Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que nous voyons chaque jour un peu plus se dessiner la perspective d’une sortie de crise, le projet de loi de finances rectificative est déterminant pour la relance de notre économie.
Il est déterminant en raison de ses objectifs, à savoir, d’une part, aider les secteurs les plus sinistrés grâce au rechargement des dispositifs d’urgence et, d’autre part, préparer la sortie de crise en accélérant le plan de relance du Gouvernement.
La prévision de croissance du PIB du Gouvernement pour 2021 reste encourageante, puisqu’elle se maintient à hauteur de 5 %. Nous le constatons autour de nous avec soulagement : l’économie repart, et la consommation des Français augmente.
Mais ce contexte ne doit pas nous faire perdre de vue les secteurs qui ont été durement touchés et qui continuent de l’être. Si le « quoi qu’il en coûte » a permis de sauver bon nombre d’entreprises et d’emplois, nous devons continuer d’accompagner les secteurs qui font encore face à de nombreuses difficultés.
Le Gouvernement s’y engage, puisque ce PLFR recharge considérablement les dispositifs d’urgence dans le contexte de sortie de crise. Il ratifie les modifications introduites par décret d’avance en ouvrant des crédits de 500 millions d’euros supplémentaires pour la prise en charge du chômage partiel, et de 6,7 milliards d’euros au bénéfice du fonds de solidarité, qui sera prolongé jusqu’au 31 août 2021 pour les entreprises.
De plus, pour accompagner les entreprises jusqu’au bout de la crise, la date limite d’octroi des prêts garantis par l’État est reportée du 30 juin au 31 décembre 2021.
Depuis de nombreux mois, l’État a également apporté la preuve de son soutien sans réserve aux collectivités territoriales les plus touchées par la crise.
Songez, mes chers collègues, alors que le déficit de l’État a frôlé les 8 % du PIB en 2020, que les collectivités n’ont connu en moyenne qu’un déficit de 0,2 % cette même année. Si nous pouvons nous en réjouir, cela ne doit pas pour autant nous conduire à baisser les armes, car ces chiffres recouvrent parfois des disparités dont les conséquences sont bien difficiles à vivre pour les collectivités qui en souffrent. C’est pour cela que l’État et le Gouvernement se mobilisent à nouveau, dans ce budget, pour soutenir les services publics locaux de proximité.
L’essentiel du coût de la crise a été supporté par l’État et les organismes de sécurité sociale. Ce PLFR renforce le soutien de l’État grâce au « filet de sécurité » et aux 200 millions d’euros de crédits supplémentaires à destination des collectivités locales.
Ces 200 millions d’euros serviront à dédommager les pertes réelles subies par les services publics industriels et commerciaux en régie grâce à la compensation intégrale de la baisse d’épargne brute constatée. Ce dispositif sera complété par un fonds d’urgence destiné à soutenir les collectivités locales lourdement affectées par la crise en raison de l’exploitation des services publics à caractère administratif.
Je souhaite toutefois attirer votre attention, monsieur le ministre – j’associe à cette remarque mon collègue Alain Richard –, sur la situation de quelques communes visées par un plan de redressement financier après avoir signé des conventions de sortie d’emprunts toxiques.
Nous souhaiterions travailler avec vous, monsieur le ministre, pour aider à ces communes à retrouver le chemin de l’équilibre et leur permettre de bénéficier de la hausse du taux de taxe d’habitation qu’elles ont votée en 2018 et 2019 avec le soutien de l’État et des chambres régionales des comptes. Ces communes sont peu nombreuses, mais il est essentiel que nous puissions les accompagner dans leur démarche.
Parce que la crise a renforcé les inégalités, le Gouvernement consacre par ailleurs de nouveaux moyens au soutien des secteurs et des publics les plus fragilisés par la crise.
Je pense notamment au secteur agricole, qui a subi un épisode de gel au mois de mars et une épidémie de grippe aviaire. Ces épreuves difficiles justifient la mise en œuvre de mesures d’aide à hauteur de 350 millions d’euros.
Ce PLFR prévoit par ailleurs l’ouverture de 700 millions d’euros de crédits qui permettront de maintenir 200 000 places d’hébergement d’urgence jusqu’à la fin de l’année.
Je pense également au monde du sport – auquel je suis attaché –, au bénéfice duquel nous voterons 130 millions d’euros de crédits. Ces derniers permettront de financer la création du Pass’Sport de 50 euros à destination des jeunes de familles modestes et des personnes handicapées.
De plus, 150 millions d’euros de crédits nouveaux seront destinés à sécuriser le financement des bourses sur critères sociaux jusqu’à la fin de l’année.
La reconduction de la prime Macron en 2021 est également prévue par ce PLFR. À ce propos, je défendrai, au nom du groupe du Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, un amendement visant à faciliter la mise en place d’un régime d’intéressement dans les entreprises de moins de 50 salariés faiblement dotées de ce dispositif, afin de leur ouvrir la possibilité de bénéficier du versement de la prime exceptionnelle de 2 000 euros.
Ce PLFR a enfin pour ambition d’accélérer le plan de relance. Quelque 200 millions d’euros pour les décaissements de MaPrimeRénov’, 534 millions d’euros pour les mesures du guichet Industries du futur, 46 millions d’euros de subventions réaffectées au développement de l’avion à hydrogène, 4,2 milliards d’euros supplémentaires pour rembourser les dépenses d’activité partielle covid, 11 milliards d’euros pour renforcer la part verte du plan de relance : autant de mesures budgétaires qui permettront d’accélérer l’exécution du plan de relance au service de la transition énergétique.
Accompagner les secteurs sinistrés par des dispositifs d’urgence actualisés tout en soutenant les collectivités, les entreprises et les plus fragiles : telle est l’ambition de ce projet de loi de finances rectificative présenté par le Gouvernement. Le groupe RDPI le soutient pleinement et le votera.
Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Rémi Féraud. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, le Gouvernement aura attendu le plus longtemps possible pour nous présenter ce projet de loi de finances rectificative.
Comme l’a rappelé le président Claude Raynal, il y a beaucoup à redire sur la méthode : aux 29 milliards d’euros de reports de crédits de 2020 s’ajoutent 15,5 milliards d’euros de crédits alloués à des dispositifs d’urgence dans ce PLFR et 2,8 milliards d’euros de dépenses sur les comptes spéciaux.
Cela montre qu’on aurait pu faire plus et mieux en 2020 – nous y reviendrons d’ailleurs lors de l’examen de la loi de règlement –, mais aussi, que, par un jeu qui est à la limite de la sincérité budgétaire, on nous présente, à chaque étape, des chiffres meilleurs qu’ils ne sont en réalité.
Pour autant, en responsabilité, les sénatrices et les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain voteront les articles du texte qui permettent de financer les dispositifs d’urgence indispensables à notre économie et aux Français. En effet, si la crise sanitaire semble marquer le pas dans notre pays et s’il y a un début de reprise économique, la crise sociale, elle, frappe toujours de plein fouet les plus fragiles de nos concitoyens.
À cet égard, monsieur le ministre, force est de constater que le compte n’y est pas. Après quatre ans de recul en matière de justice fiscale, ce projet de loi de finances rectificative ne comporte toujours aucune mesure de rééquilibrage de l’impôt. Avec vous, c’est « quoi qu’il en coûte », mais jamais pour les plus aisés de nos concitoyens !
Même le président des États-Unis, qui n’est pas connu pour être un dangereux socialiste, prend des mesures très fortes d’imposition sur les grandes entreprises, tout en reconnaissant que la théorie dite « du ruissellement » n’a jamais fonctionné.
En France, après les propositions d’Olivier Blanchard et de Jean Tirole sur les successions, l’économiste Benoît Cœuré plaidait ce matin dans Les Échos « pour une augmentation temporaire de la fiscalité qui pourrait porter sur le patrimoine, sur les revenus ou sur les successions ».
Dans le même temps, le ministre de l’économie, des finances et de la relance Bruno Le Maire propose, lui, de financer la crise en repoussant l’âge de la retraite à 64 ans, c’est-à-dire de la faire payer par tous les Français.
Pas plus que les précédents ce texte ne prévoit de solliciter davantage les contribuables les plus aisés, non plus que les grands groupes et entreprises du numérique, notamment ceux qui ont connu des profits exceptionnels durant cette crise. Par conséquent, le déficit public reste la variable d’ajustement.
Nous proposerons donc l’instauration d’une réelle conditionnalité environnementale et sociale des aides publiques aux entreprises, et présenterons des amendements visant à rééquilibrer la fiscalité en la faisant peser davantage sur le capital.
De fait, la politique de l’offre que vous menez depuis 2017 n’a pas montré une grande efficacité ; elle est restée incomprise des Français, alimentant le sentiment d’injustice sociale. Avec la crise que nous vivons, elle est devenue insensée.
Pourquoi vous priver de recettes supplémentaires, alors que le déficit budgétaire se dégradera de près de 50 milliards d’euros, ce qui le portera à 220 milliards d’euros en 2021, et que la dette passera à près de 118 % du PIB ? Alors que la pauvreté explose, que la jeunesse est laissée sur le bord de la route, et que les services publics, mis à mal, requièrent plus que jamais le soutien de l’État ?
Parce que la solidarité, trop souvent oubliée par l’exécutif, doit retrouver sa place au cœur de nos politiques publiques, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain proposera de nombreux amendements visant à remédier à cette situation.
Monsieur le ministre – vous le savez –, ces dix-huit derniers mois, vous nous avez toujours trouvés à vos côtés pour voter en responsabilité les mesures de restriction dues à la crise sanitaire et les dispositifs budgétaires de soutien indispensables.
Nous avons toujours proposé des mesures plus justes socialement, chiffrées et financées par une hausse de l’effort de ceux qui le pouvaient. Nous persévérerons dans ce débat, car – nous l’affirmons de nouveau –, les mesures économiques et sociales que vous proposez aujourd’hui ne sont pas suffisantes.
De fait, ce budget rectificatif constitue à la fois un minimum indispensable et une nouvelle occasion manquée : pas assez sur le plan d’urgence pour faire face à l’urgence sociale ; pas assez non plus sur le plan de relance, dont chacun constate la mise en œuvre laborieuse, et qui reste largement absent de ce collectif budgétaire.
Vous restez dans un entre-deux et c’est insuffisant, mais également incohérent tant l’évolution de la situation aurait dû vous conduire à bouger davantage les lignes, en recettes comme en dépenses.
C’est pourquoi le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne pourra pas voter ce texte en l’état. Son vote dépendra des modifications qui – je l’espère – lui seront apportées au cours de notre discussion. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Sautarel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes appelés à nous prononcer sur ce premier PLFR pour 2021 – le cinquième en quatorze mois – dont vous nous avez saisis seulement quelques jours après que nous nous sommes prononcés sur le décret d’avance portant sur 7,2 milliards d’euros, soit le plafond légal autorisé.
Ce PLFR ouvre près de 20 milliards d’euros de crédits nouveaux, s’ajoutant aux 28,8 milliards d’euros de crédits de 2020 reportés en 2021 au titre du plan d’urgence, soit autant qu’au cours des douze dernières années.
Nous constatons que le « quoi qu’il en coûte » reste la feuille de route du Gouvernement, malgré les annonces que vous aviez faites quant à la nécessité d’en sortir il y a maintenant six mois. Pour preuve, les demandes affluent pour la préparation du PLF pour 2022, leur montant s’élevant à 22 milliards d’euros de dépenses supplémentaires.
Il semble ainsi que l’idée d’argent « facile » ou « magique » soit entrée dans les esprits, non seulement de beaucoup de Français, mais aussi des ministres eux-mêmes. Je compatis, monsieur le ministre, à l’idée des arbitrages que vous allez devoir rendre, même si je doute qu’ils entrent dans l’épure des 8 milliards d’euros que nous pouvons peut-être encore nous autoriser.
Pour en revenir à ce PLFR, la prévision de croissance retenue par le Gouvernement pour 2021 reste à +5 % ; elle est donc inchangée par rapport à celle figurant dans le programme de stabilité d’avril dernier, et inférieure aux prévisions des organismes indépendants. Une telle prudence laisse espérer que la situation réelle sera moins grave qu’annoncé. Espérons que nous aurons de bonnes surprises en fin d’exercice.
À l’issue de ce PLFR, le déficit public s’établirait à 9,4 % du PIB en 2021, soit une augmentation de 0,2 point par rapport à 2020 en dépit du rebond de croissance attendu.
Les données présentées dans ce PLFR témoignent ainsi de la situation très dégradée des finances publiques de la France en 2021. Selon la prévision du projet de loi de finances rectificative, le ratio de dette publique augmenterait de 20 points de PIB entre 2019 et 2021, pour atteindre plus de 117,2 % du PIB.
Alors que le niveau de déficit devrait s’établir en 2021 à un niveau plus élevé qu’en 2020, la résorption du déficit et la soutenabilité des finances publiques constituent les enjeux centraux de la stratégie financière de la France. La trajectoire de rétablissement reste incertaine et, surtout, beaucoup plus lente que dans tous les autres pays européens.
Pour la première fois de notre histoire, en 2021, après ce PLFR, le volume des dépenses budgétaires sera plus de deux fois supérieur à celui des recettes nettes, portant le déficit à plus de 220 milliards d’euros. C’est déjà en soi un facteur d’inquiétude majeur, mais après une lecture plus attentive de ce PLFR, la situation semble encore plus préoccupante.
Permettez-moi de m’arrêter sur deux points.
Le premier est que ce déficit, bien sûr amplifié par la crise que nous connaissons depuis quinze mois, est en fait structurel.
D’une part, la trajectoire de hausse des dépenses publiques depuis le début du quinquennat est très supérieure à nos capacités – une augmentation de 19 milliards d’euros en 2020, et de 41 milliards d’euros en 2021, hors mesures de soutien et de relance. D’autre part, la consommation réelle des crédits de la relance est, hélas, encore limitée – elle est d’environ 36 milliards d’euros sur les 100 milliards d’euros votés.
La conjoncture n’explique donc que très partiellement la dérive budgétaire que nous connaissons.
Le second point est l’amorce de la hausse des taux – une augmentation de 512 points de base depuis le début de l’année – qui produit un accroissement de la charge de la dette de 1,9 milliard d’euros.
Notre pays est entré dans cette crise dans une situation moins favorable, plus dégradée que celle de nos voisins européens. Il en sort plus affaibli encore, sans réelle visibilité quant à sa trajectoire. La promesse d’un retour aux 3 % de déficit pour 2027 repose sur le seul pari de la croissance, sans réel engagement en matière de réformes structurelles.
À cet égard, je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, sur la situation de l’emploi dans notre pays. Conjuguée à la hausse du prix des matières premières, la carence constatée en matière de réponses aux offres d’emploi dans de nombreux secteurs met gravement en cause l’activité économique et l’élan de la relance.
Aussi peut-on s’interroger sur la prolongation des mesures de chômage partiel et sur les 6,3 milliards d’euros que vous proposez d’y accorder au moment même où nous manquons de main-d’œuvre.
C’est la raison pour laquelle le groupe Les Républicains présentera un amendement tendant à faciliter la participation et l’intéressement dans les petites entreprises via une prime de 2 000 euros défiscalisée et désocialisée. Cette mesure vise a minima à maintenir les salariés dans les entreprises, qui connaissent ou ont connu de véritables hémorragies.
La commission des finances proposera quant à elle des amendements visant à économiser 1 milliard d’euros de crédits tout en augmentant, par exemple, les crédits alloués dans le cadre du plan de relance aux créations d’entreprises ou à la forêt.
Je me réjouis du renforcement du dispositif de report en arrière des déficits, communément appelé carry back. Ce mécanisme comptable et fiscal permet à une entreprise de déduire son déficit actuel de bénéfices antérieurs afin de disposer d’une créance d’impôt sur les sociétés. Permettre le report sur les trois exercices précédents tout en en déplafonnant le montant est une mesure essentielle, que le groupe Les Républicains a défendue l’an passé pour éviter les défaillances d’entreprises en renforçant leur trésorerie. Nous regrettons toutefois de ne pas disposer de réelle visibilité quant au coût de ce dispositif dans la durée.
Nous souscrivons au report de la hausse de TICPE sur le GNR proposé par le Gouvernement. À cet égard, monsieur le ministre, nous souhaitons vous aider à maintenir votre proposition initiale, c’est-à-dire le report non pas jusqu’au 1er juillet 2022, mais jusqu’au 1er juillet 2023. Cela permettra d’améliorer la lisibilité de ce dispositif pour les entreprises et de ne pas alourdir davantage leurs charges en sortie de crise.
Nous vous proposerons par ailleurs une majoration exceptionnelle du taux de réduction d’impôt sur le revenu au titre des dons à des associations caritatives dans le cadre du dispositif dit Coluche.
Nous sommes bien sûr favorables à la prorogation des PGE jusqu’au 31 décembre 2021. À titre personnel, j’aurais toutefois souhaité que des possibilités d’allongement et de sortie plus larges et plus souples soient offertes.
Je salue la clarification apportée quant à la possibilité d’effectuer des prêts participatifs, et la prorogation du fonds de solidarité jusqu’au 31 août 2021, une dégressivité de son bénéfice étant prévue à compter du mois de juin.
Je tiens aussi à souligner l’adaptation à la reprise de l’activité des mesures concernant les cotisations et contributions sociales des entreprises et des travailleurs indépendants que vous proposez.
J’en viens enfin aux mesures concernant les collectivités territoriales. Nous saluons la reconduction en 2021 du « filet de sécurité » mis en place en 2020 pour garantir les recettes du bloc communal. La compensation des pertes de recettes pour certaines régies publiques non accompagnées par le dispositif d’activité partielle, que nous vous avions proposée en 2020, est aujourd’hui reprise dans ce PLFR. De même, la mise en place d’une dotation pour certaines collectivités en difficulté répond à une attente.
Toutefois, le compte n’y est pas. Dans son rapport annuel, le Comité des finances locales (CFL) évalue l’impact de la crise sanitaire pour les comptes des collectivités locales à 5,5 milliards d’euros en 2020. Ce montant doit être mis en regard des 240 millions d’euros de crédits de sauvegarde financés par l’État l’an passé selon l’estimation du même CFL.
Monsieur le ministre, je ne peux conclure sur le volet des collectivités sans regretter les lourdeurs constatées sur le terrain dans le cadre de la mise en place du plan de relance : dossiers complexes, exigences parfois contradictoires, délais longs et inadaptés, notamment au titre de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL).
Afin de gagner en souplesse, la départementalisation des fonds me semble impérieuse, de même que la simplification des dossiers de demande de financement.
Le groupe les Républicains fera preuve de responsabilité et adoptera ce PLFR. Je terminerai toutefois en évoquant une interrogation et une inquiétude relatives à la mission « Plan de relance », monsieur le ministre : une interrogation, car notre plan de relance semble bien limité par rapport à ceux d’autres pays ; et une inquiétude, car hors financement du chômage partiel, notre plan de relance est consommé à hauteur de 18 % seulement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Bernard Delcros. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, ce premier projet de loi de finances rectificative de 2021 n’est pas moins que le cinquième depuis le début de la crise sanitaire.
Tout au long de cette crise, la France – c’est vrai – a su mobiliser un large panel de mesures pour soutenir efficacement les entreprises, leurs salariés et les plus précaires de nos concitoyens, et partant, le pouvoir d’achat des ménages. En définitive – c’est aujourd’hui une réalité reconnue –, le tissu économique et social a été préservé dans les territoires.
Ces mesures sont certes coûteuses, mais elles sont nécessaires pour maintenir le pays debout et en état de marche au moment où il s’agit de réussir la reprise. Parce que c’est bien de cela qu’il s’agit maintenant : réussir l’accompagnement de la sortie de crise, réussir la relance, réussir la transition vers un nouveau modèle de développement se fixant comme objectif la souveraineté de la France et de l’Europe dans les secteurs stratégiques, la préservation de l’environnement, la justice sociale et territoriale. Tels sont les défis d’avenir que notre pays devra absolument relever.
Ce collectif budgétaire s’inscrit dans la continuité des précédents : au total, il prévoit le déblocage de près de 20 milliards d’euros de crédits supplémentaires, qui s’ajoutent aux 7,2 milliards euros de crédits ouverts par décret d’avance en mai dernier.
Les dispositifs existants, qui sont réabondés, sont complétés par des mesures bienvenues de soutien ciblées, telles que les aides en faveur des agriculteurs affectés par l’épisode de gel.
Le texte prévoit aussi des dispositions que le groupe Union Centriste appelait de ses vœux : l’assouplissement du mécanisme de report en arrière des déficits, la prorogation de la garantie de l’État au titre des PGE, le renouvellement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, ou encore – nous y étions très attachés – l’instauration d’un mécanisme de compensation des pertes enregistrées par les régies du bloc communal.
Nous proposerons d’introduire la possibilité de moduler la prime de pouvoir d’achat en fonction du niveau d’exposition au virus, de façon à reconnaître l’engagement de ceux qui, en première ligne, ont pris des risques pour assurer la continuité des services auprès des Français.
S’agissant des pertes de recettes tarifaires, nous vous avions alerté, monsieur le ministre, sur l’inégalité de traitement entre les collectivités gérant leur service en délégation de service public (DSP) et celles qui ont fait le choix de la régie.
Lors de votre audition devant la commission des finances, j’ai insisté sur la fragilité de la situation de certaines communes, notamment les plus petites, qui n’ont pas créé de service public industriel et commercial (SPIC), mais qui gèrent pourtant en régie des services indispensables à la population, parfois sans budget annexe. Ces communes doivent pouvoir bénéficier de cette compensation.
Vous répondez à notre demande au travers de l’article 10 : je tiens à vous en remercier, car c’est une avancée importante. Cependant, les critères d’éligibilité sont trop contraignants lorsqu’il ne s’agit pas de SPIC, et le montant prévu, de 200 millions d’euros, me paraît insuffisant.
En conclusion, monsieur le ministre, comme l’a indiqué notre collègue Sylvie Vermeillet, le groupe Union Centriste soutiendra ce texte tout en proposant quelques évolutions, de la même manière que nous avons soutenu la stratégie visant à protéger les Français pendant la crise. Il nous faudra toutefois bâtir sans tarder une stratégie collective de redressement des fonds publics. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Cozic. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Thierry Cozic. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « nous sommes arrivés au bout de nos dogmes économiques ». Cette phrase, prononcée par le Président de la République au G7 de Biarritz en 2019, laissait poindre un changement de paradigme dans notre approche de l’économie en France.
Une remarque s’impose d’emblée : par ce PLFR, le constat que le Président de la République a lui-même dressé et que la crise du covid-19 a conforté n’est pas pleinement pris en compte. En réalité, par ce PLFR, on s’efforce d’adapter les mêmes dogmes à une réalité qui nous échappe. Alors qu’un changement de paradigme s’impose, monsieur le ministre, vous souhaitez persister dans la même voie.
Si vous n’avez de cesse de traquer les moindres aspérités des plus précaires, les aides pour les plus aisés ne sont conditionnées qu’à la sacro-sainte confiance que vous leur accordez aveuglément…
Dernièrement, alors que la pandémie de covid-19 n’en finit pas de ne pas finir, et alors que les groupes du CAC 40 continuent de bénéficier d’aides publiques massives, ces derniers ont versé 51 milliards d’euros à leurs actionnaires, soit 22 % de hausse par rapport à l’année passée. Pourtant, le résultat net agrégé des groupes du CAC 40 s’est effondré de plus de 55 %.
« Fort avec les faibles et faible avec les puissants » : telle est votre doctrine en matière de conditionnalité des aides.
Je note en revanche que la mise en œuvre de la réforme de l’assurance chômage, qui a dû passer sous les fourches caudines du Conseil d’État, se trouve suspendue au nom de « l’incertitude économique ». Cette réforme était bien l’expression d’une politique peu encline à la confiance envers nos assurés.
Si, pour les plus précaires, suspicion et flicage sont de mise, pour les plus aisés, confiance et pacte de responsabilité le sont. Chacun appréciera sur qui pèse l’obligation de justification…
La conditionnalité des aides n’est pas le seul écueil qui semble poindre dans votre politique financière et économique : le plan de relance que vous avez mis en place est déjà obsolète ; il est incomplet et lacunaire.
Pourtant, nous partageons les mêmes ambitions pour les investissements de demain : nous voulons être présents dans la recherche sur l’intelligence artificielle, dans la robotique et dans les biotechnologies.
Nous pourrions utiliser un plan de relance solide afin d’engager la transition écologique que le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) nous presse d’amorcer.
Pourtant, quand on compare les budgets financiers, il manque un ordre de grandeur : en effet, les Chinois et les Américains font dix fois plus que nous. Il nous faut donc un plan de relance de l’investissement dans une perspective de moyen et de long terme.
Après avoir abordé l’en-cours, je souhaite tout de même évoquer l’avenir proche. L’arrêt du « quoi qu’il en coûte » est nécessaire. Il ne serait pas responsable de laisser croire à cette tribune que nous pourrions garder notre économie sous perfusion ad vitam æternam.
Néanmoins, si nous ne voulons pas nous retrouver dès décembre prochain avec un nouveau PLFR, la question de l’accompagnement de sortie de crise est centrale.
Je rappelle que l’endettement brut des entreprises non financières a augmenté de 170 milliards d’euros de février à septembre, ce qui constitue une singularité bien française. À cet endettement, il faut de plus ajouter les dettes qui découlent du report du paiement des impôts et des cotisations.
Nous devons dès maintenant réfléchir à des critères opérationnels d’annulation sélective de dettes pour éviter les effets d’aubaine. Lorsque cela est possible, une approche au cas par cas est nécessaire pour mettre à contribution non pas seulement l’argent public, mais les banques et les entreprises.
Vous l’avez compris à la lumière des points que je viens d’aborder, monsieur le ministre : il reste bien des efforts à accomplir pour que la prise en compte de nos problématiques économiques soit pleinement satisfaite. L’heure est non plus à l’incantation, mais à l’action.
Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas qu’il est grand temps de tirer les conséquences politiques des déclarations du Président de la République ? C’est le moment, puisqu’il paraît que nous sommes arrivés « au bout de nos dogmes économiques ». (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)