compte rendu intégral

Présidence de Mme Nathalie Delattre

vice-présidente

Secrétaires :

M. Jacques Grosperrin,

Mme Victoire Jasmin.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 28 octobre a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Mise au point au sujet de votes

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Gold.

M. Éric Gold. Lors du scrutin public n° 14 sur l’ensemble du projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire, Mme Guylène Pantel a été considérée comme ayant voté contre, alors qu’elle souhaitait s’abstenir, tandis que Mme Véronique Guillotin et M. Bernard Fialaire ont été considérés comme ayant voté pour, alors qu’ils souhaitaient eux aussi s’abstenir.

Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

3

 
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, visant à affirmer la nécessité d'un accord ambitieux lors de la COP26 de Glasgow permettant de garantir l'application effective de l'Accord de Paris sur le climat
Discussion générale (suite)

Nécessité d’un accord ambitieux lors de la COP26 de Glasgow

Adoption d’une proposition de résolution

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de résolution visant à affirmer la nécessité d’un accord ambitieux lors de la COP26 de Glasgow permettant de garantir l’application effective de l’accord de Paris sur le climat, présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par MM. Didier Mandelli, Ronan Dantec, Jean-François Longeot et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 39 rectifié).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Didier Mandelli, auteur de la proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, visant à affirmer la nécessité d'un accord ambitieux lors de la COP26 de Glasgow permettant de garantir l'application effective de l'Accord de Paris sur le climat
Discussion générale (fin)

M. Didier Mandelli, auteur de la proposition de résolution. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, « Il est temps de dire : “Assez !” Assez de brutaliser la biodiversité ; assez de nous tuer nous-mêmes avec le carbone ; assez de traiter la nature comme des toilettes ; assez de brûler, forer et extraire toujours plus profond. Nous creusons nos propres tombes. »

Ces mots ont été prononcés par António Guterres, secrétaire général de l’ONU, à Glasgow, pour l’ouverture de la COP26, il y a quelques heures.

Près de cinquante ans après le premier Sommet de la Terre, à Stockholm, ces mots ont une résonance particulière : ils traduisent l’urgence climatique.

Pendant cinquante ans, depuis cette première prise de conscience, notre environnement et la biodiversité terrestre n’ont cessé de se détériorer. Entre 1970 et 2016, près de 68 % des populations de vertébrés ont disparu. Les récifs coralliens, qui abritent un quart des espèces marines dans le monde, auront, selon toute vraisemblance, disparu en 2050. Or notre pays compte parmi ceux qui en abritent le plus dans leurs eaux territoriales.

Depuis cinquante ans, le nombre de catastrophes climatiques a été multiplié par cinq. Il ne passe pas un jour sans que l’actualité nous donne à voir des images d’inondations, de sécheresses, de tempêtes dévastatrices. Il n’existe pas un seul élu local qui ne soit pas inquiet des conséquences du dérèglement climatique pour sa commune et ses concitoyens.

Pendant longtemps, le réchauffement climatique n’apparaissait pas comme une réalité immédiate aux yeux de beaucoup et parler de l’impact de nos industries et de notre consommation sur l’environnement était presque un tabou.

Il aura finalement fallu attendre le 12 décembre 2015, c’est-à-dire la vingt et unième COP, pour qu’un accord soit adopté sous le nom d’accord de Paris. Cet accord historique engage les signataires à poursuivre leurs efforts pour limiter l’augmentation de la température de 1,5 degré Celsius et avec pour objectif une limitation de la hausse de la température moyenne de la planète à moins de 2 degrés Celsius par rapport aux niveaux préindustriels.

Alors que les conséquences du dérèglement climatique sont de plus en plus présentes dans notre quotidien, la possibilité de parvenir à un accord international contraignant et à un engagement fort des principaux pays émetteurs de gaz à effet de serre semble toujours aussi complexe.

C’est tout naturellement que le groupe de travail Enjeux internationaux-climat-environnement-développement, sous l’impulsion de son président Ronan Dantec, et la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, présidée par Jean-François Longeot, ont rédigé cette proposition de résolution cosignée par la quasi-totalité des groupes politiques.

Cette résolution, nous l’avons déposée afin de rappeler la responsabilité de la France sur ce sujet et de réaffirmer aussi le rôle de notre pays comme moteur dans les négociations internationales.

L’accord de Paris nous engage particulièrement, parce qu’il a été signé sur notre sol, et nous devons garantir sa mise en œuvre effective.

Avec la volonté, l’engagement et le soutien du président Gérard Larcher, le Sénat a su se mobiliser depuis plusieurs années pour réfléchir, débattre et proposer des solutions concrètes pour prévenir et lutter contre les effets du dérèglement climatique.

Cette réflexion, nous l’avons menée afin de donner aux élus locaux, de plus en plus préoccupés par les risques de catastrophe naturelle, les moyens d’agir et de décliner dans les territoires des politiques innovantes.

La France a une double responsabilité dans ces négociations : veiller au respect des engagements pris, comme nous l’avons indiqué, mais aussi montrer le chemin d’une économie vertueuse. Parce que l’attentisme n’a jamais été dans l’ADN de la France, nous avons su évoluer, nous réformer et nous adapter, nous avons su saisir l’occasion de la transition verte lorsqu’elle s’est présentée – je dirai même : lorsqu’elle s’est imposée à nous.

Avec pragmatisme et détermination, en constatant les effets du dérèglement climatique dans nos territoires, nous avons entamé une réforme profonde de nos modes de consommation et de production afin de diminuer l’impact de l’homme sur l’environnement, de préserver notre biodiversité et nos paysages.

En 1995, la France adoptait la loi relative au renforcement de la protection de l’environnement, qui inscrira dans le code de l’environnement que « les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l’air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation ».

Le Grenelle de l’environnement a également marqué un tournant qui a engagé progressivement notre pays et nos concitoyens vers une transition profonde de nos modèles de consommation et de production, vers un modèle qui parvient à concilier avec succès économie et écologie.

Mes chers collègues, la transition verte n’a jamais été synonyme de décroissance ; elle est avant tout une chance formidable de création d’emplois et d’innovations. Hydrogène vert, décarbonation de notre industrie, innovation sur le nucléaire, moyens de transport décarbonés, véhicule électrique, etc. : les entreprises françaises sont d’ores et déjà mobilisées sur tous ces chantiers et nous avons le potentiel pour en assurer le leadership.

Notre pays est désormais en mesure de montrer l’exemple sur la scène internationale, de montrer qu’il est possible de concilier croissance et décarbonation.

Bien évidemment, je comprends les associations et les citoyens qui voudraient aller plus vite et plus loin. Devant l’urgence, on pourrait volontiers leur donner raison et satisfaction ; néanmoins, pour que la transition verte soit acceptable et acceptée par chacun de nos concitoyens, elle doit être graduelle.

Le tri sélectif, la lutte contre le gaspillage, la modalité, la rénovation des bâtiments, l’achat en circuit court, etc. : nos concitoyens sont les premiers acteurs de la lutte contre le dérèglement climatique. Les collectivités locales, les institutions et l’État sont engagés, leur rôle est essentiel pour l’exemplarité, bien sûr, et pour l’impact positif de leurs actions.

Le changement s’impose désormais en profondeur et au quotidien. Ce serait un mauvais signal que celui qui consisterait à imposer un changement radical, brutal, en quelques semaines ou quelques mois. Il nous faut encore du temps pour développer les innovations, du temps pour mettre en place les bonnes pratiques, du temps pour former les ingénieurs et conforter les métiers de la croissance verte. Et il n’y a là rien de contradictoire avec l’urgence que j’évoquais au début de mon propos : il faut laisser du temps à chacun.

Bien entendu, l’engagement français n’est pas seul suffisant et l’enjeu climatique est avant tout un enjeu international. Je ne puis que saluer les engagements de l’Union européenne, moteur dans la lutte contre le dérèglement climatique, qui a notamment fixé des objectifs ambitieux. C’est en tirant parti de cette impulsion, en coopérant avec nos voisins européens, que nous parviendrons véritablement à réduire nos émissions et à peser sur les pays plus émetteurs que nous.

Le paquet Climat présenté en juillet dernier prévoit des mesures d’une ampleur inédite, notamment la mise en place d’une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne, l’extension et le renforcement du marché européen du carbone ou encore la fin de la vente des voitures thermiques pour 2035. Le « vieux monde » – c’est ainsi que l’on appelait l’Europe – est en pleine renaissance.

Dans quelques jours, nous pourrons évaluer le bilan de la COP26 de Glasgow : sera-t-elle un échec, comme le prédisent certains, ou plutôt une réussite, comme je le souhaite ardemment, avec beaucoup d’entre nous ?

Un succès constituerait un formidable message d’espoir pour la planète ; j’irai jusqu’à dire que cela serait une véritable espérance pour la jeunesse, qui aspire à vivre dans un monde où l’horizon s’éclaircirait enfin. C’est cette petite flamme qu’il nous appartient de préserver et de transmettre pour la faire grandir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Ronan Dantec applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, auteur de la proposition de résolution.

M. Ronan Dantec, auteur de la proposition de résolution. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, certains pourraient se dire : « Encore une résolution sur le climat, une de plus, aussi peu utile que les précédentes ! »

Il est vrai que la négociation internationale sur le climat nous a habitués à tant de discours définitifs, la main sur le cœur, sur la nécessité d’agir à la hauteur de ce défi absolu pour l’avenir de l’humanité que toute nouvelle déclaration ou résolution, tout nouvel engagement sont évidemment sujets à caution, suscitent scepticisme, voire ironie, tant ils ont été généralement peu suivis par les actes qu’ils claironnaient.

Je ne l’ignore pas ; néanmoins, je suis fier de pouvoir vous présenter avec mes collègues Didier Mandelli et Jean-François Longeot cette proposition de résolution, nourrie des auditions et des remarques du groupe de travail Enjeux internationaux-climat-environnement-développement, que j’ai l’honneur de présider.

Une proposition de résolution de ce type envoie déjà un premier message important : le soutien que la représentation nationale apporte aux négociateurs français et européens en leur demandant de rester les moteurs de la négociation climatique internationale, de préserver la dynamique de l’accord de Paris, accord complexe et probablement incomplet, mais qui reste à ce stade le seul socle de négociation multilatérale sur le climat.

Ce message pourra aussi être délivré dans les autres instances et lieux internationaux où interviennent les sénatrices et sénateurs français, notamment l’Union interparlementaire (UIP) ou l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF), voire, plus largement, dans le cadre des groupes interparlementaires d’amitié.

Cette proposition de résolution ne se limite justement pas à un simple souhait d’accord ambitieux à Glasgow, mais dessine aussi des pistes pour un monde de stabilité climatique. Nous le disons dans plusieurs paragraphes : sans intégration des enjeux de développement, nous ne pouvons espérer construire les nouvelles régulations dont nous avons besoin.

Ainsi, nous rappelons le caractère impératif de l’atteinte de l’enveloppe annuelle de 100 milliards de dollars pour les pays les moins développés, engagement que les pays riches avaient pris à Copenhague, il y a déjà douze ans.

De manière plus prospective – et nous avons fait ici le choix d’une proposition de résolution qui entre un peu dans la complexité et la technicité de l’accord de Paris –, nous insistons sur l’importance d’une mobilisation prioritaire des futurs fonds de compensation vers les pays en développement, en particulier ceux du continent africain. Cette question avait d’ailleurs suscité quelques échanges entre nous au moment de l’examen de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience.

Très clairement, nous disons aussi que nous ne pouvons pas demander aux pays en développement de participer à l’effort de stabilisation du climat, d’être finalement solidaires des pays émetteurs historiques, si, dans le même temps, nous ne leur accordons pas un accès garanti en nombre suffisant aux vaccins contre le covid-19.

Le monde de l’accord de Paris est un monde toujours un peu utopique, un monde où la communauté des États a compris que ses intérêts vitaux étaient plus dans la coopération que dans l’affrontement – logique, qui ne s’impose malheureusement que très rarement de manière spontanée, le tragique de l’Histoire nous le rappelle.

Les inventeurs de l’architecture de cet accord de Paris étaient évidemment conscients de cette difficulté, du caractère finalement un peu contre nature de ce pari sur l’intelligence collective des États à dépasser leurs intérêts immédiats pour leur avenir commun. Aussi, ils ont proposé des mécanismes de coopération plus opérationnels entre États volontaires : c’est le sens de l’article 6, dont la finalisation a déjà bloqué deux COP et dont nous soulignons l’importance.

Ce n’est pas sans raison. Derrière cet article, c’est potentiellement une nouvelle géographie économique du monde qui se dessine. D’un côté, de nouveaux espaces de coopérations où se transfèrent des tonnes de CO2 entre États partageant des objectifs communs de réduction des émissions, mais, de l’autre, une nouvelle guerre économique entre grands blocs économiques régionaux n’estimant pas devoir développer les mêmes efforts et dressant entre eux des taxations carbone à leurs frontières.

En s’intéressant à ces articles 6 et 13, notre proposition de résolution fait aussi, me semble-t-il, œuvre de pédagogie en rappelant que la négociation climatique n’est pas seulement une négociation environnementale, mais qu’elle est un des lieux – si ce n’est le premier lieu – où s’écrivent les grands équilibres économiques et géopolitiques de demain.

Enfin, en écho à la résolution de notre ancien collègue Jérôme Bignon, adoptée voilà déjà six ans, nous rappelons le rôle essentiel de l’action territoriale, l’importance des politiques engagées par les collectivités pour décliner les objectifs de l’accord de Paris.

Une part importante des émissions de CO2 est liée à la vie quotidienne, à la manière de se loger, de se nourrir, de se déplacer. Qui mieux que les élus locaux dispose de cette capacité à agir ? Porte-parole de réseaux de collectivités territoriales internationales dans les négociations climatiques depuis une douzaine d’années, je connais la difficulté que rencontrent les collectivités territoriales à être totalement associées, alors que, pourtant, bien des contributions déterminées au niveau national (CDN) gagneraient en ambition si elles intégraient le potentiel d’action de leurs gouvernements locaux.

La France, porteuse au moment de la COP21 de l’agenda de l’action, doit continuer de soutenir au niveau international ce rôle clé de l’action territoriale et, plus largement, de l’ensemble des acteurs non étatiques : les entreprises, les organisations non gouvernementales (ONG), la société civile.

Elle peut même essayer de mieux le soutenir chez elle, madame la secrétaire d’État : la dotation climat territoriale que nous votons ici chaque année de manière quasi unanime attend, par exemple, toujours le feu vert du Gouvernement et de Bercy !

Mes chers collègues, voilà donc le sens de cette proposition de résolution, qui dit notre conscience collective de la gravité de la crise climatique, notre volonté et notre lucidité dans la nécessité d’y faire face. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER, INDEP, UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, auteur de la proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-François Longeot, auteur de la proposition de résolution. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’heure où s’accroissent sous nos yeux les tensions géopolitiques, les conflits et les tentations de repli qui les accompagnent, il y a des idées, chères à notre pays, dont l’importance doit être plus que jamais rappelée : la foi dans l’universel et le multilatéralisme. Car nous ne résoudrons pas une des plus graves crises traversées par l’humanité – le réchauffement climatique et l’extinction de masse de la biodiversité – sans coopération et régulation internationales.

En 2015, au Bourget, c’est cette conviction qui avait guidé notre diplomatie et qui avait permis la conclusion du premier accord universel sur le climat, l’accord de Paris.

Six ans après, les États signataires se retrouvent à Glasgow pour une COP26 lourde d’enjeux. Formons le vœu que l’universel et le multilatéralisme prévalent de nouveau pour défendre l’acquis de Paris, unique cadre juridique à même de contenir l’élévation de la température moyenne de la planète à un niveau acceptable pour notre espèce.

Nous le savons, cela n’est pas gagné : plusieurs États n’ont toujours pas soumis leur feuille de route aux Nations unies, comme le prévoyait pourtant l’accord de Paris. Pis, peut-être, la somme des engagements aujourd’hui déposés ne permettrait de contenir l’élévation des températures qu’à 2,7 degrés centigrades, niveau qu’on peut juger dramatique à la lecture du récent rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).

Malgré tout, au grand dam de ses contempteurs, l’accord de Paris fonctionne. Les faits le démontrent : beaucoup d’États jouent aujourd’hui le jeu et respectent le mécanisme créé par la COP21 en soumettant de nouvelles contributions déterminées au niveau national plus ambitieuses que les précédentes. Même la Chine, méfiante à l’égard du multilatéralisme, a déposé sa contribution la semaine passée.

Cela étant dit, tout, pour ainsi dire, reste à faire, pour garantir que ces engagements ne soient pas de simples coquilles vides. Ce sera l’un des grands enjeux de la COP26, comme nous l’avons rappelé dans la proposition de résolution qui vous est présentée aujourd’hui.

Il importe, d’une part, qu’un mécanisme de transparence robuste soit enfin établi en application de l’article 13 de l’accord : ce mécanisme sera le garant de la réciprocité de l’action climatique et de la bonne foi de chacun à s’engager sur la trajectoire de la neutralité carbone.

Il convient, d’autre part, d’arrêter enfin les règles du mécanisme du marché du carbone prévu à l’article 6, qui contribueront à donner un signal prix mondial en faveur de la décarbonation et à financer les actions d’atténuation menées par les États les plus vertueux.

Pour embarquer l’ensemble des États de la planète dans l’effort climatique, nous devons par ailleurs tenir nos promesses, en mobilisant, comme prévu en 2009, 100 milliards de dollars de financements pour le climat en faveur des pays du Sud. La France respecte ses engagements en la matière. Ce n’est pas le cas de tous les pays.

La mobilisation de ces fonds est impérative. Sans elle, il est illusoire d’espérer que les pays en développement, particulièrement ceux du continent africain, prennent avec nous le chemin de la neutralité carbone.

Voici quelques-uns des messages que nous avons souhaité adresser au moyen de cette proposition de résolution.

La délégation de notre commission, qui représentera le Parlement français à la COP26, portera ces messages dans les échanges qu’elle aura avec nos homologues des autres pays. Elle défendra modestement ces deux idées chères que j’ai évoquées au début de ma prise de parole : l’universel et le multilatéralisme. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, SER et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Gold.

M. Éric Gold. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’accord de Paris obtenu le 12 décembre 2015 constitue un tournant historique des conférences des parties sur le climat en ce que, pour la première fois, les 196 parties se sont engagées à respecter l’objectif de contenir à 1,5 degré Celsius la hausse mondiale des températures d’ici à 2100 par rapport à l’ère préindustrielle.

Tel est le défi majeur du XXIe siècle qui implique un bouleversement des modes de production, de consommation et de vie de nos sociétés.

Après cet état de grâce diplomatique, puis les échecs des COP qui ont suivi, vient le temps d’un premier bilan quinquennal de l’action climatique. Ce travail révèle la nécessité d’accélérer les efforts et d’aboutir à un nouvel accord lors de la COP26 qui se tient en ce moment à Glasgow.

Je remercie les auteurs de la proposition de résolution d’avoir demandé l’inscription de ce texte à l’ordre du jour de notre assemblée.

Où en sommes-nous ? D’après les dernières évaluations de l’Organisation des Nations unies, la somme des contributions déterminées au niveau national – soit les engagements volontaires de réduction des émissions de gaz à effet de serre des pays – nous mène vers une trajectoire de 2,7 degrés Celsius d’ici à la fin du siècle, à condition qu’ils soient effectivement respectés.

Or la première partie du sixième rapport d’évaluation du GIEC publié en août dernier souligne qu’une hausse de 2 degrés signifie un dépassement des seuils de tolérance critiques pour l’agriculture et la santé publique. Certaines conséquences du dérèglement climatique sont jugées « irréversibles pour des siècles ou des millénaires », comme l’acidification des océans, la fonte des glaciers et calottes polaires et l’augmentation du niveau de la mer.

Quel que soit le scénario étudié par l’organisme, nous dépasserions la barre de 1,5 degré Celsius dès 2030-2040 – à moins d’agir immédiatement et radicalement, ce qui est peu probable. Le secrétaire général des Nations unies a affirmé que cela supposerait sept fois plus d’ambition.

Dans le seul secteur de l’énergie, il faudrait renoncer à toute exploitation de l’énergie fossile et atteindre une hausse de 4 % de l’efficacité énergétique par an, soit trois fois plus que pendant les dernières décennies, si l’on s’en tient aux chiffres avancés par l’Agence internationale de l’énergie.

Il existe donc un fossé entre le concept et sa réalisation. La proposition de résolution rappelle, à juste titre, que ces engagements doivent être déclinés aux niveaux national et local.

En 2020, la crise du covid-19 n’aura finalement eu qu’un impact modeste, moyennant une réduction de 5,4 % des émissions de CO2 dans un monde qui a dû rester à l’arrêt pendant plusieurs mois. C’est cet effort qu’il conviendrait de maintenir de manière annuelle. Est-ce réaliste en l’état actuel des engagements et de leur exécution ? Non.

C’est bien la preuve qu’il nous faut à la fois plus d’investissements, plus d’innovation, et surtout plus de sobriété. Le progrès est nécessaire, des technologies de rupture surgiront, mais il n’y aura pas de miracle. Pour ne prendre que les exemples de l’hydrogène ou de la fusion nucléaire, de la capture du CO2 ou encore de la géo-ingénierie, ces innovations et leur diffusion à grande échelle sont essentiellement attendues après 2050. Il sera alors trop tard pour freiner l’emballement du climat.

Il ne se produira pas davantage de miracle si subsiste une confiance aveugle dans les mécanismes de marché. On pourra imaginer tous les systèmes de compensation carbone possibles pour atteindre la neutralité carbone, d’autres leviers demeurent indispensables : réglementation environnementale, investissements massifs publics et privés, taxation du carbone, recherche, formation, etc.

Le bilan annuel de l’action climatique du programme des Nations unies pour l’environnement, publié la semaine dernière, déplore des objectifs de neutralité carbone « vagues, souvent incomplets et non alignés avec la plupart des plans à court terme ».

Telle est bien la limite de l’accord de Paris : l’impossibilité de mettre en place un mécanisme de sanctions en cas de non-respect des engagements. La France n’a d’ailleurs pas respecté son premier budget carbone. La COP doit absolument avancer sur les règles de transparence en matière de suivi des réalisations des engagements de chaque État partie.

Les conséquences du changement climatique frappent en premier les pays en développement. Il est donc impératif de régler la dette climatique, de convaincre le bloc des responsables historiques de la pollution de respecter enfin leur promesse de mobiliser 100 milliards de dollars par an pour les accompagner, conformément aux engagements pris à Copenhague en 2009. Au lendemain du G20 qui s’est tenu à Rome, ce dossier ne sera réellement débloqué qu’en 2023, avec trois ans de retard.

La prise de conscience s’accroît. Tous les acteurs s’y mettent, avec plus ou moins d’enthousiasme : citoyens, entreprises, investisseurs, mais aussi la plupart des États qui ont adopté l’objectif de neutralité carbone selon des échéances allant de 2040 à 2070 – à commencer par les pays du G20, responsables de 80 % des émissions de gaz à effet de serre.

L’humanité va devoir s’affranchir des contraintes techniques et financières tout en s’accommodant des limites planétaires pour rendre cet avenir commun encore désirable. Les budgets carbone consommés jusqu’à présent doivent être restitués à ceux qui n’ont pas eu cette chance, à savoir les pays les plus vulnérables, mais aussi aux générations futures.

Il revient aux États de gouverner la crise climatique de manière volontariste, coordonnée et juste. Nous voterons la proposition de résolution en espérant sincèrement que la COP26 accouche d’un accord nettement plus ambitieux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si je salue l’initiative de cette proposition de résolution, je me permets de saisir l’occasion qui se présente pour dénoncer l’inaction de la France à l’égard de ses engagements climatiques internationaux.

Ce texte souligne, à juste titre, le « devoir d’exemplarité des pays moteurs de l’action climatique » dans la lutte contre le réchauffement climatique. Or l’exemplarité est le dernier mot qui me vient à l’esprit quand je pense à la politique environnementale de la France. Depuis l’accord de Paris, jamais notre pays n’a tenu ses engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

La condamnation historique de l’État dans le cadre de « l’affaire du siècle » et la décision inédite rendue au début du mois de juillet par le Conseil d’État, qui demande au Gouvernement de « prendre toutes mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre », mettent en lumière l’inaction du pouvoir en place.

Le Président de la République annonçait en mai 2020 vouloir « changer la nature même de la mondialisation » afin de répondre à l’urgence écologique. Cette volonté se traduit par une distribution massive d’argent public, sans condition, aux secteurs de l’automobile et de l’aviation.

Le même président, lors de son discours sur la France de 2030, a fait part de son souhait d’explorer les fonds marins, riches en métaux et hydrocarbures. Cette soudaine envie d’aventure ne traduit rien d’autre que les prémices d’une exploitation de ces espaces. Si le président s’en défend, je demande donc pourquoi la France s’est abstenue lors de l’adoption par l’Union internationale pour la conservation de la nature d’une motion demandant un moratoire sur l’exploitation minière des grands fonds.

La solidarité internationale doit jouer un rôle primordial dans l’action climatique. Les pays développés s’étaient engagés à verser 100 milliards de dollars par an aux pays en développement. Or, en 2019, le fonds à destination de ces pays n’atteignait que 80 milliards de dollars. La COP de Glasgow doit donc compenser ce retard. Là aussi, la France devrait prendre ses responsabilités.

La faible volonté politique de notre exécutif dans la lutte contre le changement climatique nous décrédibilise sur la scène internationale. J’espère que cette proposition de résolution lui permettra d’en prendre davantage conscience.