or seules un peu plus de 3 600 d’entre elles seront concernées, pour 177 millions d’euros mobilisés.
Nous proposons de redonner des moyens d’action aux collectivités, par exemple en compensant les mesures salariales concernant les agents de catégorie C, qui représentent l’essentiel de leur masse salariale.
En investissant, en prenant soin de nos concitoyens, les collectivités prennent part à la relance. Elles doivent être soutenues en ce sens ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. Pascal Savoldelli. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. Michel Canévet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous commençons aujourd’hui l’examen du dernier budget de ce quinquennat.
Rémi Féraud déclarait à cette tribune qu’il souhaitait débattre à la fois des recettes et des dépenses. Je lui dis : chiche !
Pascal Savoldelli a quant à lui exprimé les critiques que lui inspire le présent texte. Heureusement que nous n’avons pas voté la question préalable déposée par son groupe : sinon, il n’aurait pas pu faire part de ses appréciations, que les élus du groupe Union Centriste n’approuvent d’ailleurs pas franchement…
Monsieur le ministre, disons-le : nous apprécions la trajectoire suivie pour les particuliers, avec la baisse des impôts pour les ménages, le prélèvement à la source, qui simplifie et fluidifie la collecte de l’impôt, ou encore l’instauration du prélèvement forfaitaire unique (PFU).
Bien entendu, il reste encore beaucoup à faire. Sylvie Vermeillet l’a fort bien dit : des aménagements sont nécessaires, qu’il s’agisse de l’IFI ou des abattements sur les droits de succession.
Pour ce qui concerne les entreprises, sujet majeur, nous saluons également la trajectoire fiscale qui est suivie. Bernard Delcros a évoqué la baisse de l’impôt sur les sociétés, qui a toute son importance.
Parmi les préoccupations des membres du groupe Union Centriste figure aussi l’avenir des impôts de production. Les collectivités territoriales ont déjà perdu, avec la suppression de la taxe d’habitation, de leur pouvoir de décision. (M. Jean-Michel Arnaud le confirme.) Or nous sommes soucieux de préserver leur autonomie financière. Il y va, au surplus, de la responsabilité des élus locaux, lesquels doivent pouvoir être jugés à l’aune de leur gestion.
Certes, il est nécessaire de baisser les impôts de production afin de rendre nos entreprises et notre économie plus compétitives. Mais veillons à ne pas entamer l’autonomie financière des collectivités territoriales !
D’autres orateurs l’ont déjà souligné : nous avons encore à relever un certain nombre de défis, celui de l’orientation de l’épargne vers l’économie notamment. Les membres du groupe Union Centriste formuleront quelques propositions en la matière.
Chacun le sait, la crise sanitaire a incité beaucoup de Français à thésauriser. Il importe maintenant que ces ressources contribuent, autant que possible, au développement de l’économie.
L’État accompagne également notre économie par différents programmes d’investissement ; nous souhaitons que ces dispositifs soient aussi lisibles que possible. Ces programmes, qui sont multiples, doivent être compris par l’ensemble des interlocuteurs, en particulier les porteurs de projet. En outre, il faut que les organisations professionnelles concernées soient associées à leur mise en œuvre : c’est essentiel à la réussite des projets engagés.
Autre préoccupation précédemment exprimée : la question du pouvoir d’achat. Au sein du groupe Union Centriste, nous mesurons toute l’importance de la notion de responsabilité sociétale et environnementale (RSE), introduite dans notre droit par la loi Pacte.
En complément de la rémunération, en effet, il faut donner toute leur place à l’intéressement et à la participation. Ces dispositifs mériteraient eux aussi d’être améliorés, d’autant que, d’après un récent sondage, 36 % de nos concitoyens ont du mal à boucler leurs fins de mois.
En parallèle, l’objectif d’une meilleure maîtrise des finances publiques, cher aux membres du groupe Union Centriste, ne doit pas être mis de côté. Ce chantier suppose bien entendu des recettes accrues – Bernard Delcros a insisté sur ce point. Il implique également une bonne maîtrise des dépenses ; sans cela, nous n’arriverons pas à l’équilibre des finances publiques. Or il s’agit là d’un impératif pour limiter l’endettement.
En tant que Breton, je suis satisfait de constater la présence dans ce PLF d’un certain nombre de dispositions destinées à affirmer l’ambition maritime de notre pays – je pense notamment à l’article 8. Un certain nombre de mesures fiscales ont été proposées à cette fin : sans doute exigent-elles encore quelques menues améliorations afin d’être pleinement efficaces.
Je précise simplement que les enjeux halieutiques ne sauraient se réduire à des plans de sortie de flotte, qui signifient une réduction de l’effort de pêche : dans le domaine maritime comme dans d’autres, la diminution de l’activité n’est pas souhaitable.
Enfin, il faut renforcer la lutte contre les fraudes fiscale et sociale ; Nathalie Goulet formulera quelques propositions en ce sens ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Emmanuel Capus, Pierre Cuypers et Jean-Claude Requier applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Segouin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Vincent Segouin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, souvenez-vous de la gravité de nos débats lorsque, en décembre 2018, nous votions une enveloppe de 10 milliards d’euros pour mettre fin à la crise des gilets jaunes.
M. Albéric de Montgolfier. Je m’en souviens !
M. Vincent Segouin. Souvenez-vous de l’angoisse de ces 10 milliards d’euros que nous ne savions pas comment financer.
Depuis, la dette a explosé : elle a augmenté de 600 milliards d’euros pour atteindre, en cette fin d’année 2021, près de 115 % de notre PIB.
Monsieur le ministre, vous nous direz que tout est de la faute du covid. Personne ne niera son importance ; mais nous ne pouvons pas faire retomber la faute sur la seule pandémie.
Selon vos propres chiffres, la crise du covid aura coûté 424 milliards d’euros entre 2020 et 2022. La dette a donc augmenté de 300 milliards d’euros hors crise, soit trente fois ce que nous avions accordé lors de la crise des gilets jaunes. (M. Gérard Larcher acquiesce.)
Pendant cette période, le « quoi qu’il en coûte » théorisé par notre Président, que nous avons commencé par soutenir, a été mis en œuvre. Il s’agissait de préserver nos entreprises et nos emplois, et cette volonté était bien légitime. Mais on n’a pas réellement évalué l’impact, l’efficience et la performance de ces dépenses publiques.
M. le rapporteur général l’a rappelé : dans le cadre du plan de relance, vous avez accordé un capital à une entreprise indienne pour qu’elle s’installe en France sur un marché très concurrentiel et saturé, mettant en péril un fleuron de notre industrie. Je ne suis pas sûr que la théorie suivie soit logique…
Combien d’exemples similaires ? Combien de financements accordés pour réindustrialiser sans garantie de résultat ? Il s’agissait seulement de dépenser, apparemment, pour consommer les budgets !
Nous pouvons nous interroger sur la performance du modèle adopté, notamment par rapport aux pays comparables de l’Union européenne.
Je vous rappelle qu’en 2020 l’Allemagne n’était qu’à 4,7 % de déficit quand nous étions à 9,1 % et que sa dette, au sommet de la crise, s’est élevée à 68,7 % de son PIB, contre 115 %, désormais, pour la France.
Le vice du « quoi qu’il en coûte » réside surtout dans la facilité du recours à la dette.
Vous vous êtes plu à nous rappeler que la France emprunte sans difficulté, dans la mesure où les taux d’intérêt sont faibles. Vous sous-entendez aussi que notre endettement n’est finalement pas si terrible, comparé, par exemple, à celui du Japon.
Le covid aura provoqué une véritable fracture.
Aucune étude, à aucun moment, n’a été faite sur nos capacités à emprunter, sur l’emploi de l’argent et sur ses effets. À aucun moment n’ont été proposés une politique sérieuse et un travail de concertation avec le Parlement pour rembourser la dette et relancer l’économie.
Jamais nous ne nous sommes interrogés sur nos capacités à emprunter et sur les dispositifs à adopter pour rembourser. Cette gestion est irresponsable.
Mais la gestion calamiteuse des finances de l’État ne trouve pas uniquement sa source dans la crise que nous venons de traverser. En réalité, votre gouvernement a la dépense facile et met aisément sur le dos du covid-19 les dépenses très politiques qu’il souhaite engager.
J’en veux pour preuve que, depuis juillet 2021, alors que l’épidémie était au plus bas, le Président de la République a engagé pas moins de 25 milliards d’euros de dépenses supplémentaires.
C’est insupportable ! Croyez-moi, les Français le pensent et s’en inquiètent.
J’avais une question pour M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance,…
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Il est parti !
M. Vincent Segouin. … pensant qu’il resterait dans l’hémicycle et aurait la décence de nous répondre. Malheureusement, il est parti.
Je voulais simplement lui demander comment il pouvait assumer sa politique après avoir pensé et proclamé dans tous les médias, en 2017, que la France était « droguée à la dépense publique » depuis vingt à trente ans.
Aucun des engagements formulés en matière de responsabilité financière par le Président de la République dans son programme de 2017 ne semble avoir été honoré.
Au terme du quinquennat, la France est toujours championne d’Europe des dépenses publiques, toujours championne d’Europe des prélèvements obligatoires, elle est toujours plus endettée que vingt-quatre des vingt-sept pays de l’Union européenne et affiche depuis 2012 le pire déficit commercial, sa balance étant négative de 95 milliards d’euros, là où l’Allemagne dégage un excédent de 188 milliards d’euros.
Vous avez souvent laissé planer l’idée que la gestion de l’État n’était pas à comparer avec celle d’un ménage ou d’une entreprise. Si tel est le cas, expliquez-moi alors pourquoi l’Allemagne ne suit pas votre théorie !
Comme notre dette propre ne vous suffisait visiblement plus, nous avons engagé un processus d’émission de dette commune avec les autres États membres de l’Union européenne – cette dette n’entre pas dans le calcul de la dette nationale, mais elle devra être remboursée par nos finances si nous n’arrivons pas à mettre en place des recettes européennes.
C’est encore irresponsable !
Vous nous rappelez que la France n’a pas de problème pour emprunter et que les taux sont faibles. Mais s’ils le sont – c’est ce que vous oubliez, à raisonner ainsi – c’est parce que les Français ont de l’épargne et du capital, ce qui revient à dire que la France emprunte avec la garantie de l’épargne des Français.
Vous ne le savez que trop bien ! La loi Sapin 2 vous fournit en effet les outils nécessaires pour prélever directement sur l’épargne des Français de quoi pallier une éventuelle défaillance de l’État.
Aujourd’hui, l’épargne est une garantie ; mais si, un jour, vous ou votre successeur étiez amené à prélever sur l’épargne des Français, je pense que la confiance serait définitivement rompue et que l’épisode de gilets jaunes que nous connaîtrions serait autrement plus grave que celui que nous avons vécu.
Au vu du chemin que nous empruntons – 45 000 euros pèsent sur la tête de chaque Français –, il est impératif de faire des choix courageux. De tels choix sont malheureusement absents de votre budget…
Vous nous rétorquerez que la dette sera remboursée par la croissance. J’ai interrogé le ministre de l’économie, des finances et de la relance à ce sujet, pour savoir s’il prévoyait une croissance supérieure à 1,5 % dès 2024, quand le PIB aura atteint le niveau de 2019, étant entendu qu’un taux de croissance de 1,5 % ne suffirait pas à rembourser le capital de la dette, et ce sans préjuger des effets d’une hausse éventuelle de l’inflation sur les taux d’intérêt.
Je n’ai toujours pas eu de réponse à ma question.
Enfin, concernant les charges, vous adoptez la politique de la taxe plutôt que celle de la réforme d’un système devenu obèse et qui coûte trop cher. En réalité, vous préférez augmenter les recettes plutôt que réduire les dépenses, qui s’élèvent aujourd’hui à 57 % du PIB.
Vous allez me dire que nous avons devant nous le ministre qui a le plus baissé les impôts. Certes, mais notre taux de prélèvement, qui est de 43,5 % reste 10 % plus élevé que la moyenne des pays de l’euro. Surtout, nous sommes toujours les champions du monde du prélèvement obligatoire ! De surcroît, comme M. le président de la commission des finances l’a rappelé précédemment, cette baisse des impôts est financée par la dette, donc artificielle.
Oui, un véritable problème se pose dans la gestion des finances publiques. Votre comportement est dispendieux, sans mesure et, me semble-t-il, irrespectueux.
Monsieur le ministre, je ne dis pas que toute dette est forcément négative, mais elle doit être une bonne dette, une dette d’investissement pour les générations futures, et rien d’autre. Or, aujourd’hui, la dette est faite pour rembourser, non pour investir. C’est une dette toxique !
Comment un Français qui chaque mois compte et limite ses dépenses peut-il comprendre ? Comment peut-il comprendre que l’argent n’a pas de valeur, alors qu’il s’efforce tous les jours de faire attention ?
Monsieur le ministre, je ne supporte plus l’utilisation que vous faites de l’argent public, de l’argent qui ne vous appartient pas !
Je ne supporte plus le fait que vous soyez incapable de réduire les dépenses et de diminuer les normes et les contraintes administratives qui engendrent l’augmentation – contrairement à vos prévisions – du nombre de fonctionnaires.
Les dépenses ne sont pas maîtrisées et le service public ne cesse de se dégrader. Les Français se plaignent à juste titre de la lenteur et de l’inefficacité de la justice, les forces de l’ordre s’épuisent et se découragent, l’immigration augmente sans aucun contrôle. (M. Serge Mérillou s’exclame.)
L’hôpital public s’effondre alors qu’on y compte presque autant de personnels administratifs que de soignants. Le chômage des jeunes ne diminue pas, alors que les entreprises ne trouvent personne pour pourvoir leurs emplois. L’insertion est toujours aussi compliquée et la balance commerciale se dégrade chaque jour un peu plus.
Nous l’avons dit : ce ne sont pas moins de 45 000 euros de dette publique qui pèsent sur la tête de chaque Français. Aujourd’hui, le capital et le patrimoine des Français représentent la garantie de l’État emprunteur. S’il arrivait que l’inflation provoque la hausse des taux d’intérêt, en ajoutant au tableau les engagements financiers pris au niveau de l’Europe, nous ne pourrions rembourser la dette : notre charge d’intérêts serait bientôt insupportable, dépassant le budget de la défense, pourtant deuxième budget de l’État.
La Cour des comptes, le Haut Conseil des finances publiques et le Sénat vous mettent en garde, mais vous n’écoutez pas.
Votre projet nous conduit vers la catastrophe et l’abîme. Il est temps que les Français en prennent conscience, et il est temps d’arrêter ce processus ! (M. le président de la commission et M. le rapporteur général manifestent leur approbation.)
C’est pourquoi le groupe Les Républicains ne cautionnera pas ce budget qui est l’illustration même de tous ces constats ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Madame la présidente, monsieur le président du Sénat, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaiterais prononcer quelques mots en réaction à la discussion générale.
Je ne répondrai pas à chaque orateur – ce serait trop long. L’examen des articles et des amendements, au moins ceux de la première partie, nous permettra d’apporter des réponses et d’aborder un certain nombre de débats.
À mes yeux, trois points ressortent particulièrement des interventions que nous venons d’entendre, dont deux préfigurent peut-être ce que seront nos débats dans les heures et les jours à venir, quand le troisième relève plutôt d’une question de méthode et appellera de ma part un simple commentaire, si vous m’y autorisez.
Le premier point concerne le pouvoir d’achat. Comme tous les gouvernements successifs ont pu le constater, il existe en ce domaine des différences entre ce qui est ressenti et ce qui est statistiquement constaté. Cela a été dit, et souligné.
J’ai parfois été surpris, je ne vous le cache pas, d’entendre asséner ou affirmer que telle étude portant sur le ressenti de telle ou telle catégorie de population vaudrait vérité confirmée s’imposant aux statistiques préparées par l’Insee.
Notre rôle – à vous, parlementaires, comme à moi, en tant que membre du Gouvernement – est de nous en tenir à des données statistiques objectives plutôt que de nous fier à des ressentis. À défaut, nous risquerions de mener un débat météorologique autour du pouvoir d’achat, quand nous avons plutôt intérêt à faire preuve de précision et de constance.
En débattant du pouvoir d’achat, nous aurons évidemment à débattre de fiscalité et d’un certain nombre d’orientations.
Le deuxième point qui ressort de cette discussion générale a trait – cela n’a rien de surprenant ici – aux collectivités locales.
Comme j’ai eu l’occasion de le dire cet après-midi devant vous et ce matin devant le Congrès des maires, les engagements pris par le Président de la République concernant la stabilité de l’enveloppe de la dotation globale de fonctionnement ont été tenus : cette enveloppe a été maintenue à hauteur de 26,8 milliards d’euros.
De même, ses engagements relatifs au maintien des dotations d’investissement ont également été respectés. Je parle évidemment des mesures générales prises hors période de crise, sans revenir sur les 2 milliards d’euros exceptionnels de dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) accordés en août 2020 et janvier 2021.
Le Président de la République avait également pris des engagements, que beaucoup d’entre vous contestaient, autour de la suppression progressive de la taxe d’habitation (TH). Si l’opposition est évidemment légitime, force est néanmoins de constater que les engagements sont tenus et que cette mesure a bien été compensée.
J’ai proposé à l’Assemblée nationale, qui l’a approuvé, un amendement visant à compléter les modalités de compensation de cette suppression progressive de la taxe d’habitation en intégrant les rôles supplémentaires de TH, mais aussi en neutralisant la question des reprises de TH pour les collectivités ayant augmenté leur taux depuis 2017. Cette dernière disposition s’appliquera dès lors qu’une telle augmentation soit s’est révélée fiscalement neutre, le produit communal et intercommunal de TH restant stable, soit a été décidée à la suite d’une injonction de la chambre régionale des comptes ou d’un arrêté préfectoral pris en application des recommandations de cette même chambre.
Nous continuerons à travailler en ce sens. J’ai indiqué également que notre choix pour le présent PLF – et, je l’espère, pour les suivants – était celui de la stabilité du modèle fiscal et du panier de ressources.
Nous avons mille autres chantiers à ouvrir, notamment autour de la définition du potentiel fiscal servant de critère d’éligibilité pour telle ou telle dotation ou tel ou tel élément de péréquation, mais également autour de la manière dont nous organisons la solidarité, tant verticale qu’horizontale, au profit des collectivités.
Ces améliorations du modèle de financement des collectivités doivent désormais primer la réforme fiscale des collectivités en tant que telle.
Je passe évidemment, bien que ce sujet demeure fondamental, sur la réforme des critères d’attribution de la DGF et sa singulière complexité. Mais nous aurons ce débat ; l’examen des articles portant prélèvement sur recettes au profit des collectivités en sera certainement l’occasion.
Un commentaire, enfin, sur la méthode et sur la trajectoire.
Le Sénat, dans sa majorité, a indiqué à plusieurs reprises ne pas partager nos orientations. C’est à la fois la responsabilité et l’honneur du Gouvernement que de les défendre devant vous.
Je le ferai à l’occasion de l’examen des articles, avec la même conviction que lors des précédents débats budgétaires, et en respectant les différences de chacun.
Notre trajectoire est une trajectoire de normalisation, qui s’appuie sur ce que nous avons fait précédemment, entre 2017 et 2020, date du début de la crise : trois années consécutives pendant lesquelles le déficit a été maintenu en dessous des 3 % du PIB, tandis que le poids des dépenses publiques diminuait, jusqu’à atteindre 53,5 % du PIB, conformément – je le dis à Mme Lavarde – à l’engagement pris par le Président de la République pendant sa campagne, et que le taux de prélèvements obligatoires baissait lui aussi.
Nous renouons avec cette trajectoire concernant les dépenses publiques ; nous l’avons approfondie concernant les prélèvements obligatoires.
Nous devons reprendre le chemin des 3 % de déficit, non pas en vertu de je ne sais quel fétichisme entretenu à l’égard de tel ou tel critère du pacte de stabilité, mais parce que les hypothèses économiques montrent que c’est à partir de 3,2 % ou 3,3 % de déficit que nous parvenons à inverser la trajectoire d’évolution du poids de la dette par rapport au PIB.
L’objectif du retour à 3 %, loin de s’expliquer par l’attachement à un chiffre ou à un autre, est donc la clé d’une telle inversion. Ainsi, comme nous l’avons inscrit dans le PStab, le programme de stabilité, pourrons-nous faire en sorte que le poids de la dette décroisse significativement à partir de 2025 ou 2026.
Telle est la trajectoire que nous défendons. Elle peut être contestée ou remise en question. Nous en débattrons.
En revanche – et c’est le commentaire que je voulais faire –, au travers des interventions que j’ai entendues se fait jour un risque, qui nous concerne tous, et que le travail de propositions et de contre-propositions que j’espère voir mené au Sénat ne saurait ignorer : le risque de l’injonction contradictoire.
Que des injonctions contradictoires trouvent à s’exprimer entre les interventions de représentants de différents groupes, c’est assez logique. J’entends parfois aussi des injonctions contradictoires au sein des mêmes groupes, et j’ai souvent constaté que les mêmes qui, en discussion générale, reprochaient au Gouvernement de ne pas consolider ou de ne pas redresser suffisamment vite les finances publiques, proposaient ensuite des dépenses supplémentaires, nous reprochaient tel ou tel trou dans la raquette ou organisaient des prélèvements sur recettes au profit de telle ou telle catégorie, souvent les collectivités – et le faisaient à l’occasion de l’examen des articles, singulièrement en deuxième partie. Vu la tournure des débats, certains éviteront peut-être, pour cette fois, le risque de la contradiction… (M. le rapporteur général sourit.)
On observe ainsi parfois une divergence significative entre l’appel à la rigueur budgétaire et la pratique de la proposition budgétaire.
Le Gouvernement n’est lui-même pas tout à fait exempt d’injonctions contradictoires ; c’est pourquoi je me permets ce commentaire.
Si nous pouvons néanmoins, dans les heures qui viennent, nous épargner de nous y confronter trop souvent, le débat en deviendra certainement plus utile.
Quoi qu’il en soit, j’attends avec beaucoup de plaisir et d’impatience le débat sur les articles et les amendements. Vous allez commencer par l’examen de l’article liminaire, puis discuterez avec mon collègue Clément Beaune du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne.
Je saisis l’occasion de cette réponse aux différents intervenants pour vous remercier chacun d’avoir fait vivre la discussion générale cet après-midi.
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l’article liminaire.
projet de loi de finances pour 2022
Article liminaire
Les prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques pour l’année 2022, l’exécution de l’année 2020 et la prévision d’exécution de l’année 2021 s’établissent comme suit :
(En points de produit intérieur brut) |
|||
Exécution 2020 |
Prévision d’exécution 2021 |
Prévision 2022 |
|
Solde structurel (1) |
-1,3 |
-5,7 |
-4,0 |
Solde conjoncturel (2) |
-5,0 |
-2,3 |
-0,8 |
Mesures ponctuelles et temporaires (3) |
-2,8 |
-0,1 |
-0,2 |
Solde effectif (1 + 2 + 3) |
-9,1 |
-8,2 |
-5,0 |
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
Mme la présidente. Nous allons maintenant examiner, au sein du titre Ier de la première partie du projet de loi de finances pour 2022, l’article 18, relatif à l’évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne.
article 18 et participation de la france au budget de l’union européenne
Mme la présidente. Dans la discussion, la parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)
M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous passons désormais à l’examen de l’article 18 du projet de loi de finances pour 2022, qui évalue à 26,4 milliards d’euros le montant du prélèvement sur recettes versé par la France au profit de l’Union européenne – somme relativement stable par rapport à la prévision actualisée pour 2021.
Toutefois, cette relative stabilisation ne saurait refléter l’amorçage d’un plafonnement ni d’un ralentissement de la contribution française. En effet, le montant annuel moyen de ce prélèvement devrait s’élever à 27,6 milliards d’euros pour la période 2021-2027, soit une hausse de 7,5 milliards d’euros par rapport au montant moyen acquitté pour la période 2014-2020.
Cela étant dit, il convient de rappeler que la France reste l’un des principaux bénéficiaires en volume des dépenses de l’Union européenne, en deuxième place derrière la Pologne.
Ainsi, en 2020, les dépenses réalisées en France se sont élevées à 15,8 milliards d’euros, soit près de 11 % des dépenses totales de l’Union, en hausse de 5,4 % par rapport à l’année précédente.
Au-delà de la question du montant de la contribution de la France pour 2022, les auditions que j’ai menées m’ont permis d’identifier trois défis auxquels le budget européen devra répondre dans les prochaines années.
Premièrement, alors qu’un nouveau cadre financier pluriannuel vient de s’ouvrir, il faut veiller à ne pas manquer le coche du démarrage de cette nouvelle programmation, afin de mobiliser de façon efficace les fonds européens, sujet auquel le Sénat est attaché.
Or l’allongement du délai entre l’engagement des dépenses et leur paiement se traduit par une hausse du reste à liquider, qui s’élève à 300 milliards d’euros environ à la fin de l’année 2020. Certes, la constitution d’un reste à liquider est un phénomène normal, mais son excès témoigne d’une difficile concrétisation des dépenses européennes sur le terrain.
Monsieur le secrétaire d’État, alors que la mission d’information du Sénat sur ce sujet a rendu ses conclusions voilà maintenant deux ans, quelles mesures concrètes le Gouvernement a-t-il prises pour accélérer la mobilisation des fonds européens dans les territoires ?
Deuxièmement, la présentation des propositions de la Commission européenne pour l’introduction de nouvelles ressources propres a été repoussée à une date ultérieure. Or l’introduction de nouvelles ressources nous a été présentée comme la voie permettant de financer le remboursement du plan de relance européen, mis en œuvre grâce à une nouvelle capacité d’endettement commune.
À défaut de nouvelles ressources propres, la France devrait supporter une hausse de sa contribution de 2,5 milliards d’euros environ chaque année, à partir de 2028 et pendant trente ans, rien qu’au titre du remboursement du plan de relance.
Monsieur le secrétaire d’État, face à l’urgence de ce dossier, pouvez-vous nous donner des perspectives quant au calendrier des propositions qui doivent être émises par la Commission européenne ?
Troisièmement, la Commission européenne a présenté en juillet le paquet Climat. Il y est notamment proposé qu’une partie des recettes du système d’échange de quotas d’émission alimente un fonds social pour le climat, destiné à alléger la facture énergétique des ménages et des entreprises. Par conséquent, deux objectifs seraient désormais attribués à cette même ressource : rembourser le plan de relance européen et financer le fonds social pour le climat.
Monsieur le secrétaire d’État – et ce sera ma dernière question –, alors que les nouvelles ressources propres ne sont pas encore arrêtées, faut-il déjà s’inquiéter d’un risque de dévoiement de ces recettes au détriment du remboursement du plan de relance ?
Enfin, l’examen du montant du prélèvement sur recettes m’a donné l’occasion, en commission, de faire un point sur la mise en œuvre du plan de relance européen, au titre duquel la France a déjà bénéficié du versement du préfinancement, pour un montant de 5 milliards d’euros environ.
Je ne reviendrai pas ici sur les épisodes de ces derniers mois, marqués par la procédure de ratification de la décision relative aux ressources propres et par la transmission des plans nationaux de relance et de résilience des États membres.
Je souhaiterais néanmoins relayer un point de vigilance sur le recours aux crédits de la facilité pour la reprise et la résilience en France. En effet, ces crédits peuvent financer des mesures qui sont également éligibles aux fonds de la politique de cohésion. Or une même dépense ne peut être financée par plusieurs fonds. Il faut donc mettre en place un système d’aiguillage, ou de priorité, pour flécher les financements.
L’enjeu budgétaire est de taille. Si nous voulons utiliser pleinement tous les crédits alloués à la France, les financements doivent être bien fléchés. À l’heure actuelle, une démarche pragmatique semble être privilégiée, mais il nous reviendra de suivre attentivement cette mise en œuvre.
En conclusion, mes chers collègues, je recommande, au nom de la commission des finances, l’adoption sans modification de l’article 18 du projet de loi de finances pour 2022. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Emmanuel Capus et Jean-Claude Requier, ainsi que M. le président de la commission des finances, applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, au nom de la commission des affaires européennes, en remplacement de M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Dominique de Legge, au nom de la commission des affaires européennes, en remplacement de M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux tout d’abord excuser le président Jean-François Rapin et remercier notre collègue Jean-Marie Mizzon pour son analyse et pour la clarté de ses propos.
Il nous a indiqué que la contribution de la France au budget européen était stabilisée. Je veux tout de même signaler que, compte tenu de la mise en œuvre du cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027, cette contribution sera amenée, à terme, à augmenter.
Nous aurons de surcroît, à partir de 2028, à rembourser l’emprunt contracté à l’occasion du lancement du plan de relance européen.
Il existe, bien sûr, une échappatoire à cette perspective : la mise en place de nouvelles ressources propres. Cependant, chacun sait que ce sujet soulève des questions politiques et institutionnelles importantes. Le Sénat l’a souligné dans des résolutions européennes, comme l’a fait notre collègue Jean-Marie Mizzon en parlant d’une équation toujours non résolue.
C’est un fait, et la commission des affaires européennes entend s’y intéresser tout particulièrement l’an prochain, dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne. Monsieur le secrétaire d’État, peut-être pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?
Mardi dernier, le ministre Jean-Yves Le Drian a évoqué trois mots d’ordre pour qualifier les ambitions de la future présidence française : relance, puissance, appartenance.
Acceptons-en l’augure, mais je veux ici affirmer que, si les attentes du Sénat sont grandes, ses doutes n’en sont pas moins grands quant à la capacité de la France de tirer le meilleur parti de cette présidence, en raison du calendrier électoral.
Pour ce qui est de la relance, nous pouvons dire que nous l’avons financée à crédit, tant au niveau national qu’au niveau européen.
La puissance, elle, reste largement à construire et exige une véritable volonté politique. Une telle volonté semble malheureusement faire défaut chez certains de nos partenaires de l’Union, alors que les menaces qui pèsent sur l’Europe s’affirment chaque jour un peu plus. Il est temps de réagir !
Quant à l’appartenance, elle ne saurait se résumer à renouveler son adhésion à un club d’endettés désireux de se relancer ! Il faut parvenir à traduire en actes l’affirmation de l’autonomie stratégique de l’Union, c’est-à-dire donner corps et sens au projet européen, en pensant d’abord à nos concitoyens ; à défaut, ces derniers s’en détourneront. Nous avons tous les jours des exemples indiquant que ce risque est réel. Cela vaut pour le Pacte vert et la transition écologique comme pour les enjeux migratoires ou la défense, pour ne citer que quelques exemples.
La commission des affaires européennes et l’ensemble des commissions permanentes, dont je salue la mobilisation, entendent utiliser pleinement le volet parlementaire de la présidence française pour veiller à la défense des intérêts de la France et faire en sorte que les attentes des citoyens européens soient pleinement prises en compte par les institutions européennes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cela a été dit, l’examen de l’article 18 intervient sous le signe de l’imminente présidence française de l’Union européenne. Au cours du débat que le Sénat y a consacré mardi, certains de mes collègues ont souligné la peu idéale concordance entre cet événement et la prochaine élection présidentielle.
Voyons les choses autrement : reprise économique, pandémie, migration, transition écologique, sécurité internationale, ces sujets n’ont pas de frontières et, pour la plupart, appellent une réponse à l’échelle du continent européen – c’est une évidence, en tout cas aux yeux du RDSE, profondément attaché, chacun le sait, à la construction communautaire.
La campagne présidentielle devra donc être l’occasion de rappeler à nos concitoyens, et surtout aux plus eurosceptiques d’entre eux, cette interdépendance entre le destin de la France et celui de l’Europe.
Regardons la reprise économique, dont la France profite particulièrement ; une telle dynamique aurait-elle été possible sans le plan de relance Next Generation EU et l’effort coordonné de mutualisation des dettes ?
La stratégie vaccinale européenne mérite également d’être évoquée. L’approche collective a permis de sécuriser l’approvisionnement en doses sur notre continent. Ainsi, une grande majorité des États membres de l’Union européenne figurent parmi les pays les mieux vaccinés au monde.
Cela dit, je n’oublie bien sûr pas les terrains sur lesquels des efforts restent à faire en faveur d’une approche plus coopérative.
Je pense à la sécurité internationale, domaine dans lequel la France se trouve parfois seule aux avant-postes pour prendre des initiatives, comme c’est le cas avec Barkhane dans la bande sahélo-saharienne, où nous assurons la sécurité collective de l’Europe.
Je songe également à la question migratoire. Disons-le : celle-ci éprouve bien souvent la solidarité européenne. Il suffit de constater combien piétine le paquet Migration et asile. Pourtant, les défis sont immenses, entre le désespoir qui pousse les migrants à quitter leur pays et l’instrumentalisation honteuse qui est faite de ce drame par certains États, hier le Maroc, aujourd’hui la Biélorussie.
Mes chers collègues, pour amplifier ces politiques, comme chaque année, notre pays doit s’acquitter de sa quote-part au budget de l’Union européenne. Nos collègues rapporteurs ont rappelé les chiffres : en 2022, le prélèvement sur les recettes de l’État au profit de l’Union s’élèverait à 26,4 milliards d’euros, soit 800 millions d’euros de moins qu’en loi de finances initiale pour 2021.
Au regard de cette somme, la question du juste retour est dans les esprits ; cette équation, bien souvent vue sous l’angle comptable, omet pourtant tous les bénéfices indirectement induits, ce que certains États membres – ceux que l’on dit « frugaux » – ont tendance à oublier. Quoi qu’il en soit, il faudra en finir un jour avec les rabais, lesquels vont à l’encontre du principe de solidarité qui est au fondement du projet européen.
Le remboursement de l’emprunt pourrait être l’occasion d’approfondir le financement du budget de l’Union européenne. Mon groupe partage les orientations qui sont sur la table depuis l’accord du Conseil européen de juillet 2020 : taxe numérique, produit du système d’échange de quotas d’émission ou encore mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.
Nous souhaitons, enfin, la mise en œuvre rapide d’une taxe sur les transactions financières ainsi que la définition d’une assiette commune de l’impôt sur les sociétés. Attendre 2026 pour une éventuelle entrée en vigueur nous paraît un horizon trop lointain et trop incertain.
Monsieur le secrétaire d’État, je sais que l’Europe aime le temps long, au risque de se faire parfois bousculer par des crises. Dans ces conditions, nous comptons sur la présidence française pour accélérer le traitement de ces dossiers.
Dans cette attente, le groupe du RDSE votera l’article 18. (M. le président de la commission des finances, M. le rapporteur spécial et M. Gérard Larcher applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Joly.
M. Patrice Joly. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, chaque année, nous débattons de la contribution de la France au budget de l’Union européenne. Ce moment, sans doute trop court, nous permet aussi d’aborder l’état de l’Union. Cette année, ce débat prend une dimension particulière, à la veille de la présidence française du Conseil de l’Union européenne – cela a été dit.
Dans la crise sanitaire que nous traversons, l’Union européenne a su prendre des initiatives pour surmonter les risques de déstabilisation économique et financière. Elle a ainsi gelé l’application des règles de la discipline budgétaire, notamment les fameux seuils de 3 % du PIB pour le déficit public et de 60 % du PIB pour la dette publique, et assoupli les critères encadrant l’octroi d’aides d’État.
Elle a agi également par le biais d’outils tels que les prêts sans conditionnalité du Mécanisme européen de stabilité (MES), le mécanisme commun de réassurance, le plan de relance européen, d’un montant de 750 milliards d’euros, adossé à une capacité d’emprunt commune et assorti d’un échéancier de remboursement étalé, ou encore l’allègement des conditionnalités d’accès aux fonds.
Toutes ces décisions ont eu un fort impact sur le budget de l’Union européenne, contribuant à limiter l’augmentation attendue de la participation française à ce budget.
Cette pandémie a également révélé la nécessité d’un changement de politique de grande envergure. Nous n’avons plus le choix : nous devons désormais nous prémunir contre les crises à venir et protéger les plus vulnérables. Il nous faudra atténuer, voire résoudre, les crises, qu’elles soient sociales, économiques, écologiques ou démocratiques, et résorber les inégalités qui fragilisent nos sociétés.
Il est aujourd’hui urgent de redéfinir un cadre budgétaire et monétaire européen durable et de rebâtir nos politiques à la hauteur des enjeux qui sont devant nous.
Il s’agit aussi de faire face aux besoins de financement du plan de relance, lesquels nécessitent de dégager quelque 15 milliards d’euros de ressources nouvelles par an entre 2028 et 2058. À cet égard, une question devient de plus en plus prégnante, celle des ressources propres.
Aujourd’hui, l’Union européenne doit trouver d’autres financements que la contribution des États membres ou l’emprunt sur les marchés financiers.
La Commission européenne a d’ailleurs proposé, le 14 juillet dernier, l’instauration d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et le renforcement du système d’échange de quotas d’émission. Ces ressources propres favorables à l’environnement prolongeraient la démarche et l’esprit qui ont présidé à la mise en place de la taxe sur les déchets non recyclés.
Cependant, d’autres ressources doivent être mobilisées ; la nouvelle taxe sur les activités numériques – les bénéfices des multinationales se verraient désormais appliquer un taux d’imposition effectif minimum de 15 % –, doit ainsi être mise en œuvre rapidement. Cette taxe ne laisse pas néanmoins de nous poser question.
L’Icrict, la commission indépendante pour la réforme de l’impôt international sur les sociétés, rassemblant des économistes tels que Thomas Piketty, ainsi que l’Observatoire européen de la fiscalité, plaidait pour un taux global de 25 %, qui permettrait à la France de récupérer un montant de l’ordre de 25 milliards d’euros de recettes, accroissant de manière significative notre capacité budgétaire.
Cet accord international condamne-t-il toute possibilité d’atteindre rapidement un taux d’imposition de 21 %, conforme à l’ambition affichée par le Président de la République ? Quelle initiative la présidence française prendra-t-elle en ce sens ?
Le scandale des Pandora Papers, qui a révélé que 11 300 milliards de dollars étaient placés dans des paradis fiscaux, nous rappelle l’urgence pour les États membres de coopérer entre eux afin de renforcer la transparence et ainsi de mettre un terme à ces pratiques fiscales dommageables.
Chaque année, les gouvernements européens perdent plus de 1 000 milliards d’euros de recettes en raison des pratiques de fraude et d’évasion fiscales de la part d’entreprises et de particuliers, soit un ordre de grandeur équivalent au budget de l’Union européenne pour toute la durée de la période de six années en cours.
Ce scandale, qui fait suite à de multiples autres révélations de même nature intervenues ces dernières années, nous rappelle l’importance de mettre en œuvre des règles communes et ambitieuses sur le plan fiscal à l’échelle européenne. De telles règles nous permettraient – c’est notre responsabilité qui est en jeu – de lutter contre les inégalités fiscales, donc sociales.
Rappelons que le 1 % des individus les plus riches détient 20 % à 25 % de la richesse totale en France, en Allemagne, en Espagne ou encore en Scandinavie. Dès lors, pourquoi ne pas taxer aujourd’hui leur richesse nette et leur capital de manière progressive, à l’échelle de l’Union européenne ?
Ces recettes nouvelles pourraient être consacrées au remboursement des euro-obligations émises lors de la crise sanitaire, à la constitution d’un fonds commun de sauvetage ou à la transition environnementale, qui est notre horizon.
Cet impôt concernerait l’accumulation passée ; les rendements de l’investissement actuel et de l’innovation ne seraient donc pas affectés. Il ne représenterait donc un frein ni à l’investissement ni à la reprise. Ce 1 % des Européens aiderait ainsi les 99 % restants !
Des voies s’offrent à nous ; à nous de les saisir. Aujourd’hui, le groupe socialiste votera la contribution proposée dans ce budget pour 2022, qui est indispensable à la solidarité européenne, tout en appelant également à la construction d’une Europe forte, unie, fondée sur l’équité sociale et engagée dans les transitions, la transition écologique notamment. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. le rapporteur spécial applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’an dernier, j’avais ouvert mon propos en évoquant la violence de la crise que nous traversions et les blocages qui subsistaient dans les négociations du nouveau cadre financier pluriannuel 2021-2027.
Force est de constater que la crise est loin d’être terminée et que d’autres blocages, héritiers de situations latentes, se sont créés au sein de l’Union européenne.
Ce qui n’a pas changé non plus, c’est le montant de la contribution annuelle française au budget de l’Union, qui dépasse à nouveau les 26 milliards d’euros.
L’Union européenne fait énormément pour nos territoires et pour chacun d’entre nous au quotidien, grâce à des financements importants ; de surcroît, jour après jour, nous lui demandons d’agir toujours davantage.
Nous sommes d’ailleurs, depuis des années, l’un des principaux bénéficiaires des dépenses de l’Union. C’est particulièrement le cas pour la politique agricole commune (PAC), qui tient une place prépondérante dans les fonds européens que nous recevons et contribue à la force de notre agriculture et à notre souveraineté alimentaire.
Il en va de même du plan de relance européen, fruit de notre endettement commun. Ce plan aussi était bloqué par les négociations relatives au cadre financier pluriannuel, auquel il est adossé. Je me contenterai de faire deux remarques, qui me semblent cruciales, à propos de ce dossier.
Pour ce qui est de la bonne utilisation du plan de relance, premièrement, comme c’est le cas pour les fonds européens, il faut aller chercher les crédits du plan. Chaque territoire, chaque projet peut et doit avoir accès aux financements européens : c’est la clé de nos transformations.
La question des ressources propres, deuxièmement – j’ai déjà fait cette remarque l’an dernier –, est de loin l’une des plus importantes que soulève notre contribution.
Dans cet hémicycle, en février dernier, nous avons ratifié la décision « ressources propres » ; elle prévoit notamment un calendrier. Certaines délibérations devront se tenir durant la présidence française du Conseil de l’Union européenne. Nous comptons sur le Gouvernement, monsieur le secrétaire d’État, pour mener des discussions efficaces et faire émerger des solutions pérennes. L’enjeu est trop important pour être remis à plus tard.
L’année 2028 sera la première du remboursement de notre dette commune ; autant dire que c’est demain. Surtout, 2028 marquera le début d’un nouveau cadre financier pluriannuel, qu’il faudra négocier, qui se traduira par de nouvelles contributions annuelles françaises. Il y va donc de l’argent de la prochaine génération, qui fera face à de nombreux défis.
Alors que notre jeunesse nous exhorte à prendre des décisions dans d’autres domaines, notamment sur le climat, avec la COP26 qui s’est achevée, nous devons prendre nos responsabilités sur les volets économique et financier. Là aussi, il y a urgence : des ressources propres solides sont nécessaires.
Tout comme l’an dernier, en dépit d’incertitudes et de limites, le groupe Les Indépendants votera en faveur de l’article 18 de ce projet de loi de finances. L’Union européenne n’est pas une option ; c’est un levier indispensable pour faire face aux défis actuels. (M. Jean-Claude Requier applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le montant du prélèvement sur recettes opéré au profit de l’Union européenne pour 2022, estimé à 26,4 milliards d’euros, est stable par rapport à celui de l’année dernière, exécuté à 26,5 milliards d’euros.
Cette stabilité est bienvenue après les hausses considérables que notre participation au budget européen a connues ces dernières années, mais elle installe durablement notre contribution à un niveau historiquement élevé ; il s’agit désormais de notre cinquième poste budgétaire après les missions « Enseignement scolaire », « Défense », « Recherche et enseignement supérieur » et « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
En d’autres termes, l’État français consentira, l’année prochaine, à transférer à l’Union européenne l’équivalent de 9 % de ses recettes fiscales nettes et de 6 % de ses dépenses nettes.
Le prélèvement sur recettes est donc un geste financier fort, un engagement politique sans équivoque. En responsabilité, puisqu’il s’agit tant de satisfaire à une obligation internationale de la France que de permettre le fonctionnement de l’Union européenne, le groupe Les Républicains y souscrira et votera donc l’article 18 qui nous est soumis aujourd’hui.
Le traditionnel débat sur le prélèvement sur recettes intervient toutefois cette année dans un contexte très particulier, marqué par le lancement effectif du plan de relance européen approuvé en juillet 2020.
Cet accord avait fait tomber l’un des grands tabous de la construction européenne en autorisant pour la première fois un endettement commun à grande échelle. Une condition, toutefois, a été clairement explicitée par les chefs d’État et de gouvernement : le plan de relance, donc le pouvoir d’emprunt sur les marchés conféré à la Commission, doit demeurer « une réponse exceptionnelle à des circonstances temporaires ».
Or le Gouvernement prend désormais des distances de plus en plus marquées avec cette clause, dont l’objectif était d’affirmer que l’Europe ne s’engagerait pas à bas bruit sur la voie du fédéralisme budgétaire à la faveur de sa réponse aux conséquences de la crise sanitaire.
Alors même que les premiers décaissements n’avaient pas encore été effectués, Bruno Le Maire déclarait ainsi au mois de juillet : « nous proposons que l’émission de dette en commun réalisée pour financer le plan de relance devienne un système permanent de financement européen. En échange, chaque État membre accepterait d’être plus responsable en matière de dépense publique ».
En premier lieu, permettez-moi de souligner que l’exigence de sérieux budgétaire figure déjà depuis de nombreuses années au cœur du pacte de stabilité et de croissance et du pacte budgétaire.
Par ailleurs, je crains que l’exemple de ce projet de loi de finances, qui ne cesse d’évoluer au rythme effréné des promesses présidentielles, n’incite guère nos partenaires à se ranger aux propositions françaises.
Quoi qu’il en soit, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous confirmer que la position défendue à Bruxelles par le Gouvernement est bien celle d’une pérennisation du système d’endettement commun ? Dans l’affirmative, pouvez-vous nous donner un ordre de grandeur des volumes financiers que vous visez ?
Autre élément central de l’accord sur le plan de relance, la question des ressources propres est, comme on pouvait s’y attendre, loin d’être réglée. À vrai dire, au-delà de l’accord de principe donné par le Conseil européen, le débat de fond n’a même pas véritablement débuté.
En effet, la feuille de route contenue dans l’accord interinstitutionnel de décembre 2020 prévoyait que la Commission ferait une première série de propositions au plus tard en juin 2021, pour une entrée en vigueur des nouvelles ressources propres au 1er janvier 2023.
Or ce calendrier est déjà dépassé. Le projet de ressource assise sur une redevance numérique, dont une première version avait été présentée en 2018, puis abandonnée faute de consensus, a ainsi été mis en pause à la suite de l’accord conclu à l’OCDE sur la fiscalité des grandes entreprises.
Quant au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et à la révision du système d’échange de quotas d’émission, ils figurent bien dans le paquet climatique « Ajustement à l’objectif 55 » présenté le 14 juillet par la Commission.
Celle-ci a toutefois choisi de n’établir, à ce stade, aucun lien entre ces instruments et la décision sur les ressources propres de l’Union, au grand dam, d’ailleurs, du commissaire au budget et à l’administration, Johannes Hahn, qui n’a pas hésité à faire part de son mécontentement.
Comme nous l’avions anticipé lors du précédent examen du prélèvement sur recettes, ces retards sont aussi le reflet des divergences politiques entre les États membres.
D’un pays à l’autre, en effet, les analyses divergent quant aux avantages et aux inconvénients potentiels de l’instauration de ces nouvelles taxes pour le modèle fiscal de chacun, la compétitivité de ses entreprises, le budget de ses ménages ou encore les relations commerciales que l’Union entretient avec ses principaux partenaires.
Les discussions à venir seront donc ardues et rien ne garantit qu’elles aboutissent. Le parcours chaotique de la taxe sur les transactions financières et de l’assiette commune consolidée de l’impôt sur les sociétés nous incite en effet à la prudence : engluées dans des débats sans fin depuis des années, celles-ci sont pourtant censées abonder le budget européen dès le 1er janvier 2026.
L’enjeu n’est pas mince, puisque la charge du remboursement du plan de relance sera de plus de 15 milliards d’euros par an entre 2028 et 2058. Si c’est la ressource propre fondée sur le revenu national brut qui devait finalement être mobilisée pour y faire face, cela se traduirait par une flambée de la contribution française de plus de 2,5 milliards d’euros par an, soit une hausse de près de 10 % par rapport au prélèvement sur recettes que nous examinons aujourd’hui.
Dans ces conditions, le plan européen allouerait certes 40 milliards d’euros de subventions à notre pays, mais il lui demanderait, en contrepartie, de rembourser plus de 70 milliards d’euros. Un bien mauvais calcul, en somme, pour la France, qui sera en outre le principal contributeur au financement des rabais – 53 milliards d’euros sur sept ans – que les États frugaux ont réussi à conserver, et dont ils ont même obtenu l’augmentation, en échange de leur soutien à la relance européenne.
Je conclurai mon propos en évoquant brièvement l’après-plan de relance et la consultation lancée récemment par la Commission européenne sur la révision des règles du pacte de stabilité et de croissance.
La clause dérogatoire générale activée en mars 2020, qui permet aux États membres de s’extraire des règles en matière budgétaire et d’aides d’État, a été prolongée jusqu’à la fin de l’année 2022. Cette orientation budgétaire expansionniste ne pourra toutefois durer éternellement et les finances publiques nationales devront, tôt ou tard, retrouver une trajectoire soutenable, en particulier dans les pays très lourdement endettés, comme la France.
Il importe de préparer l’avenir en pensant aux générations futures qui auront à rembourser notre dette sans forcément en avoir la capacité. Il importe également que la France, qui s’apprête, en janvier prochain, à prendre la présidence du Conseil de l’Union européenne, soit exemplaire en matière de gestion de ses finances publiques.
Le débat sur la manière dont le pacte de stabilité et de croissance devra trouver à s’appliquer de nouveau fera, à n’en pas douter, l’objet de très nombreuses propositions. Il ne faudra toutefois pas perdre de vue certains fondamentaux essentiels pour préserver tant la solidité que la compétitivité de la zone euro.
Si le cadre révisé pourra éventuellement faire preuve de davantage de souplesse et de réactivité, il n’en devra pas moins rester suffisamment strict pour assurer, dans chaque État membre, le retour à des niveaux soutenables de dépense et de dette. Devront surtout continuer d’y être promues les réformes structurelles, propices à la croissance, celle-ci demeurant in fine la condition sine qua non de l’investissement dans la transition écologique et énergétique qui nous engage désormais collectivement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cet article 18 retrace l’évaluation du montant dû par notre pays au budget de l’Union, déterminé par des paramètres très techniques. Il est surtout l’occasion de débattre des enjeux relatifs à la capacité budgétaire de l’Union.
Car c’est bien vers une véritable capacité budgétaire que l’Union s’est engagée, en juillet 2020, au cœur de la pandémie et de la crise, en déplafonnant le budget européen du fameux 1 % du PIB, en décidant d’un emprunt commun pour la relance et en lançant la démarche pour l’introduction de nouvelles ressources propres. C’est bien une véritable capacité budgétaire européenne, j’y insiste, qui a été rendue possible.
Ainsi, le cadre financier pluriannuel dans lequel nous sommes engagés est d’une ampleur nettement différente du précédent. Le choix commun de consacrer directement près du tiers de nos moyens au climat sera déterminant pour tenir l’objectif d’une réduction d’au moins 55 % des émissions de gaz à effet de serre de l’Union d’ici à 2030.
Mais fixer des quotas et ajuster des taxonomies complexes ne suffiront pas à éviter la déroute climatique : il faudra surtout mobiliser, c’est-à-dire être moteur d’une réelle dynamique planétaire. En l’espèce, disons-le : Glasgow, quel gâchis ! Quelle incapacité de l’Europe à se montrer unie, résolue et entraînante !
L’Europe aura surtout étalé publiquement ses divisions sur le caractère positif ou négatif des investissements gaziers, pétroliers et nucléaires, entre la France, qui arrange son alliance entre tenants du nucléaire et tenants des hydrocarbures, et cinq États, dont l’Allemagne, qui la critiquent vertement. On est loin de la cohésion européenne des COP précédentes !
Il va pourtant bien falloir retrouver un tel esprit de cohésion si l’Union veut affronter les trois défis majeurs que sa résolution budgétaire nouvelle de juillet 2020 lui impose.
Il s’agit, tout d’abord, d’assurer le déploiement effectif de la relance sans que se dénaturent les orientations majeures, climat, énergie, santé, économie durable et résiliente, transition numérique, justice sociale, ni que se dévaluent les valeurs qui cimentent l’Union, lesquelles sont de plus en plus contestées, et pas seulement par des dirigeants polonais ou hongrois.
Il y va ensuite, au-delà de la relance, de la nécessaire pérennisation d’une volonté d’emprunter pour investir dans les transitions d’avenir et la neutralité carbone. La clause dérogatoire générale du pacte de stabilité et de croissance devrait être levée dans un an ; il serait contre-productif de rétablir les verrous d’hier. La présidence française est attendue sur ce point et l’approche qu’adoptera la future coalition outre-Rhin sera déterminante.
Enfin, troisième défi : la création de nouvelles ressources propres. L’emprunt commun nous y oblige, à moins d’augmenter les contributions des États ou de ratiboiser les politiques de l’Union. L’accord pour le déploiement des ressources propres ne paraît pourtant pas avancer clairement aujourd’hui. Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pourrait être reporté à une échéance bien lointaine ; la taxe sur les transactions est dans le brouillard ; quant à celle qui doit s’appliquer aux grandes entreprises du numérique, elle patine, dans le contexte nouveau de l’accord fiscal international, les perspectives restant confuses.
Ce qui est bien moins confus, après la publication des Pandora Papers, c’est la réalité de l’évasion fiscale : voilà, là aussi, des ressources à collecter avec détermination.
Un financement pérenne et autonome de l’Union européenne constitue le levier principal si l’on veut libérer les politiques d’avenir des égoïsmes nationaux, et aussi des rabais, ces fameux rabais que notre Président de la République disait hier « archaïques, injustes et illisibles » – son opinion a bien peu pesé, puisqu’ils sont aujourd’hui augmentés…
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera la contribution française au budget européen et reste résolument exigeant quant aux futures étapes du déploiement de celui-ci. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – MM. Patrice Joly et Serge Mérillou applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il aura fallu, nous dit-on, une pandémie mondiale pour estomper les égoïsmes nationaux incarnés par les pays dits « frugaux ».
L’accord faussement historique du plan de relance européen, entre autres cérémonies d’autosatisfaction, empêche de prendre la mesure de la crise qui traverse l’Europe. Opposant les plus frugaux aux moins frugaux, le débat se mène entre frugaux : « ceux qui en rêvent peuvent l’oublier », a ainsi répondu, d’un ton définitif, la Première ministre de la Finlande, Mme Sanna Marin, à ceux qui plaidaient pour la conception d’un plan de relance renforcé. Les frugaux donnent le la, la France semble subir.
La contribution française pour l’année 2022 s’élève à 26,4 milliards d’euros, soit un quart de plus qu’en 2014, à périmètre constant. Les États membres se trouvent traversés par des désaccords sur les orientations politiques et sur les moyens qu’ils sont prêts à concéder. Ces divergences engendrent confusions, renonciations et tentatives de justifications a posteriori.
J’en veux pour preuve trois problématiques récentes.
Premièrement, on a beaucoup répété, à tort et à travers, le chiffre de 750 milliards d’euros, qui aurait été arrêté pour le plan Next Generation EU. Mais il manquait des précisions importantes. À l’origine, il devait s’agir de 500 milliards d’euros de dotations budgétaires, conformément à l’initiative franco-allemande, auxquels s’ajoutaient 250 milliards d’euros de prêts aux États membres. Finalement, le montant des crédits budgétaires a presque diminué d’un tiers, majorant d’autant la part des prêts. En outre, on exige en échange de ces crédits des contrôles et des contreparties aux finalités diamétralement opposées à celles du plan. Par conséquent, la Commission pourra conditionner, voire bloquer, l’attribution des crédits sur la base d’une liste très importante de critères.
Deuxièmement, la France a reçu mi-août, au titre des préfinancements de son plan de relance, un premier versement de 5,1 milliards d’euros, qui a été salué sur Twitter par la présidente von der Leyen elle-même, ainsi que par plusieurs ministres français. Mais les crédits se font rares, ils arrivent au compte-gouttes ! Seuls 12 % des 40 milliards promis ont été versés. Aucune opération de communication cette fois-ci : il faut aller chercher la page 44 du dernier projet de loi de finances rectificative pour apprendre que la France renonce à percevoir cette année 4,9 milliards d’euros !
Or une telle lenteur dans le versement des crédits pourrait s’avérer extrêmement dommageable dans un contexte de relance. Bénéficierons-nous de ces crédits, ou bien devrons-nous y renoncer ? Tablons-nous toujours sur 40 milliards, monsieur le secrétaire d’État, ou bien avez-vous revu vos estimations à la baisse ? Ce sont des questions légitimes, même si l’artifice de communication selon lequel on aurait véritablement besoin de ces crédits pour financer la relance en France n’a pas tenu longtemps. Le plan de relance français se déroule sans ces crédits, sans que cela semble poser le moindre problème de financement. Nous maintenons cette appréciation.
Troisièmement, le rendez-vous est fixé à 2028 pour le début du remboursement. Les budgets nationaux risquent d’être mis à contribution si les États membres rechignent, comme c’est le cas, semble-t-il, à doter l’Union européenne de nouvelles ressources propres ; plusieurs orateurs ont déjà évoqué ce problème. La France aurait ainsi à s’acquitter de 2,5 milliards d’euros chaque année, pendant trente ans. La France est pourtant contributrice nette du plan de relance européen, à hauteur de 35 milliards d’euros : ces remboursements seraient donc difficiles à expliquer à nos concitoyens, même si la solidarité au sein de la zone euro est importante.
Le Président de la République, qui avait pourtant indiqué à plusieurs reprises – M. Fernique vient de le rappeler – que la France s’opposait à « tous les chèques, toutes les ristournes, tous les rabais », a finalement perdu tous les arbitrages contre les frugaux, par manque de courage politique et à cause de la marginalisation de la France sur la scène européenne, malgré une mise en scène rondement menée.
La présidence française du Conseil de l’Union européenne, dont on ne sait pas grand-chose à l’heure qu’il est, sera elle aussi entravée par les frugaux tant que le Président ne résoudra pas un paradoxe majeur : il lui faut porter la conquête sur de nouvelles ressources européennes, alors même qu’il se refuse à entendre parler de nouvelles recettes dans son propre pays ! (Mme Céline Brulin applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Michel Arnaud. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article 18 de ce projet de loi de finances porte sur la contribution de la France au budget de l’Union européenne. Ce prélèvement opéré sur les recettes du budget de l’État, dont le montant représente actuellement 26,4 milliards d’euros, auxquels il faut ajouter les droits de douane, constitue l’élément essentiel de la participation française au budget européen.
Avant toute chose, je tiens à remercier Jean-Marie Mizzon, notre rapporteur spécial, pour la qualité du travail qu’il a accompli.
Le budget de l’Union européenne pour l’année 2022 s’élève à 169,4 milliards d’euros, hors paiements au titre de la réserve d’ajustement au Brexit. Les crédits de paiement augmentent de 2 % par rapport à 2021, en raison notamment d’une montée en puissance de nouveaux programmes d’investissement, de santé et d’action extérieure. Nous pouvons nous féliciter que les priorités fixées au sein du cadre financier pluriannuel 2021-2027 soient respectées. À la différence des exercices précédents, le nouveau cadre verra certains programmes bénéficier de financements complémentaires non négligeables.
À titre personnel, alors que l’année 2022 a été décrétée Année européenne de la jeunesse, je tiens à saluer l’augmentation des crédits alloués au programme Erasmus+, qui demeure l’un des dispositifs les plus connus et appréciés de nos concitoyens, notamment des plus jeunes d’entre eux.
Pour en revenir à la participation de la France au budget européen, celle-ci se caractérise par une relative stabilité, justifiée par la contribution accrue de Londres au titre de ses obligations financières post-Brexit et par l’accroissement des droits de douane, qui est directement lié au rebond économique de notre pays.
Ces données ne doivent pas occulter trois facteurs politiques et économiques favorisant la hausse systématique, voire systémique, de la contribution française par rapport au cadre financier pluriannuel précédent : l’absorption budgétaire du départ du Royaume-Uni, mais aussi les difficultés à analyser l’impact de la nouvelle taxe plastique en 2021, ainsi que les différents rabais, auxquels il a déjà été fait allusion, négociés par cinq États membres – l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suède, l’Autriche et le Danemark.
Ce dernier point doit évidemment faire l’objet d’une attention toute particulière. À une époque où l’idée de solidarité européenne est brandie à tout-va, ces dérogations budgétaires tendent toujours à favoriser la défiance, voire la mésentente, entre États membres.
Aussi le budget pour 2022 s’accompagne-t-il d’un lot de défis à relever.
Pour commencer, comme cela a été réaffirmé à plusieurs reprises, y compris en commission des finances le 27 octobre dernier, l’instauration de nouvelles ressources propres est un impératif absolu.
Qu’il s’agisse d’une redevance numérique, d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ou d’une taxe sur les transactions financières, les négociations doivent reprendre et aboutir. Les pistes de réforme étudiées à l’échelle de l’OCDE ne sont pas incompatibles avec des travaux menés au niveau européen. Ce point est d’autant plus crucial que les produits des nouvelles ressources propres serviront à financer le plan de relance européen Next Generation EU. Si des avancées en matière de stabilité financière ont été réalisées – je pense notamment à la révision du mécanisme européen de stabilité –, la question budgétaire ne doit pas être en reste.
Par ailleurs, l’annonce en juillet dernier d’un objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne d’ici à 2030 doit se traduire par l’affectation d’une partie des nouvelles ressources propres à un fonds social pour le climat.
Bien que cette initiative soit louable, je partage l’appel à la vigilance énoncé en commission par notre rapporteur spécial. En effet, les futures ressources propres vont servir à la fois à financer le plan de relance et à alimenter ce fonds : une même ressource pour deux objectifs. La volonté d’atteindre nos idéaux ne doit pas se faire au détriment d’une forme de réalisme ! Ainsi la Haute Assemblée doit-elle se montrer attentive à la viabilité budgétaire et financière tant du remboursement des emprunts contractés dans le cadre du plan de relance européen que de nos ambitions climatiques.
Enfin, mes chers collègues, je veux également attirer votre attention sur la hausse structurelle du reste à liquider, symptôme d’un allongement du délai entre l’engagement des dépenses et leur paiement. Si l’existence d’un reste à réaliser s’avère banale, son caractère excessif met en lumière les difficultés inhérentes à la mobilisation sur le terrain des fonds européens.
Comme tout élu local – nous sommes nombreux ici ! –, j’ai été régulièrement confronté aux procédures souvent complexes et fastidieuses qui conditionnent l’accès aux financements européens. Les démarches doivent être simplifiées afin que les crédits européens soient rapidement et efficacement alloués.
Tous ces défis devront être relevés à l’occasion de la future présidence française de l’Union européenne, dont nous attendons encore la feuille de route précise, monsieur le secrétaire d’État. Le bon déploiement du plan de relance, via l’instauration de nouvelles ressources propres notamment, sera sans doute l’une des priorités de cette présidence.
À la veille de la présidence française, les sujets et les défis sont donc nombreux. Comme le disait Jacques Delors après la crise des subprimes de 2008, « après les pompiers, l’Union européenne attend les architectes ». Telle sera la mission de la présidence française.
Nous attendons donc, monsieur le secrétaire d’État, des réponses qui redonnent du souffle et des initiatives qui « reboostent » l’envie d’Europe de nos concitoyens ; plus encore, nous attendons la vision d’une Europe qui protège et innove, d’une Europe qui fasse rayonner nos valeurs de liberté et assure le rang de son économie dans le monde. Tous ces enjeux sont devant nous ; nous espérons que les trois petits mois effectifs et, espérons-le, efficaces de la présidence française permettront d’apporter des réponses qui satisfassent ces objectifs.
Pour en revenir au texte qui nous est soumis, vous aurez compris, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, que le groupe Union Centriste, fidèle à son engagement en faveur de l’Europe, mais aussi de la force et de la puissance de la France au sein de l’Union, votera en faveur de l’article 18 du projet de loi de finances pour 2022. (Applaudissements sur les travées du groupe UC – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux de me trouver ce soir dans cet hémicycle pour vous demander, au nom du Gouvernement, d’autoriser le prélèvement effectué sur les recettes de l’État au profit de l’Union européenne, qui s’élèvera l’année prochaine à 26,4 milliards d’euros, soit une contribution en légère baisse par rapport au montant inscrit en loi de finances pour 2021.
Depuis que je vous ai présenté, voilà un an, la participation française au budget européen pour 2021, je crois pouvoir dire que la solidarité budgétaire en Europe a connu des avancées importantes. Je vais en dire un mot en répondant à quelques-uns des points qui ont été soulevés dans la discussion.
D’abord, cette solidarité européenne a été actée et mise en œuvre avec le déploiement du plan de relance européen, qui est désormais une réalité. Au cours de l’année écoulée, ce plan de relance a été adopté par les vingt-sept États membres, selon leurs procédures constitutionnelles et parlementaires respectives. D’ores et déjà, dix-neuf États membres ont vu leur plan national approuvé par la Commission européenne ; des financements ont commencé d’être distribués, pour un total de plus de 50 milliards d’euros, dont plus de 5,1 milliards pour la France.
Précisons qu’il n’y a pas eu de renoncement à un quelconque versement supplémentaire pour la France : le prochain nous parviendra d’ici au début de l’année 2022, conformément aux dispositions prévues. C’est bien la garantie de bénéficier d’un financement européen qui dépassera au total 40 milliards d’euros qui nous permet d’avoir un plan de relance national d’une telle ampleur, même si, en trésorerie, le décaissement effectif de ces sommes prend un peu plus de temps qu’on l’aurait souhaité.
Au total, la Commission européenne a déjà émis, à l’échelle européenne, plus de 70 milliards d’euros de dette commune, avec une première levée d’obligations dites « vertes » pour 12 milliards d’euros.
Au-delà de ce plan de relance, la mise en œuvre du budget européen consacre la mobilisation de moyens importants : préservés pour la politique agricole commune, accrus pour un certain nombre de politiques prioritaires que vous connaissez – santé, recherche, climat, ou encore mobilité des étudiants et des apprentis, avec les programmes Erasmus.
Cette solidarité a permis une réponse européenne efficace face à la crise. Ainsi l’Union européenne a-t-elle pu retrouver dès 2021 son niveau moyen d’activité d’avant-crise – tel est le cas y compris pour la France, comme vous le savez.
La contribution française n’a d’autre vocation que de permettre la réalisation de ce projet politique : tous ces moyens européens sont au service d’une grande ambition en matière d’écologie, de régulation numérique, de relance économique.
Je veux répondre à plusieurs questions importantes, en partie liées au plan de relance, qui ont été soulevées dans la discussion, notamment celle des ressources propres de l’Union.
Vous avez raison de souligner que, dans l’équilibre qui a été retenu au mois de juillet 2020, qui a fait ensuite l’objet d’une discussion avec le Parlement européen jusqu’à la fin de l’année 2020 avant d’être soumis à l’approbation de votre assemblée, on trouve un accord politique sur les ressources propres et une feuille de route plus précise relative à la liste de ces ressources et au calendrier de leur présentation par la Commission européenne. Nous tiendrons ces engagements.
On a certes pris du retard, comme cela a été justement souligné ; mais la Commission européenne doit présenter dans les prochaines semaines – au tout début de l’année 2022, je l’espère – la liste des premières ressources propres qui feront l’objet de propositions législatives ; les discussions à ce sujet devraient donc commencer sous la présidence française de l’Union européenne.
Certaines de ces ressources propres ont une vocation ou sont de nature climatique ou environnementale. En effet, si le paquet climatique présenté au mois de juillet dernier, dit en bon français « Fit for 55 », comporte un certain nombre de ressources potentielles, la Commission européenne a pris la décision politique d’organiser désormais la discussion en deux débats séparés, l’un portant sur la nature du paquet climatique et l’autre ayant pour objet spécifique les ressources propres. Cela reste vrai quand bien même des ressources comme l’ETS ou Emissions Trading System, le système d’échange de quotas d’émission, ou le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières devront – la position française est très claire sur ce point – constituer des ressources propres et être utilisées comme telles.
Je veux être précis sur une préoccupation qui a été exprimée à plusieurs reprises au sujet de l’extension potentielle des ressources issues de l’ETS. Il n’y aura pas de double affectation contradictoire, si je puis le dire ainsi. Ce qui est aujourd’hui proposé par la Commission européenne, mais non encore acté, c’est qu’un quart des sommes supplémentaires issues de la ressource ETS, qui serait étendue, soit utilisé pour alimenter un fonds social dont l’importance ne saurait être sous-estimée. Il y va en effet de l’accompagnement social de la transition écologique, dont nous avons vu à quel point il était nécessaire.
En revanche, trois quarts de cette ressource supplémentaire resteraient disponibles et pourraient alimenter les ressources propres du budget européen et contribuer au remboursement du plan de relance. La place des curseurs fera l’objet de discussions ; les débats législatifs sur le paquet Climat et sur les ressources propres en seront l’occasion.
Les autres ressources propres sont également attendues. Vous avez ainsi évoqué à deux reprises, mesdames, messieurs les sénateurs, la transposition européenne de l’accord international sur la fiscalité des multinationales, accord essentiel s’il en est. Il est important qu’une partie au moins des recettes afférentes constitue une ressource propre du budget européen ; nous pensions à l’origine créer une taxe numérique, mais son objet s’est quelque peu étendu et il s’agira plutôt, pour ainsi dire, d’une taxe de justice fiscale internationale sur les bénéfices des multinationales. Le débat sur la transposition de cet accord aura lieu, lui aussi, au cours du semestre de présidence française du Conseil de l’Union européenne. Il est important qu’on en fasse alors une ressource propre du budget européen, qui aidera au remboursement du plan de relance.
D’autres débats prendront plus de temps, comme cela a déjà été acté dans la feuille de route que j’évoquais. C’est le cas de la taxe sur les transactions financières, qui pourrait faire l’objet d’une nouvelle proposition, ou encore d’autres discussions, en particulier sur des taxes relatives au marché intérieur.
Puisqu’il est question de fiscalité, je veux aussi répondre à la préoccupation exprimée en particulier par les sénateurs Bocquet et Joly sur le bon niveau de la taxation internationale. L’accord trouvé à l’OCDE résulte d’un consensus international important ; au niveau européen, il fait même l’unanimité.
Cette unanimité est très importante, parce qu’elle a montré que nous pouvions dépasser le drame que nous vivions jusqu’à présent en matière fiscale, et qui peut toujours se reproduire, à savoir un blocage absolu découlant de la règle de l’unanimité en vigueur dans ce domaine : deux ou trois de nos partenaires, bien connus, pouvaient bloquer toutes les propositions en la matière. Or cela ne s’est pas reproduit cette fois-ci, parce qu’il y a eu un élan, une impulsion européenne et internationale très forte. C’est pour nous une satisfaction.
Cela signifie aussi que le taux minimum qui a été fixé, 15 %, aurait pu être plus ambitieux : ce taux résulte d’un compromis international et européen. Il représente déjà, néanmoins, un relèvement important ; démonstration est ainsi faite, surtout, que la règle de l’unanimité n’est pas une fatalité barrant toute tentative d’avancer en matière de juste taxation internationale.
Aurait-on pu aller plus loin ? Je n’en suis pas sûr. Aurait-on souhaité aller plus loin ? Je le maintiens. Des taux de 21 % ou de 25 % ont fait l’objet de différentes propositions. En France, le taux est de 25 % ; nous n’avons donc aucune gêne à proposer un taux supérieur à 15 %, mais c’est ainsi : tel est l’état actuel du compromis.
Je crois donc qu’il convient avant toute chose de consolider ce compromis, de le ratifier au niveau européen et de faire de cette taxe une ressource propre du budget de l’Union, au moins pour partie. La discussion internationale sur ce sujet pourra ensuite reprendre, dans les années qui viennent, même si cela prendra à l’évidence un peu de temps.
J’en viens aux questions relatives au pacte de stabilité et de croissance. Ce débat est essentiel, car il fait partie, avec le plan de relance, de la stratégie de croissance et d’investissement de l’Union européenne. L’application des règles – cela a été rappelé – est suspendue jusqu’à la fin de l’année 2022 ; cela signifie que nous devons anticiper le retour à la normale et avoir un débat, au cours de l’année 2022, sur la nature des règles qui s’appliqueront désormais.
On ne saurait rebrancher à l’identique le pacte de stabilité et de croissance antérieur et le plaquer sur une situation économique qui sera à l’évidence très différente de celle qui prévalait avant la crise. J’en prendrai pour exemple un seul indicateur : le ratio de dette publique de la zone euro a augmenté de près de quinze points, dépassant la barre des 100 % du PIB ; on ne peut pas faire comme si cela n’était pas la réalité économique de toute la zone euro.
Nous aurons donc ce débat sur les critères de dette et d’investissement. Le ministre de l’économie et des finances en a déjà pris l’initiative à l’échelle européenne, et nous devrons en construire les termes avec le nouveau gouvernement allemand. D’ailleurs, pour être tout à fait franc et précis, cette discussion se poursuivra sans doute au-delà du semestre de présidence française du Conseil de l’Union européenne ; elle devra en revanche être lancée pendant cette présidence, dans le cadre de la relation franco-allemande et au sein de la zone euro.
Plusieurs questions ont aussi été posées sur la simplification des financements européens. Je veux apporter une précision très concrète sur un point qui a été évoqué par M. le rapporteur spécial : l’articulation retenue entre le plan de relance et les fonds européens dits traditionnels a été élaborée de manière à être la plus simple possible, notamment pour les régions et les collectivités.
Il n’y aura donc pas de double financement, mais une répartition des projets entre le financement par le plan de relance et celui qui passe par les fonds européens traditionnels comme le Fonds européen de développement régional, le Feder. Un guide de clarification a été élaboré, en collaboration entre plusieurs associations de collectivités et l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), afin que chacun sache bien ce qui relève d’un financement européen traditionnel et ce qui relève du plan de relance ; ainsi pourront être évités les financements croisés, la complexification ou les ralentissements.
Je conclurai mon propos en évoquant la présidence française du Conseil de l’Union européenne, qui commence dans moins de quarante-cinq jours. Ce sera le moment de poursuivre les débats dont nous venons de parler sur la mise en œuvre du plan de relance, sur le pacte de stabilité et de croissance, sur la justice fiscale et sa transposition.
Nous pouvons sans doute encore améliorer les choses, mais je tiens à préciser que nous avons souhaité – j’ai souhaité personnellement – une association transpartisane à la préparation de cette présidence. À trois reprises déjà s’est réuni un comité transpartisan, où siège un représentant de chaque groupe de votre assemblée comme de l’Assemblée nationale et du Parlement européen. J’en réunirai un de nouveau d’ici à la mi-décembre, pour que l’information soit la plus partagée et la plus exhaustive possible. Peut-être l’accord entre nous ne sera-t-il pas complet sur l’ensemble des priorités, mais toutes les informations seront échangées, discutées et partagées.
Sur la question du climat, sur celle de la régulation numérique ou sur les textes sociaux, au-delà de la réforme du travail détaché que nous avons portée, nous défendrons nos priorités, dans le cadre de cette présidence, au travers de textes européens concrets, qui pourront marquer des avancées essentielles dans chacun de ces domaines ; j’ai la faiblesse de penser qu’ils seront largement partagés, par-delà les sensibilités politiques, sur les différentes travées de votre assemblée.
Ainsi ai-je l’honneur, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous demander d’adopter cet article 18, afin que le prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne soit ce soir approuvé. (MM. André Gattolin et Jean-Claude Requier applaudissent.)
Mme la présidente. Nous passons à la discussion de l’article 18.
Article 18
Le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne est évalué pour l’exercice 2022 à 26 400 000 000 €.
Mme la présidente. L’amendement n° I-234 n’est pas soutenu.
Je mets aux voix l’article 18.
(L’article 18 est adopté.)
Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
7
Communication relative à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
8
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, vendredi 19 novembre 2021 :
À seize heures et le soir :
Suite du projet de loi de finances pour 2022, adopté par l’Assemblée nationale (texte n° 162, 2021-2022) ;
Suite de l’examen des articles de la première partie.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)
nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire et d’une commission mixte paritaire
La liste des candidats désignés par la commission des finances pour faire partie de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2021 a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :
Titulaires : MM. Claude Raynal, Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, MM. Sébastien Meurant, Vincent Capo-Canellas, Rémi Féraud et Didier Rambaud ;
Suppléants : MM. Arnaud Bazin, Thierry Meignen, Stéphane Sautarel, Vincent Delahaye, Mme Isabelle Briquet, MM. Christian Bilhac et Pascal Savoldelli.
La liste des candidats désignés par la commission des affaires économiques pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :
Titulaires : Mme Sophie Primas, MM. Olivier Rietmann, Laurent Duplomb, Mme Françoise Férat, MM. Jean-Jacques Michau, Christian Redon-Sarrazy et Bernard Buis ;
Suppléants : Mme Marie-Christine Chauvin, MM. Pierre Cuypers, Daniel Gremillet, Pierre Louault, Rémi Cardon, Henri Cabanel et Fabien Gay.
nomination de membres d’une mission d’information et de deux commissions d’enquête
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, la liste des candidatures préalablement publiée est ratifiée.
Mission d’information sur le thème « Comment redynamiser la culture citoyenne ? »
M. Jérémy Bacchi, Mme Catherine Belrhiti, M. François Bonneau, Mme Céline Boulay-Espéronnier, MM. Hussein Bourgi, Henri Cabanel, Olivier Cigolotti, Mme Laure Darcos, M. Jean-Pierre Decool, Mme Catherine Di Folco, M. Thomas Dossus, Mmes Sabine Drexler, Martine Filleul, MM. Philippe Folliot, Hervé Gillé, Mme Laurence Muller-Bronn, M. Stéphane Piednoir, Mmes Marie Pierre Richer et Patricia Schillinger.
Commission d’enquête sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques
Mme Éliane Assassi, MM. Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Mme Valérie Boyer, MM. Laurent Burgoa, Jean-Pierre Corbisez, Mme Nicole Duranton, M. Gilbert Favreau, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Marie Janssens, Patrice Joly, Mme Christine Lavarde, MM. Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Franck Montaugé, Stéphane Sautarel, Mme Sophie Taillé-Polian, MM. Mickaël Vallet et Dany Wattebled.
Commission d’enquête « afin de mettre en lumière les processus ayant permis ou pouvant aboutir à une concentration dans les médias en France et d’évaluer l’impact de cette concentration sur la démocratie »
MM. David Assouline, Julien Bargeton, Jean Baptiste Blanc, Mme Toine Bourrat, MM. Max Brisson, Vincent Capo-Canellas, Pierre Charon, Mmes Monique de Marco, Jacqueline Eustache Brinio, M. Bernard Fialaire, Mme Laurence Harribey, M. Jean-Raymond Hugonet, Mme Else Joseph, MM. Laurent Lafon, Michel Laugier, Pierre Laurent, Mmes Évelyne Renaud Garabedian, Sylvie Robert, M. Rachid Temal, Mme Anne Ventalon et M. Pierre-Jean Verzelen.
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
ÉTIENNE BOULENGER