Mme la présidente. La parole est à M. Joël Bigot. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Joël Bigot. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans mon ultime intervention lors de l’examen de la loi Climat et résilience en juillet dernier, j’invitais le Gouvernement et la majorité sénatoriale à se montrer plus offensifs pour combattre l’insécurité écologique qui sera désormais notre quotidien.
Si la France est « sortie des clous » de la trajectoire carbone qu’elle s’était fixée, il n’en demeure pas moins vrai que le quinquennat précédent nous a conféré une légitimité profonde dans la lutte contre le réchauffement climatique, par la signature de l’accord de Paris en 2015. Charge à notre exécutif de mesurer l’héritage de ce leadership écologique édifié sous François Hollande et d’en être à la hauteur dans les négociations internationales qui s’ouvrent en Écosse.
C’est donc avec un véritable espoir que je cosigne cette proposition de résolution transpartisane affirmant la nécessité d’un accord ambitieux lors de la COP26 qui commence cette semaine à Glasgow.
Certains pourront critiquer, d’autres minimiser ce texte d’appel. Il s’agit néanmoins là d’un geste politique qui honore notre institution en matière environnementale.
Parce que mon groupe politique et moi-même sommes convaincus que nous ne pouvons plus, sans cesse, reculer devant l’obstacle, cette résolution se veut, non pas un blanc-seing, mais la traduction minimale de ce que nous attendons des positions défendues à Glasgow par la France – d’autant plus que la tâche ne sera pas facile, le contexte international tendu pouvant grandement nuire à l’accord que la planète attend.
On a beaucoup moqué Greta Thunberg en France et ailleurs. Or cette jeune fille, suivie par de nombreux jeunes, a le courage de la raison, tout comme les milliers de scientifiques qui appellent les décideurs à agir d’urgence. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le GIEC confirme les perspectives chaotiques qui sont devant nous : l’enjeu est bien l’extermination ou la survie du vivant.
À Rome, j’ai eu l’honneur de participer à la réunion parlementaire préalable à la COP26 organisée par l’Union interparlementaire (UIP). Celle-ci portait un message de la même teneur appelant les dirigeants à faire preuve de responsabilité pour se conformer à l’objectif défini en 2015, lequel est bien loin d’être atteint.
Si le monde continue sur sa lancée, un réchauffement de 2,7 degrés Celsius est assuré, soit un résultat bien supérieur à 1,5 degré Celsius, et nous condamne à la « catastrophe climatique » selon les mots du secrétaire général de l’ONU, António Guterres.
Aussi, madame la secrétaire d’État, pour sortir des postures de Cassandre, cette résolution vous donne une feuille de route, ou plutôt une feuille de rappel des objectifs que nous nous sommes fixés lors des accords de Paris, afin que la France ne soit pas inactive sur le plan climatique au niveau international.
Nous souscrivons d’autant plus à cette résolution qu’elle prend en compte la dimension sociale de ce défi de l’humanité ainsi que la dimension solidaire qui incombe aux pays les plus développés et les plus émetteurs envers les États les plus vulnérables et les plus pauvres.
Ce point est essentiel, sachant que nous ne sommes toujours pas arrivés à constituer le fonds de 100 milliards de dollars par an à destination des pays en voie de développement.
Ce sujet du financement est d’autant plus pressant que la promesse de ce fonds, faite en 2009 à Copenhague, porte sur les cinq années 2020-2025. Selon les dernières projections de l’OCDE, l’objectif ne pourrait être atteint qu’en 2023 ! Encore une fois, nous sommes loin du compte, comme le concède Alok Sharma, le président de la COP26.
La solidarité est bien au cœur du virage écologique et philosophique nécessaire pour contenir le réchauffement. Ainsi, cette proposition de résolution rappelle très justement le « caractère impératif de l’atteinte de l’objectif d’une mobilisation par les pays développés de 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 en faveur des pays en développement ».
Au-delà de cet échec retentissant de la diplomatie climatique mondiale, le retour en scène des États-Unis peut cependant nous redonner quelque optimisme, rapidement tempéré par l’annonce de l’absence des chefs d’État russe, chinois et turc à la COP26.
Cette proposition de résolution formulée par la Haute Assemblée dans une quasi-unanimité est aussi l’occasion de rappeler que la question de la diplomatie climatique est également une question démocratique. Sans adhésion des populations, sans justice sociale, nous ne pourrons effectuer l’effort immense de transformation et d’anticipation nécessaire pour l’atténuation du changement climatique et l’adaptation à ce dernier.
Enfin, comme le rappelle ce texte à la suite de Valérie Masson-Delmotte, les collectivités locales ont un rôle éminent à jouer en la matière, car il ne s’agit pas seulement d’une histoire d’influence humaine sur le climat global. C’est aussi une histoire d’aménagement du territoire, qui peut aggraver les effets d’un climat qui change.
Le défi est colossal. Il concerne chacun d’entre nous et le monde entier. Les États ont une responsabilité encore jamais éprouvée. Toutefois, rien n’est écrit d’avance et cette semaine sera cruciale pour la planète – en cas d’échec, comme en cas de réussite.
Cette proposition de résolution vous invite, madame la secrétaire d’État, au courage des actes et vous livre un pense-bête des objectifs qui devraient, selon nous, fonder l’action diplomatique de la France pour la survie de l’humanité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Marchand. (M. Bernard Buis applaudit.)
M. Frédéric Marchand. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, « Comment pouvons-nous danser quand notre terre tourne, comment dormons-nous, alors que nos lits brûlent ? » Voilà ce qu’écrivait en 1987 celui qui fut ministre de l’environnement en Australie de 2007 à 2010. Je veux parler de Peter Garret, plus connu comme leader du groupe de rock Midnight Oil, que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, mais qui signa avec la chanson Beds are burning un manifeste que les participants à la COP26 pourraient reprendre à l’unisson.
En effet, la COP26 donne le coup d’envoi d’une décennie décisive qui sera celle du triomphe ou de la tragédie.
Elle doit constituer un test de crédibilité et une échéance clé pour au moins deux enjeux au cœur des négociations multilatérales sur le climat : la dynamique d’ambition collective enclenchée par l’accord de Paris et le financement du climat promis lors de la COP15 de Copenhague.
Les accords de Paris étaient le temps de la promesse, Glasgow doit être celui de l’engagement.
C’est le sens de la résolution qui nous est proposée et qui fait suite au travail mené depuis plusieurs mois par notre assemblée, notamment par le groupe d’études présidé par notre collègue Ronan Dantec, qui a procédé à plusieurs auditions sur un sujet désormais placé tout en haut de la pile des dossiers urgents à traiter.
Parmi les quatre objectifs fixés par la présidence britannique, deux renvoient à des jalons posés il y a plusieurs années.
Tout d’abord, concernant la réduction des émissions, la COP26 constitue la date limite à laquelle les pays doivent soumettre des engagements nouveaux et renforcés à l’horizon 2030 ainsi que des stratégies à long terme de développement de faibles émissions de gaz à effet de serre – généralement à l’horizon 2050.
La COP26 marque la première étape du mécanisme d’ambition de l’accord de Paris, et un premier test pour sa crédibilité.
Le tableau n’est pas rose : si les trois quarts des pays ont soumis leurs contributions déterminées au niveau national pour l’action climatique, cela ne représente qu’un peu plus de la moitié des émissions mondiales, quelques « poids lourds » ne répondant toujours pas à l’appel.
Les émissions restent bien trop élevées pour contenir le réchauffement climatique de la planète. Le GIEC indique d’ailleurs dans son dernier rapport que nous aurons atteint 1,5 degré Celsius d’augmentation avant le début des années 2030, soit dix ans plus tôt que ce qui était anticipé.
Le G20 est en première ligne, ses pays membres étant responsables de 80 % des émissions de gaz à effet de serre.
Malgré l’engagement de tous les pays du G20 à remettre des CDN ambitieuses, quelques pays, et non des moindres, ne les ont toujours pas remises.
D’autres pays ont remis quant à eux des CDN notoirement insuffisantes, parmi lesquels la Russie, le Brésil, l’Indonésie, le Mexique ou bien encore l’Australie – soit autant de nouvelles CDN certes remises, mais qui ne relèvent pas l’ambition par rapport aux premières CDN présentées par ces pays en 2015.
Le constat est sombre, mais de nouveaux signaux vont dans le bon sens, notamment la ratification de l’accord de Paris par la Turquie et son annonce de viser une neutralité carbone d’ici 2053. Les efforts remarquables de l’Afrique du Sud qui a déposé une CDN très ambitieuse sont également à noter.
Même si des avancées sont possibles au cours de la COP26 sur ces engagements à court terme, le fossé sera loin d’être comblé. Raison de plus pour nous rappeler que l’ambition ne peut être réduite aux seuls chiffres des CDN. Des progrès ont été réalisés aux niveaux national et sectoriel, en matière de gouvernance, d’objectifs et de politiques et la proposition de résolution que nous examinons est clairement tournée dans cette direction.
Des avancées ne sont possibles qu’à travers une coopération des États au niveau international, sans échappatoire. La résolution va dans ce sens.
Vous me permettrez, à la suite de mon collègue Joël Bigot, de souligner tout particulièrement le point 29 qui rappelle que le cadre de l’Union interparlementaire peut constituer un levier efficace pour « faciliter la conduite d’un accord ambitieux à l’échelle internationale et sa déclinaison dans les politiques publiques nationales. »
Membre de l’UIP, j’ai pu mesurer récemment à Rome, en compagnie d’Hervé Maurey et de Joël Bigot, la nécessité et l’efficacité des échanges conduits avec nos collègues parlementaires du monde entier pour porter des propositions et peser sur nos gouvernements respectifs.
Le deuxième objectif qui jalonne cette COP26 est le financement, et plus précisément la promesse faite par les pays développés lors de la COP15 de Copenhague de 2009 de mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 auprès de sources publiques et privées pour répondre aux besoins des pays en développement.
Cette promesse n’a pas été tenue, puisque 20 milliards de dollars manquent à l’appel. Il y va donc de la crédibilité des pays riches que de respecter, et même d’amplifier, l’engagement tenu.
Parmi les autres objectifs mis au débat en Écosse, les négociateurs s’attelleront à relancer les discussions visant à fixer un prix au carbone pour que tous les pays soient soumis aux mêmes règles, en toute transparence et de façon responsable, faute de quoi la réduction collective des émissions pourrait être significativement compromise.
De la même manière, la réduction de la consommation de charbon est l’un des principaux domaines dans lesquels de nouveaux engagements sont espérés.
Après un été marqué par des catastrophes climatiques à répétition et, dans un cruel parallèle, par la sortie d’un nouveau rapport alarmant du GIEC, de nombreux pays demandent aujourd’hui une augmentation de l’adaptation.
Le secrétaire général des Nations unies le demande également, pour consacrer 50 % des fonds mobilisés pour la lutte contre le dérèglement climatique à l’atténuation des émissions de gaz à effets de serre et 50 % à l’adaptation. La France s’est engagée à consacrer un tiers de ces fonds à l’adaptation, ce qui représente une augmentation considérable par rapport aux dernières années, et un quadruplement par rapport à l’accord de Paris.
À Glasgow, la France s’appuie sur trois mots clés : confiance, transparence et cohérence. Elle est une bonne élève du financement de la lutte pour le climat, avec 6 milliards d’euros par an ; côté engagement, nous partageons notre bonne marche avec l’Union européenne, avec un objectif de baisse de 55 % des émissions d’ici à 2030 et la neutralité carbone en 2050.
Néanmoins, le chantier reste vaste, puisqu’il s’agit désormais de répartir l’effort parmi les Vingt-Sept. Nul doute que la présidence française du Conseil de l’Union européenne, au premier semestre 2022, sera l’occasion d’avancées significatives sur ce dossier.
La réussite de la COP21 et des accords de Paris a suscité un formidable espoir à travers le monde. Depuis lors, malgré des avancées, cet espoir a été déçu. La COP26 de Glasgow doit ranimer la flamme. Nous devons la réussir, sous peine de voir l’avenir de la planète et de l’humanité dangereusement compromis. L’heure n’est plus aux promesses, si belles soient-elles, mais à l’action ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, GEST et RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Médevielle.
M. Pierre Médevielle. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis la réunion de la COP21 à Paris, nous pouvons être fiers de la prise de conscience importante des enjeux climatiques. Passé le temps de l’euphorie, nous devons nous tourner vers des propositions peut-être moins ambitieuses, mais bien plus réalistes. La communication c’est bien, mais l’engagement concret c’est mieux !
Notre jeunesse, à la pointe, fait entendre sa voix partout dans le monde. Nous devons l’épauler et nous montrer à la hauteur de ses espérances et des enjeux. Le Sénat, et sa commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, travaille régulièrement sur la problématique climatique à laquelle nous essayons d’apporter des solutions pragmatiques et efficientes.
Cette proposition de résolution transpartisane en est un bel exemple de plus. L’écologie ne devrait pas avoir de couleur politique, mais être intelligente et s’insérer, notamment, dans les politiques publiques.
Le groupe Les Indépendants défend une écologie libérale, une écologie de progrès et d’efficacité, qui s’attache à ce que le remède ne soit pas pire que le mal. À nos yeux, la solution réside dans la recherche, dans l’innovation et dans l’investissement dans les technologies d’avenir.
À cette fin, nous devons déployer des moyens importants et choisir notre ligne de conduite, comme l’évoque, au sujet de l’énergie, l’étude récente de Réseau de transport d’électricité (RTE). Notre consommation électrique est amenée à augmenter fortement, en raison de nouveaux usages. Un mix équilibré est nécessaire, entre énergies renouvelables et nucléaire.
Il semble que, s’agissant des premières, si la recherche continue à progresser, l’hydrogène et le solaire tiennent la corde. À ce titre, je renouvelle l’appel fait sur l’inclusion de la filière nucléaire dans la taxonomie verte européenne. Les investissements sont nécessaires dans ce domaine et la finance verte, elle aussi, doit être ancrée dans la réalité.
Nous devons faire de la crise que nous traversons une relance efficace qui serait un outil au service des transitions. Nous avons tous la responsabilité, à notre niveau, de faire vivre ces transitions et les collectivités ont un rôle primordial à jouer, ainsi que le rappelle cette proposition de résolution.
Cette COP26 tant attendue, symbole d’un indispensable multilatéralisme, est aussi porteuse d’inquiétudes. En Écosse, nous assisterons au retour des États-Unis, pays fortement émetteur et donc partenaire indispensable dans le processus de décarbonation du monde. La proposition de résolution le salue.
Toutefois, la coopération impose que tout le monde soit présent autour de la table et nous ne pouvons que déplorer l’absence des dirigeants de certains pays émergents.
Plus graves encore sont les absences de la Chine et de la Russie, respectivement premier et quatrième plus gros émetteurs mondiaux de CO2. Ces absences ne sont pas seulement dues à la pandémie mondiale que nous vivons : nous connaissons depuis longtemps le grand sens de la solidarité internationale de ces pays !
Les enjeux climatiques se retrouvent ainsi prisonniers des tensions géopolitiques, et parfois internes. Cela évoque un serpent qui se mord la queue, alors que l’on entrevoit les tensions internationales que provoqueront – et provoquent déjà – les crises climatiques.
Les nuages noirs s’amoncellent dans le ciel de Glasgow.
Il nous paraît donc essentiel de permettre aux pays en développement d’accéder à l’énergie et à la neutralité carbone et de les aider dans cette transition. Il s’agit d’un combat commun, mondial : nous serons tous touchés par les conséquences du dérèglement climatique si nous n’agissons pas avec intelligence et pragmatisme. Notre situation géopolitique, politique et économique pourrait être bouleversée de manière irréversible.
J’ai notamment à l’esprit les forts mouvements de populations qui se produiront très certainement, ainsi que les problèmes potentiels d’approvisionnement alimentaire.
Certaines résolutions, qui partent pourtant de bonnes intentions, comme le programme européen Farm to Fork, peuvent emporter des conséquences catastrophiques sur les échanges mondiaux et sur les cours des céréales. Une baisse de 20 % de la production, alors que la population du continent africain doublera sa population à horizon 2050, entraînerait des mouvements migratoires que nous ne pourrions ni absorber ni endiguer. On n’arrête pas un peuple qui a faim !
La France et l’Union européenne doivent rester chefs de file, comme le conclut cette proposition de résolution. Je rappelle cependant que, malgré les objectifs que nous avons ouvertement exprimés à travers le pacte Vert européen, nous ne représentons que 10 % des émissions mondiales. Nous ne pouvons, et ne pourrons, rien seuls !
Le groupe Les Indépendants souscrit à la majorité des points évoqués dans cette proposition de résolution et votera donc à l’unanimité en sa faveur. (M. Jean-François Longeot applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marta de Cidrac. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marta de Cidrac. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme au moment de la COP21, le Sénat souhaite affirmer la nécessité d’un accord ambitieux pour le climat lors de la COP26. Loin d’un discours évoquant « une COP de la dernière chance » ou « une COP qui ne servirait à rien », cette proposition de résolution transpartisane montre combien l’enjeu du sommet de Glasgow est immense. Le récent rapport du GIEC et les manifestations du changement climatique, de plus en plus nombreuses, doivent pousser l’ensemble des parties prenantes à appliquer et à renforcer l’accord de Paris.
Au-delà du nécessaire rehaussement des engagements de chaque État, déjà abordé par mes collègues, je m’attarderai sur deux points essentiels soulevés dans cette proposition de résolution : le décloisonnement entre action climatique et action en faveur de la biodiversité et le soutien à la lutte contre le changement climatique dans les pays en voie de développement.
Oui, la communauté internationale, dans son ensemble, s’est emparée de la lutte contre le changement climatique. Les négociations internationales sur la diversité biologique arrivent, quant à elles, timidement sur le devant de la scène, même si la pandémie de coronavirus semble avoir agi comme un révélateur.
Le sujet des zoonoses s’est ainsi imposé dans le débat public ainsi qu’au cœur de plusieurs auditions de notre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et des discussions du congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), à Marseille, et de la COP15 au début du mois d’octobre.
Ainsi, climat et biodiversité font l’objet de négociations et d’actions séparées, menées sous l’égide de deux conventions différentes des Nations unies.
Pourtant, ces deux sujets sont intimement liés : les phénomènes météorologiques extrêmes, les sécheresses, l’acidification des océans entraînent la migration des espèces, des bouleversements des chaînes alimentaires et un appauvrissement en espèces végétales et animales. À l’inverse, l’effondrement du phytoplancton et la déforestation réduisent sensiblement la séquestration du CO2 par ces puits de carbone naturels que sont nos océans et nos forêts. Il s’agit pourtant d’un vrai levier pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.
Cette organisation en silos des négociations climatiques est donc dépassée. Il est temps de penser la politique environnementale et les négociations internationales de manière globale, et non secteur par secteur.
Les politiques d’atténuation du changement climatique et de maintien de la biodiversité doivent être menées de front. Ce décloisonnement des politiques environnementales, impliquant la nécessité d’évoquer la biodiversité lors de la COP26, doit être défendu par la France, dans la continuité de ses engagements pris il y a quelques semaines pour la préservation de la diversité biologique.
Cette résolution rappelle également le caractère impératif de la mobilisation par les pays développés de 100 milliards de dollars par an en faveur des pays en voie de développement, dès 2020.
Cet engagement, pris lors de la COP15 à Copenhague, en 2009, n’est à ce jour pas respecté : 80 milliards de dollars ont été mobilisés en 2019, d’après l’OCDE, et le rapport commandé par la présidence britannique de la COP26 estime que la cible ne sera atteinte qu’en 2023.
Si la récente feuille de route demandée par la présidence britannique semble indiquer que les financements publics seront à la hauteur dans les années à venir, on peut imaginer que les négociations seront âpres sur le sujet.
Plusieurs pistes ont déjà été identifiées.
Tout d’abord, l’augmentation des contributions publiques doit se concrétiser. Plusieurs États et de nombreuses banques multilatérales se sont engagés à augmenter leur contribution. La France avait, dès 2015, pris l’engagement de porter la sienne à 5 milliards de dollars par an ; un objectif accompli dès 2019. Nous pouvons nous en féliciter, même si le déséquilibre entre dons et prêts reste trop important.
La plus grande incertitude vient cependant des financements privés, qui doivent croître, alors qu’ils étaient en baisse en 2019, selon l’OCDE.
La fragilisation des économies que nous venons de connaître ces deux dernières années fait craindre que cette baisse ne se poursuive, mais la mobilisation de tous pour lutter contre le changement climatique est primordiale. L’accroissement des fonds privés est donc capital, car nos institutions publiques ne pourront faire face seules.
Madame la secrétaire d’État, comment la France et ses partenaires comptent-ils se mobiliser pour garantir les financements privés vers les pays en voie de développement ?
Ensuite, et comme le souligne la proposition de résolution dont nous discutons, une plus grande part de ces fonds doit être affectée à l’adaptation face au changement climatique, dont les manifestations sont de plus en plus importantes. Cette mesure était déjà inscrite dans l’accord de Paris. Pourtant, seulement 25 % des fonds lui ont été consacrés en 2019.
Ce soutien est attendu, notamment par les petits États insulaires qui subissent la montée des eaux et qui ont un accès difficile aux financements internationaux. La France doit elle-même revoir l’affectation des sommes qu’elle engage dans cette perspective.
Enfin, et surtout, les négociations sur les financements post-2025 doivent faire un véritable bond en avant pour aboutir rapidement. Toujours selon l’OCDE, les pays développés mettraient à disposition 117 milliards de dollars en 2025. C’est un vrai point de départ pour construire une stratégie et une perspective sur dix à vingt-cinq ans, en s’appuyant sur les besoins des pays en voie de développement dans les années à venir, lesquels vont croître sensiblement.
Les sujets à traiter lors de cette COP26 sont donc nombreux. Quelques jours seulement après son ouverture, le réalisme nous impose de constater que tous n’aboutiront probablement pas. Le multilatéralisme, en matière de négociations climatiques comme de manière plus large, rencontre des difficultés que personne ne peut ignorer.
Toutefois, de premiers signes encourageants nous sont arrivés de Glasgow, à commencer par l’accord pour mettre un terme à la déforestation à l’horizon 2030, qui doit être conclu aujourd’hui par plus de 100 pays ainsi que les nouveaux engagements très réalistes pris par l’Inde, qui pourraient inspirer d’autres pays et tendre vers des actions concrètes.
Ainsi, ce sommet pourrait tout de même permettre des avancées notables, sur la base du travail accompli en 2015 avec l’accord de Paris. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guillaume Gontard. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, je tiens tout d’abord à saluer l’initiative transpartisane qui nous réunit aujourd’hui ; sa portée n’est que symbolique, mais il ne faut jamais sous-estimer la puissance d’un symbole.
Si aujourd’hui toutes les sensibilités politiques demandent au Gouvernement de tout mettre en œuvre pour que la vingt-sixième conférence des parties sur le climat soit une réussite, c’est parce que le moment que nous vivons est grave.
« Nous avons un pouvoir immense. Nous pouvons soit sauver notre monde, soit condamner l’humanité à un avenir infernal. » Ces mots ne sont pas les miens, mais ceux du secrétaire général des Nations unies. Ils résument parfaitement les 3 949 pages du dernier rapport du GIEC.
L’impact de l’homme sur le changement climatique est sans équivoque ; toutes les régions du monde sont concernées ; nous ne sommes plus dans la prévision ou dans la théorie, les effets concrets et dramatiques sont là, partout. Le pourtour méditerranéen est particulièrement affecté, les flammes ont ravagé la Californie et la Sibérie, les eaux ont dévasté l’Europe centrale, le Canada a connu des températures tropicales. Il n’est plus besoin de graphiques pour mesurer l’impact délétère du dérèglement provoqué par le réchauffement de 1,1 degré depuis le début de l’ère industrielle.
Si le rapport du GIEC dessine des scénarios apocalyptiques, avec un réchauffement pouvant atteindre 5,8 degrés d’ici à la fin du siècle, s’il estime que, en l’état actuel de l’engagement de chaque nation, la trajectoire nous fera atteindre 2,7 degrés durant cette période, il nous propose aussi le chemin de l’espoir, celui qui nous permettrait de maintenir le réchauffement autour de 1,5 degré ou 1,6 degré.
Croyez-en l’expérience des écologistes que nous sommes : annoncer la catastrophe ne permet que rarement de construire un plaidoyer efficace ! Cassandre n’a pas su empêcher la chute de Troie ; déclamer la fin prochaine de l’humanité a tendance à tétaniser celle-ci, à l’instar du lapin pris dans les phares d’une voiture. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
C’est donc sur ce motif d’espoir qu’il nous faut nous concentrer : oui, c’est possible, mais il faut faire vite.
Le message du GIEC ne souffre d’aucune ambiguïté : il nous reste dix ans pour agir. Chaque jour compte, chaque tonne d’émissions, chaque fraction de degré aura un impact sur notre santé et notre sécurité. Nous n’y parviendrons pas sans respecter nos engagements et sans changer de modèle. Pour contenir le réchauffement autour de 1,5 degré, nous devons baisser nos émissions de CO2 de 45 % par rapport à 2010.
Après l’accord de Paris en 2015, nous sommes pourtant sur une trajectoire de 16 % d’augmentation, faute de respect et de suivi des engagements. (M. Laurent Duplomb s’exclame.)
Cet accord était historique, mais insuffisant, nous le savions. Il prévoyait un processus dynamique, un cycle de revoyure quinquennal, pour permettre à chacun de réviser ses objectifs à la hausse.
Pour le moment, l’optimisme n’est pas de mise : les trois principaux émetteurs mondiaux de gaz à effet de serre n’ont avancé que timidement depuis six ans. La présidence Trump a fait perdre quatre ans aux États-Unis et Joe Biden, malgré des excuses, peine à trouver le chemin de l’action ; la Chine propose la neutralité carbone en 2060 et, à ce jour, son président n’a pas jugé opportun de se rendre à Glasgow ; l’Inde n’a toujours pas remis sa nouvelle contribution. Que dire de la France, qui est toujours loin des objectifs de 2015 ?
Le G20 préalable qui s’est tenu ce week-end n’a pas permis d’avancer, et il n’est pas certain que les pièces lancées les yeux fermés dans la fontaine de Trevi, même en croisant les doigts, soient à la hauteur des enjeux.
La route qui mène à Glasgow est droite, mais la pente est raide. Dans ce marasme, l’Europe, et particulièrement la France, qui en prendra la présidence en janvier, doit jouer un rôle moteur.
Après la loi Climat et résilience qui n’atteint pas ses objectifs, après une condamnation pour inaction climatique, notre pays a fort à faire pour retrouver son leadership.
Les discours et les bonnes intentions ne suffisent plus. Emmanuel Macron se rêve en premier de cordée, c’est le moment ou jamais d’indiquer la bonne voie et d’imprimer le rythme.
Nous devons repartir de Glasgow avec les nouvelles contributions de toutes les nations, avec les trajectoires pour atteindre les objectifs de neutralité carbone brandis par les uns et les autres, avec un encadrement strict des marchés du carbone, que nous n’avons pas réussi à mettre en place lors des deux dernières COP, et avec un calendrier commun.
Dernier sujet, et non des moindres : nous devons accélérer l’effort de solidarité avec les pays en développement. Nous n’avons pas tenu la promesse faite à Copenhague en 2009 de leur fournir 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 ; nous sommes à peine parvenus à 80 milliards et 70 % de ces montants sont versés sous forme de prêts, aggravant la dette de ces États. Cette aide doit se faire sous forme de dons : en matière climatique, c’est un impératif.
Ces financements à destination des pays les plus pauvres ne relèvent pas de notre générosité, mais découlent de notre dette climatique : le G20 est responsable de 80 % des émissions des gaz à effet de serre.
Mes chers collègues, pour donner un peu de force à notre gouvernement face à la tâche vertigineuse qui l’attend, votons unanimement cette résolution, c’est le minimum de ce que nous devons collectivement entreprendre ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)