Sommaire
Présidence de Mme Nathalie Delattre
Secrétaires :
M. Jacques Grosperrin, Mme Victoire Jasmin.
2. Mise au point au sujet de votes
3. Nécessité d’un accord ambitieux lors de la COP26 de Glasgow. – Adoption d’une proposition de résolution
Discussion générale :
M. Didier Mandelli, auteur de la proposition de résolution
M. Ronan Dantec, auteur de la proposition de résolution
M. Jean-François Longeot, auteur de la proposition de résolution
Clôture de la discussion générale.
Texte de la proposition de résolution
Adoption de la proposition de résolution.
Suspension et reprise de la séance
4. Communication relative à une commission mixte paritaire
5. Réduction de l’empreinte environnementale du numérique et régulation environnementale du numérique. – Adoption définitive en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission et adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale commune :
Clôture de la discussion générale commune.
proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en france
Adoption de l’article.
Articles 1er bis, 2 et 3 – Adoption.
Articles 4 et 5 (suppression maintenue)
Adoption de l’article.
Articles 8, 9 et 10 – Adoption.
Articles 11 et 11 bis (suppressions maintenues)
Articles 12, 12 bis A et 12 bis – Adoption.
Article 13 A (suppression maintenue)
Articles 13, 13 bis et 13 ter – Adoption.
Article 14 (suppression maintenue)
Article 14 bis A (suppression maintenue)
Amendement n° 4 de M. Thomas Dossus. – Retrait.
Amendement n° 3 de M. Thomas Dossus. – Retrait.
Adoption de l’article.
Articles 14 bis C, 14 bis, 14 ter et 14 quater – Adoption.
Article 15 (suppression maintenue)
Amendement n° 5 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles 16 bis et 16 ter – Adoption.
Article 21 bis (suppression maintenue)
Adoption de l’article.
Articles 23 bis A et 23 bis B – Adoption.
Article 23 bis (suppression maintenue)
Articles 24, 24 bis, 25, 26 et 27 – Adoption.
Adoption définitive de la proposition de loi dans le texte de la commission.
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
compte rendu intégral
Présidence de Mme Nathalie Delattre
vice-présidente
Secrétaires :
M. Jacques Grosperrin,
Mme Victoire Jasmin.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 28 octobre a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Mise au point au sujet de votes
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. Lors du scrutin public n° 14 sur l’ensemble du projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire, Mme Guylène Pantel a été considérée comme ayant voté contre, alors qu’elle souhaitait s’abstenir, tandis que Mme Véronique Guillotin et M. Bernard Fialaire ont été considérés comme ayant voté pour, alors qu’ils souhaitaient eux aussi s’abstenir.
Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
3
Nécessité d’un accord ambitieux lors de la COP26 de Glasgow
Adoption d’une proposition de résolution
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de résolution visant à affirmer la nécessité d’un accord ambitieux lors de la COP26 de Glasgow permettant de garantir l’application effective de l’accord de Paris sur le climat, présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par MM. Didier Mandelli, Ronan Dantec, Jean-François Longeot et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 39 rectifié).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Didier Mandelli, auteur de la proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Didier Mandelli, auteur de la proposition de résolution. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, « Il est temps de dire : “Assez !” Assez de brutaliser la biodiversité ; assez de nous tuer nous-mêmes avec le carbone ; assez de traiter la nature comme des toilettes ; assez de brûler, forer et extraire toujours plus profond. Nous creusons nos propres tombes. »
Ces mots ont été prononcés par António Guterres, secrétaire général de l’ONU, à Glasgow, pour l’ouverture de la COP26, il y a quelques heures.
Près de cinquante ans après le premier Sommet de la Terre, à Stockholm, ces mots ont une résonance particulière : ils traduisent l’urgence climatique.
Pendant cinquante ans, depuis cette première prise de conscience, notre environnement et la biodiversité terrestre n’ont cessé de se détériorer. Entre 1970 et 2016, près de 68 % des populations de vertébrés ont disparu. Les récifs coralliens, qui abritent un quart des espèces marines dans le monde, auront, selon toute vraisemblance, disparu en 2050. Or notre pays compte parmi ceux qui en abritent le plus dans leurs eaux territoriales.
Depuis cinquante ans, le nombre de catastrophes climatiques a été multiplié par cinq. Il ne passe pas un jour sans que l’actualité nous donne à voir des images d’inondations, de sécheresses, de tempêtes dévastatrices. Il n’existe pas un seul élu local qui ne soit pas inquiet des conséquences du dérèglement climatique pour sa commune et ses concitoyens.
Pendant longtemps, le réchauffement climatique n’apparaissait pas comme une réalité immédiate aux yeux de beaucoup et parler de l’impact de nos industries et de notre consommation sur l’environnement était presque un tabou.
Il aura finalement fallu attendre le 12 décembre 2015, c’est-à-dire la vingt et unième COP, pour qu’un accord soit adopté sous le nom d’accord de Paris. Cet accord historique engage les signataires à poursuivre leurs efforts pour limiter l’augmentation de la température de 1,5 degré Celsius et avec pour objectif une limitation de la hausse de la température moyenne de la planète à moins de 2 degrés Celsius par rapport aux niveaux préindustriels.
Alors que les conséquences du dérèglement climatique sont de plus en plus présentes dans notre quotidien, la possibilité de parvenir à un accord international contraignant et à un engagement fort des principaux pays émetteurs de gaz à effet de serre semble toujours aussi complexe.
C’est tout naturellement que le groupe de travail Enjeux internationaux-climat-environnement-développement, sous l’impulsion de son président Ronan Dantec, et la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, présidée par Jean-François Longeot, ont rédigé cette proposition de résolution cosignée par la quasi-totalité des groupes politiques.
Cette résolution, nous l’avons déposée afin de rappeler la responsabilité de la France sur ce sujet et de réaffirmer aussi le rôle de notre pays comme moteur dans les négociations internationales.
L’accord de Paris nous engage particulièrement, parce qu’il a été signé sur notre sol, et nous devons garantir sa mise en œuvre effective.
Avec la volonté, l’engagement et le soutien du président Gérard Larcher, le Sénat a su se mobiliser depuis plusieurs années pour réfléchir, débattre et proposer des solutions concrètes pour prévenir et lutter contre les effets du dérèglement climatique.
Cette réflexion, nous l’avons menée afin de donner aux élus locaux, de plus en plus préoccupés par les risques de catastrophe naturelle, les moyens d’agir et de décliner dans les territoires des politiques innovantes.
La France a une double responsabilité dans ces négociations : veiller au respect des engagements pris, comme nous l’avons indiqué, mais aussi montrer le chemin d’une économie vertueuse. Parce que l’attentisme n’a jamais été dans l’ADN de la France, nous avons su évoluer, nous réformer et nous adapter, nous avons su saisir l’occasion de la transition verte lorsqu’elle s’est présentée – je dirai même : lorsqu’elle s’est imposée à nous.
Avec pragmatisme et détermination, en constatant les effets du dérèglement climatique dans nos territoires, nous avons entamé une réforme profonde de nos modes de consommation et de production afin de diminuer l’impact de l’homme sur l’environnement, de préserver notre biodiversité et nos paysages.
En 1995, la France adoptait la loi relative au renforcement de la protection de l’environnement, qui inscrira dans le code de l’environnement que « les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l’air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation ».
Le Grenelle de l’environnement a également marqué un tournant qui a engagé progressivement notre pays et nos concitoyens vers une transition profonde de nos modèles de consommation et de production, vers un modèle qui parvient à concilier avec succès économie et écologie.
Mes chers collègues, la transition verte n’a jamais été synonyme de décroissance ; elle est avant tout une chance formidable de création d’emplois et d’innovations. Hydrogène vert, décarbonation de notre industrie, innovation sur le nucléaire, moyens de transport décarbonés, véhicule électrique, etc. : les entreprises françaises sont d’ores et déjà mobilisées sur tous ces chantiers et nous avons le potentiel pour en assurer le leadership.
Notre pays est désormais en mesure de montrer l’exemple sur la scène internationale, de montrer qu’il est possible de concilier croissance et décarbonation.
Bien évidemment, je comprends les associations et les citoyens qui voudraient aller plus vite et plus loin. Devant l’urgence, on pourrait volontiers leur donner raison et satisfaction ; néanmoins, pour que la transition verte soit acceptable et acceptée par chacun de nos concitoyens, elle doit être graduelle.
Le tri sélectif, la lutte contre le gaspillage, la modalité, la rénovation des bâtiments, l’achat en circuit court, etc. : nos concitoyens sont les premiers acteurs de la lutte contre le dérèglement climatique. Les collectivités locales, les institutions et l’État sont engagés, leur rôle est essentiel pour l’exemplarité, bien sûr, et pour l’impact positif de leurs actions.
Le changement s’impose désormais en profondeur et au quotidien. Ce serait un mauvais signal que celui qui consisterait à imposer un changement radical, brutal, en quelques semaines ou quelques mois. Il nous faut encore du temps pour développer les innovations, du temps pour mettre en place les bonnes pratiques, du temps pour former les ingénieurs et conforter les métiers de la croissance verte. Et il n’y a là rien de contradictoire avec l’urgence que j’évoquais au début de mon propos : il faut laisser du temps à chacun.
Bien entendu, l’engagement français n’est pas seul suffisant et l’enjeu climatique est avant tout un enjeu international. Je ne puis que saluer les engagements de l’Union européenne, moteur dans la lutte contre le dérèglement climatique, qui a notamment fixé des objectifs ambitieux. C’est en tirant parti de cette impulsion, en coopérant avec nos voisins européens, que nous parviendrons véritablement à réduire nos émissions et à peser sur les pays plus émetteurs que nous.
Le paquet Climat présenté en juillet dernier prévoit des mesures d’une ampleur inédite, notamment la mise en place d’une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne, l’extension et le renforcement du marché européen du carbone ou encore la fin de la vente des voitures thermiques pour 2035. Le « vieux monde » – c’est ainsi que l’on appelait l’Europe – est en pleine renaissance.
Dans quelques jours, nous pourrons évaluer le bilan de la COP26 de Glasgow : sera-t-elle un échec, comme le prédisent certains, ou plutôt une réussite, comme je le souhaite ardemment, avec beaucoup d’entre nous ?
Un succès constituerait un formidable message d’espoir pour la planète ; j’irai jusqu’à dire que cela serait une véritable espérance pour la jeunesse, qui aspire à vivre dans un monde où l’horizon s’éclaircirait enfin. C’est cette petite flamme qu’il nous appartient de préserver et de transmettre pour la faire grandir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Ronan Dantec applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, auteur de la proposition de résolution.
M. Ronan Dantec, auteur de la proposition de résolution. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, certains pourraient se dire : « Encore une résolution sur le climat, une de plus, aussi peu utile que les précédentes ! »
Il est vrai que la négociation internationale sur le climat nous a habitués à tant de discours définitifs, la main sur le cœur, sur la nécessité d’agir à la hauteur de ce défi absolu pour l’avenir de l’humanité que toute nouvelle déclaration ou résolution, tout nouvel engagement sont évidemment sujets à caution, suscitent scepticisme, voire ironie, tant ils ont été généralement peu suivis par les actes qu’ils claironnaient.
Je ne l’ignore pas ; néanmoins, je suis fier de pouvoir vous présenter avec mes collègues Didier Mandelli et Jean-François Longeot cette proposition de résolution, nourrie des auditions et des remarques du groupe de travail Enjeux internationaux-climat-environnement-développement, que j’ai l’honneur de présider.
Une proposition de résolution de ce type envoie déjà un premier message important : le soutien que la représentation nationale apporte aux négociateurs français et européens en leur demandant de rester les moteurs de la négociation climatique internationale, de préserver la dynamique de l’accord de Paris, accord complexe et probablement incomplet, mais qui reste à ce stade le seul socle de négociation multilatérale sur le climat.
Ce message pourra aussi être délivré dans les autres instances et lieux internationaux où interviennent les sénatrices et sénateurs français, notamment l’Union interparlementaire (UIP) ou l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF), voire, plus largement, dans le cadre des groupes interparlementaires d’amitié.
Cette proposition de résolution ne se limite justement pas à un simple souhait d’accord ambitieux à Glasgow, mais dessine aussi des pistes pour un monde de stabilité climatique. Nous le disons dans plusieurs paragraphes : sans intégration des enjeux de développement, nous ne pouvons espérer construire les nouvelles régulations dont nous avons besoin.
Ainsi, nous rappelons le caractère impératif de l’atteinte de l’enveloppe annuelle de 100 milliards de dollars pour les pays les moins développés, engagement que les pays riches avaient pris à Copenhague, il y a déjà douze ans.
De manière plus prospective – et nous avons fait ici le choix d’une proposition de résolution qui entre un peu dans la complexité et la technicité de l’accord de Paris –, nous insistons sur l’importance d’une mobilisation prioritaire des futurs fonds de compensation vers les pays en développement, en particulier ceux du continent africain. Cette question avait d’ailleurs suscité quelques échanges entre nous au moment de l’examen de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience.
Très clairement, nous disons aussi que nous ne pouvons pas demander aux pays en développement de participer à l’effort de stabilisation du climat, d’être finalement solidaires des pays émetteurs historiques, si, dans le même temps, nous ne leur accordons pas un accès garanti en nombre suffisant aux vaccins contre le covid-19.
Le monde de l’accord de Paris est un monde toujours un peu utopique, un monde où la communauté des États a compris que ses intérêts vitaux étaient plus dans la coopération que dans l’affrontement – logique, qui ne s’impose malheureusement que très rarement de manière spontanée, le tragique de l’Histoire nous le rappelle.
Les inventeurs de l’architecture de cet accord de Paris étaient évidemment conscients de cette difficulté, du caractère finalement un peu contre nature de ce pari sur l’intelligence collective des États à dépasser leurs intérêts immédiats pour leur avenir commun. Aussi, ils ont proposé des mécanismes de coopération plus opérationnels entre États volontaires : c’est le sens de l’article 6, dont la finalisation a déjà bloqué deux COP et dont nous soulignons l’importance.
Ce n’est pas sans raison. Derrière cet article, c’est potentiellement une nouvelle géographie économique du monde qui se dessine. D’un côté, de nouveaux espaces de coopérations où se transfèrent des tonnes de CO2 entre États partageant des objectifs communs de réduction des émissions, mais, de l’autre, une nouvelle guerre économique entre grands blocs économiques régionaux n’estimant pas devoir développer les mêmes efforts et dressant entre eux des taxations carbone à leurs frontières.
En s’intéressant à ces articles 6 et 13, notre proposition de résolution fait aussi, me semble-t-il, œuvre de pédagogie en rappelant que la négociation climatique n’est pas seulement une négociation environnementale, mais qu’elle est un des lieux – si ce n’est le premier lieu – où s’écrivent les grands équilibres économiques et géopolitiques de demain.
Enfin, en écho à la résolution de notre ancien collègue Jérôme Bignon, adoptée voilà déjà six ans, nous rappelons le rôle essentiel de l’action territoriale, l’importance des politiques engagées par les collectivités pour décliner les objectifs de l’accord de Paris.
Une part importante des émissions de CO2 est liée à la vie quotidienne, à la manière de se loger, de se nourrir, de se déplacer. Qui mieux que les élus locaux dispose de cette capacité à agir ? Porte-parole de réseaux de collectivités territoriales internationales dans les négociations climatiques depuis une douzaine d’années, je connais la difficulté que rencontrent les collectivités territoriales à être totalement associées, alors que, pourtant, bien des contributions déterminées au niveau national (CDN) gagneraient en ambition si elles intégraient le potentiel d’action de leurs gouvernements locaux.
La France, porteuse au moment de la COP21 de l’agenda de l’action, doit continuer de soutenir au niveau international ce rôle clé de l’action territoriale et, plus largement, de l’ensemble des acteurs non étatiques : les entreprises, les organisations non gouvernementales (ONG), la société civile.
Elle peut même essayer de mieux le soutenir chez elle, madame la secrétaire d’État : la dotation climat territoriale que nous votons ici chaque année de manière quasi unanime attend, par exemple, toujours le feu vert du Gouvernement et de Bercy !
Mes chers collègues, voilà donc le sens de cette proposition de résolution, qui dit notre conscience collective de la gravité de la crise climatique, notre volonté et notre lucidité dans la nécessité d’y faire face. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER, INDEP, UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, auteur de la proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-François Longeot, auteur de la proposition de résolution. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’heure où s’accroissent sous nos yeux les tensions géopolitiques, les conflits et les tentations de repli qui les accompagnent, il y a des idées, chères à notre pays, dont l’importance doit être plus que jamais rappelée : la foi dans l’universel et le multilatéralisme. Car nous ne résoudrons pas une des plus graves crises traversées par l’humanité – le réchauffement climatique et l’extinction de masse de la biodiversité – sans coopération et régulation internationales.
En 2015, au Bourget, c’est cette conviction qui avait guidé notre diplomatie et qui avait permis la conclusion du premier accord universel sur le climat, l’accord de Paris.
Six ans après, les États signataires se retrouvent à Glasgow pour une COP26 lourde d’enjeux. Formons le vœu que l’universel et le multilatéralisme prévalent de nouveau pour défendre l’acquis de Paris, unique cadre juridique à même de contenir l’élévation de la température moyenne de la planète à un niveau acceptable pour notre espèce.
Nous le savons, cela n’est pas gagné : plusieurs États n’ont toujours pas soumis leur feuille de route aux Nations unies, comme le prévoyait pourtant l’accord de Paris. Pis, peut-être, la somme des engagements aujourd’hui déposés ne permettrait de contenir l’élévation des températures qu’à 2,7 degrés centigrades, niveau qu’on peut juger dramatique à la lecture du récent rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).
Malgré tout, au grand dam de ses contempteurs, l’accord de Paris fonctionne. Les faits le démontrent : beaucoup d’États jouent aujourd’hui le jeu et respectent le mécanisme créé par la COP21 en soumettant de nouvelles contributions déterminées au niveau national plus ambitieuses que les précédentes. Même la Chine, méfiante à l’égard du multilatéralisme, a déposé sa contribution la semaine passée.
Cela étant dit, tout, pour ainsi dire, reste à faire, pour garantir que ces engagements ne soient pas de simples coquilles vides. Ce sera l’un des grands enjeux de la COP26, comme nous l’avons rappelé dans la proposition de résolution qui vous est présentée aujourd’hui.
Il importe, d’une part, qu’un mécanisme de transparence robuste soit enfin établi en application de l’article 13 de l’accord : ce mécanisme sera le garant de la réciprocité de l’action climatique et de la bonne foi de chacun à s’engager sur la trajectoire de la neutralité carbone.
Il convient, d’autre part, d’arrêter enfin les règles du mécanisme du marché du carbone prévu à l’article 6, qui contribueront à donner un signal prix mondial en faveur de la décarbonation et à financer les actions d’atténuation menées par les États les plus vertueux.
Pour embarquer l’ensemble des États de la planète dans l’effort climatique, nous devons par ailleurs tenir nos promesses, en mobilisant, comme prévu en 2009, 100 milliards de dollars de financements pour le climat en faveur des pays du Sud. La France respecte ses engagements en la matière. Ce n’est pas le cas de tous les pays.
La mobilisation de ces fonds est impérative. Sans elle, il est illusoire d’espérer que les pays en développement, particulièrement ceux du continent africain, prennent avec nous le chemin de la neutralité carbone.
Voici quelques-uns des messages que nous avons souhaité adresser au moyen de cette proposition de résolution.
La délégation de notre commission, qui représentera le Parlement français à la COP26, portera ces messages dans les échanges qu’elle aura avec nos homologues des autres pays. Elle défendra modestement ces deux idées chères que j’ai évoquées au début de ma prise de parole : l’universel et le multilatéralisme. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, SER et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’accord de Paris obtenu le 12 décembre 2015 constitue un tournant historique des conférences des parties sur le climat en ce que, pour la première fois, les 196 parties se sont engagées à respecter l’objectif de contenir à 1,5 degré Celsius la hausse mondiale des températures d’ici à 2100 par rapport à l’ère préindustrielle.
Tel est le défi majeur du XXIe siècle qui implique un bouleversement des modes de production, de consommation et de vie de nos sociétés.
Après cet état de grâce diplomatique, puis les échecs des COP qui ont suivi, vient le temps d’un premier bilan quinquennal de l’action climatique. Ce travail révèle la nécessité d’accélérer les efforts et d’aboutir à un nouvel accord lors de la COP26 qui se tient en ce moment à Glasgow.
Je remercie les auteurs de la proposition de résolution d’avoir demandé l’inscription de ce texte à l’ordre du jour de notre assemblée.
Où en sommes-nous ? D’après les dernières évaluations de l’Organisation des Nations unies, la somme des contributions déterminées au niveau national – soit les engagements volontaires de réduction des émissions de gaz à effet de serre des pays – nous mène vers une trajectoire de 2,7 degrés Celsius d’ici à la fin du siècle, à condition qu’ils soient effectivement respectés.
Or la première partie du sixième rapport d’évaluation du GIEC publié en août dernier souligne qu’une hausse de 2 degrés signifie un dépassement des seuils de tolérance critiques pour l’agriculture et la santé publique. Certaines conséquences du dérèglement climatique sont jugées « irréversibles pour des siècles ou des millénaires », comme l’acidification des océans, la fonte des glaciers et calottes polaires et l’augmentation du niveau de la mer.
Quel que soit le scénario étudié par l’organisme, nous dépasserions la barre de 1,5 degré Celsius dès 2030-2040 – à moins d’agir immédiatement et radicalement, ce qui est peu probable. Le secrétaire général des Nations unies a affirmé que cela supposerait sept fois plus d’ambition.
Dans le seul secteur de l’énergie, il faudrait renoncer à toute exploitation de l’énergie fossile et atteindre une hausse de 4 % de l’efficacité énergétique par an, soit trois fois plus que pendant les dernières décennies, si l’on s’en tient aux chiffres avancés par l’Agence internationale de l’énergie.
Il existe donc un fossé entre le concept et sa réalisation. La proposition de résolution rappelle, à juste titre, que ces engagements doivent être déclinés aux niveaux national et local.
En 2020, la crise du covid-19 n’aura finalement eu qu’un impact modeste, moyennant une réduction de 5,4 % des émissions de CO2 dans un monde qui a dû rester à l’arrêt pendant plusieurs mois. C’est cet effort qu’il conviendrait de maintenir de manière annuelle. Est-ce réaliste en l’état actuel des engagements et de leur exécution ? Non.
C’est bien la preuve qu’il nous faut à la fois plus d’investissements, plus d’innovation, et surtout plus de sobriété. Le progrès est nécessaire, des technologies de rupture surgiront, mais il n’y aura pas de miracle. Pour ne prendre que les exemples de l’hydrogène ou de la fusion nucléaire, de la capture du CO2 ou encore de la géo-ingénierie, ces innovations et leur diffusion à grande échelle sont essentiellement attendues après 2050. Il sera alors trop tard pour freiner l’emballement du climat.
Il ne se produira pas davantage de miracle si subsiste une confiance aveugle dans les mécanismes de marché. On pourra imaginer tous les systèmes de compensation carbone possibles pour atteindre la neutralité carbone, d’autres leviers demeurent indispensables : réglementation environnementale, investissements massifs publics et privés, taxation du carbone, recherche, formation, etc.
Le bilan annuel de l’action climatique du programme des Nations unies pour l’environnement, publié la semaine dernière, déplore des objectifs de neutralité carbone « vagues, souvent incomplets et non alignés avec la plupart des plans à court terme ».
Telle est bien la limite de l’accord de Paris : l’impossibilité de mettre en place un mécanisme de sanctions en cas de non-respect des engagements. La France n’a d’ailleurs pas respecté son premier budget carbone. La COP doit absolument avancer sur les règles de transparence en matière de suivi des réalisations des engagements de chaque État partie.
Les conséquences du changement climatique frappent en premier les pays en développement. Il est donc impératif de régler la dette climatique, de convaincre le bloc des responsables historiques de la pollution de respecter enfin leur promesse de mobiliser 100 milliards de dollars par an pour les accompagner, conformément aux engagements pris à Copenhague en 2009. Au lendemain du G20 qui s’est tenu à Rome, ce dossier ne sera réellement débloqué qu’en 2023, avec trois ans de retard.
La prise de conscience s’accroît. Tous les acteurs s’y mettent, avec plus ou moins d’enthousiasme : citoyens, entreprises, investisseurs, mais aussi la plupart des États qui ont adopté l’objectif de neutralité carbone selon des échéances allant de 2040 à 2070 – à commencer par les pays du G20, responsables de 80 % des émissions de gaz à effet de serre.
L’humanité va devoir s’affranchir des contraintes techniques et financières tout en s’accommodant des limites planétaires pour rendre cet avenir commun encore désirable. Les budgets carbone consommés jusqu’à présent doivent être restitués à ceux qui n’ont pas eu cette chance, à savoir les pays les plus vulnérables, mais aussi aux générations futures.
Il revient aux États de gouverner la crise climatique de manière volontariste, coordonnée et juste. Nous voterons la proposition de résolution en espérant sincèrement que la COP26 accouche d’un accord nettement plus ambitieux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si je salue l’initiative de cette proposition de résolution, je me permets de saisir l’occasion qui se présente pour dénoncer l’inaction de la France à l’égard de ses engagements climatiques internationaux.
Ce texte souligne, à juste titre, le « devoir d’exemplarité des pays moteurs de l’action climatique » dans la lutte contre le réchauffement climatique. Or l’exemplarité est le dernier mot qui me vient à l’esprit quand je pense à la politique environnementale de la France. Depuis l’accord de Paris, jamais notre pays n’a tenu ses engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
La condamnation historique de l’État dans le cadre de « l’affaire du siècle » et la décision inédite rendue au début du mois de juillet par le Conseil d’État, qui demande au Gouvernement de « prendre toutes mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre », mettent en lumière l’inaction du pouvoir en place.
Le Président de la République annonçait en mai 2020 vouloir « changer la nature même de la mondialisation » afin de répondre à l’urgence écologique. Cette volonté se traduit par une distribution massive d’argent public, sans condition, aux secteurs de l’automobile et de l’aviation.
Le même président, lors de son discours sur la France de 2030, a fait part de son souhait d’explorer les fonds marins, riches en métaux et hydrocarbures. Cette soudaine envie d’aventure ne traduit rien d’autre que les prémices d’une exploitation de ces espaces. Si le président s’en défend, je demande donc pourquoi la France s’est abstenue lors de l’adoption par l’Union internationale pour la conservation de la nature d’une motion demandant un moratoire sur l’exploitation minière des grands fonds.
La solidarité internationale doit jouer un rôle primordial dans l’action climatique. Les pays développés s’étaient engagés à verser 100 milliards de dollars par an aux pays en développement. Or, en 2019, le fonds à destination de ces pays n’atteignait que 80 milliards de dollars. La COP de Glasgow doit donc compenser ce retard. Là aussi, la France devrait prendre ses responsabilités.
La faible volonté politique de notre exécutif dans la lutte contre le changement climatique nous décrédibilise sur la scène internationale. J’espère que cette proposition de résolution lui permettra d’en prendre davantage conscience.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Bigot. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Joël Bigot. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans mon ultime intervention lors de l’examen de la loi Climat et résilience en juillet dernier, j’invitais le Gouvernement et la majorité sénatoriale à se montrer plus offensifs pour combattre l’insécurité écologique qui sera désormais notre quotidien.
Si la France est « sortie des clous » de la trajectoire carbone qu’elle s’était fixée, il n’en demeure pas moins vrai que le quinquennat précédent nous a conféré une légitimité profonde dans la lutte contre le réchauffement climatique, par la signature de l’accord de Paris en 2015. Charge à notre exécutif de mesurer l’héritage de ce leadership écologique édifié sous François Hollande et d’en être à la hauteur dans les négociations internationales qui s’ouvrent en Écosse.
C’est donc avec un véritable espoir que je cosigne cette proposition de résolution transpartisane affirmant la nécessité d’un accord ambitieux lors de la COP26 qui commence cette semaine à Glasgow.
Certains pourront critiquer, d’autres minimiser ce texte d’appel. Il s’agit néanmoins là d’un geste politique qui honore notre institution en matière environnementale.
Parce que mon groupe politique et moi-même sommes convaincus que nous ne pouvons plus, sans cesse, reculer devant l’obstacle, cette résolution se veut, non pas un blanc-seing, mais la traduction minimale de ce que nous attendons des positions défendues à Glasgow par la France – d’autant plus que la tâche ne sera pas facile, le contexte international tendu pouvant grandement nuire à l’accord que la planète attend.
On a beaucoup moqué Greta Thunberg en France et ailleurs. Or cette jeune fille, suivie par de nombreux jeunes, a le courage de la raison, tout comme les milliers de scientifiques qui appellent les décideurs à agir d’urgence. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le GIEC confirme les perspectives chaotiques qui sont devant nous : l’enjeu est bien l’extermination ou la survie du vivant.
À Rome, j’ai eu l’honneur de participer à la réunion parlementaire préalable à la COP26 organisée par l’Union interparlementaire (UIP). Celle-ci portait un message de la même teneur appelant les dirigeants à faire preuve de responsabilité pour se conformer à l’objectif défini en 2015, lequel est bien loin d’être atteint.
Si le monde continue sur sa lancée, un réchauffement de 2,7 degrés Celsius est assuré, soit un résultat bien supérieur à 1,5 degré Celsius, et nous condamne à la « catastrophe climatique » selon les mots du secrétaire général de l’ONU, António Guterres.
Aussi, madame la secrétaire d’État, pour sortir des postures de Cassandre, cette résolution vous donne une feuille de route, ou plutôt une feuille de rappel des objectifs que nous nous sommes fixés lors des accords de Paris, afin que la France ne soit pas inactive sur le plan climatique au niveau international.
Nous souscrivons d’autant plus à cette résolution qu’elle prend en compte la dimension sociale de ce défi de l’humanité ainsi que la dimension solidaire qui incombe aux pays les plus développés et les plus émetteurs envers les États les plus vulnérables et les plus pauvres.
Ce point est essentiel, sachant que nous ne sommes toujours pas arrivés à constituer le fonds de 100 milliards de dollars par an à destination des pays en voie de développement.
Ce sujet du financement est d’autant plus pressant que la promesse de ce fonds, faite en 2009 à Copenhague, porte sur les cinq années 2020-2025. Selon les dernières projections de l’OCDE, l’objectif ne pourrait être atteint qu’en 2023 ! Encore une fois, nous sommes loin du compte, comme le concède Alok Sharma, le président de la COP26.
La solidarité est bien au cœur du virage écologique et philosophique nécessaire pour contenir le réchauffement. Ainsi, cette proposition de résolution rappelle très justement le « caractère impératif de l’atteinte de l’objectif d’une mobilisation par les pays développés de 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 en faveur des pays en développement ».
Au-delà de cet échec retentissant de la diplomatie climatique mondiale, le retour en scène des États-Unis peut cependant nous redonner quelque optimisme, rapidement tempéré par l’annonce de l’absence des chefs d’État russe, chinois et turc à la COP26.
Cette proposition de résolution formulée par la Haute Assemblée dans une quasi-unanimité est aussi l’occasion de rappeler que la question de la diplomatie climatique est également une question démocratique. Sans adhésion des populations, sans justice sociale, nous ne pourrons effectuer l’effort immense de transformation et d’anticipation nécessaire pour l’atténuation du changement climatique et l’adaptation à ce dernier.
Enfin, comme le rappelle ce texte à la suite de Valérie Masson-Delmotte, les collectivités locales ont un rôle éminent à jouer en la matière, car il ne s’agit pas seulement d’une histoire d’influence humaine sur le climat global. C’est aussi une histoire d’aménagement du territoire, qui peut aggraver les effets d’un climat qui change.
Le défi est colossal. Il concerne chacun d’entre nous et le monde entier. Les États ont une responsabilité encore jamais éprouvée. Toutefois, rien n’est écrit d’avance et cette semaine sera cruciale pour la planète – en cas d’échec, comme en cas de réussite.
Cette proposition de résolution vous invite, madame la secrétaire d’État, au courage des actes et vous livre un pense-bête des objectifs qui devraient, selon nous, fonder l’action diplomatique de la France pour la survie de l’humanité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Marchand. (M. Bernard Buis applaudit.)
M. Frédéric Marchand. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, « Comment pouvons-nous danser quand notre terre tourne, comment dormons-nous, alors que nos lits brûlent ? » Voilà ce qu’écrivait en 1987 celui qui fut ministre de l’environnement en Australie de 2007 à 2010. Je veux parler de Peter Garret, plus connu comme leader du groupe de rock Midnight Oil, que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, mais qui signa avec la chanson Beds are burning un manifeste que les participants à la COP26 pourraient reprendre à l’unisson.
En effet, la COP26 donne le coup d’envoi d’une décennie décisive qui sera celle du triomphe ou de la tragédie.
Elle doit constituer un test de crédibilité et une échéance clé pour au moins deux enjeux au cœur des négociations multilatérales sur le climat : la dynamique d’ambition collective enclenchée par l’accord de Paris et le financement du climat promis lors de la COP15 de Copenhague.
Les accords de Paris étaient le temps de la promesse, Glasgow doit être celui de l’engagement.
C’est le sens de la résolution qui nous est proposée et qui fait suite au travail mené depuis plusieurs mois par notre assemblée, notamment par le groupe d’études présidé par notre collègue Ronan Dantec, qui a procédé à plusieurs auditions sur un sujet désormais placé tout en haut de la pile des dossiers urgents à traiter.
Parmi les quatre objectifs fixés par la présidence britannique, deux renvoient à des jalons posés il y a plusieurs années.
Tout d’abord, concernant la réduction des émissions, la COP26 constitue la date limite à laquelle les pays doivent soumettre des engagements nouveaux et renforcés à l’horizon 2030 ainsi que des stratégies à long terme de développement de faibles émissions de gaz à effet de serre – généralement à l’horizon 2050.
La COP26 marque la première étape du mécanisme d’ambition de l’accord de Paris, et un premier test pour sa crédibilité.
Le tableau n’est pas rose : si les trois quarts des pays ont soumis leurs contributions déterminées au niveau national pour l’action climatique, cela ne représente qu’un peu plus de la moitié des émissions mondiales, quelques « poids lourds » ne répondant toujours pas à l’appel.
Les émissions restent bien trop élevées pour contenir le réchauffement climatique de la planète. Le GIEC indique d’ailleurs dans son dernier rapport que nous aurons atteint 1,5 degré Celsius d’augmentation avant le début des années 2030, soit dix ans plus tôt que ce qui était anticipé.
Le G20 est en première ligne, ses pays membres étant responsables de 80 % des émissions de gaz à effet de serre.
Malgré l’engagement de tous les pays du G20 à remettre des CDN ambitieuses, quelques pays, et non des moindres, ne les ont toujours pas remises.
D’autres pays ont remis quant à eux des CDN notoirement insuffisantes, parmi lesquels la Russie, le Brésil, l’Indonésie, le Mexique ou bien encore l’Australie – soit autant de nouvelles CDN certes remises, mais qui ne relèvent pas l’ambition par rapport aux premières CDN présentées par ces pays en 2015.
Le constat est sombre, mais de nouveaux signaux vont dans le bon sens, notamment la ratification de l’accord de Paris par la Turquie et son annonce de viser une neutralité carbone d’ici 2053. Les efforts remarquables de l’Afrique du Sud qui a déposé une CDN très ambitieuse sont également à noter.
Même si des avancées sont possibles au cours de la COP26 sur ces engagements à court terme, le fossé sera loin d’être comblé. Raison de plus pour nous rappeler que l’ambition ne peut être réduite aux seuls chiffres des CDN. Des progrès ont été réalisés aux niveaux national et sectoriel, en matière de gouvernance, d’objectifs et de politiques et la proposition de résolution que nous examinons est clairement tournée dans cette direction.
Des avancées ne sont possibles qu’à travers une coopération des États au niveau international, sans échappatoire. La résolution va dans ce sens.
Vous me permettrez, à la suite de mon collègue Joël Bigot, de souligner tout particulièrement le point 29 qui rappelle que le cadre de l’Union interparlementaire peut constituer un levier efficace pour « faciliter la conduite d’un accord ambitieux à l’échelle internationale et sa déclinaison dans les politiques publiques nationales. »
Membre de l’UIP, j’ai pu mesurer récemment à Rome, en compagnie d’Hervé Maurey et de Joël Bigot, la nécessité et l’efficacité des échanges conduits avec nos collègues parlementaires du monde entier pour porter des propositions et peser sur nos gouvernements respectifs.
Le deuxième objectif qui jalonne cette COP26 est le financement, et plus précisément la promesse faite par les pays développés lors de la COP15 de Copenhague de 2009 de mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 auprès de sources publiques et privées pour répondre aux besoins des pays en développement.
Cette promesse n’a pas été tenue, puisque 20 milliards de dollars manquent à l’appel. Il y va donc de la crédibilité des pays riches que de respecter, et même d’amplifier, l’engagement tenu.
Parmi les autres objectifs mis au débat en Écosse, les négociateurs s’attelleront à relancer les discussions visant à fixer un prix au carbone pour que tous les pays soient soumis aux mêmes règles, en toute transparence et de façon responsable, faute de quoi la réduction collective des émissions pourrait être significativement compromise.
De la même manière, la réduction de la consommation de charbon est l’un des principaux domaines dans lesquels de nouveaux engagements sont espérés.
Après un été marqué par des catastrophes climatiques à répétition et, dans un cruel parallèle, par la sortie d’un nouveau rapport alarmant du GIEC, de nombreux pays demandent aujourd’hui une augmentation de l’adaptation.
Le secrétaire général des Nations unies le demande également, pour consacrer 50 % des fonds mobilisés pour la lutte contre le dérèglement climatique à l’atténuation des émissions de gaz à effets de serre et 50 % à l’adaptation. La France s’est engagée à consacrer un tiers de ces fonds à l’adaptation, ce qui représente une augmentation considérable par rapport aux dernières années, et un quadruplement par rapport à l’accord de Paris.
À Glasgow, la France s’appuie sur trois mots clés : confiance, transparence et cohérence. Elle est une bonne élève du financement de la lutte pour le climat, avec 6 milliards d’euros par an ; côté engagement, nous partageons notre bonne marche avec l’Union européenne, avec un objectif de baisse de 55 % des émissions d’ici à 2030 et la neutralité carbone en 2050.
Néanmoins, le chantier reste vaste, puisqu’il s’agit désormais de répartir l’effort parmi les Vingt-Sept. Nul doute que la présidence française du Conseil de l’Union européenne, au premier semestre 2022, sera l’occasion d’avancées significatives sur ce dossier.
La réussite de la COP21 et des accords de Paris a suscité un formidable espoir à travers le monde. Depuis lors, malgré des avancées, cet espoir a été déçu. La COP26 de Glasgow doit ranimer la flamme. Nous devons la réussir, sous peine de voir l’avenir de la planète et de l’humanité dangereusement compromis. L’heure n’est plus aux promesses, si belles soient-elles, mais à l’action ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, GEST et RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Médevielle.
M. Pierre Médevielle. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis la réunion de la COP21 à Paris, nous pouvons être fiers de la prise de conscience importante des enjeux climatiques. Passé le temps de l’euphorie, nous devons nous tourner vers des propositions peut-être moins ambitieuses, mais bien plus réalistes. La communication c’est bien, mais l’engagement concret c’est mieux !
Notre jeunesse, à la pointe, fait entendre sa voix partout dans le monde. Nous devons l’épauler et nous montrer à la hauteur de ses espérances et des enjeux. Le Sénat, et sa commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, travaille régulièrement sur la problématique climatique à laquelle nous essayons d’apporter des solutions pragmatiques et efficientes.
Cette proposition de résolution transpartisane en est un bel exemple de plus. L’écologie ne devrait pas avoir de couleur politique, mais être intelligente et s’insérer, notamment, dans les politiques publiques.
Le groupe Les Indépendants défend une écologie libérale, une écologie de progrès et d’efficacité, qui s’attache à ce que le remède ne soit pas pire que le mal. À nos yeux, la solution réside dans la recherche, dans l’innovation et dans l’investissement dans les technologies d’avenir.
À cette fin, nous devons déployer des moyens importants et choisir notre ligne de conduite, comme l’évoque, au sujet de l’énergie, l’étude récente de Réseau de transport d’électricité (RTE). Notre consommation électrique est amenée à augmenter fortement, en raison de nouveaux usages. Un mix équilibré est nécessaire, entre énergies renouvelables et nucléaire.
Il semble que, s’agissant des premières, si la recherche continue à progresser, l’hydrogène et le solaire tiennent la corde. À ce titre, je renouvelle l’appel fait sur l’inclusion de la filière nucléaire dans la taxonomie verte européenne. Les investissements sont nécessaires dans ce domaine et la finance verte, elle aussi, doit être ancrée dans la réalité.
Nous devons faire de la crise que nous traversons une relance efficace qui serait un outil au service des transitions. Nous avons tous la responsabilité, à notre niveau, de faire vivre ces transitions et les collectivités ont un rôle primordial à jouer, ainsi que le rappelle cette proposition de résolution.
Cette COP26 tant attendue, symbole d’un indispensable multilatéralisme, est aussi porteuse d’inquiétudes. En Écosse, nous assisterons au retour des États-Unis, pays fortement émetteur et donc partenaire indispensable dans le processus de décarbonation du monde. La proposition de résolution le salue.
Toutefois, la coopération impose que tout le monde soit présent autour de la table et nous ne pouvons que déplorer l’absence des dirigeants de certains pays émergents.
Plus graves encore sont les absences de la Chine et de la Russie, respectivement premier et quatrième plus gros émetteurs mondiaux de CO2. Ces absences ne sont pas seulement dues à la pandémie mondiale que nous vivons : nous connaissons depuis longtemps le grand sens de la solidarité internationale de ces pays !
Les enjeux climatiques se retrouvent ainsi prisonniers des tensions géopolitiques, et parfois internes. Cela évoque un serpent qui se mord la queue, alors que l’on entrevoit les tensions internationales que provoqueront – et provoquent déjà – les crises climatiques.
Les nuages noirs s’amoncellent dans le ciel de Glasgow.
Il nous paraît donc essentiel de permettre aux pays en développement d’accéder à l’énergie et à la neutralité carbone et de les aider dans cette transition. Il s’agit d’un combat commun, mondial : nous serons tous touchés par les conséquences du dérèglement climatique si nous n’agissons pas avec intelligence et pragmatisme. Notre situation géopolitique, politique et économique pourrait être bouleversée de manière irréversible.
J’ai notamment à l’esprit les forts mouvements de populations qui se produiront très certainement, ainsi que les problèmes potentiels d’approvisionnement alimentaire.
Certaines résolutions, qui partent pourtant de bonnes intentions, comme le programme européen Farm to Fork, peuvent emporter des conséquences catastrophiques sur les échanges mondiaux et sur les cours des céréales. Une baisse de 20 % de la production, alors que la population du continent africain doublera sa population à horizon 2050, entraînerait des mouvements migratoires que nous ne pourrions ni absorber ni endiguer. On n’arrête pas un peuple qui a faim !
La France et l’Union européenne doivent rester chefs de file, comme le conclut cette proposition de résolution. Je rappelle cependant que, malgré les objectifs que nous avons ouvertement exprimés à travers le pacte Vert européen, nous ne représentons que 10 % des émissions mondiales. Nous ne pouvons, et ne pourrons, rien seuls !
Le groupe Les Indépendants souscrit à la majorité des points évoqués dans cette proposition de résolution et votera donc à l’unanimité en sa faveur. (M. Jean-François Longeot applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marta de Cidrac. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marta de Cidrac. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme au moment de la COP21, le Sénat souhaite affirmer la nécessité d’un accord ambitieux pour le climat lors de la COP26. Loin d’un discours évoquant « une COP de la dernière chance » ou « une COP qui ne servirait à rien », cette proposition de résolution transpartisane montre combien l’enjeu du sommet de Glasgow est immense. Le récent rapport du GIEC et les manifestations du changement climatique, de plus en plus nombreuses, doivent pousser l’ensemble des parties prenantes à appliquer et à renforcer l’accord de Paris.
Au-delà du nécessaire rehaussement des engagements de chaque État, déjà abordé par mes collègues, je m’attarderai sur deux points essentiels soulevés dans cette proposition de résolution : le décloisonnement entre action climatique et action en faveur de la biodiversité et le soutien à la lutte contre le changement climatique dans les pays en voie de développement.
Oui, la communauté internationale, dans son ensemble, s’est emparée de la lutte contre le changement climatique. Les négociations internationales sur la diversité biologique arrivent, quant à elles, timidement sur le devant de la scène, même si la pandémie de coronavirus semble avoir agi comme un révélateur.
Le sujet des zoonoses s’est ainsi imposé dans le débat public ainsi qu’au cœur de plusieurs auditions de notre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et des discussions du congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), à Marseille, et de la COP15 au début du mois d’octobre.
Ainsi, climat et biodiversité font l’objet de négociations et d’actions séparées, menées sous l’égide de deux conventions différentes des Nations unies.
Pourtant, ces deux sujets sont intimement liés : les phénomènes météorologiques extrêmes, les sécheresses, l’acidification des océans entraînent la migration des espèces, des bouleversements des chaînes alimentaires et un appauvrissement en espèces végétales et animales. À l’inverse, l’effondrement du phytoplancton et la déforestation réduisent sensiblement la séquestration du CO2 par ces puits de carbone naturels que sont nos océans et nos forêts. Il s’agit pourtant d’un vrai levier pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.
Cette organisation en silos des négociations climatiques est donc dépassée. Il est temps de penser la politique environnementale et les négociations internationales de manière globale, et non secteur par secteur.
Les politiques d’atténuation du changement climatique et de maintien de la biodiversité doivent être menées de front. Ce décloisonnement des politiques environnementales, impliquant la nécessité d’évoquer la biodiversité lors de la COP26, doit être défendu par la France, dans la continuité de ses engagements pris il y a quelques semaines pour la préservation de la diversité biologique.
Cette résolution rappelle également le caractère impératif de la mobilisation par les pays développés de 100 milliards de dollars par an en faveur des pays en voie de développement, dès 2020.
Cet engagement, pris lors de la COP15 à Copenhague, en 2009, n’est à ce jour pas respecté : 80 milliards de dollars ont été mobilisés en 2019, d’après l’OCDE, et le rapport commandé par la présidence britannique de la COP26 estime que la cible ne sera atteinte qu’en 2023.
Si la récente feuille de route demandée par la présidence britannique semble indiquer que les financements publics seront à la hauteur dans les années à venir, on peut imaginer que les négociations seront âpres sur le sujet.
Plusieurs pistes ont déjà été identifiées.
Tout d’abord, l’augmentation des contributions publiques doit se concrétiser. Plusieurs États et de nombreuses banques multilatérales se sont engagés à augmenter leur contribution. La France avait, dès 2015, pris l’engagement de porter la sienne à 5 milliards de dollars par an ; un objectif accompli dès 2019. Nous pouvons nous en féliciter, même si le déséquilibre entre dons et prêts reste trop important.
La plus grande incertitude vient cependant des financements privés, qui doivent croître, alors qu’ils étaient en baisse en 2019, selon l’OCDE.
La fragilisation des économies que nous venons de connaître ces deux dernières années fait craindre que cette baisse ne se poursuive, mais la mobilisation de tous pour lutter contre le changement climatique est primordiale. L’accroissement des fonds privés est donc capital, car nos institutions publiques ne pourront faire face seules.
Madame la secrétaire d’État, comment la France et ses partenaires comptent-ils se mobiliser pour garantir les financements privés vers les pays en voie de développement ?
Ensuite, et comme le souligne la proposition de résolution dont nous discutons, une plus grande part de ces fonds doit être affectée à l’adaptation face au changement climatique, dont les manifestations sont de plus en plus importantes. Cette mesure était déjà inscrite dans l’accord de Paris. Pourtant, seulement 25 % des fonds lui ont été consacrés en 2019.
Ce soutien est attendu, notamment par les petits États insulaires qui subissent la montée des eaux et qui ont un accès difficile aux financements internationaux. La France doit elle-même revoir l’affectation des sommes qu’elle engage dans cette perspective.
Enfin, et surtout, les négociations sur les financements post-2025 doivent faire un véritable bond en avant pour aboutir rapidement. Toujours selon l’OCDE, les pays développés mettraient à disposition 117 milliards de dollars en 2025. C’est un vrai point de départ pour construire une stratégie et une perspective sur dix à vingt-cinq ans, en s’appuyant sur les besoins des pays en voie de développement dans les années à venir, lesquels vont croître sensiblement.
Les sujets à traiter lors de cette COP26 sont donc nombreux. Quelques jours seulement après son ouverture, le réalisme nous impose de constater que tous n’aboutiront probablement pas. Le multilatéralisme, en matière de négociations climatiques comme de manière plus large, rencontre des difficultés que personne ne peut ignorer.
Toutefois, de premiers signes encourageants nous sont arrivés de Glasgow, à commencer par l’accord pour mettre un terme à la déforestation à l’horizon 2030, qui doit être conclu aujourd’hui par plus de 100 pays ainsi que les nouveaux engagements très réalistes pris par l’Inde, qui pourraient inspirer d’autres pays et tendre vers des actions concrètes.
Ainsi, ce sommet pourrait tout de même permettre des avancées notables, sur la base du travail accompli en 2015 avec l’accord de Paris. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guillaume Gontard. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, je tiens tout d’abord à saluer l’initiative transpartisane qui nous réunit aujourd’hui ; sa portée n’est que symbolique, mais il ne faut jamais sous-estimer la puissance d’un symbole.
Si aujourd’hui toutes les sensibilités politiques demandent au Gouvernement de tout mettre en œuvre pour que la vingt-sixième conférence des parties sur le climat soit une réussite, c’est parce que le moment que nous vivons est grave.
« Nous avons un pouvoir immense. Nous pouvons soit sauver notre monde, soit condamner l’humanité à un avenir infernal. » Ces mots ne sont pas les miens, mais ceux du secrétaire général des Nations unies. Ils résument parfaitement les 3 949 pages du dernier rapport du GIEC.
L’impact de l’homme sur le changement climatique est sans équivoque ; toutes les régions du monde sont concernées ; nous ne sommes plus dans la prévision ou dans la théorie, les effets concrets et dramatiques sont là, partout. Le pourtour méditerranéen est particulièrement affecté, les flammes ont ravagé la Californie et la Sibérie, les eaux ont dévasté l’Europe centrale, le Canada a connu des températures tropicales. Il n’est plus besoin de graphiques pour mesurer l’impact délétère du dérèglement provoqué par le réchauffement de 1,1 degré depuis le début de l’ère industrielle.
Si le rapport du GIEC dessine des scénarios apocalyptiques, avec un réchauffement pouvant atteindre 5,8 degrés d’ici à la fin du siècle, s’il estime que, en l’état actuel de l’engagement de chaque nation, la trajectoire nous fera atteindre 2,7 degrés durant cette période, il nous propose aussi le chemin de l’espoir, celui qui nous permettrait de maintenir le réchauffement autour de 1,5 degré ou 1,6 degré.
Croyez-en l’expérience des écologistes que nous sommes : annoncer la catastrophe ne permet que rarement de construire un plaidoyer efficace ! Cassandre n’a pas su empêcher la chute de Troie ; déclamer la fin prochaine de l’humanité a tendance à tétaniser celle-ci, à l’instar du lapin pris dans les phares d’une voiture. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
C’est donc sur ce motif d’espoir qu’il nous faut nous concentrer : oui, c’est possible, mais il faut faire vite.
Le message du GIEC ne souffre d’aucune ambiguïté : il nous reste dix ans pour agir. Chaque jour compte, chaque tonne d’émissions, chaque fraction de degré aura un impact sur notre santé et notre sécurité. Nous n’y parviendrons pas sans respecter nos engagements et sans changer de modèle. Pour contenir le réchauffement autour de 1,5 degré, nous devons baisser nos émissions de CO2 de 45 % par rapport à 2010.
Après l’accord de Paris en 2015, nous sommes pourtant sur une trajectoire de 16 % d’augmentation, faute de respect et de suivi des engagements. (M. Laurent Duplomb s’exclame.)
Cet accord était historique, mais insuffisant, nous le savions. Il prévoyait un processus dynamique, un cycle de revoyure quinquennal, pour permettre à chacun de réviser ses objectifs à la hausse.
Pour le moment, l’optimisme n’est pas de mise : les trois principaux émetteurs mondiaux de gaz à effet de serre n’ont avancé que timidement depuis six ans. La présidence Trump a fait perdre quatre ans aux États-Unis et Joe Biden, malgré des excuses, peine à trouver le chemin de l’action ; la Chine propose la neutralité carbone en 2060 et, à ce jour, son président n’a pas jugé opportun de se rendre à Glasgow ; l’Inde n’a toujours pas remis sa nouvelle contribution. Que dire de la France, qui est toujours loin des objectifs de 2015 ?
Le G20 préalable qui s’est tenu ce week-end n’a pas permis d’avancer, et il n’est pas certain que les pièces lancées les yeux fermés dans la fontaine de Trevi, même en croisant les doigts, soient à la hauteur des enjeux.
La route qui mène à Glasgow est droite, mais la pente est raide. Dans ce marasme, l’Europe, et particulièrement la France, qui en prendra la présidence en janvier, doit jouer un rôle moteur.
Après la loi Climat et résilience qui n’atteint pas ses objectifs, après une condamnation pour inaction climatique, notre pays a fort à faire pour retrouver son leadership.
Les discours et les bonnes intentions ne suffisent plus. Emmanuel Macron se rêve en premier de cordée, c’est le moment ou jamais d’indiquer la bonne voie et d’imprimer le rythme.
Nous devons repartir de Glasgow avec les nouvelles contributions de toutes les nations, avec les trajectoires pour atteindre les objectifs de neutralité carbone brandis par les uns et les autres, avec un encadrement strict des marchés du carbone, que nous n’avons pas réussi à mettre en place lors des deux dernières COP, et avec un calendrier commun.
Dernier sujet, et non des moindres : nous devons accélérer l’effort de solidarité avec les pays en développement. Nous n’avons pas tenu la promesse faite à Copenhague en 2009 de leur fournir 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 ; nous sommes à peine parvenus à 80 milliards et 70 % de ces montants sont versés sous forme de prêts, aggravant la dette de ces États. Cette aide doit se faire sous forme de dons : en matière climatique, c’est un impératif.
Ces financements à destination des pays les plus pauvres ne relèvent pas de notre générosité, mais découlent de notre dette climatique : le G20 est responsable de 80 % des émissions des gaz à effet de serre.
Mes chers collègues, pour donner un peu de force à notre gouvernement face à la tâche vertigineuse qui l’attend, votons unanimement cette résolution, c’est le minimum de ce que nous devons collectivement entreprendre ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me permets de commencer par une remarque de forme s’agissant de cette proposition de résolution : il est difficile de comprendre que seuls trois groupes aient été initialement associés à sa rédaction. Lors de la préparation de la COP21, un texte ambitieux avait été construit à la suite de travaux auxquels avaient participé l’ensemble des commissions et des groupes. Il est regrettable que cette procédure n’ait pas été réitérée.
Sur le fond, cette résolution ne manque pas d’intérêt, mais elle semble très, voire trop technique. Elle n’insiste donc pas suffisamment sur les enjeux posés par la COP26.
En effet, l’essentiel n’est plus désormais d’approfondir les engagements de la COP21 ni d’en décliner tel ou tel article, mais il s’agit de produire un sursaut majeur avant l’hécatombe du vivant sur cette planète.
L’omniprésence des multinationales dans les enceintes des débats des COP apparaît comme un symptôme de l’impuissance des États à préserver le cadre public des échanges, qui est pourtant d’intérêt général. L’élément est certes anecdotique, mais il est révélateur des contradictions majeures entre les discours et les actes. La réalité devrait pourtant nous rappeler à l’ordre.
Entre 1990 et 2018, les émissions de CO2 dans le monde ont augmenté de 67 %. Le dernier rapport du GIEC confirme un dérèglement climatique que l’on peut déjà mesurer par un réchauffement de 1,1 degré et la certitude que celui-ci atteindra 1,5 degré dans dix ans.
Selon la dernière évaluation des Nations unies, les engagements actuels mènent la planète vers un réchauffement de 2,7 degrés d’ici à la fin du siècle. Nous savons pourtant qu’au-delà de 2 degrés les conditions mêmes d’existence de l’humanité ne sont pas soutenables.
Face à ces prévisions, la future COP doit acter des engagements plus importants, y compris de la part des plus gros émetteurs. Aussi, nous partageons l’appel à aller vers des objectifs plus ambitieux dans le cadre d’une responsabilité commune, mais différenciée.
Cependant, des sources légitimes d’inquiétude demeurent. Nous sommes notamment dubitatifs sur le satisfecit qui a été donné concernant les objectifs de la France et de l’Union européenne. En effet, si les engagements pris s’articulent avec des politiques de libéralisation dans les secteurs clés pour la transition écologique, comme l’agriculture, les transports ou l’énergie, grâce à la signature d’accords de libre-échange, ils n’auront que peu de portée à long terme, ce qui condamne par avance tout effort tangible de réduction massive des émissions.
Quant aux mesures prises par la France, elles sont clairement insuffisantes comme l’a pointé le Haut Conseil pour le climat. La récente loi Climat et résilience ou le plan de relance restent trop favorables aux énergies fossiles. Ainsi, en 2020, la France a encore soutenu le développement des énergies fossiles à hauteur de plus de 9 milliards d’euros. Faut-il rappeler que notre pays a été condamné pour non-respect de ses engagements climatiques ?
À nos yeux, l’exemplarité consiste à rompre avec des modèles de développement devenus obsolètes. Or il n’en est pas question dans cette proposition de résolution, car ses auteurs continuent de fixer le modèle libéral comme seul horizon.
Par exemple, nous ne partageons pas la philosophie dont découle le dispositif de la compensation carbone, car, par essence, compenser n’est pas réduire. Par ailleurs, son principe repose sur l’idée fausse que le vivant est interchangeable de sorte que l’on peut reconstruire ailleurs ce que l’on a détruit ici. Autrement dit, l’on pourrait émettre, dès lors que l’on absorbe ailleurs. Cette approche se fonde sur des mécanismes de financiarisation de la nature et laisse cours à toutes les dérives liées aux obligations vertes. On ne peut pourtant pas se satisfaire de simples « droits de polluer ». Non, planter des arbres à l’autre bout du monde ne diminue pas l’impact des activités des plus gros pollueurs !
Par ailleurs, l’efficacité de ces projets reste à démontrer. Pis, ils font peser de nouveaux risques sur les droits humains qu’il s’agisse de l’accaparement des terres, de l’expropriation des populations locales, de la remise en question de la souveraineté alimentaire ou de l’accentuation du dérèglement climatique.
Par conséquent, nous considérons que le texte doit aborder non seulement les engagements des parties, mais également la capacité de l’ONU et des États à préserver les biens communs mondiaux, à investir et à faire respecter ces engagements. L’eau, la terre, les forêts et l’air sont des ressources trop précieuses pour les laisser entre les mains de la finance et des multinationales.
C’est la raison pour laquelle il convient de porter très haut les idées de justice climatique, en créant un tribunal compétent en la matière, conformément à ce qui a été envisagé lors du sommet de Cochabamba.
Quant à la mobilisation du Fonds vert, aussi importante soit-elle, comment ne pas souligner son aspect dérisoire dès lors que l’industrie pétrolière finance la recherche sur les énergies fossiles à hauteur de 500 milliards de dollars par an ?
Enfin, nous considérons – la proposition de résolution esquisse cette idée – que l’on ne trouvera pas de solution pour le climat sans remettre en cause l’organisation sociale, afin de résoudre les problèmes auxquels est confrontée l’humanité, que ce soit l’accès aux vaccins, la gestion de la dette publique, la protection de la biodiversité et la baisse des émissions.
La lutte pour le climat est aussi une lutte pour l’égalité des droits et donc pour le progrès social partagé. Nous aurions souhaité que le texte mentionne plus clairement la nécessité d’une véritable reconnaissance des droits des peuples autochtones et la priorité donnée à l’humain plutôt qu’au marché et aux intérêts financiers.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe CRCE s’abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Demilly. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Stéphane Demilly. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes en état d’urgence climatique. Alors que la COP26 vient de commencer, il est essentiel pour les citoyens du monde entier que nous tenions les promesses de l’accord de Paris. La lutte contre le réchauffement climatique est notre plus grand défi actuel et c’est le plus urgent.
Depuis le premier Sommet de la Terre à Stockholm, en passant par les différentes COP qui se sont succédé jusqu’à cette COP26, inquiétudes et déclarations de bonne volonté se sont multipliées.
Cependant, la température de notre planète et les catastrophes environnementales n’ont jamais cessé de s’aggraver. Nous avons connu cette année encore des records de chaleur, des incendies de grande ampleur, des inondations, des canicules et des sécheresses. Le mois de juillet 2021 a été le plus chaud jamais enregistré sur Terre. Le seuil d’une augmentation de température de 1,5 degré pourrait être franchi dès 2030. Le niveau des mers devrait augmenter de près de deux mètres d’ici à la fin du siècle.
Sans vouloir être un oiseau de mauvais augure, je ne fais que reprendre les nouvelles projections du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), publiées le 9 août dernier.
La COP26 doit permettre aux pays participants de négocier la mise en œuvre effective de l’accord de Paris. Les principaux pollueurs ne doivent plus ignorer leurs obligations. L’heure tourne… Il ne faudrait pas que la COP de Glasgow soit synonyme de douche écossaise ! (Sourires.)
Les pays doivent s’engager à atteindre des objectifs plus ambitieux pour réduire leurs émissions d’ici à 2030. Ils doivent élaborer des mesures d’adaptation aux conséquences du changement climatique, et naturellement accroître le financement en faveur de la transition écologique. Cela vaut en particulier pour les pays en développement.
Cependant, comme on le constate, la situation traîne et les pays peinent à s’accorder sur des sujets clivants, comme la mise en application du marché du carbone.
Le président de la COP26, Alok Sharma, a lui-même déclaré qu’il serait difficile de parvenir à un accord, compte tenu de la difficulté des questions à traiter. Pourtant, réussir n’est plus une option, car il y va de notre survie. Nous n’avons pas de plan B, ou plutôt pas de planète B !
Le réchauffement climatique est porteur d’inégalités, de crises migratoires et de nouveaux problèmes sanitaires, comme le paludisme, qui se poseront dans de nombreux endroits de la planète. Je ne connais pas une ville qui ne soit pas affectée par des problèmes de pollution ou de changement climatique.
Ces grands défis se moquent des frontières. Seules des réponses concertées et une coopération internationale ambitieuse apporteront des solutions efficaces et durables. Tel est le message que portent les auteurs de cette proposition de résolution, et je les en félicite.
La France est engagée pour le climat. Nos territoires le sont aussi ! L’échelon local dispose de ressources extraordinaires et d’acteurs concernés, capables de porter des projets territoriaux en faveur de l’environnement et de la biodiversité. L’accord de Paris reconnaît et valorise le rôle des régions, des villes et des autorités locales dans la lutte contre le changement climatique.
L’Union européenne est aussi, naturellement, un acteur clé dans les négociations climatiques. Au fil des ans, elle a adopté une législation environnementale parmi les plus avancées au monde et elle a atteint ses objectifs antérieurs en matière de réduction des émissions.
Toutefois, le changement climatique est une menace mondiale, de sorte que les pays européens ne peuvent pas agir seuls.
Les Européens ne représentent que 8 % de la population mondiale. Le retour des États-Unis dans l’accord de Paris et l’engagement du président Biden sont venus renforcer nos capacités d’actions, et nous le saluons.
De même, des pays comme l’Arabie Saoudite dont on n’attendait pas qu’ils s’engagent, du moins pas aussi vite, ont fait savoir qu’ils participeraient aux efforts internationaux, en visant un objectif de zéro émission d’ici à 2060.
Quoi qu’il en soit, les objectifs de la COP26 doivent nous permettre de ne pas atteindre ces fameux et dramatiques « points de basculement » mentionnés par les experts, c’est-à-dire des changements irréversibles du système climatique. Nous pouvons encore agir.
Le groupe centriste votera en faveur de cette proposition de résolution. Il votera pour une coopération ambitieuse vers un nouveau modèle de développement durable, juste et respectueux de l’environnement. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Gilbert-Luc Devinaz. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au-delà de l’ambition que nous souhaitons afficher dans ce texte, les enjeux de la COP26 s’inscrivent dans un contexte de « basculement » que nous sommes en train d’effectuer.
L’ONU alerte sur la concentration des trois principaux gaz à effet de serre. Même si les 200 pays concernés appliquent strictement leurs engagements sur la réduction des émissions, l’estimation du réchauffement reste à hauteur de 2,7 degrés Celsius, bien loin de l’objectif de l’accord de Paris.
En outre, même si nous stoppions toute émission, le réchauffement persistera durant plusieurs décennies…
Revenons sur quelques enjeux de la COP26. Elle sera l’occasion de tester pour la première fois l’application de l’accord de Paris. Six ans après sa signature, où en sont les contributions déterminées au niveau national ? Comment les évaluer ?
L’Australie, par exemple, qui est le plus gros exportateur mondial de charbon, a annoncé viser zéro émission nette à l’horizon 2050, sans fournir de détails sur la façon dont elle compte y parvenir, alors qu’elle a renouvelé son soutien appuyé aux industries minière et gazière.
L’article 6 de l’accord de Paris prévoit qu’une partie des réductions d’émissions peut être réalisée via « des démarches concertées », incluant « l’utilisation de résultats d’atténuation transférés au niveau international », tout en « garantissant l’intégrité environnementale et la transparence ». Il fait ainsi référence aux mécanismes de flexibilité décidés à Kyoto, qui peuvent s’inscrire dans des problématiques de marchandisation de la nature.
À rebours de cette conception, nous devons développer une approche qui se fonde sur la notion de biens communs. Notre groupe avait d’ailleurs défendu un texte sur ce sujet.
L’espèce humaine est le résultat de l’évolution de la vie à l’échelle du temps de la Terre. Elle n’est pas une pièce rapportée dans un paradis terrestre. Or ce qui semble caractériser la nature, c’est l’interdépendance et l’interaction entre tous les éléments qui la composent, de sorte que notre vision anthropocentrée pose question. (M. Gérard Longuet s’exclame.)
Si nous envisageons de rémunérer la nature et ses services écosystémiques, qui donc y gagnera sinon l’espèce humaine ? Il me semble que le concept de biens communs au bénéfice de tous permettra de répondre à l’urgence écologique face à la dégradation de la biodiversité et des écosystèmes. En somme, l’espèce humaine est-elle capable de s’adapter à elle-même ? Ne sommes-nous pas dans une fuite en avant ?
Par exemple, en Nouvelle-Zélande, la recherche est subventionnée pour travailler sur des programmes de reproduction sélective et développer des lignées d’animaux qui produisent naturellement moins de gaz. La recherche scientifique est-elle une réponse à nos problèmes ?
Au-delà de l’activité humaine, ce sont bien nos modes de production qui sont en question. Certains économistes identifient la période que nous vivons à l’ère du « capitalocène ». Dans cette perspective, les droits à polluer impliquent une mise sur le marché du climat.
Or une telle logique ne va pas sans effets pervers inquiétants. La stratégie de TotalEnergies en est l’illustration, puisque l’entreprise s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 tout en poursuivant ses investissements dans les hydrocarbures en Arctique, grâce au marché du « droit à polluer ».
Tant que nous agirons sur les conséquences du problème au lieu d’en affronter les causes, nous nous enfoncerons dans le réchauffement climatique. Évitons l’effet papillon de Lorenz.
Il m’a été accordé un temps de parole de quatre minutes. Durant cet intervalle, une surface de la forêt amazonienne équivalant à douze terrains de football a été détruite, alors qu’Amazon a engrangé 3 millions de dollars.
La COP de Glasgow sera réussie si nous arrivons à établir les indicateurs qui nous permettront de mesurer et de comparer les contributions des différents États, dans un temps acceptable.
Pour éviter que ce dialogue international ne passe pour du « blabla », alors qu’il est nécessaire pour dégager un consensus planétaire, la COP26 doit déboucher sur des actions concrètes et tangibles.
Notre groupe votera en faveur de cette proposition de résolution qui s’inscrit dans les douze enjeux principaux de la COP26. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Tabarot. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Tabarot. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, sortirons-nous par le haut de la situation, à l’issue de ce sommet ? Les grands de ce monde continueront-ils de « regarder ailleurs », selon la formule chiraquienne maintenant consacrée ? (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.)
Malgré la décision de Joe Biden de ramener les États-Unis à la table des discussions, cette COP, la vingt-sixième du nom, sera-t-elle la dernière alors que la Russie, le Brésil ou la Chine ne feront pas le déplacement ?
Comment ne pas constater que, si l’accord de Paris de 2015 a fait l’objet d’une communication retentissante, les efforts qui ont suivi sont loin d’être suffisants. En effet, la coopération interétatique n’a pas trouvé d’application concrète dans toutes les parties du monde. Signes d’une écologie de façade, les échecs successifs dans l’application concrète de l’accord marquent également le fait que l’écologie est un sujet pris en otage par certains États.
Voilà pourquoi cette excellente proposition de résolution de nos collègues Mandelli, Longeot et Dantec prend tout son sens.
Cette COP doit être celle où nous fixons les règles de coopération volontaire bilatérale ainsi qu’un cadre robuste pour garantir la réciprocité, afin d’éviter que l’enjeu écologique ne soit pris en otage.
L’Europe est confrontée à une flambée spectaculaire des prix de l’énergie. Le Gouvernement a récemment adopté une série de mesures pour y faire face. Pourtant, ces annonces plus conjoncturelles, voire électoralistes, que structurelles ne font que retarder l’inévitable.
En effet, la tension que l’on peut observer sur les marchés de l’énergie jette une lumière crue sur l’urgence écologique. Elle offre l’occasion de tirer le signal d’alarme et de prendre un tournant fondé sur l’action, en privilégiant le nucléaire et certaines énergies renouvelables, mais pas toutes.
M. Stéphane Piednoir. Très bien !
M. Philippe Tabarot. L’action est la condition de réussite de la COP26. L’accord de Paris demeure notre meilleure boussole au cœur de la tempête. En 2015, sa signature marquait un engagement de niveau international. Six ans après, son héritage apparaît bien maigre. Notre ambition est de prendre de l’avance. Il faut demander aux États réticents de se dévoiler. Qui voile la planète, dévoie la France.
Il faut avoir le courage de reconnaître que nous ne pouvons plus définir des politiques en ignorant que nous détruisons les conditions de notre survie. Chaque pays doit être comptable de son action.
Quelles convictions défendons-nous au Sénat ? Tout d’abord, nous prônons l’engagement en action. Cette action ne saurait être confisquée par les idéologies radicales qui ont un autre agenda que celui de la protection de la nature.
M. Laurent Burgoa. Très bien !
M. Philippe Tabarot. Nous défendons, ensuite, l’alternative pour tous. Les décisions environnementales ne doivent pas punir les gens, notamment les plus modestes, qui sont les premiers à subir ces changements. La méthode doit être incitative. L’acceptabilité sociale est la clé.
Ces conditions ont orienté notre philosophie lors de l’examen au Sénat de la loi Climat et résilience. Nous avons formulé des propositions qui rassemblent, car pour que l’écologie devienne la préoccupation de chacun, elle ne doit pas exclure.
Certaines de nos propositions visent à accélérer la décarbonation en garantissant l’efficacité des mesures. À cet égard, la transition est en cours comme en témoignent les 5,1 milliards d’euros que la France a reçus de l’Union européenne.
L’évolution actuelle des émissions conduit cependant de manière certaine à un réchauffement global trop important. L’Union européenne doit donc engager des actions rapides et fortes.
Il faut également cibler certains secteurs, comme celui des transports, qui est l’un des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre. Outre la route dont l’électrification constitue un enjeu clé, les priorités, en matière de décarbonation des transports, sont connues. Nous devons réaliser un effort considérable de rattrapage sur les infrastructures ferroviaires, accroître la part modale du ferroviaire électrique et développer une politique de fret décarbonée, favoriser le verdissement des flottes de transport de voyageurs et restaurer les équilibres économiques des opérateurs de transport.
L’acceptation des mesures est essentielle, et nous l’avions privilégiée, au Sénat, en proposant l’instauration d’un prêt à taux zéro pour l’acquisition de véhicules peu polluants, le rétablissement de la TVA à 5,5 % pour le transport ferroviaire de voyageurs ou encore le doublement de la part modale du fret ferroviaire et fluvial.
Cette COP permettra-t-elle de transcender les égoïsmes nationaux grâce à une coopération internationale largement renforcée ? Nous l’espérons encore.
Entre les plaidoyers des « marchés de la peur », les partisans de l’écologisme politique, bridant toute initiative technologique ou encore les garants du seul fait compétitif, la voie est étroite, mais elle existe.
L’Union européenne, que la France présidera en 2022, représente sur ce point un laboratoire d’exception.
Les travaux du Sénat sont comme toujours, en particulier dans ce cadre, d’une aide précieuse. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pascal Martin applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. Hervé Maurey. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, « Soit nous stoppons le réchauffement climatique, soit c’est lui qui nous stoppe. » Cet avertissement du secrétaire général de l’ONU lors de l’ouverture de la COP26 fait suite à de nombreuses mises en garde formulées depuis maintenant des décennies, comme l’appel lancé par Jacques Chirac en 2002.
Nous le savons tous : les nombreux rapports des scientifiques sur le réchauffement climatique, notamment ceux du GIEC, se succèdent et sont, hélas, de plus en plus alarmants.
Le rapport publié en août dernier indique que la fourchette basse d’un réchauffement climatique à 1,5 degré serait atteinte vers 2030, soit dix ans plus tôt que ne l’annonçaient les prévisions antérieures.
Plus que jamais, il y a donc urgence à agir réellement et à ne pas se contenter de grandes déclarations.
L’accord de Paris de 2015 fixe un objectif commun : le maintien de l’augmentation de la température moyenne de la planète à un niveau inférieur à 2 degrés et la poursuite des efforts pour limiter l’augmentation de cette température à 1,5 degré.
Il prévoit également une méthode pour atteindre cet objectif. Les États parties doivent prendre des engagements, actualisés tous les cinq ans, dans la perspective d’un relèvement continu de l’ambition environnementale.
À ce stade, la deuxième vague de contributions n’empêcherait pas d’atteindre une hausse des températures d’environ 2,7 degrés d’ici à la fin du siècle.
C’est pourquoi nous ne pouvons que soutenir cette proposition de résolution qui appelle à un rehaussement des contributions déterminées au niveau national, comme l’ont déjà fait un certain nombre d’États – pas tous, malheureusement.
Quant à l’Union européenne, elle a fixé un nouvel objectif de réduction des émissions de 55 % en 2030 par rapport à 1990, contre 40 % précédemment.
Le rehaussement des engagements est l’un des principaux enjeux de la COP26, mais il en existe d’autres comme la question du financement et de l’accompagnement des pays en voie de développement, notamment des pays africains, responsables d’une part infime du réchauffement climatique.
Mais au-delà des engagements qui seront, je l’espère, pris à Glasgow, l’essentiel sera de les tenir. Malheureusement, force est de constater que tel n’est pas toujours le cas, tant s’en faut. À cet égard, je constate avec regret que la France est loin d’être exemplaire.
Le Haut Conseil pour le climat estime ainsi dans son dernier rapport que les émissions de la France devraient baisser presque deux fois plus vite pour atteindre les objectifs climatiques qu’elle s’est fixés. La récente condamnation de la France par la justice administrative pour son inaction climatique est un autre rappel à l’ordre.
Face à cette situation, les parlements, et tout particulièrement notre assemblée, doivent veiller au respect des engagements pris. Nous ne devons pas laisser les nombreuses associations, les ONG ou la justice jouer le rôle de vigie des engagements gouvernementaux en matière d’environnement.
N’oublions pas que nous votons la loi permettant la mise en œuvre des engagements internationaux ! Le Sénat a ainsi joué pleinement son rôle, notamment lorsqu’il a renforcé l’ambition de la loi Climat et résilience. Il faut aller encore plus loin, au travers d’études d’impact plus approfondies.
C’est nous qui votons le budget. Nous devons veiller à ce que les moyens soient mis en adéquation avec les ambitions annoncées et que la loi de finances donne la priorité à la lutte contre le réchauffement climatique.
Conformément à notre mission de contrôle de l’action du Gouvernement, il nous revient également de vérifier que celui-ci prend les mesures nécessaires et suffisantes. J’ai ainsi pu observer que l’État est loin de respecter la loi en ce qui concerne la part minimale d’acquisition de véhicules propres lors du renouvellement de sa flotte.
Vous l’aurez compris : au-delà du caractère crucial de cette COP, le plus important sera ensuite de maintenir le cap pour atteindre les objectifs fixés. C’est un travail que nous devons mener au quotidien en tant que parlementaires, mais aussi en tant que citoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Guillaume Chevrollier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, quels sont les changements apparus depuis la COP21 ? Si l’on s’en tient aux statistiques, ils sont en réalité peu nombreux et nous avons toujours le sentiment d’être au pied du mur.
Les émissions de gaz à effet de serre ont continué d’augmenter, à l’exception de l’année 2020, durant laquelle la covid-19 a entraîné une baisse de 6 % des émissions mondiales.
Chaque année, les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère augmentent, les températures grimpent et les événements extrêmes sont de plus en plus fréquents.
L’année 2021 est une année importante, puisqu’elle aura été marquée par le congrès mondial de l’UICN, la COP15 pour la biodiversité et la COP26. Je regrette d’ailleurs que ces rassemblements internationaux soient distincts, tant la dégradation de la biodiversité, le réchauffement climatique et la désertification sont intimement liés.
Aujourd’hui, la prise de conscience est globale : la société civile, les acteurs économiques et politiques, la jeunesse, tous sont mobilisés.
Cette proposition de résolution sénatoriale en est aussi la preuve. Le Parlement est pleinement investi dans la lutte contre le réchauffement climatique, notamment au travers de l’élaboration de politiques d’adaptation : nous devons « conserver ce qui vaut et adapter ce qu’il faut. »
Les accords de Paris présentent une limite : malgré l’amorce d’une réflexion sur la transition énergétique, aucune des parties prenantes n’a souhaité que cette problématique soit présente dans la version finale.
On a ainsi encouragé les États à réduire leur consommation ou à décarboner leur production, sans donner l’impulsion à un nouveau modèle énergétique clair. Il nous faut une stratégie en la matière !
Les énergies renouvelables doivent être développées, mais nous ne pourrons pas nous passer du nucléaire, qui fait partie de la solution, n’en déplaise à certains. Le nucléaire est reconnu par le GIEC comme une solution indispensable pour respecter les accords de Paris.
Limiter le réchauffement climatique n’est pas hors d’atteinte. Cela suppose d’entamer une révolution énergétique globale et de prévoir des transitions dans tous les pans de notre économie. Selon le rapport du GIEC, il existe de nombreuses possibilités de lier cette atténuation et cette adaptation à l’atteinte d’autres objectifs sociétaux, grâce à des approches globales. Pour que les efforts déployés soient fructueux, il faut se doter d’outils appropriés, de structures de gouvernance adaptées et il faut renforcer notre capacité de réaction.
Pour ma part, je crois au génie humain afin de progresser dans la connaissance et lutter ainsi efficacement contre le réchauffement climatique. L’innovation jouera un rôle central dans ce combat. La recherche doit être soutenue, tant sur le climat que sur la biodiversité.
Abandonnons les postures : le pessimisme, c’est le défaitisme ! Penchons-nous sur ce que nous pouvons faire concrètement pour nous adapter.
La proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique, déposée sur l’initiative de notre collègue Patrick Chaize et dont nous allons débattre dans quelques minutes, en est un bel exemple : elle tend à organiser la convergence entre les transitions numérique et écologique.
Les grandes conférences internationales que constituent les COP sont nécessaires pour donner l’impulsion à une mobilisation mondiale et sensibiliser les États.
La coopération internationale est vitale. À l’heure de la COP26, il est indispensable de tenir nos promesses et de ne pas en formuler d’autres si nous ne sommes pas capables de les tenir – cela vaut également pour le débat national. De plus, il faut finaliser les règles de mise en œuvre du pacte sur le climat, notamment au sujet de la transparence, c’est-à-dire la façon dont les États rendent compte de leurs actions et de leurs résultats. Enfin, il convient de voter à l’unanimité un accord contraignant qui impose des obligations aux plus gros émetteurs de gaz à effet de serre.
L’Union européenne dispose d’une chance unique de prendre le leadership de la transition écologique et de renforcer ainsi sa légitimité, sa souveraineté et sa compétitivité.
Saisissons-la, à l’occasion de cette COP26 ! Saisissons aussi l’occasion de la présidence française du Conseil de l’Union européenne pour donner une nouvelle impulsion. Malheureusement, cette présidence sera partiellement paralysée par l’élection présidentielle.
M. Stéphane Piednoir. Absolument !
M. Guillaume Chevrollier. Pour conclure, soyons conscients que l’avenir du climat dépend des décisions prises aujourd’hui ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Frédéric Marchand applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la présidente, messieurs Longeot, Mandelli et Dantec, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureuse de constater cette belle unanimité, cette formidable mobilisation et cette voix que vous faites entendre fortement dans le concert auquel vous vous associez alors que s’ouvre la COP26, qui sera, je l’espère, un moment fondateur et exceptionnel, tant les enjeux et les défis auxquels nous devons faire face appellent à la mobilisation générale.
Nous nous trouvons en 2021 à la croisée des chemins : il nous faut aujourd’hui donner corps aux objectifs définis par l’accord de Paris au travers des trajectoires et des rendez-vous de suivi. Nous devrons être extrêmement clairs, rehausser nos objectifs et respecter la limitation de l’augmentation de la température globale à 1,5 degré par rapport à l’ère préindustrielle.
Comme vous l’avez souligné, mesdames, messieurs les sénateurs, cela nous obligera à renforcer des engagements qui se traduisent dans toutes nos politiques publiques et que nous retrouvons à chaque instant ou presque dans tous les textes dont nous débattons ici.
Nous connaissons tous le dernier rapport du GIEC, publié en août dernier, qui prévoit que le réchauffement atmosphérique mondial pourrait s’élever à 1,5 degré dès 2030.
L’urgence est entière et connue de tous ! L’ouverture de la COP26 à Glasgow représente une échéance majeure pour ces trajectoires. Les dix prochaines années seront cruciales et il nous faut impérativement agir. C’est pourquoi je tiens de nouveau à vous remercier, monsieur Longeot, ainsi que l’ensemble des sénateurs, pour votre contribution à cette voix transpartisane et pour la qualité – je tiens à le souligner – de cette résolution, tout à fait bienvenue.
L’engagement de la France est, comme vous le savez, extrêmement fort depuis le début de cette mandature. Nous avons pris la décision de fermer les centrales à charbon et de mettre fin à l’exploitation des hydrocarbures. Nous avons mis en œuvre un bouquet de mesures pour nous désengager des énergies fossiles, notamment dans le domaine des transports, grâce à la loi d’orientation des mobilités. Nous avons également mené un travail important sur la sobriété, l’économie circulaire et la lutte contre le gaspillage. Des moyens importants ont été mobilisés en faveur de la rénovation énergétique, de la transition agroécologique, de la lutte contre l’érosion de la biodiversité ou la déforestation importée.
L’aide au développement, qui a fait l’objet d’une mobilisation sans précédent, est essentielle, car les problèmes climatiques et d’érosion de la biodiversité ne connaissent pas de frontières et il faut agir partout en fonction des besoins.
Plus récemment, en réponse aux demandes de la Convention citoyenne pour le climat, la loi Climat et résilience a intégré ces questions dans le quotidien des Français, tant en matière de logement, que de déplacements ou de consommation.
La prise de conscience est donc largement partagée ; elle doit influencer la décision publique et politique en faveur de modes de vie plus durables et des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle européenne.
La loi a prévu des feuilles de route de décarbonation pour les filières économiques les plus fortement émettrices de gaz à effet de serre.
Des consultations se dérouleront sur ces engagements dans les prochaines semaines. Nous serons tous mobilisés pour définir la nouvelle stratégie française énergie-climat, qui agrégera la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), le plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc) et la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Une loi de programmation, à l’intitulé identique, offrira une vision programmatique globale de l’ensemble des engagements pris et viendra préciser ces orientations d’ici à 2023.
La France est, comme vous l’avez rappelé, fortement engagée pour la mise en œuvre de l’accord de Paris au niveau européen. En juillet, la Commission européenne a présenté le programme européen Fit for 55, dont l’adoption est en cours de négociation. Nous serons pleinement mobilisés pour renforcer le système des quotas carbone et pour améliorer ce mécanisme d’ajustement aux frontières, surtout lors de la présidence française de l’Union européenne, au début de l’année 2022.
La COP26, qui vient de s’ouvrir à Glasgow, offre au monde la possibilité d’atteindre la neutralité carbone. Prévue tous les cinq ans, mais repoussée en 2020 en raison du contexte sanitaire, cette conférence sera consacrée à l’actualisation des engagements pris par chaque État pour limiter le réchauffement climatique. Ce mécanisme vise à rehausser l’ambition de chaque pays et nous espérons un engagement volontariste de la part de tous. Les négociations seront donc déterminantes.
Mais cette négociation s’appuie – c’est en cela que la proposition de résolution me laisse dubitative – sur les travaux des COP précédentes, notamment la COP24 et la COP25 qui ont posé des jalons essentiels et ont participé à l’élaboration de cette feuille de route. Les règles d’application de l’accord de Paris n’ont cessé de se préciser. L’article 6, qui porte sur les marchés de quotas d’émission, demeure le seul point ouvert et sera une question essentielle à Glasgow. Nous poursuivrons également le travail sur les points de rendez-vous à l’horizon 2030.
Cette COP recouvre trois enjeux. D’abord, une ambition, en limitant le réchauffement à 1,5 degré au lieu de 2 degrés – c’était déjà la position de la France il y a cinq ans.
M. Michel Savin. Rien n’a changé depuis !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Eu égard à l’accélération du changement climatique, nous plaidons fortement en faveur de l’alignement de l’engagement des États sur cet objectif ambitieux.
Le deuxième enjeu tient à la finalisation des règles de mise en œuvre de l’accord de Paris. Jusqu’à présent, nous avons achoppé sur cette question. Afin d’avancer, nous proposons d’éviter de compter deux fois les réductions d’émissions lorsque deux pays sont concernés, de limiter le report des crédits carbone non consommés durant la deuxième période d’engagement du protocole de Kyoto et d’améliorer la transparence sur les progrès de chacun.
Comme beaucoup d’entre vous l’ont rappelé, le troisième enjeu consiste à mobiliser des financements pour le climat, ce qui est essentiel pour répondre aux attentes et aux besoins des pays les plus vulnérables. Notre objectif est de rassembler 100 milliards de dollars par an, alors que nous ne parvenons péniblement qu’à 67 milliards de dollars aujourd’hui. Les annonces du G20, rendues publiques il y a quelques heures, peuvent nous laisser espérer une issue positive à ce sujet.
La France s’est engagée à augmenter ses financements pour le climat, à hauteur de 6 milliards d’euros par an de 2021 à 2025, dont un tiers en faveur de l’adaptation au changement climatique. Là encore, ce point de la résolution me laisse dubitative.
Certes, la route est encore longue, mais nous avons connu récemment des avancées, avec le retour des États-Unis dans l’accord de Paris et l’annonce d’un doublement de leur engagement budgétaire, pour atteindre 11 milliards d’euros d’ici à 2024. C’est évidemment un signal très positif.
De plus, la COP26 offrira l’occasion de confirmer la prise de conscience croissante du lien entre climat et biodiversité. Ces enjeux sont intimement liés. Lutter contre l’érosion de la biodiversité revient à lutter contre le dérèglement climatique ; ce faisant, nous respectons nos engagements.
Lors de l’ouverture du congrès mondial de l’UICN, que la France a eu le plaisir d’accueillir au mois de septembre, le Président de la République a rappelé que nous devions mener ces combats de front. Les défis du changement climatique rejoignent ceux de la biodiversité : les solutions sont communes, comme l’a reconnu la présidence britannique de la COP26.
Je me rendrai samedi à Glasgow à l’occasion du Nature Day : nous y débattrons du bon état des écosystèmes, des forêts, des corridors écologiques, des zones humides ou encore des aires protégées, qui présentent un potentiel de stockage de carbone et qui participent à la lutte contre les conséquences du réchauffement climatique.
Évoquons également les engagements qui ont été réaffirmés cette nuit et ce matin même, avec la déclaration des dirigeants de Glasgow sur les forêts et l’utilisation des terres. Ce sont 16,5 milliards d’euros qui vont être engagés au niveau mondial pour le financement des forêts, dont une contribution française de 706 millions d’euros, avec, en particulier, 1 milliard de dollars – 45 millions pour la France – consacré à la gestion durable des forêts du bassin du Congo.
À l’heure où je parle, tels sont les premiers engagements issus de cette rencontre de Glasgow. Ils montrent que nous joignons le geste à la parole et que nous agissons dans le cadre de cette lutte pour le climat et la préservation de la biodiversité.
Je souhaite achever mon propos en évoquant un point essentiel mis en valeur dans cette proposition de résolution : la question de l’adaptation au changement climatique.
Cette adaptation est tout à fait nécessaire, si l’on envisage les choses de manière pragmatique, réaliste, responsable. Nous ne pourrons pas éviter les effets du changement climatique ; il faut donc les anticiper et préfigurer, en toute responsabilité, des moyens d’adaptation.
L’accord de Paris prévoit un juste équilibre entre les financements accordés à l’atténuation et à l’adaptation. C’est pourquoi la France augmente la part de ses financements consacrés à l’adaptation, afin d’atteindre un tiers du montant global.
Elle s’oppose néanmoins, comme l’Union européenne, à mettre les deux – atténuation et adaptation – au même niveau. Nous soutenons l’idée d’un équilibre, mais pas forcément d’une stricte parité. En effet, si nous appliquions cette parité, contrairement à ce que défend le paragraphe 22 de la proposition de résolution, à objectif constant de 100 milliards de dollars par an, cela reviendrait à réduire radicalement nos financements en faveur de l’atténuation. Or celle-ci doit, je le crois, rester notre priorité collective.
C’est le premier des combats à mener ! Il faut lutter contre les causes du changement climatique, plutôt que de chercher à composer avec ses effets. Nous devons maintenir une logique de prévention. En effet, si nous réduisons insuffisamment les émissions de gaz à effet de serre, les coûts de l’adaptation deviendront tout à fait insupportables pour nos sociétés.
De plus, les financements de l’adaptation ont vocation à provenir, aussi, du secteur privé. Celui-ci peut et doit investir, par exemple dans une plus grande résilience des infrastructures. Chaque acteur, à tous les niveaux, doit intégrer dans ses stratégies et ses choix les conséquences du changement climatique. Il faut prendre en compte cette dimension supplémentaire et accentuer la mobilisation sur ce levier.
Enfin, s’agissant de la nécessité d’un objectif mondial en matière d’adaptation, tel que le mentionne le paragraphe 23 de la proposition de résolution, je rappelle qu’un tel objectif est déjà inscrit dans l’accord de Paris, mais qu’il est qualitatif.
Il me semble souhaitable de continuer à travailler sur le fondement de cet objectif. Il a le mérite de laisser une marge de manœuvre pour s’adapter aux contextes locaux, qui ont été largement évoqués et au plus près desquels il faut rester. Il garantit ainsi une efficacité des actions mises en place, par l’adaptation à des effets variables d’un pays à l’autre et, qui plus est, difficiles à mesurer de la même façon. Nous devons donc garder cette souplesse.
De nouveau, je salue la qualité de cette proposition de résolution, qui est extrêmement riche. Le fait que vous la portiez d’une seule voix, mesdames, messieurs les sénateurs, est essentiel, et je vous en remercie une nouvelle fois.
Vous l’aurez compris, je partage l’essentiel des motivations de ce texte. Dans cette COP26 se retrouve l’esprit de 2015, que nous devons absolument continuer à faire vivre, avec ambition, solidarité et transparence. « Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour »… C’est pourquoi, pour maintenir la confiance dans nos engagements et dans l’avenir, nous devons assurer la transparence et le suivi des engagements.
Moyennant la réserve que j’ai exprimée sur la question de l’adaptation, je formulerai donc un avis favorable à cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes SER, GEST et Les Républicains.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.
proposition de résolution visant à affirmer la nécessité d’un accord ambitieux lors de la cop26 de glasgow permettant de garantir l’application effective de l’accord de paris sur le climat
Le Sénat,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
Vu le chapitre XVI du Règlement du Sénat,
Conscient que la multiplication et l’intensification des phénomènes climatiques et météorologiques extrêmes sont causées par le réchauffement climatique, dont le caractère anthropique est largement établi par les travaux scientifiques internationaux, synthétisés par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ;
Que le changement climatique est porteur de conséquences dramatiques dont l’étendue et la nature sont encore sous-estimées en matière économique, sociale, culturelle, à l’instar de ses conséquences alimentaires ou sanitaires, en favorisant par exemple l’émergence de maladies à risques pandémiques ;
Que le changement climatique constitue, en ce sens, une menace existentielle pour l’espèce humaine et les civilisations qui la composent, ainsi que pour les espèces animales et végétales qui peuplent la planète ;
Que les conséquences de ce réchauffement, si elles n’épargnent aucun État, peuple ou individu, frappent tout particulièrement les pays en développement, plus vulnérables, et affectent davantage les femmes, directement exposées du fait de leur plus grande pauvreté et de leur situation d’exclusion ;
Convaincu du caractère vital, pour contrer cette menace, du cadre multilatéral placé sous l’égide de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques ;
De l’importance historique de l’Accord de Paris, premier accord international sur le climat à caractère universel et unique cadre juridique à même de contenir l’élévation de la température moyenne de la planète à un niveau bien inférieur à 2 degrés Celsius par rapport aux niveaux préindustriels et de poursuivre les efforts pour limiter encore davantage l’augmentation de la température à 1,5 degré Celsius ;
Du bien-fondé du paradigme ascendant de cet accord, reposant sur l’engagement des États parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques à travers des contributions déterminées au niveau national, actualisées tous les cinq ans, garantes d’une transition écologique démocratique et respectueuse des piliers économiques et sociaux du développement durable ;
Conscient également de la fragilité d’un tel accord, reposant sur le principe des responsabilités communes mais différenciées, consacré par le droit climatique international, du devoir d’exemplarité des pays moteurs de l’action climatique multilatérale et de la nécessité d’une coopération et d’une réciprocité dans l’application de cet accord ;
Juge nécessaire que soit poursuivi, lors de la COP26 de Glasgow, le chemin initié lors de la COP21 de Paris,
Qu’à cette fin, en application des articles 4.2 et 4.9 de l’Accord de Paris, les États parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques soumettent, d’ici le début de la COP26, des contributions déterminées au niveau national correspondant à une progression par rapport aux contributions antérieures, afin de s’approcher des objectifs d’atténuation de l’accord, conformément au principe du relèvement continu de l’ambition posé à l’article 4.3, et s’articulant autour d’un calendrier commun, comme le prévoit l’article 4.10,
Soutient à cet égard la position européenne tendant à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici 2030 par rapport à 1990, rappelle l’engagement de la France pour participer à l’atteinte de cette cible dans le cadre du règlement (UE) 2018/842 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de l’Union européenne et appelle les autres pays émetteurs à élever leur ambition dans des proportions similaires, sans préjudice du respect du principe des responsabilités communes mais différenciées,
Qu’en application de l’article 4.19 de l’Accord de Paris, les États parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques formulent et communiquent également des stratégies à long terme de développement à faible émission de gaz à effet de serre, de manière à aligner les contributions déterminées au niveau national et l’objectif collectif de long terme de neutralité carbone, tendant à parvenir à un équilibre entre les émissions anthropiques et les absorptions anthropiques au cours de la deuxième moitié du siècle,
Juge impératif que les modalités d’application de l’article 6, relatif à la coopération entre États pour la mise en œuvre des contributions déterminées au niveau national, soient enfin arrêtées lors de la COP26 de Glasgow,
Qu’à cette fin, soient fixées les règles de coopération volontaire bilatérale – qui permet, conformément à l’article 6.2, de transférer les résultats d’atténuation d’un État au niveau international – de manière à ce qu’elles s’opèrent dans le cadre d’un système fiable de comptabilisation, afin notamment d’éviter un double comptage des résultats d’atténuation, par le développement d’une information indicative, annuelle ou bisannuelle, sur les transferts effectués,
Qu’à cette fin, soient également fixées les modalités de mise en œuvre du mécanisme de développement durable, prévu à l’article 6 (6.4 à 6.7), afin de permettre une transition juste avec le mécanisme pour le développement propre issu du protocole de Kyoto, sans déprécier la valeur des futurs crédits du mécanisme de développement durable,
Juge indispensable qu’un cadre de transparence robuste, garant de la réciprocité dans l’application de l’Accord de Paris, soit établi conformément à l’article 13 pour garantir la mise en œuvre effective des contributions déterminées au niveau national et des stratégies à long terme de développement à faible émission de gaz à effet de serre et afin de permettre la réalisation du bilan mondial de l’accord à compter de 2023, comme le prévoit l’article 14,
Afin de faciliter l’application effective de l’accord sur la base de l’équité et dans le respect du principe des responsabilités communes mais différenciées, de manière à entraîner l’ensemble des pays, y compris en développement et en particulier ceux du continent africain, sur le chemin de la neutralité carbone, rappelle le caractère impératif de l’atteinte de l’objectif d’une mobilisation par les pays développés de 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 en faveur des pays en développement, formalisé lors de la COP15 de Copenhague,
À cette même fin, rappelle l’importance d’une mobilisation prioritaire des mécanismes de compensation en faveur des pays en développement, en particulier ceux du continent africain,
Forme également le vœu que la part de ces fonds consacrée à l’adaptation au changement climatique dans les pays les plus vulnérables soit progressivement augmentée, pour atteindre une part d’au moins 50 % des fonds publics et privés mobilisés,
Que les États parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques se saisissent de l’article 7 de l’accord en se fixant un objectif mondial en matière d’adaptation, symboliquement égal aux objectifs en matière d’atténuation,
Qu’afin d’entraîner les pays en développement, en particulier ceux du continent africain, dans l’adoption d’une stratégie bas-carbone, notamment dans leur développement urbain ou dans la préservation de leur couvert forestier, l’action climatique internationale soit décloisonnée des sujets multilatéraux d’importance première pour les pays en développement, tels que l’allégement de leur dette publique et les vaccins contre la covid-19, dont l’accès doit être garanti par les pays développés,
Sans préjudice du rôle joué par la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, appelle l’ensemble des instances internationales à faire de l’atténuation et de l’adaptation au changement climatique une priorité de leur action, à l’instar de l’Organisation mondiale du commerce dans la définition et l’application des règles régissant le commerce international, ou de l’Organisation mondiale de la santé dans la conduite de la politique internationale de santé publique,
Juge par ailleurs nécessaire de décloisonner l’action climatique des autres axes de la négociation environnementale internationale, à l’instar de la biodiversité, en renforçant le dialogue et les actions communes entre la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, la Convention sur la diversité biologique et la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification,
Rappelle l’importance des engagements pris par les acteurs non étatiques, en particulier par les collectivités concernant le relèvement de l’ambition climatique, notamment dans la suite de l’Agenda de l’action présenté lors de la COP21,
En particulier, juge indispensable la prise en compte des actions menées par les collectivités en matière de coopération décentralisée, outil essentiel de l’aide au développement, tant par les partenariats humains et financiers que par les transferts de technologies et d’ingénierie locale ainsi que par la prise en compte des savoirs locaux et autochtones,
Souligne l’importance de la coopération interparlementaire, notamment dans le cadre de l’Union interparlementaire, pour faciliter la conduite d’un accord ambitieux à l’échelle internationale et sa déclinaison dans les politiques publiques nationales,
Forme enfin le vœu que la France et l’Union européenne continuent d’être des moteurs de la négociation climatique internationale, en se posant en premiers défenseurs de l’Accord de Paris et en dressant une voie pour la transition de l’humanité vers un nouveau modèle de développement respectueux de la planète.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explications de vote.
Je mets aux voix la proposition de résolution.
(La proposition de résolution est adoptée.) – (Applaudissements.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
Communication relative à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.
M. Loïc Hervé. Quel dommage ! (Sourires.)
5
Réduction de l’empreinte environnementale du numérique et régulation environnementale du numérique
Adoption définitive en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission et adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale en première lecture, visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France (proposition n° 680 [2020-2021], texte de la commission n° 69, rapport n° 68) et de la proposition de loi visant à renforcer la régulation environnementale du numérique par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, présentée par M. Patrick Chaize et plusieurs de ses collègues (proposition n° 837 [2020-2021], texte de la commission n° 70, rapport n° 68).
La procédure accélérée a été engagée sur ce dernier texte.
Il a été décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Patrick Chaize, auteur de la deuxième proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Patrick Chaize, auteur de la proposition de loi visant à renforcer la régulation environnementale du numérique par l’Autorité de régulation des communications téléphoniques, des postes et de la distribution de la presse. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici aujourd’hui à l’aboutissement d’un travail collectif et, si vous me permettez l’expression, d’une belle aventure parlementaire.
Voilà près de deux ans, déjà, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable lançait une mission d’information sur l’empreinte environnementale du numérique. Six mois plus tard, en juin 2020, la mission publiait un rapport inédit, constatant le risque d’un accroissement de la pollution numérique. Si rien n’est fait, le secteur pourrait représenter 7 % de nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2040.
Notre objectif était clair : agir sans attendre, pour combler un angle mort de nos politiques environnementales et prendre le tournant de la transition numérique, tout en s’assurant que ce secteur, au demeurant indispensable à la transition écologique, ne devienne pas la source d’une pollution exponentielle.
En octobre 2020, nous déposions avec de nombreux collègues, dont Guillaume Chevrollier, Jean-Michel Houllegatte et Hervé Maurey, une proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, dite REEN, retranscrivant les propositions de notre rapport.
En commission, en décembre, puis en séance publique, en janvier, nous avons amélioré et complété ce texte, qui est ainsi passé de 24 à 31 articles.
Je voudrais remercier les collègues de l’ensemble des groupes politiques qui ont participé à cet enrichissement : ce texte, soutenu à l’origine par certains d’entre nous, est sans aucun doute devenu celui de l’hémicycle tout entier, au terme d’un travail collectif dont nous pouvons nous féliciter.
Je tiens tout particulièrement à remercier Hervé Maurey, qui présidait la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable au moment du lancement de nos travaux, et mes deux collègues rapporteurs, Guillaume Chevrollier et Jean-Michel Houllegatte, avec lesquels j’ai travaillé étroitement pour améliorer le texte.
Mes remerciements vont également au président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, Jean-François Longeot, qui n’a pas ménagé ses efforts pour assurer la poursuite de la navette.
Je salue également Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, qui a contribué à enrichir la proposition de loi.
Je veux aussi remercier les collaborateurs et administrateurs qui m’ont accompagné dans un climat de confiance permanent.
Mais, une fois n’est pas coutume, je tiens aussi à vous remercier particulièrement, monsieur le secrétaire d’État,…
M. Bruno Retailleau. Le mérite-t-il ? (Sourires.)
M. Patrick Chaize, auteur de la proposition de loi. … ainsi que votre cabinet, pour les échanges constructifs dans un climat de sincérité que nous avons pu entretenir tout au long de ce parcours.
Le texte transmis à l’Assemblée nationale comptait 31 articles. Il a été adopté par les députés à l’unanimité le 10 juin dernier. C’est ce texte modifié, comptant désormais 36 articles, que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a examiné le 20 octobre.
L’Assemblée nationale a globalement conforté le travail que nous avons effectué en première lecture. Je salue à cet égard le rapporteur, Vincent Thiébaut, et le rapporteur pour avis, Éric Bothorel, pour leur sens de l’écoute et leur sérieux, mais aussi pour leur appropriation du sujet et de ce texte.
Nous regrettons néanmoins certains choix arrêtés en première lecture par l’Assemblée nationale et par le Gouvernement.
Je commencerai par la suppression de l’article 23 bis relatif à la collecte de données environnementales par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep).
Ce dispositif a été supprimé de la proposition de loi pour être déplacé à l’article 16 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite Climat et résilience, malgré nos alertes répétées quant au risque d’inconstitutionnalité au regard de l’article 45 de la Constitution. Malheureusement, le Conseil constitutionnel, en censurant cet article dans sa décision sur ladite loi, nous a donné raison.
Ce sujet nous semblait toutefois trop important pour être abandonné. C’est pourquoi j’ai déposé une proposition de loi à article unique reprenant l’article censuré par le Conseil constitutionnel. Il s’agit de la deuxième proposition de loi, dite Arcep, qui nous est soumise aujourd’hui.
Examinée en première lecture, conjointement à l’examen en deuxième lecture de la proposition de loi REEN, elle est totalement complémentaire de ce dernier texte, dont elle facilitera l’application, en armant pleinement le régulateur dans la mise en place d’une régulation environnementale du secteur numérique.
Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur cette proposition de loi Arcep et je l’en remercie, car nous espérons que ce texte consensuel soit adopté ainsi avant la fin de l’année.
Au-delà de ce sujet, nous regrettons le recul global de l’ambition de la proposition de loi REEN à l’Assemblée nationale : nous sommes convaincus que nous aurions pu être plus audacieux et innovants.
M. Pierre Ouzoulias. Bien sûr !
M. Patrick Chaize, auteur de la proposition de loi. Le texte, tel que l’ont modifié les députés et le Gouvernement, est imparfait et incomplet, et cette deuxième lecture a, je ne vous le cache pas, un petit goût d’inachevé.
Je ne ferai pas la liste des points de désaccord persistants ; je laisserai les rapporteurs les présenter plus en détail.
Il m’est impossible, toutefois, de ne pas aborder la question de la rémunération pour copie privée, à l’article 14 bis B. Quel gâchis, monsieur le secrétaire d’État ! Je sais que vous partagez, à titre personnel, ce constat !
La décision prise par le Gouvernement d’assujettir les équipements reconditionnés au paiement de la rémunération pour copie privée (RCP) est contradictoire à l’objectif de la proposition de loi, dont plusieurs dispositifs visaient justement à renforcer la compétitivité du réemploi aux dépens du neuf.
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
M. Patrick Chaize, auteur de la proposition de loi. La confusion entretenue par le Gouvernement entre les difficultés conjoncturelles rencontrées par le monde de la culture dans le contexte de la crise sanitaire et la dimension structurelle du financement par la rémunération pour copie privée est particulièrement dommageable.
Nous espérons, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous annoncerez aujourd’hui des mesures de compensation pour le secteur des équipements reconditionnés.
Ce constat étant fait, la question qui s’est posée aux deux rapporteurs du texte et à moi-même, était de savoir quelle stratégie adopter vis-à-vis de cette proposition de loi REEN.
Nous avons décidé, mes chers collègues, de vous proposer une adoption conforme, donc définitive, du texte, ce qui impliquerait, comme nous l’avons fait en commission, que nous n’adoptions aujourd’hui aucun amendement.
Trois raisons nous semblent justifier cette stratégie.
Premièrement, certains reculs de l’Assemblée nationale, notamment sur la rémunération pour copie privée, ne doivent pas occulter les avancées profondes et nombreuses permises par la proposition de loi, qui ne constitue que la première pierre à l’édifice de la régulation environnementale du numérique dans notre pays.
Si nous l’adoptons, ce texte placera la France dans une position de précurseur sur la scène européenne en matière de transition environnementale du numérique, ce qui lui permettra de défendre ce sujet avec force et crédibilité dans les négociations avec les États membres de l’Union européenne.
Deuxièmement, si nous l’adoptons, la proposition de loi REEN produira des effets très rapidement, d’autant plus que nombre de ses dispositions entreront en vigueur immédiatement.
Troisièmement – c’est l’argument principal –, nous sommes conscients des contraintes pesant sur le calendrier parlementaire. Soyons clairs : si nous amendons aujourd’hui le texte qui nous est soumis, il est peu probable qu’il soit transmis en deuxième lecture à l’Assemblée nationale.
Les points de désaccord avec le Gouvernement sont réels ; ils sont parfois importants, comme sur la rémunération pour copie privée.
Je pense toutefois qu’ils sont minoritaires et qu’ils ne justifient pas de sacrifier la majorité des dispositions que nous pourrions voir entrer dans le droit avec un vote conforme.
Voilà, mes chers collègues, la voie que je vous propose de suivre aujourd’hui. Elle n’est pas pleinement satisfaisante, j’en conviens. Mais sachons également nous réjouir de ce que nous avons fait : en ce moment où la planète planche à Glasgow pour la COP26, le Sénat a fait œuvre utile en plaçant la France en position de pionnière en matière de transition numérique durable.
Je note d’ailleurs que notre proposition de loi a déjà produit ses effets. Depuis son dépôt en octobre 2020, la question de l’empreinte environnementale du numérique s’est totalement imposée dans le débat public, au point que de nombreux acteurs, notamment les opérateurs mobiles, ont commencé à engager des actions concrètes.
Je forme donc le vœu que vous suiviez la commission dans sa stratégie, pragmatique et responsable, d’adoption conforme de la proposition de loi REEN. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis heureux d’être parmi vous aujourd’hui, aux côtés de mon collègue corapporteur Guillaume Chevrollier, pour examiner la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique, en deuxième lecture, et la proposition de loi visant à renforcer la régulation de l’environnement par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), en première lecture. Je vais vous présenter ces deux textes, que notre commission a adoptés sans modification.
Commençons par la proposition de loi REEN. Je rappelle que le texte que nous avions transmis à l’Assemblée nationale en janvier dernier comptait 31 articles répartis selon cinq axes : faire prendre conscience aux utilisateurs du numérique de son impact environnemental ; limiter le renouvellement des terminaux, principaux responsables de l’empreinte carbone du numérique ; promouvoir le développement d’usages du numérique écologiquement vertueux ; aller vers des centres de données et des réseaux moins énergivores ; promouvoir une stratégie numérique responsable dans les territoires.
Les députés ont en grande partie conforté le travail du Sénat. Nombre de nos apports ont en effet été conservés, notamment : la création d’une formation de sensibilisation à l’impact environnemental du numérique et à la sobriété numérique dans l’enseignement primaire et secondaire, qui fait l’objet de l’article 1er ; le renforcement du délit d’obsolescence programmée prévu à l’article 6 et son extension à l’obsolescence logicielle prévue à l’article 7.
L’Assemblée nationale a même introduit de nouvelles dispositions, conformes à l’objectif et à l’esprit de la proposition de loi initiale. J’en citerai trois : la mise en place d’opérations de collecte nationale d’équipements numériques, accompagnées d’une prime au retour, à l’article 12 bis A ; la suppression de l’obligation de fournir des écouteurs lors de la vente de téléphones portables, à l’article 14 quater ; le renforcement des prérogatives du maire en matière de déploiement d’infrastructures de télécommunications, à l’article 23 bis A, et de suivi des investissements réalisés par les opérateurs en faveur du partage d’infrastructures, à l’article 23 bis B.
Bien sûr, nous déplorons également certains reculs opérés à l’Assemblée nationale sur des sujets structurants, par exemple : la suppression de l’allongement à cinq ans de la durée de la garantie légale de conformité, à l’article 11, et de la durée de réception des mises à jour nécessaires au maintien de la conformité du bien, à l’article 9 ; la suppression du caractère contraignant du référentiel d’écoconception des services numériques, que nous souhaitions imposer aux fournisseurs de tels services, à l’article 16.
Ces quelques réserves ne doivent pas occulter les avancées profondes permises par ce texte, que nous vous proposons d’adopter conforme. Faisons œuvre utile en permettant aux nombreuses dispositions de la proposition de loi d’entrer en vigueur !
Je terminerai en évoquant succinctement la proposition de loi visant à renforcer la régulation environnementale du numérique par l’Arcep, qui vise à armer pleinement le régulateur dans la mise en place d’une régulation environnementale du secteur numérique et à faciliter l’application de la proposition de loi REEN. Ce texte parfaitement consensuel pourrait être examiné à l’Assemblée nationale au mois de décembre prochain, ce qui lui permettrait d’entrer en vigueur dans les meilleurs délais.
Enfin, pour conclure, et conformément à ce que disait précédemment Patrick Chaize, cette proposition de loi, en révélant une problématique jusqu’à présent ignorée, celle de l’impact environnemental du numérique, a fait l’effet d’un électrochoc. Une large sensibilisation s’est en effet opérée et, déjà, un bon nombre d’acteurs se sont engagés dans des actions de réduction de leur empreinte ou des campagnes de collecte de terminaux.
Il est donc urgent de traduire dans la loi l’ensemble des dispositions qui figurent dans la proposition de loi qui vous est soumise. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux exprimer à mon tour ma satisfaction d’être devant vous pour la deuxième lecture de la proposition de loi REEN, après deux ans de travaux, notamment ceux de la mission d’information parlementaire.
Je souhaite revenir sur deux sujets méritant qu’on s’y arrête spécifiquement, et qui ont été déjà exposés par le principal auteur de la proposition de loi, Patrick Chaize : l’article 14 bis B, relatif à la rémunération pour copie privée sur les équipements reconditionnés, et l’article 15 bis, relatif à la lutte contre le démarchage téléphonique.
Commençons par la rémunération pour copie privée. Pour rappel, celle-ci est une contribution prélevée sur les supports d’enregistrement – CD et DVD vierges, mémoires et disques durs d’ordinateur, de téléphone ou de tablette – permettant de compenser la perte subie par les artistes en raison du développement de la possibilité de copier leurs œuvres.
Au moment de la rédaction de la proposition de loi, la rémunération ne s’appliquait qu’aux produits neufs lors de leur mise en circulation. Au stade de l’examen du texte en séance publique, en première lecture, nous avions appris que la commission pour la rémunération de la copie privée avait engagé une réflexion tendant à assujettir également les appareils reconditionnés.
Après nous être assurés qu’une exonération des biens reconditionnés ne retirerait pas de ressources au monde de la culture, mais ne ferait que la priver d’une recette supplémentaire et hypothétique, nous avions adopté un amendement créant un article 14 bis B visant à exonérer du paiement de la rémunération les appareils y ayant été assujettis une première fois, afin de renforcer la compétitivité des équipements reconditionnés.
Malheureusement, le 1er juin dernier, la commission pour la rémunération de la copie privée a permis l’application d’un barème de la rémunération pour copie privée sur les biens reconditionnés à compter du 1er juillet 2021. À l’Assemblée nationale, le Gouvernement a fait adopter en séance publique un amendement de réécriture de l’article 14 bis B, venant entériner la décision de la commission précitée.
Nous regrettons vivement ce choix qui tend à revenir sur l’exonération votée au Sénat. D’autres choix étaient possibles, plusieurs pays ayant choisi d’exonérer intégralement les biens reconditionnés ou de ne taxer que les équipements qui n’ont pas déjà fait l’objet de prélèvements quand ils étaient neufs.
Si nous ne pouvons donc qu’être vivement défavorables au dispositif adopté par l’Assemblée nationale, nous nous réjouissons toutefois de l’application d’un taux spécifique et réduit pour les équipements reconditionnés, ainsi que de l’exonération des acteurs de l’économie sociale et solidaire.
J’aimerais maintenant évoquer un deuxième point d’attention à l’article 15 bis, introduit par l’Assemblée nationale.
Dans l’ensemble, nous accueillons favorablement cet article qui vise à lutter contre le démarchage téléphonique abusif au travers de l’encadrement des automates d’appels et des conditions de territorialité des identifiants issus du plan de numérotation national. Avant l’examen du texte en commission, certains acteurs nous ont toutefois fait part d’inquiétudes s’agissant d’effets indésirables que le dispositif pourrait induire pour les entreprises ayant recours à des automates d’appels pour la gestion des relations client. Après avoir mené l’enquête, ces inquiétudes ne nous semblent pas fondées.
En effet, l’article 15 bis vise spécifiquement à lutter contre l’usurpation d’identifiant, particulièrement usitée pour les canulars et arnaques téléphoniques. En ce sens, d’une part, il s’inscrit dans la continuité du droit actuel qui interdit déjà le recours aux numéros mobiles et aux numéros masqués pour les centrales d’appels ; d’autre part, il n’aura pas pour conséquence de proscrire l’utilisation d’identifiants géographiques ou non géographiques par les centres d’appels, mais uniquement de leur réserver certaines tranches de numéros, afin de faciliter l’authentification de l’appelant.
Ces éléments ont permis de rassurer les acteurs concernés. En tout état de cause, nous serons particulièrement attentifs à ce qu’il n’y ait aucun effet de bord. Si tel était le cas, le Gouvernement s’est engagé à ce que de tels effets soient corrigés par voie réglementaire.
Mes chers collègues, en résumé, les conditions nous semblent donc réunies pour adopter conforme la proposition de loi REEN. Je ne peux que vous inviter, aux côtés de mon collègue rapporteur, à suivre la stratégie présentée par Patrick Chaize, auteur de cette proposition de loi.
Cela a déjà été dit, à l’heure de la COP26 et des grandes déclarations utile pour le climat, le Sénat français, lui, est dans l’action concrète avec ce premier texte sur le numérique et l’environnement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Pierre-Jean Verzelen applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis pour examiner pour la seconde fois cette proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique, dite REEN.
Cette proposition de loi a fait l’objet de vifs débats à l’Assemblée nationale, comme vous le savez. Si les débats ont été vifs, c’est que le sujet est d’importance, et je me félicite que la représentation nationale – ici, au Sénat, comme au Palais Bourbon – s’en soit pleinement saisie.
Je tiens à saluer le travail des rapporteurs, et tout particulièrement celui, approfondi, utile et riche du sénateur Patrick Chaize, qui est à l’origine de ce texte et grâce auquel nous sommes aujourd’hui à même de mettre en œuvre des mesures qui auront un impact tangible sur la vie de nos concitoyens.
J’ajouterai un mot plus personnel. Il est des parlementaires qui font l’honneur de leur fonction : au-delà des divergences partisanes, leur seule boussole est celle de l’intérêt général. Je ne suis pas toujours d’accord avec le sénateur Patrick Chaize, et c’est heureux, mais je voudrais encore une fois, et très personnellement, le remercier de la qualité du dialogue que nous avons eu et de la richesse du travail effectué. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. Sous le regard de Portalis !… Nous allons déboulonner les statues, nous aussi… (Sourires.)
M. Cédric O, secrétaire d’État. Une fois n’est pas coutume, je souhaite commencer mon propos non par un sujet transcendant, mais en mettant l’accent sur les mesures concrètes que vous allez examiner et, je le souhaite, adopter aujourd’hui.
Je ne détaillerai pas toutes les mesures de ce texte, mais seulement quelques-unes, en laissant de côté dans ce propos introductif une autre mesure, plus spécifique, sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir lors de l’examen des amendements.
L’article 6 de la proposition de loi prévoit ainsi de simplifier la définition de la lutte contre l’obsolescence programmée, en particulier logicielle, pour faciliter la lutte contre celle-ci et ainsi rendre possibles les poursuites, voire les condamnations, qu’appellent de leurs vœux les associations de défense des consommateurs.
Les articles 1er, 1er bis et 2 font le pari de la formation et de la sensibilisation des jeunes et des étudiants pour que ce qui apparaît aujourd’hui comme exotique – l’écoconception, notamment – devienne demain la norme, en pratique et dans les esprits.
Les articles 14 bis AA et 14 ter permettent, par des mesures concrètes – la mise à disposition d’informations et l’obligation de fournir des pièces détachées aux reconditionneurs – d’allonger la durée d’utilisation des terminaux, ce qui est un gain en termes, à la fois, de pouvoir d’achat et d’environnement.
L’article 23 bis A, en encadrant le partage des pylônes en zone rurale, contribue à la rationalisation des infrastructures de réseaux sur le territoire français et améliore ainsi la connectivité pour nos concitoyens, avec un impact environnemental optimisé. Je tiens à signaler, par ailleurs, qu’il s’agit de répondre à une demande des collectivités territoriales pour lutter contre la spéculation foncière liée au déploiement des pylônes en zone rurale.
Je pourrais citer bien d’autres mesures de cette proposition de loi qui, comme celles-ci, sont à la fois très concrètes et avec un fort impact. Car c’est la caractéristique de ce texte et, plus globalement, de la politique du Gouvernement que de faire le choix du pragmatisme, des petits pas, parfois, mais toujours dans la bonne direction, plutôt que des déclarations à l’emporte-pièce.
Ce pragmatisme est au cœur de la stratégie nationale pour le numérique et l’environnement que je défends avec la ministre de la transition écologique, Barbara Pompili, et le ministre de l’économie, des finances et de la relance, Bruno Le Maire. La feuille de route interministérielle que nous avons construite ensemble, et rendue publique en février 2021, a ainsi pour objectif de faire converger les transitions écologique et numérique au travers de trois axes que je tiens à rappeler ici.
Le premier axe, c’est la connaissance de l’empreinte environnementale du numérique. Il est en effet aujourd’hui nécessaire d’apporter des données précises et objectives sur les impacts positifs et négatifs de l’ensemble du cycle de vie des services numériques sur l’environnement. Cette approche doit être multicritère et intégrer aussi bien la dimension des émissions de gaz à effet de serre que la consommation d’énergie, d’eau et de ressources en matières premières.
Le second axe, c’est la réduction de l’empreinte environnementale du numérique en tant que telle.
Alors que les projections montrent une croissance importante des usages numériques, il s’agit de maîtriser, voire de réduire, l’empreinte environnementale du numérique, liée à la fabrication des équipements et terminaux et aux usages.
Le troisième et dernier axe, c’est la mobilisation du numérique au service de la transition écologique. Le numérique permet déjà d’optimiser la consommation d’énergie, de réduire nos trajets, d’éviter ou de mieux gérer des déchets. Il s’agit désormais de s’appuyer sur le potentiel du numérique pour accélérer la transition écologique.
La seconde proposition de loi, qui fait l’objet d’une discussion commune, reprend dans un article unique les dispositions agréées par les deux chambres à l’issue de la navette parlementaire, visant à la création d’un pouvoir de collecte de données environnementales par l’Arcep.
Ce pouvoir de collecte est indispensable pour développer la connaissance de l’empreinte environnementale et pour mettre au point un véritable baromètre environnemental du numérique, comme cela est prévu dans la première proposition de loi du sénateur Chaize. Il s’agit d’un outil stratégique permettant, de manière inédite, à l’Arcep de collecter des données sur l’ensemble des acteurs du numérique et non plus seulement, comme c’est le cas aujourd’hui, auprès des seuls opérateurs télécoms.
En réintroduisant cette disposition qui avait été censurée par le Conseil constitutionnel au regard de sa doctrine en matière de cavalier législatif, vous ferez un acte utile. Il s’agit bien, en effet, de pallier des difficultés juridiques et techniques, et ainsi de restaurer la pleine portée opérationnelle de la première proposition de loi que vous aurez examinée.
Le Gouvernement souhaite que ce texte dont vous allez débattre soit, dans le même esprit que la première proposition de loi, l’occasion de corriger une autre difficulté juridique. En effet, il y a une mauvaise articulation entre la proposition de loi de M. Chaize et l’ordonnance du 29 septembre 2021 transposant les directives 2019/770 et 2019/771. Il s’agit ici de préserver l’accessibilité et l’intelligibilité du code de la consommation, qui sont deux objectifs à valeur constitutionnelle.
Je souhaite enfin aborder une question de fond, que cette proposition de loi me donne l’occasion d’évoquer.
Notre débat public se meurt de l’opposition que nous construisons entre évolution des comportements – chacun convient que, pour réussir la transition environnementale, nous devons modifier nos comportements de consommation et de production – et innovation. Tout se passe comme si, comme le dit Ferghane Azihari dans une interview récente au magazine l’Opinion, « le progrès était systématiquement vu par certains d’entre nous comme source de corruption et de décadence ».
Je le dis très honnêtement, si nous continuons ainsi, nous allons dans le mur. Le combat environnemental se meurt d’un antilibéralisme qui ne lui est consubstantiel qu’en France.
Encore une fois, cela nous envoie dans le mur pour une raison assez simple. Sur cette planète, un humain sur trois vit avec moins de 3 dollars par jour. La population mondiale continuera à augmenter, quoi que nous fassions. Les ressources, énergie et matières premières, sont limitées. Une partie de cette tension, qui est d’ordre mathématique, peut être résolue par une modification de la consommation. Il est intéressant de s’y pencher dans le détail.
Selon le dernier rapport de Réseau de transport d’électricité (RTE) sur la transition énergétique, toutes les projections sur lesquelles le Gouvernement s’appuie correspondent à une volonté extrêmement forte et ambitieuse de maîtrise de la consommation énergétique. Mais l’ensemble de l’équation ne se bouclera pas seulement via une transformation de nos modes de consommation.
Nous ne pourrons pas faire 80 % de ce chemin – je cite ce pourcentage en invoquant la loi de Pareto – si nous ne sommes pas capables d’innover beaucoup plus qu’aujourd’hui. L’enfermement dans une forme de débat hémiplégique, aux termes duquel lorsque l’on soutient l’innovation, on est contre la transformation de la consommation, et vice versa, nous envoie collectivement, j’y insiste, dans le mur. Si cette proposition de loi doit servir à quelque chose, c’est à mon avis à sortir de cette opposition stérile. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis que le Sénat replace le numérique et l’écologie au centre de ses préoccupations, en proposant un texte ambitieux et équilibré. En revanche, je regrette que, une fois passé devant l’Assemblée nationale, le texte ait perdu quelque peu de sa substance.
Il n’en demeure pas moins que la France est le premier pays européen à légiférer sur ce sujet. Nous encourageons les autres États membres à nous suivre.
La transformation numérique de notre société nous oblige à une certaine exigence, compte tenu des enjeux écologiques actuels. La technologie et le progrès technique nécessitent de transformer nos modèles de production, de croissance et de consommation en raison de leur impact négatif sur l’environnement.
D’après les travaux de la mission d’information, si rien n’était fait, le secteur du numérique serait en 2040 à l’origine de l’émission de 24 millions de tonnes d’équivalent carbone, soit environ 7 % des émissions de la France. Le secteur des nouvelles technologies représente à lui seul entre 6 % et 10 % de la consommation mondiale d’électricité.
Le numérique nous invite donc à explorer les chemins de la transition écologique en prenant en compte les dimensions sociales et collectives de cette évolution.
Certaines associations fournissent un travail important pour introduire la problématique de l’empreinte environnementale du numérique dans le débat public. Nous sommes tous et toutes concernés. Acteurs privés comme publics, nous devons nous responsabiliser sur ce sujet.
C’est pourquoi l’article 1er du texte incite à la sobriété numérique. En effet, un travail de pédagogie doit être mis en place pour enfin apprendre à se déconnecter. Tout le volet concernant la sensibilisation des acteurs, proposé par le Sénat, a été conservé. La mise en place de formations spécifiques dans les collèges et les lycées et la création d’un observatoire des impacts environnementaux du numérique sont autant de mesures nécessaires et salutaires.
Dans son texte original, le Sénat proposait d’exonérer les appareils reconditionnés de la rémunération pour copie privée. Il est à regretter que les députés soient revenus sur cette mesure en adoptant un amendement du Gouvernement visant à étendre la rémunération pour copie privée aux équipements mobiles usés et remis en état. Cette disposition dénature le texte sur ce point précis.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, si je salue l’objectif initial de cette proposition de loi, je ne peux qu’encourager à davantage d’efforts dans l’élaboration d’une véritable politique environnementale du numérique.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Gillé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Hervé Gillé. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi pour réduire l’empreinte environnementale du numérique que nous examinons aujourd’hui a été adoptée à la quasi-unanimité dans cet hémicycle en janvier 2021, puis à l’Assemblée nationale en juin dernier.
Ce texte de consensus – je salue d’ailleurs particulièrement le travail de mes collègues Jean-Michel Houllegatte, Guillaume Chevrollier et Patrick Chaize –, fruit d’un travail de fond mené par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, répond en effet à l’urgence d’interroger, de mesurer et d’évaluer l’empreinte environnementale du numérique pour mieux la réduire, dans la perspective d’un développement soutenable, pour faire du numérique un accélérateur vertueux de la transition écologique.
L’évolution significative des usages, des moyens, des outils, et la montée en puissance de la 5G rendent le sujet incontournable.
Lors de son examen à l’Assemblée nationale, l’esprit du texte et ses objectifs ont été préservés, et les mesures emblématiques que nous avions adoptées ont été respectées. Nous déplorons néanmoins la suppression de certaines initiatives sénatoriales. Ces modifications dénotent peut-être une relative frilosité des députés, qui aboutissent finalement à un texte cohérent, mais un peu moins ambitieux.
Parmi les suppressions regrettables – j’en mentionnerai quelques-unes –, il y a évidemment celle de l’intégration de l’impact environnemental du numérique dans le bilan RSE (responsabilité sociétale des entreprises) des entreprises. Personnellement, j’ai toujours envie de mettre en avant la responsabilité sociétale des organisations (RSO), qui me paraît particulièrement intéressante concernant ce sujet.
Ce retrait est d’autant plus dommageable que, répondant à une incontestable nécessité, une réelle pression s’exerce aujourd’hui pour que la responsabilité sociétale des entreprises et des organisations soit approfondie et étendue à la sobriété numérique. Qu’il s’agisse du secteur public ou privé, tous les acteurs sont appelés à participer à une évolution favorable sur cette problématique.
Nous regrettons également la suppression du crédit d’impôt à la numérisation durable des petites et moyennes entreprises, qui visait essentiellement à encourager l’évolution de leur approche du numérique vers plus d’efficience et, encore une fois, vers plus de sobriété.
La suppression de l’intégration de l’impact environnemental du numérique dans le schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (Spaser) est elle aussi regrettable. Cette mesure défendue par un amendement de notre groupe ambitionnait de faire de l’achat public un levier significatif pour réduire l’empreinte carbone du numérique, en inscrivant ainsi la politique d’achat dans une démarche de durabilité des produits et un usage plus raisonné des ressources.
Il y a donc des reculs, certes, mais ce texte n’est qu’une première étape et nous saisirons au Sénat les occasions d’exprimer de nouveau nos ambitions sur le sujet.
Nous constatons toutefois certaines avancées. Saluons notamment l’ajout de quelques dispositions, de portées parfois inégales, qui rejoignent les objectifs généraux que nous nous étions donnés.
Je soulignerai notamment la formation à l’impact environnemental du numérique dans l’enseignement supérieur, qui offre des perspectives d’avenir pour éduquer les jeunes générations, et modifier à terme les pratiques en faveur d’un plus grand respect de notre environnement. À l’échelle de nos territoires, notons également l’ajout de la justification du choix de ne pas recourir à une solution de partage de site ou de pylône dans les dossiers d’information remis aux maires des communes situées en zone rurale et à faible densité d’habitation.
Enfin, ce texte conserve également – et nous nous en réjouissons –, au chapitre V, créé sur l’initiative de notre groupe, l’objectif de promouvoir une stratégie numérique responsable dans les territoires à travers en particulier deux articles. Le premier vise à mieux intégrer les data centers dans les systèmes énergétiques locaux dans le cadre des plans climat-air-énergie territoriaux. L’autre prévoit que les collectivités de plus de 50 000 habitants compléteront leur rapport sur leur situation en matière de développement durable par la présentation d’une stratégie numérique responsable.
Cette proposition de loi, malgré les limites que je viens d’évoquer, affiche donc une première ambition essentielle : faire du numérique un accélérateur de la transition écologique à l’empreinte environnementale soutenable.
Elle conforte les démarches d’évaluation environnementale dont les politiques de développement durable ne peuvent se départir et une réflexion appuyée sur des indicateurs, des données objectives, qui permettent une meilleure régulation de l’ensemble de la chaîne numérique.
Notre proposition vise à créer les conditions d’une progression collective fondée sur une meilleure information et sur la responsabilisation des acteurs et des usagers. Elle s’appuie sur un système équilibré, prévoyant des mesures tant incitatives que contraignantes pour favoriser la prise de conscience et garantir des résultats en matière de réduction de l’empreinte environnementale du numérique.
C’est une responsabilité sociétale que nous défendons. Elle est bien sûr construite avec les usagers, mais également avec nos territoires, qui constituent l’indispensable maillon garantissant l’équilibre entre transition numérique et transition écologique, permettant d’harmoniser les attentes légitimes liées au déploiement d’une couverture numérique ambitieuse et le respect des enjeux climatiques.
Le Sénat s’est montré pionnier sur ce sujet, il faut le souligner. Faisant notamment écho aux rapports et aux propositions de la Convention citoyenne pour le climat, de l’Arcep, du Haut Conseil pour le climat concernant l’empreinte environnementale de la 5G, il a démontré, une nouvelle fois, sa capacité à faire émerger dans le débat national des problématiques essentielles pour les citoyens et les territoires, à accélérer les prises de conscience et à les traduire en solutions politiques.
Cette proposition de loi constitue une première étape pour la réduction de l’empreinte environnementale du numérique. Elle répond au besoin d’engager un débat ambitieux, et ouvre une voie sur laquelle nous continuerons de travailler. C’est dans ce sens que nous voterons ce texte.
Le numérique ne doit pas dégrader la situation actuelle, il doit nous conduire à la société décarbonée de demain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Marchand.
M. Frédéric Marchand. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, contrairement aux idées reçues, le numérique n’est pas immatériel. Il a bien un visage, une odeur, un son, un poids et surtout un coût pour notre environnement.
Le traitement d’une requête sur un moteur de recherche mobilise des ressources matérielles, un smartphone, une box internet, des routeurs, un pare-feu, des équipements réseau, un serveur, des câbles sous-marins et des centres de données.
Les centres de stockage de données, qui sont en effet responsables de la moitié des émissions de gaz à effet de serre du secteur numérique, cherchent des solutions.
Le data center de type adiabatique peut être une de ces solutions. Le centre que j’ai visité en mars dernier à Saint-Ouen-l’Aumône n’utilise pas de climatisation et consomme entre 40 % et 50 % d’énergie en moins que les centres classiques. La chaleur dégagée par les machines est mélangée à l’air extérieur et réutilisée pour refroidir les ordinateurs.
Des solutions existent bien, mais elles sont encore expérimentales et ne sont pas encore à la hauteur du coût du numérique qui engendre entre 4 % et 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, chiffres qui ne sont pas près de décroître.
Alors que débute le sommet de la COP26, le Gouvernement et les parlementaires de tout bord se mobilisent pour faire du numérique un levier de la transition écologique. Cette proposition de loi qui arrive en seconde lecture au Sénat en est le témoignage, et elle comporte de réelles avancées.
Des mesures concrètes pourront voir le jour très prochainement. Je pense notamment à la prise de conscience, par les usagers, de l’impact environnemental du numérique, à la souscription d’engagements contraignants des opérateurs de réseau auprès de l’Arcep, à la suppression de l’obligation de fournir des écouteurs lors de la vente de téléphones portables, au droit à la réversibilité des mises à jour, ou encore à la promotion de centres de données et de réseaux moins énergivores.
Alors certes, et cela a été dit, le texte que nous nous apprêtons à voter est en deçà des attentes. Un certain nombre de dispositifs ont été supprimés par l’Assemblée nationale. Il s’agit du prix à payer pour la coconstruction entre parlementaires, acteurs privés et Gouvernement.
En votant ce texte, il s’agit non pas de se faire plaisir pour exister, mais bien d’avancer ensemble en faveur de la transition écologique du numérique. Des mesures radicales, mal acceptées par les opérateurs, n’auraient sans doute eu aucun effet.
De ce fait, j’en profite pour saluer l’expertise, l’esprit pragmatique et positif de l’auteur de cette proposition de loi, Patrick Chaize, et de ses rapporteurs.
Enfin, notre travail doit s’articuler avec les mesures complémentaires du Gouvernement. Je fais référence à la feuille de route qui permettra d’actionner quinze mesures fortes, comme l’ambition pour l’État d’acheter 20 % de matériel informatique, de téléphones fixes et portables reconditionnés.
Parallèlement, l’Arcep et l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, dite Agence de la transition écologique) mènent une mission conjointe pour identifier et évaluer les facteurs permettant de quantifier l’empreinte environnementale des réseaux. L’étude est en cours, et les résultats seront publiés en 2022.
Cette mission s’articule d’ailleurs parfaitement avec la proposition de loi annexe qui vise à donner à l’Arcep le pouvoir de recueillir des données sur les impacts environnementaux des services de communications électroniques.
Notre prise de conscience est certes tardive, mais elle est bien réelle. Face à la croissance exponentielle de nos usages numériques, nous ne pouvions plus regarder passer les trains sans agir.
Ce texte doit donc être considéré comme un premier pas décisif pour que nous puissions enfin faire émerger un numérique durable et responsable face aux enjeux climatiques. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.
M. Pierre-Jean Verzelen. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, alors que la France tente d’affirmer sa place de chef de file sur les sujets climatiques à l’ouverture de la COP26 à Glasgow, en Écosse, nous étudions ici un texte qui, malgré ses quelques imperfections, place notre pays et nos concitoyens parmi les précurseurs sur le sujet de l’empreinte environnementale du numérique. Nous démarrons un mouvement qui doit en inspirer d’autres.
Cette proposition de loi est le fruit d’une aventure parlementaire – le mot a été prononcé tout à l’heure – qui a débuté au Sénat par une mission d’information sur l’empreinte environnementale du numérique. Après l’étude du texte en première lecture, nous avons également débattu de ces questions lors de la discussion du projet de loi Climat et résilience.
Je veux dire à Patrick Chaize que sa proposition de loi sensibilise le public et éveille les consciences, sur un sujet qui ne va pas naturellement de soi. On peut avoir l’impression que le numérique ouvre l’ère de l’immatériel, mais cette impression est fausse : les téléphones et les écrans se multiplient, tout comme les chargeurs, et les centres de stockage de données nécessitent du matériel.
Le numérique prend une place de plus en plus importante dans l’organisation de nos vies et dans notre quotidien. Il représente désormais un pourcentage certes non essentiel, mais non négligeable, en matière d’émissions de CO2 – nous nous dirigeons d’ailleurs vers une consommation de plus en plus importante.
Il était nécessaire d’agir, et il sera essentiel de rester attentif aux évolutions annoncées. Le numérique doit être envisagé comme un avantage dans la transition écologique et la lutte contre le changement climatique. Il sera d’une importance capitale dans de nombreux secteurs de nos vies, par exemple dans l’agriculture ou encore dans nos modes de consommation, que M. le secrétaire d’État a évoqués.
Nous devons encourager la recherche et les innovations dans le secteur du numérique, notamment celles qui rendent possible la sobriété dans la consommation et la fabrication des produits. Bien loin de voir le numérique comme un élément négatif dans notre chemin vers la neutralité carbone, nous devons en faire un atout.
Cependant, certains points ont fait l’objet de critiques justifiées. Nous avons du mal à suivre le raisonnement de l’Assemblée nationale qui a conduit à la modification de l’article instaurant l’exonération de la rémunération pour copie privée en faveur des équipements reconditionnés. Si l’idée est de minimiser l’empreinte environnementale du numérique, le reconditionnement des appareils permet d’allonger leur durée de vie, et donc de produire moins de téléphones, par exemple. L’Assemblée nationale crée en revanche dans le même temps une redevance sur le reconditionnement.
Si nous avons du mal à comprendre le fond des arguments, nous en voyons bien les conséquences : la concurrence étrangère est favorisée, le savoir-faire français n’est pas mis en avant, et cela n’a pas de sens écologiquement. Nous vivons en France : d’un côté, on crée une redevance, d’un autre, on dit au secteur concerné qu’il aura droit à une compensation financière. On aurait pu économiser du temps ! Monsieur le secrétaire d’État, vous aurez peut-être des précisions à apporter sur ce sujet.
Comme l’a dit Patrick Chaize, même si ce texte laisse un goût d’inachevé, il marque des avancées majeures. Chacun de nous reste vigilant et se montre responsable concernant l’impact du numérique sur l’environnement. Malgré ces points de perfectibilité, le groupe Les Indépendants votera en faveur de cette proposition de loi qui permet de réelles avancées.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Didier Mandelli. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis que nous ayons à examiner en seconde lecture la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique, adoptée à la quasi-unanimité par le Sénat le 12 janvier dernier.
Il est en effet assez rare que les propositions émanant du Sénat soient reprises et votées, à l’unanimité également, à l’Assemblée nationale.
Je remercie mon collègue et ami Patrick Chaize, président de la mission d’information sur l’empreinte environnementale du numérique et auteur de cette proposition de loi, pour la qualité de son travail, qui permet de mettre en lumière cette question cruciale et de faire entendre la voix du Sénat sur un sujet d’une telle importance.
Face aux occasions offertes par le secteur du numérique et devant le formidable horizon que ces nouvelles technologies ouvrent, la question de l’empreinte environnementale est bien souvent occultée. Avec cette proposition de loi, la France devient un des pays précurseurs dans ce domaine en adoptant une législation environnementale relative au numérique, quelques mois seulement après l’adoption de la loi Climat et résilience et celle de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (AGEC).
Alors que nous venons d’examiner à l’instant une proposition de résolution sur la nécessité d’un accord ambitieux lors de la COP26, ce texte cosigné par plus de cent trente sénateurs de toutes les sensibilités politiques s’inscrit plus que jamais dans l’actualité.
En première lecture, le travail des deux rapporteurs, nos collègues Guillaume Chevrollier et Jean-Michel Houllegatte, avait permis d’enrichir fortement le texte.
Je me réjouis de voir qu’une grande partie des mesures adoptées au Sénat ont été conservées à l’Assemblée nationale. L’instauration d’un observatoire des impacts environnementaux du numérique paraît en effet indispensable pour permettre à la France de poursuivre la réflexion sur ce sujet.
Le renforcement du délit d’obsolescence programmée et son extension à l’obsolescence logicielle, de même que le droit à la désinstallation des mises à jour non nécessaires me paraissent également pertinents et nécessaires. À l’heure où la durée de vie moyenne d’un smartphone est de vingt-quatre mois, cette législation permettra aux utilisateurs de renouveler leur smartphone ou leur tablette par besoin et non par obligation.
Comme un certain nombre de mes collègues, je regrette néanmoins qu’une mesure introduite au Sénat permettant d’exonérer de la rémunération pour copie privée les appareils reconditionnés n’ait pas été conservée.
Il me paraît invraisemblable de soutenir l’idée d’une plus longue utilisation, d’une plus grande réutilisation des équipements numériques et de les assujettir à une redevance qui ne devrait concerner que les équipements neufs. C’est contraire à l’esprit de la proposition de loi. Certes, un taux spécifique et réduit s’appliquera pour les équipements reconditionnés, et les acteurs de l’économie sociale et solidaire en seront exonérés. Néanmoins, quel mauvais message que celui de taxer ce que nous voulons encourager !
Je souhaiterais enfin revenir sur les mesures introduites par l’Assemblée nationale, notamment sur la mutualisation des infrastructures servant de support aux antennes relais.
Comme beaucoup d’entre vous, j’ai été alerté par de nombreux élus locaux, désemparés devant des projets d’installation de pylônes dont vous avez dit vous-même voilà quelques jours, monsieur le secrétaire d’État, dans cet hémicycle, qu’ils pouvaient parfois être « anarchiques ».
J’ai déposé une proposition de loi visant à rendre obligatoires les mutualisations de pylônes, partout où cela est possible, afin de redonner du pouvoir aux maires.
Après avoir échangé avec vous, monsieur le secrétaire d’État, et avec l’Arcep, je me félicite que des mesures allant dans ce sens aient pu être votées à l’Assemblée nationale. Je pense notamment à l’obligation faite aux opérateurs de justifier auprès des maires qui en font la demande le choix de ne pas recourir à une solution de partage de site ou de pylône. Je pense également à l’ajout, dans les attendus, de la nécessité de protéger l’environnement.
À la veille du déploiement de la 5G et de la multiplication des antennes relais, ces mesures vont dans le bon sens, mais ne me paraissent pas suffisantes. Il est important de redonner aux maires la maîtrise de l’aménagement du territoire dont ils ont la responsabilité.
Compte tenu du calendrier législatif, nous avons fait le choix de voter ce texte conforme : il comporte des avancées significatives qui doivent être mises en œuvre au plus vite. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà un peu moins d’un an, ce texte transpartisan, issu des travaux de la mission d’information du Sénat sur l’empreinte environnementale du numérique, était examiné en première lecture.
Je me réjouis de le voir progresser vers une adoption, sachant qu’il n’existe à ce jour aucune législation robuste permettant de contrôler, de réguler ou de réduire les dommages indéniables du numérique, tel qu’il se pratique aujourd’hui, sur l’environnement.
Ignorée, minimisée, absente du débat public voilà encore peu, l’empreinte environnementale du numérique est devenue un sujet incontournable de la transition écologique. La durabilité et la sobriété, qui doivent être au cœur de la notion d’écoconception, ne peuvent plus être esquivées par les acteurs du numérique.
À la veille de la présidence française de l’Union européenne, ce texte est un premier jalon. Alors que le numérique est affiché comme l’une des priorités majeures de cette présidence, cette proposition de loi peut être une étape significative.
En première lecture, nous avons salué le renforcement des orientations de la proposition de loi sur plusieurs volets : lutte contre l’obsolescence programmée, qui n’a pas obtenu, jusqu’ici, les résultats escomptés ; soutien aux activités de reconditionnement, capital pour contrer la spirale du renouvellement permanent de nos terminaux ; obligation de l’écoconception ; empreinte environnementale des réseaux et centres de données ; et promotion de stratégies numériques responsables sur les territoires, car rien n’est solide ni efficace s’il ne se décline concrètement sur nos territoires.
Le chemin parcouru est donc satisfaisant. Demeurent cependant plusieurs frustrations et soucis dont plusieurs d’entre vous se sont déjà fait l’écho. Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale n’a pas toujours correspondu à la hauteur des enjeux soulevés au départ. Des dispositions structurantes ont vu leur portée réduite, quand elles n’ont pas été supprimées : l’assujettissement des biens reconditionnés à la rémunération pour copie privée et le référentiel de l’écoconception des services numériques sont nos deux principaux problèmes, sans oublier la suppression de l’allongement de la garantie légale de conformité de la durée des mises à jour.
Si nous regrettons indéniablement certaines évolutions, nous admettons qu’il ne faut pas occulter les avancées profondes de cette proposition de loi novatrice et attendue.
La proposition de loi visant à renforcer la régulation environnementale du numérique par l’Arcep, rendue nécessaire après une erreur d’aiguillage, constitue un complément consensuel et utile que nous saluons.
Le mieux est l’ennemi du bien : quoique un peu à contrecœur, nous soutiendrons les coauteurs et notre commission, contraints par le calendrier parlementaire serré, qui veulent assurer une issue positive avec un vote conforme. Nous en convenons, mais je tiens à vous faire partager les inquiétudes que suscitent plusieurs dispositions.
Lors du débat à l’Assemblée nationale, sénateurs et députés, notamment les membres de la commission, ont été quelque peu court-circuités par le Gouvernement, qui a entériné la décision unilatérale de la commission pour la rémunération de la copie privée et décidé d’inscrire dans le marbre de la loi l’assujettissement à la redevance d’une partie de la filière du réemploi et du reconditionné.
Comment ne pas considérer les conséquences économiques et sociales désastreuses que cette décision pourrait entraîner sur l’activité et les emplois de cette filière encore fragile et en plein essor ? Le coût supplémentaire risque d’être dissuasif pour les consommateurs, qui se dirigeront vers du neuf bas de gamme ou du reconditionné importé au bilan carbone déplorable. Est-ce vraiment l’esprit du texte que nous voulions voter ?
Mon groupe demande des mesures de soutien énergiques pour le reconditionné, secteur capital pour réduire l’empreinte environnementale. Si les produits issus du reconditionnement ne pouvaient obtenir une exonération totale de la rémunération pour copie privée, il faudrait au moins suspendre leur assujettissement jusqu’en juillet 2022 et limiter le taux à 1 %. Tel est l’objet de deux de nos amendements.
Mme la ministre Roselyne Bachelot avait promis des dispositifs de soutien consistants pour le secteur du reconditionnement ; nous les attendons toujours. Il est donc important d’avoir ce débat aujourd’hui et d’interpeller le Gouvernement, même si le vote conforme s’impose. Il faudra vite rassurer et conforter ce secteur essentiel, qui se sent à juste titre menacé. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai bien conscience que l’option majoritairement retenue ici est d’aboutir à un vote conforme, ce qui permettrait à ce texte de trouver son efficience au plus vite.
Cela peut d’autant plus aisément se comprendre que, la perfection n’étant pas de ce monde, la tentation est toujours grande de se dire que mieux vaut tenir que courir. Et pourtant, il nous est apparu que ce texte aurait pu être très sensiblement amélioré sans nécessairement en modifier l’économie globale.
C’est avec un regard positif sur l’idée consistant à adopter un texte sur ce sujet que nous avons poursuivi nos contacts et auditions, lesquels nous ont conduits à maintenir, malgré tout, un amendement à la présente proposition de loi.
L’exercice est complexe, comme cela a été souligné, puisqu’il s’agit de confronter protection de l’environnement et développement exponentiel du numérique, intrinsèquement énergivore.
Selon moi, cet exercice doit logiquement se traduire par l’institution de mesures de régulation, qui ne doivent pas toujours être considérées comme des obstacles au développement. Notre histoire montre que l’affichage de grandes ambitions publiques de régulation a parfois constitué un atout pour le développement de notre économie. Il ne s’agissait pas du numérique à l’époque, mais de l’électronique.
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
M. Gérard Lahellec. C’est pourquoi je m’étonne que l’obligation de l’écoconception des sites ait été transformée en une simple invitation à bien faire. Certes, ce n’est pas non plus une invitation à mal faire, mais cette disposition paraît très raisonnablement peu ambitieuse.
Ce dispositif de régulation, réécrit de manière à instituer de vrais référentiels opérationnels, c’est-à-dire standardisés, évolutifs et par catégorie de services numériques, aurait permis de contribuer grandement à la protection de l’environnement. De surcroît, il aurait positionné la France dans le marché de l’écoconception des services numériques, aujourd’hui en pleine croissance et amené à se développer très fortement demain.
La régulation environnementale est un moyen de favoriser l’accessibilité sociale des outils numériques. Il faut donner à chacune et à chacun, c’est-à-dire à tout le monde, les moyens d’être écologiste.
À cet égard, je m’étonne de la suppression de l’exonération du paiement de la rémunération pour copie privée, comme l’ont déjà souligné les orateurs précédents. Cette mesure permettait de réduire l’empreinte environnementale des produits tout en contribuant à améliorer leur accessibilité sociale. Tel est le sens de l’amendement que nous avons déposé et que notre rapporteur a, en quelque sorte, valorisé lors de son intervention.
Cette proposition de loi représente une première pierre, dont je salue la pose. Si j’encourage cette initiative, je regrette la nouvelle rédaction, qui a abandonné l’ambition initiale du texte – il faudra l’améliorer à l’avenir. Ce sont là autant de raisons qui nous conduisent à soutenir un amendement et à nous abstenir, en l’état, sur le texte définitif. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Hervé Maurey. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, en deuxième lecture, est l’aboutissement des travaux de la mission d’information mise en place en 2019, sous la houlette de Patrick Chaize et Jean-Michel Houllegatte, par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Ses travaux ont notamment permis de se pencher, pour la première fois, sur l’impact environnemental du numérique en France et d’élaborer un certain nombre de préconisations, reprises dans cette proposition de loi dont j’ai l’honneur d’être coauteur.
Nous pouvons nous féliciter que texte ait été voté à l’unanimité par l’Assemblée nationale, dans une version qui maintient en grande partie les apports de notre assemblée. Cela confirme, s’il en était besoin, que le Sénat n’est pas toujours à la traîne de l’Assemblée nationale en matière environnementale et qu’il n’est pas l’assemblée caricaturale que l’on veut parfois présenter sur ces questions.
Les députés ont ainsi conservé, voire conforté, un certain nombre de dispositions relatives à la sensibilisation des utilisateurs, à la limitation du renouvellement des terminaux, à l’efficience énergétique des centres de données et des réseaux et à la mise en œuvre de stratégies numériques responsables au niveau local.
Si nous pouvons nous réjouir que l’Assemblée nationale ait validé de nombreuses positions du Sénat, certaines modifications apportées par les députés sont regrettables, car en retrait par rapport à l’ambition exprimée par notre assemblée. Cela est d’autant plus regrettable qu’une partie de ces mesures visait à limiter le renouvellement des terminaux, qui représentent la très grande majorité – 70 % – de l’empreinte carbone totale du numérique en France.
L’allongement à cinq ans de la durée de la garantie légale de conformité ainsi que les différentes dispositions visant à créer la confiance et à rendre plus attractifs les produits reconditionnés ont été supprimés.
Comme cela a déjà été souligné, l’application de la rémunération pour copie privée aux produits reconditionnés, adoptée par l’Assemblée nationale, va avoir tendance à réduire la compétitivité de ces derniers – c’est une évidence.
Ces mesures sont perçues par de nombreux acteurs comme un nouveau recul du Gouvernement dans le domaine de l’économie circulaire. À cet égard, je rappellerai que les crédits du fonds de réparation et de réemploi, créé par le Sénat dans le cadre de la loi AGEC, ont été revus à la baisse de manière draconienne, au point de remettre en cause l’existence même de ce fonds.
Certaines mesures relatives à la promotion d’usages durables numériques ont également vu leur portée diminuée, l’Assemblée nationale ayant, dans certains cas, préféré l’incitation à l’obligation. C’est le cas notamment de l’information sur les émissions de la vidéo à la demande, que le Sénat avait adoptée sur ma proposition.
Compte tenu des contraintes liées à l’agenda parlementaire et des avancées qu’il permet néanmoins, seul un vote conforme nous garantit que ce texte, ainsi que la proposition de loi visant à renforcer la régulation environnementale du numérique par l’Arcep, de notre collègue Patrick Chaize, soit adopté avant la fin du quinquennat.
Pour cette raison, comme l’ensemble de mes collègues, je voterai en l’état ces propositions de loi, préférant regarder le verre à moitié plein, c’est-à-dire l’apport réel de ce texte par rapport au droit existant, plutôt que le verre à moitié vide. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Patrick Chaize applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la COP26 vient de s’ouvrir et nous venons de débattre de la nécessité d’un accord historique de réduction des émissions de gaz à effet de serre, pour espérer contenir le réchauffement climatique et respecter l’accord ambitieux signé à Paris en 2015.
Le dernier rapport du GIEC est venu une nouvelle fois tirer la sonnette d’alarme : en suivant la trajectoire actuelle, nous en serons déjà à 2 degrés de plus en 2050, ce qui signifie la disparition totale des coraux, un rendement agricole qui s’effondre, 8 % de la population face à d’importantes pénuries d’eau et, pour être très concret, la fonte de presque tous les plus hauts sommets français.
Face à ces données, des changements s’imposent à nous. Le numérique, qui permet bien sûr des progrès économiques, sociaux et écologiques, n’est pas en reste en matière d’empreinte carbone : on estime qu’il représente 2 % à 3 % des émissions de gaz à effet de serre en France – il pourrait même atteindre 7 % du total des émissions en 2040 si rien n’est fait.
Pour bien comprendre, on peut se référer à la notion d’« empreinte cachée » : chaque produit que nous utilisons a exigé beaucoup plus de ressources naturelles et nécessité une consommation de CO2 beaucoup plus importante que ce que son poids final pourrait laisser deviner ; il porte ainsi un « sac à dos invisible ».
L’Ademe a mis en lumière la face cachée écologique de plusieurs équipements de notre quotidien : pour un ordinateur de 2 kilos, il faut compter 600 kilos de minéraux, 200 kilos d’énergies fossiles et plusieurs milliers de litres d’eau douce ; on estime encore que le sac à dos écologique d’un téléphone portable de moins de 300 grammes pèse au moins 70 kilos.
C’est le sujet qui devrait nous préoccuper, puisque 81 % de l’empreinte environnementale du numérique repose sur le renouvellement des terminaux, notamment sur leur fabrication.
L’Assemblée nationale a globalement conforté le travail du Sénat en juin dernier. Malheureusement, de nombreux reculs sont aussi à déplorer. Je pense notamment à la suppression du crédit d’impôt à la numérisation durable des PME, à l’extension à cinq ans de la durée minimale de disponibilité des mises à jour de conformité, à la possibilité de rétablir les versions antérieures des logiciels pendant au moins deux ans, au rallongement de la durée légale de conformité. Toutes ces mesures visaient à freiner le renouvellement des terminaux.
L’abaissement de l’ambition du texte par rapport à la version du Sénat doit-il pour autant nous pousser à rejeter ces propositions de loi ? Je ne le crois pas.
Le calendrier législatif nous contraint à prendre une décision aujourd’hui : voter ces textes dans les mêmes termes que l’Assemblée nationale pour les voir définitivement adoptés avant les prochaines échéances électorales et la suspension des travaux parlementaires.
Aussi, malgré une certaine déception, le groupe du RDSE votera sans hésitation ces textes, qui participent incontestablement au verdissement du numérique, grâce au renforcement du délit d’obsolescence programmée – y compris logicielle –, au recours accru au recyclage, au réemploi et à la réparation des terminaux par les acteurs publics, au recours facilité aux pièces détachées pour les reconditionneurs ou encore à la mise en place d’opérations de collecte nationale s’accompagnant d’une prime au retour.
J’aimerais profiter de cette tribune pour rappeler que, sur ce sujet, on ne peut pas dire que rien n’a été fait. Les élus locaux, notamment, s’engagent progressivement sur le chemin de la sobriété numérique. La convention organisée voilà peu par les intercommunalités de France, à Clermont-Ferrand, a permis de mettre en lumière le manifeste Pour des territoires numériques responsables, adopté par davantage de collectivités.
Nous, parlementaires, avons également saisi le sujet lors du vote des lois AGEC et Climat et résilience.
Enfin, les data centers, souvent montrés du doigt, ont aussi fait aussi des efforts sur leur consommation d’énergie, qui n’a augmenté que de 1 % entre 2010 et 2018, alors que la quantité de calcul progressait de plus de 500 %.
Aussi, avec l’adoption définitive de ces deux propositions de loi, et sans excès d’optimisme, nous pouvons croire en la réalisation de l’objectif que s’est fixé la France pour 2030 : zéro émission nette de gaz à effet de serre et 100 % de biens et services numériques écoconçus. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, GEST et RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel.
M. Stéphane Sautarel. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les transitions écologique et numérique convergent et s’inscrivent au cœur de nos sociétés et de nos politiques publiques. La mission d’information relative à l’empreinte environnementale du numérique en France, conduite par nos collègues Patrick Chaize, Guillaume Chevrollier, Jean-Michel Houllegatte et Hervé Maurey, alors président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, a identifié un véritable angle mort de notre politique de lutte contre le réchauffement climatique. Je veux une nouvelle fois remercier nos collègues de cette initiative.
Si nous voulons atteindre les objectifs fixés dans l’accord de Paris, nous devons nous pencher sur la pollution causée par le secteur numérique. En ce sens, sur le fondement des vingt-cinq propositions figurant dans le rapport de nos collègues, nous avons été nombreux à cosigner cette proposition de loi et à contribuer à son adoption, ici même, en première lecture.
Son caractère transpartisan, sa dimension anticipatrice et préventive, attestant le rôle majeur du Sénat comme défricheur d’un champ émergent encore mal appréhendé, en font un texte novateur, à plusieurs titres.
Je crois au progrès, mais une innovation n’est pas bonne en soi ; elle doit faire sens. La responsabilité du politique est de ne pas rester à la surface des choses : elle est de résoudre les paradoxes et de décider. Le numérique, la connexion d’acteurs en réseau, l’intelligence artificielle peuvent aider à optimiser des ressources limitées ; là est l’enjeu, en effet, mais nous ne saurions y répondre sans évaluer ni anticiper les effets du numérique, ainsi replacés dans une approche globale tenant compte des effets de substitution.
Pour autant, le besoin d’innovation pour relever le défi environnemental est clair. Mais il y faut de la transparence, afin d’éviter de laisser la moindre place à l’obscurantisme, et des études d’impact ainsi que des encadrements doivent être proposés.
Plusieurs aspects de cette proposition de loi me semblent emblématiques de la nécessité d’une évolution de nos politiques publiques et de notre responsabilité collective en matière d’information, de formation et de prévention.
L’information et la formation, tout d’abord, sont essentielles si l’on veut rétablir la confiance dans la parole publique, dans une société frappée chaque jour davantage par des informations erronées, non hiérarchisées et provenant de sources invérifiables ou de fake news, lesquelles envahissent notre espace. À cet égard, l’éducation des plus jeunes, dès l’école, à une utilisation responsable des outils numériques constitue en soi un projet de société.
La prévention, ensuite, représente une innovation majeure pour nos politiques publiques. La plupart du temps, nous agissons en réaction, en correction. En l’espèce, avec cette proposition de loi, nous avons la possibilité d’anticiper, de prévenir. En effet, si nous ne faisons rien, la part du numérique dans les émissions de gaz à effet de serre passera de 2 % aujourd’hui à près de 7 % en 2040, soit une multiplication par 3,5. Cela, nous le savons ; c’est pourquoi cette proposition de loi novatrice, qui permettra d’agir sur divers leviers, est importante.
J’en viens à la responsabilité des entreprises en matière de réduction de l’empreinte environnementale du numérique. La prise de conscience par les entreprises de cette nouvelle dimension environnementale est déjà bien engagée, autour des axes suivants : mieux informer, mieux valoriser les actions, mieux intégrer cette question dans leur responsabilité sociale et environnementale.
Le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte), au travers duquel on ambitionnait de donner aux entreprises les moyens d’innover, de se transformer, de grandir et de créer des emplois, a fait l’objet d’une loi, promulguée le 22 mai 2019, qui sera, demain, j’en suis certain, utilement complétée. L’entreprise participe historiquement à l’intérêt général, en étant moteur du progrès économique et technologique, créatrice de lien social et lieu d’accomplissement personnel.
La France fait déjà figure de pionnière sur ces sujets, la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques et la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite Grenelle 2, formant notre arsenal juridique en matière de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Il est regrettable que, sur ce point, l’Assemblée nationale ait reculé.
Les entreprises, mais également les collectivités publiques, peuvent ainsi s’engager à réduire l’empreinte environnementale du numérique. C’est essentiel, la consommation électrique du numérique devant augmenter de 15 térawattheures d’ici à 2030, ce qui représente une augmentation de 25 % par rapport à 2015 et porterait la part du numérique à environ 15 % de la consommation électrique du pays.
Le texte adopté par l’Assemblée nationale, bien que largement modifié, n’est pas contraire à l’esprit de la proposition de loi originelle. Si l’on peut regretter, entre autres suppressions, celle du crédit d’impôt à la numérisation durable des TPE et PME, le texte issu du vote des députés comporte également des avancées, comme l’interdiction des techniques empêchant le consommateur d’installer les logiciels de son choix ou, surtout, la possibilité d’enjoindre à un opérateur de justifier sa volonté de ne pas s’implanter sur un site ou sur un pylône existant.
J’espère que nous pourrons adopter conforme ce texte à une très large majorité. Tel sera en tout cas le sens du vote du groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Prince. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Paul Prince. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’heure où les dirigeants du monde entier sont réunis dans le cadre de la COP26 pour travailler à la réduction des émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine, le Parlement poursuit son examen de la proposition de loi sénatoriale visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique, dont nous débattons aujourd’hui en deuxième lecture.
Deux ans après le début des travaux de la mission d’information que le Sénat avait constituée pour traiter ce sujet, je pense que nous ne pouvons que nous féliciter des avancées réalisées, non seulement au Parlement, mais également en dehors de celui-ci. La question de l’impact environnemental du numérique, autrefois négligée, voire ignorée, dans le débat public, est de plus en plus un sujet de préoccupation pour les élus, les citoyens et les professionnels du secteur.
Selon toutes les prévisions, cet impact environnemental va tendre à croître fortement au cours des années à venir, rendant plus que jamais nécessaire la mise en place d’une législation ambitieuse, traitant le problème sous tous ses aspects, de la consommation d’énergie à la valorisation des déchets.
Dans le texte voté par le Palais Bourbon, nombre de dispositions importantes adoptées ici ont été conservées. Je pense notamment aux mesures de sensibilisation du public ou encore au renforcement de la répression de l’obsolescence programmée. Un ajout est à souligner : l’article 15 bis, qui renforce la lutte contre les appels frauduleux, source de nuisances de plus en plus importante pour nos concitoyens.
En ce qui concerne les mesures relatives à la consommation d’énergie des centres de données, bien que l’on puisse regretter l’abaissement du seuil d’éligibilité au taux réduit de taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE), plusieurs des avancées adoptées par le Sénat, contenues dans le chapitre IV de la proposition de loi, ont été maintenues dans le texte qui nous est présenté aujourd’hui.
En revanche, cela a été indiqué, les députés ont fait preuve d’une excessive timidité sur la question des appareils d’occasion, qui est pourtant – je l’avais souligné lors de la discussion du texte en première lecture – le nerf de la guerre. En particulier, alors que le Sénat s’était prononcé en faveur d’une exonération totale de la rémunération pour copie privée (RCP) pour les appareils d’occasion, l’Assemblée nationale est revenue sur cette exonération, remplacée par un taux spécifique, sauf pour le secteur de l’économie sociale et solidaire.
Rappelons-le encore une fois, les terminaux numériques, c’est-à-dire les ordinateurs, les téléviseurs et les téléphones que nous avons dans nos poches, sont à l’origine de 81 % des émissions françaises du secteur. Il est donc indispensable de mener, en cette matière, une politique déterminée.
Le groupe Union Centriste votera pour cette proposition de loi. Au regard de l’importance des enjeux et des contraintes du calendrier parlementaire, l’adoption d’un texte identique à celui qui a été adopté par l’Assemblée nationale s’impose, même si celui-ci n’est pas complètement satisfaisant. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Marie Mercier applaudit également.)
Mme la présidente. La discussion générale commune est close.
Nous passons à la discussion, dans le texte de la commission, de la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France.
proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en france
Chapitre Ier
Faire prendre conscience aux utilisateurs de l’impact environnemental du numérique
Article 1er
(Non modifié)
Le second alinéa de l’article L. 312-9 du code de l’éducation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette formation comporte également une sensibilisation à l’impact environnemental des outils numériques ainsi qu’un volet relatif à la sobriété numérique. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville, sur l’article.
Mme Angèle Préville. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens avant toute chose à remercier les rapporteurs de cette proposition de loi ; celle-ci constitue non seulement une belle initiative, mais encore une avancée d’ores et déjà très vertueuse.
Cela dit, même si je salue le travail accompli, nous devrons rester vigilants, car ce n’est là qu’une première étape ; en effet, à se plonger dans l’univers caché du numérique et à découvrir la gabegie et le gâchis généralisés qui y règnent, notamment en matière de consommation d’électricité, on a de quoi rester perplexe.
Les premiers articles du texte prévoient la sensibilisation des collégiens, des lycéens et des ingénieurs, sujet en effet très important, placé pour cette raison au tout début de la proposition de loi. Nous disposons désormais de connaissances précises sur les matériaux et les outils numériques utilisés ; il est bon d’avoir en tête notamment ce que l’on appelle le MIPS, le Material Input per Unit of Service, défini comme la quantité de ressources nécessaires à la fabrication d’un produit ou d’un service – c’est le « sac à dos écologique » dont parlait notre collègue Éric Gold précédemment.
Ainsi un smartphone de 150 grammes nécessite-t-il, pour sa fabrication, 183 kilogrammes de matières premières ; cela représente un rapport de 1 200 pour 1. Le pire rapport est celui de la puce électronique, qui nécessite 32 kilogrammes de matières premières pour un produit de 2 grammes, soit un rapport de 16 000 pour 1.
Ces données doivent être portées à la connaissance de l’ensemble du public, notamment de nos enfants, en espérant qu’en matière de comportements consuméristes intenses chacun ralentisse – certains collègues ont fait mention d’un changement de smartphone, en moyenne, tous les deux ans.
Les data centers ont également été évoqués. Or, selon Philippe Luce, président d’Institut Datacenter, « il n’y a pas de bâtiment qui, au mètre carré, coûte plus cher qu’un centre de données de haut niveau », étant entendu qu’un centre de cloud peut occuper jusqu’à 600 000 mètres carrés – c’est le cas du plus vaste data center, situé en Chine. Il existe en outre ce que l’on appelle des « centres miroirs », qui sont surdimensionnés, les données pouvant être dupliquées jusqu’à sept fois.
Il nous faudra donc certainement légiférer davantage. En tout état de cause, il me semble important de porter ces faits à la connaissance du public.
Mme la présidente. Ma chère collègue, même si le sujet est d’importance, vous avez déjà largement dépassé votre temps de parole.
Mme Angèle Préville. Veuillez m’excuser, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 1er bis
(Non modifié)
Le deuxième alinéa de l’article L. 611-8 du code de l’éducation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette formation comporte une sensibilisation à l’impact environnemental des outils numériques ainsi qu’un volet relatif à la sobriété numérique. » – (Adopté.)
Article 2
(Non modifié)
I. – Le premier alinéa de l’article L. 642-3 du code de l’éducation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle vérifie que les formations d’ingénieur comportent un module relatif à l’écoconception des services numériques et à la sobriété numérique. »
II. – (Non modifié) – (Adopté.)
Article 3
(Non modifié)
Un observatoire des impacts environnementaux du numérique analyse et quantifie les impacts directs et indirects du numérique sur l’environnement ainsi que la contribution apportée par le numérique, notamment l’intelligence artificielle, à la transition écologique et solidaire. Il élabore une définition de la sobriété numérique.
Les travaux de l’observatoire des impacts environnementaux du numérique sont rendus publics et peuvent comporter des propositions visant à réduire les impacts environnementaux du numérique.
Cet observatoire est placé auprès de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie ainsi que de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, qui en assurent le secrétariat. Dans le cadre de ses missions, l’observatoire peut faire appel à des chercheurs et à des personnalités qualifiées. – (Adopté.)
Articles 4 et 5
(Suppressions maintenues)
Chapitre II
Limiter le renouvellement des terminaux
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Article 7 bis
(Non modifié)
Au premier alinéa de l’article L. 441-3 du code de la consommation, après le mot : « appareil », sont insérés les mots : « ou à limiter la restauration de l’ensemble des fonctionnalités d’un tel appareil ». – (Adopté.)
Article 7 ter
(Non modifié)
Le chapitre unique du titre IV du livre IV du code de la consommation est complété par un article L. 441-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 441-6. – Toute technique, y compris logicielle, dont l’objet est de restreindre la liberté du consommateur d’installer les logiciels ou les systèmes d’exploitation de son choix sur son terminal, à l’issue du délai prévu à l’article L. 217-12, est interdite, sauf si elle vise à assurer la conformité de ce terminal aux exigences essentielles mentionnées à l’article L. 34-9 du code des postes et des communications électroniques. »
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, sur l’article.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article 7 ter porte sur la liberté d’installer les logiciels de son choix sur son terminal.
À cette occasion, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous poser une question relative à une autre disposition législative qui fut adoptée à la quasi-unanimité par le Sénat et qui figure maintenant à l’article L. 441-3 du code de la consommation : « Toute technique, y compris logicielle, par laquelle un metteur sur le marché vise à rendre impossible la réparation ou le reconditionnement d’un appareil hors de ses circuits agréés est interdite. »
Le gouvernement auquel vous appartenez avait fait ajouter, à l’Assemblée nationale, qu’un arrêté était nécessaire pour rendre cette disposition effective. Or la loi à laquelle je fais référence a été promulguée le 10 février 2020 et je ne trouve nulle part trace d’un tel arrêté, pourtant fondamental pour permettre la mise en œuvre de cette mesure.
Aussi, je me permets de vous interroger : cet arrêté a-t-il été pris ? Si tel n’est pas le cas, quand le sera-t-il ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur Ouzoulias, je suis au regret de vous dire que, dans l’immédiat, je n’ai pas la réponse à votre question. En revanche, je m’engage à vous l’apporter dans les jours qui viennent.
M. Pierre Ouzoulias. Merci !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 7 ter.
(L’article 7 ter est adopté.)
Article 8
(Non modifié)
I. – L’article L. 217-22 du code de la consommation est ainsi modifié :
1° Les trois dernières phrases sont supprimées ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le vendeur informe le consommateur, de façon lisible et compréhensible, des caractéristiques essentielles de chaque mise à jour des éléments numériques du bien, notamment l’espace de stockage qu’elle requiert, son impact sur les performances du bien et l’évolution des fonctionnalités qu’elle comporte. »
II. – (Supprimé) – (Adopté.)
Article 9
(Non modifié)
I. – L’article L. 217-23 du code de la consommation est ainsi modifié :
1° A Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;
1° et 2° (Supprimés)
3° Sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque le contrat prévoit que le contenu numérique ou le service numérique est fourni pendant une durée supérieure à deux ans, le vendeur veille à ce que le consommateur soit informé de telles mises à jour et à ce qu’il les reçoive durant la période pendant laquelle le contenu numérique ou le service numérique est fourni en vertu du contrat.
« II. – Lorsque le consommateur n’installe pas, dans un délai raisonnable, les mises à jour prévues au I, le vendeur n’est pas responsable des défauts de conformité résultant uniquement de la non-installation des mises à jour concernées, à condition que :
« 1° Le vendeur ait informé le consommateur de la disponibilité des mises à jour et des conséquences de leur non-installation par le consommateur ;
« 2° Et que la non-installation ou l’installation incorrecte par le consommateur des mises à jour ne soit pas due à des lacunes dans les instructions d’installation fournies au consommateur. »
II. – (Supprimé) – (Adopté.)
Article 10
(Non modifié)
I. – La section 5 du chapitre VII du titre Ier du livre II du code de la consommation est complétée par un article L. 217-24 ainsi rédigé :
« Art. L. 217-24. – S’agissant des mises à jour de logiciel qui ne sont pas nécessaires au maintien de la conformité du bien, le vendeur respecte les conditions suivantes :
« 1° Le contrat autorise le principe de telles mises à jour et en fournit une raison valable ;
« 2° Le vendeur informe le consommateur, de manière claire et compréhensible, de chaque mise à jour envisagée, en lui précisant la date à laquelle elle intervient, et ce, raisonnablement en avance et sur un support durable ;
« 3° Chaque mise à jour est effectuée sans coût supplémentaire pour le consommateur ;
« 4° Le vendeur informe le consommateur que celui-ci est en droit de refuser chaque mise à jour ou, le cas échéant, de la désinstaller, si la mise à jour a une incidence négative sur son accès au contenu numérique ou au service numérique ou sur l’utilisation de ce contenu ou de ce service.
« Dans ce dernier cas, la résolution du contrat est de droit et sans frais pour le consommateur, dans un délai de trente jours, à moins que la mise à jour n’ait qu’une incidence mineure pour lui. Le consommateur ne peut toutefois résoudre le contrat si le vendeur lui a proposé de conserver le contenu numérique ou le service numérique sans modification, y compris au moyen d’une désinstallation de la mise à jour, et si ce dernier demeure en conformité dans les conditions prévues à la présente section. »
II. – (Supprimé) – (Adopté.)
Articles 11 et 11 bis
(Suppressions maintenues)
Article 12
(Non modifié)
I. – L’article L. 541-10-20 du code de l’environnement est complété par un III ainsi rédigé :
« III. – Les objectifs de recyclage, de réemploi et de réparation fixés par les cahiers des charges des éco-organismes ou des systèmes individuels agréés en application de l’article L. 541-10 sont déclinés de manière spécifique pour certains biens comportant des éléments numériques, au plus tard le 1er janvier 2028. »
II. – (Supprimé) – (Adopté.)
Article 12 bis A
(Non modifié)
I. – (Supprimé)
I bis. – Le II de l’article L. 541-10-20 du code de l’environnement est ainsi rédigé :
« II. – Lorsque cela est nécessaire pour atteindre les objectifs de collecte qui leur sont fixés en application de la présente section et afin de réduire les stocks d’équipements usagés inutilisés, les producteurs d’équipements électriques et électroniques ou leur éco-organisme mènent chaque année des opérations de collecte nationale accompagnées d’une prime au retour pour les particuliers qui rapportent les équipements dont ils souhaitent se défaire, pour les téléphones, les tablettes et les ordinateurs portables. »
II. – (Supprimé) – (Adopté.)
Article 12 bis
(Non modifié)
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les mesures qui pourraient être envisagées afin d’améliorer le recyclage, le réemploi et la réutilisation des équipements numériques et sur la faisabilité de ces mesures. – (Adopté.)
Article 13 A
(Suppression maintenue)
Article 13
(Non modifié)
L’article 55 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« À compter du 1er janvier 2023, lors de l’achat public de produits numériques disposant d’un indice de réparabilité, les services de l’État ainsi que les collectivités territoriales et leurs groupements prennent en compte l’indice de réparabilité défini à l’article L. 541-9-2 du code de l’environnement.
« À compter du 1er janvier 2026, lors de l’achat public de produits numériques disposant d’un indice de durabilité, les services de l’État ainsi que les collectivités territoriales et leurs groupements prennent en compte l’indice de durabilité défini au même article L. 541-9-2. » – (Adopté.)
Article 13 bis
(Non modifié)
Les équipements informatiques fonctionnels dont les services de l’État ou les collectivités territoriales et leurs groupements se séparent sont orientés vers le réemploi ou la réutilisation, y compris selon les modalités définies à l’article L. 3212-2 du code général de la propriété des personnes publiques, dans des proportions, selon un calendrier et suivant des modalités définis par décret.
Les équipements informatiques de plus de dix ans ne sont pas concernés par cette obligation. Ils sont orientés vers le recyclage. – (Adopté.)
Article 13 ter
(Non modifié)
À la première phrase du 3° de l’article L. 3212-2 du code général de la propriété des personnes publiques, après le mot : « publique », sont insérés les mots : « , aux organismes de réutilisation et de réemploi agréés “entreprise solidaire d’utilité sociale” ». – (Adopté.)
Article 14
(Suppression maintenue)
Article 14 bis AA
(Non modifié)
Le code de la consommation est ainsi modifié :
1° L’article L. 111-4, dans sa rédaction résultant de l’article 19 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, est ainsi modifié :
a) À la troisième phrase du premier alinéa, après le mot : « réparateurs », sont insérés les mots : « et les reconditionneurs » ;
b) Au deuxième alinéa, après le mot : « ouvrables », sont insérés les mots : « , dans des conditions non discriminatoires » et, après le mot : « professionnels », sont insérés les mots : « , aux reconditionneurs » ;
c) Au troisième alinéa, après le mot : « professionnels », sont insérés les mots : « , aux reconditionneurs » ;
2° À l’article L. 441-4, après la première occurrence du mot : « réparation », sont insérés les mots : « , du réemploi ou de la réutilisation ». – (Adopté.)
Article 14 bis A
(Suppression maintenue)
Article 14 bis B
(Non modifié)
L’article L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour les supports d’enregistrement d’occasion et ceux intégrés dans un appareil d’occasion au sens de l’article L. 321-1 du code de commerce qui font l’objet d’une mise en circulation après avoir subi des tests portant sur leurs fonctionnalités et établissant qu’ils répondent aux obligations légales de sécurité et à l’usage auquel le consommateur peut légitimement s’attendre et, le cas échéant, après avoir été l’objet d’une ou de plusieurs interventions afin de leur restituer leurs fonctionnalités initiales, notamment leurs capacités d’enregistrement, la rémunération due doit être spécifique et différenciée de celle établie pour les supports d’enregistrements neufs de même nature. La rémunération n’est pas due pour les supports d’enregistrement d’occasion ou intégrés dans un appareil d’occasion dont le reconditionnement a été effectué par une personne morale de droit privé remplissant les conditions prévues à l’article 1er de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire. Pour établir le montant de la rémunération, la commission définie à l’article L. 311-5 du présent code tient compte des différences de capacité d’enregistrement des supports, des usages ainsi que de la durée d’utilisation des appareils.
« Le montant de la rémunération fixée pour les supports mentionnés à l’avant-dernier alinéa du présent article ne peut être modifié avant le 31 décembre 2022. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, sur l’article.
Mme Laurence Muller-Bronn. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je salue le travail accompli par notre commission et par nos rapporteurs sur ce texte, qui va permettre de réduire enfin concrètement les impacts environnementaux du secteur numérique.
Au moment où la COP26 débute, sans grand espoir de parvenir à une stratégie mondiale pour limiter le réchauffement climatique, nous pouvons néanmoins, à l’échelon des États, agir concrètement et avec pragmatisme, secteur par secteur.
À cet égard, le numérique fait partie des activités que l’on doit cibler pour réduire, d’une part, une empreinte considérable sur les matières premières et, d’autre part, un bilan carbone qui ne cesse de s’alourdir avec la multiplication des usages et des supports.
J’ai un regret, toutefois, concernant la rémunération pour copie privée, qui, malgré l’opposition répétée du Sénat, frappera les produits issus du recyclage, alors qu’elle s’applique déjà aux produits neufs. Taxer des produits reconditionnés entre en contradiction avec les ambitions et les objectifs environnementaux de ce texte, mais, manifestement, les députés de la majorité et le Gouvernement ont préféré satisfaire des intérêts catégoriels, en l’occurrence ceux des acteurs culturels.
Néanmoins, le texte prévoit un taux réduit de redevance pour l’ensemble de la filière et préserve le secteur de l’économie sociale et solidaire de cette pénalité ; c’est pour cette raison que j’ai retiré mon amendement de suppression de l’article.
En effet, il aurait été inadmissible que les emplois créés par les activités de reconditionnement dans les ateliers d’insertion professionnelle soient menacés, car, s’il existe une catégorie qui doit être soutenue, c’est bien celle des emplois permettant aux plus précaires de se réinsérer par le travail. Ces emplois sont déjà peu nombreux ; faisons maintenant en sorte qu’ils puissent se développer.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 1 est présenté par M. Lahellec, Mme Varaillas, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 2 est présenté par MM. Fernique, Dantec, Dossus et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
Après le II bis de l’article L. 311-8 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un II ter ainsi rédigé :
« II ter. – La rémunération pour copie privée n’est pas due non plus lorsque les supports d’enregistrement sont issus d’activités de préparation à la réutilisation et au réemploi de produits ayant déjà donné lieu à une telle rémunération. »
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 1.
M. Pierre Ouzoulias. Je serai relativement bref, car notre collègue Chaize a déjà très bien défendu notre amendement, qui tend à rétablir la rédaction initiale de son texte – je comprends donc son intérêt pour notre proposition.
Nombre d’arguments ont été développés ici même quant à la nécessité de ne pas soumettre le matériel reconditionné à cette rémunération pour copie privée. Je veux en ajouter un, qui me semble fondamental, et que le Sénat, en particulier, ne saurait ignorer : le recyclage contribue également à réduire la fracture numérique. Dans les territoires où l’on connaît des difficultés d’achat, cette pratique permet de se doter, à très bon marché, voire gratuitement, d’outils numériques indispensables pour la vie sociale et administrative.
Il nous paraît donc extrêmement dommageable que le Gouvernement ait pesé de tout son poids, à l’Assemblée nationale, afin de revenir sur cette disposition.
Par ailleurs, en tant que membre de la commission de la culture, je m’interroge sur l’utilisation de la rémunération pour copie numérique pour irriguer le secteur culturel. Comme on dit chez moi, en Corrèze, « il pleut toujours où c’est mouillé ». (Sourires.) Je pense donc qu’il faudra revoir un jour la façon dont cette taxe est utilisée.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique, pour présenter l’amendement n° 2.
M. Jacques Fernique. Vous l’aurez compris, la portée de cet amendement est très simple : il vise à rétablir l’article 14 bis B dans sa rédaction initiale telle qu’adoptée par le Sénat en première lecture, mais également par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale.
Il s’agissait d’inscrire dans la loi l’exonération, pour les produits reconditionnés, du paiement de la rémunération pour copie privée.
Cet amendement n’a pas vocation à être adopté aujourd’hui. Notre objectif est avant tout d’obtenir une réponse de la part du Gouvernement ; monsieur le secrétaire d’État, que proposez-vous concrètement pour empêcher l’affaiblissement des entreprises du reconditionné, qui seront dorénavant concernées par le paiement cette redevance ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. Sur le fond, nous l’avons indiqué en discussion générale, nous ne pouvons que souscrire à cet amendement tendant à rétablir la rédaction sénatoriale de l’article, qui exonérait du paiement de la rémunération pour copie privée les biens reconditionnés ayant déjà fait l’objet d’un prélèvement lors de leur première mise en circulation.
Cette solution était équilibrée à plusieurs égards.
Tout d’abord, les reconditionnés n’étaient pas, jusqu’alors, assujettis à la RCP ; l’application de l’amendement que nous avions adopté en première lecture n’aurait donc pas enlevé un euro au monde de la culture : elle lui aurait seulement retiré une recette hypothétique.
Ensuite, l’article adopté par le Sénat ne conduisait pas à une exonération totale des équipements reconditionnés : auraient été exonérés les seuls biens ayant déjà fait l’objet d’un prélèvement lors de leur première mise en circulation.
En d’autres termes, un prélèvement aurait été exigé pour les équipements reconditionnés en dehors des frontières européennes. Je note que cette solution intermédiaire a d’ailleurs été retenue par plusieurs pays européens.
Ainsi, malgré notre accord sur le fond, nous ne pouvons que demander le retrait de cet amendement. À défaut, nous nous verrions contraints d’émettre un avis défavorable, dans la mesure où son adoption, en remettant en cause notre stratégie de vote conforme, compromettrait l’avenir de cette proposition de loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. Sur ce sujet, il me faut peser mes mots… Je crois avoir fait part, dans cet hémicycle comme devant l’Assemblée nationale, de ma position personnelle.
Il me semblait en effet qu’une forme de logique conduisait, pour des raisons environnementales, sociales et économiques, à ce que nous ne nous opposions pas au principe de la RCP. Personne ne nie la nécessité de mieux subventionner la culture. Il était probablement possible de le faire, d’un point de vue qui est celui de l’intérêt général, en s’intéressant un peu plus au « reconditionné à neuf » – même les acteurs purement privés du reconditionné ont un intérêt environnemental. Mais c’était sans compter les « vigies vigilantes » d’un progressisme culturel un peu daté !
Ce n’est donc pas ce qui s’est passé, pour des raisons bien détaillées dans de nombreux articles de presse, notamment ceux, excellents, du journaliste Marc Rees. Dont acte…
Au bénéfice des raisons exposées par M. le rapporteur Chevrollier et par M. Patrick Chaize, à savoir la nécessité de voter ce texte conforme, et puisque telle est, par ailleurs, la position du Gouvernement, j’émets un avis défavorable sur ces amendements et ne m’exprimerai pas sur les amendements nos 4 et 3, les dispositions visées étant à peu près les mêmes que celles dont nous sommes en train de débattre.
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Je souhaite simplement féliciter le ministère de la culture et l’industrie culturelle pour leur habileté à nous faire voter un article qui va à contre-courant de l’ensemble de la proposition de loi.
Je veux également exprimer mon regret que Mme la ministre de la culture ne soit pas présente dans l’hémicycle, comme elle l’a été à l’Assemblée nationale, pour défendre cette redevance. Vous voir nager à contre-courant, monsieur le secrétaire d’État, est un peu triste à regarder ! On est face à un braquage parlementaire parfait : la Commission pour la rémunération de la copie privée, mise sous pression par l’exécutif, a adopté un taux arbitraire de redevance, que le Gouvernement a présenté à l’Assemblée nationale comme un cadeau fait au secteur du reconditionnement…
Quant à nous, sénateurs, sous la pression du calendrier parlementaire, nous sommes placés devant le choix suivant : à prendre ou à laisser. Si ce texte permet de réaliser quelques pas en avant, il opère, en l’espèce, un vrai grand recul !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Je salue moi aussi la qualité des articles de M. Marc Rees, qui permettent de mieux renseigner le Sénat sur ce qui s’est cramé…, pardon, tramé – excusez mon lapsus, mes chers collègues, mais la carbonisation n’est pas loin ! – en dehors de cet hémicycle, obligeant notre collègue Patrick Chaize à renoncer à sa proposition.
Nous allons nous aussi retirer notre amendement, évidemment, car nous souhaitons absolument nous associer aux textes fondamentaux adoptés de façon unanime par le Sénat.
En matière numérique, monsieur le secrétaire d’État, le Sénat, qui est très souvent avant-gardiste, se trouve parfois bloqué par la ferme opposition du Gouvernement. Nous ferons le bilan de vos cinq années au pouvoir ; je relève en tout cas qu’un nombre important de dispositions votées par le Sénat – je pense notamment à l’interopérabilité – ont été bloquées par votre gouvernement, alors qu’elles auraient pu constituer des éléments de régulation extrêmement forts face aux Gafam.
Mme la présidente. L’amendement n° 1 est retiré.
La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote sur l’amendement n° 2.
M. Jacques Fernique. Comme je le disais précédemment, les acteurs du reconditionné et les milliers de personnes employées dans ce secteur ont besoin de réponses, au-delà même de cette question de la rémunération pour copie privée.
Chers collègues, nous ne vous forcerons pas à vous faire violence et à voter contre un amendement qui, sur le fond, si j’ai bien compris, a votre faveur. Nous avons donc à notre tour décidé de le retirer.
Mme la présidente. L’amendement n° 2 est retiré.
L’amendement n° 4, présenté par MM. Dossus, Fernique, Dantec, Benarroche, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Taillé-Polian et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Remplacer les mots :
et différenciée de celle établie pour les supports d’enregistrements neufs de même nature
par les mots :
, différenciée de celle établie pour les supports d’enregistrements neufs de même nature et limitée à 1 % du prix de vente final du produit mis en circulation
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Cet amendement vise à mettre en question le barème qui a été adopté.
L’article 14 bis B entérine la décision de la Commission pour la rémunération de la copie privée assujettissant les produits reconditionnés à une redevance. Pour un smartphone de seconde main, celle-ci s’élèvera à 10,08 euros.
Si la profession d’apothicaire a quasiment disparu, une forme d’expertise en matière de calculs au doigt mouillé semble avoir persisté au sein de la Commission pour la rémunération de la copie privée. Je vous conseille de lire le compte rendu de la réunion ayant entériné le taux qui nous est soumis aujourd’hui : c’est du grand art ! Retenez au moins qu’il a été fixé sans qu’aucun professionnel de la filière du reconditionné ait été auditionné, la commission reconnaissant manquer de temps, sous la pression du Gouvernement !
Quant aux fabricants de terminaux et aux représentants des ayants droit, ils étaient, eux, bien présents – les bons comptes se font entre bons amis ! Il n’y a là rien d’étonnant de la part d’une commission qui considère que nous sommes toujours à l’ère du magnétoscope et refuse de voir que les nouveaux usages culturels rendent cette redevance obsolète – à tout le moins conviendrait-il de la retravailler…
À 10,08 euros, la redevance représente 6 % du prix final de revente, et ce alors que les marges du secteur oscillent entre 3 % et 6 %. Nous proposons donc de la fixer à 1 %.
Rappelons, tandis qu’on s’apprête à saigner le secteur du réemploi, que le kérosène, lui, n’est toujours pas taxé ! En réalité, tout cela est dans la droite ligne de la politique écologique du Gouvernement. Les industries polluantes sont, au choix, soutenues par des milliards distribués sans contrepartie ou exonérées de taxes ou de redevances. Quant au secteur de la transition vers une économie vertueuse et locale, qui devrait être soutenu, il se voit de nouveau contrarié, entravé, freiné.
Bref, une fois de plus, voilà un grand recul dans un texte de petits pas.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur. Cet amendement vise à limiter le taux d’assujettissement des produits reconditionnés à la rémunération pour copie privée ; son adoption reviendrait à alléger le coût de la RCP pour le secteur des reconditionnés, ce qui irait évidemment, nous en sommes tous conscients, dans le bon sens.
Toutefois, nous ne pouvons qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement, pour des raisons que nous avons déjà exposées.
Cette redevance pour copie privée a fait l’objet de nombreuses discussions à l’Assemblée nationale. Un certain nombre d’amendements, qui ne sont certes pas totalement satisfaisants, y ont été adoptés. Je pense notamment à l’exonération du secteur de l’économie sociale et solidaire, ainsi qu’à la redevance « atténuée » à 35 % pour les smartphones et à 45 % pour les tablettes, même si le tarif reste de 10,08 euros.
Par ailleurs, l’article 14 bis C, il est vrai de moindre importance, me paraît tout à fait intéressant. Il prévoit en effet que le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 31 décembre 2021, un rapport portant sur la rémunération pour copie privée, analysant sa dynamique et son fonctionnement et formulant des pistes d’amélioration.
Il est prévu de surcroît, pour le 31 décembre 2022, une étude des impacts économiques de la rémunération pour copie privée, en particulier sur les supports d’enregistrement d’occasion. Cette étude devra également formuler des scénarios d’évolution possible de cette rémunération.
On ne peut que faire confiance aux uns et aux autres pour suivre les recommandations qui pourraient être issues de cette évaluation, même si, malheureusement, les éventuels dégâts ne seront constatés qu’a posteriori.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Dossus. Je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 4 est retiré.
L’amendement n° 3, présenté par MM. Dossus, Fernique, Dantec, Benarroche, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Taillé-Polian et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« La rémunération pour les supports mentionnés à l’avant-dernier alinéa du présent article n’est pas due jusqu’au 1er juillet 2022. »
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. J’ai bien noté que l’étude d’impact interviendrait après le vote de cette loi ; c’est intéressant…
L’adoption de cet amendement permettrait, précisément, de disposer d’une étude d’impact avant la mise en place de cette redevance, grâce au gel, jusqu’au 1er juillet 2022, de l’assujettissement à la rémunération pour copie privée du secteur du reconditionné.
Comme je l’ai expliqué au sujet de l’amendement précédent, une telle redevance à un tel taux met gravement en danger ce secteur. Le délai proposé vise à laisser le temps au Gouvernement de mettre en œuvre les consultations et les mesures de soutien nécessaires à sa survie.
Je l’ai dit : l’industrie culturelle, dans l’opacité des réunions d’une commission, sans aucune audition des acteurs du secteur concerné, vient se servir directement et sans vergogne dans les faibles marges d’un secteur en pleine émergence.
Cette question est aussi bien économique – ces entreprises sont un fleuron non délocalisable de notre industrie – que sociale – elles génèrent la création de plusieurs milliers de postes à haute valeur ajoutée – et environnementale – reconditionner un appareil, c’est-à-dire allonger sa durée de vie, constitue une mesure concrète pour la préservation des ressources.
Si le reconditionnement est une mesure concrète, il l’est également du point de vue du pouvoir d’achat. Les industriels du secteur sont contraints par les lois du marché et par les comportements d’achat de proposer des produits reconditionnés à une faible fraction de leur prix de vente initial. Ces produits permettent donc d’alléger les charges pesant sur le pouvoir d’achat des Français, tout particulièrement des ménages les plus modestes.
De plus, je le rappelle, le dernier alinéa de l’article 14 bis B prévoit que le montant de la redevance ne peut être modifié avant le 31 décembre 2022. Cette décision discutable est actuellement contestée devant le Conseil d’État. En votant cet article et en inscrivant ce barème dans le marbre de la loi, nous empêchons de fait les structures du reconditionné de faire valoir leurs droits devant la justice administrative.
Voilà pourquoi nous proposons de supprimer cet alinéa pour le remplacer par une mesure de gel de l’assujettissement à la RCP pour le secteur.
Nous ne nous faisons aucune illusion quant au sort qui sera réservé à cet amendement. Monsieur le secrétaire d’État, bien que vous ayez décidé, pour des raisons qui m’échappent, de ne pas développer votre avis sur les amendements nos 4 et 3, nous vous appelons solennellement à détailler le plan de soutien prévu pour assurer la survie de ce secteur et des milliers d’emplois qu’il génère.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. Pour les mêmes raisons que précédemment, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Dossus. Je retire l’amendement n° 3.
Mme la présidente. L’amendement n° 3 est retiré.
Je mets aux voix l’article 14 bis B.
(L’article 14 bis B est adopté.)
Article 14 bis C
(Non modifié)
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 31 décembre 2021, un rapport portant sur la rémunération pour copie privée définie au titre Ier du livre III du code de la propriété intellectuelle. Ce rapport détaille notamment l’évolution progressive de son assiette et de son barème depuis sa création. Il analyse sa dynamique, l’attribution effective de sa recette et les modalités de publication en libre accès de l’ensemble des données afférentes à cette dernière. Il formule des propositions visant à améliorer la transparence et l’efficacité du fonctionnement de la commission prévue à l’article L. 311-5 du même code et des pratiques de remboursement de ladite rémunération à destination des professionnels.
Le Gouvernement remet également au Parlement, au plus tard le 31 décembre 2022, une étude des impacts économiques de la rémunération pour copie privée, en particulier sur les supports d’enregistrement d’occasion au sens de l’article L. 321-1 du code de commerce. Cette étude formule des scénarios d’évolution possible de cette rémunération. – (Adopté.)
Article 14 bis
(Non modifié)
Le code de la consommation est ainsi modifié :
1° La section 3 du chapitre II du titre II du livre Ier est complétée par une sous-section 7 ainsi rédigée :
« Sous-section 7
« Information sur l’existence d’offres reconditionnées
« Art. L. 122-24. – Tout professionnel qui propose à la vente ou à la location des équipements terminaux mobiles neufs informe le consommateur de l’existence d’offres d’équipements terminaux mobiles reconditionnés. » ;
2° La sous-section 2 de la section 3 du chapitre IV du titre II du livre II est complétée par un article L. 224-27-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 224-27-3. – Préalablement à la conclusion d’un contrat, les fournisseurs de services d’accès à l’internet et de communications électroniques interpersonnelles accessibles au public communiquent, dans le cadre des informations sur les prix, pour une offre groupée de services ou une offre groupée de services et d’équipements terminaux, le prix des différents éléments de l’offre groupée dans la mesure où ils sont également commercialisés séparément. » ;
3° Au 2° de l’article L. 511-5, les mots : « et 3 » sont remplacés par les mots : « , 3 et 7 ». – (Adopté.)
Article 14 ter
(Non modifié)
Après l’article L. 541-9-3 du code de l’environnement, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 précitée, il est inséré un article L. 541-9-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 541-9-3-1. – Les distributeurs d’équipements informatiques communiquent sans frais aux consommateurs de leurs produits, au cours de leur utilisation, des alertes et conseils d’usage ou d’opérations d’entretien, de maintenance ou de nettoyage informatique afin d’optimiser leur performance, notamment la gestion de la mémoire et du stockage, dans le but d’allonger leur durée de vie. » – (Adopté.)
Article 14 quater
(Non modifié)
Le dernier alinéa du I de l’article L. 34-9 du code des postes et des communications électroniques est ainsi rédigé :
« Les fabricants ou les importateurs de terminaux radioélectriques destinés à être connectés à un réseau ouvert au public pour la fourniture du service de téléphonie assurent la disponibilité d’écouteurs compatibles avec le modèle de terminal pendant sa période de commercialisation. » – (Adopté.)
Chapitre III
Faire émerger et développer des usages du numérique écologiquement vertueux
Article 15
(Suppression maintenue)
Article 15 bis
(Non modifié)
Le livre II du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° L’article L. 32 est complété par un 24° ainsi rédigé :
« 24° Système automatisé d’appels et d’envois de messages.
« On entend par système automatisé d’appels et d’envois de messages les systèmes émettant des appels ou des messages de manière automatique vers plusieurs utilisateurs finals conformément aux instructions établies pour ce système. » ;
2° L’article L. 44 est ainsi modifié :
a) Le V est ainsi modifié :
– au premier alinéa et à la fin du deuxième alinéa, les mots : « de l’Union européenne » sont remplacés par le mot : « national » ;
– après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le deuxième alinéa du présent V ne s’applique pas à l’acheminement des appels et messages reçus par des utilisateurs finals en situation d’itinérance internationale sur le territoire national présentant comme identifiant d’appelant un numéro issu du plan de numérotation établi par l’autorité. » ;
– après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les mêmes deux premiers alinéas ne s’appliquent pas à l’acheminement des appels et messages pour lesquels l’opérateur attributaire, dépositaire ou receveur du numéro utilisé en tant qu’identifiant d’appelant est en mesure de garantir, notamment aux autres opérateurs, pour chaque appel ou message, que l’utilisateur final émettant l’appel ou le message est bien l’affectataire dudit numéro ou que l’affectataire dudit numéro a préalablement donné son accord pour cette utilisation. » ;
b) Le VI est ainsi rétabli :
« VI. – L’autorité peut préciser les catégories de numéros du plan national de numérotation téléphonique qu’il est interdit d’utiliser comme identifiant de l’appelant présenté à l’appelé ou de l’expéditeur présenté au destinataire pour des appels ou des messages émis par des systèmes automatisés d’appels et d’envois de messages, ainsi que les conditions dans lesquelles cette interdiction s’applique.
« L’autorité peut préciser les mesures que les opérateurs mettent en œuvre pour interrompre l’acheminement des appels et des messages émis au départ de leurs réseaux, transitant à travers ceux-ci ou terminés sur ceux-ci qui ne respectent pas cette interdiction. » – (Adopté.)
Article 16
(Non modifié)
I. – Le chapitre IV du titre Ier du livre II du code des postes et des communications électroniques est complété par une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Régulation environnementale des communications électroniques
« Art. L. 38-6. – L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse et le Conseil supérieur de l’audiovisuel, en lien avec l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, définissent le contenu d’un référentiel général de l’écoconception des services numériques. Ce référentiel, s’appuyant notamment sur la définition de l’écoconception prévue à l’article 2 de la directive 2009/125/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’écoconception applicables aux produits liés à l’énergie, vise à définir des critères de conception durable des services numériques afin d’en réduire l’empreinte environnementale.
« Ces critères concernent notamment l’affichage et la lecture des contenus multimédias pour permettre de limiter le recours aux stratégies de captation de l’attention des utilisateurs des services numériques. »
II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2024.
Mme la présidente. L’amendement n° 5, présenté par Mme Benbassa, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer treize alinéas ainsi rédigés :
« II. – Dans les conditions définies au présent article, est rendue obligatoire l’écoconception des services de communication au public en ligne des organismes suivants :
« 1° Les personnes morales de droit public, à l’exclusion des collectivités territoriales et de leurs groupements dont la population est inférieure à un seuil fixé par le décret en Conseil d’État mentionné au III ;
« 2° Les personnes morales de droit privé délégataires d’une mission de service public, ainsi que celles créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial et dont :
« a) Soit l’activité est financée majoritairement par une ou plusieurs personnes mentionnées «
« b) Soit la gestion est soumise à leur contrôle ;
« c) Soit plus de la moitié des membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance sont désignés par elles ;
« 3° Les personnes morales de droit privé constituées par une ou plusieurs des personnes mentionnées aux 1° et 2° pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial ;
« 4° Les entreprises dont le chiffre d’affaires excède un seuil défini par le décret en Conseil d’État mentionné au III.
« III. – L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse contrôle le respect de l’obligation prévue au premier alinéa du II.
« En cas de manquement à cette obligation, la personne concernée est mise en demeure par l’Autorité de s’y conformer dans un délai qu’elle détermine. Lorsque l’intéressé ne se conforme pas, dans le délai fixé, à cette mise en demeure, l’Autorité peut prononcer à son encontre :
« 1° Une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement et à sa situation sans pouvoir excéder 3 % du chiffre d’affaires hors taxes du dernier exercice clos, ce plafond étant porté à 5 % en cas de nouvelle infraction. À défaut d’activité antérieure permettant de déterminer ce plafond, ou si le contrevenant n’est pas une entreprise, le montant de la sanction ne peut excéder 150 000 euros, porté à 375 000 euros en cas de nouvelle violation de la même obligation. Le présent 1° ne s’applique pas si le contrevenant est l’État ;
« 2° Une interdiction de la publication des services de communication au public en ligne concernés, jusqu’à ce que des actions visant à remédier au manquement aient été engagées.
« Les sanctions pécuniaires sont recouvrées comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Je salue vivement les travaux de la commission, qui ont rendu possible un tel texte. Il était en effet nécessaire de légiférer sur le sujet.
Cet amendement tend à préciser l’article 16, qui a pour objet de définir un « référentiel général d’écoconception des services numériques ».
Toutefois, l’article, en l’état, n’indique pas la portée du dispositif visé. Il ne précise rien de ce que comportera ce référentiel. Il ne dit mot du cadre de conformité à la loi ni même d’éventuelles sanctions prévues en cas de non-respect du référentiel.
L’Assemblée nationale a vidé l’article de sa substance. Pourtant, le Sénat avait adopté en première lecture une version claire qui ne laissait pas de place à l’interprétation. Il faut y revenir, afin de sécuriser le principe du référentiel d’écoconception et d’éviter un possible détournement dans le cadre des décrets d’application.
Par cet amendement, je souhaite garantir à tous les citoyens, notamment à ceux qui sont victimes de la fracture numérique, un traitement équitable face à la numérisation de l’État.
Nous savons combien il est difficile, pour les personnes en situation de handicap et les personnes les plus âgées, d’avoir recours aux services numériques. L’administration et les grandes entreprises doivent toutes tendre vers l’écoconception, qui rend possible l’accessibilité numérique.
Enfin, cet amendement vise à définir un cadre cohérent de mise en œuvre, assorti d’un régime de sanctions préétabli par la commission.
Plus le référentiel d’écoconception sera précis, mieux ses objectifs seront définis, plus il sera facile de le mettre en application. Nous ne devons pas laisser de place au flou.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur. Sur le fond, nous ne sommes pas opposés à l’application d’un référentiel d’écoconception aux personnes publiques et aux personnes privées délégataires d’une mission de service public, comme le prévoyait la proposition de loi initiale.
Toutefois, après avoir entendu de nombreux acteurs, nous avions fait le choix, en première lecture, d’exclure ces personnes du champ du dispositif, afin d’en faciliter l’application. Une telle modification n’avait en rien affaibli l’effectivité de la mesure, dans la mesure où le périmètre que nous avions retenu permettait de cibler les principaux fournisseurs de services numériques.
En effet, conformément à la loi de Pareto, que nous avons évoquée tout à l’heure, 80 % du trafic provient de quinze fournisseurs seulement. Imposer un référentiel d’écoconception aux personnes publiques et aux personnes privées dotées d’une mission de service public aurait, dans ce cas, peu d’incidence.
En outre, l’adoption de cet amendement remettrait en cause notre stratégie d’adoption conforme de cette proposition de loi.
C’est pourquoi nous avons émis un avis défavorable sur cet amendement. Toutefois, nous constatons deux choses.
Premièrement, les députés ont élargi à l’ensemble des écoles d’ingénieurs, sans la réserver aux écoles d’ingénieurs du domaine de l’informatique, l’obligation d’une formation comportant un module relatif à l’écoconception des services numériques et à la sobriété numérique.
Deuxièmement, la mention d’un référentiel général de l’écoconception s’appuyant sur la définition prévue dans la directive européenne du 21 octobre 2009 a été maintenue ; un tel référentiel devra entrer en application le 1er janvier 2024. Cette obligation s’appliquera, en quelque sorte, sur la base du volontariat. Ce que je souhaite, c’est que le name and shame permette de poursuivre le combat en faveur d’un référentiel d’écoconception s’imposant à tous.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 16.
(L’article 16 est adopté.)
Article 16 bis
(Non modifié)
I. – La section 3 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code des postes et des communications électroniques, telle qu’elle résulte de l’article 16 de la présente loi, est complétée par un article L. 38-8 ainsi rédigé :
« Art. L. 38-8. – Le Conseil supérieur de l’audiovisuel, en lien avec l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, publie une recommandation quant à l’information des consommateurs par les services de télévision, les services de médias audiovisuels à la demande et les services de plateforme de partage de vidéos, définis à l’article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, en matière de consommation d’énergie et d’équivalents d’émissions de gaz à effet de serre de la consommation de données liée à l’utilisation de ces services, en tenant compte notamment des modalités d’accès à ces contenus et de la qualité de leur affichage. »
II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2023. – (Adopté.)
Article 16 ter
(Non modifié)
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le développement des cryptomonnaies, sur ses enjeux et sur ses impacts environnementaux actuels et à venir.
Ce rapport, dans le cadre de l’élaboration de la stratégie numérique responsable, s’attache notamment à estimer l’impact environnemental de l’hébergement sur du “hardware” de particuliers par des sociétés spécialisées dans le minage, aux fins de leur permettre de miner rentablement des cryptomonnaies à l’étranger, organisant ainsi une exportation de consommation d’énergie fossile et d’émissions de gaz à effet de serre. – (Adopté.)
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Chapitre IV
Promouvoir des centres de données et des réseaux moins énergivores
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Article 21 bis
(Suppression maintenue)
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Article 23
(Non modifié)
La section 1 du chapitre II du titre Ier du livre II du code des postes et des communications électroniques est complétée par un article L. 33-16 ainsi rédigé :
« Art. L. 33-16. – Les opérateurs de communications électroniques publient des indicateurs clefs sur leurs politiques de réduction de leur empreinte environnementale, notamment en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de renouvellement et de collecte des terminaux mobiles portables, d’écoconception des produits et des services numériques qu’ils proposent, de recyclage et de réemploi des boîtiers de connexion internet et des décodeurs ainsi que de sensibilisation aux usages responsables du numérique.
« Un décret précise le contenu et les modalités d’application de l’obligation prévue au premier alinéa ainsi que le seuil de chiffre d’affaires annuel réalisé en France en deçà duquel les opérateurs de communications électroniques n’y sont pas assujettis. Les indicateurs mentionnés au même premier alinéa doivent notamment s’inscrire en cohérence avec les objectifs fixés par la stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone mentionnée à l’article L. 222-1 B du code de l’environnement. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, sur l’article.
Mme Nadia Sollogoub. Lors de la première lecture de ce texte, j’avais déposé un amendement visant à améliorer l’entretien des lignes cuivre et du réseau filaire, notamment dans les zones rurales, qui attendent encore le déploiement complet de la fibre.
Cet amendement avait été rejeté au motif qu’un cadre de régulation existe déjà. Celui-ci, néanmoins, n’est pas satisfaisant, ce dont le Gouvernement s’est récemment ému. En mai 2021, M. Jean Castex a déclaré : « La réalité est que, pour des millions de Français, souvent situés dans des territoires isolés, le réseau cuivre reste l’unique solution pour communiquer et utiliser internet. Notre responsabilité est de ne pas les laisser de côté ».
Concrétisant cette volonté, que vous partagez, monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement a pris l’engagement de consacrer 500 millions d’euros à l’entretien du réseau cuivre.
Reste que, dans nos territoires, le compte n’y est toujours pas. Certains habitants ne disposent même pas de l’accès de base à une ligne fixe. Je vous ai déjà saisi sans succès, monsieur le secrétaire d’État, du cas d’un monsieur de 82 ans habitant la commune de Cervon, dans la Nièvre, qui se voit refuser l’accès à une ligne fixe à son domicile et, par suite, l’accès à un service de téléalarme.
Le présent article visant les engagements des opérateurs à réduire leurs émissions à effet de serre et leurs consommations énergétiques, je vous interpelle de nouveau à ce sujet.
Je partage l’objectif d’un accès au numérique partout sur le territoire, avec une empreinte environnementale réduite. En zone rurale, de nombreux habitants ne sont toujours pas éligibles à la fibre et ne le seront pas avant quelques années. L’objectif de 2025 sera probablement difficile à tenir.
Actuellement, en l’absence d’accès au très haut débit, l’usage de données mobiles telles que celles des réseaux 3G et 4G est favorisé par les opérateurs, car moins onéreux dans sa mise en œuvre. Or cette utilisation de données mobiles a un impact environnemental plus important.
Pour toutes ces raisons, monsieur le secrétaire d’État, j’y insiste une nouvelle fois, l’entretien des lignes cuivre et du réseau filaire est une priorité absolue, y compris d’un point de vue environnemental.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 23.
(L’article 23 est adopté.)
Article 23 bis A
(Non modifié)
Le D du II de l’article L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans les zones rurales et à faible densité d’habitation et de population définies par un décret pris après avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, il comprend également, pour information et à la demande du maire, la justification du choix de ne pas recourir à une solution de partage de site ou de pylône. » – (Adopté.)
Article 23 bis B
(Non modifié)
Après le 5° de l’article L. 135 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un 5° bis ainsi rédigé :
« 5° bis Fait état du niveau de partage actif et passif des infrastructures de téléphonie mobile sur le territoire national ; ». – (Adopté.)
Article 23 bis
(Suppression maintenue)
Article 24
(Non modifié)
I. – Après le mot : « discriminatoires », la fin de la première phrase du premier alinéa du I de l’article L. 42-1 du code des postes et des communications électroniques est ainsi rédigée : « en tenant compte des objectifs mentionnés à l’article L. 32-1, notamment des besoins d’aménagement du territoire et de l’objectif de protection de l’environnement. »
II. – (Non modifié) – (Adopté.)
Article 24 bis
(Non modifié)
I. – Après l’article L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un article L. 34-9-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 34-9-1-1. – Tout acquéreur ou preneur d’un contrat de bail ou de réservation d’un terrain qui, sans être soumis lui-même à l’article L. 33-1, destine ce terrain à l’édification de poteaux, de pylônes ou de toute autre construction supportant des antennes d’émission ou de réception de signaux radioélectriques aux fins de fournir au public un service de communications électroniques en informe par écrit le maire de la commune où se situe ce terrain ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale. Il joint à cette information un document attestant d’un mandat de l’opérateur de téléphonie mobile ayant vocation à exploiter ces installations. »
II. – La section 4 du chapitre V du titre II du livre IV du code de l’urbanisme est complétée par un article L. 425-16 ainsi rédigé :
« Art. L. 425-16. – Les travaux destinés à l’aménagement de terrains, à l’édification de poteaux, de pylônes ou de toute autre construction supportant des antennes d’émission ou de réception de signaux radioélectriques aux fins de fournir au public un service de communications électroniques ne peuvent être réalisés avant, s’il y a lieu, l’information mentionnée à l’article L. 34-9-1-1 du code des postes et des communications électroniques. » – (Adopté.)
Chapitre V
Promouvoir une stratégie numérique responsable dans les territoires
Article 25
(Non modifié)
I. – (Non modifié)
II. – Le I s’applique aux plans climat-air-énergie territoriaux dont l’élaboration ou la révision est décidée après la publication de la présente loi. – (Adopté.)
Article 26
(Non modifié)
I A. – Les communes de plus de 50 000 habitants définissent, au plus tard le 1er janvier 2025, une stratégie numérique responsable qui indique notamment les objectifs de réduction de l’empreinte environnementale du numérique et les mesures mises en place pour les atteindre.
Elles élaborent, au plus tard le 1er janvier 2023, un programme de travail préalable à l’élaboration de la stratégie mentionnée au premier alinéa, qui comporte notamment un état des lieux recensant les acteurs concernés et rappelant, le cas échéant, les mesures menées pour réduire l’empreinte environnementale du numérique.
La stratégie numérique responsable fait l’objet d’un bilan annuel dans le cadre du rapport sur la situation en matière de développement durable prévu à l’article L. 2311-1-1 du code général des collectivités territoriales.
Le contenu de cette stratégie et les modalités de son élaboration sont précisés par décret.
Le présent I A est applicable aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant plus de 50 000 habitants.
I. – À la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 2311-1-1 du code général des collectivités territoriales, après le mot : « rapport », sont insérés les mots : « , qui comprend notamment le bilan annuel de la stratégie numérique responsable mentionnée au I A de l’article 26 de la loi n° … du … visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, ».
II. – (Supprimé)
III. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2025. – (Adopté.)
Article 27
(Non modifié)
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur l’impact environnemental de la pratique du jeu à la demande. Le rapport s’attache à faire un bilan coûts-avantages de la pratique afin d’en mesurer au moins les effets nuisibles et bénéfiques. – (Adopté.)
Mme la présidente. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, je donne la parole à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.
M. Patrick Chaize. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il apparaît, à l’écoute de l’ensemble des orateurs de chacun des groupes, que la discussion de ce texte va connaître une issue favorable.
Je remercie encore une fois tous les groupes et tous les collègues ayant participé à ces travaux, qui nous ont occupés pendant plus de deux ans.
Je salue également mes collègues qui ont renoncé à leurs amendements cet après-midi pour respecter la « doctrine » dont nous étions convenus.
Le texte que nous nous apprêtons à voter est un texte fondateur. Grâce à cette proposition de loi, nous démontrons que le numérique, appréhendé jusqu’à présent comme un sujet virtuel, est en fait bien intégré dans notre monde réel. J’émets donc le vœu que cette loi REEN puisse rester la reine des lois, et qu’elle trouve rapidement son roi ! (Rires et applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour explication de vote.
M. Gérard Lahellec. Nous nous étions abstenus en première lecture, mais nous avons saisi l’occasion de cette deuxième lecture pour avancer un certain nombre de propositions qui, si elles avaient été adoptées, n’auraient pas modifié l’équilibre global du texte.
Nous avons pris acte du rapport de la commission. Par cohérence, nous préférons à cette heure faire le choix de l’abstention.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Avant de passer au vote, je voudrais vraiment me féliciter de la qualité des débats en deuxième lecture sur cette proposition de loi de notre collègue Patrick Chaize.
J’adresse aux deux rapporteurs, Jean-Michel Houllegatte et Guillaume Chevrollier, toutes mes félicitations pour le travail qu’ils ont réalisé. Merci à vous, monsieur le secrétaire d’État, de votre étroite et précieuse collaboration, qui a été soulignée.
Le Sénat a une nouvelle fois démontré qu’il était une force de proposition – il est opportun d’y insister –, comme dans de nombreux autres domaines.
Enfin, je remercie les deux groupes qui ont bien voulu retirer leurs amendements à l’article 14 bis B, ce qui nous a évité d’avoir à voter contre des amendements auxquels nous étions favorables ! (Sourires.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France.
(La proposition de loi est adoptée définitivement.) – (Applaudissements sur toutes les travées, à l’exception de celles du groupe CRCE.)
Mme la présidente. Nous passons à l’examen, dans le texte de la commission, de la proposition de loi visant à renforcer la régulation environnementale du numérique.
proposition de loi visant à renforcer la régulation environnementale du numérique par l’autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse
Article unique
Le code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° L’article L. 32 est ainsi modifié :
a) Après le 10°, sont insérés des 10° bis et 10° ter ainsi rédigés :
« 10° bis Systèmes d’exploitation.
« On entend par systèmes d’exploitation les logiciels contrôlant les fonctions de base du matériel et les ressources logicielles d’un équipement terminal, permettant d’y exécuter des applications et aux utilisateurs d’en faire usage.
« 10° ter Fournisseurs de systèmes d’exploitation.
« On entend par fournisseur de système d’exploitation toute personne qui, à titre professionnel, édite ou adapte le système d’exploitation d’équipements terminaux ou qui édite ou adapte tout autre logiciel contrôlant l’accès aux fonctionnalités desdits équipements. » ;
b) Après le 11°, il est inséré un 11° bis ainsi rédigé :
« 11° bis Centres de données.
« On entend par centres de données les installations accueillant des équipements de stockage de données numériques. » ;
c) Il est ajouté un 32° ainsi rédigé :
« 32° Opérateur de centre de données.
« On entend par opérateur de centre de données toute personne assurant la mise à disposition d’infrastructures et d’équipements hébergés dans des centres de données à des tiers. » ;
2° Le I de l’article L. 32-4 est ainsi modifié :
a) Le 2° est complété par les mots : « , et les informations ou documents nécessaires relatifs à l’empreinte environnementale du secteur des communications électroniques ou des secteurs étroitement liés à celui-ci, pour s’assurer du respect par ces personnes des principes définis à l’article L. 32-1 ainsi que des obligations qui leur sont imposées par le présent code ou par les textes pris pour son application » ;
b) Après le 2° bis, il est inséré un 2° ter ainsi rédigé :
« 2° ter Recueillir, auprès des fournisseurs de services de communication au public en ligne, des opérateurs de centre de données, des fabricants d’équipements terminaux, des équipementiers de réseaux et des fournisseurs de systèmes d’exploitation, les informations ou documents nécessaires relatifs à l’empreinte environnementale du secteur des communications électroniques ou des secteurs étroitement liés à celui-ci, pour s’assurer du respect par ces personnes des principes définis à l’article L. 32-1 ainsi que des obligations qui leur sont imposées par le présent code ou par les textes pris pour son application ; »
3° Après le 7° de l’article L. 36-6, il est inséré un 8° ainsi rédigé :
« 8° Les contenus et les modalités de mise à disposition, y compris à des organismes tiers recensés par l’Autorité, d’informations fiables relatives à l’empreinte environnementale des services de communication au public en ligne, des équipements terminaux, des systèmes d’exploitation, des centres de données, des réseaux, notamment des équipements les constituant, et des services de communications électroniques, ainsi que la détermination des indicateurs et des méthodes employés pour la mesurer. » ;
4° L’article L. 36-11 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « ligne », sont insérés les mots : « , des opérateurs de centre de données, des fabricants de terminaux, des équipementiers de réseaux, des fournisseurs de systèmes d’exploitation » ;
b) Au premier alinéa du I, après le mot : « ligne », sont insérés les mots : « , un opérateur de centre de données, un fabricant de terminaux, un équipementier de réseaux, un fournisseur de système d’exploitation » ;
c) Au sixième alinéa du même I, après le mot : « fournisseur », sont insérés les mots : « , l’opérateur de centre de données, le fabricant de terminaux, l’équipementier de réseaux » ;
d) À la première phrase du II, après la première occurrence du mot : « services », sont insérés les mots : « , un opérateur de centre de données, un fabricant de terminaux, un équipementier de réseaux, un fournisseur de système d’exploitation » ;
e) Après le neuvième alinéa du III, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La formation restreinte peut prononcer à l’encontre de l’opérateur de centre de données, du fabricant de terminaux, de l’équipementier de réseaux ou du fournisseur de système d’exploitation en cause une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 3 % du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé par l’entreprise en cause au cours de l’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre, taux qui est porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation. Si les comptes de l’entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d’affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l’entreprise consolidante ou combinante. À défaut d’activité permettant de déterminer ce plafond, le montant de la sanction ne peut excéder 150 000 €. Ce montant est porté à 375 000 € en cas de nouvelle violation de la même obligation. » ;
5° À la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 40, la référence : « et 2° bis » est remplacée par les références : « , 2° bis et 2° ter » ;
6° Le 3° de l’article L. 135 est complété par les mots : « , et dresse un bilan de l’empreinte environnementale du secteur des communications électroniques, des terminaux et des centres de données ».
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique.
(L’article unique est adopté.)
Après l’article unique
Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Le code de la consommation est ainsi modifié :
1° L’article L. 111-6 est ainsi rédigé :
« Art. L. 111-6. - Le producteur de biens comportant des éléments numériques informe le vendeur professionnel de la durée au cours de laquelle les mises à jour logicielles, que le producteur fournit, restent compatibles avec les fonctionnalités du bien. Le vendeur met ces informations à la disposition du consommateur.
« Le producteur informe le consommateur, de façon lisible et compréhensible, des caractéristiques essentielles de chaque mise à jour des éléments numériques du bien, notamment l’espace de stockage qu’elle requiert, son impact sur les performances du bien et l’évolution des fonctionnalités qu’elle comporte.
« Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret. » ;
2° L’article L. 217-22, tel qu’il résulte de la loi n° du visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, est ainsi rédigé :
« Art. L. 217-22. - La garantie commerciale est fournie au consommateur de manière lisible et compréhensible sur tout support durable, et au plus tard au moment de la délivrance du bien. Elle précise le contenu de la garantie commerciale, les modalités de sa mise en œuvre, son prix, sa durée, son étendue territoriale ainsi que le nom et les coordonnées postales et téléphoniques du garant.
« En cas de non-respect de ces dispositions, la garantie commerciale demeure contraignante pour le garant.
« En outre, la garantie commerciale indique, de façon claire et précise, qu’elle s’applique sans préjudice du droit pour le consommateur de bénéficier de la garantie légale de conformité dans les conditions prévues au présent chapitre et de celle relative aux vices cachés, dans les conditions prévues aux articles 1641 à 1649 du code civil. Un décret fixe les modalités de cette information. » ;
3° L’article L. 217-23, tel qu’il résulte de la loi n° du visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, est ainsi rédigé :
« Art. L. 217-23. - Le producteur peut consentir au consommateur une garantie commerciale l’engageant pendant une période donnée, supérieure à deux ans, dénommée “garantie commerciale de durabilité”. S’il propose une telle garantie commerciale de durabilité, le producteur est directement tenu, à l’égard du consommateur, de réparer ou de remplacer le bien, pendant la période indiquée dans l’offre de garantie commerciale de durabilité ; il est également tenu de la mettre en œuvre dans des conditions identiques à la garantie légale.
« Le producteur peut offrir au consommateur des conditions plus favorables que celles décrites au premier alinéa.
« Les exigences prévues à l’article L. 217-22 sont applicables à la garantie commerciale de durabilité. » ;
4° L’article L. 217-24, tel qu’il résulte de la loi n° du visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, est ainsi rédigé :
« Art. L. 217-24. - I.- Tout professionnel opérant dans un secteur économique mentionné au III du présent article peut demander à l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation de prendre formellement position sur la conformité aux articles L. 217-21 à L. 217-23 de la garantie commerciale qu’il envisage de mettre en place.
« Cette prise de position formelle a pour objet de prémunir ce professionnel d’un changement d’appréciation de l’autorité administrative qui serait de nature à l’exposer à la sanction administrative prévue à l’article L. 241-14.
« L’autorité administrative prend formellement position sur cette demande dans un délai fixé par décret en Conseil d’État.
« Le silence gardé par l’autorité administrative à l’issue de ce délai vaut rejet de cette demande.
« II.- La validité de la prise de position mentionnée au I prend fin à compter de la date à laquelle :
« 1° La situation du professionnel n’est plus identique à celle présentée dans sa demande ;
« 2° Est entrée en vigueur une modification de dispositions législatives ou réglementaires de nature à affecter cette validité ;
« 3° L’autorité administrative notifie au professionnel, après l’avoir préalablement informé, la modification de son appréciation.
« III.- Un décret en Conseil d’État précise les secteurs économiques mentionnés au I dans lesquels se posent des difficultés particulières en matière de garantie commerciale appréciées en fonction de l’importance des manquements et des plaintes qui y sont constatés, de l’importance du surcoût supporté par les consommateurs lié à la garantie commerciale ou de la nature et de la récurrence des difficultés d’interprétation qu’y font naître les règles relatives aux garanties commerciales. » ;
5° À l’article L. 441-6, tel qu’il résulte de la loi n° du visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, la référence : « à l’article L. 217-12 » est remplacée par la référence : « au deuxième alinéa de l’article L. 217-3 ».
II. Les dispositions du I entrent en vigueur au 1er janvier 2022.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 2, présenté par MM. Chevrollier et Houllegatte, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 1
I. - Alinéas 8, 12 et 26
Supprimer les mots :
, tel qu’il résulte de la loi n° du visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France,
II. – Alinéas 16 à 25
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé
4° L’article [L. 217-24] est abrogé ;
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter le sous-amendement et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 1.
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur. L’Europe, dans sa grande bonté, a publié deux directives en 2019, la directive 2019/770 du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques et la directive 2019/771 du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens, qui avaient pour vocation de renforcer l’information du consommateur, ce qui est une bonne chose.
Ces deux directives ont été transposées au travers de l’ordonnance n° 2021-1247 du 29 septembre 2021 relative à la garantie légale de conformité pour les biens, les contenus numériques et les services numériques. Celle-ci a pour le moment force de loi, d’une certaine façon, et l’information du consommateur s’en trouve renforcée.
La PPL visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, que nous venons d’adopter, va en quelque sorte s’y substituer ; or elle comporte une malfaçon quand l’ordonnance, elle, traduisait quasi fidèlement ces directives européennes.
Cet amendement de coordination vise à remédier à cette incohérence en mettant notre PPL en parfaite adéquation avec la transposition des directives européennes telle qu’elle est prévue dans l’ordonnance.
Le sous-amendement n° 2 de la commission, quant à lui, tend tout simplement à corriger une coquille figurant dans l’ordonnance ; ainsi achevons-nous de ciseler le diamant !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article unique.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à renforcer la régulation environnementale du numérique par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse.
(La proposition de loi est adoptée.)
6
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 3 novembre 2021 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
De seize heures trente à vingt heures trente :
(Ordre du jour réservé au groupe RDPI)
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires (texte de la commission n° 72, 2021-2022).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures quinze.)
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
ÉTIENNE BOULENGER