Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Segouin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Vincent Segouin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, enfin la France est déconfinée ! Les Français revivent et profitent de leur liberté retrouvée. L’économie reprend souffle et la croissance semble au rendez-vous, à un peu plus de 5 %. Réjouissons-nous que le pays se relève d’une période longue et difficile, que nos entreprises se remettent en ordre de bataille et que l’emploi retrouve du dynamisme.
S’il est bon d’être optimiste, il est également de notre responsabilité d’être réalistes. En effet, bien que la croissance semble repartir à la hausse, cette reprise demeure loin de compenser les pertes que l’économie française a subies depuis la fin de 2019. De plus, nous sommes soumis au risque d’une inflation généralisée qui aurait des conséquences pour la Banque centrale européenne (BCE) et entraînerait l’augmentation des taux d’emprunt à plus ou moins long terme.
Nous observons également une dégradation de la dépense publique, domaine dans lequel nous sommes les plus mauvais d’Europe, notamment à cause de la logique du « quoi qu’il en coûte » financée par le recours systématique à la dette. De ce fait, nous risquons de ne pas renouer avec un niveau de déficit public compatible avec le seuil de 3 % avant 2027.
Enfin, rappelons que les quatre projets de loi de finances rectificative pour l’année 2020 ont fait bondir la dette de près de 20 points du PIB, ce qui constituera – je le dis avec certitude – une problématique réelle pour les contribuables, les entreprises et surtout les générations à venir. La charge de la dette est en effet lourde et ne doit pas être prise à la légère. Sa soutenabilité demeure en outre incertaine.
En tant que rapporteur spécial du budget de l’agriculture, je veux plus précisément revenir sur ce volet du projet de loi de finances rectificative, notamment en ce qui concerne les intempéries qui ont frappé notre pays en ce début d’année et qui ont occasionné des pertes considérables pour de nombreuses exploitations agricoles.
Je veux tout d’abord évoquer l’épisode de gel et ses conséquences pour nos agriculteurs, arboriculteurs et viticulteurs. On se souvient que le Premier ministre s’est rendu dans les territoires touchés en promettant aux exploitants une aide de 1 milliard d’euros pour compenser les pertes, sous forme d’aides directes ou d’exonérations de charges.
Ce PLFR aurait dû budgétiser la dépense annoncée. Or tel n’est pas le cas. Seuls 314 milliards d’euros ont été inscrits, dont en réalité 115 milliards sont destinés à l’indemnisation de l’épisode de gel, et 200 milliards sont consacrés aux promesses faites en 2020 concernant la betterave et la grippe aviaire.
Monsieur le ministre, j’imagine que vous allez nous dire que nous devons attendre le bilan final pour indemniser les exploitants. Cependant, je m’étonne que le Premier ministre puisse annoncer des aides aussi élevées sans avoir mesuré les pertes réelles, et que l’État intervienne de nouveau sur des risques assurables, quitte à créer un doute sur la nécessité de s’assurer ou pas, au moment où des discussions s’ouvrent dans ce domaine.
Nous demeurons dans la théorie du « quoi qu’il en coûte », qui repose sur un recours à la dette systématique. C’est un peu trop facile…
En second point, toujours en rapport avec l’agriculture, je veux revenir sur la décision qui a été adoptée dans le projet de loi de finances par votre majorité, concernant la révision du prix du kilowattheure pour les installations photovoltaïques d’une puissance supérieure à 250 kilowatts-crête. Cette partie de mon intervention fait suite à un amendement de mon collègue Laurent Duplomb, malheureusement déclaré irrecevable.
Pour rappel, le prix a été fixé contractuellement pendant vingt ans à 60 centimes, et sur une décision de votre gouvernement dans le dernier projet de loi de finances, il est passé à 2 centimes. Cette baisse conduira de nombreuses exploitations agricoles, qui ont investi dans cette énergie renouvelable, à la faillite. Comment l’État peut-il s’autoriser ainsi à ne pas respecter ses engagements contractuels ?
Décidément, les annonces ne sont pas budgétisées et les contrats ne sont pas honorés ! On ne s’étonnera donc plus du manque de confiance des Français dans la parole des politiques.
Ce projet de loi de finances rectificative soulève donc plusieurs questionnements relatifs à l’agriculture, et nous serions bien évidemment rassurés de vous entendre sur ces deux points, qui apparaissent incontournables dans l’examen de ce texte au Sénat. Nous attendons du Gouvernement une rigueur dans la tenue de ses engagements, et des éclaircissements sur des points qui demeurent incertains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Pour commencer, je veux en quelques mots remercier l’ensemble des intervenants de la discussion générale de la variété et de la richesse de leurs propos. Parmi les sujets abordés, nombreux sont ceux sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir au cours de l’examen des articles. Je veux cependant préciser d’emblée quelques points.
Tout d’abord, nous avons été amenés à suivre un calendrier plus resserré que nous ne l’envisagions. En effet, lorsque je suis venu présenter le décret d’avance devant la commission des finances de votre assemblée, c’était dans un délai rapide, et certains d’entre vous ont d’ailleurs considéré qu’il était peut-être précoce. Nous l’avons fait en pensant qu’il serait nécessaire de recourir à cette avance à l’entrée de ce mois de juillet.
En réalité, les crédits dont nous disposions avant le décret d’avance, en matière de fonds de solidarité et d’activité partielle sont épuisés, ou plutôt auraient été épuisés, depuis le début de cette semaine. Le décret d’avance nous permet donc de faire face aux engagements pris et d’apporter aux entreprises et aux bénéficiaires de ces aides les fonds nécessaires, sans qu’il y ait de rupture.
Par conséquent, nous avons déposé le projet de loi de finances rectificative, et il a été examiné, il y a quelques semaines, à l’Assemblée nationale. Nous nous sommes inscrits dans le cadre d’un calendrier parlementaire contraint par le cycle normal du travail des assemblées, et par un certain nombre d’échéances et de textes en discussion. Nous espérons une adoption définitive du texte d’ici au 21 juillet prochain. Ce décalage entre la date de fin de consommation des crédits, tels qu’ils étaient prévus initialement, et celle du 21 juillet prochain justifiait à la fois le décret d’avance et le fait que nous vous proposions de voter non seulement sa régularisation, mais aussi l’abondement d’une certaine partie des crédits.
Nombreux sont ceux qui, parmi vous, ont rappelé, ou en tout cas souligné, les interrogations qui demeurent sur le niveau de report des crédits, notamment ceux de la mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire », tels qu’ils avaient été votés dans le quatrième projet de loi de finances rectificative, et que nous avons reportés sur l’exercice 2021, à hauteur de 28,9 milliards d’euros. C’est une somme qui est importante, mais comme je l’ai dit devant la commission finances, son report reste, à nos yeux, tout à fait conforme aux règles organiques et constitutionnelles.
En effet, lorsque j’ai présenté le PLFR 4 pour 2020 devant le Parlement, nous avions retenu l’hypothèse, non pas d’un point de vue sanitaire, mais d’un strict point de vue budgétaire, d’un confinement de deux mois plutôt que d’un seul mois. Même si nous souhaitions l’inverse, nous savions que nous n’aurions pas d’autre possibilité d’abonder les crédits. Il valait donc mieux être prudent et prévoir le pire pour pouvoir y faire face.
Par ailleurs, nous avions estimé alors que le confinement du mois de novembre 2020 se traduirait par une perte d’activité de vingt points ; or celle-ci n’a atteint que onze points, si je puis le dire ainsi. Cette perte d’activité moindre et un confinement moins long que ce que nous avions craint sont les deux raisons qui expliquent que les mesures d’urgence n’aient pas été consommées et que nous ayons procédé à leur report pour financer celles rendues nécessaires par la troisième vague de l’épidémie, que personne n’avait ni imaginée ni bien sûr souhaitée.
M. Bocquet a abordé un point particulier, qui relève du projet de loi de financement de la sécurité sociale et qui porte sur la provision en matière de vaccins. Monsieur le sénateur, vous nous avez fait le reproche d’avoir inscrit seulement 1,5 milliard de crédits, alors que la campagne de vaccination coûte 5 milliards d’euros.
Si les chiffres sont justes, je veux rappeler que, au mois d’octobre dernier, lorsqu’Olivier Véran et moi-même avons défendu devant vous le projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous ne savions pas qu’un vaccin allait exister. Les tests étaient en cours, mais nous n’avions qu’un espoir et pas de certitude. Nous ne savions pas non plus à quelle date cet éventuel vaccin serait disponible ni à quel prix il serait commercialisé. J’avais dit devant vous, comme devant les députés, que la provision de 1,5 milliard d’euros avait été prévue en attendant de savoir comment la situation allait tourner en matière vaccinale.
C’est la raison pour laquelle j’assume aujourd’hui devant vous le fait que la campagne de vaccination que nous connaissons soit d’un coût supérieur à celui que nous avions prévu, puisque celui-ci flirtera effectivement avec les 5 milliards d’euros. Pour la campagne de tests, le coût flirtera aussi avec les 5 milliards d’euros. J’ai donc présenté, la semaine dernière, devant la commission des comptes de la sécurité sociale, au titre de ces deux campagnes, une dégradation du solde des administrations de sécurité sociale de 10 milliards d’euros.
Il me reste à aborder trois points, dont le premier concerne l’agriculture, même si M. le sénateur Segouin a déjà répondu à sa propre question. Nous ouvrons, en effet, 350 millions d’euros de crédits. Comme je l’ai indiqué dans mon intervention liminaire, il s’agit de faire face non seulement aux engagements relatifs à certains phénomènes comme la grippe aviaire ou la jaunisse de la betterave, mais aussi à une première tranche d’indemnisation pour les agriculteurs victimes du gel.
Nous savons, en effet, que les conséquences de cet épisode de gel sur la trésorerie et le revenu des agriculteurs vont intervenir au rythme des récoltes, et selon une saisonnalité particulière, que nous suivons. Je puis vous assurer que, comme ministre en charge des comptes publics, je suis particulièrement « comptable », si vous me permettez l’expression, des engagements pris par le Premier ministre, et que ceux-ci seront tenus.
Ils le seront à hauteur de 1 milliard d’euros, grâce à la mobilisation du dispositif d’exonérations, grâce aux fonds déjà inscrits dans le dispositif des calamités agricoles que nous allons évidemment renforcer, et grâce au vote de crédits spécifiques. L’ensemble des engagements sera tenu. Je détaillerai plus avant, dans la suite de la discussion, ce que recouvrent les 350 millions d’euros.
En deuxième point, je veux préciser qu’à la fin du mois de mai dernier, le plan de relance était engagé à hauteur de 36 milliards d’euros. Nous avons toujours comme objectif que 70 milliards d’euros soient engagés au 31 décembre prochain. Nous atteindrons ainsi 50 milliards d’euros de décaissements, puisque, bien évidemment, en matière de subventions aux collectivités, comme dans d’autres domaines, il y a un délai entre la mobilisation des crédits sous forme d’engagements et leur décaissement à réalisation, après parfois quelques procédures.
En troisième et dernier point, je veux souligner le fait que vous avez été nombreux à présenter des amendements. Comme à l’accoutumée, un certain nombre d’entre eux ne recueilleront pas un avis favorable du Gouvernement, mais d’autres en bénéficieront, dont notamment certaines dispositions évoquées par M. le rapporteur général, qui visent à élargir à certaines ressources fiscales spécifiques le « filet de sécurité » pour les collectivités d’outre-mer. Je reviendrai plus précisément sur ces aspects.
De manière plus générale, je veux vous dire que la reprise économique est bien là et que, à situation sanitaire constante – vous avez parfois fait part d’inquiétudes en la matière –, la reprise est là. Notre perspective de croissance est importante. La Commission européenne et l’OCDE considèrent que le taux de croissance de la France sera le plus élevé de la zone euro, à hauteur respectivement de 5,7 % et 5,8 %.
Nous avons fait le choix « prudent et réaliste en même temps », pour reprendre les termes de l’avis rendu par le Haut Conseil des finances publiques, de maintenir un taux de croissance à 5 % dans nos prévisions, car l’expérience de ces derniers mois nous a enseigné que, en matière de finances publiques, comme de conséquences de l’épidémie, la prudence commande et semble s’imposer.
Il faut compter avec d’autres bonnes nouvelles sur le front économique, notamment en ce qui concerne la consommation, au sujet de laquelle l’Insee a rendu public un rebond de 14 %. Les nouvelles sont également rassurantes en matière d’investissements des entreprises, qui rebondissent à hauteur de 9 %.
Le mois de mai qui s’est terminé a été caractérisé par un record de 785 000 embauches. L’Insee a, par ailleurs, indiqué que sa prévision de chômage pour l’année 2021 s’établissait à un taux de 8,5 %, aligné sur le niveau de la fin de l’année 2019. Ce chiffre s’explique par une perspective de création de plus de 300 000 emplois nets, alors que la crise nous a coûté 280 000 emplois au cours de l’année 2020.
Voilà autant de motifs et de raisons non seulement pour être confiants dans la reprise et le rebond économiques, mais aussi pour rester fidèles à notre ligne d’extinction progressive des mesures d’urgence. Le Premier ministre a précisé, le 10 mai dernier, les conditions dans lesquelles le fonds de solidarité allait être progressivement éteint : la prise en charge différentielle du chiffre d’affaires avec un caractère dégressif, ou bien la remontée à un niveau un peu plus important du reste à charge pour les employeurs, en matière d’activité partielle, et l’orientation des secteurs qui en ont le plus besoin vers l’activité partielle de longue durée.
Cet objectif est une forme de chemin de crête, qui nous impose de trouver le bon équilibre entre la mobilisation des derniers crédits supplémentaires, nécessaires à l’accompagnement des entreprises, et le retour à un niveau plus soutenable de dépenses publiques, indispensable si nous voulons financer nos priorités et un certain nombre de projets qui, je crois, sont attendus, et que, en tout cas, nous voulons mener à bien.
Madame la présidente, je vous prie de m’excuser d’avoir été un peu long. Je reviendrai sur certains points au cours de l’examen des articles.
Mme la présidente. Merci, monsieur le ministre, de ces précisions nécessaires.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
projet de loi de finances rectificative pour 2021
Article liminaire
La prévision de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques pour 2021 s’établit comme suit :
Cadre potentiel LPFP (En points de produit intérieur brut *) |
||
Exécution pour 2020 |
Prévision pour 2021 |
|
Solde structurel (1) |
-1,3 |
-6,3 |
Solde conjoncturel (2) |
-5,0 |
-3,0 |
Mesures ponctuelles et temporaires (3) |
-2,9 |
-0,1 |
Solde effectif (1 + 2 + 3) |
-9,2 |
-9,4 |
* Les montants figurant dans le présent tableau sont arrondis au dixième de point le plus proche ; il résulte de l’application de ce principe que le montant arrondi du solde effectif peut ne pas être égal à la somme des montants entrant dans son calcul. |
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article liminaire.
(L’article liminaire est adopté.)
PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
Mme la présidente. L’amendement n° 26 rectifié bis, présenté par MM. Delahaye, Canévet et Bonneau, est ainsi libellé :
Dans l’intitulé de cette division
Remplacer les mots :
de l’équilibre
par les mots :
du déséquilibre
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Il me semble difficile de continuer de parler des « conditions générales de l’équilibre financier », alors que nous votons depuis quarante ans des budgets en déficit ! Je ne vois pas comment les Français peuvent comprendre quelque chose aux finances publiques, si on leur parle toujours d’équilibre, alors que les finances sont totalement déséquilibrées. À un moment donné, il faut appeler un chat un chat ! Je pense donc qu’il faut plutôt parler des « conditions générales du déséquilibre financier ».
Cette proposition se justifie encore plus au sujet de ce projet de loi de finances rectificative, qui augmente, d’une façon jamais vue, le déficit de 55 milliards d’euros, pour le porter à 228 milliards d’euros. Or pour revenir à l’équilibre, dont on essaye de définir les conditions générales dans cette première partie du texte, il faudrait diviser les dépenses publiques par deux. Ce n’est pas ce que je demande, mais c’est ce qu’il faudrait faire pour arriver à l’équilibre.
Il faudrait supprimer toutes les missions, « Enseignement scolaire », « Recherche et enseignement supérieur », « Défense », « Sécurités », « Écologie, développement et mobilités durables », « Justice »… Excusez du peu ! Nous devrions rayer tout cela pour revenir à l’équilibre. Il faudrait aussi multiplier le montant des impôts par deux, ou bien multiplier celui de l’impôt sur le revenu par quatre.
L’effort doit être considérable pour revenir à l’équilibre qui est défini dans cette première partie. C’est la raison pour laquelle je considère qu’il faut rebaptiser celle-ci « Conditions générales du déséquilibre financier ». Compte tenu de l’ampleur de l’effort à fournir, quelques années passeront avant que nous ne puissions revenir à l’appellation actuelle qui, pour moi, est totalement fallacieuse et trompeuse. Je souhaite que l’on puisse changer le titre de cette première partie.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. M. le sénateur Delahaye veut changer un mot du titre de la première partie.
Monsieur Delahaye, comme vous l’avez dit, il s’agit d’un titre et le terme d’« équilibre » – on parle aussi de « solde » –peut témoigner d’un déficit ou d’un excédent. La dette permet d’arriver à une forme d’équilibre.
Même si je comprends les inquiétudes que vous relayez, celles-ci ne datent pas d’aujourd’hui, et sont vieilles, comme vous l’avez dit, de plus de quarante années. Le dernier budget en équilibre date de 1974 ! Nos prédécesseurs auraient donc pu avoir les mêmes inquiétudes.
Enfin, pensez-vous vraiment qu’en changeant un mot, on puisse guérir les maux de la gestion budgétaire de notre pays ? Je ne crois pas que nous devions nous en tenir là. C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. On ne peut pas en rester là ! « Un mot ne suffit pas à guérir tous nos maux », ce serait trop facile, effectivement, compte tenu de l’ampleur de ces maux ! Je les ai décrits rapidement et succinctement, mais je pourrais développer beaucoup plus, s’il le fallait.
Pour les Français qui nous écoutent – ils ne doivent pas être très nombreux – et qui cherchent à comprendre quelque chose aux finances publiques – ce cas n’est pas non plus forcément fréquent – nous nous devons au moins d’être clairs. Or, pour moi, parler clair, c’est parler du « déséquilibre financier ». Dire qu’« il peut y avoir un équilibre parce que l’on s’endette », c’est entrer dans des considérations financières qui ne sont pas compréhensibles par tout un chacun.
Il faut en revenir à des choses simples et appeler un chat un chat. Quand le déséquilibre financier est aussi important, on ne peut pas parler d’« équilibre financier » dans le titre de la première partie.
Peut-être que personne n’a pensé à changer ce titre auparavant, car effectivement cela fait quarante ans que les budgets sont en déficit. Je considère cependant qu’il est nécessaire de le modifier pour des raisons de sincérité.
M. le ministre dit toujours qu’il est sincère. Or je ne suis pas certain qu’il le soit tant que cela dans ce projet de loi de finances rectificative, comme j’aurai l’occasion de le montrer. Le texte sous-estime en effet largement les recettes, pour que le Gouvernement puisse dire en fin d’année que la situation est meilleure, ou en tout cas moins grave que ce qu’il avait prévu.
Je suis pour la sincérité, la franchise et la clarté dans l’examen des finances publiques. Je souhaite donc que l’on change le titre de cette première partie.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 26 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
Articles additionnels avant l’article 1er
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 75 rectifié bis, présenté par MM. Sautarel et Courtial, Mme Lopez, MM. Calvet et Chatillon, Mmes Belrhiti et Deromedi, MM. Perrin, Rietmann, Vogel, D. Laurent, Burgoa et Genet, Mme Di Folco, M. Rapin, Mme Joseph, M. Charon, Mmes Chauvin et Goy-Chavent et MM. Tabarot, Piednoir et Gremillet, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la première phrase du premier alinéa du 19° de l’article 81 du code général des impôts, le montant : « 5,55 » est remplacé par le montant : « 7,50 ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Stéphane Sautarel.
M. Stéphane Sautarel. Cet amendement vise à faire en sorte que le titre-restaurant soit utilisé comme un mécanisme de relance. Dans le cadre de la réouverture des restaurants, revaloriser sa valeur maximale permettrait, d’une part, d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés et, d’autre part, de soutenir les secteurs de la restauration et de l’alimentation. Il s’agit d’une mesure simple à mettre en place, qui pourrait bénéficier immédiatement aux 4,5 millions de Français qui l’utilisent.
C’est pourquoi, cet amendement vise à faire passer le plafond d’exonération de 5,55 euros à 7,50 euros.
C’est un soutien bienvenu, alors que le secteur de la restauration a subi deux longues périodes de fermeture administrative, et voit son activité encore fortement réduite par les jauges imposées par la situation sanitaire jusqu’à aujourd’hui.
Le titre-restaurant est un outil souple et performant pour agir sur le revenu net disponible, à moindre coût pour les entreprises, et avec l’assurance d’une consommation en circuit court auprès d’opérateurs locaux.
Mme la présidente. L’amendement n° 78 rectifié bis, présenté par MM. Nougein, Calvet, B. Fournier et Courtial, Mme Deromedi, MM. Regnard, Pellevat et Chasseing, Mme Belrhiti, M. Chatillon, Mme Imbert, M. Wattebled, Mme Dindar, MM. D. Laurent et Canévet, Mme Procaccia, M. Genet, Mmes N. Delattre, Berthet, Garriaud-Maylam et Lassarade, MM. Houpert et Charon, Mme Canayer, MM. Longeot et Guerriau, Mme Malet, MM. Grand, Moga et Brisson et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La limite d’exonération prévue au 19° de l’article 81 du code général des impôts est portée à 7,50 € par titre jusqu’au 31 décembre 2022.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Claude Nougein.
M. Claude Nougein. Le présent amendement vise à revaloriser la valeur faciale des titres-restaurants, dans le double objectif d’accroître le pouvoir d’achat des 4,3 millions de salariés qui en bénéficient, et de soutenir le secteur de la restauration, durement éprouvé dans le contexte de la crise sanitaire.
En pratique, cet amendement tend à relever le plafond d’exonération de l’impôt sur le revenu de la contribution patronale de 5,55 euros à 7,50 euros, ce qui permettrait aux entreprises qui le souhaitent de porter la valeur maximale du titre-restaurant à 15 euros, contre 11,10 euros actuellement.
La revalorisation du titre-restaurant constituerait ainsi un outil efficace de relance de l’économie. En outre, d’un point de vue budgétaire, cette mesure présente un caractère vertueux, puisqu’elle s’accompagnerait d’une augmentation des recettes fiscales assises sur la consommation de biens alimentaires, au premier rang duquel figure la TVA.
En parallèle, il convient de veiller à ce que les salariés soient en mesure d’écouler les titres-restaurants qui n’ont pas pu être utilisés jusqu’à présent, en raison des mesures sanitaires. À cet effet, le relèvement du plafond de paiement en tickets-restaurants, actuellement limité à 38 euros par jour dans les restaurants, constituerait une mesure particulièrement opportune.
De la même manière, il serait souhaitable que le Gouvernement autorise les salariés à utiliser leurs titres-restaurants de 2020 jusqu’à la fin de l’année 2021, ou à échanger les titres-restaurants non utilisés en 2020 et 2021 contre des titres-restaurants émis pour l’année civile 2022.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je demande le retrait de l’amendement n° 75 rectifié bis au profit de celui de M. Nougein, qui présente l’avantage d’être borné dans le temps, jusqu’en 2022.
La revalorisation de la contribution patronale sur les titres-restaurants participe, sur un temps court, d’un effet de relance exceptionnel. C’est pourquoi la commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 78 rectifié bis.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements, dans la mesure où la hausse du montant exonéré d’impôt sur le revenu pour le salarié ne garantit pas une augmentation, dans les mêmes proportions, de la contribution patronale de l’employeur, ni même un effet positif significatif sur le pouvoir d’achat des ménages. L’employeur détermine, en effet, librement le montant la valeur libératoire des titres-restaurants qu’il octroie au personnel.
Pour ces raisons, nous sommes défavorables aux deux amendements.
J’ajoute que nous avons pris un certain nombre de dispositions, notamment afin que les titres-restaurants émis pour 2020 puissent être utilisés jusqu’au 31 août 2021. Cette mesure répond, je crois, en grande partie, à l’attente exprimée par le sénateur Nougein, même s’il souhaitait que le dispositif s’étende plus loin dans le temps.
Nous apportons déjà une réponse à ses préoccupations, et nous avons accompagné cette prolongation de la durée des titres-restaurants de la possibilité de les utiliser, le dimanche et les jours fériés, pour un montant porté de 19 euros à 38 euros par jour. Cette disposition a également été largement exploitée.