Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il n’y aura pas de sanction ?
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.
M. Jacques Fernique. Monsieur le ministre, je suis sénateur du Bas-Rhin et j’habite près de Strasbourg. Mon souci, c’est que les choses s’apaisent et que nous évitions les instrumentalisations. Je souhaite surtout que l’on permette aux musulmans d’origine turcophone de Strasbourg et de son agglomération de disposer d’un lieu de culte satisfaisant.
Il est quand même curieux, vous en conviendrez, qu’il n’y ait aucune trace des avertissements préalables dont vous parlez. Je peux certes comprendre qu’il n’y en ait aucune manifestation publique, parce que certaines choses ne peuvent que se dire et ne peuvent pas s’écrire, encore moins dans des documents officiels consultables par la suite, mais il n’y en a vraiment aucune trace.
En outre, encore plus curieux, aucune force politique n’a demandé de débat public sur cette question avant la réunion du conseil municipal, alors que les élus se réunissent toujours avant les réunions plénières pour balayer l’ordre du jour et préparer les débats. Je le redis : aucune des forces politiques du conseil municipal n’a souhaité que ce point de l’ordre du jour fasse l’objet d’un débat public, ce qui montre bien qu’il ne posait pas, à ce moment-là, de problème.
Il n’y a pas eu de problème non plus au moment de l’acquisition foncière, du permis de construire ou de la mise en place des facilités qui ont rendu ce projet possible.
Je note aussi qu’en 2017, lors de la pose de la première pierre, Roland Ries, qui était alors le maire, Jean-Philippe Maurer, député, Jean-Luc Marx, préfet de l’époque, et bien d’autres étaient présents.
De même, avant le second tour des élections municipales, des représentants de toutes les listes en présence ont rencontré publiquement les promoteurs de ce projet de mosquée.
Il s’est donc passé quelque chose de surprenant qui a tendu d’un seul coup cette affaire de subvention et en a fait une question nationale…
Jusqu’en septembre dernier, j’étais professeur dans un lycée qui est contigu au site de la mosquée. Le culte musulman s’exerce à cet endroit depuis des années sous une grande tente.
Certes, vous avez raison, monsieur le ministre, il y a aussi, non loin, un local politique, toléré par les lois de la République. Nous avons d’ailleurs eu un souci, puisque le président Erdogan a organisé à Strasbourg un meeting lors de l’élection présidentielle turque ; je faisais d’ailleurs partie, avec mes camarades d’EELV et d’autres forces politiques, des manifestants qui se sont opposés à cette réunion saugrenue sur le territoire de la République.
En tout cas, les deux tiers du gros œuvre de cette mosquée sont réalisés. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
J’ajoute que l’adjoint de Roland Ries chargé de ce dossier a fait, en son temps, des démarches publiques et transparentes pour accompagner les promoteurs du projet de mosquée dans leur recherche de financement, par exemple au Qatar.
M. le président. Veuillez conclure !
M. Jacques Fernique. Cela a été dit, le versement effectif de la subvention n’est pas acquis, il dépend de certaines précisions à venir (Nouvelles marques d’impatience sur les mêmes travées) et de la confirmation…
M. le président. Il faut conclure !
M. Jacques Fernique. … de l’adhésion aux valeurs de la République. Cette affaire doit se conclure dans le calme et la sérénité.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Calmement et sereinement, je veux remercier le ministre d’avoir ouvert ce débat, parce qu’il est très intéressant.
En fait, dans le droit actuel, les baux emphytéotiques et les garanties d’emprunt sont possibles, mais uniquement dans certains lieux, à savoir les agglomérations en voie de développement – on ne parle pas ici des pays en voie de développement… Pourquoi viser ces agglomérations ? Tout simplement, parce qu’elles voient leur population croître et que les lieux de culte existants risquent de ne pas suffire, malgré la baisse de la pratique religieuse.
C’est le sens général de la législation actuelle. Le Gouvernement nous propose d’assouplir ce régime, en l’étendant à tout le territoire. Par exemple, on pourra désormais, dans la commune de Saint-Pois dans la Manche, qui compte 500 habitants, financer par un bail emphytéotique ou une garantie d’emprunt l’extension d’un lieu de culte.
Monsieur le ministre, vous nous proposez donc d’étendre à tout le territoire national une pratique qui est aujourd’hui réservée aux agglomérations dites en voie de développement. Dont acte !
Ensuite, après avoir ainsi desserré le verrou territorial, vous le resserrez un peu – telle était, me semble-t-il, votre intention principale en déposant cet amendement –, en prévoyant que le préfet sera informé quand un département ou une commune prendra une telle décision.
Cela permettra tout simplement au préfet d’intervenir pour faire remarquer à ladite collectivité que l’association en question ne présente plus le caractère cultuel qui lui ouvre droit à un certain nombre d’avantages et pour s’opposer, dans ces conditions, au bénéfice réclamé d’un bail emphytéotique ou d’une garantie d’emprunt.
En revanche, ce qui ne figure pas dans cet amendement, ce sont les modalités de l’intervention du préfet. Cependant, je suis sûr que l’information ainsi donnée au représentant de l’État pourra lui être utile. C’est la raison pour laquelle je voterai en faveur de cet amendement.
Quoi qu’il en soit, grâce à ce débat, grâce à ce que M. le ministre nous a expliqué, mes chers collègues, mais aussi grâce à toutes les questions que vous avez soulevées et à toutes les expériences que vous avez rapportées, je m’estime plus instruit. (Sourires.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 27.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 386 rectifié bis, présenté par MM. Maurey et Cigolotti, Mmes Vermeillet, Pluchet et Billon, MM. Longeot, Louault, Delcros et Canevet, Mme Guidez, MM. de Belenet, Henno, Bonnecarrère et Capo-Canellas, Mme Morin-Desailly, MM. Folliot, Bonneau et Lefèvre, Mme Demas, MM. Mandelli, Vogel, Mizzon, D. Laurent et Bouchet, Mme Jacquemet, MM. Pellevat, Sautarel et Laménie, Mme Férat, M. A. Marc, Mmes Gruny, Herzog et de Cidrac, MM. Hingray et Duffourg, Mme Dumont, M. Le Nay, Mme Bonfanti-Dossat et M. Wattebled, est ainsi libellé :
Après l’article 27
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 3112-1 du code général de la propriété des personnes publiques est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces biens peuvent également être cédés, sans déclassement préalable, à une association cultuelle, lorsqu’ils ont fait l’objet d’un bail emphytéotique arrivé à échéance, conclu en application des articles L. 1311-2 à L. 1311-4-1 du code général des collectivités territoriales, et qu’ils sont directement affectés à l’usage du culte. »
II. – L’article L. 1311-3 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° À l’issue du bail, le bien peut réintégrer le patrimoine de la collectivité territoriale bailleresse ou être acquis par le preneur dans les conditions prévues à l’article L. 3112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. L’avis prévu à l’article L. 2241-1 du présent code doit alors prendre explicitement en compte les coûts d’entretien ou de réparation prévisibles du bien, ainsi que l’impossibilité de son exploitation commerciale. »
III. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
IV. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.
Mme Sylvie Vermeillet. La législation en vigueur autorise les collectivités territoriales à conclure des baux emphytéotiques avec les associations cultuelles pour la construction d’édifices cultuels.
Le recours à cet outil est assez répandu parmi les communes, notamment dans les territoires caractérisés par un coût élevé du foncier. Ainsi, sachant que 1 800 églises paroissiales d’Île-de-France ont été édifiées après 1905, on a eu recours pour 450 d’entre elles à un tel bail emphytéotique. Au-delà du culte catholique, ce dispositif a permis l’édification de nombreux lieux de culte de toutes confessions.
À l’échéance du bail emphytéotique, l’édifice revient dans le patrimoine de la commune, ce qui peut constituer une contrainte pour celle-ci en raison des charges d’entretien et, parfois, de réparation du bâtiment qui résultent de ce retour.
Dans le rapport d’information d’Hervé Maurey intitulé Les collectivités territoriales et le financement des lieux de culte, que notre délégation aux collectivités territoriales a adopté à l’unanimité en 2015, il est estimé que cet outil pourrait de la sorte représenter une bombe à retardement pour les collectivités concernées. C’est pourquoi M. Maurey préconise, dans ce rapport, de faciliter la cession de l’édifice aux associations cultuelles à l’issue du bail, si la collectivité locale le souhaite. Celle-ci pourra naturellement en rester propriétaire, si telle est sa volonté.
Afin de faciliter cette cession à l’association cultuelle, nous proposons dans cet amendement que la commune puisse y procéder sans procédure de déclassement de l’édifice.
Nous proposons également que le service des domaines prenne en considération, dans le cadre de l’estimation qu’il fait de la valeur du bâtiment à céder, les coûts prévisibles d’entretien ou de réparation, ainsi que l’impossibilité de son exploitation commerciale. Cette disposition vise à sécuriser juridiquement la décision d’un conseil municipal qui modérerait le prix de vente compte tenu de ces éléments.
M. le président. L’amendement n° 425 rectifié ter, présenté par M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, M. Assouline, Mmes S. Robert, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal, Tissot, Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 27
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 3112-1 du code général de la propriété des personnes publiques est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces biens peuvent également être cédés, sans déclassement préalable, à une association cultuelle lorsqu’ils ont fait l’objet d’un bail emphytéotique arrivé à échéance, conclu en application des articles L. 1311-2 à L. 1311-4 du code général des collectivités territoriales, et qu’ils sont directement affectés à l’usage du culte. »
II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
Mme Hélène Conway-Mouret. Le financement des associations cultuelles est problématique, en raison de la baisse des dons des fidèles et de l’encadrement prévu des avantages, ressources et libéralités provenant de l’étranger, qui aura pour effet probable d’entraîner une baisse de recettes pour certaines associations.
Afin d’apporter une solution à ce problème, le présent projet de loi ouvre aux associations cultuelles la faculté de disposer d’immeubles de rapport. Dans le présent amendement, nous proposons un autre dispositif permettant de répondre à cette même problématique.
En vertu de la loi de 1905, les collectivités publiques ne peuvent pas financer la construction ou l’aménagement d’édifices cultuels. Cependant, l’article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales a prévu une exception à ce principe, en permettant à une collectivité territoriale de donner en location un terrain ou un bâtiment public à une association cultuelle, par un bail emphytéotique administratif (BEA), afin de permettre la construction ou l’aménagement d’un édifice cultuel. Un tel bail est conclu pour une longue durée et donne au locataire les prérogatives du propriétaire durant la durée du bail. Dans un tel cadre, le prix payé est souvent modique : à l’expiration du bail, l’édifice construit revient à la collectivité publique.
Il est donc parfaitement assumé que de tels contrats constituent une forme de subventionnement de la construction d’un édifice cultuel, en dérogation à la loi de 1905. Il s’agit cependant d’un outil bien identifié par le Conseil d’État, qui veille scrupuleusement à son application et appelle le plus souvent les parties à régulariser leur situation lorsqu’il constate des irrégularités dans les termes du contrat de bail. En outre, ce dispositif est efficace, surtout dans certaines parties du territoire où le coût du foncier est élevé : il a permis la construction de nombreux lieux de culte de toutes confessions.
Toutefois, le régime légal en vigueur n’est pas sans inconvénient, dès lors que les collectivités ayant eu recours à un BEA redeviennent propriétaires du bâtiment à l’échéance du bail et qu’elles doivent alors de nouveau en supporter la charge, ce qu’elles ne souhaitent pas si leurs moyens sont limités. De son côté, l’association cultuelle perd alors l’usage de l’édifice cultuel.
Dans le but de faire évoluer le cadre légal en vigueur, nous proposons donc d’inclure dans le contrat de BEA une option d’achat de l’édifice par l’association cultuelle à l’échéance du bail emphytéotique.
Chacun y trouverait son compte en matière de financement public, en particulier les associations cultuelles qui ne sont pas placées sur un pied d’égalité avec les religions dont la présence sur notre territoire est plus ancienne. Ainsi, le culte musulman peine encore aujourd’hui à disposer de lieux de culte, ce qui suscite des incompréhensions légitimes et ne favorise pas le développement d’un islam de France.
Le dispositif que nous proposons ici s’appuie sur un vecteur juridique déjà en vigueur. Ce serait un premier pas vers une grande réforme du régime légal actuel, qui permettrait d’inverser le contrat de BEA.
Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, nous vous invitons à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Ces deux amendements portent sur une question délicate : le sort des édifices de culte construits à l’aide d’un bail emphytéotique à l’échéance de ce bail.
Certaines communes souhaiteraient alors céder l’édifice à l’association cultuelle dans des conditions facilitées, sans avoir à suivre la procédure de déclassement qui s’impose pour des biens relevant du domaine public communal ou départemental. Elles souhaiteraient également que le prix de vente de l’édifice puisse être fixé à la baisse, suivant des critères qui seraient pris en compte par le service des domaines, tels que la nécessité de procéder à des réparations, ou encore l’absence de vocation commerciale du bâtiment. Clairement, il est plus difficile de vendre une mosquée qu’une maison !
La commission comprend bien qu’il s’agit de répondre au problème historique qui va se poser lors de l’arrivée à échéance des baux conclus dans les années 1930 pour la construction d’un certain nombre d’églises ; si je ne m’abuse, elles sont au nombre de 450, dont une trentaine dans la seule ville de Paris.
Nous nous interrogeons néanmoins sur la portée réelle du dispositif proposé : quels obstacles concrets ces amendements visent-ils à lever, en réalité ? Il semble déjà possible pour une commune de déclasser et de céder de tels édifices. On sait que des églises ont pu être vendues et même transformées en habitations.
En outre, les auteurs de ces amendements vont moins loin que ce que souhaitaient les représentants de différents cultes. C’est un débat qu’il faudrait avoir avec eux.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons entendre l’avis du Gouvernement sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Merci, madame la rapporteure, de me renvoyer la balle ainsi ! (Sourires.) Sérieusement, j’entends votre interrogation et celle des auteurs de ces amendements. Si j’étais tout à fait en lien avec ma pensée profonde, j’émettrais un avis de sagesse, parce que c’est une question bien délicate.
M. Gérald Darmanin, ministre. J’émettrai donc un avis de sagesse et je renverrai ainsi la balle à la commission ! (Nouveaux sourires.)
Ce sujet, de fait, est très important, parce que ces questions immobilières créent sans aucun doute une différence entre les cultes. En effet, il y a ceux qui étaient présents avant la nationalisation des biens du clergé et ceux qui ne sont arrivés qu’après.
Monsieur Savoldelli, je peux entendre l’idée selon laquelle la puissance publique, qu’il s’agisse de l’État ou des collectivités locales, ne doit pas aider les cultes par des espèces sonnantes et trébuchantes. Dans un esprit général, on pourrait ainsi dire : pas de reçus fiscaux, pas de garanties d’emprunt, pas de baux emphytéotiques !
Cela pourrait s’entendre, dans l’épure de la non-reconnaissance et du non-subventionnement des cultes, s’il n’y avait pas une inégalité de traitement de facto entre, d’une part, les édifices cultuels qui ont été rattachés au domaine public, le plus souvent à celui des collectivités locales, à la suite de la nationalisation des biens de l’Église – rappelons que cette nationalisation n’a pas été faite pour le bien de l’Église, mais pour lui confisquer sa puissance financière ! – et, d’autre part, les édifices des autres cultes, à commencer par le culte musulman.
Ce dernier subit en effet une différence flagrante de traitement sur le territoire métropolitain, où aucun de ses lieux de culte, hormis la grande mosquée de Paris, me semble-t-il, n’a été construit ni rénové avec de l’argent public.
Le maire de Tourcoing que j’ai été s’est trouvé face à cette énorme différence : il pouvait dire aux représentants du culte catholique que, les églises appartenant au patrimoine municipal, la commune pouvait financer la restauration de tel retable ou de telle partie à l’intérieur de l’une de ses églises ; en revanche, ledit maire ne pouvait pas intervenir sur les lieux de culte musulman de sa commune, puisqu’ils étaient postérieurs à 1905.
Cette inégalité subsiste donc, si j’ose dire, dans l’égalité que nous souhaitons assurer entre les cultes par le principe de non-reconnaissance.
Pour y remédier, le législateur de l’époque avait imaginé la possibilité de faire bénéficier du régime des baux emphytéotiques administratifs certains cultes, au premier rang desquels, évidemment, le culte musulman.
Arrivent le moment des échéances et les difficultés qu’évoquent les auteurs de ces amendements.
Une seule chose m’inquiète un peu dans ce que vous proposez, mesdames, messieurs les sénateurs : c’est que la cession envisagée se ferait au prix du marché, si j’ai bien lu vos amendements. J’ai certes compris qu’une soulte était envisagée, autour des charges de rénovation, mais il ne faudrait pas aboutir à ceci que, pour racheter un site qui peut être coûteux, qui l’est même tant qu’un bail emphytéotique a été nécessaire pour le financer en premier lieu, on aille emprunter de l’argent à l’étranger.
En effet, le dispositif que vous proposez pose une sorte d’échéance : si les associations cultuelles n’ont pas aujourd’hui les moyens de racheter leur lieu de culte, elles devront rassembler de l’argent rapidement pour être en mesure de le faire à l’expiration du bail. Il serait assez absurde d’en arriver là, alors que ce texte entier a pour objet de limiter les financements étrangers des cultes, de manière à éviter l’ingérence : comme chacun sait, qui paye décide !
Il ne faudrait pas pour autant violer la loi de 1905 : il n’est pas question d’aider directement les cultes. Beaucoup d’édifices cultuels sont concernés : plus d’une centaine dans la seule région Île-de-France dans les années à venir.
J’ai demandé à mes services de me fournir un récapitulatif, année par année, des échéances de ces baux emphytéotiques, mais je n’en dispose pas encore ; je le communiquerai bien volontiers à votre assemblée et à sa commission des lois.
Toujours est-il que j’aimerais que nous soyons d’accord sur ce point : il ne faudrait pas que la cession au prix du marché de ces lieux de culte aboutisse à un financement étranger généralisé du rachat de sites qui avaient été construits avec de l’argent français, fourni par les collectivités locales et singulièrement par les communes.
En même temps, mesdames, messieurs les sénateurs, si je vous proposais de rectifier votre amendement pour que cette cession se fasse à titre gratuit, vous crieriez au scandale, parce que ce serait un subventionnement direct des cultes.
J’estime donc que nous ne sommes pas encore tout à fait mûrs pour répondre à l’interrogation que vous soulevez, alors même qu’il faut vite y répondre. Ce sujet méritera d’être revu dans le prochain texte qui portera, non pas sur les cultes, puisqu’il doit y en avoir un, en moyenne, tous les quinze ou vingt ans et que je ne suis pas très pressé de recommencer le travail collectif qui s’impose toujours sur des questions aussi complexes, mais sur l’urbanisme. Ce travail pourra notamment être mené par votre commission, si vous me permettez cette invitation, mesdames les rapporteures. Je pense en effet qu’il faut résoudre cette équation sans aboutir à un financement par l’étranger du rachat des lieux cultuels qui avaient été financés par des baux emphytéotiques.
J’émettrai donc sur ces amendements un avis de sagesse si leurs auteurs veulent vraiment les maintenir. Il s’agit certes d’une question que se posent vraiment les collectivités locales, les cultes et l’État, mais il n’est nul besoin de se précipiter : il reste encore quelques années avant que l’on entre dans une période de déversement général de ces baux.
Je comprends votre préoccupation, mais je serais heureux que ces amendements puissent être retirés dans la perspective d’un travail à l’occasion d’un texte consacré à l’urbanisme ; je pense que nous ferions sinon de la mauvaise législation.
M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Merci, monsieur le ministre, de ces explications. Pour être sincère, si nous avons demandé l’avis du Gouvernement sur ces amendements, c’est bien parce que nous avions nous-mêmes un réel débat sur ce sujet.
Nous comprenions cette proposition, qui figurait dans le rapport de notre collègue Hervé Maurey sur les relations entre les collectivités territoriales et les cultes. Cependant, les cultes ne souhaitent pas forcément récupérer le lieu de culte en question. Il ne me semble pas que cette discussion ait eu lieu avec eux ; je suis donc d’accord avec vous, monsieur le ministre : la réflexion n’est pas encore aboutie.
Nous comprenons en revanche que les collectivités territoriales préféreraient ne pas avoir autant de nouveaux lieux de culte à entretenir, puisque les églises dont elles sont aujourd’hui dépositaires sont déjà suffisamment lourdes à porter. Une véritable question se pose.
Pour autant, Mme Eustache-Brinio, M. le président de la commission et moi-même sommes d’accord pour émettre, à la suite des explications de M. le ministre, un avis défavorable sur ces amendements, à moins qu’ils ne soient retirés.
Nous le faisons afin de pouvoir travailler de nouveau sur ce sujet, qui est une réelle préoccupation pour les collectivités territoriales : à l’échéance de ces baux, quelque chose de lourd risque de tomber dans leur escarcelle. Nous comprenons parfaitement également la volonté d’éviter les financements étrangers.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. L’amendement n° 386 rectifié bis est issu d’un rapport sénatorial qui a tout de même six ans !
Mme Nathalie Goulet. Vous n’y êtes pour rien, monsieur le ministre, et moi non plus ! La réalité est simplement que l’on fait ce type de propositions depuis six ans.
Vous avez indiqué avoir demandé à vos services un état des lieux des baux arrivant à expiration. Il serait bon de fixer à ce propos un rendez-vous avec notre délégation aux collectivités territoriales, ou une autre de nos instances, afin que nous disposions nous aussi d’un tel état des lieux, assez clair et proche du terrain, et que nous puissions nous faire une idée de la manière dont on pourrait, dans un texte ou dans un autre, trouver un prolongement à cet amendement. Franchement, six ans, c’est déjà long, et on a bien vu que ce sujet devait être réglé !
Je comprends bien l’avis défavorable émis sur cet amendement, mais le problème est toujours là et la solution est toujours en gestation : six ans de gestation, ce sont plusieurs éléphants ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Monsieur le ministre, dans votre esprit, l’amendement n° 686, que notre assemblée a adopté assez largement, pourrait-il s’appliquer dans la situation qui fait l’objet de l’amendement n° 386 rectifié bis, déposé par notre excellent collègue Hervé Maurey et plusieurs autres membres de son groupe ?
La situation pourrait en effet se révéler paradoxale si une commune cédait ainsi un lieu de culte à une association qui revendiquerait la jouissance de ce bâtiment, mais dont les personnes dont c’est le métier de s’informer sur ce type d’activités, notamment au ministère de l’intérieur, sauraient qu’elle ne présente plus de caractère cultuel et n’a plus droit aux avantages afférents. Ce serait le cas si cette association était devenue une organisation strictement politique, liée à des forces totalement extérieures à l’organisation du culte et à l’entretien de la foi.
M. André Reichardt. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.
M. Arnaud de Belenet. Notre collègue Hervé Maurey est normand…
Mme Nathalie Goulet. Il n’est pas le seul !
M. Arnaud de Belenet. Certes, ma chère collègue, mais je pense, comme Sylvie Vermeillet, qu’il sera sensible au fait que nous ne retirions pas son amendement.
Il me semble en effet que, sur le fond, cet amendement est intéressant, car il tend à ouvrir une voie médiane qui évite les deux écueils qu’a signalés M. le ministre : le subventionnement du culte, mais aussi l’écueil inverse. C’est le quatrième alinéa de l’article additionnel proposé qui ouvre cette voie médiane.
Il ne me semblerait donc pas inintéressant de l’adopter aujourd’hui et de se donner le temps, d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire, de déterminer si ce dispositif peut évoluer et être encore amélioré. Ce serait lui donner une chance de prospérer, ce qui semble être notre objectif commun.