Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mmes Françoise Férat, Victoire Jasmin.
2. Questions d’actualité au Gouvernement
M. Claude Malhuret ; M. Jean Castex, Premier ministre.
élections départementales et régionales (i)
M. Daniel Gueret ; M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement ; M. Daniel Gueret.
Mme Sonia de La Provôté ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports ; Mme Sonia de La Provôté.
recul de l’âge du départ à la retraite
M. Éric Bocquet ; Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion ; M. Éric Bocquet.
Mme Marie Evrard ; M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
élections départementales et régionales (ii)
M. Patrick Kanner ; M. Jean Castex, Premier ministre ; M. Patrick Kanner.
transfert de la médecine scolaire au département
M. Bernard Fialaire ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité.
situation de l’industrie automobile
M. Jacques Fernique ; Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie ; M. Jacques Fernique.
recours à la discrimination positive dans les universités
M. Max Brisson ; Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ; M. Max Brisson.
situation de l’office national des forêts
Mme Florence Blatrix Contat ; M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; Mme Florence Blatrix Contat.
port du burkini dans les piscines
M. Michel Savin ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports ; M. Michel Savin.
augmentation des contributions des communes forestières à l’office national des forêts
Mme Anne-Catherine Loisier ; M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
évolution de la situation sanitaire
Mme Catherine Procaccia ; Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie ; Mme Catherine Procaccia.
reconnaissance des vaccins à l’étranger
M. Jean-Yves Leconte ; Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie.
financement des retraites des agents généraux d’assurance
M. Vincent Segouin ; Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion ; M. Vincent Segouin.
renégociation des contrats de rachat de l’électricité photovoltaïque
Mme Catherine Belrhiti ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; Mme Catherine Belrhiti.
3. Candidatures à une mission d’information
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Nathalie Delattre
5. Mise au point au sujet d’un vote
6. Candidatures à une commission mixte paritaire et deux éventuelles commissions mixtes paritaires
7. Loi de finances rectificative pour 2021. – Discussion d’un projet de loi
Discussion générale :
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances
M. Claude Raynal, président de la commission des finances
M. Olivier Dussopt, ministre délégué
Clôture de la discussion générale.
Intitulé de la première partie
Amendement n° 26 rectifié bis de M. Vincent Delahaye. – Rejet.
Articles additionnels avant l’article 1er
Amendement n° 75 rectifié bis de M. Stéphane Sautarel. – Retrait.
Amendement n° 301 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Amendement n° 329 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Amendement n° 68 rectifié ter de M. Jean-François Rapin. – Retrait.
Amendement n° 306 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Amendement n° 307 de M. Éric Bocquet. – Adoption.
Amendement n° 45 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 1er
Amendement n° 98 rectifié de M. Rémi Féraud. – Rejet.
Amendement n° 46 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 47 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 8 rectifié bis de Mme Christine Lavarde. – Retrait.
Amendement n° 48 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 175 de Mme Sophie Taillé-Polian. – Rejet.
Amendement n° 236 rectifié bis de M. Michel Savin. – Retrait.
Amendement n° 237 rectifié bis de M. Michel Savin. – Retrait.
Amendement n° 238 rectifié bis de M. Michel Savin. – Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion.
8. Clôture de la session ordinaire de 2020-2021
Nomination de membres d’une mission d’information
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Françoise Férat,
Mme Victoire Jasmin.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif à respecter l’expression des uns et des autres, ainsi que son temps de parole.
variant delta et vaccination
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Claude Malhuret. Monsieur le Premier ministre, le variant delta ouvre un nouvel épisode de l’épidémie de covid, qui, une fois de plus, prend le monde entier à contre-pied.
Les pays d’Asie et du Pacifique qui ont adopté la stratégie du « zéro covid » et n’ont pas centré leurs efforts sur le vaccin font face aujourd’hui à de nouvelles flambées. Les pays pourvus de vaccins chinois et russes, distribués pour des raisons de propagande, sans les contrôles nécessaires, s’aperçoivent qu’ils ne protègent pas et sont aujourd’hui massivement touchés.
Quant à l’Europe, moquée au début de l’année pour son retard et sa prudence, on peut se réjouir qu’elle dispose aujourd’hui des vaccins les plus efficaces. Malgré les campagnes des complotistes et des « antivax », ses populations sont désormais les plus vaccinées derrière celles des États-Unis et d’Israël. Enfin, à partir du 1er juillet, elle sera le principal producteur et distributeur de vaccins pour le monde entier.
Cependant, la course de vitesse entre l’immunisation de masse et la dissémination du virus, qui semblait en bonne voie d’être gagnée, est remise en cause par le nouveau variant, plus contagieux, et la vaccination commence à marquer le pas. Le risque est clair : celui d’une quatrième vague à l’automne.
Particulièrement préoccupant est le taux de vaccination des personnels de santé – pour certaines catégories, il n’atteint que 50 % ! –, mettant ainsi en danger ceux qu’ils sont censés soigner.
Beaucoup de scientifiques conseillent la vaccination obligatoire, au moins dans certaines professions et pour les publics à risque, à l’instar d’autres vaccins pour les soignants.
Devant cette nouvelle escalade du risque, ne pensez-vous pas qu’il va falloir envisager des décisions en ce sens avant l’automne ? De même, ne devrions-nous pas imiter les pays qui traitent différemment les tests PCR justifiés, qui sont gratuits, et les tests PCR dits « de confort », pour échapper au vaccin, qui ne sont pas remboursés ?
Nous sommes tous attachés à la liberté individuelle, mais lorsqu’elle est invoquée par ceux qui refusent le vaccin, elle équivaut, en fait, à la liberté de mettre en danger la vie d’autrui. Il s’agit non plus de liberté, mais d’égoïsme ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Martin Lévrier applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président Claude Malhuret, c’est une question extrêmement importante qui vient de m’être posée. Je vous le dis tout de suite, je vais lui apporter une réponse globalement positive.
Vous m’interrogez sur la prise en compte de ce nouveau variant, dit delta, qui est déjà à l’œuvre dans de très nombreux pays du monde, pas toujours très loin de la France. Vous l’avez rappelé, il est extrêmement contagieux, beaucoup plus que les variants qui l’ont précédé. Point très positif, il est quand même sensible à la vaccination, en tout cas d’après tous les éléments dont nous disposons.
Toujours est-il qu’il vient questionner notre propre situation sanitaire. Apparemment, mesdames, messieurs les sénateurs, grâce aux efforts collectifs des Françaises et des Français, ainsi que de toutes les collectivités publiques, notre situation est orientée très favorablement. Vous connaissez toutes et tous la situation du taux d’incidence, les baisses très fortes du nombre de malades hospitalisés, dans les services de réanimation en particulier, le nombre de décès, etc.
Pour autant, vous avez parfaitement raison, il est de notre devoir d’anticiper les évolutions que l’on constate partout en dehors de chez nous. Nous avons très largement commencé de le faire.
D’abord, nous renforçons notre stratégie « tester, alerter, protéger » pour détecter le plus vite possible ce variant au moyen du séquençage et adapter l’isolement à ces situations. Vous le savez, grâce au faible nombre de cas, cette stratégie obtient des résultats partout où nous constatons la présence de ce variant.
Ensuite, nous avons adopté, au niveau national et européen, des mesures de contrôle particulièrement strictes, notamment des arrivées en provenance des pays classés en liste rouge. Il y a certainement encore des possibilités d’amélioration, notamment pour faire face aux flux, qui pourraient s’accroître à la faveur des vacances.
Néanmoins, j’ai la conviction que nous devons aller plus loin, et je compte engager le Gouvernement dans ce sens.
Plus loin, d’abord, sur la question de la vaccination, car, vous le savez toutes et tous, c’est la vaccination qui nous protège du virus. Or, vous avez raison de le dire, elle marque le pas, même si – j’en profite pour en informer le Sénat –, ces derniers jours, les prises de rendez-vous sont reparties à un rythme beaucoup plus satisfaisant. Je parle bien entendu des prises de rendez-vous pour les primo-vaccinations, la seconde injection marchant bien. J’y insiste, il nous faut encore et encore encourager la vaccination.
J’ai été particulièrement choqué, comme toutes les Françaises et tous les Français, mais aussi les sénatrices et les sénateurs, que je sais attentifs à cette question, d’avoir observé, lors de ma visite dans le département des Landes, que l’épidémie s’était réintroduite avec ce nouveau variant dans un Ehpad – on sait le lourd tribut qu’ont payé ces établissements, notamment lors de la première vague –, par l’entremise de celles et ceux dont c’est la vocation de protéger et de soigner les résidents. Je le dis de la façon la plus claire : c’est inadmissible ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
Pour aller à l’essentiel et pour vous répondre, monsieur le sénateur, après avoir consulté MM. les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, je vais, dans les jours qui viennent, consulter l’ensemble des associations d’élus locaux, qui sont à la manœuvre, ainsi que tous les présidents de groupe de l’Assemblée nationale et du Sénat pour savoir quelles sont leurs propositions sur tous ces sujets, y compris ceux qui supposeraient une nouvelle intervention du législateur. Il y a la question de la vaccination obligatoire des soignants, que vous avez évoquée ; on peut aussi parler du recours au pass sanitaire, pour inciter encore plus de personnes à se faire vacciner ; et j’ai moi-même cité les questions de l’isolement au terme de la stratégie « tester, alerter, protéger ».
Bref, nous ne restons pas sans rien faire. Nous anticipons en faisant tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter une quatrième vague, et, surtout, ce qui est capital, pour éviter que les plus vulnérables à la maladie ne contractent le virus, parce que ce sont eux qui ont statistiquement la plus forte probabilité d’aller dans les services hospitaliers et de réanimation, qui sont, comme vous le savez, le goulet d’étranglement de cette épidémie.
Monsieur le président Malhuret, nous restons vigilants et nous nous préparons à toutes les éventualités ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
élections départementales et régionales (i)
M. le président. La parole est à M. Daniel Gueret, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Gueret. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier Ministre, les résultats sont tombés dimanche soir : votre majorité a subi un échec sans précédent !
Aucun président de région ou de département n’est issu des rangs de la majorité présidentielle ; vos ministres, et donc votre politique, ont été sèchement sanctionnés : le secrétaire d’État chargé des retraites à 9,7 % dans les Hauts-de-France ; le garde des sceaux à 8,67 % dans le Pas-de-Calais ; la ministre de la transformation et de la fonction publiques à 11,21 % en Essonne, etc.
Les déplacements très politiques et très médiatisés du Président de la République n’y ont rien changé : à Saint-Cirq-Lapopie, votre candidat a obtenu 3,7 %.
Jamais le parti d’un Président de la République en exercice n’aura à ce point été rejeté par les électeurs !
Comment expliquez-vous, monsieur le Premier ministre, ces résultats ? Comment expliquez-vous à la fois l’abstention record et la déroute des candidats appartenant à votre majorité ? Quelles conséquences allez-vous tirer de votre échec ? Allez-vous changer de politique ?
Je suis un sénateur gaulliste, et vous êtes Premier ministre. Je respecte hautement votre fonction, mais vous devez incarner l’unité. J’aurais aimé échanger avec vous, voilà trois jours, lors de votre visite en Eure-et-Loir. Or vous avez snobé les sénateurs en oubliant de les convier à un logique accueil républicain. (Exclamations indignées sur les travées du groupe Les Républicains.) Ce jour-là, vous avez préféré la division à l’unité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Un sénateur du groupe Les Républicains. C’est inadmissible !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, porte-parole du Gouvernement. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Daniel Gueret, les élections régionales et les élections départementales se sont tenues… (Exclamations amusées.) C’est une bonne introduction. (Sourires.)
S’il est un enseignement national que nous pouvons toutes et tous tirer, et vous y avez fait référence, c’est le niveau abyssal de l’abstention (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) à l’occasion de ces élections. Jamais, à un scrutin, nous n’avions vu aussi peu de participation.
Différentes causes peuvent expliquer ce phénomène.
Il y a d’abord une cause conjoncturelle : l’épidémie, depuis plus d’un an, fait que, probablement, un certain nombre de Français avaient la tête ailleurs. À l’occasion des dernières municipales, on a aussi constaté une baisse de participation de 20 points par rapport aux municipales précédentes, un chiffre que l’on retrouve pour les régionales.
Il y a aussi des raisons plus structurelles, qui tiennent à notre organisation territoriale. En d’autres mots, on peut pointer la difficulté, peut-être, de percevoir quelles sont les compétences et responsabilités des uns et des autres.
On peut citer enfin certaines difficultés logistiques qui ont pu se manifester çà et là.
Sur tous ces sujets, nous devons nous interroger collectivement et réfléchir à des propositions pour l’avenir.
Dans ce contexte de très faible participation, mécaniquement, partout, les présidents sortants ont été reconduits dans leurs fonctions… (Exclamations.)
Mme Catherine Morin-Desailly. Grâce à leur bilan !
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. J’en profite pour apporter une précision : vous avez dit, monsieur le sénateur, qu’il n’y avait aucun président issu de la majorité présidentielle, or M. Ary Chalus, qui est membre du bureau exécutif du parti présidentiel, a été réélu président de région, comme quasiment tous les présidents sortants.
Les Français qui sont venus voter avaient en tête le bilan de leur président sortant : s’ils considéraient qu’il était bon, ils ont voté pour lui, sinon, ils ont voté pour des formations politiques qui étaient déjà représentées dans le conseil régional, ce qui n’était pas le cas de la majorité présidentielle. Pour autant, ces élections permettent de construire pour l’avenir et de s’implanter progressivement.
En tout cas, nous aurons toutes et tous des réflexions à mener et des conséquences à tirer de cette très faible participation. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Gueret, pour la réplique.
M. Daniel Gueret. Monsieur le Premier ministre, comme nous, vous voulez faire reculer l’abstention, alors cessez de fustiger les électeurs ! Cessez d’opposer « nouveau monde » et « ancien monde », de prêcher qu’il n’y a ni gauche ni droite ! Mettez fin à l’absence de clarté et de convictions ! Fixez un cap et tenez-le ! Enfin, vous devez arrêter de mépriser les élus issus du suffrage universel en privilégiant les commissions ou comités de citoyens tirés au sort. Ainsi, vous réduirez l’abstention !
Monsieur le Premier ministre, n’ayez pas peur d’écouter et de suivre les recommandations du Sénat, car, ici, il n’y a que des élus qui aiment la France. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Michel Arnaud et Mme Catherine Morin-Desailly applaudissent également.)
réforme du baccalauréat
M. le président. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Sonia de La Provôté. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, et concerne les annonces récentes sur le baccalauréat, lesquelles visent à supprimer les épreuves communes et à les remplacer par le contrôle continu exclusif.
Bien sûr, supprimer ces épreuves chronophages et complexes à organiser va libérer du temps pour les élèves et les enseignants, et répondre mieux aux attentes de travail régulier et continu.
Pour autant, cette mesure est très loin d’être mineure : faire reposer le baccalauréat pour 40 % sur les notes du livret scolaire fait peser un risque non négligeable de rupture d’égalité devant ce diplôme.
Le baccalauréat n’est plus national, mais il devient pour une grande part local, avec son lot de différences dans la façon d’évaluer selon les enseignants d’une même discipline, les lycées ou les académies.
Rappelons que ces fameuses notes sont aussi la base des choix pour Parcoursup.
Rappelons enfin que la crise sanitaire, avec un baccalauréat reposant essentiellement sur le contrôle continu, a montré de très importantes disparités de notation, sources de conflits et de critiques.
Il ne saurait donc être acceptable que cette mesure ajoute de l’inégalité là où, déjà, les déterminants géographiques et sociaux font peser un poids très lourd sur la réussite des élèves. Ce dernier sujet, qui est majeur, n’a d’ailleurs pas trouvé sa réponse dans la réforme mise en œuvre.
Ma question est donc simple, monsieur le ministre : alors que, à peine appliquée, vous faites déjà évoluer la réforme du baccalauréat, quel cadrage allez-vous proposer pour garantir une égalité réelle de notation pour les lycéens, quel que soit l’établissement dans lequel ils sont scolarisés ? Comment, et par qui cela sera-t-il suivi, évalué et contrôlé sur le terrain ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Madame la sénatrice Sonia de la Provôté, votre question est importante, comme l’est le baccalauréat pour notre pays.
D’emblée, je veux préciser que le cadre général ne change pas : 60 % de contrôle général et 40 % de contrôle continu. La philosophie de ce choix, c’est d’avoir justement les vertus de l’un et de l’autre système : le contrôle général pour assurer à la fois une objectivation nationale et la capacité à avoir un moment de contrôle de l’élève, avec le risque de bachotage dont beaucoup se plaignaient auparavant ; 40 % de contrôle continu pour favoriser le travail continu de l’élève en première et en terminale. Je le répète, cela ne change pas : ce qui change, c’est que, à l’intérieur des 40 %, au lieu d’avoir les épreuves communes que nous avions installées voilà deux ans, il y a tout simplement le contrôle continu à l’échelle de l’établissement.
Nous avons proposé ces évolutions, car nous sommes à l’écoute de tous les acteurs et des organisations représentatives, regroupés dans un comité de suivi du baccalauréat. Je veux être clair : c’est dans ce cadre-là que j’ai procédé à tous les ajustements. Je rappelle, d’ailleurs, que cette réforme elle-même a été conçue en consultant énormément.
Je rappelle aussi que les évaluations communes ont été critiquées ici même, parfois par certains, qui, aujourd’hui, critiquent le passage au contrôle continu ; les mêmes, qui, d’ailleurs, ont manifesté voilà un mois ou deux pour que le contrôle continu passe à 100 % pour cette session.
Notre position est une position d’équilibre, c’est-à-dire qu’elle permet de bénéficier des vertus des deux systèmes, tout en instaurant de la simplicité. Elle va surtout nous permettre de faire évoluer des choses qui étaient vues comme des défauts jusqu’à 2018.
En effet, les problèmes que vous évoquez existaient déjà. Les notes pour être admis dans l’enseignement supérieur, même avant Parcoursup, étaient les notes de contrôle continu de tous les établissements de France. Votre reproche porte donc sur les années antérieures. Maintenant, nous pourrons contrôler les moyennes données par un établissement dans le cadre du contrôle continu et celles qu’obtiennent les élèves dans le cadre du contrôle général.
Nous allons progressivement objectiver le contrôle continu, ce qui fera progresser l’objectivité de la notation dans chaque établissement.
Madame la sénatrice, contrairement à ce que vous dites, nous avons la volonté de renforcer le baccalauréat, et on le voit d’ailleurs avec le grand oral, en ce moment même…
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Cette réforme vise la régénération du baccalauréat. Plus que jamais, il aura de la valeur et un caractère national ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, pour la réplique.
Mme Sonia de La Provôté. Monsieur le ministre, vous comprendrez que nous soyons inquiets, et le flou de votre réponse aggrave cette inquiétude.
Où en est la promesse d’égalité républicaine, qui justifiait cette réforme, quand la première mesure d’ajustement est, au contraire, potentiellement source de plus d’inégalité ?
Où en est-on, monsieur le ministre, des mesures visant à ce que les jeunes des quartiers et des territoires ruraux aient les mêmes chances que ceux des centres-villes, alors que l’ascenseur social est en panne ?
Il faudra contrôler cette évaluation, et de très près ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
recul de l’âge du départ à la retraite
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, c’est au lendemain d’une bérézina électorale d’une ampleur inédite pour une majorité présidentielle que la réforme des retraites est de nouveau annoncée. L’âge de départ serait ainsi reporté à 64 ans, et cette mesure pourrait être adoptée en quelques lignes intégrées au prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. Chaque parlementaire ici présent pourra apprécier la démarche pour le moins cavalière s’agissant d’un sujet aussi structurant et fondamental dans notre société. Certains ministres semblent craindre d’importants troubles sociaux, d’où les hésitations perceptibles ces derniers jours.
Monsieur le Premier ministre, ma question est très simple, très claire : quelles sont exactement les intentions du Gouvernement sur ce projet de réforme des retraites ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.
Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion. Monsieur le sénateur Éric Bocquet, le Président de la République l’a dit, notre priorité absolue, aujourd’hui, c’est la sortie de la crise sanitaire, le rebond de notre économie et la création d’un maximum d’emplois. Pour autant, en sortie de crise, des questions qui se posaient sur notre système de retraite restent toujours d’actualité. Le rapport remis la semaine dernière par les économistes Jean Tirole et Olivier Blanchard conforte ce diagnostic. Il nous faut donc trouver les voies et moyens d’un système plus lisible, plus juste et plus soutenable.
L’éclatement en quarante-deux régimes rend notre système de moins en moins adapté aux parcours professionnels de celles et ceux, toujours plus nombreux, qui changent de métier.
Par ailleurs, on le sait, le système actuel pénalise les carrières hachées et les temps partiels souvent subis, situations vécues en particulier par les femmes.
La question du financement des retraites demeure également fondamentale, comme le montrent les dernières projections du Conseil d’orientation des retraites. Ainsi, il nous faudra travailler plus longtemps pour assurer le financement pérenne de notre système de retraite et la compétitivité de notre économie. Cela pose les questions du maintien dans l’emploi des seniors et, partant, de la formation tout au long de la vie, des reconversions lorsque c’est nécessaire et de la prévention de l’usure professionnelle. Ces sujets figurent à l’agenda social partagé avec les partenaires sociaux depuis juillet dernier.
Dans ce contexte, le Président de la République a choisi d’entendre les Français, les organisations patronales et syndicales, ainsi que les forces politiques. Je le redis, notre ambition reste la même : assurer l’équité et la pérennité de notre système de retraite par répartition. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour la réplique.
M. Éric Bocquet. Madame la ministre, au-delà de la forme et de la méthode envisagées, c’est le fond qui nous amène à porter une autre réforme : 64 ans, ce sont deux années au-delà de l’espérance de vie en bonne santé.
Nous vivons dans une société où les inégalités sont considérables. Nous constatons ainsi dix ans d’écart d’espérance de vie entre un ouvrier de 59 ans et un cadre de 69 ans. Par ailleurs, 8 % des retraités survivent sous le seuil de pauvreté.
Madame la ministre, la véritable question est celle-ci : quelle part de la richesse nationale sommes-nous prêts à consacrer au financement de notre système de retraite par répartition. C’est non pas une contrainte comptable et financière, mais un choix politique, un choix de société.
Pour le financement, il conviendrait de remettre à plat la logique des allégements de cotisations sociales, par exemple. Il vous faudrait également élargir l’assiette des cotisations aux revenus financiers, qui se développent dans des proportions hallucinantes en dépit de la pandémie. Or, depuis l’instauration du prélèvement forfaitaire unique, ceux-ci ne sont plus soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu.
Madame la ministre, vous êtes face à un choix de société : un choix, vous dis-je ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)
politique agricole commune
M. le président. La parole est à Mme Marie Evrard, pour le groupe Rassemblement des démocrates progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Marie Evrard. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Ce lundi, les vingt-sept ministres européens de l’agriculture ont trouvé un accord sur la nouvelle politique agricole commune (PAC) pour la période 2023-2027.
Trois années de négociations ont été nécessaires pour aboutir à ce compromis et surmonter les points de divergence persistant entre les institutions européennes et les États membres.
La nouvelle réforme de la PAC entrera en vigueur le 1er janvier 2023, après deux années de transition.
Ce compromis était attendu à Bruxelles, à Paris, mais, surtout, par les premiers concernés sur nos territoires, à savoir nos agriculteurs. En juillet dernier, les chefs d’État européens s’étaient déjà accordés sur un budget renforcé pour la PAC.
La France avait atteint son premier objectif en obtenant 62,4 milliards d’euros sur la période 2021-2027, soit 400 millions d’euros de plus qu’à l’occasion de la précédente programmation.
L’aboutissement de cette réforme a nécessité d’âpres discussions au niveau européen, notamment sur le verdissement de notre agriculture, la simplification, la conditionnalité sociale et la souplesse de sa mise en œuvre. Après cet accord final, tout va se jouer maintenant avec sa déclinaison nationale, par l’intermédiaire du plan stratégique national (PSN).
Comme vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre, l’élaboration du PSN constitue un véritable travail d’équilibriste. Ce plan vise deux objectifs principaux : la création de valeur dans les exploitations agricoles sur nos territoires et la reconquête de notre souveraineté alimentaire au niveau national.
Monsieur le ministre, ma question est simple : l’accord trouvé ce lundi conforte-t-il les choix de mise en œuvre du plan stratégique national français, qui ont fait l’objet de votre arbitrage le 21 mai dernier ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice Marie Evrard, effectivement, après trois années de négociations, nous sommes arrivés à un accord politique sur cette nouvelle politique agricole commune, voilà quelques heures, à Bruxelles, avec l’ensemble de mes homologues.
Je tiens à le dire devant la Haute Assemblée, c’est un bon accord pour la France et pour l’Europe.
En effet, comme vous l’avez dit, il permettra à la France de bénéficier de plus de 9 milliards d’euros par an de financements européens pour son agriculture. Surtout, il remplit la triple mission ou la triple vision que nous lui avions fixée.
D’abord, il impose une vision économique pour notre agriculture, c’est-à-dire la consolidation du revenu de nos agriculteurs. C’est essentiel ! Ensuite, il comporte un pilier environnemental, qui nous pousse à investir dans les transitions agroécologiques. Enfin, et c’est nouveau, le troisième pilier de cet accord, défendu ardemment par la France, a un objet social. Nous avons toutes et tous en tête que, pendant des années, notre agriculture a été victime de dumping social de la part de certains pays européens, c’est-à-dire d’une amélioration de la compétitivité de certaines agricultures sur le dos des travailleurs du monde agricole. Dorénavant, cet accord impose le respect de conditions sociales, c’est-à-dire d’un socle de droit du travail européen, comme préalable au versement de certaines aides.
Bref, des financements assurés, une vision économique, environnementale et sociale affirmée : tel est le contenu de l’accord que nous avons conclu, et c’est un bon accord pour la France ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI – M. Bruno Sido applaudit également.)
élections départementales et régionales (ii)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements.)
M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement et le Président de la République affrontent une séquence calamiteuse, marquée par un triple fiasco.
Le fiasco de la propagande électorale : la commission d’enquête sénatoriale fera son travail.
Le fiasco démocratique : avec 20 points de participation en moins par rapport aux élections de 2015, c’est une alerte majeure, dont nous devons collectivement tirer les conséquences. Le Président de la République, avec une grande légèreté, donne comme simple explication : « Les gens n’avaient pas du tout la tête à cela. » (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Quel manque de considération pour le travail des élus locaux et, surtout, quel mépris pour les citoyens !
Enfin, c’est un fiasco électoral pour La République En Marche, ce parti « virtuel » composé de « cliqueurs », comme le qualifie le président Patriat, et donc pour le Président de la République lui-même, qui était, malgré ses dénégations, la véritable tête de liste de ces élections. (M. le Premier ministre s’inscrit en faux.) Je vous renvoie à son tour de France ou aux candidatures du tiers de ses ministres, avec le résultat que l’on connaît.
Conséquence de la verticalité du pouvoir que vous avez installée depuis 2017, ce sont non seulement les élections territoriales que les Français ont boudées, mais, surtout, votre politique et l’action personnelle du chef de l’État.
M. François Patriat. Pas du tout !
M. Patrick Kanner. Alors, monsieur le Premier ministre, pour tirer les conclusions de ce triple fiasco, et plutôt que de relancer une réforme des retraites injuste et totalement décalée en cette période, je vous fais une proposition, qui, d’ailleurs, aurait le mérite de satisfaire un engagement présidentiel, une parole donnée en 2017 : débattez ! Débattez avec le Parlement en convoquant, dès juillet, le Congrès, sur le fondement de l’article 18 de la Constitution. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous sommes les représentants de la Nation. Nous avons des choses à vous dire sur l’état de la France et sur votre bilan. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-François Husson. Rappelez François Hollande !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président Patrick Kanner, si vous pensez que c’est la convocation du Congrès qui aurait pu drainer davantage de nos concitoyens à ces élections, je vous laisse la responsabilité de cette appréciation ! (Rires au banc du Gouvernement. – Protestations sur les travées du groupe SER.)
M. David Assouline. Ne déformez pas ce qu’a dit M. Kanner !
M. Jean Castex, Premier ministre. Il est quand même curieux – ce n’est pourtant pas la première fois que je l’entends – que l’on nous reproche d’avoir voulu « nationaliser » ces élections, ce qui n’a pas été le cas. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)
M. Rémi Féraud. Si, vous l’avez fait !
M. Jean Castex, Premier ministre. Je le dis de la façon la plus claire possible : c’étaient des élections locales. Ce n’est pas parce que nous n’avons pas souhaité les nationaliser que le Gouvernement de la République considère qu’il s’agit d’élections secondaires. Ce sont des élections extrêmement importantes pour la démocratie locale.
Monsieur Kanner, je suis, comme vous, extrêmement préoccupé par l’abstention massive qui a caractérisé ces scrutins.
Nous allons tout de suite – vous y avez fait allusion, je suis votre raisonnement – traiter la question des graves dysfonctionnements qui ont caractérisé l’acheminement des plis et de la propagande électorale, sur lesquels M. le ministre de l’intérieur s’est exprimé ici même mardi 22 juin, et hier encore à l’Assemblée nationale. (Exclamations sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)
Le Sénat a donné à sa commission des lois les prérogatives d’une commission d’enquête sur ce sujet ; nous répondrons à toutes ses questions. L’objectif est évidemment que de tels dysfonctionnements ne se reproduisent pas ! (Exclamations de satisfaction ironique sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)
Beaucoup d’anciens chefs d’exécutifs locaux siègent sur ces travées ; ils ont eu à appliquer le code de la commande publique et connaissent parfaitement les responsabilités des personnes responsables de la conclusion de marchés publics et des titulaires de ceux-ci. C’est un dispositif législatif, adopté ici même, que nous avons appliqué et qu’il faudra sans doute faire évoluer, comme M. le ministre de l’intérieur l’a lui-même déclaré.
M. Marc-Philippe Daubresse. Laissez faire les maires !
M. Jean Castex, Premier ministre. Plus grave encore est la question de l’abstention. Je tiens à répéter, sans nullement chercher de la sorte à nous dédouaner, qu’il s’agit d’une interpellation collective. On peut toujours se renvoyer la balle, mais je crains que cela n’alimente encore davantage le désintérêt de nos concitoyens. Je vous le dis comme je le pense ! Nous prenons toute notre part de responsabilité. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Voyons, mesdames, messieurs les sénateurs : soit vous considérez, comme moi, qu’il s’agit de sujets extrêmement préoccupants,…
M. Jean-François Husson. Alors, il faut agir !
M. Jean Castex, Premier ministre. … soit vous en faites le prétexte d’interpellations permanentes et de politique politicienne, mais cela ne ferait pas avancer le schmilblick !
Le président de l’Assemblée nationale a pris une initiative. Je sais bien, monsieur Kanner, que le Sénat avait déjà offert des contributions sur ces sujets. Il nous faudra, dans la transversalité et la sérénité, en tirer toutes les conclusions qui s’imposent.
Vous savez très bien, monsieur le président Kanner, contrairement à la simplification très abusive à laquelle vous avez procédé (Protestations sur les travées du groupe SER.), qu’il y a beaucoup de causes au phénomène de l’abstention. Nombre de ces causes sont très anciennes ; certaines sont sans doute plus récentes ; en tout cas, elles sont nombreuses et difficiles à traiter pour notre démocratie et, en particulier, pour notre démocratie locale.
Je le répète : dire qu’il s’agit d’élections locales n’est pas condescendant dans notre bouche ! Les résultats ont été ce qu’ils ont été ; nous en prenons acte.
Le Gouvernement de la République que vous avez devant vous a travaillé activement – notamment son chef, depuis son entrée en fonctions – avec les présidents sortants de départements et de régions, et il continuera de le faire, tout aussi activement, avec les nouveaux élus issus du suffrage universel. (M. François Patriat applaudit.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et le Congrès ?
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.
M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, je voudrais d’abord vous féliciter : j’ai appris, par un organe de presse hebdomadaire, que vous étiez confirmé dans vos fonctions ! Vous restez donc notre interlocuteur.
Je vous ai fait une proposition ; je n’ai pas entendu un mot de vous à son propos. J’aimerais simplement que vous rappeliez à M. le Président de la République qu’il avait pris un engagement en 2017 : réunir le Congrès une fois par an pour faire le bilan de la situation de la France. Je vous réitère cette demande, car la réunion de ce Congrès, à quelques mois de l’élection présidentielle, est plus que jamais une évidence. Je vous demande vraiment, monsieur le Premier ministre, de bien vouloir le suggérer au Président de la République, chef de l’État. Le clivage droite-gauche est revenu ; sachez le prendre en considération ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
transfert de la médecine scolaire au département
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Bernard Fialaire. Ma question s’adressait à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, mais aussi à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, ainsi qu’à M. le ministre des solidarités et de la santé ; mais je suis très heureux de m’adresser finalement à M. Joël Giraud, secrétaire d’État chargé de la ruralité.
Les effets médicaux et psychosociaux de la crise du covid-19 affectent durablement notre jeunesse, et ce dès l’enfance. Même si nous saluons le maintien maximal de la présence à l’école, des séquelles persisteront. Le suivi en médecine scolaire a été perturbé.
La situation d’indigence de la médecine scolaire dans notre pays doit nous alerter davantage encore : un seul médecin pour 12 000 élèves ! Parallèlement, la protection maternelle et infantile (PMI) est confrontée aux mêmes problèmes de recrutement. Pourtant, la santé de nos enfants – leur état de bien-être physique, mental et social – bénéficierait d’une mutualisation et d’une complémentarité des services de médecine scolaire avec la PMI et les services sociaux des départements.
Alors que nous envisageons les mesures sanitaires à prendre pour la prochaine rentrée scolaire, alors que les départements renouvellent leurs exécutifs, l’organisation de leurs missions et de leurs services, n’avons-nous pas une formidable occasion de réunir ces services pour plus d’efficacité et d’exhaustivité dans ce contexte de pénurie de professionnels de santé, professionnels qu’il convient de ménager en les délestant des problèmes sociaux intercurrents ?
Il existe une véritable logique de dépistage et d’accompagnement des enfants de la naissance à la fin de leur scolarité.
Le 17 décembre dernier, Mme Gourault annonçait son projet de transfert de la médecine scolaire aux départements par la création d’un service de santé infantile. Mais le 12 mai dernier, à la sortie du conseil des ministres, nous apprenions que cette réforme disparaissait du projet de loi 3DS. Comment expliquez-vous ce recul ?
Pouvons-nous profiter des circonstances actuelles de renouvellement des exécutifs départementaux et de mise en place de mesures sanitaires dès la prochaine rentrée scolaire pour proposer a minima des expérimentations dans des départements volontaires, faute de dispositions applicables sur tout le territoire ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la ruralité.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Bernard Fialaire, comme vous le savez, la question de l’articulation de la médecine scolaire avec les compétences exercées, via les services de la PMI, par le département en matière de santé du petit enfant suscite depuis très longtemps des propositions de réorganisation.
Parmi ces propositions, on trouve effectivement la création d’un service de santé de l’enfant qui réunirait les moyens et les missions de la PMI et de la médecine scolaire. Cette proposition est d’ailleurs soutenue par l’Assemblée des départements de France.
En effet, comme vous le soulignez, les missions de la PMI et celles de la médecine scolaire présentent une certaine continuité. Ainsi, la loi dispose d’ores et déjà que la visite médicale auprès de l’enfant entre 3 ans et 4 ans est confiée aux services de la PMI, bien qu’elle soit organisée à l’école.
Cette proposition a fait l’objet de réflexions dans le cadre de l’élaboration du projet de loi 3DS, que Mme Gourault défendra dans cet hémicycle dès la semaine prochaine. Il est néanmoins apparu que, dans le contexte de la crise sanitaire, les conditions n’étaient pas totalement réunies pour ouvrir cette discussion dans un cadre apaisé.
La réalité est bien que les fragilités ne viennent pas seulement de la médecine scolaire, mais aussi de la gestion de la PMI : vous conviendrez en effet avec moi que cette gestion varie de manière très importante d’un département à l’autre.
Vous n’ignorez pas, monsieur le sénateur, que la santé de l’enfant est une réelle préoccupation du Gouvernement. Je vous propose donc que nous continuions d’y travailler ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
situation de l’industrie automobile
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
M. Jacques Fernique. Madame la ministre, y aura-t-il un avenir, dans notre pays, pour l’industrie automobile ?
Avec autant de destructions d’emplois depuis vingt ans, la question est sérieuse. Dans ma région, je suis particulièrement sollicité par ceux qui en sont victimes ou craignent de l’être demain. Dans le Grand Est, déjà 40 % des emplois offerts chez les constructeurs automobiles et les équipementiers ont disparu depuis 2007. Ce chiffre pourrait encore s’aggraver, puisque l’Observatoire de la métallurgie estime que 100 000 emplois pourraient encore être détruits dans les quinze prochaines années.
Le moteur thermique, à terme, c’est fini ! Des secteurs vont décliner rapidement, sans compensation simultanée par le développement de l’électromobilité.
Ce déclin industriel est-il irrémédiable ? L’emploi doit-il être sacrifié pour l’écologie, pour le climat ? (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Eh bien, non ! C’est ce que répondent ensemble la CFDT Métallurgie et la Fondation Nicolas Hulot, qui viennent de publier un rapport essentiel sur ce sujet.
M. François Bonhomme. C’est du sérieux !
M. Jacques Fernique. Cette contribution majeure au débat indique un chemin viable sur notre sol national pour une industrie automobile combinant emploi et écologie. Quatre scénarios sont comparés : il en ressort que seule la transition écologique accélérée du secteur automobile permettra de maintenir durablement en France la production et le savoir-faire. Ils en appellent pour cela à des états généraux de l’automobile, afin que le dialogue social, industriel et sociétal puisse converger sur les conditions d’un scénario positif pour l’emploi et le climat : en clair, une stratégie industrielle partagée.
Madame la ministre, j’ai donc deux questions à vous poser. Le Gouvernement est-il résolu à engager cette démarche ? Est-il prêt à défendre l’accélération européenne nécessaire, avec la fin de la vente des véhicules diesel et essence en 2030 et des hybrides en 2035 ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Merci, monsieur le sénateur Fernique, pour ce plaidoyer en faveur de l’industrie automobile, de l’emploi et de la transformation de ce secteur !
Vous avez raison : nous nous trouvons aujourd’hui face à des défis majeurs. Il va falloir mettre nos paroles, nos plaidoyers pour cette industrie, en conformité avec nos actes, avec les décisions que nous prenons à tous les niveaux pour faciliter l’implantation de nouveaux sites industriels et favoriser l’emploi industriel. C’est de cela aussi qu’il est question aujourd’hui ; nous devons tous nous réunir autour de cet objectif. C’est d’ailleurs le sens de certaines simplifications qui ont été votées ici ; je veux à ce propos remercier la représentation nationale d’avoir adopté la loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP), qui prévoit des mesures très précises en la matière.
Pour en revenir à votre question, deux enjeux se présentent à nous. Le premier, c’est la transition écologique, que le Gouvernement soutient depuis trois ans maintenant, au travers notamment de mesures d’accompagnement de l’innovation : il faut construire des batteries électriques, inventer de nouveaux dispositifs de voitures décarbonées. Cela passe par des investissements dans la recherche et le développement, mais aussi dans la diversification et la transformation des entreprises. Pour illustrer mon propos de quelques chiffres, plus de 300 entreprises sont aujourd’hui accompagnées dans cette démarche et plus de 170 millions d’euros sont consacrés à la recherche et au développement.
Le second enjeu, c’est l’accompagnement des entreprises qui doivent se réinventer. Je me permets à ce propos de signaler qu’il faut un peu de temps pour que ces emplois et ces sites puissent se transformer. Adopter des normes strictes et dures peut à certains égards bloquer cette transformation et, en fin de compte, nous amener à une écologie qui s’oppose à l’économie.
Pour notre part, nous avons pour objectif une écologie qui soit ambitieuse, mais repose sur une économie solide, avec des produits fabriqués en France, une économie où l’on réimplante des usines dans notre pays. C’est tout le sens du plan de relance que nous défendons, mais aussi du projet de vallée électrique européenne que nous soutenons dans les Hauts-de-France et grâce auquel nous avons pu annoncer, pas plus tard que lundi dernier, la création de plusieurs milliers d’emplois autour de la batterie électrique. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour la réplique.
M. Jacques Fernique. Votre réponse, madame la ministre, décrit des efforts sans doute positifs : deux, voire trois gigafactories – l’Allemagne en a huit – et un plan de relance malheureusement court-termiste et sans conditionnalités. La France, qui présidera l’Union européenne au premier semestre 2022, doit afficher une ambition climatique et industrielle ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
recours à la discrimination positive dans les universités
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Ma question s’adresse bien à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargé des élèves avant qu’ils ne deviennent des étudiants.
Estimez-vous judicieux, monsieur le ministre, que les procédures Affelnet et Parcoursup dissipent désormais dans des « indices de position sociale » – sic ! – les critères académiques qui étaient jusqu’à présent au fondement de toute orientation objective ?
Estimez-vous de bonne conduite que des élèves candidats aux concours des grandes écoles puissent désormais bénéficier, par avance, de points supplémentaires sur des critères qui s’apparentent essentiellement à de la discrimination positive ?
Croyez-vous qu’au concours de l’École polytechnique les mathématiques et la physique ne soient plus suffisantes pour choisir les meilleurs ?
Ne craignez-vous pas, en définitive, que ces évolutions auxquelles tiennent tant certaines élites qui ont pu y échapper se fassent au détriment du rayonnement des formations supérieures et, surtout, de l’équité que l’on doit aux élèves ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Monsieur le sénateur Brisson, puisqu’il n’y a ici que des élus et – je vous rassure ! – des ministres qui aiment la France, je ne crois pas me tromper en affirmant que nous sommes tous également très attachés à la promesse républicaine. C’est cette exigence qui nous a rassemblés, sur toutes ces travées, lors de l’examen de la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants (ORE), qui promeut le mérite.
Oui, aujourd’hui, nous constatons plus de mobilité sociale et une meilleure représentation des boursiers dans toutes les formations, y compris les classes préparatoires aux grandes écoles. C’est le résultat concret de la lutte contre l’autocensure que nous ne cessons de mener. Dans le même temps, la réussite à l’université a progressé.
C’est la même exigence qui nous a rassemblés lors de l’examen de la loi de programmation de la recherche. Nous avons permis aux établissements qui le souhaitent – tel est bien leur souhait ! – de faire évoluer leurs concours, afin là encore de pouvoir reconnaître les mérites de chacun, que les étudiants soient ou non boursiers, qu’ils viennent de la région parisienne ou d’ailleurs en France, qu’ils soient de Paris intra-muros ou extra-muros.
Non, malgré ce que vous sous-entendez, monsieur le sénateur, ce gouvernement n’est pas celui qui remettra en cause le principe du mérite et celui du concours.
M. François Bonhomme. C’est pourtant ce qui s’est passé !
M. Gérard Longuet. Vous niez la réalité !
Mme Frédérique Vidal, ministre. Je vous rappelle d’ailleurs que les concours d’accès aux grandes écoles ont tous été préservés et maintenus l’an dernier, malgré la crise sanitaire et grâce au travail mené par le Gouvernement, en lien avec les écoles.
Maintenant, regardons les chiffres, si vous le voulez bien : on constatera que la promotion au mérite ne fonctionne peut-être plus aussi bien qu’auparavant. Lorsque plus de la moitié des élèves de l’École polytechnique viennent de moins de dix classes préparatoires, qui sont presque toutes situées en Île-de-France, peut-être convient-il de se poser cette question-ci : y a-t-il vraiment un accès de tous les jeunes de tous les territoires de notre pays sur la base du mérite ? Je sais bien, mesdames, messieurs les sénateurs, à quel point vous êtes attachés aux territoires. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. Gérard Longuet. Faites en sorte que les lycées soient bons !
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique.
M. Max Brisson. Ma réplique s’adressera à Mme Vidal, mais aussi à M. Blanquer. Madame, monsieur les ministres, je n’aurais jamais cru que, sous votre magistère collectif, on s’éloignerait davantage encore de la promesse républicaine qui a vu Charles Péguy, le fils d’une rempailleuse de chaises, devenir normalien, ou Albert Camus, le fils d’une femme de ménage, recevoir le prix Nobel de littérature, tout cela sans quotas ni « indices de position sociale » !
Je n’aurais jamais cru que ce serait sous votre magistère que l’excellence et le mérite, mesurés par le travail, les connaissances et l’effort, seraient abaissés au rang d’incongruité !
J’avais pourtant sincèrement espéré que vous fermeriez la porte à cette fascination pour les délires wokistes venus d’outre-Atlantique, pour lesquels s’entichent ceux qui sont si prompts à passer par-dessus bord tout ce qui a forgé notre modèle républicain. (M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports manifeste son agacement.)
J’espérais que vous auriez fait vôtre cette belle citation de Philippe Nemo : « Ce n’est pas en faisant injure aux valeurs de raison, de science, d’intelligence et de travail qu’on forme la jeunesse d’un pays. »
Madame, monsieur les ministres, c’est bien sous votre magistère, hélas, qu’à bas bruit nous tournons le dos à la méritocratie républicaine ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)
situation de l’office national des forêts
M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Florence Blatrix Contat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre assemblée a adopté hier le projet de loi Climat. Notre groupe politique a voté contre ce projet en l’état, considérant qu’il n’était pas à la hauteur de l’enjeu climatique. Nous savons tous ici que les forêts, en tant que puits de carbone, sont l’un des leviers de la transition écologique et de la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre, qui implique une politique forestière ambitieuse, rationnelle et durable.
Pourtant, depuis des années, l’instrument national qui est chargé d’assurer cette gestion et cet entretien, l’Office national des forêts (ONF), ne bénéficie pas d’une attention suffisante des pouvoirs publics. Il est en déficit structurel, sans véritable modèle économique permettant de lui assurer stabilité et développement.
Un nouveau cadre contractuel avec l’État est en discussion. Toutefois, comme nous l’avons évoqué lors des débats sur le projet de loi Climat, ce que nous en savons nous inquiète particulièrement.
Outre les projets de filialisation, on peut ainsi citer la réduction envisagée du personnel, alors que l’ONF a déjà perdu 40 % de ses effectifs en vingt ans ; cette situation suscite une très forte inquiétude des personnels de cet office, qui ne voient pas comment ils pourront, demain, faire plus avec moins de moyens.
Ajoutons-y le recours systématique et grandissant aux collectivités territoriales pour contribuer au budget de l’ONF. Dans le projet gouvernemental, l’augmentation de la contribution des communes s’élèverait à près de 30 millions d’euros pour les budgets de 2023 à 2025. Nos communes forestières s’insurgent contre cette nouvelle ponction, dont nous savons par ailleurs qu’elle ne suffira pas à recréer l’équilibre budgétaire et la stabilité durable de l’ONF.
Monsieur le ministre, comment envisagez-vous de travailler sincèrement à un plan de renforcement des moyens de l’ONF qui permette de relever véritablement le défi du réchauffement climatique, en veillant particulièrement au personnel de cet office et sans grever davantage encore le budget des communes ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice Florence Blatrix Contat, l’ONF est un office absolument indispensable et très précieux. Je voudrais réaffirmer, en ouverture de mon propos, à quel point le Gouvernement soutient l’ONF et tous ceux qui y travaillent.
L’ONF fait face aujourd’hui à un certain nombre de défis. Il s’agit, d’abord, du défi structurel du changement climatique, que nous vivons tous et auquel l’ensemble de nos forêts font face, avec par exemple la crise des scolytes.
Mais l’ONF fait aussi face à un défi financier, comme vous l’avez rappelé dans votre question. Aujourd’hui, cet office est endetté à hauteur de 450 millions d’euros. Alors, que faire ? Restera-t-on les bras croisés, en se disant que ce n’est pas grave, qu’il faut continuer comme avant ? Ou bien abordera-t-on ce problème avec conviction, c’est-à-dire en soutenant l’ONF, mais aussi avec courage, en prenant les bonnes décisions pour faire face à cette situation et assurer la pérennité de cet office ?
Face à de telles situations, les décisions qui doivent être prises sont toujours difficiles. La position de ce gouvernement est d’abord d’affirmer qu’il faut que l’État s’engage concrètement, financièrement, en renforçant les crédits alloués aux missions d’intérêt général de l’ONF à hauteur de 12 millions d’euros en 2021 et jusqu’à 22 millions d’euros en 2024. On renforcera aussi la subvention d’équilibre de 60 millions d’euros. Le plan de relance, au sein duquel 30 millions d’euros seront consacrés à l’ONF dès 2021, témoigne aussi de cet engagement.
Il faut également que des efforts puissent être accomplis au sein de l’ONF, en poursuivant la trajectoire d’équilibre trouvée en matière de dépenses de fonctionnement et de réduction de la masse salariale. L’objectif pour l’année prochaine est une réduction de 95 équivalents temps plein, d’ailleurs largement inférieure à celles des années précédentes.
Quant aux communes, mon temps de parole est épuisé, mais la question de Mme Anne-Catherine Loisier me fournira dans quelques minutes l’occasion de répondre également à la vôtre sur ce point. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour la réplique.
Mme Florence Blatrix Contat. Nous sommes persuadés qu’il faudra donner davantage de moyens à l’ONF pour mener sa mission de service public, sans grever toujours plus le budget de nos communes, qui ont déjà été beaucoup ponctionnées ces dernières années ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
port du burkini dans les piscines
M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Savin. Monsieur le Premier ministre, de nouveau, la polémique sur le burkini s’installe alors que l’été vient tout juste de débuter. Comme chaque année depuis trois ans, la ville de Grenoble est en pointe sur le sujet !
Cette polémique est parfaitement orchestrée autour de trois acteurs. Tout d’abord, on trouve un maire écologiste, candidat déclaré à l’élection présidentielle ; pour séduire un électorat, il entretient la polémique quant à sa position sur le sujet et renvoie la responsabilité à votre gouvernement.
Ensuite, il y a une association militante, qui a d’ores et déjà annoncé mener des actions de désobéissance civile en enfreignant volontairement le règlement intérieur des piscines au nom de la liberté des femmes à vivre leur foi comme elles l’entendent. M. le ministre de l’intérieur a estimé que cette association faisait la promotion de règles compatibles avec la charia ; Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté affirmait quant à elle en mars dernier : « Nous faisons face à une petite minorité qui promeut un islam radical et rétrograde, notamment pour les femmes. »
Enfin, le troisième acteur n’est autre qu’une députée de votre majorité, qui appelle pour sa part, depuis quarante-huit heures, à l’organisation d’un référendum local sur le sujet.
Mme Frédérique Puissat. C’est scandaleux !
M. Michel Savin. Tout cela est simplement délirant !
Monsieur le Premier ministre, nous avons besoin d’entendre le Gouvernement clarifier sa position ; nous ne pouvons accepter de telles postures, qui sont un réel danger pour notre vie en société.
Aussi, monsieur le Premier ministre, quelle est la position de votre gouvernement sur le port du burkini ?
Quelle règle souhaitez-vous voir appliquer dans nos territoires ?
Enfin, êtes-vous favorable à l’organisation d’un référendum local sur ce sujet ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur Michel Savin, la question que vous posez est extrêmement importante. En effet, comme vous l’avez exprimé, comme plusieurs membres de ce gouvernement, y compris Marlène Schiappa et moi-même, l’ont reconnu, il existe bien des groupes qui cherchent à créer de la provocation au travers de ce type d’actions.
En outre, certaines municipalités font parfois montre de complaisance envers les groupes communautaristes qui s’efforcent de soutenir l’islam politique ou d’autres tendances radicales. Nous devons en être conscients et ne pas sous-estimer le phénomène.
Quels outils peut-on utiliser pour faire face à des phénomènes de ce type ? Fort heureusement, ceux-ci restent très minoritaires : une très grande majorité des femmes est très heureuse d’avoir la liberté de se vêtir dans les piscines d’une manière qui correspond aux conquêtes des libertés féminines accomplies au vingtième siècle.
Sur le plan juridique, les outils permettant de faire face à ce phénomène sont limités : constitutionnellement, les usagers du service public ne sont évidemment pas dans la même situation que les agents du service public. De toute façon, jusqu’à présent, les tenues couvrantes sont interdites dans la plupart des règlements de piscines municipales ; c’est vrai pour les hommes aussi bien que pour les femmes.
J’ai décidé de saisir l’agence chargée de la réglementation de la sécurité et de l’hygiène, de façon à examiner s’il est possible de prendre une mesure nationale en la matière, ou si une circulaire ministérielle peut servir d’appui aux règlements des communes. À ce stade, je suis en mesure de vous confirmer que les tenues couvrantes peuvent à l’évidence être interdites par les règlements municipaux : il revient à chaque maire de prendre ses responsabilités, et nous examinerons si une mesure nationale s’impose. (MM. François Patriat et Richard Yung applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour la réplique.
M. Michel Savin. Monsieur le ministre, vous parlez de provocation et de complaisance, vous évoquez les outils dont on dispose. Pour ma part, je vous rappellerai que le Sénat a fait le choix de la clarté, en adoptant un amendement à ce sujet lors de son examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République. C’est votre majorité à l’Assemblée nationale qui a supprimé ce dispositif !
Une nouvelle fois, vous refusez de traiter ce réel problème de société. En cédant devant l’islam radical, vous prenez le risque de voir notre pays se fracturer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
augmentation des contributions des communes forestières à l’office national des forêts
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Anne-Catherine Loisier. Dans la mesure où ma question porte sur un arbitrage interministériel, elle mériterait de recevoir une réponse de votre part, monsieur le Premier ministre.
Je vous interroge, de nouveau, sur la forêt publique, créatrice de richesses collectives qui ne sont pas rémunérées.
On demande aujourd’hui aux élus de petites communes rurales, souvent démunies en services, d’accueillir du public en toute sécurité, d’assumer les dégâts croissants que cause le gibier sur de jeunes plantations, d’approvisionner en priorité les entreprises françaises et les filières de construction, et de réguler les marchés par leur flux, quitte à reporter des ventes pourtant attendues, voire à perdre des recettes.
Dans ce contexte de crise forestière et de guerre commerciale mondiale sur les matériaux, les communes forestières servent l’intérêt général sans recevoir, jusqu’à présent, aucune compensation financière. Pire encore, vous proposez aujourd’hui de les ponctionner toujours plus. Ignorant les engagements pris ces dernières années, vous envisagez d’augmenter encore la contribution de 14 000 communes forestières pour tenter de financer le déficit de l’Office national des forêts.
Dans le même temps, comme cela a été rappelé, vous prévoyez de supprimer 500 emplois. Il s’agit donc d’un plan destructeur, consistant à ponctionner davantage tout en supprimant des postes de terrain, tout en dégradant le maillage territorial pourtant essentiel pour l’adaptation des forêts.
Vous ponctionnez, monsieur le ministre de l’agriculture, sans stratégie d’avenir, ni pour l’amont ni pour l’aval, et ce malgré les nombreuses propositions que vous ont faites les acteurs de terrain.
Vous comprendrez, monsieur le Premier ministre, que les élus locaux soient en colère. Surtout, ils sont inquiets, car ils sont seuls face à la catastrophe sanitaire et écologique qui s’étend jour après jour, seuls face aux risques d’incendie qui se répandent, seuls enfin face à un gouvernement qui les néglige, ignore leurs propositions et réduit leurs communes à des variables d’ajustement budgétaire.
Quelles suites allez-vous donc donner à ces mesures irréfléchies et à cette absence de plan d’avenir pour la forêt française ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Gisèle Jourda applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice Anne-Catherine Loisier, je répondrai d’abord à votre interpellation sur la vision et la stratégie. Je ne peux pas vous laisser dire que le Gouvernement n’a pas de stratégie forestière. De mémoire de sénateur, y a-t-il jamais eu un gouvernement qui a autant investi dans la forêt – à travers le plan de relance, 200 millions d’euros ont été investis dans les forêts et leur renouvellement – ? Objectivement, cela n’a jamais été le cas, jamais ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Madame la sénatrice, je connais et salue votre engagement en faveur de nos forêts : nous parlons souvent de ces sujets.
Ensuite, nous sommes face à un défi de stabilité de l’ONF, notamment d’un point de vue financier. Comme je l’ai indiqué dans ma réponse à une précédente question, cette stabilisation sera un engagement de l’État, j’en ai détaillé les modalités. Ce sera aussi un engagement de l’ONF, c’est-à-dire de l’office même, avec le soutien du Gouvernement, qui renouvelle toute sa reconnaissance envers celles et ceux qui y travaillent.
Enfin, je tiens à insister sur le rôle des communes forestières, puisque c’est l’objet de votre question.
D’une part, les communes forestières ont un rôle fondamental à jouer. Vous avez bien en tête qu’il y a quelques mois a été évoquée l’idée de retirer les communes forestières de la gouvernance de l’ONF. J’ai décidé – je crois d’ailleurs que c’est la première décision que j’ai prise en arrivant à ce ministère – de réintroduire les communes forestières dans le conseil d’administration de l’ONF ; il eût été une folie de les en exclure. C’est pourquoi nous sommes revenus sur cette disposition.
D’autre part se pose la question de la contribution des communes forestières pour l’ensemble des missions que l’ONF réalise pour leur compte. Nous allons agir avec méthode, en commençant par mettre en place une comptabilité analytique – je n’entre pas dans le détail, vous l’avez bien en tête –, puis en prévoyant une clause de revoyure en 2022 sur la nature et les conditions des contributions de 2023 et de 2024-2025, qui seraient respectivement de 7,5 millions d’euros et de 10 millions d’euros. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
évolution de la situation sanitaire
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour le groupe Les Républicains (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Procaccia. Madame la ministre, depuis des semaines, deux France s’affrontent : celle des Français qui aspirent à un retour à la normale, à l’allégement de toutes les restrictions, et celle des Français qui regardent l’avenir avec inquiétude, tant est grand le risque d’une reprise épidémique à la rentrée. Comme Claude Malhuret, je fais partie des Français inquiets.
De nombreux pays freinent leur déconfinement, alors qu’en France, dès aujourd’hui, il n’y a quasi plus de restrictions, que la vaccination stagne, que des clusters apparaissent et que débutent les grandes migrations estivales.
Le ministre des solidarités et de la santé a déclaré hier que le variant delta, qui représentait 0,1 % des contaminations au mois de mai dernier, 10 % la semaine dernière, 20 % aujourd’hui, allait devenir majoritaire, car il était beaucoup plus contagieux, mais que l’on pouvait y échapper.
La France serait-elle la seule à y échapper ?
Le Gouvernement n’a ni prévu ni anticipé l’épisode de relâchement de l’été dernier, encore moins l’invasion rapide du variant anglais cet hiver.
Monsieur le Premier ministre, vous venez d’annoncer que vous aviez anticipé en créant une consultation. Allez-vous agir immédiatement et pendant l’été ?
La menace d’une vaccination obligatoire des soignants au mois de septembre prochain n’est pas suffisante et la rentrée universitaire et scolaire n’est jamais évoquée.
Ma question est simple : cette année, avez-vous au moins un plan dans les cartons ou allez-vous encore naviguer à vue ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice Catherine Procaccia, permettez-moi de vous citer quelques éléments reflétant la véritable situation sanitaire d’aujourd’hui. Le taux d’incidence est de 18,5 pour 100 000, soit plus de vingt fois inférieur à celui qui a justifié le renforcement des mesures sanitaires qui prennent donc fin ce jour. Dans le même temps, le taux de positivité des tests est inférieur à 1 % et le nombre d’hospitalisations pour cause de covid-19 connaît une baisse considérable, puisque nous sommes passés sous la barre des 8 700 lits occupés, dont 1 260 en réanimation.
Si cette situation a été rendue possible, c’est pour deux raisons. D’une part, les Français ont été à la hauteur, ont respecté les consignes sanitaires, car celles-ci étaient proportionnées et ont porté leurs fruits. D’autre part, la vaccination est la seule voie pour sortir durablement de cette épidémie, et sa montée en charge est conforme aux objectifs que nous nous étions fixés. Nous devons poursuivent dans cette voie.
Pour la journée d’hier, plus d’un demi-million de personnes ont été vaccinées. Ainsi, un Français sur deux a désormais au moins reçu une dose de vaccin et 22 millions de Français bénéficient d’un schéma complet.
Notre ligne de conduite consistant à « tester, alerter, protéger » a toujours été accompagnée de la réponse la plus fine possible à une situation donnée pour préserver notre système de santé.
Néanmoins, certains variants, vous l’avez indiqué, madame la sénatrice, gagnent du terrain dans le monde entier et arrivent dans notre pays : ils représentent désormais 20 % des contaminations, tout en étant de 60 % à 90 % plus transmissibles. Bien sûr, nous tâchons de circonscrire le plus possible cette situation en accompagnant au cas par cas dans les territoires.
Par exemple, dans le département des Landes, un plan d’action renforcé est lancé avec une augmentation du nombre de doses de vaccins disponibles, un renforcement de la démarche d’« aller vers », le contact tracing, mais également, quand cela est nécessaire, des mesures de freinage.
De la même façon, le déploiement du pass sanitaire est un outil de protection renforcée et nous allons le développer.
La réponse de l’État est là,…
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. … mais le civisme de chacun d’entre nous est la seule assurance d’éviter une quatrième vague. Je le rappelle, les vaccins disponibles protègent à 90 % des formes graves après une couverture vaccinale complète. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour la réplique.
Mme Catherine Procaccia. Madame la ministre, vous n’annoncez absolument rien de nouveau !
Je ne conteste pas que la situation soit bonne, mais je vous demande ce qui est prévu pour éviter une quatrième vague. L’Académie de médecine a proposé de rendre les tests de confort payants pour inciter les gens à se faire vacciner. Des urgentistes proposent de ne pas attendre le mois de septembre prochain pour vacciner obligatoirement les soignants, puisqu’il faut un mois ou un mois et demi pour être immunisé.
Si un quatrième confinement est décidé, est-ce que seuls les non-vaccinés seront confinés ou confinera-t-on tout le monde ? Les Français sont inquiets et on aimerait avoir des réponses, des réponses rapides et des réponses d’anticipation. Ce n’est pas le cas cet après-midi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
reconnaissance des vaccins à l’étranger
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Yves Leconte. Madame la ministre, ma question porte sur la politique vaccinale à l’égard de nos compatriotes établis hors de France.
Les Français de l’étranger sont, depuis le début de la campagne vaccinale, incités par votre gouvernement à se faire vacciner dans leur pays de résidence.
Selon les pays, les vaccins diffèrent et tous ne sont pas reconnus par la France. Ainsi, un Français vacciné avec Sinovac ou Spoutnik sera considéré comme « non vacciné » s’il souhaite rentrer en France : il sera alors soumis à son arrivée à un auto-isolement ou à une quarantaine surveillée.
Pourtant, une partie significative de ces vaccins sont obtenus par l’initiative Covax, qui a pour finalité de distribuer des vaccins dans les pays ne disposant pas de la capacité d’en acquérir. La France finance cette initiative et en fait la promotion, tout en n’en reconnaissant pas les effets, car Covax recourt à des vaccins reconnus par l’Organisation mondiale de la santé, mais pas nécessairement par l’Agence européenne des médicaments !
De surcroît, ceux qui auraient été vaccinés à l’étranger avec un vaccin reconnu en France peuvent voir leur certificat de vaccination étranger reconnu « au niveau des frontières pour entrer en France », mais celui-ci ne permettra pas pour autant l’accès aux événements soumis au pass sanitaire. Un test récent PCR ou antigénique négatif devra alors être présenté ! Rien ne justifie cela : soit l’attestation vaccinale étrangère avec un vaccin reconnu en France est valable, soit elle ne l’est pas !
Enfin, si le Gouvernement a annoncé que la France organisait la vaccination à l’attention des Français de l’étranger dans trente-cinq pays, aucune liste n’a été communiquée à ce jour ni aucune stratégie globale présentée.
Nos compatriotes nous sollicitent chaque jour afin d’obtenir des informations concernant la stratégie vaccinale de la France, tant les incertitudes et difficultés pratiques sont présentes.
Ces sujets sont aussi essentiels pour les touristes appelés à visiter la France au cours de l’été.
Quelles sont les raisons qui conduisent le Gouvernement à faire preuve d’une telle incohérence concernant les certificats vaccinaux étrangers ?
Quand cessera l’hypocrisie consistant à participer à l’initiative Covax pour la distribution de vaccins, alors que de nombreux vaccins administrés par cette voie ne sont pas reconnus en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Monsieur le sénateur Leconte, je tiens à rappeler les efforts déployés pour que le vaccin soit accessible à tous et pour en faire un bien public mondial. La solidarité vaccinale, dont le dispositif Covax est la meilleure incarnation, est un impératif moral, mais aussi la seule façon de mettre fin ensemble à la pandémie.
La France est aux côtés des siens, où qu’ils soient dans le monde. Elle est le seul pays à avoir lancé la vaccination de ses communautés à l’étranger. Certains de nos partenaires ont des plans de vaccination, mais uniquement pour leurs agents publics expatriés. Dès le mois de décembre dernier, des travaux ont été lancés en ce sens, avant même que la vaccination ne débute sur le territoire national.
De premières doses ont été envoyées au début du mois de mai dernier en Inde, à Madagascar. Désormais, c’est dans plus de cinquante pays que des doses ont été envoyées ou sont en cours d’envoi. Des envois supplémentaires sont à l’étude. Cette vaccination s’appuie sur le réseau diplomatique et consulaire, avec l’appui des autorités sanitaires partenaires. Ce sont des opérations lourdes, complexes, qui demandent l’accord des pays dans lesquels elles sont réalisées. Les autorisations ne sont parfois pas encore données, nous y travaillons. Avec le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, nous allons simplifier et amplifier nos efforts pour nous inscrire dans une géographie plus vaste et dans un temps long.
Par ailleurs, nos compatriotes de l’étranger peuvent tous se faire vacciner gratuitement sur le territoire national, les délais d’injection entre deux doses étant réduits à vingt et un jours. Pour ceux qui reviennent d’un pays en liste rouge, soumis à une quarantaine administrative et non à un isolement, il est possible de sortir quelques heures par jour pour des motifs essentiels, dont la vaccination fait partie.
Enfin, pour ce qui est des types de vaccins reconnus, seuls les vaccins homologués par l’Agence européenne des médicaments sont employés, car notre unique préoccupation est l’efficacité vaccinale. L’homologation du vaccin AstraZeneca dans sa version Covishield est à l’étude par l’Agence européenne des médicaments. Elle interviendra dans les meilleurs délais.
Pour ce qui est des frontières, nous sommes très attentifs à la situation épidémique mondiale. Le dispositif-cadre de la coordination européenne, dont la France est motrice, s’adapte constamment pour assurer la meilleure protection des Français.
financement des retraites des agents généraux d’assurance
M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Vincent Segouin. Madame la ministre, les agents généraux d’assurances sont inquiets !
Comme vous le savez, le financement du régime de retraite des agents généraux d’assurances est fondé sur une cocontribution financière des agents généraux et des compagnies d’assurances. Ce cofinancement est la conséquence de l’interdépendance économique qui existe. Aussi, actuellement, un agent général doit partir à la retraite à 67 ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein. En outre, il cotise sur son chiffre d’affaires, peu importe son bénéfice. Leur caisse de retraite est la seule qui agisse ainsi.
Jusqu’à présent, la contribution des compagnies d’assurances a toujours été de 3 % du chiffre d’affaires. Le dernier accord arrive à échéance au 31 décembre 2021.
Or il se trouve que les compagnies d’assurances ont décidé de se désengager totalement du financement du régime de retraite des agents généraux. Cette décision est incompréhensible au regard des bénéfices annuels publiés par ces mêmes compagnies.
Ce désengagement total conduirait à une augmentation de 58 % des cotisations des actifs, à une baisse de 33 % des droits à retraite ou à l’épuisement de la caisse dans les deux ans.
Comment le Gouvernement compte-t-il intervenir pour rétablir la contribution des compagnies et pour assurer la pérennité du régime de retraite des agents généraux d’assurances ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.
Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion. Monsieur le sénateur, permettez-moi tout d’abord de vous féliciter pour votre réélection comme conseiller départemental de l’Orne. (Exclamations amusées et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Depuis 1952, des accords conventionnels successifs prévoient la prise en charge par les compagnies d’assurances d’une partie des cotisations des agents généraux d’assurances à leur régime de retraite complémentaire. Cela représente actuellement environ 90 millions d’euros par an, soit plus du tiers des ressources du régime.
L’accord aujourd’hui en vigueur expire à la fin de l’année. Des négociations sont donc en cours entre les organisations représentatives des compagnies d’assurances et des agents généraux. Il semble, comme vous l’avez indiqué, que les compagnies d’assurances aient fait savoir qu’elles souhaitaient se retirer d’une partie de cette prise en charge des cotisations, ce qui compromettrait encore plus l’équilibre financier déjà précaire du régime. En effet, malgré les réserves importantes – de l’ordre de 1,3 milliard d’euros en 2019 –, le régime est structurellement en déséquilibre technique.
Très respectueux des dispositifs conventionnels, l’État n’a pas vocation à se substituer à l’une des parties ni à empêcher que ces relations évoluent. Pour autant, un désengagement brutal des compagnies d’assurances mettrait en réelle difficulté le régime de la caisse d’allocation vieillesse des agents généraux et des mandataires non-salariés d’assurance et de capitalisation (Cavamac). Celui-ci a en effet une obligation réglementaire de disposer d’une visibilité à quarante ans.
Ainsi, si l’État n’entend pas se substituer à ce dispositif conventionnel, il est attentif aux négociations en cours et à leurs conséquences sur le régime des agents d’assurances. Le Gouvernement sera particulièrement vigilant à ce que l’accord qui sera trouvé entre les parties garantisse l’équilibre de long terme du régime, comme le prévoit la réglementation, et également les droits des affiliés. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour la réplique.
M. Vincent Segouin. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse qui, je tiens à le dire, est très rassurante. C’est un sujet qui nous interpelle et je compte sur vous et sur cette bienveillance pour ne pas laisser les milliers d’agents généraux, actifs et retraités, livrés à eux-mêmes, car l’équilibre de la caisse risque de ne plus être assuré dans l’avenir. (M. Michel Savin applaudit.)
renégociation des contrats de rachat de l’électricité photovoltaïque
M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Belrhiti. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Les agriculteurs sont inquiets de la renégociation des contrats d’achat d’électricité photovoltaïque.
Contre l’avis du Sénat, le Gouvernement a voulu réviser les tarifs d’achat de l’énergie produite par les installations photovoltaïques. Le Sénat avait pourtant mis en garde sur le signal désastreux que cette négation des engagements de l’État enverrait à l’ensemble de la filière des énergies renouvelables, mais également sur la menace qu’elle ferait peser sur les exploitations agricoles.
Le 2 juin dernier, le Gouvernement a rendu publics les nouveaux tarifs en se fondant sur les calculs de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Alors que le Gouvernement promettait une baisse moyenne de 55 %, de nombreux agriculteurs bailleurs de toitures pourraient connaître des baisses allant jusqu’à 95 % du prix !
Cette révision avait pourtant été validée par le Conseil constitutionnel à la condition qu’elle n’affecte pas la viabilité économique des structures de production et assure une rentabilité raisonnable à ces nombreux agriculteurs qui, pendant des années, ont contribué au développement des énergies solaires.
L’État manquerait-il aujourd’hui à sa parole ?
Cette double peine est infligée aux agriculteurs sur la base de calculs théoriques de la CRE, déconnectés du terrain et des réalités économiques. Elle aurait des conséquences financières désastreuses pour les porteurs de projets et les bailleurs.
Avec un prix de revente qui pourrait être divisé par au moins dix selon les syndicats agricoles, comment feraient les agriculteurs pour rembourser leurs emprunts, payer les charges ou assurer la rentabilité des installations ?
Monsieur le ministre, pouvez-vous garantir que le Gouvernement tiendra ses engagements, respectera la volonté du législateur et assurera une sécurité juridique et financière aux agriculteurs qui se sont engagés de bonne foi pour l’environnement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Catherine Belrhiti, vous relayez l’inquiétude de certains agriculteurs : nous devons évidemment les entendre et les rassurer.
Cette mesure adoptée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021 ne vise qu’une toute petite minorité de contrats d’achat d’énergie photovoltaïque signés entre 2006 et 2010. Ne sont ainsi concernés qu’environ mille contrats d’achat d’électricité renouvelable sur les cinq cent mille qui sont actuellement signés. Cela est attesté, ces mille contrats bénéficient d’une sur-rentabilité. Pour la plupart d’entre elles, ces installations sont amorties et, si nous n’intervenons pas, elles coûteront encore 10 milliards d’euros aux contribuables d’ici à 2030.
Ce principe de révision est donc désormais acté dans la loi. Nous entrons dans la phase de mise en application avec la plus grande vigilance par rapport au modèle économique de ces exploitations. Les textes réglementaires ont fait l’objet d’une large concertation avec la filière et avec les acteurs eux-mêmes. Cette concertation vient de se terminer et nous tiendrons évidemment compte de ses conclusions pour finaliser ces textes.
Par ailleurs, vous le savez, nous accordons un soin particulier aux zones non interconnectées et aux acteurs agricoles et nous prévoyons une clause de sauvegarde qui permette aux exploitants de demander une analyse individuelle de leur situation par la Commission de régulation de l’énergie, afin de pouvoir conserver des conditions de rémunération qui soient satisfaisantes.
Enfin, je rappelle que cette révision s’applique aux contrats qui relèvent d’installations dont la puissance est supérieure à 250 kilowatts-crête, soit plus de 3 000 mètres carrés de panneaux solaires – je vous laisse imaginer l’importance de ces exploitations –, ce qui exclut de facto de ce dispositif les particuliers et la plus grande majorité des agriculteurs.
Cette mesure est justifiée d’un point de vue budgétaire. Elle ne remet en aucun cas en cause l’objectif gouvernemental d’un soutien massif au développement des énergies renouvelables, comme en témoignent les 110 milliards d’euros d’engagements sur les vingt ans à venir, l’augmentation de 25 % du soutien financier aux énergies renouvelables entre 2020 et 2021 et des appels d’offres d’ores et déjà prévus pour plus de 10 gigawatts d’installations photovoltaïques au cours des cinq prochaines années. Ce sont autant d’installations qui peuvent constituer utilement un complément de revenu agricole et qui participent à la transition énergétique française. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour la réplique.
Mme Catherine Belrhiti. Madame la secrétaire d’État, le Sénat a lancé une mission « flash » sur ce sujet et rendra un rapport d’information clair et objectif, ce qui n’est pas le cas de votre réponse ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mercredi 7 juillet 2021, à quinze heures.
3
Candidatures à une mission d’information
M. le président. J’informe le Sénat que, conformément à l’article 8 du règlement, les listes des candidats remises par les groupes politiques pour participer à la mission d’information sur les influences étatiques extra-européennes dans le monde universitaire et académique français et leurs incidences ont été publiées.
Elles seront ratifiées s’il n’y a pas d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à vingt et une heures, sous la présidence de Mme Nathalie Delattre.)
PRÉSIDENCE DE Mme Nathalie Delattre
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
Rappel au règlement
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Claude Requier. Je souhaite faire un rappel au règlement concernant l’organisation de nos travaux.
Alors que nous avons terminé les questions d’actualité au Gouvernement à seize heures vingt, la séance reprend à vingt et une heures pour l’examen du projet de loi de finances rectificative. Nous avons donc « perdu » trois heures, qui auraient pu servir pour la discussion générale.
Il est vrai que l’examen du projet de loi de finances rectificative devait débuter demain et qu’il a été avancé à ce soir. Mais, dans la mesure où près de trois cents amendements ont été déposés sur ce texte, je crains qu’il ne faille siéger longtemps, peut-être jusqu’à vendredi, pour compenser les trois heures que nous avons « perdues » aujourd’hui.
Je ne mets en cause ni la direction de la séance ni M. le ministre délégué, dont je salue la présence régulière dans notre hémicycle. Mais je regrette la longueur de cette coupure, sachant que ces trois heures auraient pu nous permettre de gagner du temps. En ce moment, nous siégeons du lundi au vendredi. Ce ne serait pas mal de pouvoir terminer l’examen du projet de loi de finances rectificative demain soir.
Mme la présidente. Acte est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
5
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde.
Mme Christine Lavarde. Madame la présidente, lors du scrutin n° 148, Mme Sylviane Noël souhaitait voter pour.
Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
6
Candidatures à une commission mixte paritaire et deux éventuelles commissions mixtes paritaires
Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, et au sein des éventuelles commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports, de l’environnement, de l’économie et des finances et du projet de loi de finances rectificative pour 2021 ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévue par notre règlement.
7
Loi de finances rectificative pour 2021
Discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2021 (projet n° 682, rapport n° 705).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux de vous retrouver pour l’examen du projet de loi de finances rectificative (PLFR), dont j’avais déjà évoqué la nécessité au mois de mai dernier, lors de mon audition par la commission des finances sur le projet de décret d’avance.
Il s’agit d’assurer le financement d’un certain nombre de besoins et d’engagements qui ont d’ores et déjà été pris, et de proroger des dispositifs qui nous paraissent utiles. Nous voulons permettre à nos concitoyens et à notre économie d’affronter cette période si particulière de sortie d’une crise qui n’a que trop duré.
Le projet de loi de finances rectificative est organisé en quatre volets.
Premièrement, ce texte permet la sortie de crise et le financement des différentes mesures nécessaires pour l’accompagnement des entreprises et des Français pendant la période transitoire.
C’est la raison pour laquelle nous vous proposons d’inscrire 15,5 milliards d’euros au titre des dispositifs d’urgence.
Parmi ces crédits, 4 milliards d’euros sont destinés à compenser à la sécurité sociale les exonérations de cotisations que vous avez décidées dans différents textes.
En outre, 3,4 milliards d’euros sont consacrés au financement du fonds de solidarité, avec son caractère dégressif, jusqu’à la fin du mois d’août. Je tiens à le souligner, à l’heure actuelle, plus de 30 milliards d’euros ont été engagés dans ce cadre depuis le 15 mars 2020, au bénéfice de 2,2 millions d’entreprises.
Nous vous proposons également d’inscrire 6,4 milliards d’euros au titre du financement de l’activité partielle. Je souhaite apporter une précision. Un mécanisme de prise en charge de l’activité partielle spécifique à la période de l’épidémie de covid-19 a été largement mobilisé. Cela nous a amenés à utiliser la trésorerie disponible sur l’activité partielle de longue durée, comme c’était prévu dans le cadre du plan de relance. Le crédit de 6,4 milliards d’euros que nous vous proposons d’ouvrir permet donc à la fois de financer l’activité partielle, dite covid, mais aussi de « recharger » les crédits nécessaires au financement de l’activité partielle de longue durée, dispositif auquel les entreprises auront recours à partir de cet été.
Nous souhaitons aussi inscrire 150 millions d’euros de mesures spécifiques et sectorielles pour la culture, afin d’accompagner la sortie de crise du secteur, qui a connu, vous le savez, des difficultés.
Et nous vous proposons – j’y reviendrai dans un instant – d’inscrire 200 millions d’euros de soutien aux collectivités locales, en particulier à celles qui gèrent un certain nombre de services publics en régie et qui ont vu leurs recettes très largement détériorées par la crise économique.
Ces 15,5 milliards d’euros de mesures d’urgence représentent un engagement massif de l’État et expliquent la dégradation du déficit, sur laquelle je reviendrai à la fin de mon propos.
Deuxièmement, nous voulons faciliter et accélérer la mise en œuvre du plan de relance.
Nous vous proposons ainsi des redéploiements limités, qui ne remettent pas en cause le caractère « vert » du plan de relance. Il s’agit de transférer des crédits aujourd’hui ouverts dans le budget vers des crédits ouverts dans le cadre du programme d’investissements d’avenir (PIA), mais avec la volonté de maintenir les efforts en matière de verdissement de l’économie.
Nous voulons aussi permettre des redéploiements pour assurer le financement des dispositifs relatifs à l’industrie du futur, mais aussi à la numérisation de l’économie et à l’agriculture. Autant de dispositifs qui ont connu un succès plus important que nous ne l’avions prévu et qui nécessitent de voir les crédits qui leur sont affectés rehaussés.
Troisièmement, le projet de loi de finances rectificative comporte des mesures nouvelles. Je tiens à le préciser, celles-ci ne se traduisent pas par une dégradation du déficit public.
Nous avons veillé à ce qu’elles soient gagées, entre autres, par des annulations de crédits placés en réserve de précaution. Nous avons fait en sorte de ne jamais annuler plus de 30 % à 40 % d’une même réserve de précaution.
Nous n’avons pas sollicité les ministères dont les budgets sont les plus tendus, comme les armées, les relations avec les collectivités locales ou l’égalité entre les femmes et les hommes.
Nous avons aussi gagé ces dépenses nouvelles en diminuant les crédits consacrés aux appels de garanties liés aux prêts garantis par l’État (PGE), et ce pour deux raisons. D’une part, la sinistralité que nous pouvions craindre sur les PGE sera moins importante que prévu. D’autre part, nous avons permis aux entreprises de reporter la date de première échéance de remboursement, ce qui éloigne mécaniquement le risque de sinistralité.
Si les mesures que nous vous proposons d’inscrire ne dégradent pas le déficit public, elles permettent de consacrer 700 millions d’euros à l’hébergement d’urgence : nous avons pris la décision de maintenir le nombre de places pendant tout l’été au même niveau que pendant la période hivernale.
En outre, 350 millions d’euros sont inscrits au bénéfice de l’agriculture pour financer les premières mesures d’indemnisation des agriculteurs touchés par le gel au cours du printemps dernier, mais aussi pour assurer le financement de dispositifs spécifiques, notamment en matière de grippe aviaire ou de jaunisse de la betterave.
Il s’agit aussi de financer le Pass’Sport, annoncé par le Président de la République, à hauteur de 100 millions d’euros ; de mettre en place des mesures spécifiques aux quartiers prioritaires de la politique de la ville, pour 57 millions d’euros ; d’assurer le financement de l’augmentation des bourses versées aux étudiants du fait de la dégradation de la situation économique l’année dernière, à hauteur de 150 millions d’euros ; et, enfin, de prévoir une aide spécifique à la Nouvelle-Calédonie, pour 82 millions d’euros.
Quatrièmement, le projet de loi de finances rectificative accompagne la sortie de crise.
Pour cela, il comporte un certain nombre d’articles « de lettres », tendant notamment à reconduire pour la troisième année consécutive la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, exonérée de fiscalité et de cotisations. Cette prime exceptionnelle, que les entreprises peuvent verser si elles le veulent, a bénéficié à 3,1 millions de personnes l’année dernière au sein de 560 000 établissements. Nous avons jugé utile de la reconduire pour permettre aux entreprises le souhaitant et le pouvant d’accompagner et de reconnaître l’investissement de leurs salariés.
Le texte permettra aux entreprises qui en ont besoin de contracter des prêts garantis par l’État jusqu’à la fin non pas du mois de juin, mais du mois de décembre, comme nous nous étions engagés lors de l’examen du programme de stabilité (PSTAB). Il permettra aussi de déplafonner et d’étaler dans le temps les dispositifs dits de carry back.
Deux mesures complémentaires ont été adoptées à l’Assemblée nationale. La première tend à proroger la durée de majoration du taux en matière d’IR-PME. La seconde renouvelle le dispositif de défiscalisation des abandons de créances pour les loyers professionnels. La première a été présentée sur l’initiative de Laurent Saint-Martin et la seconde sur celle de Jean-Noël Barrot.
Nous allons prévoir dans ces mêmes articles « de lettres » le dispositif spécifique aux collectivités locales. Il s’agit d’indemniser les régies, qui, confrontées à des situations souvent très particulières, ont connu une année 2020 extrêmement difficile.
Il s’agit en général de régies présentant une forme d’asymétrie dans leur organisation, avec des services publics administratifs assurés par des agents recrutés avec des contrats de droit privé ou, au contraire, des services publics industriels et commerciaux assurés par des agents recrutés avec des contrats de droit public ou dans le cadre du statut de la fonction publique.
Pour ces raisons, ces régies ont pu perdre beaucoup de recettes tarifaires sans pouvoir bénéficier des dispositifs d’accompagnement propres au secteur concurrentiel comme le prêt garanti par l’État, la mise en place de l’activité partielle ou encore le fonds de solidarité.
C’est la raison pour laquelle nous avons prévu un dispositif qui autorisera la compensation de la perte d’épargne brute de ces régies à hauteur de 120 millions d’euros. Nous avons veillé à faire en sorte qu’il concerne à la fois les communes, les intercommunalités, mais aussi leurs établissements publics. Un certain nombre de délégations de service public pourront être intégrées, dans des cas très particuliers, à ce dispositif de soutien.
J’aurai l’occasion de vous présenter un amendement pour que les régies publiques relevant d’un conseil départemental puissent être intégrées au dispositif, même si cela concerne très peu de structures ; en l’occurrence, j’ai notamment en tête les thermes du Gers.
Il y a dans le dispositif propre aux collectivités locales une deuxième enveloppe de 80 millions d’euros. Elle a pour objet d’accompagner les collectivités, communes et intercommunalités, qui, du fait d’une perte de recettes tarifaires plus importante que la moyenne, auraient vu leur épargne brute chuter de manière extrêmement importante, en tout cas beaucoup plus fortement que la baisse d’épargne brute des communes et des intercommunalités, une baisse que nous estimons à 7,5 % pour l’année 2020.
Ces mêmes dispositions « de lettres » permettront un certain nombre d’avancées. Elles sont le fruit d’amendements déposés par les députés et adoptés par l’Assemblée nationale.
Le premier que j’évoquerai concerne les collectivités locales. Les députés ont proposé, et nous avons accepté, d’intégrer Île-de-France Mobilités dans le cadre du « filet de protection » en matière de recettes fiscales tel qu’il a été renouvelé dans le projet de loi de finances pour 2021.
De la même manière, les membres de l’Assemblée nationale nous ont suggéré de renouveler le dispositif dit des « vieux parents », qui permet aux ménages les plus modestes et aux ménages composés de personnes relativement âgées les plus modestes bénéficiant d’un certain nombre d’exonérations de continuer à en bénéficier dans le cadre de la réforme de la taxe d’habitation et de l’exonération de contribution à l’audiovisuel public.
Toujours en matière fiscale, un amendement a été adopté sur l’initiative du Gouvernement pour reporter encore la date d’entrée en vigueur du nouveau tarif en matière de gazole non routier (GNR). Nous avons considéré que, à la sortie de la crise, les difficultés relatives à l’approvisionnement en matières premières et la nécessité d’accompagner les entreprises sur le chemin de la reprise justifiaient un tel report.
L’Assemblée nationale a aussi adopté un amendement du Gouvernement qui permettra à la société d’exploitation du tunnel sous la Manche d’installer un espace de détaxe à l’entrée du tunnel et sur les quais d’embarquement de l’Eurostar.
Enfin, le projet de loi de finances rectificative comporte un certain nombre de mesures qui ont, certes, un caractère budgétaire, mais qui ne dégradent pas le déficit public. En effet, elles n’ont pas de « caractère maastrichtien », pour reprendre un barbarisme dont l’emploi est devenu monnaie courante.
Il s’agit à la fois d’autoriser l’Agence des participations de l’État à engager 2 milliards d’euros supplémentaires pour des opérations stratégiques qui pourraient intervenir d’ici à la fin de l’année et d’accompagner le secteur du transport aérien, notamment le budget annexe du contrôle aérien, à hauteur de 200 millions d’euros.
Le fonds de développement économique et social, qui devient un fonds de transition, est abondé à 600 millions d’euros, ce qui le porte à 3 milliards d’euros. Ainsi, les entreprises rencontrant des difficultés de trésorerie, des difficultés de liquidité ou de fonds propres, confrontées au refus ou à une impossibilité d’accompagnement du secteur bancaire, alors même qu’elles interviennent dans un secteur viable ou connaissent des difficultés conjoncturelles, pourront être accompagnées par l’État dans le cadre de prêts de longue durée leur permettant de traverser la reprise d’activité, donc de faire face à la crise.
De telles dispositions ont évidemment des conséquences. Le budget rectificatif que je vous présente actualise les prévisions en matière de finances publiques. L’inscription des 15,5 milliards d’euros de mesures d’urgence a pour effet de porter désormais le déficit public à 9,4 % du PIB.
Paradoxalement, nous vous proposons d’actualiser le poids de la dette publique à 117,2 % du PIB, soit moins que ce qui a été voté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021. Cela tient compte de l’actualisation des analyses de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Ce dernier a considéré que la récession connue en 2020 n’était pas de 8,2 %, mais de 7,9 % – je rappelle que nous avions travaillé aussi sur des hypothèses à 11 %. Les variations portant à la fois sur le numérateur et le dénominateur amènent à une légère réduction du poids de la dette en termes de pourcentage du PIB, même si, comme vous le savez, celle-ci s’est évidemment alourdie au cours de l’année 2020.
Nous aurons, dans les temps à venir, et notamment lors de l’examen du projet de loi de finances, à souligner un certain nombre de nécessités : revenir à un niveau plus soutenable de dépenses publiques ; veiller à ce que les mesures d’urgence et de relance que nous avons mises en place gardent un caractère ponctuel, circonscrit dans le temps et dans l’espace pour ne pas entraîner une augmentation trop importante du poids de la dépense publique et obérer ainsi nos capacités de rebond ; trouver le bon équilibre dans cette période qui s’ouvre, pour revenir à une trajectoire de finances publiques plus soutenable, mais aussi pour accompagner la reprise et la croissance.
C’est par la croissance que nous pourrons faire face à nos engagements, mais aussi tourner la page de l’épidémie et de la situation actuelle.
Nous aurons à en débattre lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2022, mais également lorsque nous discuterons – ce sera le cas au mois de juillet à l’Assemblée nationale et, me semble-t-il, à l’automne au Sénat – des propositions de réforme de la gouvernance des finances publiques et des lois organiques relatives aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale formulées par plusieurs députés et membres de la Haute Assemblée.
En attendant, le Gouvernement vous propose d’adopter le présent projet de loi de finances rectificative et reste à votre écoute et à votre disposition pour répondre à vos éventuelles interrogations sur ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances. (MM. Marc Laménie et Claude Nougein applaudissent.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’encre du décret d’avance par lequel le Gouvernement prévoyait l’ouverture et l’annulation de crédits à hauteur de 7,2 milliards d’euros n’était pas encore sèche que l’on nous annonçait le dépôt, quelques jours plus tard seulement, d’un projet de loi de finances rectificative ! Nous voilà réunis pour l’examiner.
Sur la forme, comme vous le savez, monsieur le ministre, j’étais partisan du dépôt plus précoce d’un texte devant le Parlement, dès le mois de mai, permettant tout de suite un examen par les deux assemblées et une discussion sur les mesures proposées par le Gouvernement.
Tous, nous espérons que ce texte sera bien celui de la sortie de crise avec un soutien en faveur des entreprises encore touchées par les dernières contraintes et une pleine mise en œuvre du plan de relance. Malheureusement, les nouvelles du front sanitaire entament un peu notre optimisme des dernières semaines.
Du point de vue macroéconomique, avec un taux de 5 %, l’hypothèse de croissance retenue par le Gouvernement apparaît – il faut le dire – raisonnable. Mais ne nous réjouissons pas trop tôt : le rebond d’activité demeure fragile et devrait être moins important que celui de nos principaux partenaires européens. En effet, d’après les prévisions de croissance de la Banque de France, en 2022, nous dépasserions de 1,2 point le niveau d’activité de 2019, alors que la zone euro serait globalement à +2,1 points et l’Allemagne à +2,5 points, c’est-à-dire plus du double.
Ce qui mérite également de nous alerter et nous engage collectivement pour l’avenir est la très forte dégradation de nos finances publiques, avec un déficit de 9,4 % du PIB.
Cette dégradation par rapport à la loi de finances initiale s’élève en valeur à près de 34 milliards d’euros. Ce sont principalement les hausses de dépenses liées à la crise qui l’expliquent. Sur la mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire », les ouvertures de crédit du PLFR sont de 9,8 milliards d’euros. On nous demande d’ailleurs des rallonges budgétaires, notamment sur le fonds de solidarité, alors que le Gouvernement n’a pas encore clairement indiqué quelles seraient les modalités retenues pour les prochains mois. Je compte sur vous pour nous en dire plus, monsieur le ministre.
En outre, 2 milliards d’euros sont ouverts au titre des participations financières de l’État alors que des crédits avaient été annulés dans le décret d’avance quelques jours auparavant.
Le déficit budgétaire de l’État s’élève à lui seul à 220 milliards d’euros. Ce montant, s’il est effectif, constituera de loin le déficit budgétaire le plus important jamais connu, y compris en incluant 2020.
Pour autant, la dégradation du solde public apparaît presque sans effet sur le montant de la dette, dont le volume diminuerait par ailleurs, pour s’établir à 117,2 % du PIB. À court terme, et en sortie de crise, une telle situation se comprend.
En revanche, il est indispensable que la France s’inscrive à compter de 2023 dans une trajectoire de réduction des déficits, comme le prévoit d’ailleurs le programme de stabilité. Je rappelle ainsi que ramener, comme prévu, le déficit sous la barre de 3 % du PIB en 2027 implique de réaliser entre 41 milliards et 68 milliards d’euros d’économies au cours du prochain quinquennat. Or, à ce jour, le Gouvernement n’a présenté aucune stratégie permettant d’atteindre un tel objectif de baisse de dépenses. Pourtant, cela doit se préparer dès maintenant.
Au demeurant, nos partenaires européens devraient, eux, retrouver une maîtrise de leurs comptes publics bien plus rapidement que la France. Il y va donc aussi de la crédibilité de notre pays sur les marchés financiers ; ne l’oublions pas. Les efforts devront être réalisés en intervenant sur les dépenses publiques.
J’en viens au budget de l’État proprement dit. L’augmentation du déficit budgétaire de 46,7 milliards d’euros résulte, pour plus de la moitié, des crédits reportés de 2020 vers 2021 ; par définition, ceux-ci ne figuraient pas dans la loi de finances initiale. À ce titre, monsieur le ministre, je réitère mon scepticisme face à l’inventivité de votre ministère concernant ces reports, qui atteignent un niveau exceptionnel cette année et vont, à mon sens, bien au-delà de l’autorisation parlementaire.
Par ailleurs, l’augmentation des dépenses répond à un motif de précaution et d’extrême prudence qui va au-delà du nécessaire soutien à l’économie en période de crise. En effet, les montants inscrits au titre des différentes mesures de soutien restant actives se révèlent particulièrement élevés.
C’est pourquoi il nous semble exagéré que le Gouvernement demande parallèlement l’alimentation à hauteur de 1,5 milliard d’euros de l’enveloppe des « dépenses accidentelles et imprévisibles ». Nous proposerons de la réduire à 500 millions d’euros. De surcroît, le Parlement ne saura qu’a posteriori comment ces crédits seront utilisés. Cela donne l’impression de « chèques en blanc » faits au Gouvernement alors que de nombreux reports et mouvements budgétaires ont déjà été opérés. Il convient de conserver une marge budgétaire raisonnable. Je l’espère, la crise est derrière nous, et la « valse des milliards » aussi !
Dans le même ordre d’idées, nous vous proposons de prolonger sur 2021 l’obligation pour le ministre de l’économie de nous informer avant toute opération réalisée sur des crédits ouverts sur le budget général au titre des participations financières de l’État.
En principe, ce PLFR doit aussi s’inscrire dans la concrétisation de l’accélération de la mise en œuvre du plan de relance. Or la consommation des crédits alloués reste encore très limitée avec, pour la mission « Plan de relance », 3,8 milliards d’euros de crédits de paiement décaissés, si l’on exclut les dépenses liées à l’activité partielle d’urgence, soit un taux d’exécution de seulement 18,1 % au bout d’un semestre.
Plusieurs autres postes de dépenses publiques doivent également être surveillés de près. Sur l’hébergement d’urgence, l’abondement prévu de 700 millions d’euros est très important, mais peut-être insuffisant au regard des besoins que le rapporteur spécial Philippe Dallier a précisément décrits dans un récent rapport de contrôle sur le sujet.
De même, le monde agricole a subi plusieurs crises cette année, notamment un épisode de gel tardif et une nouvelle épidémie de grippe aviaire. Le projet de loi de finances rectificative ouvre 350 millions d’euros, quand le Gouvernement a annoncé 1 milliard d’euros destinés aux seuls agriculteurs victimes du gel tardif.
Même si certains crédits n’auront à être ouverts qu’en fin d’année, nous proposons un amendement de crédit pour rehausser ce montant dès la présente loi de finances, afin de garantir 350 millions d’euros pour accompagner les victimes du gel tardif du dernier printemps.
Il y a finalement peu d’autres mesures fiscales et budgétaires significatives dans le texte. On peut tout de même mentionner l’allégement du carry back, dispositif de report en arrière des déficits au titre de l’impôt sur les sociétés. En l’occurrence, le Gouvernement donne finalement raison au Sénat, qui l’avait proposé en vain dès l’été 2020.
De même, la commission des finances soutient la prolongation de l’octroi de garantie de l’État au titre des PGE, ainsi que la reconduction de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA).
Nous pensons toutefois nécessaire de permettre plus facilement aux entreprises de moins de cinquante salariés de verser une prime exonérée d’impôt et de prélèvements sociaux et allant jusqu’à 2 000 euros.
Nous sommes en désaccord avec la majorité gouvernementale sur le report de la suppression du tarif réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) applicable au GNR. De nombreux amendements, dont celui de la commission, tendent à la reporter au 1er janvier 2023. En effet, les députés sont revenus sur cette date, pourtant annoncée par le Gouvernement, en ne retenant en définitive que le 1er juillet 2022. Or il nous apparaît qu’il faut revenir avec pragmatisme sur une telle niche fiscale. Les secteurs concernés ont été durement touchés par la crise et les solutions de substitution à l’utilisation du gazole restent balbutiantes.
Dans un souci de respect des engagements et d’équité entre les Français ayant permis à notre pays de tenir le choc au plus fort de la crise, la commission des finances vous propose également d’exonérer d’impôt sur le revenu la majoration exceptionnelle de l’indemnisation des internes. Si les praticiens hospitaliers ont pu en bénéficier pour la majoration de leur indemnisation, tel n’a pas été le cas des internes. Or, monsieur le ministre, ces personnels ont été en première ligne pendant la crise sanitaire. Nous demandons au Gouvernement de tenir sa promesse.
Plusieurs amendements s’inscrivent aussi dans la démarche de soutien à la reprise économique en complétant utilement les mesures déjà en vigueur ou dans le texte. Ainsi en est-il de la traduction dans notre législation d’un mécanisme fiscal de déduction pour le capital à risques, qui porte ses fruits chez certains de nos voisins européens et qui est préconisé par le FMI et la Commission européenne. Il s’agit ainsi d’inciter à la levée de fonds propres, en neutralisant le biais fiscal en faveur de la dette.
Un dispositif permet également d’encourager les entreprises à investir dans la transition écologique, même en temps de crise.
Plusieurs mesures d’un coût modeste permettent aussi d’apporter un dernier soutien à certaines entreprises qui ont pu rencontrer des difficultés pour obtenir de l’aide ou qui sont particulièrement touchées par des crises sanitaires.
Nous souhaitons également proroger jusqu’à la fin de l’année 2022 le relèvement à 1 000 euros du plafond des dons éligibles à la réduction d’impôt du dispositif dit Coluche pour soutenir le tissu associatif directement en contact avec les personnes défavorisées.
Enfin, à propos des collectivités territoriales, il est proposé de reconduire en 2021 les « filets de sécurité » qui étaient prévus en 2020 pour certaines ressources spécifiques des collectivités d’outre-mer et de la collectivité de Corse, comme c’est le cas pour les autres dispositifs de droit commun.
Mes chers collègues, avec ce texte, nous traitons aujourd’hui la sortie de crise avec un soutien à la reprise et à la relance. La majorité des amendements déposés ou soutenus par la commission iront dans ce sens. Une suppression « en sifflet » des mesures d’urgence adoptées pendant la crise, proportionnée en fonction des secteurs et de l’évolution de la reprise de leur activité, est nécessaire. Il faut sortir de l’économie « sous perfusion » des aides de l’État.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la commission des finances vous propose d’adopter ce projet de loi de finances rectificative tel qu’il sera modifié par les amendements qu’elle vous soumettra et ceux auxquels elle sera favorable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 12 mai dernier, le Gouvernement soumettait aux commissions des finances un décret d’avance portant ouverture de 7,2 milliards d’euros afin d’abonder le fonds de solidarité pour les entreprises et de financer l’activité partielle, mais, dès le 2 juin, il est apparu que cette somme n’était pas suffisante au regard des besoins et que la présentation rapide d’un collectif budgétaire s’imposait.
C’est l’objet du présent projet de loi de finances rectificative, qui ouvre des crédits supplémentaires pour les dispositifs déjà cités, mais également pour quelques autres, comme l’hébergement d’urgence, le transport aérien ou le monde agricole. Les recettes sont par ailleurs très légèrement revues à la hausse.
La principale information délivrée par ce texte réside moins dans ces mesures complémentaires que dans la réévaluation drastique du déficit attendu en fin d’année, puisqu’il bondirait de 178,1 milliards à 220 milliards d’euros, soit 9,4 % du PIB.
Cette situation inédite n’est pas liée aux mesures nouvelles, mais principalement au volume de crédits reportés de 2020 sur 2021, presque 30 milliards d’euros. On peut tout aussi bien s’effrayer de ce nouveau déficit attendu que s’interroger sur la sincérité des prévisions d’exécution des crédits budgétaires, lorsque l’on remarque que seulement un cinquième des crédits du plan de relance a été consommé à la mi-juin, hors chômage partiel.
Par ailleurs, le Gouvernement ne peut plus recourir à un décret d’avance, puisque les montants maximaux ont été utilisés par celui du 19 mai. Il propose donc de provisionner une dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles pour pouvoir ouvrir des crédits sans nouvel examen parlementaire.
Certes, la crise conduit à devoir réagir rapidement, mais il importe que l’on ne demande pas au Parlement de signer des chèques en blanc pour couvrir toutes les hypothèses… L’an passé, tous les crédits pour faire face à la crise ont été examinés par le Parlement, sous des contraintes finalement bien plus fortes.
Au-delà de l’abondement du fonds de solidarité, le texte présente d’autres points positifs comme le soutien à certaines régies publiques locales ayant subi des pertes tarifaires – nous demandons cette mesure depuis un an ! –, même si la portée de ce dispositif apparaît limitée et que sa mise en œuvre mérite d’être précisée.
Certaines priorités peuvent en revanche surprendre, notamment la majoration exceptionnelle du taux de réduction d’impôt sur le revenu au titre des dons effectués au profit des seules associations cultuelles, alors que tant d’autres associations ont besoin d’être soutenues.
Enfin, ce projet de loi de finances rectificative est censé organiser une sortie progressive des dispositifs de soutien, prolongés certes par des mesures de relance, mais cette étape devrait marquer la fin du « quoi qu’il en coûte ». Le programme de stabilité présenté en avril dernier par le Gouvernement visait d’ailleurs une réduction de la dépense publique de 60,4 % du PIB en 2021 à 56 % dès 2022, le taux de prélèvements obligatoires restant inchangé.
Beaucoup dans la majorité sénatoriale appellent à cette réduction générale de la dépense publique, mais plaident pourtant, par leurs amendements, pour prolonger ou amplifier tel ou tel dispositif budgétaire ou dépense fiscale.
Je comprends leurs intentions, tout en notant que, à défaut de réduire la dépense, seules des initiatives sur le volet relatif aux recettes peuvent donner de la cohérence à ces propositions.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, auquel j’appartiens, plaide ainsi pour des mesures de soutien, mais aussi pour mettre fin au désarmement fiscal de l’État qui, en ôtant à celui-ci toute marge de manœuvre en recettes, le condamne demain soit à des hausses brutales d’imposition soit à sacrifier des politiques publiques dont on pressent, notamment à la lecture de l’audit réalisé par la Cour des comptes à la demande du Premier ministre, qu’elles concerneraient par priorité le champ social. Pour ma part, je ne m’y résous pas ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier. (M. Bernard Fialaire applaudit.)
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comparé aux bouleversements économiques et financiers de l’an dernier, ce projet de loi de finances rectificative pour 2021 apparaît presque comme un retour à la banalité de nos discussions budgétaires pré-estivales.
Il n’en contient pas moins un certain nombre de mesures budgétaires et fiscales qui viennent modifier l’équilibre voté en loi de finances initiale. C’est bien le minimum, alors que le contexte sanitaire continue de peser lourdement sur l’ensemble des agents économiques et affecte notre capacité à faire redémarrer une croissance durable.
Je remarque d’abord la fragilité persistante des hypothèses macroéconomiques. L’année 2020 a été pour cela tout à fait inédite, avec une chute vertigineuse de l’activité économique, puis un rebond limité en deuxième partie d’année avec la levée, puis malheureusement le retour, à l’automne, des restrictions sanitaires.
Les quatre lois de finances rectificatives adoptées l’an dernier ont eu pour conséquence des reports importants de crédits sur 2021, ce qui a contribué à repousser la présentation d’un nouveau texte, d’abord annoncé pour le mois de mars. Notre capacité à construire un budget fiable sur le cycle budgétaire est d’autant plus importante que notre économie a aussi besoin de confiance pour pouvoir se projeter.
Le décret d’avance de plus de 7 milliards d’euros, un record depuis 1958, vient nuancer ce propos. Le Gouvernement s’était gardé d’en faire usage depuis 2017, et c’était tout à son honneur. On peut dire que cette pratique, parfois controversée, est revenue en force avec la publication, le 19 mai dernier, dudit décret.
La réalisation des hypothèses de croissance économique et de solde budgétaire en 2021 dépendra in fine de notre capacité à continuer de maîtriser la pandémie, en particulier une éventuelle quatrième vague dont on voit déjà augmenter le risque de survenue pour l’automne.
Le déficit budgétaire de 9,4 % du PIB, légèrement plus élevé qu’en 2020, peut inquiéter. Il s’explique en partie, comme je l’ai dit, par des reports de crédits votés en lois de finances rectificatives l’an dernier et non consommés. Il est vrai que ces montants restent à un niveau exceptionnel.
En septembre prochain, nous devrions examiner une proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques. Nous devrions aussi mener un débat sur les critères européens, actuellement suspendus. La présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, s’est récemment montrée favorable à une réforme du pacte de stabilité.
Les mesures contenues dans ce projet de loi de finances rectificative devraient contribuer à atténuer les effets les plus négatifs de la crise sanitaire. Outre la poursuite des dispositifs de soutien existants, les entreprises bénéficieront de davantage de souplesse pour affronter cette période difficile. Les ménages ne sont pas oubliés, avec la reconduction de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, en particulier pour les salariés de deuxième ligne.
Le groupe du RDSE porte, comme toujours, une attention particulière au secteur agricole et aux territoires ruraux, qui plus est durement touchés par des gelées tardives au printemps. Les dispositions introduites à l’Assemblée nationale sur la dotation pour aléas ou encore le report de la hausse de la taxation du GNR vont dans le bon sens. Nous présenterons des amendements pour aller plus loin dans cette direction.
Enfin, les mesures d’aide aux collectivités et surtout aux établissements publics locaux, prévues à l’article 10 du texte, permettront à ces structures et aux collectivités dont elles dépendent de mieux faire face aux pertes de recettes tarifaires, ce qui permettra de combler une lacune du plan de soutien.
Je salue également des mesures sectorielles telles que l’aide aux gérants de discothèques, établissements qui ont été contraints de rester fermés depuis le début de la crise sanitaire il y a plus d’un an.
La majoration de la réduction fiscale pour les dons aux associations cultuelles contribuera à aider ces dernières. Éric Gold et moi-même avons déposé un amendement visant à soutenir aussi toutes les associations à vocation sportive, culturelle et récréative, qui jouent un rôle essentiel de maintien du lien social – cette mesure est inspirée de la proposition de loi qu’Éric Gold a déposée en début d’année.
Il n’est pas possible de commenter en détail l’ensemble des mesures. Je retiens simplement que ce texte marque la volonté pérenne du Gouvernement de continuer à soutenir l’économie tant que les conséquences des restrictions sanitaires pèseront sur les entreprises – le « quoi qu’il en coûte ». Le coût budgétaire de cet engagement est considérable et il faudra, le moment venu, en tirer les conséquences et faire des propositions.
Regrettant peut-être un manque de lissage entre la résolution de la crise et le retour à un rythme normal, ainsi que des mesures proposées par la majorité sénatoriale qui risquent de dégrader encore davantage les comptes, la majorité des membres du groupe du RDSE devrait s’abstenir sur le vote de ce projet de loi de finances rectificative.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc réunis pour la saison 5 du PLFR !
M. Bruno Le Maire a commencé de siffler la fin de la partie. Il pose d’ores et déjà l’acte de décès du « quoi qu’il en coûte ». Le plus inquiétant est que le ministre affiche son obsession sur le sujet de la dette publique comme moyen de remettre en cause encore et toujours notre modèle de protection sociale.
Toujours aucune conditionnalité au versement des aides : pourtant, un rapport récent a montré que, sur les vingt-sept groupes du CAC 40 ayant bénéficié de l’activité partielle, seize ont versé des dividendes en 2020 et vingt-deux en 2021. Je cite M. Le Maire : « Ce budget amorce la transition vers un retour à la normale. »
C’est un budget de retour à la normale pour une situation qui ne l’est toujours pas : le variant delta fait courir le risque majeur d’un regain de la propagation et du taux d’incidence. En dépit d’une progression de la vaccination, au ralenti aujourd’hui, à peine la moitié des Français ont reçu une injection et moins d’un tiers ont bénéficié de deux doses. Le variant delta semble résister davantage au sérum – c’est l’échappement immunitaire. La sortie de crise est-elle illusoire ?
En tout état de cause, rien dans ce projet de loi de finances rectificative n’indique que les finances publiques sont mobilisées pour envisager une quatrième vague.
Toute la politique du Gouvernement s’inscrit, comme depuis le début, dans une impréparation inquiétante, alors que notre situation nécessite au contraire une planification en amont. Anticiper, prévoir et encore prévoir, c’est le seul moyen pour garantir la protection de la population et l’efficacité des dépenses au premier euro en matière d’urgence et de relance.
La crise sanitaire a révélé, même s’il n’est pas l’heure d’en faire le bilan tant qu’elle n’est pas derrière nous, la gestion pour le moins approximative de l’exécutif.
On relève notamment près de 10 milliards d’euros de dépenses de santé supplémentaires par rapport à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 ! Des sources gouvernementales indiquaient que le budget de la sécurité sociale présentait « des provisions larges au cas où l’épidémie devrait durer encore longtemps ». Bilan : vous prévoyez 1,5 milliard d’euros pour la campagne de vaccination, soit 3,5 fois moins que son coût actuel chiffré à 5,2 milliards d’euros.
La gestion des crédits destinés à renforcer les participations financières de l’État dans la crise sanitaire est notoirement insuffisante. Vous vous en êtes servis comme d’une réserve de crédits que vous avez détournée de son usage initial, en la dépouillant de 16,2 milliards d’euros.
Et vous voudriez recueillir notre assentiment, comme si cet argent était inutile : détresse parmi le personnel d’Air France, avec plus de 6 500 licenciements en cours d’exécution, ou encore de Renault, avec 4 600 licenciements sur trois ans en France, affectant notamment le site de Maubeuge dans mon département, le Nord ; écrémage de 30 % sur trois ans des effectifs des fonctions générales, qui pourrait advenir pour les salariés de SNCF Réseau. Nous sommes las de chercher les crédits que nous avions soutenus pour répondre à ces enjeux et à ces salariés.
Le choix de l’impuissance publique à laquelle vous vous livrez et à laquelle vous livrez les salariés ne peut plus durer ! Votre tour de passe-passe sur les crédits est clair. L’addition pour l’actionnariat de l’État dans les entreprises françaises est salée ; c’est pourtant l’un des outils indispensables à la préservation de l’emploi qui se trouve finalement amputé de 11,4 milliards d’euros. Tels de véritables prestidigitateurs, vous jonglez avec les crédits, quitte à nous en faire perdre la trace, tout comme aux citoyennes et citoyens de ce pays.
Les mesures fiscales contenues dans ce texte s’inscrivent dans la philosophie du ministre de l’économie qui assène : « Nous le savons tous, le premier problème de l’économie française est un problème d’offre ».
Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce gouvernement s’emploie avec une extrême vigueur à baisser l’impôt des entreprises. Sa dernière trouvaille : rendre illimitée la possibilité pour les grandes entreprises d’imputer un exercice déficitaire jusqu’à trois années en arrière – c’est le fameux carry back. Traduction, si une entreprise structurellement bénéficiaire réalise un seul déficit, elle n’a pas de souci à se faire : l’administration fiscale lui restituera l’impôt sur les sociétés déjà versé, le tout sans contrepartie…
Comme toutes les autres aides publiques versées depuis le début de la crise sanitaire, votre gouvernement qui s’est déjà fait démentir par les grandes multinationales à de nombreuses reprises, notamment sur le non-versement de dividendes, persiste à ne rien exiger en retour des milliards d’euros qu’il verse à ces entreprises.
Voilà la transition qu’entame ce collectif budgétaire du « quoi qu’il en coûte » au « quoi qu’il advienne » pour les finances publiques ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER. – M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Sylvie Vermeillet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2021 invite à rechercher un équilibre entre l’ouverture vers la reprise et la continuité d’un soutien appuyé aux entreprises.
Ce collectif budgétaire est en premier lieu l’occasion pour le Gouvernement d’ajuster sa prévision de croissance à un taux de 5 % pour cette année. Cet objectif, jugé réaliste par le Haut Conseil des finances publiques, semble raisonnable, si la main-d’œuvre est suffisante pour répondre à la demande.
Toutefois, c’est un déficit à hauteur de 228 milliards d’euros qui est désormais attendu, alors que la loi de finances initiale votée en décembre l’estimait à 173 milliards. La dette publique se creuse et s’établit dorénavant à 118 % du PIB.
La dégradation du solde public est en partie liée au large soutien de l’État à l’économie, soutien auquel notre assemblée a activement contribué l’an passé, tout en maintenant sa vigilance sur la trajectoire budgétaire.
Parmi les 20 milliards d’euros de ce texte, 9,8 milliards alloués au plan d’urgence permettent de prolonger le dispositif de chômage partiel, le fonds de solidarité pour les entreprises et la compensation des exonérations de charges. Ce sont également 4,9 milliards d’euros qui sont accordés au titre du plan de relance.
Au-delà des importantes « recharges » de crédits, plusieurs mesures doivent retenir notre attention. Je pense en particulier à l’instauration d’un mécanisme de compensation des pertes des régies communales – la présentation de cette mesure montre l’engagement du Sénat, en particulier celui du groupe Union Centriste, qui a longuement œuvré en sa faveur.
Je souhaite saluer l’éligibilité au fonds de solidarité des régies à caractère industriel et commercial, ainsi que la mise en place d’un fonds d’urgence pour les régies à caractère administratif. Cette juste extension du dispositif, à laquelle vous avez ouvert la voie, monsieur le ministre, devant la commission des finances en mai dernier, doit notamment permettre aux régies thermales de supporter le lourd tribut de la crise et de préserver des milliers d’emplois, dont 400, à titre d’exemple, dans mon département, le Jura – je vous en remercie vivement.
Par ailleurs, le groupe Union Centriste proposera de maintenir à 2023 le report de la hausse de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques sur le gazole non routier afin de tenir compte des conséquences de la crise sanitaire sur la situation des entreprises concernées, déjà confrontées à la hausse des prix de certaines matières premières.
M. Vincent Capo-Canellas. Bravo !
Mme Sylvie Vermeillet. Consciente du soutien qu’il faut apporter aux collectivités en cette période, j’ai déposé, avec plusieurs collègues, un amendement visant à modifier le mécanisme de compensation de la perte de fiscalité sur la taxe d’habitation afin de ne pas pénaliser les structures intercommunales qui, faisant preuve de volontarisme, ont adopté des pactes financiers et fiscaux avant la suppression envisagée de cette taxe.
Notre groupe plaidera également pour un amendement proposant de fiscaliser les aides versées, si le solde du compte de résultat de l’entreprise est supérieur à la moyenne du solde des trois exercices comptables avant la crise, afin de s’assurer de la maîtrise de la dépense publique. Monsieur le ministre, je n’imagine pas que des revenus perçus antérieurement à la crise et soumis à l’impôt puissent être à la fois dopés par les aides de l’État et exonérés de fiscalité.
Favorable à un soutien réel et justement réparti, le groupe Union Centriste votera, dans sa très grande majorité, les dispositions de ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 23 juin, la Commission européenne a officiellement validé le plan français de relance et de résilience. Les 40 premiers milliards d’euros débloqués par la Commission sur l’enveloppe totale des 100 milliards de notre plan de relance vont doper l’économie et, peu à peu, les milliards longtemps promis vont devenir réalité.
Cette annonce marque une étape historique de la construction européenne, mais à plus court terme, elle constitue avant tout une excellente nouvelle pour notre économie. La relance devient effective, parce que son financement le devient aussi.
Le projet de loi de finances rectificative dont nous commençons aujourd’hui l’examen acte le rebond de notre économie. En tablant sur une croissance de 5 %, nous avons confiance dans la résilience de nos entreprises et dans le dynamisme de ceux qui peuvent consommer.
L’autre bonne nouvelle de ce texte, qui en est le corollaire direct, c’est la fin du « quoi qu’il en coûte » ou du moins le début de la fin du « quoi qu’il en coûte »… Le Gouvernement a enfin validé ce changement de paradigme. Nous allons progressivement nous défaire du régime des aides généralisées pour lui substituer un régime d’aides ciblées.
Depuis le début de la crise sanitaire, le groupe Les Indépendants a soutenu les mesures de sauvetage et de relance. La puissance publique, que ce soit l’État ou les collectivités territoriales, a été présente aux côtés des entreprises et des particuliers au moment où il le fallait et là où il le fallait. Notre groupe soutient aujourd’hui la sortie progressive du « quoi qu’il en coûte ». Nous sommes trop attachés à la réduction de l’endettement public pour ne pas nous en féliciter.
Le moment choisi semble le bon : d’une part, notre pays s’est enfin engagé sur la voie d’une relance vigoureuse ; d’autre part, la stratégie vaccinale nous laisse espérer une victoire prochaine contre le virus, sous réserve de son parfait déploiement et de mesures de consolidation pour une protection prolongée.
Mais cet espoir ne doit pas nous bercer d’illusions, car le dynamisme de la croissance ne saurait cacher la dégradation très inquiétante de nos finances publiques : nous contenons à peine le déficit en deçà des 10 % du PIB, les dépenses publiques aspirent plus de 60 % de la richesse créée dans notre pays et la dette a dépassé, au premier trimestre, 118 % du PIB.
Il faut encore rappeler ces chiffres, car ils conditionnent notre action. En matière de politique économique, nos décisions doivent permettre à la fois de réinjecter un maximum de liquidités dans l’économie, afin de stimuler la demande, et de limiter l’impact du soutien sur nos finances publiques.
La plupart des mesures de ce texte vont dans le bon sens. Elles s’inscrivent dans la continuité de mesures consensuelles. Il en est ainsi de la reconduction de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat ou encore de la prolongation des prêts garantis par l’État et du fonds de solidarité. Il en va de même du dispositif de carry back prôné depuis longtemps par le Sénat et enfin retenu par le Gouvernement.
Mais le projet de loi n’apporte aucune réponse au grand défi qui se pose à notre économie : comment mieux mobiliser l’épargne des Français pour préparer l’avenir ? Notre groupe a déjà eu l’occasion de présenter une proposition de loi visant à instaurer un dispositif à cette fin, mais le Gouvernement n’a pas jugé cette mesure opportune. Nous ne remettrons pas l’ouvrage sur le métier, car le débat a déjà eu lieu dans cet hémicycle.
Pourtant, les conditions qui nous ont conduits à porter une telle mesure n’ont pas évolué : d’une part, la situation de nos finances publiques demeure excessivement dégradée ; d’autre part, l’épargne des Français n’a jamais été aussi importante.
Or, puisque nous devons dans un même élan sortir de la crise et investir pour préparer l’avenir, et ce sans dégrader davantage nos finances publiques, mobiliser l’épargne au service de l’économie demeure selon nous une priorité. Nous ferons des propositions dans ce sens, notamment pour renforcer la santé financière de nos petites entreprises et de nos associations.
Non, la relance ne passera pas uniquement par un rebond spectaculaire de la consommation. Il ne s’agit pas, bien sûr, de bouder le retour à la vie normale, mais seulement d’être lucides sur les occasions que nous devons saisir pour que la France tienne son rang.
Il faudra tout à la fois engager une ambitieuse réduction des dépenses publiques, investir dans les infrastructures, l’innovation technologique et la transition écologique et soutenir le tissu économique et social dans nos territoires. C’est cette équation que nous devons résoudre, si nous voulons que la France soit en mesure de relever les défis de son temps.
Ce projet de loi de finances rectificative constitue une bonne première étape en ce sens. La commission des finances a d’ores et déjà fait des propositions très intéressantes pour améliorer les dispositions du texte et surtout mieux territorialiser la relance. Nous les soutiendrons dans leur grande majorité. (Mme Sylvie Vermeillet applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Sophie Taillé-Polian. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les efforts de la France pour lutter contre le réchauffement climatique sont toujours insuffisants pour respecter les objectifs qu’elle s’est fixés – je cite le rapport publié ce matin même par le Haut Conseil pour le climat. Le Haut Conseil ajoute qu’en raison du retard accumulé il va falloir mettre les bouchées doubles.
Il faut donc agir maintenant et tout de suite. Or nous débattons d’un budget rectificatif qui ne répond toujours pas aux enjeux et alors même que le Parlement examine en ce moment un projet de loi relatif au climat qui sonne, lui aussi comme un rendez-vous raté.
Alors, nous pouvons nous interroger : ce projet de loi de finances rectificative est-il un texte de sortie de crise ou bien un texte de sortie de route par rapport aux objectifs que nous nous sommes nous-mêmes assignés après l’accord de Paris sur la lutte contre le réchauffement climatique ?
Nous sommes finalement dans la continuité. Rien de nouveau sous le soleil, sous le soleil de plomb, dirais-je, quand on voit la situation au Canada ou en Russie !
Vous nous demandez de voter dans la continuité l’approfondissement d’un budget initial que nous avions déjà dénoncé comme étant très largement déséquilibré : tout pour les entreprises, trop peu pour les gens et pas assez pour préparer l’avenir.
Vous aggravez cette logique, en ajoutant le dispositif du carry back qui viendra abonder directement la trésorerie des entreprises sans aucune contrepartie – c’est une habitude pour vous ! –, qu’elle soit écologique ou sociale, ni étude d’impact.
Pendant ce temps, de grands groupes du CAC 40 qui ont pourtant connu des pertes en 2020 continuent à verser des dividendes financés en partie par les aides publiques.
Des primes défiscalisées ont bien été versées, mais pas à tous les salariés, même pas à tous les salariés les plus fragiles ni à tous ceux qui sont en première ou deuxième ligne. Alors, il aurait peut-être fallu rendre le versement de ces primes obligatoire, mais non : il ne faut surtout rien exiger des entreprises, tout en leur donnant le plus possible !
Bien sûr, dans la situation de crise que nous connaissons, il faut aider les entreprises – nous avons d’ailleurs voté les principales mesures qui ont été adoptées en ce sens –, mais il faut cesser cet arrosage automatique qui ne cible pas suffisamment et ne permet pas de préparer l’avenir.
Le Gouvernement ne propose finalement aucune mesure qui soit à la hauteur pour engager la transition écologique et réduire les inégalités – elles sont pourtant de plus en plus importantes.
Les collectivités locales sont elles aussi en souffrance. Certes, nous apprécions vivement le dispositif destiné à aider les régies – il était réclamé sur de nombreuses travées du Sénat depuis de longs mois déjà –, mais les problèmes demeurent. Ainsi, les crédits du plan de relance sont répartis dans une complète opacité – un modèle du genre ! Les préfets saupoudrent, les élus locaux regardent impuissants… Ce n’est pas de cette manière que nous nous relèverons de la crise !
On nous parle beaucoup du niveau d’endettement de la France, de notre capacité à rembourser, du montant des dépenses publiques, mais la véritable question qui se pose est celle de la baisse des recettes fiscales – tant la Cour des comptes que la commission Arthuis ont évoqué ce problème.
En ce qui nous concerne, nous proposons comme chaque fois de nouvelles recettes. Certes, nous sommes un peu monomaniaques, mais c’est une question qui nous tient vraiment à cœur : pour nous, il n’y a pas d’autre solution, si nous voulons à la fois rétablir un semblant de justice fiscale, ne pas trop endetter notre pays et financer des mesures destinées à aller vers davantage de justice sociale et à préparer l’avenir.
Vous devez entendre nos propositions ! Je doute que ce soit le cas, mais quoi qu’il arrive nous serons toujours là pour les formuler.
Vous refusez d’anticiper la crise environnementale que nous connaissons pourtant déjà. Vous refusez aussi de voir la crise sociale.
Je prends un exemple : vous êtes obligés d’inscrire dans ce texte 150 millions d’euros supplémentaires pour aider les étudiants boursiers, mais ce n’est pas pour augmenter les bourses ; il s’agit en fait de faire face à l’augmentation du nombre d’étudiants boursiers, mais vous ne semblez pas vous rendre compte que cette augmentation est liée à l’appauvrissement des familles !
Et je ne parle que des familles qui comptent un étudiant en leur sein. Que faites-vous pour les autres familles ? Vous ne les aidez pas suffisamment – combien de fois l’avons-nous dit ? De nombreuses associations viennent en aide au quotidien à ces familles dans le besoin et nous ferons des propositions pour soutenir davantage ces associations. Pendant ce temps, les riches continuent de s’enrichir ! (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le rapporteur général nous a dit qu’il s’agissait d’un budget de sortie de crise.
La crise sanitaire est-elle derrière nous ? Nous ne le savons pas, même si bien évidemment nous l’espérons tous.
Mais la crise sociale est bien là, malheureusement : nous voyons se mettre en place nombre de plans sociaux, des licenciements se préparent, de nombreuses familles sont paupérisées, etc.
La crise climatique aussi est là, mes chers collègues, et elle s’approfondit ! Alors qu’il faudrait préparer les changements nécessaires et que, toujours selon le Haut Conseil pour le climat, deux tiers de la population sont déjà fortement exposés aux aléas climatiques, vous n’êtes pas à la hauteur des enjeux.
Nous ne pouvons que regretter cette situation et continuer, inlassablement, à vous proposer nos solutions – nous l’avons fait durant l’examen du projet de loi sur le climat. Nous serons toujours présents pour cela et il faudra bien que vous finissiez par nous entendre ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mmes Gisèle Jourda et Michelle Meunier applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que nous voyons chaque jour un peu plus se dessiner la perspective d’une sortie de crise, le projet de loi de finances rectificative est déterminant pour la relance de notre économie.
Il est déterminant en raison de ses objectifs, à savoir, d’une part, aider les secteurs les plus sinistrés grâce au rechargement des dispositifs d’urgence et, d’autre part, préparer la sortie de crise en accélérant le plan de relance du Gouvernement.
La prévision de croissance du PIB du Gouvernement pour 2021 reste encourageante, puisqu’elle se maintient à hauteur de 5 %. Nous le constatons autour de nous avec soulagement : l’économie repart, et la consommation des Français augmente.
Mais ce contexte ne doit pas nous faire perdre de vue les secteurs qui ont été durement touchés et qui continuent de l’être. Si le « quoi qu’il en coûte » a permis de sauver bon nombre d’entreprises et d’emplois, nous devons continuer d’accompagner les secteurs qui font encore face à de nombreuses difficultés.
Le Gouvernement s’y engage, puisque ce PLFR recharge considérablement les dispositifs d’urgence dans le contexte de sortie de crise. Il ratifie les modifications introduites par décret d’avance en ouvrant des crédits de 500 millions d’euros supplémentaires pour la prise en charge du chômage partiel, et de 6,7 milliards d’euros au bénéfice du fonds de solidarité, qui sera prolongé jusqu’au 31 août 2021 pour les entreprises.
De plus, pour accompagner les entreprises jusqu’au bout de la crise, la date limite d’octroi des prêts garantis par l’État est reportée du 30 juin au 31 décembre 2021.
Depuis de nombreux mois, l’État a également apporté la preuve de son soutien sans réserve aux collectivités territoriales les plus touchées par la crise.
Songez, mes chers collègues, alors que le déficit de l’État a frôlé les 8 % du PIB en 2020, que les collectivités n’ont connu en moyenne qu’un déficit de 0,2 % cette même année. Si nous pouvons nous en réjouir, cela ne doit pas pour autant nous conduire à baisser les armes, car ces chiffres recouvrent parfois des disparités dont les conséquences sont bien difficiles à vivre pour les collectivités qui en souffrent. C’est pour cela que l’État et le Gouvernement se mobilisent à nouveau, dans ce budget, pour soutenir les services publics locaux de proximité.
L’essentiel du coût de la crise a été supporté par l’État et les organismes de sécurité sociale. Ce PLFR renforce le soutien de l’État grâce au « filet de sécurité » et aux 200 millions d’euros de crédits supplémentaires à destination des collectivités locales.
Ces 200 millions d’euros serviront à dédommager les pertes réelles subies par les services publics industriels et commerciaux en régie grâce à la compensation intégrale de la baisse d’épargne brute constatée. Ce dispositif sera complété par un fonds d’urgence destiné à soutenir les collectivités locales lourdement affectées par la crise en raison de l’exploitation des services publics à caractère administratif.
Je souhaite toutefois attirer votre attention, monsieur le ministre – j’associe à cette remarque mon collègue Alain Richard –, sur la situation de quelques communes visées par un plan de redressement financier après avoir signé des conventions de sortie d’emprunts toxiques.
Nous souhaiterions travailler avec vous, monsieur le ministre, pour aider à ces communes à retrouver le chemin de l’équilibre et leur permettre de bénéficier de la hausse du taux de taxe d’habitation qu’elles ont votée en 2018 et 2019 avec le soutien de l’État et des chambres régionales des comptes. Ces communes sont peu nombreuses, mais il est essentiel que nous puissions les accompagner dans leur démarche.
Parce que la crise a renforcé les inégalités, le Gouvernement consacre par ailleurs de nouveaux moyens au soutien des secteurs et des publics les plus fragilisés par la crise.
Je pense notamment au secteur agricole, qui a subi un épisode de gel au mois de mars et une épidémie de grippe aviaire. Ces épreuves difficiles justifient la mise en œuvre de mesures d’aide à hauteur de 350 millions d’euros.
Ce PLFR prévoit par ailleurs l’ouverture de 700 millions d’euros de crédits qui permettront de maintenir 200 000 places d’hébergement d’urgence jusqu’à la fin de l’année.
Je pense également au monde du sport – auquel je suis attaché –, au bénéfice duquel nous voterons 130 millions d’euros de crédits. Ces derniers permettront de financer la création du Pass’Sport de 50 euros à destination des jeunes de familles modestes et des personnes handicapées.
De plus, 150 millions d’euros de crédits nouveaux seront destinés à sécuriser le financement des bourses sur critères sociaux jusqu’à la fin de l’année.
La reconduction de la prime Macron en 2021 est également prévue par ce PLFR. À ce propos, je défendrai, au nom du groupe du Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, un amendement visant à faciliter la mise en place d’un régime d’intéressement dans les entreprises de moins de 50 salariés faiblement dotées de ce dispositif, afin de leur ouvrir la possibilité de bénéficier du versement de la prime exceptionnelle de 2 000 euros.
Ce PLFR a enfin pour ambition d’accélérer le plan de relance. Quelque 200 millions d’euros pour les décaissements de MaPrimeRénov’, 534 millions d’euros pour les mesures du guichet Industries du futur, 46 millions d’euros de subventions réaffectées au développement de l’avion à hydrogène, 4,2 milliards d’euros supplémentaires pour rembourser les dépenses d’activité partielle covid, 11 milliards d’euros pour renforcer la part verte du plan de relance : autant de mesures budgétaires qui permettront d’accélérer l’exécution du plan de relance au service de la transition énergétique.
Accompagner les secteurs sinistrés par des dispositifs d’urgence actualisés tout en soutenant les collectivités, les entreprises et les plus fragiles : telle est l’ambition de ce projet de loi de finances rectificative présenté par le Gouvernement. Le groupe RDPI le soutient pleinement et le votera.
Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Rémi Féraud. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, le Gouvernement aura attendu le plus longtemps possible pour nous présenter ce projet de loi de finances rectificative.
Comme l’a rappelé le président Claude Raynal, il y a beaucoup à redire sur la méthode : aux 29 milliards d’euros de reports de crédits de 2020 s’ajoutent 15,5 milliards d’euros de crédits alloués à des dispositifs d’urgence dans ce PLFR et 2,8 milliards d’euros de dépenses sur les comptes spéciaux.
Cela montre qu’on aurait pu faire plus et mieux en 2020 – nous y reviendrons d’ailleurs lors de l’examen de la loi de règlement –, mais aussi, que, par un jeu qui est à la limite de la sincérité budgétaire, on nous présente, à chaque étape, des chiffres meilleurs qu’ils ne sont en réalité.
Pour autant, en responsabilité, les sénatrices et les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain voteront les articles du texte qui permettent de financer les dispositifs d’urgence indispensables à notre économie et aux Français. En effet, si la crise sanitaire semble marquer le pas dans notre pays et s’il y a un début de reprise économique, la crise sociale, elle, frappe toujours de plein fouet les plus fragiles de nos concitoyens.
À cet égard, monsieur le ministre, force est de constater que le compte n’y est pas. Après quatre ans de recul en matière de justice fiscale, ce projet de loi de finances rectificative ne comporte toujours aucune mesure de rééquilibrage de l’impôt. Avec vous, c’est « quoi qu’il en coûte », mais jamais pour les plus aisés de nos concitoyens !
Même le président des États-Unis, qui n’est pas connu pour être un dangereux socialiste, prend des mesures très fortes d’imposition sur les grandes entreprises, tout en reconnaissant que la théorie dite « du ruissellement » n’a jamais fonctionné.
En France, après les propositions d’Olivier Blanchard et de Jean Tirole sur les successions, l’économiste Benoît Cœuré plaidait ce matin dans Les Échos « pour une augmentation temporaire de la fiscalité qui pourrait porter sur le patrimoine, sur les revenus ou sur les successions ».
Dans le même temps, le ministre de l’économie, des finances et de la relance Bruno Le Maire propose, lui, de financer la crise en repoussant l’âge de la retraite à 64 ans, c’est-à-dire de la faire payer par tous les Français.
Pas plus que les précédents ce texte ne prévoit de solliciter davantage les contribuables les plus aisés, non plus que les grands groupes et entreprises du numérique, notamment ceux qui ont connu des profits exceptionnels durant cette crise. Par conséquent, le déficit public reste la variable d’ajustement.
Nous proposerons donc l’instauration d’une réelle conditionnalité environnementale et sociale des aides publiques aux entreprises, et présenterons des amendements visant à rééquilibrer la fiscalité en la faisant peser davantage sur le capital.
De fait, la politique de l’offre que vous menez depuis 2017 n’a pas montré une grande efficacité ; elle est restée incomprise des Français, alimentant le sentiment d’injustice sociale. Avec la crise que nous vivons, elle est devenue insensée.
Pourquoi vous priver de recettes supplémentaires, alors que le déficit budgétaire se dégradera de près de 50 milliards d’euros, ce qui le portera à 220 milliards d’euros en 2021, et que la dette passera à près de 118 % du PIB ? Alors que la pauvreté explose, que la jeunesse est laissée sur le bord de la route, et que les services publics, mis à mal, requièrent plus que jamais le soutien de l’État ?
Parce que la solidarité, trop souvent oubliée par l’exécutif, doit retrouver sa place au cœur de nos politiques publiques, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain proposera de nombreux amendements visant à remédier à cette situation.
Monsieur le ministre – vous le savez –, ces dix-huit derniers mois, vous nous avez toujours trouvés à vos côtés pour voter en responsabilité les mesures de restriction dues à la crise sanitaire et les dispositifs budgétaires de soutien indispensables.
Nous avons toujours proposé des mesures plus justes socialement, chiffrées et financées par une hausse de l’effort de ceux qui le pouvaient. Nous persévérerons dans ce débat, car – nous l’affirmons de nouveau –, les mesures économiques et sociales que vous proposez aujourd’hui ne sont pas suffisantes.
De fait, ce budget rectificatif constitue à la fois un minimum indispensable et une nouvelle occasion manquée : pas assez sur le plan d’urgence pour faire face à l’urgence sociale ; pas assez non plus sur le plan de relance, dont chacun constate la mise en œuvre laborieuse, et qui reste largement absent de ce collectif budgétaire.
Vous restez dans un entre-deux et c’est insuffisant, mais également incohérent tant l’évolution de la situation aurait dû vous conduire à bouger davantage les lignes, en recettes comme en dépenses.
C’est pourquoi le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne pourra pas voter ce texte en l’état. Son vote dépendra des modifications qui – je l’espère – lui seront apportées au cours de notre discussion. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Sautarel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes appelés à nous prononcer sur ce premier PLFR pour 2021 – le cinquième en quatorze mois – dont vous nous avez saisis seulement quelques jours après que nous nous sommes prononcés sur le décret d’avance portant sur 7,2 milliards d’euros, soit le plafond légal autorisé.
Ce PLFR ouvre près de 20 milliards d’euros de crédits nouveaux, s’ajoutant aux 28,8 milliards d’euros de crédits de 2020 reportés en 2021 au titre du plan d’urgence, soit autant qu’au cours des douze dernières années.
Nous constatons que le « quoi qu’il en coûte » reste la feuille de route du Gouvernement, malgré les annonces que vous aviez faites quant à la nécessité d’en sortir il y a maintenant six mois. Pour preuve, les demandes affluent pour la préparation du PLF pour 2022, leur montant s’élevant à 22 milliards d’euros de dépenses supplémentaires.
Il semble ainsi que l’idée d’argent « facile » ou « magique » soit entrée dans les esprits, non seulement de beaucoup de Français, mais aussi des ministres eux-mêmes. Je compatis, monsieur le ministre, à l’idée des arbitrages que vous allez devoir rendre, même si je doute qu’ils entrent dans l’épure des 8 milliards d’euros que nous pouvons peut-être encore nous autoriser.
Pour en revenir à ce PLFR, la prévision de croissance retenue par le Gouvernement pour 2021 reste à +5 % ; elle est donc inchangée par rapport à celle figurant dans le programme de stabilité d’avril dernier, et inférieure aux prévisions des organismes indépendants. Une telle prudence laisse espérer que la situation réelle sera moins grave qu’annoncé. Espérons que nous aurons de bonnes surprises en fin d’exercice.
À l’issue de ce PLFR, le déficit public s’établirait à 9,4 % du PIB en 2021, soit une augmentation de 0,2 point par rapport à 2020 en dépit du rebond de croissance attendu.
Les données présentées dans ce PLFR témoignent ainsi de la situation très dégradée des finances publiques de la France en 2021. Selon la prévision du projet de loi de finances rectificative, le ratio de dette publique augmenterait de 20 points de PIB entre 2019 et 2021, pour atteindre plus de 117,2 % du PIB.
Alors que le niveau de déficit devrait s’établir en 2021 à un niveau plus élevé qu’en 2020, la résorption du déficit et la soutenabilité des finances publiques constituent les enjeux centraux de la stratégie financière de la France. La trajectoire de rétablissement reste incertaine et, surtout, beaucoup plus lente que dans tous les autres pays européens.
Pour la première fois de notre histoire, en 2021, après ce PLFR, le volume des dépenses budgétaires sera plus de deux fois supérieur à celui des recettes nettes, portant le déficit à plus de 220 milliards d’euros. C’est déjà en soi un facteur d’inquiétude majeur, mais après une lecture plus attentive de ce PLFR, la situation semble encore plus préoccupante.
Permettez-moi de m’arrêter sur deux points.
Le premier est que ce déficit, bien sûr amplifié par la crise que nous connaissons depuis quinze mois, est en fait structurel.
D’une part, la trajectoire de hausse des dépenses publiques depuis le début du quinquennat est très supérieure à nos capacités – une augmentation de 19 milliards d’euros en 2020, et de 41 milliards d’euros en 2021, hors mesures de soutien et de relance. D’autre part, la consommation réelle des crédits de la relance est, hélas, encore limitée – elle est d’environ 36 milliards d’euros sur les 100 milliards d’euros votés.
La conjoncture n’explique donc que très partiellement la dérive budgétaire que nous connaissons.
Le second point est l’amorce de la hausse des taux – une augmentation de 512 points de base depuis le début de l’année – qui produit un accroissement de la charge de la dette de 1,9 milliard d’euros.
Notre pays est entré dans cette crise dans une situation moins favorable, plus dégradée que celle de nos voisins européens. Il en sort plus affaibli encore, sans réelle visibilité quant à sa trajectoire. La promesse d’un retour aux 3 % de déficit pour 2027 repose sur le seul pari de la croissance, sans réel engagement en matière de réformes structurelles.
À cet égard, je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, sur la situation de l’emploi dans notre pays. Conjuguée à la hausse du prix des matières premières, la carence constatée en matière de réponses aux offres d’emploi dans de nombreux secteurs met gravement en cause l’activité économique et l’élan de la relance.
Aussi peut-on s’interroger sur la prolongation des mesures de chômage partiel et sur les 6,3 milliards d’euros que vous proposez d’y accorder au moment même où nous manquons de main-d’œuvre.
C’est la raison pour laquelle le groupe Les Républicains présentera un amendement tendant à faciliter la participation et l’intéressement dans les petites entreprises via une prime de 2 000 euros défiscalisée et désocialisée. Cette mesure vise a minima à maintenir les salariés dans les entreprises, qui connaissent ou ont connu de véritables hémorragies.
La commission des finances proposera quant à elle des amendements visant à économiser 1 milliard d’euros de crédits tout en augmentant, par exemple, les crédits alloués dans le cadre du plan de relance aux créations d’entreprises ou à la forêt.
Je me réjouis du renforcement du dispositif de report en arrière des déficits, communément appelé carry back. Ce mécanisme comptable et fiscal permet à une entreprise de déduire son déficit actuel de bénéfices antérieurs afin de disposer d’une créance d’impôt sur les sociétés. Permettre le report sur les trois exercices précédents tout en en déplafonnant le montant est une mesure essentielle, que le groupe Les Républicains a défendue l’an passé pour éviter les défaillances d’entreprises en renforçant leur trésorerie. Nous regrettons toutefois de ne pas disposer de réelle visibilité quant au coût de ce dispositif dans la durée.
Nous souscrivons au report de la hausse de TICPE sur le GNR proposé par le Gouvernement. À cet égard, monsieur le ministre, nous souhaitons vous aider à maintenir votre proposition initiale, c’est-à-dire le report non pas jusqu’au 1er juillet 2022, mais jusqu’au 1er juillet 2023. Cela permettra d’améliorer la lisibilité de ce dispositif pour les entreprises et de ne pas alourdir davantage leurs charges en sortie de crise.
Nous vous proposerons par ailleurs une majoration exceptionnelle du taux de réduction d’impôt sur le revenu au titre des dons à des associations caritatives dans le cadre du dispositif dit Coluche.
Nous sommes bien sûr favorables à la prorogation des PGE jusqu’au 31 décembre 2021. À titre personnel, j’aurais toutefois souhaité que des possibilités d’allongement et de sortie plus larges et plus souples soient offertes.
Je salue la clarification apportée quant à la possibilité d’effectuer des prêts participatifs, et la prorogation du fonds de solidarité jusqu’au 31 août 2021, une dégressivité de son bénéfice étant prévue à compter du mois de juin.
Je tiens aussi à souligner l’adaptation à la reprise de l’activité des mesures concernant les cotisations et contributions sociales des entreprises et des travailleurs indépendants que vous proposez.
J’en viens enfin aux mesures concernant les collectivités territoriales. Nous saluons la reconduction en 2021 du « filet de sécurité » mis en place en 2020 pour garantir les recettes du bloc communal. La compensation des pertes de recettes pour certaines régies publiques non accompagnées par le dispositif d’activité partielle, que nous vous avions proposée en 2020, est aujourd’hui reprise dans ce PLFR. De même, la mise en place d’une dotation pour certaines collectivités en difficulté répond à une attente.
Toutefois, le compte n’y est pas. Dans son rapport annuel, le Comité des finances locales (CFL) évalue l’impact de la crise sanitaire pour les comptes des collectivités locales à 5,5 milliards d’euros en 2020. Ce montant doit être mis en regard des 240 millions d’euros de crédits de sauvegarde financés par l’État l’an passé selon l’estimation du même CFL.
Monsieur le ministre, je ne peux conclure sur le volet des collectivités sans regretter les lourdeurs constatées sur le terrain dans le cadre de la mise en place du plan de relance : dossiers complexes, exigences parfois contradictoires, délais longs et inadaptés, notamment au titre de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL).
Afin de gagner en souplesse, la départementalisation des fonds me semble impérieuse, de même que la simplification des dossiers de demande de financement.
Le groupe les Républicains fera preuve de responsabilité et adoptera ce PLFR. Je terminerai toutefois en évoquant une interrogation et une inquiétude relatives à la mission « Plan de relance », monsieur le ministre : une interrogation, car notre plan de relance semble bien limité par rapport à ceux d’autres pays ; et une inquiétude, car hors financement du chômage partiel, notre plan de relance est consommé à hauteur de 18 % seulement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Bernard Delcros. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, ce premier projet de loi de finances rectificative de 2021 n’est pas moins que le cinquième depuis le début de la crise sanitaire.
Tout au long de cette crise, la France – c’est vrai – a su mobiliser un large panel de mesures pour soutenir efficacement les entreprises, leurs salariés et les plus précaires de nos concitoyens, et partant, le pouvoir d’achat des ménages. En définitive – c’est aujourd’hui une réalité reconnue –, le tissu économique et social a été préservé dans les territoires.
Ces mesures sont certes coûteuses, mais elles sont nécessaires pour maintenir le pays debout et en état de marche au moment où il s’agit de réussir la reprise. Parce que c’est bien de cela qu’il s’agit maintenant : réussir l’accompagnement de la sortie de crise, réussir la relance, réussir la transition vers un nouveau modèle de développement se fixant comme objectif la souveraineté de la France et de l’Europe dans les secteurs stratégiques, la préservation de l’environnement, la justice sociale et territoriale. Tels sont les défis d’avenir que notre pays devra absolument relever.
Ce collectif budgétaire s’inscrit dans la continuité des précédents : au total, il prévoit le déblocage de près de 20 milliards d’euros de crédits supplémentaires, qui s’ajoutent aux 7,2 milliards euros de crédits ouverts par décret d’avance en mai dernier.
Les dispositifs existants, qui sont réabondés, sont complétés par des mesures bienvenues de soutien ciblées, telles que les aides en faveur des agriculteurs affectés par l’épisode de gel.
Le texte prévoit aussi des dispositions que le groupe Union Centriste appelait de ses vœux : l’assouplissement du mécanisme de report en arrière des déficits, la prorogation de la garantie de l’État au titre des PGE, le renouvellement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, ou encore – nous y étions très attachés – l’instauration d’un mécanisme de compensation des pertes enregistrées par les régies du bloc communal.
Nous proposerons d’introduire la possibilité de moduler la prime de pouvoir d’achat en fonction du niveau d’exposition au virus, de façon à reconnaître l’engagement de ceux qui, en première ligne, ont pris des risques pour assurer la continuité des services auprès des Français.
S’agissant des pertes de recettes tarifaires, nous vous avions alerté, monsieur le ministre, sur l’inégalité de traitement entre les collectivités gérant leur service en délégation de service public (DSP) et celles qui ont fait le choix de la régie.
Lors de votre audition devant la commission des finances, j’ai insisté sur la fragilité de la situation de certaines communes, notamment les plus petites, qui n’ont pas créé de service public industriel et commercial (SPIC), mais qui gèrent pourtant en régie des services indispensables à la population, parfois sans budget annexe. Ces communes doivent pouvoir bénéficier de cette compensation.
Vous répondez à notre demande au travers de l’article 10 : je tiens à vous en remercier, car c’est une avancée importante. Cependant, les critères d’éligibilité sont trop contraignants lorsqu’il ne s’agit pas de SPIC, et le montant prévu, de 200 millions d’euros, me paraît insuffisant.
En conclusion, monsieur le ministre, comme l’a indiqué notre collègue Sylvie Vermeillet, le groupe Union Centriste soutiendra ce texte tout en proposant quelques évolutions, de la même manière que nous avons soutenu la stratégie visant à protéger les Français pendant la crise. Il nous faudra toutefois bâtir sans tarder une stratégie collective de redressement des fonds publics. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Cozic. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Thierry Cozic. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « nous sommes arrivés au bout de nos dogmes économiques ». Cette phrase, prononcée par le Président de la République au G7 de Biarritz en 2019, laissait poindre un changement de paradigme dans notre approche de l’économie en France.
Une remarque s’impose d’emblée : par ce PLFR, le constat que le Président de la République a lui-même dressé et que la crise du covid-19 a conforté n’est pas pleinement pris en compte. En réalité, par ce PLFR, on s’efforce d’adapter les mêmes dogmes à une réalité qui nous échappe. Alors qu’un changement de paradigme s’impose, monsieur le ministre, vous souhaitez persister dans la même voie.
Si vous n’avez de cesse de traquer les moindres aspérités des plus précaires, les aides pour les plus aisés ne sont conditionnées qu’à la sacro-sainte confiance que vous leur accordez aveuglément…
Dernièrement, alors que la pandémie de covid-19 n’en finit pas de ne pas finir, et alors que les groupes du CAC 40 continuent de bénéficier d’aides publiques massives, ces derniers ont versé 51 milliards d’euros à leurs actionnaires, soit 22 % de hausse par rapport à l’année passée. Pourtant, le résultat net agrégé des groupes du CAC 40 s’est effondré de plus de 55 %.
« Fort avec les faibles et faible avec les puissants » : telle est votre doctrine en matière de conditionnalité des aides.
Je note en revanche que la mise en œuvre de la réforme de l’assurance chômage, qui a dû passer sous les fourches caudines du Conseil d’État, se trouve suspendue au nom de « l’incertitude économique ». Cette réforme était bien l’expression d’une politique peu encline à la confiance envers nos assurés.
Si, pour les plus précaires, suspicion et flicage sont de mise, pour les plus aisés, confiance et pacte de responsabilité le sont. Chacun appréciera sur qui pèse l’obligation de justification…
La conditionnalité des aides n’est pas le seul écueil qui semble poindre dans votre politique financière et économique : le plan de relance que vous avez mis en place est déjà obsolète ; il est incomplet et lacunaire.
Pourtant, nous partageons les mêmes ambitions pour les investissements de demain : nous voulons être présents dans la recherche sur l’intelligence artificielle, dans la robotique et dans les biotechnologies.
Nous pourrions utiliser un plan de relance solide afin d’engager la transition écologique que le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) nous presse d’amorcer.
Pourtant, quand on compare les budgets financiers, il manque un ordre de grandeur : en effet, les Chinois et les Américains font dix fois plus que nous. Il nous faut donc un plan de relance de l’investissement dans une perspective de moyen et de long terme.
Après avoir abordé l’en-cours, je souhaite tout de même évoquer l’avenir proche. L’arrêt du « quoi qu’il en coûte » est nécessaire. Il ne serait pas responsable de laisser croire à cette tribune que nous pourrions garder notre économie sous perfusion ad vitam æternam.
Néanmoins, si nous ne voulons pas nous retrouver dès décembre prochain avec un nouveau PLFR, la question de l’accompagnement de sortie de crise est centrale.
Je rappelle que l’endettement brut des entreprises non financières a augmenté de 170 milliards d’euros de février à septembre, ce qui constitue une singularité bien française. À cet endettement, il faut de plus ajouter les dettes qui découlent du report du paiement des impôts et des cotisations.
Nous devons dès maintenant réfléchir à des critères opérationnels d’annulation sélective de dettes pour éviter les effets d’aubaine. Lorsque cela est possible, une approche au cas par cas est nécessaire pour mettre à contribution non pas seulement l’argent public, mais les banques et les entreprises.
Vous l’avez compris à la lumière des points que je viens d’aborder, monsieur le ministre : il reste bien des efforts à accomplir pour que la prise en compte de nos problématiques économiques soit pleinement satisfaite. L’heure est non plus à l’incantation, mais à l’action.
Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas qu’il est grand temps de tirer les conséquences politiques des déclarations du Président de la République ? C’est le moment, puisqu’il paraît que nous sommes arrivés « au bout de nos dogmes économiques ». (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Segouin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Vincent Segouin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, enfin la France est déconfinée ! Les Français revivent et profitent de leur liberté retrouvée. L’économie reprend souffle et la croissance semble au rendez-vous, à un peu plus de 5 %. Réjouissons-nous que le pays se relève d’une période longue et difficile, que nos entreprises se remettent en ordre de bataille et que l’emploi retrouve du dynamisme.
S’il est bon d’être optimiste, il est également de notre responsabilité d’être réalistes. En effet, bien que la croissance semble repartir à la hausse, cette reprise demeure loin de compenser les pertes que l’économie française a subies depuis la fin de 2019. De plus, nous sommes soumis au risque d’une inflation généralisée qui aurait des conséquences pour la Banque centrale européenne (BCE) et entraînerait l’augmentation des taux d’emprunt à plus ou moins long terme.
Nous observons également une dégradation de la dépense publique, domaine dans lequel nous sommes les plus mauvais d’Europe, notamment à cause de la logique du « quoi qu’il en coûte » financée par le recours systématique à la dette. De ce fait, nous risquons de ne pas renouer avec un niveau de déficit public compatible avec le seuil de 3 % avant 2027.
Enfin, rappelons que les quatre projets de loi de finances rectificative pour l’année 2020 ont fait bondir la dette de près de 20 points du PIB, ce qui constituera – je le dis avec certitude – une problématique réelle pour les contribuables, les entreprises et surtout les générations à venir. La charge de la dette est en effet lourde et ne doit pas être prise à la légère. Sa soutenabilité demeure en outre incertaine.
En tant que rapporteur spécial du budget de l’agriculture, je veux plus précisément revenir sur ce volet du projet de loi de finances rectificative, notamment en ce qui concerne les intempéries qui ont frappé notre pays en ce début d’année et qui ont occasionné des pertes considérables pour de nombreuses exploitations agricoles.
Je veux tout d’abord évoquer l’épisode de gel et ses conséquences pour nos agriculteurs, arboriculteurs et viticulteurs. On se souvient que le Premier ministre s’est rendu dans les territoires touchés en promettant aux exploitants une aide de 1 milliard d’euros pour compenser les pertes, sous forme d’aides directes ou d’exonérations de charges.
Ce PLFR aurait dû budgétiser la dépense annoncée. Or tel n’est pas le cas. Seuls 314 milliards d’euros ont été inscrits, dont en réalité 115 milliards sont destinés à l’indemnisation de l’épisode de gel, et 200 milliards sont consacrés aux promesses faites en 2020 concernant la betterave et la grippe aviaire.
Monsieur le ministre, j’imagine que vous allez nous dire que nous devons attendre le bilan final pour indemniser les exploitants. Cependant, je m’étonne que le Premier ministre puisse annoncer des aides aussi élevées sans avoir mesuré les pertes réelles, et que l’État intervienne de nouveau sur des risques assurables, quitte à créer un doute sur la nécessité de s’assurer ou pas, au moment où des discussions s’ouvrent dans ce domaine.
Nous demeurons dans la théorie du « quoi qu’il en coûte », qui repose sur un recours à la dette systématique. C’est un peu trop facile…
En second point, toujours en rapport avec l’agriculture, je veux revenir sur la décision qui a été adoptée dans le projet de loi de finances par votre majorité, concernant la révision du prix du kilowattheure pour les installations photovoltaïques d’une puissance supérieure à 250 kilowatts-crête. Cette partie de mon intervention fait suite à un amendement de mon collègue Laurent Duplomb, malheureusement déclaré irrecevable.
Pour rappel, le prix a été fixé contractuellement pendant vingt ans à 60 centimes, et sur une décision de votre gouvernement dans le dernier projet de loi de finances, il est passé à 2 centimes. Cette baisse conduira de nombreuses exploitations agricoles, qui ont investi dans cette énergie renouvelable, à la faillite. Comment l’État peut-il s’autoriser ainsi à ne pas respecter ses engagements contractuels ?
Décidément, les annonces ne sont pas budgétisées et les contrats ne sont pas honorés ! On ne s’étonnera donc plus du manque de confiance des Français dans la parole des politiques.
Ce projet de loi de finances rectificative soulève donc plusieurs questionnements relatifs à l’agriculture, et nous serions bien évidemment rassurés de vous entendre sur ces deux points, qui apparaissent incontournables dans l’examen de ce texte au Sénat. Nous attendons du Gouvernement une rigueur dans la tenue de ses engagements, et des éclaircissements sur des points qui demeurent incertains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Pour commencer, je veux en quelques mots remercier l’ensemble des intervenants de la discussion générale de la variété et de la richesse de leurs propos. Parmi les sujets abordés, nombreux sont ceux sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir au cours de l’examen des articles. Je veux cependant préciser d’emblée quelques points.
Tout d’abord, nous avons été amenés à suivre un calendrier plus resserré que nous ne l’envisagions. En effet, lorsque je suis venu présenter le décret d’avance devant la commission des finances de votre assemblée, c’était dans un délai rapide, et certains d’entre vous ont d’ailleurs considéré qu’il était peut-être précoce. Nous l’avons fait en pensant qu’il serait nécessaire de recourir à cette avance à l’entrée de ce mois de juillet.
En réalité, les crédits dont nous disposions avant le décret d’avance, en matière de fonds de solidarité et d’activité partielle sont épuisés, ou plutôt auraient été épuisés, depuis le début de cette semaine. Le décret d’avance nous permet donc de faire face aux engagements pris et d’apporter aux entreprises et aux bénéficiaires de ces aides les fonds nécessaires, sans qu’il y ait de rupture.
Par conséquent, nous avons déposé le projet de loi de finances rectificative, et il a été examiné, il y a quelques semaines, à l’Assemblée nationale. Nous nous sommes inscrits dans le cadre d’un calendrier parlementaire contraint par le cycle normal du travail des assemblées, et par un certain nombre d’échéances et de textes en discussion. Nous espérons une adoption définitive du texte d’ici au 21 juillet prochain. Ce décalage entre la date de fin de consommation des crédits, tels qu’ils étaient prévus initialement, et celle du 21 juillet prochain justifiait à la fois le décret d’avance et le fait que nous vous proposions de voter non seulement sa régularisation, mais aussi l’abondement d’une certaine partie des crédits.
Nombreux sont ceux qui, parmi vous, ont rappelé, ou en tout cas souligné, les interrogations qui demeurent sur le niveau de report des crédits, notamment ceux de la mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire », tels qu’ils avaient été votés dans le quatrième projet de loi de finances rectificative, et que nous avons reportés sur l’exercice 2021, à hauteur de 28,9 milliards d’euros. C’est une somme qui est importante, mais comme je l’ai dit devant la commission finances, son report reste, à nos yeux, tout à fait conforme aux règles organiques et constitutionnelles.
En effet, lorsque j’ai présenté le PLFR 4 pour 2020 devant le Parlement, nous avions retenu l’hypothèse, non pas d’un point de vue sanitaire, mais d’un strict point de vue budgétaire, d’un confinement de deux mois plutôt que d’un seul mois. Même si nous souhaitions l’inverse, nous savions que nous n’aurions pas d’autre possibilité d’abonder les crédits. Il valait donc mieux être prudent et prévoir le pire pour pouvoir y faire face.
Par ailleurs, nous avions estimé alors que le confinement du mois de novembre 2020 se traduirait par une perte d’activité de vingt points ; or celle-ci n’a atteint que onze points, si je puis le dire ainsi. Cette perte d’activité moindre et un confinement moins long que ce que nous avions craint sont les deux raisons qui expliquent que les mesures d’urgence n’aient pas été consommées et que nous ayons procédé à leur report pour financer celles rendues nécessaires par la troisième vague de l’épidémie, que personne n’avait ni imaginée ni bien sûr souhaitée.
M. Bocquet a abordé un point particulier, qui relève du projet de loi de financement de la sécurité sociale et qui porte sur la provision en matière de vaccins. Monsieur le sénateur, vous nous avez fait le reproche d’avoir inscrit seulement 1,5 milliard de crédits, alors que la campagne de vaccination coûte 5 milliards d’euros.
Si les chiffres sont justes, je veux rappeler que, au mois d’octobre dernier, lorsqu’Olivier Véran et moi-même avons défendu devant vous le projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous ne savions pas qu’un vaccin allait exister. Les tests étaient en cours, mais nous n’avions qu’un espoir et pas de certitude. Nous ne savions pas non plus à quelle date cet éventuel vaccin serait disponible ni à quel prix il serait commercialisé. J’avais dit devant vous, comme devant les députés, que la provision de 1,5 milliard d’euros avait été prévue en attendant de savoir comment la situation allait tourner en matière vaccinale.
C’est la raison pour laquelle j’assume aujourd’hui devant vous le fait que la campagne de vaccination que nous connaissons soit d’un coût supérieur à celui que nous avions prévu, puisque celui-ci flirtera effectivement avec les 5 milliards d’euros. Pour la campagne de tests, le coût flirtera aussi avec les 5 milliards d’euros. J’ai donc présenté, la semaine dernière, devant la commission des comptes de la sécurité sociale, au titre de ces deux campagnes, une dégradation du solde des administrations de sécurité sociale de 10 milliards d’euros.
Il me reste à aborder trois points, dont le premier concerne l’agriculture, même si M. le sénateur Segouin a déjà répondu à sa propre question. Nous ouvrons, en effet, 350 millions d’euros de crédits. Comme je l’ai indiqué dans mon intervention liminaire, il s’agit de faire face non seulement aux engagements relatifs à certains phénomènes comme la grippe aviaire ou la jaunisse de la betterave, mais aussi à une première tranche d’indemnisation pour les agriculteurs victimes du gel.
Nous savons, en effet, que les conséquences de cet épisode de gel sur la trésorerie et le revenu des agriculteurs vont intervenir au rythme des récoltes, et selon une saisonnalité particulière, que nous suivons. Je puis vous assurer que, comme ministre en charge des comptes publics, je suis particulièrement « comptable », si vous me permettez l’expression, des engagements pris par le Premier ministre, et que ceux-ci seront tenus.
Ils le seront à hauteur de 1 milliard d’euros, grâce à la mobilisation du dispositif d’exonérations, grâce aux fonds déjà inscrits dans le dispositif des calamités agricoles que nous allons évidemment renforcer, et grâce au vote de crédits spécifiques. L’ensemble des engagements sera tenu. Je détaillerai plus avant, dans la suite de la discussion, ce que recouvrent les 350 millions d’euros.
En deuxième point, je veux préciser qu’à la fin du mois de mai dernier, le plan de relance était engagé à hauteur de 36 milliards d’euros. Nous avons toujours comme objectif que 70 milliards d’euros soient engagés au 31 décembre prochain. Nous atteindrons ainsi 50 milliards d’euros de décaissements, puisque, bien évidemment, en matière de subventions aux collectivités, comme dans d’autres domaines, il y a un délai entre la mobilisation des crédits sous forme d’engagements et leur décaissement à réalisation, après parfois quelques procédures.
En troisième et dernier point, je veux souligner le fait que vous avez été nombreux à présenter des amendements. Comme à l’accoutumée, un certain nombre d’entre eux ne recueilleront pas un avis favorable du Gouvernement, mais d’autres en bénéficieront, dont notamment certaines dispositions évoquées par M. le rapporteur général, qui visent à élargir à certaines ressources fiscales spécifiques le « filet de sécurité » pour les collectivités d’outre-mer. Je reviendrai plus précisément sur ces aspects.
De manière plus générale, je veux vous dire que la reprise économique est bien là et que, à situation sanitaire constante – vous avez parfois fait part d’inquiétudes en la matière –, la reprise est là. Notre perspective de croissance est importante. La Commission européenne et l’OCDE considèrent que le taux de croissance de la France sera le plus élevé de la zone euro, à hauteur respectivement de 5,7 % et 5,8 %.
Nous avons fait le choix « prudent et réaliste en même temps », pour reprendre les termes de l’avis rendu par le Haut Conseil des finances publiques, de maintenir un taux de croissance à 5 % dans nos prévisions, car l’expérience de ces derniers mois nous a enseigné que, en matière de finances publiques, comme de conséquences de l’épidémie, la prudence commande et semble s’imposer.
Il faut compter avec d’autres bonnes nouvelles sur le front économique, notamment en ce qui concerne la consommation, au sujet de laquelle l’Insee a rendu public un rebond de 14 %. Les nouvelles sont également rassurantes en matière d’investissements des entreprises, qui rebondissent à hauteur de 9 %.
Le mois de mai qui s’est terminé a été caractérisé par un record de 785 000 embauches. L’Insee a, par ailleurs, indiqué que sa prévision de chômage pour l’année 2021 s’établissait à un taux de 8,5 %, aligné sur le niveau de la fin de l’année 2019. Ce chiffre s’explique par une perspective de création de plus de 300 000 emplois nets, alors que la crise nous a coûté 280 000 emplois au cours de l’année 2020.
Voilà autant de motifs et de raisons non seulement pour être confiants dans la reprise et le rebond économiques, mais aussi pour rester fidèles à notre ligne d’extinction progressive des mesures d’urgence. Le Premier ministre a précisé, le 10 mai dernier, les conditions dans lesquelles le fonds de solidarité allait être progressivement éteint : la prise en charge différentielle du chiffre d’affaires avec un caractère dégressif, ou bien la remontée à un niveau un peu plus important du reste à charge pour les employeurs, en matière d’activité partielle, et l’orientation des secteurs qui en ont le plus besoin vers l’activité partielle de longue durée.
Cet objectif est une forme de chemin de crête, qui nous impose de trouver le bon équilibre entre la mobilisation des derniers crédits supplémentaires, nécessaires à l’accompagnement des entreprises, et le retour à un niveau plus soutenable de dépenses publiques, indispensable si nous voulons financer nos priorités et un certain nombre de projets qui, je crois, sont attendus, et que, en tout cas, nous voulons mener à bien.
Madame la présidente, je vous prie de m’excuser d’avoir été un peu long. Je reviendrai sur certains points au cours de l’examen des articles.
Mme la présidente. Merci, monsieur le ministre, de ces précisions nécessaires.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
projet de loi de finances rectificative pour 2021
Article liminaire
La prévision de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques pour 2021 s’établit comme suit :
Cadre potentiel LPFP (En points de produit intérieur brut *) |
||
Exécution pour 2020 |
Prévision pour 2021 |
|
Solde structurel (1) |
-1,3 |
-6,3 |
Solde conjoncturel (2) |
-5,0 |
-3,0 |
Mesures ponctuelles et temporaires (3) |
-2,9 |
-0,1 |
Solde effectif (1 + 2 + 3) |
-9,2 |
-9,4 |
* Les montants figurant dans le présent tableau sont arrondis au dixième de point le plus proche ; il résulte de l’application de ce principe que le montant arrondi du solde effectif peut ne pas être égal à la somme des montants entrant dans son calcul. |
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article liminaire.
(L’article liminaire est adopté.)
PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
Mme la présidente. L’amendement n° 26 rectifié bis, présenté par MM. Delahaye, Canévet et Bonneau, est ainsi libellé :
Dans l’intitulé de cette division
Remplacer les mots :
de l’équilibre
par les mots :
du déséquilibre
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Il me semble difficile de continuer de parler des « conditions générales de l’équilibre financier », alors que nous votons depuis quarante ans des budgets en déficit ! Je ne vois pas comment les Français peuvent comprendre quelque chose aux finances publiques, si on leur parle toujours d’équilibre, alors que les finances sont totalement déséquilibrées. À un moment donné, il faut appeler un chat un chat ! Je pense donc qu’il faut plutôt parler des « conditions générales du déséquilibre financier ».
Cette proposition se justifie encore plus au sujet de ce projet de loi de finances rectificative, qui augmente, d’une façon jamais vue, le déficit de 55 milliards d’euros, pour le porter à 228 milliards d’euros. Or pour revenir à l’équilibre, dont on essaye de définir les conditions générales dans cette première partie du texte, il faudrait diviser les dépenses publiques par deux. Ce n’est pas ce que je demande, mais c’est ce qu’il faudrait faire pour arriver à l’équilibre.
Il faudrait supprimer toutes les missions, « Enseignement scolaire », « Recherche et enseignement supérieur », « Défense », « Sécurités », « Écologie, développement et mobilités durables », « Justice »… Excusez du peu ! Nous devrions rayer tout cela pour revenir à l’équilibre. Il faudrait aussi multiplier le montant des impôts par deux, ou bien multiplier celui de l’impôt sur le revenu par quatre.
L’effort doit être considérable pour revenir à l’équilibre qui est défini dans cette première partie. C’est la raison pour laquelle je considère qu’il faut rebaptiser celle-ci « Conditions générales du déséquilibre financier ». Compte tenu de l’ampleur de l’effort à fournir, quelques années passeront avant que nous ne puissions revenir à l’appellation actuelle qui, pour moi, est totalement fallacieuse et trompeuse. Je souhaite que l’on puisse changer le titre de cette première partie.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. M. le sénateur Delahaye veut changer un mot du titre de la première partie.
Monsieur Delahaye, comme vous l’avez dit, il s’agit d’un titre et le terme d’« équilibre » – on parle aussi de « solde » –peut témoigner d’un déficit ou d’un excédent. La dette permet d’arriver à une forme d’équilibre.
Même si je comprends les inquiétudes que vous relayez, celles-ci ne datent pas d’aujourd’hui, et sont vieilles, comme vous l’avez dit, de plus de quarante années. Le dernier budget en équilibre date de 1974 ! Nos prédécesseurs auraient donc pu avoir les mêmes inquiétudes.
Enfin, pensez-vous vraiment qu’en changeant un mot, on puisse guérir les maux de la gestion budgétaire de notre pays ? Je ne crois pas que nous devions nous en tenir là. C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. On ne peut pas en rester là ! « Un mot ne suffit pas à guérir tous nos maux », ce serait trop facile, effectivement, compte tenu de l’ampleur de ces maux ! Je les ai décrits rapidement et succinctement, mais je pourrais développer beaucoup plus, s’il le fallait.
Pour les Français qui nous écoutent – ils ne doivent pas être très nombreux – et qui cherchent à comprendre quelque chose aux finances publiques – ce cas n’est pas non plus forcément fréquent – nous nous devons au moins d’être clairs. Or, pour moi, parler clair, c’est parler du « déséquilibre financier ». Dire qu’« il peut y avoir un équilibre parce que l’on s’endette », c’est entrer dans des considérations financières qui ne sont pas compréhensibles par tout un chacun.
Il faut en revenir à des choses simples et appeler un chat un chat. Quand le déséquilibre financier est aussi important, on ne peut pas parler d’« équilibre financier » dans le titre de la première partie.
Peut-être que personne n’a pensé à changer ce titre auparavant, car effectivement cela fait quarante ans que les budgets sont en déficit. Je considère cependant qu’il est nécessaire de le modifier pour des raisons de sincérité.
M. le ministre dit toujours qu’il est sincère. Or je ne suis pas certain qu’il le soit tant que cela dans ce projet de loi de finances rectificative, comme j’aurai l’occasion de le montrer. Le texte sous-estime en effet largement les recettes, pour que le Gouvernement puisse dire en fin d’année que la situation est meilleure, ou en tout cas moins grave que ce qu’il avait prévu.
Je suis pour la sincérité, la franchise et la clarté dans l’examen des finances publiques. Je souhaite donc que l’on change le titre de cette première partie.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 26 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
Articles additionnels avant l’article 1er
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 75 rectifié bis, présenté par MM. Sautarel et Courtial, Mme Lopez, MM. Calvet et Chatillon, Mmes Belrhiti et Deromedi, MM. Perrin, Rietmann, Vogel, D. Laurent, Burgoa et Genet, Mme Di Folco, M. Rapin, Mme Joseph, M. Charon, Mmes Chauvin et Goy-Chavent et MM. Tabarot, Piednoir et Gremillet, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la première phrase du premier alinéa du 19° de l’article 81 du code général des impôts, le montant : « 5,55 » est remplacé par le montant : « 7,50 ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Stéphane Sautarel.
M. Stéphane Sautarel. Cet amendement vise à faire en sorte que le titre-restaurant soit utilisé comme un mécanisme de relance. Dans le cadre de la réouverture des restaurants, revaloriser sa valeur maximale permettrait, d’une part, d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés et, d’autre part, de soutenir les secteurs de la restauration et de l’alimentation. Il s’agit d’une mesure simple à mettre en place, qui pourrait bénéficier immédiatement aux 4,5 millions de Français qui l’utilisent.
C’est pourquoi, cet amendement vise à faire passer le plafond d’exonération de 5,55 euros à 7,50 euros.
C’est un soutien bienvenu, alors que le secteur de la restauration a subi deux longues périodes de fermeture administrative, et voit son activité encore fortement réduite par les jauges imposées par la situation sanitaire jusqu’à aujourd’hui.
Le titre-restaurant est un outil souple et performant pour agir sur le revenu net disponible, à moindre coût pour les entreprises, et avec l’assurance d’une consommation en circuit court auprès d’opérateurs locaux.
Mme la présidente. L’amendement n° 78 rectifié bis, présenté par MM. Nougein, Calvet, B. Fournier et Courtial, Mme Deromedi, MM. Regnard, Pellevat et Chasseing, Mme Belrhiti, M. Chatillon, Mme Imbert, M. Wattebled, Mme Dindar, MM. D. Laurent et Canévet, Mme Procaccia, M. Genet, Mmes N. Delattre, Berthet, Garriaud-Maylam et Lassarade, MM. Houpert et Charon, Mme Canayer, MM. Longeot et Guerriau, Mme Malet, MM. Grand, Moga et Brisson et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La limite d’exonération prévue au 19° de l’article 81 du code général des impôts est portée à 7,50 € par titre jusqu’au 31 décembre 2022.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Claude Nougein.
M. Claude Nougein. Le présent amendement vise à revaloriser la valeur faciale des titres-restaurants, dans le double objectif d’accroître le pouvoir d’achat des 4,3 millions de salariés qui en bénéficient, et de soutenir le secteur de la restauration, durement éprouvé dans le contexte de la crise sanitaire.
En pratique, cet amendement tend à relever le plafond d’exonération de l’impôt sur le revenu de la contribution patronale de 5,55 euros à 7,50 euros, ce qui permettrait aux entreprises qui le souhaitent de porter la valeur maximale du titre-restaurant à 15 euros, contre 11,10 euros actuellement.
La revalorisation du titre-restaurant constituerait ainsi un outil efficace de relance de l’économie. En outre, d’un point de vue budgétaire, cette mesure présente un caractère vertueux, puisqu’elle s’accompagnerait d’une augmentation des recettes fiscales assises sur la consommation de biens alimentaires, au premier rang duquel figure la TVA.
En parallèle, il convient de veiller à ce que les salariés soient en mesure d’écouler les titres-restaurants qui n’ont pas pu être utilisés jusqu’à présent, en raison des mesures sanitaires. À cet effet, le relèvement du plafond de paiement en tickets-restaurants, actuellement limité à 38 euros par jour dans les restaurants, constituerait une mesure particulièrement opportune.
De la même manière, il serait souhaitable que le Gouvernement autorise les salariés à utiliser leurs titres-restaurants de 2020 jusqu’à la fin de l’année 2021, ou à échanger les titres-restaurants non utilisés en 2020 et 2021 contre des titres-restaurants émis pour l’année civile 2022.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je demande le retrait de l’amendement n° 75 rectifié bis au profit de celui de M. Nougein, qui présente l’avantage d’être borné dans le temps, jusqu’en 2022.
La revalorisation de la contribution patronale sur les titres-restaurants participe, sur un temps court, d’un effet de relance exceptionnel. C’est pourquoi la commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 78 rectifié bis.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements, dans la mesure où la hausse du montant exonéré d’impôt sur le revenu pour le salarié ne garantit pas une augmentation, dans les mêmes proportions, de la contribution patronale de l’employeur, ni même un effet positif significatif sur le pouvoir d’achat des ménages. L’employeur détermine, en effet, librement le montant la valeur libératoire des titres-restaurants qu’il octroie au personnel.
Pour ces raisons, nous sommes défavorables aux deux amendements.
J’ajoute que nous avons pris un certain nombre de dispositions, notamment afin que les titres-restaurants émis pour 2020 puissent être utilisés jusqu’au 31 août 2021. Cette mesure répond, je crois, en grande partie, à l’attente exprimée par le sénateur Nougein, même s’il souhaitait que le dispositif s’étende plus loin dans le temps.
Nous apportons déjà une réponse à ses préoccupations, et nous avons accompagné cette prolongation de la durée des titres-restaurants de la possibilité de les utiliser, le dimanche et les jours fériés, pour un montant porté de 19 euros à 38 euros par jour. Cette disposition a également été largement exploitée.
Mme la présidente. Monsieur Sautarel, l’amendement n° 75 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Stéphane Sautarel. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 75 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 78 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l’article 1er.
L’amendement n° 301, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa du I de l’article 219 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Le taux normal de l’impôt est fixé à 33,3 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2021. »
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Nous voulons parler des recettes, car c’est, en quelque sorte, le volet absent de ce PLFR.
Cet amendement vise à rétablir l’impôt sur les sociétés (IS) à un taux de 33,3 %, qui correspond à celui auquel étaient imposés les bénéfices français avant l’effondrement de huit points décidé par le Gouvernement. Celui-ci a en effet abaissé ce taux à 25 %, dès l’année prochaine, soit trois points de moins que la proposition du président américain, Joe Biden, qui le fixerait, aux États-Unis, à 28 %.
Le Gouvernement reprend à son compte le dogme qui organise la baisse des recettes de l’État et le démantèlement des services publics, par voie de conséquence.
Le niveau de l’impôt sur les sociétés connaît une inexorable décrue. Jusqu’au milieu des années 1980, les bénéfices d’entreprise étaient en effet taxés à 50 %, soit deux fois plus que le taux qui s’appliquera l’année prochaine.
Nous étions loin d’une France en première ligne d’un supposé matraquage fiscal, puisque chez nos voisins et partenaires, le Royaume-Uni et les États-Unis, le taux de l’impôt sur les sociétés était comparable, alors qu’en Allemagne, il était même supérieur.
Depuis lors, ce taux n’a cessé de diminuer en France comme ailleurs, même si la baisse a été un peu moins forte dans ce dernier cas.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable. Dans la mesure où l’assiette a été élargie, après 2016, les dispositions de votre amendement favoriseraient un produit de l’impôt sur les sociétés plus important qu’avant cette date. Or ce n’est pas la trajectoire que nous souhaitons ni pour la France ni pour les entreprises.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Ce débat revient régulièrement, lors de l’examen de tous les textes financiers. L’avis du Gouvernement est toujours défavorable, puisque nous sommes attachés à la trajectoire de l’impôt sur les sociétés, telle qu’elle a été définie au début du quinquennat.
Mme la présidente. L’amendement n° 329, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 209 B du code général des impôts, il est inséré un article 209… ainsi rédigé :
« Art. 209…. – I. – 1. Aux fins de l’impôt sur les sociétés, un établissement stable est réputé exister dès lors qu’il existe une présence numérique significative par l’intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité.
« 2. Le 1 s’ajoute, sans y porter atteinte ni en limiter l’application, à tout autre critère conforme au droit de l’Union européenne ou à la législation nationale permettant de déterminer l’existence d’un établissement stable dans un État membre aux fins de l’impôt sur les sociétés, que ce soit spécifiquement en relation avec la fourniture de services numériques ou autre.
« 3. Une présence numérique significative est réputée exister sur le territoire national au cours d’une période d’imposition si l’activité exercée par son intermédiaire consiste, en tout ou en partie, en la fourniture de services numériques par l’intermédiaire d’une interface numérique, définie comme tout logiciel, y compris un site internet ou une partie de celui-ci, et toute application, y compris les applications mobiles, accessibles par les utilisateurs, et qu’une ou plusieurs des conditions suivantes sont remplies en ce qui concerne la fourniture de ces services par l’entité exerçant cette activité, considérée conjointement avec la fourniture de tels services par l’intermédiaire d’une interface numérique par chacune des entreprises associées de cette entité au niveau consolidé :
« a) La part du total des produits tirés au cours de cette période d’imposition et résultant de la fourniture de ces services numériques à des utilisateurs situés sur le territoire national au cours de cette période d’imposition est supérieure à 7 000 000 € ;
« b) Le nombre d’utilisateurs de l’un ou de plusieurs de ces services numériques qui sont situés sur le territoire national membre au cours de cette période imposable est supérieur à 100 000 ;
« c) Le nombre de contrats commerciaux pour la fourniture de tels services numériques qui sont conclus au cours de cette période d’imposition par des utilisateurs sur le territoire national est supérieur à 3 000.
« 4. En ce qui concerne l’utilisation des services numériques, un utilisateur est réputé être situé sur le territoire national au cours d’une période d’imposition si l’utilisateur utilise un appareil sur le territoire national au cours de cette période d’imposition pour accéder à l’interface numérique par l’intermédiaire de laquelle les services numériques sont fournis. Ces derniers sont définis comme services fournis sur l’internet ou sur un réseau électronique et dont la nature rend la prestation largement automatisée, accompagnée d’une intervention humaine minimale, et impossible à assurer en l’absence de technologie de l’information.
« 5. En ce qui concerne la conclusion de contrats portant sur la fourniture de services numériques :
« a) Un contrat est considéré comme un contrat commercial si l’utilisateur conclut le contrat au cours de l’exercice d’une activité ;
« b) Un utilisateur est réputé être situé sur le territoire national au cours d’une période d’imposition si l’utilisateur est résident aux fins de l’impôt sur les sociétés sur le territoire national au cours de cette période d’imposition ou si l’utilisateur est résident aux fins de l’impôt sur les sociétés dans un pays tiers mais dispose d’un établissement stable sur le territoire national au cours de cette période d’imposition.
« 6. L’État dans lequel l’appareil de l’utilisateur est utilisé est déterminé en fonction de l’adresse IP de l’appareil ou, si elle est plus précise, de toute autre méthode de géolocalisation.
« 7. La part du total des produits mentionnée au a du 3 est déterminée par rapport au nombre de fois où ces appareils sont utilisés au cours de cette période d’imposition par des utilisateurs situés n’importe où dans le monde pour accéder à l’interface numérique par l’intermédiaire de laquelle les services numériques sont fournis.
« II. – 1. Les bénéfices qui sont attribuables à une présence numérique significative ou au regard d’une présence numérique significative sur le territoire national sont imposables dans le cadre fiscal applicable aux entreprises.
« 2. Les bénéfices attribuables à la présence numérique significative ou au regard de la présence numérique significative sont ceux que la présence numérique aurait réalisés s’il s’était agi d’une entreprise distincte et indépendante exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues, en particulier dans ses opérations internes avec d’autres parties de l’entreprise, compte tenu des fonctions exercées, des actifs utilisés et des risques assumés, par l’intermédiaire d’une interface numérique.
« 3. Aux fins du 2 du présent II, la détermination des bénéfices attribuables à la présence numérique significative ou au regard de la présence numérique significative repose sur une analyse fonctionnelle. Afin de déterminer les fonctions de la présence numérique significative et de lui attribuer la propriété économique des actifs et les risques, les activités économiquement significatives exercées par cette présence par l’intermédiaire d’une interface numérique sont prises en considération. Pour ce faire, les activités réalisées par l’entreprise par l’intermédiaire d’une interface numérique en relation avec des données ou des utilisateurs sont considérées comme des activités économiquement significatives de la présence numérique significative qui attribuent les risques et la propriété économique des actifs à cette présence.
« 4. Lors de la détermination des bénéfices attribuables conformément au 2, il est dûment tenu compte des activités économiquement significatives exercées par la présence numérique significative qui sont pertinentes pour le développement, l’amélioration, la maintenance, la protection et l’exploitation des actifs incorporels de l’entreprise.
« 5. Les activités économiquement significatives exercées par la présence numérique significative par l’intermédiaire d’une interface numérique comprennent, entre autres, les activités suivantes :
« a) La collecte, le stockage, le traitement, l’analyse, le déploiement et la vente de données au niveau de l’utilisateur ;
« b) La collecte, le stockage, le traitement et l’affichage du contenu généré par l’utilisateur ;
« c) La vente d’espaces publicitaires en ligne ;
« d) La mise à disposition de contenu créé par des tiers sur un marché numérique ;
« e) La fourniture de tout service numérique non énuméré aux a à d. Un décret en Conseil d’État peut compléter cette liste.
« 6. Pour déterminer les bénéfices attribuables au titre des 1 à 4 du présent II, le contribuable utilise la méthode de partage des bénéfices, à moins que le contribuable ne prouve qu’une autre méthode fondée sur des principes acceptés au niveau international est plus adéquate eu égard aux résultats de l’analyse fonctionnelle. Les facteurs de partage peuvent inclure les dépenses engagées pour la recherche, le développement et la commercialisation, ainsi que le nombre d’utilisateurs et les données recueillies par État membre.
« III. – Les données qui peuvent être recueillies auprès des utilisateurs aux fins de l’application du présent article sont limitées aux données indiquant l’État dans lequel se trouvent les utilisateurs, sans permettre l’identification de l’utilisateur. »
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. La taxation des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) est un sujet qui est entré dans le débat public depuis quelques mois, à l’occasion de la crise que nous traversons. La décision ne relève pas du Parlement, mais de Bruxelles, et doit même se prendre au niveau mondial. Cependant, le Sénat peut envoyer un signal.
L’augmentation du taux mondial d’imposition sur les sociétés de 2,5 points, soit de 12,5 % à 15 %, changera-t-elle vraiment la donne ? On peut en douter, pour la simple raison que ce taux restera toujours de dix points en deçà de celui qui s’applique dans notre pays, après la réduction drastique effectuée par la majorité présidentielle.
La presse rapporte à juste titre que les géants des groupes numériques ne s’y sont pas trompés : curieusement, tous ont accueilli avec satisfaction les annonces du G7 Finances. Par exemple, M. Nick Clegg, dont chacun se souvient qu’il est aujourd’hui vice-président des affaires publiques du groupe Facebook, et qu’il a été vice-Premier ministre du Royaume-Uni, à l’époque de David Cameron – les carnets d’adresses ont leur utilité… – a fait cette déclaration : « Nous voulons que la réforme fiscale internationale réussisse, même si nous reconnaissons que cela signifie que Facebook va payer plus d’impôts et dans différents endroits. » C’est quand même assez curieux…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. L’avis est défavorable pour deux raisons.
La première tient à ce que votre amendement est inopérant. Nous avons déjà eu l’occasion d’en débattre à de nombreuses reprises, mais les règles de répartition des droits d’imposer reposent avant tout sur le réseau des conventions fiscales. À défaut de les modifier, c’est une sorte de « balle à blanc » que vous proposez.
La seconde est plus optimiste, car votre amendement a précisément le même objet que les négociations en cours à l’OCDE. Un accord est désormais envisageable. C’est la voie à suivre pour assurer une meilleure répartition de l’imposition.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 68 rectifié ter, présenté par M. Rapin, Mmes Di Folco et Estrosi Sassone, MM. Darnaud, Cadec, Burgoa, Le Rudulier et Calvet, Mme Deroche, MM. Courtial et Savin, Mme Ventalon, M. Bouchet, Mme Garnier, M. Lefèvre, Mme Garriaud-Maylam, M. Regnard, Mme Belrhiti, MM. Charon et Laménie, Mme Deromedi, M. Longuet, Mme Canayer, M. Bazin, Mmes Malet et Chauvin, MM. D. Laurent et B. Fournier, Mme M. Mercier, M. Bonne, Mme Lassarade, MM. Perrin, Rietmann et Brisson, Mmes Joseph et Drexler, MM. Tabarot et Genet, Mme Bellurot, M. Belin, Mme Lopez et M. Piednoir, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les montants correspondant à l’indemnisation des personnes réquisitionnées en application de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique afin de procéder à des vaccinations contre la covid-19 sont exonérés d’impôt sur le revenu, d’impôt sur les sociétés et de toutes les contributions et cotisations sociales d’origine légale ou conventionnelle.
II. – Les personnes ayant procédé en dehors de leur lieu d’exercice habituel ou de leur obligation de service à des vaccinations contre la covid-19 pour lesquelles elles n’ont pas perçu l’indemnisation mentionnée au I du présent article bénéficient d’un crédit d’impôt sur le revenu ou sur les sociétés ainsi que d’une réduction de l’assiette des contributions et cotisations sociales correspondant chacun au produit du nombre d’heures qu’elles ont consacrées à ces vaccinations par le tarif forfaitaire horaire de ladite indemnisation applicable à la catégorie dont elles relèvent.
III. – L’appréciation des limites prévues aux articles 50-0, 69, 102 ter, 151 septies et 302 septies A bis du code général des impôts s’effectue après déduction des montants mentionnés aux I et II du présent article.
IV. – La perte de recettes résultant pour l’État des I à III est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
V. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I à III est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-François Rapin.
M. Jean-François Rapin. Dans la lignée de ce qu’a exposé précédemment M. le rapporteur général, cet amendement vise à soutenir l’action des internes, en milieu hospitalier. J’ai souhaité inclure tous les professionnels de santé, en particulier les médecins généralistes, qui ont été soit réquisitionnés, soit volontaires pour assurer les séances de vaccination dans les grands centres de vaccination. En effet, ils ont répondu présent lorsqu’ils ont été sollicités, parfois les samedis et les dimanches, pour assurer, et ils continuent d’ailleurs à le faire, ces séances de vaccination, d’une importance majeure.
Dans la mesure où de nombreux médecins retraités se sont engagés dans ce dispositif, nous proposons d’exonérer de contribution sociale et fiscale les indemnités qu’ils reçoivent dans ce cadre. La mesure vaudrait exclusivement pour les professionnels de santé, volontaires ou réquisitionnées, procédant à des vaccinations contre l’épidémie de covid-19.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je comprends parfaitement la logique qui sous-tend cet amendement. Ses dispositions présentent néanmoins une relative complexité, puisqu’elles concernent la campagne de vaccination, dont je rappelle qu’elle porte quasiment exclusivement sur l’année 2021.
Surtout, elles s’appliqueraient à différentes catégories de personnel, professionnels de santé exerçant en activité libérale, retraités, professionnels sans activité, salariés de centres de santé, ou encore personnels relevant de la fonction publique… Les modalités d’imposition peuvent donc varier sensiblement d’une personne à l’autre, et il faudrait étudier la situation de manière plus approfondie.
Pour cette raison, la commission a demandé le retrait de cet amendement. Nous pouvons néanmoins nous donner rendez-vous pour réexaminer le sujet lors du prochain projet de loi de finances, en nous fixant l’objectif de mener entre-temps un travail plus fin et plus précis. Je partage en effet avec le sénateur Rapin la volonté d’éviter que les personnes qui ont été réquisitionnées pour réaliser les vaccinations aient à s’acquitter d’un impôt supplémentaire. À défaut d’être en première ligne, celles-ci vont également au front.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Je partage la volonté des auteurs de cet amendement de témoigner leur reconnaissance aux professionnels de santé. Je partage aussi les interrogations de M. le rapporteur général sur la complexité du dispositif proposé.
J’ajoute que même si l’on parvenait à lever toutes les difficultés qui ont été mentionnées, d’ici à l’examen du projet de loi de finances pour 2022, il resterait celle de la rupture du principe d’égalité.
Les dispositions de l’amendement visent, en effet, le personnel réquisitionné ou qui s’engage bénévolement. Or les professionnels de santé qui participent à la campagne de vaccination, et qui sont en activité dans des structures soumises à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés, ne bénéficient pas d’exonération ou de défiscalisation. Il y aurait donc une rupture d’égalité devant les charges publiques, au détriment des professionnels de santé non réquisitionnés.
Cette difficulté supplémentaire me conduit à demander également le retrait de cet amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Rapin, l’amendement n° 68 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Jean-François Rapin. Je vais retirer, bien sûr, mon amendement, ayant entendu à la fois la proposition du rapporteur général et l’avis assez encourageant – en tout cas laissant penser qu’il pourrait être favorable à l’avenir – du ministre.
Nous allons retravailler cette question, soit en élargissant le dispositif, soit en le restreignant à des personnels qui sont engagés volontairement.
Merci de l’écoute qui a été accordée à notre proposition, particulièrement la vôtre, monsieur le rapporteur général, puisque nous avons pu travailler ensemble sur cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 68 rectifié ter est retiré.
Article 1er
I. – Par dérogation aux premier et troisième alinéas du I de l’article 220 quinquies du code général des impôts, le déficit constaté au titre du premier exercice déficitaire clos à compter du 30 juin 2020 et jusqu’au 30 juin 2021 peut, sur option, être imputé sur le bénéfice déclaré de l’exercice précédent et, le cas échéant, sur celui de l’avant-dernier exercice, puis sur celui de l’antépénultième exercice.
L’option mentionnée au premier alinéa du présent I peut, par dérogation à la première phrase du premier alinéa du II de l’article 220 quinquies du code général des impôts, être exercée jusqu’à la date limite de dépôt de la déclaration de résultats d’un exercice clos au 30 juin 2021, et au plus tard avant que la liquidation de l’impôt sur les sociétés dû au titre de l’exercice suivant celui au titre duquel l’option est exercée ne soit intervenue.
Le déficit d’ensemble constaté au titre du premier exercice déficitaire clos au cours de la période mentionnée au premier alinéa du présent I est, par dérogation au a du 1 de l’article 223 G du code général des impôts, imputable sur les bénéfices d’ensemble déclarés ou, le cas échéant, sur les bénéfices que la société mère a déclarés au titre des exercices précédant l’application du régime prévu à l’article 223 A du même code, dans les conditions prévues aux deux premiers alinéas du présent I.
Pour l’application des trois premiers alinéas, les bénéfices d’imputation des trois exercices précédant celui au titre duquel l’option est exercée, déterminés dans les conditions prévues à l’article 220 quinquies du code général des impôts, sont diminués du montant des déficits constatés au titre des exercices antérieurs pour lesquels l’entreprise a opté pour le report en arrière.
Au titre de chacun des trois exercices précédant celui au titre duquel l’option est exercée, l’excédent de bénéfice résultant de l’application des quatre premiers alinéas du présent I fait naître au profit de l’entreprise une créance égale au produit de cet excédent par le taux de l’impôt sur les sociétés prévu au deuxième alinéa du I de l’article 219 du même code, ainsi que, le cas échéant, par celui prévu au b du même I, chacun à hauteur de la fraction de bénéfice concernée, dans leur rédaction applicable aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2022. Le taux d’impôt sur les sociétés retenu pour la détermination de ce produit est déterminé sur la base du chiffre d’affaires de l’exercice au titre duquel cette même option est exercée.
La créance de report en arrière de déficit déterminée dans les conditions prévues aux cinq premiers alinéas du présent I est minorée du montant de la créance de report en arrière déjà liquidée, lorsque l’option pour le report en arrière a déjà été exercée au titre de ce même déficit dans les conditions prévues au II de l’article 220 quinquies du code général des impôts et éventuellement restituée. Cette créance ne peut pas bénéficier des dispositions de l’article 5 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.
II. – L’article 1er de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 est complété par un III ainsi rédigé :
« III. – A. – Le I s’applique aux aides versées en application du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation ainsi qu’en application du décret n° 2020-1049 du 14 août 2020 adaptant pour les discothèques certaines dispositions du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, dans leur rédaction applicable à la date d’octroi des aides.
« B. – Le I ne s’applique pas :
« 1° Aux aides destinées à compenser les coûts fixes non couverts par les contributions aux bénéfices versées en application du décret n° 2021-310 du 24 mars 2021 instituant une aide visant à compenser les coûts fixes non couverts des entreprises dont l’activité est particulièrement affectée par l’épidémie de covid-19 ;
« 2° Aux aides, autres que celles mentionnées au 1°, au bénéfice des personnes physiques ou morales exploitant des remontées mécaniques, au sens de l’article L. 342-7 du code du tourisme, versées en application du décret n° 2021-311 du 24 mars 2021 instituant une aide en faveur des exploitants de remontées mécaniques dont l’activité est particulièrement affectée par l’épidémie de covid-19 ;
« 3° Aux aides destinées à tenir compte des difficultés d’écoulement des stocks de certains commerces à la suite des restrictions d’activité, versées en application du décret n° 2021-594 du 14 mai 2021 instituant une aide relative aux stocks de certains commerces ;
« 4° Aux aides à la reprise versées en application du décret n° 2021-624 du 20 mai 2021 instituant une aide à la reprise visant à soutenir les entreprises ayant repris un fonds de commerce en 2020 et dont l’activité est particulièrement affectée par l’épidémie de covid-19.
« C. – Le présent III s’applique aux aides perçues à compter de l’année 2021 ou des exercices clos depuis le 1er janvier 2021. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 173 est présenté par Mme Taillé-Polian, M. Parigi et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
L’amendement n° 305 est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour présenter l’amendement n° 173.
Mme Sophie Taillé-Polian. Par cet amendement, nous demandons la suppression du cadeau fiscal « étendu » accordé aux entreprises par le biais du carry back.
Ce dispositif permet à des entreprises déficitaires de reporter une partie de leurs pertes sur les années précédentes et, en conséquence, de se faire rembourser aujourd’hui l’impôt qu’elles avaient versé hier. Jusqu’à présent, le report était plafonné à 1 million d’euros et limité au seul exercice précédent ; par l’adoption de cet article, le montant du déficit reportable serait déplafonné et le nombre d’exercices concernés étendu à trois.
Cela soulève plusieurs problèmes.
Il s’agit, d’abord, d’une subvention publique directe, de nouveau octroyée sans aucune contrepartie sociale ou environnementale, et ce pour un coût estimé, tout de même, à 500 millions d’euros. J’emploie le terme « estimé », car nous n’avons pas d’information précise et fiable sur le coût réel du dispositif ni d’assurance sur le fait qu’il ne profite pas uniquement aux plus grandes entreprises.
Par ailleurs, le système souffre d’opacité. En raison du secret fiscal, il sera difficile, voire impossible, de savoir quels groupes en bénéficient. Or on a pu observer que de nombreux groupes ayant connu des difficultés et enregistré des déficits ont, in fine, versé des dividendes à leurs actionnaires. C’est le cas, entre autres, de Total et d’Engie.
Nous considérons qu’avec 500 millions d’euros on pourrait faire vraiment beaucoup mieux, avec un ciblage bien meilleur. C’est pourquoi nous proposons la suppression de cette mesure.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 305.
M. Pascal Savoldelli. Les membres de mon groupe se sont demandé si cette mesure n’était pas destinée à faire reculer l’abstention des patrons des grandes entreprises et de leurs principaux actionnaires, qui empochent les dividendes. Il y a peut-être un lien…
Pourquoi ? Les montants viennent d’être évoqués ! D’ailleurs, monsieur le ministre, il va falloir nous éclairer sur ce point – et l’on peut tout de même vous reconnaître cette qualité : vous répondez à nos questions –, car nous avons calculé un montant, mais nous nous trompons peut-être. D’après nos calculs, donc, le coût de la mesure se situerait entre 400 millions d’euros et 2,3 milliards d’euros. Il va falloir nous apporter des précisions quant à la nature et l’ampleur de cette dépense.
En effet, ce dispositif a été un cheval de Troie dans le cadre de la précédente loi de finances et nous pensons qu’il en sera un de nouveau dans le cadre de la prochaine. J’entends beaucoup employer ce terme de « trajectoire »… C’est incontestable, monsieur le ministre, vous suivez une trajectoire ! Par conséquent, en décidant de supprimer ou de maintenir cet article, nous sommes déjà, mes chers collègues, en train d’écrire la future loi de finances.
Sur ce dispositif, nous nous posons les mêmes questions que celles qui ont déjà été évoquées, notamment la question du coût. Et puis – mais vous allez certainement dire que j’exagère, monsieur le ministre –, si l’on commence à populariser ce dispositif de carry back, aujourd’hui très peu connu de nos concitoyens, cela risque de créer des tensions dans la société. Certains salariés ont subi des pertes de salaire ; il faudra leur permettre, aussi, de faire un rattrapage sur trois années de revenus. Il faudra traiter, aussi, le cas des artisans et des commerçants. Quand on examinera, à l’article 10, la question de la compensation aux collectivités territoriales, on retrouvera ce même sujet pour des maillons essentiels de la cohésion sociale et démocratique – je pense, avant tout, aux communes.
Il y a donc les aspects financiers et économiques, qui donnent lieu à un certain flou artistique. Mais il y a aussi, quand le dispositif viendra à être connu, le risque d’engendrer un sentiment d’injustice, donc d’éloignement vis-à-vis du politique et du budget de la Nation.
Telles sont les raisons de notre demande de suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. J’ai rappelé dans mes propos liminaires comment le Sénat, plus exactement la majorité sénatoriale, avait poussé cette proposition l’an dernier, en l’adoptant à plusieurs reprises. J’ai même dit que, de notre point de vue, le Sénat avait peut-être eu raison trop tôt. Aujourd’hui le Gouvernement fait droit à cette demande, raison pour laquelle l’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Dès lors que c’est une mesure qu’il propose, le Gouvernement est bien évidemment défavorable à ces amendements de suppression.
Permettez-moi néanmoins deux précisions, mesdames, messieurs les sénateurs.
D’une part, nous n’avions pas donné suite à la proposition du Sénat l’an dernier, parce que nous considérions, alors, qu’il était trop tôt pour mettre en place un tel dispositif. Il s’agit, à nos yeux, plus d’une mesure d’accompagnement de la reprise et de la relance que d’une réponse à une situation d’urgence.
D’autre part, pour répondre à M. le sénateur Savoldelli, la possibilité de report en arrière étant offerte aux mêmes entreprises qui auraient pu bénéficier d’un report en avant, nous sommes sur des coûts de trésorerie, plutôt que sur des coûts nets. Ces coûts de trésorerie sont estimés à 500 millions d’euros par an sur cinq ans, durée sur laquelle nous avons étalé la totalité des pertes constatées au cours du dernier exercice pour procéder à cette estimation.
Parce que nous considérons ce dispositif comme une mesure de sortie de crise et une mesure de renforcement de la solvabilité et des fonds propres, nous tenons aussi à ce que son application soit circonscrite dans le temps. Pour cette raison, j’aurai malheureusement l’occasion de m’opposer aux propositions ultérieures visant à bouger les curseurs en termes de dates.
Cette mesure nous apparaît donc aujourd’hui comme une mesure efficace pour permettre aux entreprises d’envisager la sortie de crise dans les meilleures conditions, par l’amélioration de leur solvabilité et de leur niveau de fonds propres.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 173 et 305.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements identiques.
L’amendement n° 16 rectifié bis est présenté par MM. Chauvet et P. Martin, Mmes Canayer et Guidez, MM. Wattebled, Kern, Duffourg, Sautarel, Chasseing, Canévet et Cigolotti, Mme Garriaud-Maylam, MM. Longeot et Moga, Mmes Puissat, Goy-Chavent, Jacquemet, Paoli-Gagin et Morin-Desailly, MM. Détraigne, J.M. Arnaud et Gremillet et Mmes de La Provôté et Pluchet.
L’amendement n° 24 rectifié quinquies est présenté par MM. Brisson, Charon, Courtial et Bas, Mme Deroche, MM. Cuypers, Panunzi, Cadec, Rietmann, Perrin, Houpert et Favreau, Mmes Berthet et Gruny, MM. Milon, Genet, Saury, Pellevat, Rojouan, Burgoa et Mouiller, Mme Deromedi, MM. Bonhomme, Bouchet, Cardoux, Bonne, Calvet et Chatillon, Mmes Bonfanti-Dossat et Estrosi Sassone, M. Savin, Mmes Chauvin et Borchio Fontimp et MM. Piednoir, Bouloux et Babary.
L’amendement n° 44 rectifié ter est présenté par Mmes Belrhiti et N. Delattre, MM. Regnard et Laménie, Mme Deseyne et MM. B. Fournier, Lefèvre, Haye et Hingray.
L’amendement n° 71 est présenté par Mme N. Goulet.
L’amendement n° 150 rectifié bis est présenté par M. Requier, Mme M. Carrère, MM. Cabanel, Roux et Artano, Mme Pantel, MM. Guiol, Fialaire et Gold, Mme Guillotin et M. Guérini.
L’amendement n° 153 rectifié ter est présenté par M. Menonville, Mme Mélot et MM. Lagourgue, A. Marc et Médevielle.
L’amendement n° 214 rectifié bis est présenté par MM. Chaize, D. Laurent et Karoutchi, Mmes Muller-Bronn et Jacques, M. Daubresse, Mme Noël, M. Longuet et Mmes Lassarade, M. Mercier, Dumont et Raimond-Pavero.
Ces sept amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéas 1 et 2
Remplacer la date :
30 juin 2021
par la date :
30 septembre 2021
II. – Alinéa 6, seconde phrase
Remplacer les mots :
ne peut pas
par le mot :
peut
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Canévet, pour présenter l’amendement n° 16 rectifié bis.
M. Michel Canévet. Comme Patrick Chauvet et l’ensemble des signataires de cet amendement, j’approuve la mesure de report en arrière proposée dans le cadre de ce projet de loi. Nous tenons absolument à ce que les entreprises se portent bien : la condition pour que, demain, elles paient des impôts et contribuent à l’action publique, c’est justement qu’elles soient en bonne santé !
Or, aujourd’hui, un certain nombre d’entreprises se retrouvent en difficulté, notamment dans le secteur du bâtiment en raison de problèmes sérieux d’approvisionnement. Tous ceux qui engagent des chantiers savent bien qu’il faut énormément de temps pour obtenir les matériaux, ce qui implique de faire des avances et, donc, met la trésorerie des entreprises à rude épreuve.
C’est pourquoi nous proposons que, dans le cadre du dispositif de carry back, soit mis en œuvre un droit à remboursement anticipé dès le dépôt de la déclaration de résultat, avec une extension de date jusqu’à la fin du mois de septembre 2021.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin, pour présenter l’amendement n° 24 rectifié quinquies.
M. Michel Savin. L’amendement est défendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour présenter l’amendement n° 44 rectifié ter.
M. Marc Laménie. L’amendement est défendu.
Mme la présidente. L’amendement n° 71 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 150 rectifié bis.
M. Jean-Claude Requier. L’amendement est défendu.
Mme la présidente. L’amendement n° 153 rectifié ter n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Micheline Jacques, pour présenter l’amendement n° 214 rectifié bis.
Mme Micheline Jacques. L’amendement est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je demande le retrait de ces amendements, dont l’adoption – je tiens à le dire tout de suite – se traduirait en monnaie sonnante et trébuchante par une dépense de 3 milliards d’euros. J’ai entendu l’appel à la raison lancée sur les différentes travées pour limiter le coût pour les finances publiques d’un certain nombre de mesures… Soyons-y attentifs, mes chers collègues !
La mesure ici proposée est présentée comme une réponse aux difficultés d’approvisionnement en matières premières auxquelles sont confrontées les entreprises du secteur du bâtiment. Je doute néanmoins de son efficacité pour aider ces entreprises, au-delà de ce que prévoit déjà le dispositif proposé. En effet, les créances de carry back peuvent d’ores et déjà être mobilisées auprès d’établissements de crédit par voie de cession Dailly.
En revanche, j’en suis certain, l’adoption de ces amendements engendrerait une facture de 3 milliards d’euros supplémentaires. Je ne le souhaite pas, d’où cette demande de retrait.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Nous partageons la position de M. le rapporteur général sur la question du coût budgétaire de cette mesure, et je le remercie d’avoir souligné ce point pour moi.
Mais nous souhaitons surtout, comme je l’ai mentionné lors de l’examen des précédents amendements de suppression, que le carry back soit rendu possible pour les déficits constatés pendant la période de crise la plus intense, soit les exercices déficitaires clôturés entre 2020 et le 30 juin 2021.
Pour cette raison, et tout en s’associant pleinement aux arguments développés par M. le rapporteur général, le Gouvernement demande le retrait des amendements.
Mme la présidente. Monsieur Canévet, l’amendement n° 16 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Michel Canévet. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 16 rectifié bis est retiré.
Monsieur Savin, l’amendement n° 24 rectifié quinquies est-il maintenu ?
M. Michel Savin. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 24 rectifié quinquies est retiré.
Monsieur Laménie, l’amendement n° 44 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Marc Laménie. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 44 rectifié ter est retiré.
Monsieur Requier, l’amendement n° 150 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 150 rectifié bis est retiré.
Madame Jacques, l’amendement n° 214 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Micheline Jacques. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 214 rectifié bis est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 306, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le montant du déficit reportable mentionné au présent article est plafonné au double du montant prévu au troisième alinéa du I de l’article 220 quinquies du code général des impôts.
II.- Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le bénéfice du dispositif de créance de report en arrière de déficit est conditionné par le non-versement de dividendes sur les exercices déficitaires ouvrant droit à l’imputation.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Si vous le permettez, madame la présidente, je présenterai simultanément les deux amendements en discussion commune, qui sont des amendements de repli.
Mme la présidente. L’amendement n° 307, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le bénéfice du dispositif de créance de report en arrière de déficit est conditionné par le non-versement de dividendes sur les exercices déficitaires ouvrant droit à l’imputation.
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Éric Bocquet. Nous proposons d’abord de remplacer le déplafonnement prévu dans cet article par un plafonnement fixé à 2 millions d’euros, soit le double du plafond antérieur. Par ailleurs, nous souhaitons mettre en œuvre une condition de non-versement de dividendes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur l’absence de plafond. Quant à la question du versement de dividendes, nous en avons déjà débattu : je ne suis pas sûr que l’outil fiscal soit le meilleur levier pour introduire des critères de conditionnalité.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Pour les mêmes raisons, il est défavorable.
J’ajoute, à l’attention de M. Bocquet, que le déplafonnement du carry back proposé dans cet article – présentant, je le répète, des mesures de réponse à la crise – vise précisément à accompagner des entreprises ayant enregistré des déficits importants durant cette période de crise. Parmi celles-ci, on trouve notamment des entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui, par leur dimension, sont exclues du bénéfice de certaines aides ou assujetties à des plafonds beaucoup trop bas pour que les aides soient véritablement pertinentes.
Il s’agit donc, par ce déplafonnement, d’aider certaines ETI ayant pu afficher des pertes de quelques dizaines de millions d’euros au cours de l’année dernière, qui ne disposent pas de la capacité des grands groupes pour y faire face et n’ont pas accès – ou alors cet accès est trop limité – aux aides mises en place pour les petites et moyennes entreprises (PME) et les très petites entreprises (TPE).
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le rapporteur général, admettons que le levier fiscal ne soit pas le bon pour introduire un élément de conditionnalité ! Dès lors, quelle est la conditionnalité attachée, aujourd’hui, dans la société actuelle ou celle que vous envisagez de construire, à une mesure fiscale bénéficiant à un chef d’entreprise ? Quel autre levier pourrait jouer, et avec quelle conditionnalité ? Vous n’êtes pas obligé de répondre tout de suite…
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je peux vous donner une réponse sans attendre, monsieur Savoldelli. Un exemple pourrait être les subventions octroyées dans le cadre du plan de relance.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 307.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
Mme la présidente. L’amendement n° 45, présenté par M. Husson, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 8
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
« III. – A. – Le I s’applique :
« 1° Aux aides versées en application du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation ;
« 2° Aux aides versées en application du décret n° 2020-1049 du 14 août 2020 adaptant pour les discothèques certaines dispositions du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, dans leur rédaction applicable à la date d’octroi des aides ;
« 3° Aux aides à la reprise versées en application du décret n° 2021-624 du 20 mai 2021 instituant une aide à la reprise visant à soutenir les entreprises ayant repris un fonds de commerce en 2020 et dont l’activité est particulièrement affectée par l’épidémie de covid-19.
II. – Alinéa 13
Supprimer cet alinéa.
III. – Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :
…. – Le 3° du A du III du présent article entre en vigueur à une date fixée par décret qui ne peut être postérieure de plus de quinze jours à la date de réception par le Gouvernement de la décision de la Commission européenne permettant de les considérer comme conformes au droit de l’Union européenne en matière d’aides d’État.
.… – La perte de recettes résultant pour l’État de l’exonération fiscale des aides à la reprise versées en application du décret n° 2021-624 du 20 mai 2021 instituant une aide à la reprise visant à soutenir les entreprises ayant repris un fonds de commerce en 2020 et dont l’activité est particulièrement affectée par l’épidémie de covid-19 est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale de l’exonération sociale des aides à la reprise versées en application du décret n° 2021-624 du 20 mai 2021 instituant une aide à la reprise visant à soutenir les entreprises ayant repris un fonds de commerce en 2020 et dont l’activité est particulièrement affectée par l’épidémie de covid-19 est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement a trait au régime fiscal de certaines aides versées aux entreprises particulièrement touchées par la crise sanitaire.
Nous connaissons les règles applicables au fonds de solidarité. Ici, nous évoquons un dispositif, non pas complémentaire, mais subsidiaire à ce fonds, ce qui justifie que l’on applique pour les subventions concernées un régime fiscal et social analogue.
Il s’agit d’exonérer d’impôt sur les bénéfices et de contributions et cotisations sociales l’aide à la reprise s’appliquant aux entreprises ayant repris un fonds de commerce en 2020, introduite par un décret récent, puisqu’il date du 20 mai dernier.
Il appartiendra au Gouvernement de notifier cette nouvelle exonération à la Commission européenne. Le cadre temporaire des aides d’État n’opère pas de distinction selon la nature de l’aide versée.
Certaines entreprises sont aujourd’hui privées d’aide, alors qu’elles ont bien été créées et qu’elles ont engagé des dépenses. Si l’État n’intervient pas pour elles, alors qu’il propose des dispositifs aux autres entreprises, les entrepreneurs concernés vont connaître d’importantes difficultés, avec, à la clé, des cessations d’activité et des faillites. Mais c’est un sujet sur lequel j’ai eu l’occasion d’entretenir le ministre…
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. M. le rapporteur général propose d’exonérer de l’impôt ou des cotisations sociales les aides à la reprise et les aides versées à certaines entreprises. Nous y sommes défavorables pour une raison de principe et de doctrine : les aides aux entreprises sont systématiquement soumises à fiscalité ou à cotisations sociales.
Nous avons fait une exception à cette règle pour le fonds de solidarité, considérant qu’il s’agissait, au moment de sa création, d’une aide – 1 500 euros pour les TPE – d’urgence et, parfois, de survie. Pour autant, nous ne souhaitons pas étendre ce principe de défiscalisation aux autres aides aux entreprises, ce qui, par ailleurs, impliquerait effectivement une notification auprès de la Commission européenne.
Par conséquent, je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mais je tiens à répondre à la question que vous me posez à l’occasion de la présentation de cet amendement, monsieur le rapporteur général, celle des entreprises nouvellement créées qui n’ont pas encore pu bénéficier du dispositif de prise en charge des coûts fixes.
Il se trouve que j’ai signé hier un nouveau décret, que Bruno Le Maire devrait à son tour signer aujourd’hui ou demain. Ce décret prévoit un élargissement des périodes prises en compte, ce qui permettra d’apporter une réponse en termes de prise en charge des coûts fixes à des entreprises nouvellement créées n’ayant pas pu avoir d’activité, du fait de problématiques de saisonnalité ou d’une interdiction stricte d’exercer énoncée après la création.
Nous devrions ainsi couvrir un grand nombre des situations dont vous m’avez fait part au cours des dernières semaines.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. J’entends votre réponse, monsieur le ministre. Manifestement, il y a des éléments nouveaux. Je souhaiterais qu’ils puissent nous être communiqués d’ici à demain, afin que nous puissions les examiner de plus près.
Avant d’entendre la deuxième partie de votre réponse, je ne partageais pas votre point de vue. J’attends maintenant de voir si l’on résout, de manière équitable, la problématique soulevée.
Dans l’attente, je maintiens l’amendement, ce qui nous permettra de réexaminer la question en cours de navette et, éventuellement, d’arrêter une position définitive.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Mes conseillers vont vous transmettre ce projet de décret dans les prochaines heures, monsieur le rapporteur général. Comme je vous l’ai indiqué, je l’ai signé, mais il n’est pas encore signé par l’ensemble des ministres compétents. Je vous demande donc de bien vouloir considérer que, s’il n’est pas encore paru au Journal officiel, il est largement finalisé.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er
Mme la présidente. L’amendement n° 98 rectifié, présenté par MM. Féraud, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et Lurel, Mme Artigalas, M. Assouline, Mme Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Mérillou et Michau, Mme Monier, M. Pla, Mme Préville, M. Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le a quinquies du I de l’article 219 du code général des impôts est abrogé.
La parole est à M. Thierry Cozic.
M. Thierry Cozic. Le présent amendement prévoit la suppression de la « niche Copé ».
Dès sa création en 2005, celle-ci a suscité de fortes contestations. L’objectif était de retenir et d’attirer des holdings en France, via une exonération partielle d’impôt sur les plus-values à long terme sur la cession de filiales et de titres de participation.
Pour autant, cette exonération bénéficie massivement aux holdings avec de nombreuses filiales, facilitant une optimisation fiscale pourtant décriée unanimement. De grandes entreprises ont bénéficié de cette niche. Ainsi, en 2007, Danone a économisé 500 millions d’euros d’impôt sur les sociétés sur la cession de Danone Biscuits.
En 2009, la niche a bénéficié à 6 200 entreprises et seulement 10 entreprises, à elles seules, ont capté 44 % des coûts du dispositif. Les fonds de LBO (leverage buy-out ou rachat avec effet de levier), qui achètent des sociétés pour les revendre quelques années après, bénéficient également de ce mécanisme d’exonération fiscale.
Il est à l’heure actuelle difficile d’évaluer le coût total de la « niche Copé ». D’ailleurs, l’information n’apparaît pas clairement dans les documents transmis au Parlement. Une estimation à 5 milliards d’euros par an a été avancée par le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Aujourd’hui plus qu’hier, compte tenu de la crise économique et sociale, nous ne pouvons plus nous passer de telles recettes pour conduire une action publique proportionnée et efficace.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il est défavorable.
L’exonération des plus-values de cession intragroupe ne constitue pas un dispositif préférentiel, mais vise à assurer la neutralité fiscale d’opérations qui font partie de la vie économique d’un groupe d’entreprises.
Je vous renvoie, mes chers collègues, à ce qu’en disait le Conseil des prélèvements obligatoires en 2017 : cette exonération répond à « l’objectif légitime de prévenir la double imposition qui viendrait amputer le rendement des fonds propres investis, et réduirait l’attrait d’un certain nombre d’opérations d’investissement en capital ».
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 46, présenté par M. Husson, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du b du I de l’article 219, le montant : « 38 120 € » est remplacé par le montant : « 50 000 € ».
2° Le I de l’article 235 ter ZC est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, le montant : « 763 000 euros » est remplacé par le montant : « 1 million d’euros » ;
b) À la première phrase du troisième alinéa, le montant : « 7 630 000 euros » est remplacé par le montant : « 10 millions d’euros ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État de l’augmentation de la fraction des bénéfices éligible au taux réduit d’impôt sur les sociétés pour les petites et moyennes entreprises, de l’abattement et des seuils d’exonération de la contribution sociale sur l’impôt sur les sociétés est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement tend à instaurer des mesures de simplification des seuils d’imposition des PME, mesures d’ailleurs déjà présentées par la commission des finances du Sénat à l’occasion de l’examen de la loi de finances pour 2021.
Premièrement, nous portons de 7,63 millions d’euros à 10 millions d’euros le montant de chiffre d’affaires annuel au-delà duquel une entreprise est redevable de la contribution sociale sur l’impôt sur les sociétés.
Deuxièmement, nous faisons croître de 38 120 euros à 50 000 euros la fraction de bénéfices des PME imposable au taux réduit de 15 %.
Troisièmement, nous augmentons de 763 000 euros à 1 million d’euros l’abattement applicable pour déterminer le montant de la contribution sociale.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Pour les mêmes raisons que celles que nous avons avancées lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2021, c’est-à-dire le coût budgétaire et la conviction que ce relèvement de seuils conduira à des stratégies d’évitement de l’impôt, le Gouvernement reste défavorable à ces mesures.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er.
L’amendement n° 47, présenté par M. Husson, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après l’article 212 bis, il est inséré un article 212 … ainsi rédigé :
« Art. 212 …. – I. – La rémunération des nouveaux fonds propres apportés entre le 23 juin 2021 et le 31 décembre 2023 par une entreprise non membre d’un groupe, au sens des articles 223 A ou 223 A bis, calculée dans les conditions prévues au II du présent article, peut être déduite du résultat fiscal soumis à l’impôt sur les sociétés.
« II. – A. – Pour l’application du I, les fonds propres pris en compte correspondent à la différence, lorsqu’elle est positive, entre les fonds propres constatés à la clôture de l’exercice et ceux constatés à la clôture du dernier exercice clos au 31 décembre 2020.
« B. – Le taux retenu pour calculer la rémunération des fonds propres pris en compte est égal à 5 %.
« Par dérogation au premier alinéa du présent B, la rémunération des fonds propres est fixée à 7 % pour les entreprises qui satisfont à la définition des micro, petites et moyennes entreprises prévue à l’article 2 de l’annexe I au règlement n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.
« III. – Le montant pouvant être déduit en application du I correspond aux fonds propres pris en compte en application du A du II multiplié par la rémunération prévue au B du même II, dans la limite du plus élevé des deux montants suivants :
« 1° Trois millions d’euros ;
« 2° 30 % de son résultat déterminé dans les conditions du IV.
« Le montant mentionné au 1° du présent III s’entend par exercice, le cas échéant ramené à douze mois.
« IV. – Le résultat mentionné au 2° du III est déterminé en corrigeant le résultat fiscal soumis à l’impôt sur les sociétés aux taux mentionnés au deuxième alinéa et au b du I de l’article 219 des montants suivants :
« 1° La rémunération des fonds propres pris en compte déterminée conformément au III du présent article ;
« 2° Les charges financières nettes déterminées conformément au III de l’article 212 bis ;
« 3° Les amortissements admis en déduction, nets des reprises imposables et des fractions de plus ou moins-values correspondant à des amortissements déduits, à des amortissements expressément exclus des charges déductibles ou à des amortissements qui ont été différés en méconnaissance de l’article 39 B ;
« 4° Les provisions pour dépréciation admises en déduction, nettes des reprises de provision pour dépréciation imposables ;
« 5° Les gains et pertes soumis aux taux mentionnés au a du I et au IV de l’article 219.
« Le résultat fiscal mentionné au premier alinéa du présent IV s’entend de celui obtenu avant imputation des déficits et avant application du présent article. Il tient compte des déductions pour l’assiette de l’impôt et des abattements déduits pour cette même assiette. » ;
2° Après l’article 223 B bis, il est inséré un article 223 B … ainsi rédigé :
« Art. 223 B…. – I. – La rémunération des nouveaux fonds propres apportés par le groupe entre le 23 juin 2021 et le 31 décembre 2023, calculée dans les conditions prévues au II, est déductible du résultat d’ensemble.
« II. – A. – Pour l’application du I, les fonds propres pris en compte correspondent au montant positif résultant des fonds propres déterminés au niveau du groupe constatés à la clôture de l’exercice auxquels sont retranchés les fonds propres déterminés au niveau du groupe constatés à la clôture du dernier exercice clos au 31 décembre 2020.
« B. – Le taux retenu pour calculer la rémunération des fonds propres pris en compte est égal à 5 %.
« III. – Le montant pouvant être déduit en application du I correspond aux fonds propres pris en compte en application du A du II multiplié par la rémunération prévue au B du même II, dans la limite du plus élevé des deux montants suivants :
« 1° Trois millions d’euros ;
« 2° 30 % de son résultat déterminé dans les conditions du IV.
« Le montant mentionné au 1° du présent III s’entend par exercice, le cas échéant ramené à douze mois.
« IV. – Le résultat mentionné au 2° du III est déterminé en corrigeant le résultat d’ensemble soumis à l’impôt sur les sociétés aux taux mentionnés au deuxième alinéa et au b du I de l’article 219 des montants suivants :
« 1° La rémunération des fonds propres pris en compte déterminée conformément au III du présent article ;
« 2° Les charges financières nettes déterminées conformément au même III ;
« 3° La somme des amortissements admis en déduction du résultat de chaque société membre du groupe, nette des reprises imposables et des fractions de plus ou moins-values correspondant à des amortissements déduits, à des amortissements expressément exclus des charges déductibles ou à des amortissements qui ont été différés en contravention aux dispositions de l’article 39 B ;
« 4° La somme des provisions pour dépréciation admises en déduction du résultat de chaque société membre du groupe, nette des reprises de provision pour dépréciation imposables ;
« 5° La somme algébrique des gains et pertes constatés par chaque société membre du groupe et soumis aux taux mentionnés au a du I et au IV de l’article 219.
« Les montants mentionnés aux 3° et 4° du présent IV s’entendent de ceux qui, pour la détermination du résultat d’ensemble de l’exercice, ne donnent pas lieu aux retraitements prévus aux articles 223 B et 223 F.
« Le résultat fiscal mentionné au premier alinéa du présent IV s’entend de celui obtenu avant imputation des déficits et avant application du présent article. Il tient compte des déductions pour l’assiette de l’impôt et des abattements déduits pour cette même assiette. »
II. – Le I s’applique aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2021.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État de la déduction pour rémunération des nouveaux fonds propres est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Le présent amendement tend à introduire à titre temporaire un dispositif de déduction fiscale pour le capital à risque, afin d’aider les entreprises et les inciter à renforcer rapidement leurs fonds propres dans la période de sortie de crise.
L’idée figurait parmi les recommandations d’un rapport que j’ai produit, intitulé Comment réussir la sortie des prêts garantis par l’État ?
Ce dispositif présente deux caractéristiques.
D’abord, nous avons largement travaillé sur son caractère incitatif. D’ailleurs, la Commission européenne l’a soutenu dans un avis récent et vient de lancer une consultation, en amont de la présentation d’un projet de directive, en vue de sa possible introduction au sein de l’Union européenne.
Par ailleurs, pour renforcer l’effet sur les petites et moyennes entreprises, nous avons fait passer le taux d’intérêt notionnel retenu pour apprécier la rémunération des fonds propres de 5 % à 7 %.
Ce mécanisme, je le répète, permet de neutraliser le biais fiscal en faveur de l’endettement qui découle de la possibilité de déduire les charges financières afférentes à un emprunt. Il est déjà introduit de longue date dans des pays comme la Belgique et l’Italie, et emporte le soutien du Fonds monétaire international.
Il s’agit aussi d’offrir une incitation au secteur privé, par la rémunération de la prise de risque, mais également de renforcer les fonds propres des entreprises, afin d’améliorer leur ratio d’endettement en sortie de crise. Or, si j’ai bien compris, le Gouvernement comme beaucoup d’élus défendent ce renforcement des fonds propres, pour que les entreprises soient solides dans cette phase de sortie de crise et le demeurent ensuite.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Nous mettons en place des outils particuliers qui permettront le renforcement des fonds propres et qui, à ce stade, nous paraissent pertinents.
Nous nous opposons à cette proposition du rapporteur général pour deux raisons.
D’une part, comme cela a été mentionné, une initiative européenne est en cours et doit aboutir en 2022. Sans nier son importance, la présente disposition ne nous paraît pas opportune, car elle pourrait entrer en contradiction avec le résultat de cette démarche européenne.
D’autre part, le coût de la mesure s’élèverait à 2 milliards d’euros en 2022, 4,5 milliards d’euros en 2023 et 6,5 milliards d’euros en 2024. Vous comprendrez, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous ne pouvons pas l’accepter.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le ministre, je ne fais que prendre exemple sur le Gouvernement… Le ministre Bruno Le Maire a mené une action anticipée sur la taxe sur les services numériques, dite taxe GAFA, expliquant que cela aurait un effet d’entraînement à l’échelle européenne. Je vous propose une stratégie identique. Ni plus ni moins ! Certes, je ne suis pas Bruno Le Maire, mais je pense que l’on peut faire le pari de l’audace.
M. Michel Savin. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. La grande différence, monsieur le rapporteur général, c’est que l’initiative prise par le Gouvernement en matière de taxe GAFA avait certes un effet d’entraînement, mais rapporte aussi 375 millions d’euros au budget de l’État. La vôtre coûterait 6,5 milliards d’euros en 2024 !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er.
L’amendement n° 8 rectifié bis, présenté par Mme Lavarde, MM. Babary et Bascher, Mme Berthet, MM. Bouchet, Bouloux, Burgoa, Cardoux, Charon et Chatillon, Mmes Chauvin, Delmont-Koropoulis, Deroche, Deromedi, Di Folco et Estrosi Sassone, MM. Favreau et B. Fournier, Mme Garriaud-Maylam, M. Genet, Mme Gruny, MM. Guené et Houpert, Mme Jacques, M. Laménie, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre et Longuet, Mme Malet, MM. Mouiller, de Nicolaÿ, Perrin, Piednoir et Pointereau, Mmes Procaccia et Raimond-Pavero et MM. Rapin, Regnard, Rietmann, Sautarel, Savin et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 5 de l’article 221 du code général des impôts est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« d) Par exception au c, les opérations mentionnées au b effectuées au cours des deux premiers exercices clôturés à compter du 31 décembre 2020 ne sont pas soumises à agrément préalable du ministre chargé du budget.
« Le d ne s’applique que si elles ne sont pas accompagnées d’une modification du contrôle de la société dans des conditions prévues par décret. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Christine Lavarde.
Mme Christine Lavarde. Cet amendement s’inscrit d’une certaine manière dans la suite des dispositifs tendant à faciliter la continuité des activités économiques, tel celui du carry back.
Nous cherchons, en l’occurrence, à faciliter le changement d’activité. Aujourd’hui, lorsqu’une entreprise décide de faire évoluer son activité et que ce changement entraîne une variation de plus de 50 % de son chiffre d’affaires, de son effectif ou de ses immobilisations, l’activité est considérée comme ayant cessé et une nouvelle prend la suite. Dans le cas où la société dont l’activité cesse a enregistré des déficits, la nouvelle société, même si elle a exactement le même actionnariat, ne peut bénéficier du dispositif de carry back que nous venons d’adopter.
Nous proposons donc d’assouplir temporairement – pendant deux ans – le dispositif d’agrément fiscal permettant à une société de continuer à bénéficier du report des déficits antérieurs, dans le cas de figure précis que j’ai évoqué. La délivrance de ces agréments est, en effet, relativement longue et source de complexités administratives pour les entreprises qui en font la demande.
Bien évidemment, pour éviter tout abus, cette procédure d’agrément allégé ne serait autorisée qu’en cas de stabilité de l’actionnariat. Nous aurons ainsi la garantie que le report de déficit bénéficiera aux mêmes personnes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. J’ai bien noté votre volonté d’assouplir la procédure d’agrément de façon temporaire. Votre dispositif ne supprime pas la capacité de contrôle de l’administration, mais en inverse la logique : le contrôle s’exercerait a posteriori, et non plus a priori.
Fort de ces observations, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. La situation fréquente de simple évolution du niveau d’une activité qui ne serait l’objet ni d’un abandon ni d’une adjonction n’a pas d’incidence sur les déficits reportables.
Les changements d’activité qui emportent des conséquences sur les déficits sont très peu nombreux, comme en témoignent les demandes d’agrément déposées en 2020, soit moins d’une dizaine. Reste que la procédure d’agrément demeure un garde-fou qui, à nos yeux, est indispensable pour préserver des emplois en contrepartie du maintien des déficits reportables.
Si nous acceptions votre proposition de « simplification » – vous la présentez comme telle –, nous nous priverions de capacités de contrôle et de garde-fous. Le maintien d’emplois en contrepartie du maintien des déficits serait contraire à la politique de sauvegarde des emplois dans les entreprises rencontrant des difficultés.
Vous mentionnez les difficultés d’obtention des agréments ; en réalité, très peu d’agréments sont demandés. Quoi qu’il en soit, je peux vous assurer de toute la diligence de l’administration pour procéder à la délivrance de ces agréments, malgré des garde-fous.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Lavarde, l’amendement n° 8 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Christine Lavarde. Je suis prête à le retirer, monsieur le ministre, si vous prenez l’engagement, devant la représentation nationale, que toute demande d’agrément sera étudiée sous quinze jours.
Vous affirmez qu’il n’y a que très peu de demandes. Il est vrai que l’année 2020 a été assez particulière ; aujourd’hui, les entreprises sont invitées à relocaliser leur activité et à s’adapter à l’économie, qui a été modifiée par la crise que nous venons de vivre. Pouvez-vous vous engager à ce que les services de Bercy fassent preuve de diligence et que les cas dont on nous a fait part ne se reproduisent pas ?
Pour ma part, j’ai toujours envie de vous faire confiance. Au besoin, vous le savez, nous y reviendrons dans le PLF…
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. En dépit de cette menace de représailles (Sourires.), je ne peux pas prendre un engagement compté en jours. Certains dossiers sont parfois extrêmement complexes. Leur durée de traitement peut donc être légèrement supérieure à ce que vous souhaitez. Mais soyez assurée que diligence sera faite ! Si des difficultés sur tel ou tel dossier vous sont communiquées, n’hésitez pas à nous les faire connaître directement.
Mme la présidente. Madame Lavarde, que décidez-vous ?
Mme Christine Lavarde. Je retire l’amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 8 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 48, présenté par M. Husson, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 39 AB est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« II. – Les matériels destinés à économiser l’énergie et les équipements de production d’énergies renouvelables qui figurent sur une liste établie par arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie, des finances et de l’écologie, acquis ou fabriqués entre le 23 juin 2021 et le 31 décembre 2022 peuvent faire l’objet d’un amortissement exceptionnel sur douze mois à compter de leur mise en service. » ;
2° Le 6° de la section V du chapitre II du titre Ier de la première partie est ainsi rétabli :
« 6° Crédit d’impôt au titre des investissements dans la transition écologique
« Art. 220 decies. – I. – Les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés peuvent, sur option, bénéficier d’un crédit d’impôt égal à 25 % du montant des sommes versées pour l’acquisition des matériels mentionnés au second alinéa de l’article 39 AB.
« II. – Par dérogation à l’article 39, lorsque l’option mentionnée au I du présent article est exercée, les matériels pris en compte pour le calcul du crédit d’impôt ne sont pas déductibles.
« III. – L’option mentionnée au I est exercée au titre de l’exercice au cours duquel le matériel est acquis ou fabriqué et dans les mêmes délais que ceux prévus pour le dépôt de la déclaration de résultat de cet exercice. »
II. – Le bénéfice du crédit d’impôt prévu au 2° du I est subordonné au respect du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.
III. – Le 2° du I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
IV. – La perte de recettes résultant pour l’État de l’amortissement accéléré et du crédit d’impôt au titre de l’amortissement accéléré de certains investissements est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Dans un objectif de relance de l’économie et de soutien à la transition écologique, le présent amendement a pour objet de mettre en œuvre une incitation fiscale vouée à stimuler l’investissement des entreprises.
Ainsi, l’amendement vise à réactiver un dispositif qui a existé pendant vingt ans, de 1991 à 2011, à savoir la possibilité temporaire d’amortissement accéléré des matériels destinés à économiser l’énergie et les équipements de production d’énergies renouvelables. Les entreprises qui font l’acquisition de ces biens entre le 23 juin 2021 et le 31 décembre 2022 pourront les amortir sur une période de douze mois.
En outre, cet amendement vise à prévoir une modalité dérogatoire d’imputation de l’avantage fiscal issu de ce mécanisme d’amortissement, afin de permettre aux entreprises constatant un déficit en raison de la situation économique actuelle de le monétiser immédiatement.
Ce dispositif présente deux avantages : il incite les entreprises à investir dès aujourd’hui en faveur de la transition écologique ; il stimule des investissements des pouvoirs publics qui sont indispensables à la compétitivité des entreprises françaises et qui favorisent la transition écologique, pour un simple coût de trésorerie.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Les dispositifs de dépenses fiscales sont trop difficiles à supprimer pour que nous les rétablissions à nouveau quelques mois après y avoir mis fin… (Sourires.)
Plus sérieusement, depuis le début de la crise, nous considérons que les interventions budgétaires, notamment à travers le plan de relance, sont plus efficaces que les dépenses ou les dispositifs de nature fiscale. C’est la raison pour laquelle, de manière assez constante, nous nous y opposons.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er.
L’amendement n° 175, présenté par Mme Taillé-Polian, M. Parigi et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 209 du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – 1° Toute personne morale ayant une activité en France est imposable à hauteur du ratio de son chiffre d’affaires réalisé sur le territoire national ramené à son chiffre d’affaires mondial, le calcul de ces chiffres d’affaires national et mondial incluant également le chiffre d’affaires des entités juridiques dont elle détient plus de 50 % des actions, parts, droits financiers ou droits de vote.
« L’administration en charge de la procédure de recouvrement de l’impôt sur les sociétés doit utiliser les éléments suivants pour calculer le montant de l’impôt sur les sociétés redevables au titre des articles 206 et suivants du présent code :
« a) Le ratio du chiffre d’affaires réalisé en France par rapport au chiffre d’affaires mondial, le calcul de ces chiffres d’affaires national et mondial incluant également le chiffre d’affaires des entités juridiques dont elle détient plus de 50 % des actions, parts, droits financiers ou droits de vote ;
« b) Le ratio du bénéfice réalisé en France par rapport au bénéfice mondial, le calcul de ces bénéfices national et mondial incluant également le bénéfice des entités juridiques dont elle détient plus de 50 % des actions, parts, droits financiers ou droits de vote.
« Si le ratio calculé en a du présent 1°s’avère inférieur, avec un écart d’au moins 0,05, au ratio calculé en b, l’administration fiscale corrige le montant des bénéfices déclarés par la personne morale en France, de façon à ce que le ratio calculé en b devienne égal au ratio calculé en a.
« 2° Les dispositions du 1° ne sont pas applicables si la différence entre les ratios mentionnés aux a et b du 1° résulte de transactions qui ne peuvent être regardées comme constitutives d’un montage artificiel dont le but serait de contourner la législation fiscale française. »
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Cet amendement s’inscrit dans la même logique que celui présenté précédemment par mon collègue Éric Bocquet concernant la juste taxation des multinationales ; il est inspiré des propositions d’Attac.
Nous proposons de taxer les multinationales à hauteur du chiffre d’affaires qu’elles réalisent réellement en France. Comme l’a dit M. le rapporteur général Husson, il faut parfois avoir de l’audace. Surtout, il faut des actes, et pas simplement des paroles.
Sur le principe, nous pensons qu’un taux minimum d’impôt sur les sociétés à l’échelle internationale est une bonne chose. Cependant, le taux envisagé est bien trop bas, et il me semble que le ministre de l’économie n’a pas souhaité qu’il soit plus élevé – son nom a manqué au bas de certaines tribunes, pourtant signées par les Allemands.
Les pressions que Bruno Le Maire aurait pu exercer de même qu’un soutien à la volonté politique du Président américain de porter le taux au-delà de 15 % auraient été particulièrement bienvenus pour lutter contre les lobbies et les paradis fiscaux. Or, en dépit des beaux discours que l’on peut entendre ici, le ministre de l’économie n’a pas fait le travail.
Pour notre part, nous continuerons à défendre des amendements visant à une juste taxation de toutes les entreprises et à ce que le taux minimum ne soit pas rabougri au point que l’on en perde le sens. Aujourd’hui, 15 %, ce serait 4 milliards d’euros en plus pour le budget de notre pays, alors que vous venez juste d’en enlever 6 milliards…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission n’est pas favorable à cet amendement, pour les raisons que j’ai évoquées à l’endroit de l’amendement de M. Bocquet : d’une part, ce dispositif est inopérant et, d’autre part, des négociations sont en cours à l’OCDE avec, en perspective, une possible solution.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Les avancées obtenues lors du G7, que nous espérons concrétiser lors du G20, puis à l’OCDE, sont des pas dans la bonne direction : la convergence de la fiscalité et de la lutte contre le dumping.
Je suis fasciné par l’admiration que vous portez à la politique fiscale des Américains, celle de Joe Biden en particulier. Autant le Gouvernement soutient l’initiative américaine en matière d’imposition minimale et de réouverture des discussions sur la taxe numérique, autant je suis interpellé par votre volonté de présenter la politique fiscale américaine comme un modèle de solidarité.
Si nous appliquions la politique fiscale aujourd’hui décrite et proposée par Joe Biden, nous devrions baisser davantage le taux d’impôt sur les sociétés – je ne suis pas sûr que vous en seriez d’accord. Même l’augmentation à laquelle Joe Biden envisage de procéder, sans préjuger le vote du Congrès, porterait le taux américain à un niveau bien inférieur au taux de 25 % que nous proposons.
En matière de fiscalité des particuliers, si nous voulions nous aligner sur un modèle assez proche de celui qui est pratiqué aux États-Unis, il faudrait renoncer à une grande partie de la progressivité, en augmentant les impôts de ceux qui gagnent moins de 70 000 euros par an et en les baissant pour ceux qui gagnent plus. Je vous invite donc à être un peu plus modérée dans la comparaison.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Sur les travées de notre groupe, nous ne sommes pas particulièrement en osmose avec la politique de Joe Biden. Peut-être l’êtes-vous davantage en tant que « démocrate » – je ne sais plus quel est le nom de votre aile gauche –, monsieur le ministre ? Nous constatons simplement que la proposition d’un taux à 21 % n’a pas été soutenue par la France.
Mme Sophie Taillé-Polian. Le taux est tombé à 15 % : voilà la réalité ! Or un taux de 21 %, c’était toujours mieux qu’un taux de 15 % – vous aurez du mal à me convaincre du contraire.
Bruno Le Maire n’a pas été au rendez-vous. La voix de la France aurait dû porter bien plus dans le cadre de ces négociations internationales.
Il est heureux que cette discussion puisse être ouverte de nouveau avec l’arrivée au pouvoir de Joe Biden. Bien évidemment, nous ne prenons pas les États-Unis pour modèle, surtout en ce qui concerne la transition écologique, la justice sociale et la justice fiscale. Mais, quand il y a du bon à prendre et à soutenir, il faut le faire !
Mme la présidente. L’amendement n° 342, présenté par M. Husson, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 244 bis B du code général des impôts est complété par huit alinéas ainsi rédigés :
« Le prélèvement mentionné au premier alinéa du présent article ne s’applique pas aux organismes de placement collectif constitués sur le fondement d’un droit étranger, situés dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État ou territoire ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et n’étant pas non coopératif au sens de l’article 238-0 A et qui satisfont aux conditions suivantes :
« 1° Lever des capitaux auprès d’un certain nombre d’investisseurs en vue de les investir, conformément à une politique d’investissement définie, dans l’intérêt de ces investisseurs ;
« 2° Présenter des caractéristiques similaires à celles d’organismes de placement collectif de droit français relevant de la section 1, des paragraphes 1, 2, 3, 5 et 6 de la sous-section 2, de la sous-section 3 ou de la sous-section 4 de la section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code monétaire et financier ;
« 3° Pour les organismes situés dans un État non membre de l’Union européenne ou non partie à l’accord sur l’Espace économique européen, ne pas participer de manière effective à la gestion ou au contrôle de la société mentionnée au f du I de l’article 164 B.
« Les stipulations de la convention d’assistance administrative mentionnée au sixième alinéa du présent article et leur mise en œuvre doivent effectivement permettre à l’administration fiscale d’obtenir, des autorités de l’État dans lequel l’organisme de placement collectif constitué sur le fondement d’un droit étranger mentionné au même alinéa est situé, les informations nécessaires à la vérification du respect par cet organisme des conditions prévues aux 1° à 3 .
« Peuvent obtenir la restitution de la part du prélèvement mentionné au premier alinéa qui excède l’impôt sur les sociétés dont elles auraient été redevables si leur siège social avait été situé en France les personnes morales ou organismes, quelle qu’en soit la forme :
« a) Dont le siège social se situe dans un État de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et n’étant pas non coopératif au sens de l’article 238-0 A ;
« b) Ou, sous réserve qu’ils ne participent pas de manière effective à la gestion ou au contrôle de la société dont les titres sont cédés ou rachetés, dont le siège social se situe dans un État ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d’assistance administrative en matière d’échange de renseignements et de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales et n’étant pas non coopératif au sens de l’article 238-0 A. »
II. – Le I s’applique aux cessions ou rachats de droits sociaux et aux distributions réalisés à compter du 30 juin 2021.
III. – La perte de recettes pour l’État résultant de l’exonération de certains organismes de placement collectif du prélèvement applicable aux gains résultant de la cession ou du rachat de droits sociaux ainsi qu’à certaines distributions réalisés par une personne physique non domiciliée en France ou une personne morale dont le siège social est situé hors de France est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Le présent amendement vise à mettre en conformité avec le droit de l’Union européenne et la jurisprudence administrative le prélèvement prévu à l’article 244 bis B du code général des impôts, applicable aux gains résultant de la cession ou du rachat de droits sociaux ainsi qu’à certaines distributions réalisés soit par une personne physique non domiciliée en France, soit par une personne morale dont le siège social est situé hors de France. Pour faire simple, il s’agit de traiter de la même manière les Français non-résidents et les personnes résidant en France.
Pour éviter que des opérations qui devraient entrer dans le champ du prélèvement n’échappent à l’impôt, en conséquence de l’arrêt du Conseil d’État, il est prévu que le nouveau dispositif s’applique aux cessions ou au rachat de droits sociaux et aux distributions réalisés à compter du 30 juin 2021 – à la date d’aujourd’hui…
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur le ministre, acceptez-vous de lever le gage ?
Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° 342 rectifié.
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er.
L’amendement n° 236 rectifié bis, présenté par MM. Savin, Hugonet, Grosperrin et Vogel, Mme Demas, MM. D. Laurent, Mandelli, Regnard, Longeot, Burgoa et Pellevat, Mmes Lassarade et Malet, M. Brisson, Mme Canayer, MM. B. Fournier, Menonville, Grand, Laménie et Darnaud, Mmes Joseph et M. Mercier, MM. Bouchet, Allizard, Perrin et Rietmann, Mmes Ventalon et Deromedi, M. A. Marc, Mmes Duranton, Berthet, Gruny et Puissat, M. Pointereau, Mmes Vermeillet, Raimond-Pavero et Imbert, M. Gremillet, Mme Billon, MM. Tabarot et Saury, Mme Garriaud-Maylam, M. Médevielle, Mmes Jacques, Micouleau, Di Folco et N. Delattre, MM. Wattebled, Duffourg, Genet, Belin, Houpert et Bonne, Mme Chain-Larché, M. Cuypers et Mme Schalck, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 279 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« … Les prestations de services fournies par les salles de sport. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. Les établissements sportifs couverts et marchands, notamment les salles de sport, comptent parmi les structures les plus durement touchées par la crise sanitaire. Fermés pendant plus d’un an, ces établissements sont aujourd’hui pour la plupart en très grande difficulté, malgré les aides de l’État. Le désengagement de ce soutien dans le cadre de la reprise progressive des activités risque de leur porter le coup de grâce.
Le présent amendement vise donc à soumettre les activités des établissements sportifs à un taux réduit de TVA de 10 %, afin qu’ils puissent, comme les autres acteurs du sport, bénéficier d’un soutien de l’État, et ce dans le but de faire revenir les Français au sport.
Par ailleurs, force est de constater que les Français contribuent plus à la TVA dans le cadre des pratiques sportives que lorsqu’ils vont manger dans un fast-food, qui bénéficie d’un taux de TVA à 5,5 %. Bref, nous défendons un amendement d’incitation à la pratique sportive, dans une démarche de santé publique nécessaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je sollicite le retrait de cet amendement pour deux raisons. La première est juridique : l’amendement est contraire à la directive TVA. La seconde est économique : l’adoption de cet amendement entraînerait une perte de recettes sensible de TVA pour l’État ; s’il est présenté comme une réponse à la crise, l’amendement vise toutefois bien à prévoir une baisse pérenne de TVA.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Savin, l’amendement n° 236 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Michel Savin. Non, je le retire.
Mme la présidente. L’amendement n° 236 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 237 rectifié bis, présenté par MM. Savin, Hugonet, Grosperrin et Vogel, Mme Demas, MM. D. Laurent, Mandelli, Regnard, Longeot, Burgoa et Pellevat, Mmes Lassarade et Malet, M. Brisson, Mme Canayer, MM. B. Fournier, Menonville, Grand, Laménie et Darnaud, Mmes Joseph et M. Mercier, MM. Bouchet, Allizard, Perrin et Rietmann, Mmes Ventalon et Deromedi, M. A. Marc, Mmes Duranton, Berthet, Gruny et Puissat, M. Pointereau, Mmes Vermeillet, Raimond-Pavero et Imbert, M. Gremillet, Mme Billon, MM. Tabarot et Saury, Mme Garriaud-Maylam, M. Médevielle, Mmes Jacques, Micouleau, Di Folco et N. Delattre, MM. Wattebled, Duffourg, Genet, Belin, Houpert et Bonne, Mme Chain-Larché, M. Cuypers et Mme Schalck, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 279 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« … Les frais d’inscription pour participer à une manifestation sportive en extérieur. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. Cet amendement connaîtra certainement le même sort que le précédent…
Les organisateurs d’événements sportifs – marathons, triathlons, etc. – sont les grands oubliés de la crise. Le présent amendement vise à leur donner la possibilité d’appliquer aux frais d’inscription à ces manifestations sportives un taux de TVA réduit à 10 %.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Même avis que précédemment amendement, pour les mêmes raisons.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Savin, l’amendement n° 237 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Michel Savin. Non, je le retire.
Mme la présidente. L’amendement n° 237 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 238 rectifié bis, présenté par MM. Savin, Hugonet, Grosperrin et Vogel, Mme Demas, MM. D. Laurent, Mandelli, Regnard, Longeot, Burgoa et Pellevat, Mmes Lassarade et Malet, M. Brisson, Mme Canayer, MM. B. Fournier, Menonville, Grand, Laménie et Darnaud, Mmes Joseph et M. Mercier, MM. Bouchet, Allizard, Perrin et Rietmann, Mmes Ventalon et Deromedi, M. A. Marc, Mmes Duranton, Berthet, Gruny et Puissat, M. Pointereau, Mmes Vermeillet, Raimond-Pavero et Imbert, M. Gremillet, Mme Billon, MM. Tabarot et Saury, Mme Garriaud-Maylam, M. Médevielle, Mmes Jacques, Micouleau, Di Folco et N. Delattre, MM. Wattebled, Duffourg, Genet, Belin et Piednoir, Mme Schalck et M. Folliot, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 222-2-10-1 du code du sport est ainsi rédigé :
« Art. L. 222-2-10-1. – Une association ou une société sportive mentionnée aux articles L. 122-1 ou L. 122-2 peut prévoir, dans le contrat de travail, d’un sportif ou d’un entraîneur professionnel, mentionné à l’article L. 222-2-3, d’exploiter commercialement son image, son nom ou sa voix.
« On entend par exploitation individuelle de l’image, du nom ou de la voix du sportif ou de l’entraîneur professionnel, l’utilisation ou la reproduction, associée à celle de l’association ou de la société sportive sur un même support, d’une manière identique ou similaire de l’image, du nom ou de la voix d’au moins un sportif ou entraîneur professionnel.
« Dans le cadre de l’exploitation commerciale de son image, de son nom ou de sa voix, la redevance versée ne constitue ni un salaire ni une rémunération versée en contrepartie ou à l’occasion du travail, au sens de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, dès lors que la présence physique des sportifs ou des entraîneurs professionnels n’est pas requise.
« La redevance d’image peut être versée directement au sportif ou à l’entraîneur professionnel ou à toute entité juridique chargée de la commercialisation du nom de l’image ou de la voix du sportif ou de l’entraîneur professionnel.
« La redevance perçue au titre de l’exploitation de l’image du sportif ou de l’entraîneur constitue un accessoire indissociable de l’activité principale salariée du sportif ou de l’entraîneur professionnel.
« Au regard de l’absence d’individualisation des recettes dans les disciplines sportives disputées par équipe, une quote-part forfaitaire de 40 % des recettes visées ci-dessous constitue le montant maximum à répartir entre les sportifs et entraîneurs professionnels de l’entité sportive visée au premier alinéa ci-dessus, au titre de l’exploitation de leur image individuelle.
« Les catégories de recettes générées par l’association ou la société sportive susceptibles de donner lieu au versement d’une redevance sont les suivantes :
« a) Les recettes tirées des contrats de parrainage au travers desquels l’association ou la société sportive peut exploiter individuellement l’image, le nom ou la voix d’au moins un sportif ou entraîneur professionnel, notamment sur des supports publicitaires ou de communication et sur tout type d’équipements ou tenues des sportifs et entraîneurs professionnels de l’association ou de la société sportive ;
« b) Les recettes tirées de la valorisation comptable des matériels fournis dans le cadre desdits contrats de parrainage à condition que les matériels fournis deviennent propriétés de l’association ou de la société sportive.
« c) Les recettes tirées des contrats de commercialisation des produits dérivés au travers desquels l’association ou la société sportive peuvent exploiter individuellement l’image, le nom ou la voix du sportif ou de l’entraîneur professionnel.
« L’association ou la société sportive transmet sans délai tous les éléments relatifs à l’exploitation commerciale de l’image, du nom ou de la voix du sportif ou de l’entraîneur professionnel à l’organisme mentionné à l’article L. 132-2 du présent code.
« Une convention ou un accord collectif national, conclu par discipline, fixe le plafond de la redevance susceptible d’être versée au sportif ou à l’entraîneur professionnel ainsi que la rémunération minimale au titre du contrat de travail à partir de laquelle une redevance peut être versée au titre de l’exploitation commerciale de l’image de la voix ou du nom du sportif ou l’entraîneur professionnel. »
II. – Les contrats de redevance en cours, conclus en application de l’article L. 222-2-10-1 du code du sport dans sa version en vigueur au 3 mars 2017, peuvent continuer s’appliquer jusqu’à leur terme.
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
IV. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. Cet amendement vise à traduire dans la loi un engagement que vous aviez pris ici il y a quelques mois, monsieur ministre, et qui est aussi un engagement du Président de la République.
Un dispositif de redevance d’image pour les sportifs a été préparé, à votre demande, par un groupe de travail qui a été mis en place après la rencontre du Président de la République avec les acteurs du sport, le 17 novembre dernier. Les travaux ont été riches ; plusieurs parlementaires – une députée et moi-même – y ont participé.
Les conclusions de ce groupe de travail ont été rendues début mars. Depuis, aucune nouvelle ! Les acteurs du sport ont l’impression de ne pas être pris au sérieux.
L’amendement que je propose vise simplement à réécrire la loi adoptée en 2017 et défendue par Thierry Braillard – un ministre de la majorité à laquelle vous apparteniez alors. Il a été élaboré avec l’ensemble des membres du groupe de travail. Son adoption permettrait de rendre opérationnel l’article L. 222-2-10-1 du code du sport, que tout le monde s’accorde à considérer comme inefficace.
Le dispositif que je propose ne crée pas un droit nouveau, monsieur le rapporteur général ; il tend simplement à rendre la loi de 2017 beaucoup plus effective – voilà d’ailleurs quatre ans qu’elle est budgétée.
Les acteurs du sport attendent cette mesure, promise par le Président de la République. Il est temps d’agir !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur Savin, vous défendez cet amendement avec conviction, comme souvent.
À ce stade, les acteurs du sport professionnel restent dans l’attente de savoir ce qui résultera du groupe de travail. Je vous rejoins sur ce point : le travail mené doit aboutir à une proposition et à la mise en œuvre d’une solution.
Cela étant, certaines difficultés rencontrées par le monde du sport n’ont qu’un lien indirect avec la crise sanitaire – je pense notamment à la renégociation des droits télévisuels pour le championnat de France de football. Surtout, plus fondamentalement, est-ce au contribuable de financer un tel dispositif ? Alors que nous sommes nombreux ici à appeler à une gestion rigoureuse et attentive de nos finances publiques, je crains qu’un tel dispositif ne nous engage dans la voie opposée.
Pour ces raisons, la commission sollicite le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Je partage les réserves de M. le rapporteur général. Je tiens à ajouter quelques éléments qui concernent plus directement le Gouvernement.
La ministre des sports et moi-même avons bien reçu les propositions du groupe de travail.
Votre amendement présente deux écueils. Premièrement, il vise à revenir au dispositif de 2010, que la loi de 2017 avait abrogé.
M. Michel Savin. C’est inexact !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Vous n’êtes pas d’accord, mais telle est l’interprétation que nos services en font.
Deuxièmement, cet amendement ne nous semble pas faire consensus entre les acteurs qui le soutiennent et l’administration, qu’il s’agisse du ministère des finances ou du ministère des sports.
La base de travail que représente le rapport que vous avez évoqué est utile. Le Président de la République respectera l’engagement qu’il a pris le 17 novembre dernier. En revanche, nous ne pouvons adhérer à la proposition que vous faites aujourd’hui.
Enfin, j’apporte tout mon soutien à la remarque du rapporteur général sur les droits télévisuels en ce qui concerne le football.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Savin, l’amendement n° 238 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Michel Savin. Cette fois-ci, je ne retirerai pas mon amendement.
Ne mélangeons pas les choses : les droits télévisuels concernent uniquement le football ; or mon amendement vise l’ensemble du sport professionnel – tout le sport masculin et féminin attend cette mesure.
Vous avez pris avec le Président de la République un engagement, monsieur le ministre. Vous devez le tenir ! Les conclusions du groupe de travail ont été rendues au mois de mars ; or nous sommes à la fin du mois de juin. Je ne peux donc pas entendre que le ministère des finances et le ministère des sports n’auraient pas eu le temps de se pencher sur ces conclusions !
En outre, vous dites que cet amendement tend à reprendre le dispositif de 2010. Ce n’est pas le cas : il vise à reprendre la loi Braillard de 2017. Et le seuil de déclenchement est bien plus faible que celui prévu en 2010 ! C’était l’engagement que nous avions pris pour éviter que l’impact budgétaire ne soit trop important ; nous étions conscients que le déclenchement de la mesure devait être raisonnable, d’où ce seuil. Tous les acteurs, de façon collective, ont présenté les choses dans ce sens.
Encore une fois, je ne peux pas accepter votre position, monsieur le ministre. Respectons le travail qui a été fait depuis six mois !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, monsieur Savin. Jamais je n’ai affirmé que nos administrations n’avaient pas eu le temps de se pencher sur les propositions du groupe de travail, même si elles ont été extrêmement sollicitées en cette période de crise. Elles les ont examinées, mais elles ne les ont pas approuvées – c’est assez différent.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 238 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 79 rectifié bis, présenté par Mme Vermeillet et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa du I de l’article 1er de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 est complété par les mots : « , sauf lorsque le solde du compte de résultat de l’entreprise est supérieur à la moyenne du solde des trois exercices comptables clos précédents. »
La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.
Mme Sylvie Vermeillet. L’article 1er de la deuxième loi de finances rectificative pour 2020 a exonéré de prélèvements obligatoires les sommes versées par le Fonds de solidarité pour les entreprises. L’objectif du Gouvernement était d’assurer la neutralité fiscale et sociale des aides versées par le fonds de solidarité.
Cette mesure, utile et attendue, compte tenu de l’urgence de la situation, a pu conduire dans certains cas à ce que les entreprises bénéficiaires enregistrent des résultats supérieurs à ceux qu’elles avaient pu enregistrer avant l’apparition de l’épidémie de covid-19. Si elles sont justifiées et légitimes dès lors qu’elles permettent de maintenir à flot les entreprises et d’assurer leur pérennité, les subventions versées au titre du fonds de solidarité ne doivent pas conduire à une sur-indemnisation aux frais des contribuables et des générations futures.
Pour garantir pleinement l’équilibre et la justice du Fonds de solidarité pour les entreprises, le présent amendement vise à rectifier le tir, en soumettant à prélèvements obligatoires les aides ainsi versées, lorsque le solde du compte de résultat de l’entreprise est supérieur à la moyenne du solde des trois exercices comptables clos précédents.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable, pour deux raisons.
Tout d’abord, tel qu’il est rédigé, l’amendement ne fonctionne pas, dans la mesure où la déclaration d’impôt sur le revenu des travailleurs indépendants pour les revenus de l’année 2020 est achevée. Revenir sur l’exonération prévue dès le printemps dernier poserait donc un problème technique, mais aussi juridique au regard du principe de confiance légitime.
Ensuite, sur le fond, je considère que la simplicité doit prévaloir. Or le mode de calcul que vous proposez n’est pas d’une simplicité biblique.
Vous considérez que les aides ont pu se révéler trop généreuses pour certaines situations ; je ne dis pas le contraire, mais j’y vois davantage la conséquence du choix initial par le Gouvernement d’un mécanisme forfaitaire plutôt que d’une prise en charge réelle des coûts fixes supportés par les entreprises, ce nous avions pourtant proposé au Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Je partage l’objectif d’éviter les phénomènes d’optimisation et de surcompensation, pour des entreprises que nous aidons beaucoup par ailleurs. Je partage également les réserves émises par le rapporteur général sur le caractère peu opérationnel de cette mesure. Celle-ci serait difficile à appliquer, du fait des déclarations de revenus et des premiers calculs réalisés, à d’autres mensualités que celles que les mensualités qui viennent. Or ces dernières correspondent aux mensualités d’extinction progressive du fonds de solidarité.
Pour ces raisons, le Gouvernement sollicite le retrait de l’amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. J’entends les remarques du rapporteur général et du ministre à propos de l’aspect peu opérationnel de l’amendement et les conséquences qu’il y aurait à revenir sur des éléments de 2020.
Cela étant, je pense que le fonds de solidarité n’a pas été bien calibré. Surtout, sur le plan fiscal, il a entraîné des effets d’aubaine extraordinaires. J’en ai constaté chez des chauffeurs de taxi et dans de petites entreprises, qui ont dégagé un résultat comptable positif, mais un résultat fiscal négatif. La raison est que le fonds de solidarité n’est pas imposable et qu’il se substitue au chiffre d’affaires, qui, lui, est imposable. Bon nombre d’entreprises bénéficient donc sur l’année 2020 d’une situation très favorable, parce que leur chiffre d’affaires est compensé et qu’elles paient moins d’impôts.
La collectivité ne s’y retrouve pas du tout ! Je ne comprends pas pourquoi un fonds de solidarité, qui est censé couvrir une perte de chiffre d’affaires, ne serait pas imposable. Il devrait l’être au même titre que le chiffre d’affaires.
Une entreprise qui ne dégage pas de bénéfices n’est pas imposable. En revanche, si elle en réalise, grâce au fonds de solidarité, je ne vois pas pourquoi elle échapperait à l’impôt.
Encore une fois, il y a des effets d’aubaine incroyables, ce qui n’est pas normal – nous payons tous des impôts ! À un moment donné, les comptes publics doivent être bien tenus. En l’occurrence, ils ne le sont pas. Pour ma part, je voterai cet amendement, si Mme Vermeillet ne le retire pas.
Mme la présidente. Madame Vermeillet, l’amendement n° 79 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Sylvie Vermeillet. J’entends les remarques formulées par M. le rapporteur général et M. le ministre, mais je pense qu’il s’agit d’un sujet sur lequel les assemblées doivent se pencher. Je ne me fais pas d’illusions sur le sort qui sera réservé à cet amendement au cours de la navette, mais, en attendant, je le maintiens, pour marquer le coup.
Tant que le fonds de solidarité n’offrait que 1 500 euros d’indemnités, on n’entendait que quelques remarques ici ou là. Mais, lors de la deuxième vague, il est venu compenser jusqu’à 10 000 euros les pertes de chiffre d’affaires, ou 20 % du chiffre d’affaires à concurrence de 200 000 euros. Cela a tout de même engendré dans certains cas des situations suffisamment confortables pour que l’on se pose la question de la justice fiscale. Certes, nous avons été contraints d’agir dans l’urgence au titre d’un phénomène de globalisation – nous ne pouvions pas faire du sur-mesure –, mais, aujourd’hui, il faut rectifier le tir.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Nous soutenons évidemment cet amendement et remercions Mme Vermeillet de l’avoir maintenu.
Nous n’avons cessé de dire que les aides étaient très largement octroyées et que, dès lors, un contrôle était nécessaire. La Cour des comptes a d’ailleurs pointé un certain nombre de problèmes sur ces aides très nombreuses, dont le montant était parfois supérieur aux difficultés rencontrées par les entreprises.
De tels faits ont été observés ; on ne peut pas balayer le problème d’un revers de main. Une réponse doit être apportée ! D’autres solutions pourront sans doute être trouvées au cours de la navette.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
8
Clôture de la session ordinaire de 2020-2021
Mme la présidente. Je rappelle au Sénat les termes du premier alinéa de l’article 28 de la Constitution : « Le Parlement se réunit de plein droit en une session ordinaire qui commence le premier jour ouvrable d’octobre et prend fin le dernier jour ouvrable de juin. »
Il est minuit. En conséquence, je constate que la session ordinaire de 2020-2021 est close.
La séance est levée.
(La séance est levée à minuit.)
nomination de membres d’une mission d’information
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, la liste des candidatures préalablement publiée est ratifiée.
Mission d’information sur le thème « Les influences étatiques extra-européennes dans le monde universitaire et académique français et leurs incidences »
M. Étienne Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Max Brisson, Olivier Cadic, Édouard Courtial, Thomas Dossus, Bernard Fialaire, Bernard Fournier, André Gattolin, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Béatrice Gosselin, Nathalie Goulet, MM. Jean Hingray, Jean-Michel Houllegatte, Ronan Le Gleut, Jean-Yves Leconte, Jean-Pierre Moga, Pierre Ouzoulias, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Stéphane Piednoir, Christian Redon-Sarrazy et Cédric Vial.
nomination de membres d’une commission mixte paritaire et de deux éventuelles commissions mixtes paritaires
La liste des candidats désignés par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :
Titulaires : MM. François-Noël Buffet, Marc-Philippe Daubresse, Mme Agnès Canayer, Nathalie Goulet, MM. Jean-Yves Leconte, Jean-Pierre Sueur et Alain Richard ;
Suppléants : Mmes Catherine Di Folco, Jacqueline Eustache-Brinio, Marie Mercier, M. Hervé Marseille, Yannick Vaugrenard, Mmes Maryse Carrère et Éliane Assassi.
La liste des candidats désignés par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable pour faire partie de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports, de l’environnement, de l’économie et des finances a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :
Titulaires : MM. Jean-François Longeot, Cyril Pellevat, Didier Mandelli, Jean-François Rapin, Gilbert-Luc Devinaz, Olivier Jacquin et Mme Nadège Havet ;
Suppléants : M. Philippe Tabarot, Mme Marta de Cidrac, MM. Louis-Jean de Nicolaÿ, Hervé Maurey, Mme Isabelle Briquet, MM. Jean-Pierre Corbisez et Gérard Lahellec.
La liste des candidats désignés par la commission des finances pour faire partie de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2021 a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :
Titulaires : MM. Claude Raynal, Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, MM. Stéphane Sautarel, Bernard Delcros, Rémi Féraud et Didier Rambaud ;
Suppléants : MM. Jérôme Bascher, Vincent Segouin, Mmes Nadine Bellurot, Sylvie Vermeillet, MM. Thierry Cozic, Jean-Claude Requier et Éric Bocquet.
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
ÉTIENNE BOULENGER