M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. La problématique qui nous occupe ici est très lourde ; il faudrait, selon moi, élargir quelque peu notre approche du problème.
Vous avez très justement rappelé, monsieur le ministre, que le culte catholique profite historiquement – personne ne le conteste – du très grand nombre d’églises et de cathédrales qui sont entretenues par les pouvoirs publics, qu’elles appartiennent aux communes ou à l’État. Cela donne à l’Église catholique des avantages matériels que les autres religions n’ont pas.
Je me permettrai seulement cette petite remarque : l’Église jouit de ces avantages, ce qui est tout à fait normal, à la suite de la plus grande nationalisation de l’histoire de notre République, celle qui résulte du décret du 2 novembre 1789 ! Voyez-vous, mes chers collègues, de temps en temps, même l’Église catholique profite des nationalisations révolutionnaires ! (Sourires.)
Plus sérieusement, nous savons tous que la pratique religieuse n’augmente pas. Un certain nombre de ces édifices religieux ont encore aujourd’hui des affectataires, mais ils n’en auront plus demain. C’est un patrimoine énorme que les communes vont prochainement être amenées à gérer, parfois avec des budgets très limités, alors que ces édifices n’auront plus d’affectation.
Nous devrions réfléchir collectivement à ces édifices cultuels, à ces lieux qui ont très souvent une valeur historique et qui sont classés, mais qui n’auront plus d’affectataires dans les années à venir. Qu’en ferons-nous ? Les affecterons-nous à d’autres religions, à d’autres occupations ? Sincèrement, je pense qu’un débat de fond doit être mené sur ce point, car cette question va très vite se poser.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. En écoutant les interventions de chacun, je note combien ce sujet est complexe, mais il n’empêche que la question se pose et que l’échéance approche, y compris à Paris, où beaucoup d’édifices sont concernés.
Pour ma part, je ferai la suggestion suivante. Deux amendements ont été déposés, celui de M. Sueur est évidemment bien meilleur. (Sourires.) Je pense que le Sénat devrait adopter l’un ou l’autre, afin que nous puissions travailler utilement d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire et proposer un dispositif stable.
Précisons tout de même qu’il se pose un petit sujet de gage, puisque ces propositions requièrent un financement. Je veux attirer votre attention, mes chers collègues, et celle du Gouvernement sur le fait qu’il est prévu, dans ces deux amendements, une augmentation de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Je le précise sans vouloir gâcher la réflexion de chacun !
Si je suggère d’adopter l’un de ces amendements, c’est parce que nous serons ainsi bien obligés d’aboutir à quelque chose avant la date butoir de la réunion de la commission mixte paritaire. Autrement, nous n’aurons pas souvent à examiner des textes de cet ordre, qui seraient l’occasion de trouver une solution. Or il faut la trouver !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Ce débat ne saurait être réglé en quelques minutes. Les conséquences juridiques, les analyses possibles, la façon même d’aborder cette problématique sont de fait très variées. On ne peut donc pas sérieusement, selon moi, accepter d’adopter ce soir un amendement de cette nature en pensant que, d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire, on arrivera à trouver une solution ; à la vérité, nous n’y parviendrons pas !
En revanche, il me semble plus raisonnable que notre commission procède, dans un délai assez rapide, à une analyse juridique approfondie de cette question, de manière à pouvoir y revenir sérieusement. C’est l’engagement que je prends envers Mme Goulet et M. Maurey, …
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et nous ?
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. … ainsi qu’envers vous, madame de La Gontrie, en m’excusant de vous avoir presque oubliée ! Ainsi, disposerons-nous d’une analyse assez précise et pourrons-nous légiférer dans de bonnes conditions.
C’est pourquoi je confirme l’avis défavorable émis par Mme la rapporteure ; la commission se mettra au travail rapidement.
M. le président. Madame Vermeillet, l’amendement n° 386 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Sylvie Vermeillet. Compte tenu des engagements qui viennent d’être pris, je le retire, monsieur le président.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je tiens à apporter la réponse la plus précise possible à la question de M. Longuet. Il ne me semble pas que la situation que ces amendements visent à traiter entre dans le champ de l’amendement n° 686, que vous avez bien voulu soutenir, monsieur le sénateur, dans la mesure où le dispositif de cet amendement gouvernemental vise ce qui relève d’avantages : les garanties d’emprunt et le bail emphytéotique sont des avantages octroyés à l’association cultuelle, octroi que cet amendement vise à conditionner, si je puis dire, à l’information du préfet, qui peut s’y opposer.
En revanche, si j’ai bien compris ces deux amendements-ci, il s’agit ici non pas d’avantages, mais de la vente d’un bien au prix du marché. J’avais voulu faire figurer dans l’amendement gouvernemental les ventes de terrains des collectivités locales, mais mon cabinet m’a fait comprendre à bon compte que ce n’était pas une bonne idée. En effet, quand une collectivité vend un terrain à une association cultuelle pour la construction d’un bâtiment religieux, il ne s’agit pas de l’octroi d’un avantage, puisque cette vente se fait au prix évalué par le service des domaines.
Il me semble, pour qu’un bon équilibre puisse être trouvé, pour que l’État de droit soit respecté et que le Conseil constitutionnel ne censure pas cette disposition, qu’il faut distinguer ce qui constitue un avantage de ce qui relève de la normalité ; or la vente au prix coûtant serait une normalité et non un avantage.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 425 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Organisation des travaux
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Permettez-moi de faire, à ce stade de notre discussion, un point sur l’organisation de nos travaux. Depuis la reprise, nous avons travaillé à un rythme de neuf euros de l’heure. (Rires et applaudissements.)
M. Philippe Dallier. C’est inférieur au SMIC !
M. François-Noël Buffet. Pardonnez-moi ce lapsus, mes chers collègues d’autant que ce ne serait pas cher payé ! Je voulais évidemment dire que nous avons travaillé à un rythme de neuf amendements de l’heure. À continuer tranquillement de la sorte, nous pourrions siéger jusqu’à l’heure du petit-déjeuner demain matin.
Dès lors, monsieur le ministre, mes chers collègues, je propose que nous siégions plutôt jusqu’à minuit ou minuit et demi ce soir, puis que nous interrompions ensuite nos travaux, à moins qu’ils ne soient presque achevés, jusqu’à lundi prochain, à dix-sept heures ; nous reprendrions alors l’examen de ce texte. Cela nous laisserait le temps de débattre convenablement des dispositions relatives à l’Alsace-Moselle, sans oublier que les explications de vote sur l’ensemble risquent également de prendre un certain temps.
M. le président. M. le président de la commission, en accord avec le Gouvernement, propose que nous siégions ce soit sans aller au-delà de minuit ou minuit et demi ; si nous n’arrivions pas à achever la discussion du présent texte dans ce délai, nous siégerions lundi prochain, 12 avril, à partir de dix-sept heures et le soir.
Il n’y a pas d’observations ?…
Il en est ainsi décidé.
Articles additionnels après l’article 27 (suite)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas.
M. Philippe Bas. Monsieur le président, pardonnez-moi de retarder ainsi la marche du débat, mais j’ai besoin de recevoir un éclaircissement.
Nous avons adopté l’amendement n° 686 du Gouvernement portant article additionnel après l’article 27. Monsieur le ministre, je voudrais savoir quelle sera la conséquence exacte de l’information du préfet prévue dans cet amendement. Que peut faire le préfet, une fois qu’il est informé qu’une commune ou un département a l’intention de conclure un bail emphytéotique ou d’accorder une garantie d’emprunt ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. J’ai posé tout à l’heure la même question : elle est malheureusement restée sans réponse !
M. Philippe Bas. Je ne vois, dans le dispositif que vous nous avez fait adopter, aucune conséquence à l’information du préfet. J’ai recherché s’il y en aurait dans les dispositions qui figurent déjà dans le code général des collectivités territoriales sur les garanties d’emprunt et les baux emphytéotiques, mais je ne vois aucun moyen pour le préfet de s’opposer à l’octroi de ces avantages.
Vous avez certainement réfléchi à cette question, monsieur le ministre. Je voudrais donc savoir si les dispositions que nous avons adoptées ont ou non une portée réelle.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je me suis sans doute mal exprimé lorsque j’ai répondu à Mme de La Gontrie : le préfet pourra retirer à l’association en question sa qualité cultuelle…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas la question !
M. Gérald Darmanin, ministre. Mais c’est la réponse que je vous fais : vous ne pouvez pas faire les questions et les réponses, madame de La Gontrie, soyons raisonnables !
Le préfet ne pourra pas empêcher la décision communale, puisque le principe de libre administration des collectivités locales l’en empêche. En revanche, si la collectivité persiste à vouloir octroyer une garantie d’emprunt à l’association à laquelle le préfet a retiré la qualité cultuelle, celui-ci pourra déférer la délibération en question devant le tribunal administratif.
Aujourd’hui, quand une collectivité locale veut octroyer une garantie d’emprunt ou un bail emphytéotique dans les territoires que vous avez bien voulu évoquer, monsieur Bas, elle n’en informe pas l’autorité préfectorale ; simplement, elle reçoit l’association qui lui déclare avoir besoin d’une garantie d’emprunt pour un prêt bancaire, ou d’un bail emphytéotique. Si la collectivité accède à cette demande, il est extrêmement rare – ce n’est peut-être même jamais arrivé – que cet acte soit déféré devant le juge administratif. D’ailleurs, quand bien même le préfet le ferait parce qu’il aurait des doutes sur cette association cultuelle, avant l’adoption du présent texte, il est à peu près évident qu’on ne pourrait rien y faire.
À bon compte, votre trio des Républicains a considéré que la mesure était intéressante, car elle permettait au moins un dialogue entre la collectivité locale et le préfet.
Lorsque le ministre de l’intérieur, parce qu’il dispose à la fois de notes de Tracfin et de la DGSI, reçoit un maire et lui fait part dans le secret de son bureau d’un problème, documents à l’appui parfois, force est de reconnaître que ce maire est informé !
En outre, indépendamment de ce dialogue nécessaire et nourri, les oppositions pourront s’assurer, dans le cadre du débat démocratique local, que le préfet a bien été consulté et interroger le maire sur ce qu’il lui a été dit.
Grâce à l’amendement que vous avez voté, le préfet, surtout si la rédaction de la commission est adoptée, pourra vérifier, lorsqu’il sera consulté sur une association posant problème et demandant à bénéficier d’une garantie d’emprunt, que cette dernière remplit bien un certain nombre de critères : absence de condamnation des dirigeants, présentation des actes comptables, contrôle des financements étrangers. Je rappelle que le texte contient de nombreuses dispositions nouvelles qui permettront de vérifier la qualité cultuelle des associations.
Si le préfet constate que cette association ne respecte pas les obligations prévues dans la loi, il pourra lui retirer sa qualité cultuelle, ce qui aura, in fine, pour conséquence de la priver d’une garantie d’emprunt.
Concrètement, indépendamment du discours politique qu’il peut tenir au maire, le préfet a le pouvoir de retirer à l’association sa qualité cultuelle.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il faudra invoquer un motif !
M. Gérald Darmanin, ministre. Aujourd’hui, le préfet n’est pas informé. Il ne découvre que lorsque les délibérations de la collectivité sont soumises au contrôle de légalité qu’une association a bénéficié d’une garantie d’emprunt. Or nous savons tous comment se passe le contrôle de légalité. On ne me fera pas croire que les délibérations des 36 000 communes sont toutes attentivement contrôlées !
Le maire aura donc un devoir d’alerte : il devra informer le préfet de son intention d’accorder dans un délai de trois mois une garantie d’emprunt à une association. Le préfet, et instruction lui sera donnée en ce sens, pourra alors vérifier la qualité cultuelle de cette association, examiner ses comptes, cribler ses dirigeants. À cet égard, j’espère que vous allez adopter dans quelques instants l’amendement tendant à prévoir qu’une personne condamnée pour terrorisme ne peut faire partie d’une association cultuelle.
Si le préfet, au titre de ce rescrit, ne retire pas à l’association sa qualité cultuelle, le maire pourra alors considérer qu’elle est totalement conforme à loi de la République. Si le préfet n’est pas informé, cette vérification ne peut être faite que lors du contrôle de légalité.
La collectivité locale n’est donc nullement empêchée de prendre des délibérations, lesquelles relèvent du contrôle de légalité a posteriori. Il est seulement prévu que le préfet puisse, le cas échéant, retirer à une association sa qualité cultuelle, au moment où elle demande une garantie d’emprunt ou un bail emphytéotique, où elle s’inscrit dans le paysage local.
J’espère ainsi avoir répondu à votre interrogation, monsieur le sénateur.
M. le président. Mes chers collègues, avant de donner la parole à M. Jean-Pierre Sueur et d’entamer l’examen de l’article 28, je rappelle que nous discutons d’un amendement qui a été adopté ! Certes, ces explications seront probablement très utiles au travail de la commission mixte paritaire.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, je vous remercie de votre présidence ouverte, qui permet d’aller au fond des débats.
Je ne regrette pas d’avoir posé la question du rapport entre cet amendement et l’actualité. Elle a suscité un débat long, mais important. Je tiens également à remercier Philippe Bas de sa question, qui est essentielle, bien que je ne sois pas certain de comprendre quelle est son intention…
Nous convenons tous ici qu’il n’est pas normal que certaines associations reçoivent des financements étrangers, refusent les principes républicains et agissent comme elles le font.
Concrètement, monsieur le ministre, vous nous proposez, de manière inopinée, d’inscrire dans la loi une obligation d’information du préfet par le maire. (M. le ministre fait un geste de dénégation.) Si le maire ne le fait pas, aucune sanction n’est appliquée ; s’il le fait, il n’y aura aucune conséquence pour la collectivité locale. La seule chose, c’est que le préfet aura la faculté de déclarer qu’une association dite « cultuelle » ne le sera plus.
Tout cela est confus…
M. Jean-Pierre Sueur. Je vous dis mon point de vue ! Telle est la raison pour laquelle nous nous sommes abstenus, monsieur le ministre – cela fait partie de notre liberté.
Il nous semblerait beaucoup plus simple d’appliquer des principes très clairs : seul le dévoiement de la liberté du culte, qui se traduit par un refus d’appliquer la loi et de respecter les principes républicains, justifie que le préfet doive agir.
Le dispositif dont nous discutons, je le redis, est confus. C’est pourquoi nous avons exprimé la position qui est la nôtre.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je ne peux pas vous laisser dire cela, monsieur Sueur.
Premièrement, vous vous êtes abstenu lors du vote de l’amendement et vous n’avez pas manifesté d’opposition particulière lorsque j’ai apporté des explications à Mme de La Gontrie.
Deuxièmement, le maire est obligé, monsieur Sueur, d’informer qu’il a été saisi d’une demande de garantie d’emprunt.
M. Jean-Pierre Sueur. Et s’il ne le fait pas ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Le non-respect de cette obligation est un motif d’illégalité et la délibération ne sera pas adoptée !
Je crains que la confusion ne soit pas de mon côté, monsieur Sueur…
Article 28
Après l’article 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, il est inséré un article 19-2 ainsi rédigé :
« Art. 19-2. – I. – Le financement des associations cultuelles est assuré librement dans les conditions prévues au présent article et à l’article 19-3.
« II. – Les associations cultuelles peuvent recevoir les cotisations prévues à l’article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association et le produit des quêtes et collectes pour les frais du culte. Elles peuvent percevoir des rétributions pour les cérémonies et services religieux même par fondation, pour la location des bancs et sièges, pour la fourniture des objets destinés au service du culte, au service des funérailles dans les édifices religieux ainsi qu’à la décoration de ces édifices.
« Elles peuvent recevoir, dans les conditions prévues au II de l’article 910 et à l’article 910-1 du code civil, les libéralités entre vifs ou par testament destinées à l’accomplissement de leur objet ou grevées de charges pieuses ou cultuelles.
« Elles peuvent posséder et administrer tous immeubles acquis à titre gratuit, sans préjudice des dispositions des 2° et 3° de l’article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.
« Elles peuvent verser, sans donner lieu à perception de droits, le surplus de leurs recettes à d’autres associations constituées pour le même objet.
« III. – Elles ne peuvent, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l’État ni des collectivités territoriales ou de leurs groupements. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu’ils soient ou non classés monuments historiques. »
M. le président. L’amendement n° 549 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Notre position politique est extrêmement claire : nous suggérons de nous en tenir à l’article 2 de loi du 9 décembre 1905 qui prévoit : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. » Ce principe est latitudinaire en tant qu’il s’applique de manière peu uniforme sur le territoire national. Il connaît de nombreuses exceptions en fonction du statut des associations.
Nous défendons-là un amendement de suppression, car il nous semblerait de bonne politique de faire un bilan global des formes de subventionnement des différents cultes avant d’aller plus loin et de leur offrir de nouvelles libéralités.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Étant donné l’architecture nouvelle du texte, supprimer cet article reviendrait tout bonnement à supprimer tout financement des cultes. Peut-être est-ce là ce que vous souhaitez, cher collègue, mais ce serait un peu violent… (Rires sur les travées du groupe CRCE.)
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je constate que le groupe communiste n’a pas exigé le remboursement de tout ce dont auraient bénéficié les cultes depuis un siècle. L’amendement est donc assez modéré en fin de compte ! (Sourires.)
Le Gouvernement émet malgré tout un avis défavorable.
M. le président. Je suis saisi de onze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 431 rectifié est présenté par Mme Conway-Mouret, M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, M. Assouline, Mmes S. Robert, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet et Conconne, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal, Tissot, Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 473 est présenté par Mme Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 5 et 6
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour présenter l’amendement n° 431 rectifié.
Mme Hélène Conway-Mouret. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 5 et 6, qui remettent en cause les principes de la République, dont le présent texte entend conforter le respect, en autorisant les associations cultuelles à conserver et à gérer les immeubles reçus par des dons et des legs, ce qui leur permet de se livrer à des activités commerciales et immobilières alors même que la loi de 1905 restreint strictement leur objet à l’exercice du culte.
Il s’agit là d’une rupture de l’équilibre posé par l’article 19 de ce texte fondateur de la laïcité.
Les nombreux avantages fiscaux dont bénéficient ces associations constituent des dérogations limitées au principe de séparation, liées à leur objet cultuel. Ces niches fiscales, qui font porter au contribuable une partie de la charge financière des cultes, ne sauraient être étendues à la gestion lucrative d’immeubles de rapport sans lien avec le culte.
Les ressources des cultes relèvent non pas de l’intérêt général, mais des intérêts particuliers des croyants, à qui il revient de les financer.
Compte tenu des protestations suscitées par cet article à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a déposé à la dernière minute un amendement visant à plafonner par décret le montant du patrimoine dont la détention serait autorisée. Nous y voyons la reconnaissance par le Gouvernement du caractère anti-laïque de la mesure, dont il a tenté d’atténuer les effets, tout en le maintenant, malheureusement.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 473.
Mme Esther Benbassa. Le présent amendement a pour objet de préserver la loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État, en particulier son article 19 relatif au financement des associations cultuelles.
Celles-ci doivent continuer à cantonner leurs actions à l’exercice de leur culte. En aucun cas ces structures ne sauraient devenir des associations relevant du domaine immobilier. Leur donner la possibilité de posséder et d’administrer des immeubles à titre gratuit, comme le prévoient les alinéas 5 et 6 de l’article 28, constitue une atteinte significative au principe même de l’association cultuelle et à l’esprit de la loi de 1905, à laquelle nous sommes tous ici attachés.
En outre, nous ne voyons pas en quoi cette mesure serait efficace pour lutter contre les intégrismes religieux. Nous sommes convaincus qu’elle n’est pas justifiée au regard de l’objet même des associations cultuelles, dont la seule vocation est le culte, et non le domaine immobilier.
Par cet amendement, nous souhaitons empêcher les associations cultuelles de posséder et d’administrer des immeubles acquis à titre gratuit. Nous demandons par conséquent la suppression des alinéas 5 et 6.
M. le président. L’amendement n° 139 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mmes M. Carrère et Pantel et MM. Requier, Roux, Gold, Fialaire et Guiol, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 5 de l’article 28, qui me semble être une ineptie.
En effet, comment peut-on admettre que des associations cultuelles puissent tirer des revenus de la possession d’immeubles acquis à titre gratuit et qui ne seraient pas directement nécessaires à leur objet et à leur fonctionnement de base ? C’est une entorse à la loi originelle de 1905 !
Est-il nécessaire de rappeler que l’essence des associations cultuelles est de célébrer des cérémonies, d’accomplir des rites pour des personnes réunies et pratiquant la même religion ? Pourquoi, dès lors, permettre à ces associations de posséder et d’administrer des immeubles, même acquis à titre gratuit ? Voudrait-on transformer peu à peu les organes bénévoles dédiés au culte en sociétés immobilières ?
M. le président. L’amendement n° 451 rectifié, présenté par M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, M. Assouline, Mmes S. Robert, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet et Conconne, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal et Tissot, Mme Conway-Mouret, MM. Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
et administrer
par les mots :
mettre à disposition ou louer
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. L’article 28 du projet de loi insère un nouvel article 19-2 au sein de la loi du 9 décembre 1905, relatif au financement des associations cultuelles. Il maintient les possibilités de financement qui sont actuellement en vigueur et ajoute la possibilité pour les associations cultuelles de posséder et d’administrer des immeubles de rapport acquis à titre gratuit.
Bien que cette disposition puisse être analysée comme un assouplissement notoire du financement des associations cultuelles, destiné à compenser la baisse constante des dons des fidèles, elle ne nous paraît pas pertinente dans sa rédaction actuelle.
En effet, il ne revient pas aux associations cultuelles d’administrer des biens immeubles acquis à titre gratuit. Ce n’est pas leur vocation que d’être des spécialistes du droit immobilier, de gérer des logements ou encore des locaux pour le compte d’autrui.
En revanche, il est tout à fait légitime de considérer que des associations cultuelles ayant à leur disposition de tels biens, notamment par la voie de dons ou de legs, puissent en tirer des revenus qui seront par la suite dédiés à leur activité cultuelle. En plus de favoriser leurs ressources propres, cela remédierait à une différence de traitement existant de longue date entre les associations cultuelles et les associations d’intérêt public, tout en préservant leurs attributions respectives.
En ce sens, cet amendement tend à ce que les associations cultuelles puissent désormais être libres de mettre à disposition des biens immeubles acquis à titre gratuit, ou d’en tirer un bénéfice foncier à destination de l’exercice de leur activité, sans toutefois leur laisser la possibilité de devenir des administrateurs de biens.