M. le président. L’amendement n° 332, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L’association bénéficie d’une reconduction tacite de la reconnaissance de sa qualité cultuelle pour une nouvelle durée de cinq années.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’article 27 instaure un renouvellement quinquennal tacite de la déclaration initiale de qualité cultuelle d’une association auprès du préfet, que celui-ci pourrait écarter selon son bon vouloir. Il constitue une nouvelle attaque contre la liberté de culte et vient compliquer une procédure préexistante, puisque les associations culturelles sont déjà soumises à une obligation de déclaration préfectorale.
Le présent amendement de repli a donc pour effet d’alléger la procédure, en demandant une reconduction tacite et sans condition de la reconnaissance de la qualité culturelle d’une association pour une durée de cinq années supplémentaires. Le renouvellement de la déclaration de la qualité culturelle d’une association se produira ainsi tous les dix ans. C’est le délai que nous proposons au travers de cet amendement.
Le dispositif visé à l’alinéa 5 constitue une nouvelle fois un empiètement du politique sur le religieux, une atteinte au principe de séparation des Églises et de l’État. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires en demande donc la suppression.
M. le président. L’amendement n° 392 rectifié, présenté par M. Cuypers, Mmes Chain-Larché et Thomas, MM. Regnard et Cardoux, Mme V. Boyer, MM. Mandelli et Reichardt, Mme Gruny, MM. Brisson et Charon, Mmes Lopez et Lavarde, MM. Rapin, B. Fournier, Laménie et Belin, Mme Pluchet, M. Bonne, Mme Boulay-Espéronnier, MM. de Nicolaÿ, Houpert, Bas et de Legge, Mme Lassarade et MM. Longuet, Lefèvre et Mouiller, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigé :
Après quinze ans d’existence, la qualité cultuelle fait l’objet d’une reconduction tacite à chaque échéance de cinq ans sauf si deux mois auparavant, le représentant de l’État dans le département invite l’association concernée à renouveler la procédure de déclaration dans les conditions mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article.
La parole est à Mme Anne Chain-Larché.
Mme Anne Chain-Larché. Cet amendement vise également à simplifier la procédure, mais de manière légèrement différente.
Après quinze ans d’existence, la qualité cultuelle fait l’objet d’une reconduction tacite à chaque échéance de cinq ans, sauf si, deux mois, auparavant, le représentant de l’État dans le département invite l’association concernée à renouveler la procédure de déclaration dans les conditions mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article.
Il s’agit d’un compromis, mais qui a tout de même pour objet de simplifier le dispositif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. L’amendement n° 445 rectifié de M. Sueur vise à remplacer la nouvelle obligation de déclaration quinquennale au préfet par une simple mention dans les statuts de l’association de sa qualité cultuelle valable une fois pour toutes. C’est à cette mention que pourrait s’opposer le préfet lors de la déclaration de l’association de type 1905.
Or, vous l’avez compris, nous souhaitons que le préfet connaisse les cultes sur son territoire et nous approuvons le principe du renouvellement quinquennal. Nous émettons donc un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 449 rectifié a pour objet d’exempter du nouveau régime de déclaration les associations cultuelles déjà constituées avant l’entrée en vigueur de la présente loi. Nous sommes pour le renouvellement de la déclaration d’existence sur le territoire. Notre avis est donc également défavorable.
L’amendement n° 47 tend à rendre obligatoire la mention dans l’objet d’une association cultuelle qu’elle a vocation à accomplir des actes en relation avec l’exercice public d’un culte. Cette demande nous semble déjà satisfaite, notamment, par les articles 18 et 19 de la loi de 1905. Nous sollicitons donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Les auteurs de l’amendement n° 450 rectifié souhaitent imposer la motivation des décisions d’opposition. Là encore, cela nous paraît déjà satisfait, puisque la disposition générale relative à la motivation des actes administratifs s’applique également dans ce cas. Notre avis est donc défavorable.
L’amendement n° 448 rectifié vise à porter de cinq à huit ans la périodicité de la déclaration. La commission a estimé que cinq ans était un bon délai pour une clause de rendez-vous. Notre avis est donc défavorable.
J’en viens à l’amendement n° 651 du Gouvernement.
En fait, nous sommes plutôt d’accord avec vous sur ces déclarations, monsieur le ministre. Nous avons seulement souhaité faire en sorte qu’une association, plutôt que de renvoyer l’intégralité de son dossier tous les cinq ans, puisse simplement se signaler en envoyant un courrier qui rappelle son existence à l’administration, le préfet pouvant à ce moment-là voir son attention attirée par des changements de gouvernance, de pratique – que sais-je encore ?
Il est bien évident que cela ne concernerait pas toutes les associations. Nous sommes bien d’accord, une association diocésaine n’aura pas bouleversé ses pratiques en cinq ans, et le préfet n’est pas obligé de lui redemander un dossier, qui serait d’ailleurs très probablement un copier-coller du dossier présenté cinq ans auparavant. Nous pensons qu’une nouvelle déclaration doit bien être faite, mais qu’il vaut mieux alléger la procédure.
Ainsi, le préfet, qui change un peu trop souvent à mon goût, sait que l’association existe et, s’il s’interroge, il demande un dossier plus complet, même si ce n’est pas obligatoire. Nous ne sommes pas si éloignés de vous, monsieur le ministre, et je regrette que vous vouliez revenir à votre rédaction, car la nôtre nous semble plus conforme à ce que l’on peut attendre des cultes ; sinon, vous vous en doutez bien, nous ne l’aurions pas retenue… Notre avis est donc défavorable.
L’amendement n° 332 de Mme Benbassa tend à prévoir un renouvellement quinquennal de droit par tacite reconduction.
Mes chers collègues, vous avez compris que nous y étions défavorables, tout comme au délai de quinze ans prévu par les auteurs de l’amendement n° 392 rectifié. Une reconduction au bout de cinq ans nous paraît être une clause de rendez-vous acceptable, surtout allégée comme elle l’a été par la commission, c’est-à-dire grâce à un simple courrier. Ce délai nous paraît tout à fait supportable.
L’avis de la commission est donc également défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’ensemble des amendements en discussion, à l’exception, bien sûr, de l’amendement n° 651, qu’il soutient franchement ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, vous avez cité l’avis du Conseil d’État. Or ce texte contient un paragraphe qui a attiré spécialement mon attention.
Je vous en donne lecture : « La procédure prévue par le projet s’apparente donc à une barrière à l’entrée du statut d’association cultuelle. Un tel régime porte une atteinte certaine au régime actuel, en vertu duquel les associations, y compris cultuelles, se constituent librement. » On sent qu’il y a là une interpellation du Conseil constitutionnel.
Le président Retailleau, à propos de l’instruction en famille, nous a dit : « Un régime d’exception est tout sauf un régime de liberté ». Vous me permettrez de reprendre ses propos pour vous dire que ce que vous organisez ici, c’est un régime d’exception, et ce n’est donc pas un régime de liberté.
J’ai lu attentivement votre étude d’impact. Il y a une phrase qui revient trois ou quatre fois. Elle est forte, et je pense qu’elle est de nature à justifier notre débat : « L’exercice du culte n’est pas une activité neutre. »
Je sais parfaitement distinguer une association diocésaine d’une association de joueurs de pétanque (Sourires.), mais quand on a dit, comme vous, et je suis tout à fait d’accord, que l’État devait respecter une stricte neutralité par rapport à la religion, les seules choses à examiner, ce sont l’atteinte éventuelle à l’ordre public et le respect des formes juridiques.
Or, de ce point de vue, je suis désolé, mais l’athée que je suis n’imagine pas qu’il puisse y avoir ontologiquement dans l’exercice du culte quelque chose qui transgresse l’ordre public et le respect des cadres législatifs.
Ce qui m’inquiète dans cet article, c’est que vous jetez une suspicion de principe sur l’exercice du culte. Je crains que cela n’entraîne, dans une partie de la population, un rejet massif des faits religieux, quels qu’ils soient, ce qui est totalement contraire à l’esprit de la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905.
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.
M. Arnaud de Belenet. À mon sens, la rédaction du projet de loi issue des travaux de l’Assemblée nationale imposait une contrainte bien plus proportionnée à l’objectif visé que la rédaction initiale. Il y a bien, non pas une autorisation, mais un contrôle a posteriori du préfet. C’est déjà une meilleure base et un signe de moindre défiance.
Je comprends l’objectif et la problématique du rescrit fiscal.
Cependant, je comprends moins, monsieur le ministre, que l’amendement du Gouvernement vise à supprimer l’alinéa 5, qui a été rédigé par la commission des lois du Sénat. Il est pourtant un signe d’apaisement ou de non-défiance à destination des associations cultuelles, puisqu’il prévoit tout simplement un renouvellement tacite à cinq ans. On ne les oblige pas à procéder à un certain nombre de formalités, mais le préfet, en application d’un certain parallélisme des formes par rapport au premier temps de la déclaration, dispose de deux mois pour réagir.
Je trouve que cette disposition, telle qu’elle a été rédigée par la commission des lois, ne change pas l’intention des auteurs du projet de loi, ne bouleverse pas les procédures et permet d’atteindre l’objectif de manière proportionnée, tout en adressant un message de sympathie et d’apaisement aux associations cultuelles. À mes yeux, la suppression de l’alinéa 5 que vous appelez de vos vœux n’est donc pas opportune.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Ouzoulias, je ne me laisserai pas aller à la facétie de souligner que, en citant M. Retailleau, vous élargissez votre spectre idéologique…
M. Pierre Ouzoulias. Je rassemble, monsieur le ministre ! (Rires.)
M. Gérald Darmanin, ministre. Attention à ne pas vous faire mal en forçant votre souplesse, tout de même !
Comment expliquer que, pour nous, se déclarer ne signifie pas être conforme ad vitam aeternam à son objet ? À cet égard, Mme la rapporteure a eu raison de souligner que l’amendement de M. Sueur était tout le contraire de ce que nous souhaitions faire.
Je pense que nous avons une divergence profonde. L’association n’a pas forcément toujours les mêmes activités.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est dans ses statuts !
M. Gérald Darmanin, ministre. Oui, mais on peut déclarer quelque chose et avoir une activité contraire à l’objet de ses statuts. Chacun peut le constater, sauf à vivre dans un monde merveilleux d’enfants qui pourraient encore avoir des rêves…
Je doute que toutes les associations, partout, respectent leurs statuts à la lettre. Au demeurant, monsieur le président Sueur, la loi prévoit la possibilité d’attaquer une association qui n’agirait pas selon ses statuts.
M. Jean-Pierre Sueur. Tout à fait ! On peut déjà le faire.
M. Gérald Darmanin, ministre. Vous avez parlé d’ordre public, et je n’ai pas voulu vous contrarier, mais le respect de l’ordre public s’apprécie au regard du caractère plus ou moins défini de l’objet du statut d’une association, selon plusieurs jurisprudences du Conseil d’État.
M. Jean-Pierre Sueur. Le respect de l’ordre public, il s’impose !
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Sueur, je crois franchement que vous étiez parti assez loin dans votre volonté de vous opposer au texte du Gouvernement. Il est évident qu’une association cultuelle créée voilà un siècle peut avoir désormais une activité qui n’est plus tout à fait conforme à son statut. Le principe du droit, c’est de rappeler à l’ordre quand les réalités peuvent diverger.
Nous sommes tous très attachés à ce terme de cinq ans, puisqu’il correspond au délai moyen de renouvellement des élus dans les grandes démocraties. Il nous semble raisonnable de faire en sorte que, périodiquement, les services de l’État puissent vérifier que les statuts sont conformes à l’activité et que l’association cultuelle fait bien du culte, et pas autre chose.
En effet, dans sa grande bonté, la République, qui aime tellement les cultes, au point d’en protéger scrupuleusement la liberté, a prévu des avantages pour les associations cultuelles, et pas pour les autres associations, ce que beaucoup ignorent.
Madame la rapporteure, monsieur de Belenet, je vous remercie d’avoir travaillé dans l’esprit de ce qu’a proposé le Gouvernement.
Cependant, je ne puis vous suivre sur la simple lettre ou sur la reconduction tacite, qui me paraît illusoire.
En effet, je sais comment fonctionnent les services de l’État, avec des préfets qui changent de poste avant cinq ans en moyenne. Certains élus peuvent le regretter, mais, parfois, ils demandent eux-mêmes le départ de leur préfet, ce qui ne veut pas dire d’ailleurs que le ministre de l’intérieur y fait droit… (Sourires.) Et je ne parle pas pour votre département en particulier, madame la rapporteure !
Ce qui est certain, c’est que la déclaration tacite nous paraît illusoire, car le contrôle reposerait alors sur une dénonciation par une collectivité locale, par des membres de l’association, par le préfet lui-même ou par les services de renseignement.
Je le répète, tous les partis politiques s’y soumettent tous les ans, ce que nous ne demandons pas aux cultes. Vous le savez, tous les partis politiques, tous les ans, doivent montrer qu’ils respectent un certain nombre d’obligations, ce qui leur permet d’obtenir un agrément pour continuer à bénéficier des exceptions, notamment fiscales, que la loi leur octroie.
On pourrait aussi prendre l’exemple des fondations et de toutes ces associations exceptionnelles qui bénéficient d’avantages un peu particuliers. Il ne me semble pas que la reconduction tacite ou la simple lettre permette ce travail.
Mme la rapporteure m’objecte que ce type de mesure n’est pas adapté aux associations diocésaines. Bien sûr, mais nous ne reconnaissons, par définition, aucun culte. Que serait la loi de la République si elle distinguait les associations diocésaines, donc les catholiques, des autres ? Ce ne serait pas raisonnable dans l’esprit de nos textes.
Enfin, monsieur Ouzoulias, je salue votre travail attentif sur le texte, mais, si vous avez lu in extenso l’avis du Conseil d’État, qui exprimait une inquiétude, vous n’êtes pas sans savoir que ledit avis concernait le texte tel qu’il était avant la première lecture à l’Assemblée nationale, laquelle a justement corrigé la disposition en question.
Je me suis d’ailleurs engagé à ce que le décret d’application du texte soit conforme à l’esprit des travaux de l’Assemblée nationale, donc au vôtre, et non pas à l’esprit du texte tel qu’il avait été présenté par le Gouvernement au Conseil d’État. Monsieur le sénateur, si votre remarque était juste, elle est désormais sans objet, puisque ce point a été corrigé.
Pour résumer, madame la rapporteure, je reste attaché au texte du Gouvernement, mais nous aurons sans doute l’occasion dans le débat, et peut-être en CMP, de trouver une solution simple et respectueuse de l’ordre public.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Je veux juste préciser et notre travail et ma pensée.
Tout d’abord, l’association doit tout de même envoyer un courrier, c’est-à-dire que ce n’est pas vraiment une tacite reconduction, dans la mesure où elle doit malgré tout se signaler.
Une fois qu’elle s’est signalée, le préfet, qui, effectivement, a pu changer, éventuellement, même, à la demande des élus (Sourires.), et qui découvrirait ces associations, peut s’interroger et questionner le passif de ces structures avec les quelques personnels qui, eux, n’ont pas bougé, pour ensuite n’examiner que les associations qui ont suscité la curiosité de ses services.
Je citais les associations diocésaines comme un exemple d’associations qui, en général sont assez stables. Bien entendu, il peut tout aussi bien s’agir d’une association musulmane, protestante, bouddhiste – que sais-je encore ? –, pourvu qu’elle soit stable et qu’elle n’ait pas attiré l’attention des services de la préfecture dans les cinq précédentes années, a fortiori si son président est toujours le même et que son activité semble n’avoir pas changé.
Si c’est le cas, effectivement, les services de la préfecture n’ont pas à aller demander un nouveau dossier, car c’est lourd, autant pour l’association que pour eux. Il vaut mieux qu’ils se concentrent sur les associations qui, éventuellement, ont connu des changements substantiels dans les cinq ans.
Mme Nathalie Goulet. Je retire l’amendement n° 47, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 47 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 450 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l’amendement n° 651.
Mme Nathalie Goulet. Mes chers collègues, je suis tout à fait favorable à cet amendement. (Exclamations agacées au banc des commissions.)
Pour les gens qui travaillent sur ce sujet depuis très longtemps, cette proposition du Gouvernement constitue déjà une avancée considérable. C’était également le cas de l’article précédent sur les dispositifs « anti-OPA », au sujet duquel je ne me suis pas exprimée. Ce sont vraiment des dispositions que l’on attend depuis longtemps. Plus elles seront claires, plus elles seront déterminées et plus on arrivera à remettre de l’ordre dans la maison.
Mme Anne Chain-Larché. Je retire l’amendement n° 392 rectifié, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 392 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 27.
(L’article 27 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 27
M. le président. L’amendement n° 686, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 27
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 1311-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le bail a pour objet l’affectation à une association cultuelle d’un édifice du culte ouvert au public, la collectivité territoriale informe le représentant de l’État dans le département de son intention de conclure un tel bail trois mois au moins avant sa conclusion. » ;
2° L’article L. 2252-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2252-4. – Une commune peut garantir les emprunts contractés pour financer la construction, par des associations cultuelles ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, par des établissements publics du culte ou par des associations inscrites de droit local à objet cultuel, d’édifices répondant à des besoins collectifs de caractère religieux.
« La commune informe le représentant de l’État dans le département de son intention d’accorder une telle garantie trois mois au moins avant que celle-ci soit accordée. » ;
3° L’article L. 3231-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3231-5. – Les départements peuvent garantir les emprunts contractés pour financer la construction, par des associations cultuelles ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, par des établissements publics du culte ou par des associations inscrites de droit local à objet cultuel, d’édifices répondant à des besoins collectifs de caractère religieux.
« Le département informe le représentant de l’État dans le département de son intention d’accorder une telle garantie trois mois au moins avant que celle-ci soit accordée. »
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Cet amendement a un double objet.
D’une part, il vise à étendre la possibilité d’accorder des garanties d’emprunt à toutes les collectivités locales, départements et communes. Il existe aujourd’hui des règles un peu complexes, sur lesquelles je passe, et je pense que cela permettra l’égalité de traitement de tous.
D’autre part, en contrepartie, si j’ose dire, il tend à instituer un dispositif d’information qui sera extrêmement important et efficace, surtout si l’on s’oriente vers une solution plus conforme à ce que veut la commission des lois du Sénat, c’est-à-dire la tacite reconduction ou, au moins, une lettre : il faudra que le préfet soit informé trois mois avant que les baux emphytéotiques ou les garanties d’emprunt ne deviennent effectifs, de sorte qu’il puisse intervenir pour vérifier la qualité cultuelle de l’association et, avec l’aide d’autres dispositifs, les éventuels financements étrangers et l’intérêt public local.
Bref, il faudra que les services de l’État soient en mesure de guider les collectivités locales souhaitant soutenir telle ou telle association cultuelle par un geste positif, à savoir un bail emphytéotique ou une garantie d’emprunt, ou s’opposer à de tels projets.
Je ne reviendrai pas sur des débats très récents, mais il me paraît important que la République puisse se protéger face à l’ignorance – ou face à autre chose…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Effectivement, cet amendement vise à assurer une meilleure information de l’administration sur les financements des nouveaux édifices du culte impliquant des collectivités territoriales et à assouplir légèrement l’octroi des garanties d’emprunt, désormais possible sur toutes les communes du territoire, et non plus seulement dans les agglomérations en développement.
Nous sommes favorables à cette disposition, car elle permettra un meilleur contrôle des constructions des nouveaux lieux de culte par les fidèles et par les pouvoirs publics.
L’assouplissement de certains financements par garantie d’emprunt semble également bienvenu. Une telle mesure était réclamée par certains représentants des cultes reçus en audition, notamment les évangéliques, et souhaitée par plusieurs de nos collègues. Il y a notamment eu un amendement en ce sens de notre collègue Hervé Maurey, qui a été frappé d’irrecevabilité sur le fondement de l’article 40 de la Constitution.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement est apparu voilà deux jours. C’est étonnant !
Monsieur le ministre, vous avez dit – je cite de mémoire –, « sans qu’il soit besoin de revenir sur des débats très récents ». Vous avez vraiment le sens de l’antiphrase. Je ne pense pas que ce soit le Saint-Esprit, s’il existe, qui vous ait inspiré, voilà quarante-huit heures, cet amendement…
Vous le savez très bien, cet amendement est dû à l’actualité. Or, monsieur le ministre, je ne suis pas sûr que l’on fasse de bonnes lois quand on les fait à partir de la revue de presse. (M. le ministre proteste.)
Certes, il y a eu des événements la semaine dernière. Seulement, dans votre souci de répondre à l’actualité, ce qui, je le répète, n’est pas forcément toujours la bonne manière de légiférer, vous avez oublié que l’objet de votre amendement inopiné trouvait sa réponse dans l’article 27, tel qu’il vient d’être adopté dans la rédaction du Sénat, qui est proche de la vôtre, monsieur le ministre.
En effet, cet article 27 a justement pour objet d’insérer dans la loi de 1905 un article 19-1, visant à permettre aux représentants de l’État de vérifier la qualité cultuelle de l’association, au moyen de la déclaration préalable qui lui est imposée pour bénéficier des avantages que sont la possibilité de contracter des baux emphytéotiques ou le bénéfice d’emprunts garantis par les communes, départements, etc. Je ne vais pas répéter ce que vous avez très bien dit ; vous avez défendu votre position.
En outre, cette qualité est attribuée pour une durée de cinq ans, et l’article 27, tel qu’il a été voté à l’instant, assure un droit de suite de ce contrôle, car, avant le terme de cette échéance, l’association qui souhaite continuer à bénéficier des effets de la qualité cultuelle doit en informer le préfet deux mois avant l’expiration du délai susmentionné.
Enfin, le respect de l’ordre public étant une condition pour obtenir et conserver le statut d’association cultuelle, en application de ce qui vient d’être voté voilà quelques minutes, le préfet est toujours en mesure de s’opposer à la qualification cultuelle d’une association, si celle-ci trouble l’ordre public.
J’ai épuisé mon temps de parole et ne puis donc développer d’autres arguments, mais il va de soi, monsieur le ministre, que cet amendement est démonstratif. Il ne vous est pas interdit de faire de la politique, mais, tant qu’à faire, autant que ce soit nous qui le rappelions, puisque vous avez oublié de le dire.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Sueur, je vous remercie, mais je ne suis pas sûr qu’il existe une déclaration tacite ou que j’aie besoin de votre autorisation pour faire de la politique !
Ce qui est certain, c’est que vous vous trompez lourdement sur le fond. Vous faites une grave confusion, si je puis me permettre, avec ce que dit l’article 27 proposé par la commission, d’après ce que j’en ai compris, car je n’en suis pas l’auteur. Il est vrai qu’il y a plusieurs demeures dans la maison du père, mais je crois que la rédaction est assez claire.
Mon amendement ne vise pas les pouvoirs du préfet de confirmer ou de contester la qualité cultuelle d’une association. Il s’agit de faire en sorte que le préfet puisse être informé du bail emphytéotique ou de la garantie d’emprunt qu’une collectivité locale s’apprête à accorder. Pardon de vous le dire, mais cela n’a rien à voir avec l’article 27.
Par ailleurs, monsieur Sueur, il est évident que l’actualité nous renseigne.
Je vous l’avoue, je n’aurais pu imaginer que, dans notre République, une collectivité locale passe outre, par deux fois, les avertissements d’une préfète et ne tienne pas compte des alertes du ministre de l’intérieur en personne, prévenu sur la base d’informations extrêmement claires et précises des services de renseignement français. Perseverare diabolicum, si vous me permettez l’expression. Je puis imaginer que l’on pèche par méconnaissance de telle ou telle association ou de tel ou tel mouvement, mais, en l’occurrence, toute naïveté doit être écartée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je le dis sans arrière-pensée politique dans cet hémicycle, je ne pensais pas objectivement que nous serions un jour amenés à constater de tels actes quasiment antipatriotiques, qui reviennent à frapper la Nation dans le dos.