M. Pascal Savoldelli. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. Michel Canévet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous commençons aujourd’hui l’examen du dernier budget de ce quinquennat.
Rémi Féraud déclarait à cette tribune qu’il souhaitait débattre à la fois des recettes et des dépenses. Je lui dis : chiche !
Pascal Savoldelli a quant à lui exprimé les critiques que lui inspire le présent texte. Heureusement que nous n’avons pas voté la question préalable déposée par son groupe : sinon, il n’aurait pas pu faire part de ses appréciations, que les élus du groupe Union Centriste n’approuvent d’ailleurs pas franchement…
Monsieur le ministre, disons-le : nous apprécions la trajectoire suivie pour les particuliers, avec la baisse des impôts pour les ménages, le prélèvement à la source, qui simplifie et fluidifie la collecte de l’impôt, ou encore l’instauration du prélèvement forfaitaire unique (PFU).
Bien entendu, il reste encore beaucoup à faire. Sylvie Vermeillet l’a fort bien dit : des aménagements sont nécessaires, qu’il s’agisse de l’IFI ou des abattements sur les droits de succession.
Pour ce qui concerne les entreprises, sujet majeur, nous saluons également la trajectoire fiscale qui est suivie. Bernard Delcros a évoqué la baisse de l’impôt sur les sociétés, qui a toute son importance.
Parmi les préoccupations des membres du groupe Union Centriste figure aussi l’avenir des impôts de production. Les collectivités territoriales ont déjà perdu, avec la suppression de la taxe d’habitation, de leur pouvoir de décision. (M. Jean-Michel Arnaud le confirme.) Or nous sommes soucieux de préserver leur autonomie financière. Il y va, au surplus, de la responsabilité des élus locaux, lesquels doivent pouvoir être jugés à l’aune de leur gestion.
Certes, il est nécessaire de baisser les impôts de production afin de rendre nos entreprises et notre économie plus compétitives. Mais veillons à ne pas entamer l’autonomie financière des collectivités territoriales !
D’autres orateurs l’ont déjà souligné : nous avons encore à relever un certain nombre de défis, celui de l’orientation de l’épargne vers l’économie notamment. Les membres du groupe Union Centriste formuleront quelques propositions en la matière.
Chacun le sait, la crise sanitaire a incité beaucoup de Français à thésauriser. Il importe maintenant que ces ressources contribuent, autant que possible, au développement de l’économie.
L’État accompagne également notre économie par différents programmes d’investissement ; nous souhaitons que ces dispositifs soient aussi lisibles que possible. Ces programmes, qui sont multiples, doivent être compris par l’ensemble des interlocuteurs, en particulier les porteurs de projet. En outre, il faut que les organisations professionnelles concernées soient associées à leur mise en œuvre : c’est essentiel à la réussite des projets engagés.
Autre préoccupation précédemment exprimée : la question du pouvoir d’achat. Au sein du groupe Union Centriste, nous mesurons toute l’importance de la notion de responsabilité sociétale et environnementale (RSE), introduite dans notre droit par la loi Pacte.
En complément de la rémunération, en effet, il faut donner toute leur place à l’intéressement et à la participation. Ces dispositifs mériteraient eux aussi d’être améliorés, d’autant que, d’après un récent sondage, 36 % de nos concitoyens ont du mal à boucler leurs fins de mois.
En parallèle, l’objectif d’une meilleure maîtrise des finances publiques, cher aux membres du groupe Union Centriste, ne doit pas être mis de côté. Ce chantier suppose bien entendu des recettes accrues – Bernard Delcros a insisté sur ce point. Il implique également une bonne maîtrise des dépenses ; sans cela, nous n’arriverons pas à l’équilibre des finances publiques. Or il s’agit là d’un impératif pour limiter l’endettement.
En tant que Breton, je suis satisfait de constater la présence dans ce PLF d’un certain nombre de dispositions destinées à affirmer l’ambition maritime de notre pays – je pense notamment à l’article 8. Un certain nombre de mesures fiscales ont été proposées à cette fin : sans doute exigent-elles encore quelques menues améliorations afin d’être pleinement efficaces.
Je précise simplement que les enjeux halieutiques ne sauraient se réduire à des plans de sortie de flotte, qui signifient une réduction de l’effort de pêche : dans le domaine maritime comme dans d’autres, la diminution de l’activité n’est pas souhaitable.
Enfin, il faut renforcer la lutte contre les fraudes fiscale et sociale ; Nathalie Goulet formulera quelques propositions en ce sens ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Emmanuel Capus, Pierre Cuypers et Jean-Claude Requier applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Segouin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Vincent Segouin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, souvenez-vous de la gravité de nos débats lorsque, en décembre 2018, nous votions une enveloppe de 10 milliards d’euros pour mettre fin à la crise des gilets jaunes.
M. Albéric de Montgolfier. Je m’en souviens !
M. Vincent Segouin. Souvenez-vous de l’angoisse de ces 10 milliards d’euros que nous ne savions pas comment financer.
Depuis, la dette a explosé : elle a augmenté de 600 milliards d’euros pour atteindre, en cette fin d’année 2021, près de 115 % de notre PIB.
Monsieur le ministre, vous nous direz que tout est de la faute du covid. Personne ne niera son importance ; mais nous ne pouvons pas faire retomber la faute sur la seule pandémie.
Selon vos propres chiffres, la crise du covid aura coûté 424 milliards d’euros entre 2020 et 2022. La dette a donc augmenté de 300 milliards d’euros hors crise, soit trente fois ce que nous avions accordé lors de la crise des gilets jaunes. (M. Gérard Larcher acquiesce.)
Pendant cette période, le « quoi qu’il en coûte » théorisé par notre Président, que nous avons commencé par soutenir, a été mis en œuvre. Il s’agissait de préserver nos entreprises et nos emplois, et cette volonté était bien légitime. Mais on n’a pas réellement évalué l’impact, l’efficience et la performance de ces dépenses publiques.
M. le rapporteur général l’a rappelé : dans le cadre du plan de relance, vous avez accordé un capital à une entreprise indienne pour qu’elle s’installe en France sur un marché très concurrentiel et saturé, mettant en péril un fleuron de notre industrie. Je ne suis pas sûr que la théorie suivie soit logique…
Combien d’exemples similaires ? Combien de financements accordés pour réindustrialiser sans garantie de résultat ? Il s’agissait seulement de dépenser, apparemment, pour consommer les budgets !
Nous pouvons nous interroger sur la performance du modèle adopté, notamment par rapport aux pays comparables de l’Union européenne.
Je vous rappelle qu’en 2020 l’Allemagne n’était qu’à 4,7 % de déficit quand nous étions à 9,1 % et que sa dette, au sommet de la crise, s’est élevée à 68,7 % de son PIB, contre 115 %, désormais, pour la France.
Le vice du « quoi qu’il en coûte » réside surtout dans la facilité du recours à la dette.
Vous vous êtes plu à nous rappeler que la France emprunte sans difficulté, dans la mesure où les taux d’intérêt sont faibles. Vous sous-entendez aussi que notre endettement n’est finalement pas si terrible, comparé, par exemple, à celui du Japon.
Le covid aura provoqué une véritable fracture.
Aucune étude, à aucun moment, n’a été faite sur nos capacités à emprunter, sur l’emploi de l’argent et sur ses effets. À aucun moment n’ont été proposés une politique sérieuse et un travail de concertation avec le Parlement pour rembourser la dette et relancer l’économie.
Jamais nous ne nous sommes interrogés sur nos capacités à emprunter et sur les dispositifs à adopter pour rembourser. Cette gestion est irresponsable.
Mais la gestion calamiteuse des finances de l’État ne trouve pas uniquement sa source dans la crise que nous venons de traverser. En réalité, votre gouvernement a la dépense facile et met aisément sur le dos du covid-19 les dépenses très politiques qu’il souhaite engager.
J’en veux pour preuve que, depuis juillet 2021, alors que l’épidémie était au plus bas, le Président de la République a engagé pas moins de 25 milliards d’euros de dépenses supplémentaires.
C’est insupportable ! Croyez-moi, les Français le pensent et s’en inquiètent.
J’avais une question pour M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance,…
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Il est parti !
M. Vincent Segouin. … pensant qu’il resterait dans l’hémicycle et aurait la décence de nous répondre. Malheureusement, il est parti.
Je voulais simplement lui demander comment il pouvait assumer sa politique après avoir pensé et proclamé dans tous les médias, en 2017, que la France était « droguée à la dépense publique » depuis vingt à trente ans.
Aucun des engagements formulés en matière de responsabilité financière par le Président de la République dans son programme de 2017 ne semble avoir été honoré.
Au terme du quinquennat, la France est toujours championne d’Europe des dépenses publiques, toujours championne d’Europe des prélèvements obligatoires, elle est toujours plus endettée que vingt-quatre des vingt-sept pays de l’Union européenne et affiche depuis 2012 le pire déficit commercial, sa balance étant négative de 95 milliards d’euros, là où l’Allemagne dégage un excédent de 188 milliards d’euros.
Vous avez souvent laissé planer l’idée que la gestion de l’État n’était pas à comparer avec celle d’un ménage ou d’une entreprise. Si tel est le cas, expliquez-moi alors pourquoi l’Allemagne ne suit pas votre théorie !
Comme notre dette propre ne vous suffisait visiblement plus, nous avons engagé un processus d’émission de dette commune avec les autres États membres de l’Union européenne – cette dette n’entre pas dans le calcul de la dette nationale, mais elle devra être remboursée par nos finances si nous n’arrivons pas à mettre en place des recettes européennes.
C’est encore irresponsable !
Vous nous rappelez que la France n’a pas de problème pour emprunter et que les taux sont faibles. Mais s’ils le sont – c’est ce que vous oubliez, à raisonner ainsi – c’est parce que les Français ont de l’épargne et du capital, ce qui revient à dire que la France emprunte avec la garantie de l’épargne des Français.
Vous ne le savez que trop bien ! La loi Sapin 2 vous fournit en effet les outils nécessaires pour prélever directement sur l’épargne des Français de quoi pallier une éventuelle défaillance de l’État.
Aujourd’hui, l’épargne est une garantie ; mais si, un jour, vous ou votre successeur étiez amené à prélever sur l’épargne des Français, je pense que la confiance serait définitivement rompue et que l’épisode de gilets jaunes que nous connaîtrions serait autrement plus grave que celui que nous avons vécu.
Au vu du chemin que nous empruntons – 45 000 euros pèsent sur la tête de chaque Français –, il est impératif de faire des choix courageux. De tels choix sont malheureusement absents de votre budget…
Vous nous rétorquerez que la dette sera remboursée par la croissance. J’ai interrogé le ministre de l’économie, des finances et de la relance à ce sujet, pour savoir s’il prévoyait une croissance supérieure à 1,5 % dès 2024, quand le PIB aura atteint le niveau de 2019, étant entendu qu’un taux de croissance de 1,5 % ne suffirait pas à rembourser le capital de la dette, et ce sans préjuger des effets d’une hausse éventuelle de l’inflation sur les taux d’intérêt.
Je n’ai toujours pas eu de réponse à ma question.
Enfin, concernant les charges, vous adoptez la politique de la taxe plutôt que celle de la réforme d’un système devenu obèse et qui coûte trop cher. En réalité, vous préférez augmenter les recettes plutôt que réduire les dépenses, qui s’élèvent aujourd’hui à 57 % du PIB.
Vous allez me dire que nous avons devant nous le ministre qui a le plus baissé les impôts. Certes, mais notre taux de prélèvement, qui est de 43,5 % reste 10 % plus élevé que la moyenne des pays de l’euro. Surtout, nous sommes toujours les champions du monde du prélèvement obligatoire ! De surcroît, comme M. le président de la commission des finances l’a rappelé précédemment, cette baisse des impôts est financée par la dette, donc artificielle.
Oui, un véritable problème se pose dans la gestion des finances publiques. Votre comportement est dispendieux, sans mesure et, me semble-t-il, irrespectueux.
Monsieur le ministre, je ne dis pas que toute dette est forcément négative, mais elle doit être une bonne dette, une dette d’investissement pour les générations futures, et rien d’autre. Or, aujourd’hui, la dette est faite pour rembourser, non pour investir. C’est une dette toxique !
Comment un Français qui chaque mois compte et limite ses dépenses peut-il comprendre ? Comment peut-il comprendre que l’argent n’a pas de valeur, alors qu’il s’efforce tous les jours de faire attention ?
Monsieur le ministre, je ne supporte plus l’utilisation que vous faites de l’argent public, de l’argent qui ne vous appartient pas !
Je ne supporte plus le fait que vous soyez incapable de réduire les dépenses et de diminuer les normes et les contraintes administratives qui engendrent l’augmentation – contrairement à vos prévisions – du nombre de fonctionnaires.
Les dépenses ne sont pas maîtrisées et le service public ne cesse de se dégrader. Les Français se plaignent à juste titre de la lenteur et de l’inefficacité de la justice, les forces de l’ordre s’épuisent et se découragent, l’immigration augmente sans aucun contrôle. (M. Serge Mérillou s’exclame.)
L’hôpital public s’effondre alors qu’on y compte presque autant de personnels administratifs que de soignants. Le chômage des jeunes ne diminue pas, alors que les entreprises ne trouvent personne pour pourvoir leurs emplois. L’insertion est toujours aussi compliquée et la balance commerciale se dégrade chaque jour un peu plus.
Nous l’avons dit : ce ne sont pas moins de 45 000 euros de dette publique qui pèsent sur la tête de chaque Français. Aujourd’hui, le capital et le patrimoine des Français représentent la garantie de l’État emprunteur. S’il arrivait que l’inflation provoque la hausse des taux d’intérêt, en ajoutant au tableau les engagements financiers pris au niveau de l’Europe, nous ne pourrions rembourser la dette : notre charge d’intérêts serait bientôt insupportable, dépassant le budget de la défense, pourtant deuxième budget de l’État.
La Cour des comptes, le Haut Conseil des finances publiques et le Sénat vous mettent en garde, mais vous n’écoutez pas.
Votre projet nous conduit vers la catastrophe et l’abîme. Il est temps que les Français en prennent conscience, et il est temps d’arrêter ce processus ! (M. le président de la commission et M. le rapporteur général manifestent leur approbation.)
C’est pourquoi le groupe Les Républicains ne cautionnera pas ce budget qui est l’illustration même de tous ces constats ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Madame la présidente, monsieur le président du Sénat, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaiterais prononcer quelques mots en réaction à la discussion générale.
Je ne répondrai pas à chaque orateur – ce serait trop long. L’examen des articles et des amendements, au moins ceux de la première partie, nous permettra d’apporter des réponses et d’aborder un certain nombre de débats.
À mes yeux, trois points ressortent particulièrement des interventions que nous venons d’entendre, dont deux préfigurent peut-être ce que seront nos débats dans les heures et les jours à venir, quand le troisième relève plutôt d’une question de méthode et appellera de ma part un simple commentaire, si vous m’y autorisez.
Le premier point concerne le pouvoir d’achat. Comme tous les gouvernements successifs ont pu le constater, il existe en ce domaine des différences entre ce qui est ressenti et ce qui est statistiquement constaté. Cela a été dit, et souligné.
J’ai parfois été surpris, je ne vous le cache pas, d’entendre asséner ou affirmer que telle étude portant sur le ressenti de telle ou telle catégorie de population vaudrait vérité confirmée s’imposant aux statistiques préparées par l’Insee.
Notre rôle – à vous, parlementaires, comme à moi, en tant que membre du Gouvernement – est de nous en tenir à des données statistiques objectives plutôt que de nous fier à des ressentis. À défaut, nous risquerions de mener un débat météorologique autour du pouvoir d’achat, quand nous avons plutôt intérêt à faire preuve de précision et de constance.
En débattant du pouvoir d’achat, nous aurons évidemment à débattre de fiscalité et d’un certain nombre d’orientations.
Le deuxième point qui ressort de cette discussion générale a trait – cela n’a rien de surprenant ici – aux collectivités locales.
Comme j’ai eu l’occasion de le dire cet après-midi devant vous et ce matin devant le Congrès des maires, les engagements pris par le Président de la République concernant la stabilité de l’enveloppe de la dotation globale de fonctionnement ont été tenus : cette enveloppe a été maintenue à hauteur de 26,8 milliards d’euros.
De même, ses engagements relatifs au maintien des dotations d’investissement ont également été respectés. Je parle évidemment des mesures générales prises hors période de crise, sans revenir sur les 2 milliards d’euros exceptionnels de dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) accordés en août 2020 et janvier 2021.
Le Président de la République avait également pris des engagements, que beaucoup d’entre vous contestaient, autour de la suppression progressive de la taxe d’habitation (TH). Si l’opposition est évidemment légitime, force est néanmoins de constater que les engagements sont tenus et que cette mesure a bien été compensée.
J’ai proposé à l’Assemblée nationale, qui l’a approuvé, un amendement visant à compléter les modalités de compensation de cette suppression progressive de la taxe d’habitation en intégrant les rôles supplémentaires de TH, mais aussi en neutralisant la question des reprises de TH pour les collectivités ayant augmenté leur taux depuis 2017. Cette dernière disposition s’appliquera dès lors qu’une telle augmentation soit s’est révélée fiscalement neutre, le produit communal et intercommunal de TH restant stable, soit a été décidée à la suite d’une injonction de la chambre régionale des comptes ou d’un arrêté préfectoral pris en application des recommandations de cette même chambre.
Nous continuerons à travailler en ce sens. J’ai indiqué également que notre choix pour le présent PLF – et, je l’espère, pour les suivants – était celui de la stabilité du modèle fiscal et du panier de ressources.
Nous avons mille autres chantiers à ouvrir, notamment autour de la définition du potentiel fiscal servant de critère d’éligibilité pour telle ou telle dotation ou tel ou tel élément de péréquation, mais également autour de la manière dont nous organisons la solidarité, tant verticale qu’horizontale, au profit des collectivités.
Ces améliorations du modèle de financement des collectivités doivent désormais primer la réforme fiscale des collectivités en tant que telle.
Je passe évidemment, bien que ce sujet demeure fondamental, sur la réforme des critères d’attribution de la DGF et sa singulière complexité. Mais nous aurons ce débat ; l’examen des articles portant prélèvement sur recettes au profit des collectivités en sera certainement l’occasion.
Un commentaire, enfin, sur la méthode et sur la trajectoire.
Le Sénat, dans sa majorité, a indiqué à plusieurs reprises ne pas partager nos orientations. C’est à la fois la responsabilité et l’honneur du Gouvernement que de les défendre devant vous.
Je le ferai à l’occasion de l’examen des articles, avec la même conviction que lors des précédents débats budgétaires, et en respectant les différences de chacun.
Notre trajectoire est une trajectoire de normalisation, qui s’appuie sur ce que nous avons fait précédemment, entre 2017 et 2020, date du début de la crise : trois années consécutives pendant lesquelles le déficit a été maintenu en dessous des 3 % du PIB, tandis que le poids des dépenses publiques diminuait, jusqu’à atteindre 53,5 % du PIB, conformément – je le dis à Mme Lavarde – à l’engagement pris par le Président de la République pendant sa campagne, et que le taux de prélèvements obligatoires baissait lui aussi.
Nous renouons avec cette trajectoire concernant les dépenses publiques ; nous l’avons approfondie concernant les prélèvements obligatoires.
Nous devons reprendre le chemin des 3 % de déficit, non pas en vertu de je ne sais quel fétichisme entretenu à l’égard de tel ou tel critère du pacte de stabilité, mais parce que les hypothèses économiques montrent que c’est à partir de 3,2 % ou 3,3 % de déficit que nous parvenons à inverser la trajectoire d’évolution du poids de la dette par rapport au PIB.
L’objectif du retour à 3 %, loin de s’expliquer par l’attachement à un chiffre ou à un autre, est donc la clé d’une telle inversion. Ainsi, comme nous l’avons inscrit dans le PStab, le programme de stabilité, pourrons-nous faire en sorte que le poids de la dette décroisse significativement à partir de 2025 ou 2026.
Telle est la trajectoire que nous défendons. Elle peut être contestée ou remise en question. Nous en débattrons.
En revanche – et c’est le commentaire que je voulais faire –, au travers des interventions que j’ai entendues se fait jour un risque, qui nous concerne tous, et que le travail de propositions et de contre-propositions que j’espère voir mené au Sénat ne saurait ignorer : le risque de l’injonction contradictoire.
Que des injonctions contradictoires trouvent à s’exprimer entre les interventions de représentants de différents groupes, c’est assez logique. J’entends parfois aussi des injonctions contradictoires au sein des mêmes groupes, et j’ai souvent constaté que les mêmes qui, en discussion générale, reprochaient au Gouvernement de ne pas consolider ou de ne pas redresser suffisamment vite les finances publiques, proposaient ensuite des dépenses supplémentaires, nous reprochaient tel ou tel trou dans la raquette ou organisaient des prélèvements sur recettes au profit de telle ou telle catégorie, souvent les collectivités – et le faisaient à l’occasion de l’examen des articles, singulièrement en deuxième partie. Vu la tournure des débats, certains éviteront peut-être, pour cette fois, le risque de la contradiction… (M. le rapporteur général sourit.)
On observe ainsi parfois une divergence significative entre l’appel à la rigueur budgétaire et la pratique de la proposition budgétaire.
Le Gouvernement n’est lui-même pas tout à fait exempt d’injonctions contradictoires ; c’est pourquoi je me permets ce commentaire.
Si nous pouvons néanmoins, dans les heures qui viennent, nous épargner de nous y confronter trop souvent, le débat en deviendra certainement plus utile.
Quoi qu’il en soit, j’attends avec beaucoup de plaisir et d’impatience le débat sur les articles et les amendements. Vous allez commencer par l’examen de l’article liminaire, puis discuterez avec mon collègue Clément Beaune du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne.
Je saisis l’occasion de cette réponse aux différents intervenants pour vous remercier chacun d’avoir fait vivre la discussion générale cet après-midi.
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l’article liminaire.
projet de loi de finances pour 2022
Article liminaire
Les prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques pour l’année 2022, l’exécution de l’année 2020 et la prévision d’exécution de l’année 2021 s’établissent comme suit :
(En points de produit intérieur brut) |
|||
Exécution 2020 |
Prévision d’exécution 2021 |
Prévision 2022 |
|
Solde structurel (1) |
-1,3 |
-5,7 |
-4,0 |
Solde conjoncturel (2) |
-5,0 |
-2,3 |
-0,8 |
Mesures ponctuelles et temporaires (3) |
-2,8 |
-0,1 |
-0,2 |
Solde effectif (1 + 2 + 3) |
-9,1 |
-8,2 |
-5,0 |
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
Mme la présidente. Nous allons maintenant examiner, au sein du titre Ier de la première partie du projet de loi de finances pour 2022, l’article 18, relatif à l’évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne.
article 18 et participation de la france au budget de l’union européenne
Mme la présidente. Dans la discussion, la parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)
M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous passons désormais à l’examen de l’article 18 du projet de loi de finances pour 2022, qui évalue à 26,4 milliards d’euros le montant du prélèvement sur recettes versé par la France au profit de l’Union européenne – somme relativement stable par rapport à la prévision actualisée pour 2021.
Toutefois, cette relative stabilisation ne saurait refléter l’amorçage d’un plafonnement ni d’un ralentissement de la contribution française. En effet, le montant annuel moyen de ce prélèvement devrait s’élever à 27,6 milliards d’euros pour la période 2021-2027, soit une hausse de 7,5 milliards d’euros par rapport au montant moyen acquitté pour la période 2014-2020.
Cela étant dit, il convient de rappeler que la France reste l’un des principaux bénéficiaires en volume des dépenses de l’Union européenne, en deuxième place derrière la Pologne.
Ainsi, en 2020, les dépenses réalisées en France se sont élevées à 15,8 milliards d’euros, soit près de 11 % des dépenses totales de l’Union, en hausse de 5,4 % par rapport à l’année précédente.
Au-delà de la question du montant de la contribution de la France pour 2022, les auditions que j’ai menées m’ont permis d’identifier trois défis auxquels le budget européen devra répondre dans les prochaines années.
Premièrement, alors qu’un nouveau cadre financier pluriannuel vient de s’ouvrir, il faut veiller à ne pas manquer le coche du démarrage de cette nouvelle programmation, afin de mobiliser de façon efficace les fonds européens, sujet auquel le Sénat est attaché.
Or l’allongement du délai entre l’engagement des dépenses et leur paiement se traduit par une hausse du reste à liquider, qui s’élève à 300 milliards d’euros environ à la fin de l’année 2020. Certes, la constitution d’un reste à liquider est un phénomène normal, mais son excès témoigne d’une difficile concrétisation des dépenses européennes sur le terrain.
Monsieur le secrétaire d’État, alors que la mission d’information du Sénat sur ce sujet a rendu ses conclusions voilà maintenant deux ans, quelles mesures concrètes le Gouvernement a-t-il prises pour accélérer la mobilisation des fonds européens dans les territoires ?
Deuxièmement, la présentation des propositions de la Commission européenne pour l’introduction de nouvelles ressources propres a été repoussée à une date ultérieure. Or l’introduction de nouvelles ressources nous a été présentée comme la voie permettant de financer le remboursement du plan de relance européen, mis en œuvre grâce à une nouvelle capacité d’endettement commune.
À défaut de nouvelles ressources propres, la France devrait supporter une hausse de sa contribution de 2,5 milliards d’euros environ chaque année, à partir de 2028 et pendant trente ans, rien qu’au titre du remboursement du plan de relance.
Monsieur le secrétaire d’État, face à l’urgence de ce dossier, pouvez-vous nous donner des perspectives quant au calendrier des propositions qui doivent être émises par la Commission européenne ?
Troisièmement, la Commission européenne a présenté en juillet le paquet Climat. Il y est notamment proposé qu’une partie des recettes du système d’échange de quotas d’émission alimente un fonds social pour le climat, destiné à alléger la facture énergétique des ménages et des entreprises. Par conséquent, deux objectifs seraient désormais attribués à cette même ressource : rembourser le plan de relance européen et financer le fonds social pour le climat.
Monsieur le secrétaire d’État – et ce sera ma dernière question –, alors que les nouvelles ressources propres ne sont pas encore arrêtées, faut-il déjà s’inquiéter d’un risque de dévoiement de ces recettes au détriment du remboursement du plan de relance ?
Enfin, l’examen du montant du prélèvement sur recettes m’a donné l’occasion, en commission, de faire un point sur la mise en œuvre du plan de relance européen, au titre duquel la France a déjà bénéficié du versement du préfinancement, pour un montant de 5 milliards d’euros environ.
Je ne reviendrai pas ici sur les épisodes de ces derniers mois, marqués par la procédure de ratification de la décision relative aux ressources propres et par la transmission des plans nationaux de relance et de résilience des États membres.
Je souhaiterais néanmoins relayer un point de vigilance sur le recours aux crédits de la facilité pour la reprise et la résilience en France. En effet, ces crédits peuvent financer des mesures qui sont également éligibles aux fonds de la politique de cohésion. Or une même dépense ne peut être financée par plusieurs fonds. Il faut donc mettre en place un système d’aiguillage, ou de priorité, pour flécher les financements.
L’enjeu budgétaire est de taille. Si nous voulons utiliser pleinement tous les crédits alloués à la France, les financements doivent être bien fléchés. À l’heure actuelle, une démarche pragmatique semble être privilégiée, mais il nous reviendra de suivre attentivement cette mise en œuvre.
En conclusion, mes chers collègues, je recommande, au nom de la commission des finances, l’adoption sans modification de l’article 18 du projet de loi de finances pour 2022. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Emmanuel Capus et Jean-Claude Requier, ainsi que M. le président de la commission des finances, applaudissent également.)