Sommaire
Présidence de M. Vincent Delahaye
Secrétaires :
M. Joël Guerriau, Mme Corinne Imbert.
3. Mise au point au sujet d’un vote
4. Service public d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe. – Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
Discussion générale :
Mme Françoise Dumont, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire
M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission mixte paritaire.
Mme Catherine Di Folco, vice-président de la commission des lois
6. Réforme de la formation des élus locaux. – Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale :
Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission des lois
Mme Jacqueline Gourault, ministre
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 1er
Amendement n° 6 rectifié de M. Christian Klinger. – Retrait.
Amendement n° 4 de Mme Michelle Gréaume. – Retrait.
Amendement n° 3 de Mme Michelle Gréaume. – Retrait.
Article 1er bis (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 7 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 8 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article 1er quinquies (nouveau)
Amendement n° 9 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 1er quinquies
Amendement n° 5 rectifié de M. Dany Wattebled. – Retrait.
Articles 1er sexies, 1er septies et 1er octies (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 11 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles 1er decies et 1er undecies (nouveaux) – Adoption.
Article 1er duodecies (nouveau)
Amendement n° 12 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article 1er terdecies (nouveau)
Amendement n° 13 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article 1er quaterdecies (nouveau)
Amendement n° 14 de la commission. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.
Article additionnel après l’article 1er quaterdecies
Amendement n° 17 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 15 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 3
Amendement n° 16 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Adoption, par scrutin public n° 106, du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent
7. Respect des principes de la République. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 503 de M. Stéphane Ravier. – Rejet.
Amendement n° 562 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 331 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 563 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 447 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 330 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 46 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 333 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 445 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 449 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 47 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Amendement n° 450 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 358 de M. Sébastien Meurant. – Non soutenu.
Amendement n° 448 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 651 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 332 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 392 rectifié de M. Pierre Cuypers. – Retrait.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 27
Amendement n° 686 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 386 rectifié bis de M. Hervé Maurey. – Retrait.
Amendement n° 425 rectifié ter de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois
Articles additionnels après l’article 27 (suite)
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur
Amendement n° 549 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 139 rectifié bis de Mme Nathalie Delattre. – Rejet.
Amendement n° 451 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 580 rectifié ter de M. Arnaud de Belenet. – Retrait.
Amendement n° 140 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Amendement n° 52 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenu.
Amendement n° 432 rectifié de Mme Hélène Conway-Mouret. – Rejet.
Amendement n° 685 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Suspension et reprise de la séance
Article additionnel après l’article 29
Amendement n° 148 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Amendement n° 277 rectifié de M. Jean-Yves Roux. – Retrait.
Amendement n° 334 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 652 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 667 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 156 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Rejet.
Amendement n° 452 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 585 rectifié ter de M. Arnaud de Belenet. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 30 (réservés)
Article additionnel après l’article 31 (réservé)
Article 32 (suppression maintenue)
Amendement n° 396 rectifié de M. Xavier Iacovelli. – Non soutenu.
L’article demeure supprimé.
Articles additionnels avant l’article 33
Amendement n° 48 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Amendement n° 574 rectifié bis de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 405 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Rejet.
Amendement n° 455 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 395 de M. Xavier Iacovelli. – Non soutenu.
Amendement n° 679 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
8. Mise au point au sujet d’un vote
9. Respect des principes de la République. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 669 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 384 rectifié de M. Hervé Maurey. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 359 de M. Sébastien Meurant. – Non soutenu.
Amendement n° 202 rectifié de Mme Valérie Boyer. – Rejet.
Amendement n° 406 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Amendement n° 360 de M. Sébastien Meurant. – Non soutenu.
Amendement n° 616 de M. Thani Mohamed Soilihi. – Adoption.
Amendement n° 300 de Mme Nathalie Goulet. – Adoption.
Amendement n° 361 de M. Sébastien Meurant. – Non soutenu.
Amendement n° 87 rectifié de M. Roger Karoutchi. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 35
Amendement n° 362 de M. Sébastien Meurant. – Non soutenu.
Amendement n° 44 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Articles 36 et 36 bis – Adoption.
Amendement n° 417 rectifié de M. Pierre Cuypers. – Devenu sans objet.
Amendement n° 582 rectifié quater de M. Arnaud de Belenet. – Devenu sans objet.
Amendement n° 264 rectifié de M. Emmanuel Capus. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Article 36 quater (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 586 rectifié ter de M. Arnaud de Belenet. – Retrait.
Article additionnel avant l’article 37
Amendement n° 504 de M. Stéphane Ravier. – Rejet.
Amendement n° 337 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 37
Amendement n° 180 rectifié de Mme Valérie Boyer. – Rejet.
Amendement n° 363 de M. Sébastien Meurant. – Non soutenu.
Amendement n° 427 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 426 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 38
Amendement n° 142 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Amendement n° 338 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendements nos 365 et 364 de M. Sébastien Meurant. – Non soutenus.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 39
Amendement n° 182 rectifié de Mme Valérie Boyer. – Rejet.
Amendement n° 456 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – Retrait.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 39 bis
Amendement n° 230 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Rejet.
Amendement n° 457 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – Retrait.
Amendement n° 428 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – Adoption.
Amendement n° 278 rectifié de M. Jean-Yves Roux. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 86 rectifié bis de M. Roger Karoutchi. – Retrait.
Amendement n° 429 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – Retrait.
Amendement n° 97 rectifié bis de Mme Alexandra Borchio Fontimp. – Adoption.
Amendement n° 143 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Adoption.
Amendement n° 144 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Amendement n° 366 de M. Sébastien Meurant. – Non soutenu.
Amendement n° 505 de M. Stéphane Ravier. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 43
Amendement n° 245 rectifié bis de M. Jean-Marie Mizzon. – Retrait.
Amendement n° 671 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur
Amendement n° 339 rectifié de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 655 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 430 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – Retrait.
Amendement n° 458 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 656 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 367 de M. Sébastien Meurant. – Non soutenu.
Renvoi de la suite de la discussion.
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Vincent Delahaye
vice-président
Secrétaires :
M. Joël Guerriau,
Mme Corinne Imbert.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Décès d’un ancien sénateur
M. le président. Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Gérard Claudel, qui fut sénateur du Val-d’Oise de mai à septembre 2004.
3
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux.
M. Jean-Yves Roux. Lors du scrutin n° 105 sur l’amendement n° 237 rectifié bis, à l’article 25 du projet de loi confortant le respect des principes de la République, Mme Véronique Guillotin souhaitait voter pour.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
4
Service public d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe
Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi rénovant la gouvernance des services publics d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe (texte de la commission n° 471, rapport n° 470).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la rapporteure.
Mme Françoise Dumont, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la vice-présidente de la commission des lois, mes chers collègues, la commission mixte paritaire qui s’est réunie au Sénat le mardi 23 mars est parvenue sans difficulté à un accord sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi rénovant la gouvernance des services publics d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe.
J’ai déjà insisté dans cet hémicycle, voilà quelques semaines, sur l’utilité de ce texte. Nos concitoyens guadeloupéens connaissent d’inacceptables difficultés dans leur accès à une ressource aussi essentielle que l’eau potable. Il nous fallait donc agir avec célérité et efficacité : c’est l’ambition de cette proposition de loi.
Le texte retenu par la commission mixte paritaire est, pour l’essentiel, sous réserve de rares modifications rédactionnelles, celui qu’a élaboré et voté le Sénat lors de sa séance du 10 mars dernier. Cette proposition de loi, déposée, en des termes similaires, par la députée Justine Benin et notre collègue Dominique Théophile, a donc été utilement enrichie et complétée lors de son examen par notre assemblée. Je m’en félicite.
Dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, la proposition de loi posait d’ores et déjà le principe d’un syndicat mixte unique de gestion des services publics d’eau potable et d’assainissement de Guadeloupe et en prévoyait les principales modalités de fonctionnement. Les débats de l’Assemblée nationale avaient surtout été l’occasion de garantir la pleine association des usagers de ces services en prévoyant la création d’une commission de surveillance ad hoc, chargée d’émettre des avis sur l’exercice par le syndicat mixte unique de ses compétences.
L’examen par notre assemblée a été l’occasion, outre l’apport de modifications de nature rédactionnelle, de parfaire le fonctionnement de ce syndicat mixte unique.
En outre, il nous a semblé nécessaire de permettre à de nouveaux membres de rejoindre, s’ils le souhaitent, le syndicat mixte unique ainsi créé.
Encadrée par l’autorisation du préfet et l’accord unanime des membres, cette procédure permettra d’éviter, dans l’éventualité où un tel cas se présenterait, une nouvelle modification législative.
Par ailleurs, nous avons prévu de permettre au comité syndical de décider, à l’unanimité des membres, de déroger à la clé de répartition des contributions financières afin de prémunir le syndicat mixte d’une rigidité excessive dans ses décisions d’investissement.
L’examen du texte au Sénat a également été l’occasion de renforcer les attributions de la commission de surveillance, prévue à l’article 2 de la proposition de loi, et d’en modifier la composition. Le texte issu de la commission mixte paritaire conserve, en la matière, deux apports significatifs du Sénat : ainsi, nous avons souhaité assurer une meilleure représentation des élus municipaux au sein de la commission de surveillance et permettre à des personnalités qualifiées d’y siéger.
Dans le même esprit, nous avons prévu l’obligation d’une audition annuelle du président du comité syndical par la commission de surveillance.
Ces dispositions sont essentielles afin de restaurer la confiance des usagers, majoritaires au sein de la commission de surveillance, dans les services publics de l’eau et de l’assainissement en Guadeloupe.
Ainsi enrichie, la proposition de loi a recueilli le plein assentiment de nos collègues députés. Je souhaite ainsi les remercier pour l’esprit de consensus et d’efficacité dans lequel ils ont inscrit les travaux de notre commission mixte paritaire. Je salue tout particulièrement Justine Benin, signataire et rapporteure du texte à l’Assemblée nationale, pour nos échanges constructifs. Je remercie également notre collègue Dominique Théophile pour son travail de sensibilisation, au sein de notre assemblée comme en dehors de cette enceinte, sur cette question.
Le texte adopté par la commission mixte paritaire apportant une réponse rapide et pragmatique à un problème qui n’a que trop duré, je vous invite, mes chers collègues, à approuver les conclusions de la commission mixte paritaire.
La satisfaction d’un travail législatif consensuel et de qualité n’équivaudra néanmoins pas à donner quitus au Gouvernement sur cette question.
Lors de la réunion de la commission mixte paritaire, j’ai eu l’occasion de rappeler que ce texte, bien qu’utilement enrichi, ne constituera qu’un premier pas dans la résolution d’une situation particulièrement complexe. Nous sommes parfaitement conscients qu’il ne suffira pas, à lui seul, ni à restaurer la confiance des Guadeloupéens dans leurs services publics ni à résoudre les problèmes qu’ils déplorent au quotidien. L’amélioration de l’accès à l’eau pour nos concitoyens guadeloupéens suppose en effet de mettre en œuvre d’autres mesures, qui ne relèvent pas du domaine législatif.
Le législateur a fait sa part ; il revient désormais à l’ensemble des acteurs de se saisir des outils ainsi mis à leur disposition. Je me tourne vers vous, monsieur le ministre : l’État doit se montrer à la hauteur du mécontentement des Guadeloupéens et des attentes générées par cette proposition de loi.
Ce texte ne dispensera pas le Gouvernement, qui dispose des moyens humains, techniques et financiers de l’État, d’agir rapidement et efficacement pour nos compatriotes guadeloupéens. Notre assemblée sera vigilante, monsieur le ministre, à ce que ce souhait, que je formule devant vous solennellement, ne demeure pas un vœu pieux. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, RDSE et RDPI.)
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer. Monsieur le président, madame la rapporteure, madame la vice-présidente de la commission des lois, monsieur le sénateur Dominique Théophile, auteur de cette proposition de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de vous adresser mes remerciements sincères pour le travail accompli en bonne intelligence bicamérale entre le Sénat et l’Assemblée nationale, comme vient de le souligner Mme la rapporteure, en bonne intelligence aussi entre le Parlement et le Gouvernement et plus encore entre Paris et Pointe-à-Pitre.
Au fond, le véritable sujet consistait à traiter d’une compétence véritablement décentralisée, celle de l’eau – je sais combien Françoise Gatel y est attachée –,…
Mme Françoise Gatel. Oui !
M. Sébastien Lecornu, ministre. … particulièrement symbolique de la décentralisation depuis des années.
Cette proposition de loi devait tout d’abord répondre à une problématique de service public : comment tolérer, en 2021, que 100 000 Français n’aient pas accès à l’eau potable ? Comment tolérer un défaut aussi majeur et ses conséquences environnementales, sanitaires et même économiques – notamment sur le tourisme ? Comment 65 % de l’eau produite en Guadeloupe peut-elle être perdue ? À la différence de Mayotte, il ne s’agit pas d’un problème de production, mais bien d’acheminement de l’eau potable. Il nous fallait répondre à cet enjeu, posé par la députée Benin et par le sénateur Théophile, de rétablir le service public sans pour autant abîmer la décentralisation.
Je vous ai écoutée avec attention, madame la rapporteure – de la Guadeloupe au Var, il n’y a parfois qu’un pas. (Sourires.) Vous enjoignez au Gouvernement d’être à la hauteur : croyez bien que nous le sommes, y compris sur le terrain financier, avec près de 90 millions d’euros investis depuis 2014. Je connais peu de compétences décentralisées qui aient autant profité des mannes de l’État.
Toutefois, nous savons très bien qu’il ne s’agit pas que d’une question d’argent. Au fond, on demande à l’État de régler un problème relevant d’une compétence décentralisée sans abîmer la décentralisation. C’est une réflexion à mener dans le cadre du projet de loi « 4D », madame la présidente Gatel.
Mme Françoise Gatel. Tout à fait !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Parfois, la vie locale ne permet pas de résoudre les problèmes d’organisation d’une compétence – le ministre Lurel et le sénateur Théophile savent que je dis cela avec beaucoup de respect et de prudence, car il faut défendre les élus locaux et la démocratie représentative. On a pu assister en Guadeloupe à des phénomènes d’« élu-bashing » – en mauvais français – consistant à pointer du doigt les élus locaux et à les rendre responsables de tout. Ce serait bien trop facile ! Pour autant, il faut trouver le point d’équilibre.
L’État est-il présent en matière d’ingénierie ? Oui, il l’est depuis longtemps : en 2020, 4 000 fuites ont été réparées, pour 6 millions d’euros – derrière ces chiffres concrets, on trouve des foyers, des familles… Voilà l’action de l’État, en bonne intelligence. Des choses ont été faites sous Nicolas Sarkozy comme sous François Hollande et continuent d’être faites aujourd’hui. On constate une continuité de l’État dans sa volonté de régler cette affaire. Pour le coup, il ne faut pas jouer Paris contre Pointe-à-Pitre ou Pointe-à-Pitre contre Paris, cela ne ferait pas avancer le dossier.
Ce n’est pas qu’une affaire d’argent ; c’est aussi une question d’organisation du service public. Vous l’avez souligné, madame la rapporteure, et c’est aussi tout le sens de la proposition de loi de M. Théophile : dans un milieu archipélagique, et surtout insulaire – on s’est intéressé ici à la Guadeloupe, sans Marie-Galante –, il y a forcément besoin de solidarité entre production, acheminement, distribution et interconnexion des réseaux. Cela peut aussi interroger d’autres services publics, interdépendants entre eux.
Pour avancer, il nous fallait un acteur unique. Dès lors, deux possibilités s’offraient : soit un consensus local s’établissait et tout le monde se rassemblait au sein des commissions départementales de la coopération intercommunale (CDCI) – le fonctionnement en Guadeloupe est le même que dans l’Hexagone – ; soit nous n’arrivions pas à rassembler l’ensemble des intercommunalités, et notamment celle qui joue un rôle central dans l’organisation du service public d’eau potable en Guadeloupe, et il fallait alors se tourner vers le législateur.
J’ai parfois été un peu chagriné d’entendre que l’intervention du législateur revenait à remettre en cause la démocratie locale. Au contraire, quand le Sénat intervient, c’est pour organiser la vie locale. Peut-être suis-je juge et partie, mais la Haute Assemblée est légitime à légiférer dans ce sens en tant que chambre des élus locaux. Nous avons accompli quelque chose qui va dans le bon sens.
Le rôle de la gouvernance a été souligné dans beaucoup des amendements déposés au Sénat, lors de l’examen de ce texte. Les élus décident, certes – et c’est leur rôle –, mais les usagers du service public ont aussi besoin d’être entendus. Il fallait trouver un équilibre pour permettre aux usagers d’être entendus sans empiéter sur les prérogatives des élus. Le dispositif trouvé en commission mixte paritaire est parvenu à cet équilibre, ce qui nous permet de faire quelque chose d’assez nouveau en donnant la parole à tout le monde.
L’ingénierie est un sujet majeur. Certains de mes propos ont pu être caricaturés ou détournés – c’est peut-être le début de la campagne électorale sur le terrain qui veut cela… Nous devons nous mobiliser, avec les forces du territoire, avec les équipes sur place, pour répondre aux besoins de formation et pour se renforcer en ingénierie là où c’est nécessaire, ponctuellement ou durablement. Nous devrons nous accorder sur ces chantiers.
Je voudrais redire ici les engagements du Gouvernement, et donc de l’État, en ce qui concerne la dette et les ressources humaines : aucun agent du syndicat intercommunal d’alimentation en eau et d’assainissement de la Guadeloupe (Siaeag) ne devra être abandonné. Une solution sur mesure devra être trouvée sur cette question comme sur celle de la dette, EPCI par EPCI. Le ministre Lurel était revenu sur ce sujet lors de ses différentes interventions. Il s’agit bien évidemment d’un sujet majeur.
Une fois ce texte adopté au Sénat et à l’Assemblée nationale, le Président de la République promulguera rapidement cette loi pour une installation de ce syndicat unique dès septembre prochain. Une initiative locale intéressante, qui montre la mobilisation des élus locaux, existe aujourd’hui. Mais ce syndicat ne pourra fonctionner que si l’ensemble des intercommunalités se rassemblent. C’est le sens de cette proposition de loi.
Avec ce texte, la députée Benin et le sénateur Théophile, ainsi que l’ensemble des parlementaires qui ont travaillé sur cette question, nous ont donné l’occasion de faire un sérieux bond en avant dans l’organisation du service public de l’eau potable en Guadeloupe.
Merci au Sénat, au Parlement, d’avoir su prendre ses responsabilités. Je sais que les Guadeloupéennes et les Guadeloupéens nous attendaient collectivement sur ce sujet. (M. Dominique Théophile applaudit.)
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis qu’une solution très constructive soit issue de la commission mixte paritaire, qui s’est déroulée dans une très bonne entente.
Il fallait régler ce problème qui durait depuis trop longtemps. Pour autant, il ne faut pas enterrer l’affaire et croire que tout est réglé. Au contraire, cela doit nous faire réfléchir sur les dysfonctionnements dans la gestion quotidienne des collectivités induits par la décentralisation.
Très honnêtement, le Gouvernement, dont je ne suis pas un soutien, n’y est pour rien. Il a reçu un héritage de longue date, qui remonte au président Sarkozy, voire bien avant – et cela vaut aussi pour les problèmes sanitaires, de police ou de justice que nous connaissons aujourd’hui.
L’inaction du pouvoir central s’explique par la décentralisation. Les vrais responsables sont les élus locaux, ceux qui géraient le service de l’eau et de l’assainissement. De cette question, personne ne parle : on fait semblant de ne pas comprendre que nous n’en serions pas là si cette compétence avait été bien gérée !
La vraie leçon à tirer, c’est que la décentralisation est très positive, mais qu’elle suppose des responsables locaux parfaits. Or nous en sommes très loin dans certains endroits, en outre-mer comme en métropole.
J’ai connu la vie parlementaire avant 1982, donc avant les lois de décentralisation. Par le passé, les représentants du pouvoir central avaient un rôle plus fort. Je ne propose pas un retour en arrière, mais cela avait parfois un effet positif : on ne laissait pas filer les choses comme aujourd’hui, quand les élus locaux ne sont pas à la hauteur.
L’eau est un très bon exemple. Dans certaines communes, les nouvelles équipes municipales découvrent parfois des situations désastreuses. On en rencontre partout. Il s’agit parfois de petites communes, parfois de plus grandes… C’est un véritable problème.
Il faut non pas enterrer ce dossier, mais plutôt en tirer des leçons.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le savons tous ici : depuis plusieurs années, la gouvernance de l’eau et de l’assainissement en Guadeloupe n’est pas à la hauteur des attentes de nos concitoyens guadeloupéens.
Ce sont ainsi près de 100 000 usagers qui sont régulièrement victimes de « tours d’eau », suscitant colère et exaspération.
Cette situation est d’autant plus difficile à accepter qu’elle ne résulte pas de causes naturelles propres à la Guadeloupe, où la ressource en eau est abondante. Un des principaux problèmes réside dans le caractère éclaté de la gestion des services d’eau et d’assainissement, qui fait obstacle à la gouvernance d’ensemble dont la Guadeloupe a besoin.
En outre, les syndicats compétents sont dans une situation difficile : la plupart d’entre eux ne peuvent ni effectuer les investissements nécessaires à l’entretien et à l’amélioration du réseau, ni entreprendre les travaux d’urgence, ni payer les fournisseurs.
Il apparaît donc crucial et urgent d’unifier la gouvernance de la gestion des services publics d’eau et d’assainissement en Guadeloupe, car nous ne pouvons pas laisser nos compatriotes souffrir davantage d’une telle indignité.
Aussi, cette proposition de loi, qui a été discutée et enrichie par nos deux assemblées, concourt à répondre à une situation inacceptable et persistante.
C’est pourquoi je me réjouis que la commission mixte paritaire se soit déroulée dans un esprit de recherche de complémentarité et de consensus et qu’elle ait abouti à un texte commun.
Je me félicite également de ce que le Sénat ait apporté de nombreuses modifications afin d’améliorer l’effectivité des dispositions de cette proposition de loi.
Le Sénat a ainsi enrichi l’article 1er d’un certain nombre d’assouplissements. Je veux parler de la possibilité pour une autre personne publique d’adhérer au syndicat mixte, après accord unanime de ses membres et accord exprès du représentant de l’État en Guadeloupe.
Je veux également évoquer la possibilité pour le comité syndical de déroger, après accord unanime de ses membres, à la répartition des contributions financières lorsqu’un projet d’investissement le nécessite.
Je veux enfin mentionner la possibilité, pour le syndicat mixte, d’étudier la faisabilité d’une tarification sociale de l’eau.
Concernant l’article 2, qui prévoit la constitution d’une commission de surveillance auprès du syndicat mixte, le Sénat a souhaité rationaliser la composition de celle-ci, notamment en prévoyant la présence de représentants des communes et de personnalités qualifiées et en supprimant la présence des parlementaires en son sein.
Il a, par ailleurs, prévu une audition annuelle et obligatoire du président du comité syndical par la commission de surveillance, de façon à favoriser la fluidité entre leurs travaux.
Avant de conclure, je tiens à saluer la qualité des travaux de notre collègue Françoise Dumont, qui a œuvré de façon constructive pour élaborer un texte commun si important pour la Guadeloupe.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi constitue une étape importante vers la résolution d’une situation complexe et inacceptable pour les Guadeloupéens.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera ce texte, lequel apportera une première réponse concrète et pragmatique aux multiples dysfonctionnements auxquels sont confrontés les services publics de l’eau potable et de l’assainissement en Guadeloupe.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous partageons le constat : la situation de l’eau en Guadeloupe est un problème à bien des égards – citoyens sujets à de nombreuses coupures, dépenses trop importantes, gaspillage de la ressource, non-entretien du réseau, dette abyssale des structures gestionnaires, tarification et facturation opaques.
Il était plus qu’urgent d’agir au bénéfice des usagers, d’agir contre le gaspillage de l’eau et d’améliorer véritablement la qualité de celle-ci.
Si plusieurs initiatives se sont succédé afin de résoudre ces difficultés, rien n’avait permis, à ce jour, d’envisager une réelle restructuration pérenne, apte à résoudre les problèmes structurels du système de gestion de l’eau en Guadeloupe.
Surmontant l’échec des tentatives passées, le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, qui refond la gouvernance du service public de l’eau, est une victoire en soi.
Le Parlement a, dans son ensemble, perçu le constat de carence du système actuel, également partagé par les acteurs institutionnels locaux et par l’ensemble des habitants.
La rénovation concrète que permet ce texte est certes nécessaire, mais pas suffisante : il est urgent de réagir et de permettre un moindre gaspillage de l’eau pour les usagers, tout comme une amélioration forte de sa qualité.
Lors de l’examen de cette proposition de loi, en février dernier, nous avons eu l’occasion de rappeler les travaux du groupe régional d’experts sur le climat (GREC). Dans un rapport de novembre 2020, le GREC a pointé l’immense gâchis de l’eau : « En 2016, le volume d’eau consommé était de 26,4 millions de m3, alors que 73,1 millions de m3 étaient produits. » Les pertes représentent donc 177 % de la consommation.
Ses conclusions sont sans appel : pour un litre d’eau consommé, un litre et demi de perdu, ce qui entraîne une pression bien trop importante sur les ressources comme les eaux souterraines du Nord Grande-Terre.
De plus, la qualité de l’eau est « inquiétante », en raison « du très mauvais niveau d’assainissement et de l’utilisation historique de polluants » comme le chlordécone.
Pour la Guadeloupe, le GREC a aussi mis en avant de possibles problèmes de sécheresse en se fondant sur des prévisions de précipitations qui diminueront dans une large partie des zones habitées.
L’article 1er met en place une autorité unique, sous une forme proche d’un syndicat mixte dirigé par un comité syndical. Il conserve deux apports sénatoriaux majeurs.
Premièrement, la possibilité d’une future adhésion, de manière plus souple, de nouvelles collectivités au syndicat mixte, sans avoir à passer par une lourde réécriture législative.
Deuxièmement – et c’est essentiel –, l’ouverture d’une réflexion sur la tarification sociale de l’eau.
À titre personnel, je regrette toujours l’absence de personnes qualifiées et de représentants d’associations d’usagers au sein de ce comité syndical. Au regard des enjeux, ces personnes devraient pouvoir non seulement commenter les décisions de cette nouvelle institution, mais aussi y participer pleinement.
Par ailleurs, les conditions de transfert de la dette, qui font aussi l’objet de cet article 1er, ont des contours trop flous.
Si l’article 2 prend bien en compte l’apport sénatorial d’une audition annuelle obligatoire du président du comité syndical, les pouvoirs de la commission de surveillance restent trop faibles.
Cette réforme ne sera que le premier pas important d’une gestion durable de l’eau en Guadeloupe.
En ce qui concerne le financement et les modalités de transition entre les deux systèmes, notre groupe reste prudent et attend un engagement financier fort de l’État, comme nous l’avons rappelé en première lecture.
Notre groupe appelle à la plus grande vigilance sur le transfert des dettes actuelles à la nouvelle structure. Une attention particulière devra être portée au volume des dettes transférées, ainsi qu’aux dettes qui resteraient à la charge des entités actuelles.
Aussi, tout en alertant sur ces points de vigilance fondamentaux, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera ce texte.
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, la commission mixte paritaire réunie le 23 mars dernier est donc parvenue à un accord sur la proposition de loi rénovant la gouvernance des services publics d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe.
Les quelques dispositions qui restaient en discussion ont fait l’objet d’un consensus que nous saluons et qui reflète l’esprit dans lequel la députée Justine Benin et moi-même avons souhaité inscrire ces débats.
Nous avons eu l’occasion, ces dernières semaines, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, de décrire les dysfonctionnements qui ont entaché nos services publics, ainsi que leurs conséquences sur notre économie, sur notre système de santé ou sur notre environnement. Il n’est plus utile d’y revenir.
La proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui – vraisemblablement pour la dernière fois – entend satisfaire une revendication ancienne, portée par les élus locaux et les forces vives de notre territoire, à savoir la création d’une structure unique consacrée à la gestion de l’eau potable et de l’assainissement.
Plusieurs rapports et audits, dont celui du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), en mai 2018, ont d’ailleurs démontré la pertinence de ce projet.
Ce texte est le fruit d’un travail collectif qu’il convient de rappeler brièvement. Il se veut d’abord fidèle aux échanges et aux attentes des élus, des associations d’usagers et des Guadeloupéens, que nous avons rencontrés régulièrement, et des semaines durant, avec ma collègue Justine Benin.
À l’Assemblée nationale, les députés ont enregistré un certain nombre d’avancées.
C’est le cas de la création d’une commission de surveillance, en lieu et place de la commission consultative initialement envisagée, afin de garantir la juste représentation des usagers et de tenter de retrouver une confiance aujourd’hui perdue.
C’est le cas également du compromis trouvé avec le Gouvernement sur la question des dettes fournisseurs.
Au Sénat, le travail de Mme la rapporteure Françoise Dumont et de l’ensemble de nos collègues a permis d’apporter, pour ne citer que ces quelques exemples, davantage de souplesse au fonctionnement du comité syndical et de renforcer les prérogatives de la commission de surveillance.
Ces apports ont été conservés dans leur grande majorité par la commission mixte paritaire, preuve, s’il en fallait une, de la qualité des échanges et des travaux menés par nos deux assemblées.
Si le texte qui nous revient aujourd’hui et sur lequel nous nous prononcerons dans quelques instants est un préalable à la remise en état du système de distribution d’eau potable en Guadeloupe, il n’en demeure pas moins une étape. Cette étape ne pourra seule résoudre les difficultés que nous connaissons.
Plusieurs chantiers s’ouvriront donc dans les jours et les semaines qui viennent. Il s’agira de clarifier le traitement de la ressource pour assurer une gestion durable de notre sous-sol, de mobiliser des financements pour assurer à ce syndicat un fonctionnement pérenne et, enfin, de définir et de réaliser les investissements les plus urgents.
C’est pourquoi j’invite l’ensemble des élus guadeloupéens, qu’ils soient municipaux, communautaires, départementaux ou régionaux, les syndicats et les associations d’usagers, ainsi que le personnel affecté aux services d’eau potable et d’assainissement, que je sais motivé et qui doit trouver toute sa place dans cette nouvelle structure, à créer dès à présent les conditions de sa mise en œuvre.
Le chantier qui s’annonce est immense, mais il est nécessaire et ô combien salutaire.
Je salue enfin l’engagement constant du ministre des outre-mer dans ce dossier. Je le rappelle, nous attendons de l’État un accompagnement financier à la hauteur des enjeux.
Le groupe RDPI votera les conclusions de la commission mixte paritaire et vous invite bien évidemment, mes chers collègues, à en faire de même.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux.
M. Jean-Yves Roux. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la vice-présidente de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, chacun d’entre nous avait pu faire état, déjà lors de la première lecture, de son inquiétude, voire de sa stupéfaction, face aux différents rapports, bilans et analyses sur la situation du service public de l’eau potable en Guadeloupe.
Je n’y reviendrai pas dans le détail. Toutefois, je veux redire, comme l’avait fait notre collègue président de la délégation aux outre-mer, Stéphane Artano, combien il est inacceptable que, en 2021, certains de nos concitoyens aient des difficultés d’accès à l’eau potable, non pas en raison d’une catastrophe soudaine, mais à cause d’un réseau en mauvais état et d’une gestion désastreuse.
La France de l’outre-mer ne saurait être une oubliée de la République. Face à cela, le principe de la libre administration des collectivités territoriales doit donc céder. En effet, pour qu’il puisse être pleinement efficace, il faut qu’en cas de défaillance l’État reprenne la main.
Pourvu, cependant, que ce recours à la loi demeure occasionnel ! Ce sera à nous d’y veiller.
Tel est l’objet de cette proposition de loi : apporter un correctif à un service que la liberté locale n’a pas pu ou su faire fonctionner. Cependant, il est plus que regrettable que cela ait touché durant plusieurs années un service aussi essentiel que celui de la gestion de l’eau potable.
En réponse à une telle situation, le consensus de nos deux assemblées dans le cadre de la commission mixte paritaire est une première satisfaction. Le sujet était trop important pour que nous ne puissions pas y parvenir. Nous répondrons dans l’unité aux Guadeloupéens qui subissent cette situation.
Aussi, les solutions proposées sont satisfaisantes, en permettant la création d’un syndicat mixte et d’une commission de surveillance. Ces deux institutions laissent espérer, tant à court qu’à long terme, une restauration du service public au travers d’une mutualisation et d’une unification de sa gouvernance.
Du point de vue du syndicat mixte, nous pouvons nous réjouir que certaines souplesses aient été introduites au cours de la navette parlementaire. Si la loi doit intervenir pour pallier les carences de la libre administration locale, elle doit le faire avec mesure, notamment en permettant à de nouveaux membres de bénéficier à l’avenir des apports de ce nouveau système.
S’agissant, ensuite, de la commission de surveillance, elle permettra d’associer l’ensemble des acteurs locaux dans la gestion du service. Le Sénat avait proposé certains ajustements concernant sa composition ; ils ont été retenus dans ce texte.
Je pense notamment au retrait des parlementaires. En effet, chacun doit demeurer dans ses fonctions et cette présence n’était pas nécessairement judicieuse, d’autant que, comme notre rapporteure l’a souligné, cette présence aurait tendu à diluer la représentation des usagers au sein de la commission, tout en risquant d’entraver la fluidité de ses travaux, en raison d’un trop grand nombre de membres.
Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons pas encore nous féliciter du travail accompli, dans la mesure où il ne s’agit que d’une première étape dans un processus long et laborieux. Ces seules institutions ne suffiront pas à régler toutes les difficultés de l’accès à l’eau potable en Guadeloupe.
Le groupe RDSE votera donc en faveur de ce texte, mais fera preuve d’une vigilance particulièrement accrue au cours de ces prochaines années, afin de veiller à ce que ce territoire de la République ne demeure pas enlisé dans cette crise. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte arrêté en commission mixte paritaire permet de conserver des apports du Sénat, afin de rendre un peu plus souple le fonctionnement du syndicat mixte créé par la présente proposition de loi ou encore d’intégrer une réflexion sur la tarification sociale de l’eau, qui est un impératif de justice sociale.
Toutefois, nous estimons que cette structure imposée d’en haut aux Guadeloupéens demeure très contraignante et l’obligation pour l’ensemble des communautés d’agglomération d’y adhérer en est emblématique. Une telle dépossession des compétences des EPCI peut être interprétée comme une ingérence importante de l’État dans la libre administration des collectivités, surtout dans un contexte local de négociation entre les acteurs intéressés.
Une « feuille de route » a été adressée aux élus locaux par le Gouvernement. Elle est vécue par beaucoup comme une mise sous tutelle et une mise à l’écart de l’expertise guadeloupéenne. La crainte du retour des multinationales pour gérer la production et la distribution de l’eau et la nécessité de recueillir une aide financière renforcent la pression sur les élus.
Ce consensus forcé pour aboutir à une entité formelle ne garantit en rien son bon fonctionnement et la manière dont le syndicat s’intégrera au préexistant. Nous le répétons, la forme est là, mais le fond nous questionne.
En effet, plusieurs interrogations demeurent. S’agissant du financement du département et de la région, l’État s’est engagé à ne pas alourdir le budget des collectivités du fait de dépenses nouvelles. Mais comment compte-t-il concrétiser cet engagement ? Les élus locaux ne peuvent se contenter de promesses tant ils savent par ailleurs l’érosion dans le temps des compensations financières de l’État.
Les principales dettes des EPCI devront être transférées au nouveau syndicat pour éviter que cette instance soit mort-née. La question est toujours latente et les élus attendent des réponses.
L’avenir des salariés des structures actuelles n’est toujours pas clair. Des garanties devront être apportées, pour que chacun puisse retrouver un emploi au sein de la nouvelle structure.
Sur le terrain, le comité de défense des usagers de l’eau de la Guadeloupe ne se satisfait pas du texte. Il a récemment demandé un référendum sur le sujet et souhaite que les usagers soient mieux impliqués dans le processus de gouvernance de l’eau. Ses réclamations portent sur le montant excessif des factures envoyées aux usagers, l’instauration d’un tarif équitable pour tous et l’arrêt des poursuites judiciaires, alors que les services sont défaillants.
Le sujet en toile de fond de ce texte est celui de l’accès à l’eau et de la raréfaction des ressources en eau, qui touche en premier les territoires marins et nécessite l’appel à la solidarité nationale et internationale. Les collectivités d’outre-mer sont impactées par des réseaux vétustes, où plus de la moitié de l’eau se perd dans les fuites. Pourtant, les habitants, dont le quotidien est rythmé par des coupures d’eau, continuent de payer des factures.
L’eau est un bien commun essentiel à la vie impliquant des enjeux écologiques, sociaux et économiques, d’où l’importance d’une gestion publique pour garantir son accès, mais également sa qualité. Alors que le droit à l’eau et à un assainissement de qualité a été reconnu par l’ONU en 2010 comme « un droit fondamental essentiel au plein exercice du droit à la vie et de tous les droits de l’homme », ce droit est bafoué et les inégalités liées à cette ressource s’aggravent.
Le 15 avril prochain, notre groupe proposera de faire de ce droit à l’eau, aujourd’hui fictif, un droit réel. Nous défendrons, dans le cadre d’une proposition de loi, un accès pour toutes et tous à l’eau potable et à l’assainissement. Nous défendrons la gratuité des premiers litres d’eau nécessaires au quotidien, nécessaires à la vie.
Présentement, nous restons dubitatifs, il faut bien le dire, pour ce qui concerne le schéma proposé pour la gouvernance du service d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe, sur les plans tant administratif que financier.
Nous maintenons donc notre position d’abstention sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère. (Mme Françoise Gatel applaudit.)
M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la vice-présidente de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, notre groupe avait approuvé ce texte au cours de sa première lecture. Prenant acte de la décision favorable de la commission mixte paritaire, nous soutenons bien évidemment ses conclusions. Nous aurions mauvaise grâce à briser le consensus qui s’est dégagé.
Je tiens tout d’abord à saluer votre travail, madame la rapporteure, qui n’était pas facile et que vous avez réalisé avec ténacité.
Notre groupe interviendra aujourd’hui sur ces sujets avec beaucoup d’humilité, les membres de l’Union Centriste élus des départements et territoires d’outre-mer n’étant pas présents aujourd’hui. Nos deux collègues de la Guadeloupe, MM. Lurel et Théophile, sont bien sûr plus qualifiés que votre serviteur pour s’exprimer sur ces sujets.
Malgré notre approbation des dispositions retenues, nous voulons vous faire part de notre perplexité. Un certain nombre d’orateurs l’ont d’ailleurs souligné, il s’agit d’une première étape, en vue d’améliorer la situation.
Le fait que la question des ressources humaines ne soit pas traitée constitue pour nous un élément de surprise. Nous y voyons des difficultés à venir.
Nous regrettons également que la situation financière ne soit pas traitée, dans la mesure où des ambiguïtés subsistent concernant les orientations données, qui peuvent conduire à des lectures différentes. J’imagine qu’elles seront à l’origine de débats assez vifs entre le syndicat, les intercommunalités et l’État.
Comme je l’ai dit en première lecture, même si nous oublions les dispositions traditionnelles en matière d’autonomie des collectivités locales – il a été fait référence au travail de Mme Gatel et de M. Darnaud sur le projet de loi 4D –, la situation n’en demeure pas moins étonnante. S’il est rassurant que le futur syndicat rassemble l’ensemble des intercommunalités de la Guadeloupe, il est plus inquiétant en revanche qu’il intègre le département et la région sur la base de statuts définis par l’État. Notre expérience de la vie publique nous fait apparaître que, lorsque tout le monde fait partie de la même structure et qu’il n’y a pas de « patron » ou, plus exactement, de dirigeant réel, c’est, certes, bien sympathique, mais toutes les ambiguïtés se révèlent rapidement.
Par ailleurs, sur ce type de sujets très technique, dans lequel l’ingénierie constitue un élément essentiel, le diagnostic de la connaissance des éléments et le système d’information géographique sont indispensables. Or le texte ne précise pas qui aura la main sur ce système d’information géographique. Dépendra-t-il du syndicat, des intercommunalités ou bien du niveau départemental ou régional ? Ces ambiguïtés devront à l’évidence être clarifiées, pour que la nouvelle structure soit efficace et raisonnable sur le plan financier.
Monsieur le ministre, vous portez ce texte avec beaucoup d’ambition et dynamisme. Je le rappelle, le « quoi qu’il en coûte » concerne le traitement de la pandémie ; il ne semble pas avoir vocation à s’appliquer à tous les domaines de la société française.
Mme Françoise Gatel. C’est vrai.
M. Philippe Bonnecarrère. Sinon, nous avons peu de chance d’y arriver !
La question devait être traitée, et la voie législative était seule à même d’y réussir. Ces dispositions devront s’inscrire dans la durée, au regard d’une situation qui est en soi insupportable. Le fait que, dans notre pays, des tours d’eau soient organisés nous plonge dans une grande stupéfaction.
En revanche, je ne suis pas certain qu’il faille invoquer, sur ce problème, les grands principes. J’ai écouté avec beaucoup d’attention l’oratrice qui a évoqué le droit à l’eau. Or s’il est bien un sujet sur lequel le droit à l’eau n’est pas en débat, c’est bien celui-ci ! Il y a suffisamment d’eau en Guadeloupe. Le problème concerne non pas les éléments de production, mais les éléments de distribution. Je ne suis pas certain que le débat sur le prix de l’eau constitue l’essentiel du problème. À cet égard, je ne serai pas cruel et ne rappellerai pas le taux de paiement de l’eau.
Très clairement, la situation de la Guadeloupe relève non pas des grands principes, mais au contraire d’une mise à exécution très technique des bonnes pratiques en cette matière. J’espère que l’ensemble des parties prenantes en Guadeloupe sera en mesure, dans un délai raisonnable, de mener à bien ce chantier tout à fait considérable. En la matière, je renouvelle le soutien de mon groupe. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Victorin Lurel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je l’avoue, en venant à cette tribune, je suis un peu partagé. J’aime bien mon ministre (Sourires.),…
Mme Françoise Gatel. Ah !
M. Victorin Lurel. … sa bonhomie et sa rondeur. Il cherche à ne pas présenter d’aspérités. De fait, on a du mal à dire du mal d’un texte qu’il porte. Pourtant, celui-ci est un curieux objet. Fort heureusement, la commission des lois et Mme la rapporteure Françoise Dumont ont mené un excellent travail pour aboutir à de solides et belles constructions juridiques et légistiques. Franchement, ils ont rendu le texte un peu plus acceptable.
J’ai pris beaucoup de plaisir à lire le texte issu de l’Assemblée nationale. Je l’ai comparé aux propositions de la commission des lois puis aux conclusions adoptées par la commission mixte paritaire.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne pourra pas voter ce texte et s’abstiendra. Mais cette sage abstention sera constructive. (M. Mathieu Darnaud rit.)
Absolument, mon cher collègue.
Lorsqu’on connaît les oppositions à ce texte qui se sont fait jour en Guadeloupe – mon collègue Dominique Théophile peut en témoigner –, on peut affirmer que nous avons beaucoup évolué.
Il faut le dire, si le ministre n’avait pas adopté une sorte de positionnement bonapartiste, nous en serions encore à discuter entre nous. C’est la seule plus-value : forcer les élus à s’entendre.
Monsieur le ministre, soyons honnêtes ! Je n’oublierai jamais une fort belle séance, en 1978 – je n’étais alors pas un élu –, avec Mme Lucette Michaux-Chevry, à l’époque présidente du conseil général. La décentralisation n’existait pas, on ne savait pas qui « hachait » et qui « coupait », comme on dit dans ma belle langue créole, les affaires de l’eau en Guadeloupe.
Ce fut la DDA, la direction départementale de l’agriculture, puis la DAAF, la direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt. À cet égard, on pourrait citer un certain nombre de grands fonctionnaires. Le contrôle de légalité n’existait pas. Pourtant, c’était le préfet qui faisait les appels d’offres. On n’a jamais contrôlé la Compagnie générale des eaux, filiale de Suez, qui est encore présente en Guadeloupe.
Si le contrôle de légalité n’a pratiquement jamais existé, je ne sous-estimerai pas la responsabilité de nos élus. En la matière, on est passé d’une collectivité à une autre, les communes ont délégué à des syndicats, à des communautés d’agglomération, avec plusieurs opérateurs qui n’arrivaient pas à s’entendre sur le prix de l’eau et la gestion de la ressource, notamment les schémas directeurs. Bref, nous avons assisté au désordre le plus total. L’État assistait à tout cela et finançait, par le biais du FNDAE, le fonds national pour le développement des adductions d’eau. Il a laissé faire et a même accompagné.
Avec la décentralisation, il y a eu des gabegies, des relations incestueuses et de la corruption. Mon collègue Dominique Théophile, qui a travaillé pendant quarante ans dans ce domaine, peut en parler mieux que moi. Nous sommes tous coupables !
Pour autant, je ne comprends pas la solution proposée. C’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons. Ce texte est insuffisant, mais nécessaire. Il permettra de forcer au moins un établissement public sur les cinq que réunira ce nouveau syndicat à participer. C’est le seul avantage.
Pour l’ensemble des opérateurs, la dette s’élève tout de même à 193 millions d’euros. Monsieur le ministre, à l’Assemblée nationale, vous avez proposé, avec générosité, de ne faire remonter que 44 millions de dettes « financières », même si je ne sais pas très bien ce que cela veut dire. Je passe sur le fait que vous avez traité nos parlementaires en « supplétifs ».
M. Victorin Lurel. Heureusement, la commission était là pour réparer, corriger et embellir.
Je le rappelle, au 31 décembre 2019, il y avait 81 millions d’euros de dettes bancaires. Pour ce qui concerne les dettes fiscales, l’État pourrait recouvrer, puisque vous n’avez pas dit que vous y renonciez, 11 millions d’euros. En outre, si l’on considère de nouveau l’ensemble des opérateurs, le personnel s’élève à 563 personnes. Le Siaeag, qui est le seul syndicat que vous allez dissoudre, à compter du 1er septembre, emploie au moins 153 salariés. Certes, vous prenez ici des engagements verbaux, que j’entends. Nous resterons toutefois vigilants sur ce point.
Vous dites qu’il n’y aura pas de plan social, qu’il n’y aura pas de licenciement sec et que les emplois seront préservés. Tel n’est pas le sentiment des syndicats, qui restent mobilisés.
Je recommande, monsieur le ministre, que, d’ici au 1er septembre prochain, puisque le préfet est mandaté, que nous restions en contact, pour discuter d’un plan d’apurement des dettes.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Victorin Lurel. Vous avez poussé le raffinement jusqu’à créer un deuxième syndicat mixte local.
M. Victorin Lurel. Je demande donc que nous réglions le problème de l’articulation entre ces deux syndicats, dans le cadre d’une solution pérenne.
Mon groupe s’abstiendra sur ce texte, dans un esprit constructif. (M. Lucien Stanzione applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Mathieu Darnaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la vice-présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, après que notre collègue Victorin Lurel, ancien ministre de l’outre-mer, a dit tout l’attachement qu’il portait à l’actuel ministre de l’outre-mer, qu’il me soit permis de dire tout le bien que je pense de notre rapporteure pour tout le travail qu’elle a accompli.
Tout le monde ici aura compris la nécessité de ce texte, face à toutes les formes d’inégalités relevées sur ce territoire. Malgré les imperfections qu’il a relevées, M. Lurel l’a dit, avec la faconde qu’on lui connaît. Il y a donc urgence à agir, même si cette urgence aboutit à ce que l’on revienne vraisemblablement sur le texte que nous nous apprêtons à adopter.
En effet, pour ce qui concerne les financements, M. le ministre a affirmé que l’État serait au rendez-vous, avec tous les partenaires, pour essayer d’avancer concrètement et d’entrer dans un cercle vertueux. La finalité, il faut le dire et le redire, est bien d’apporter des solutions concrètes aux usagers. À cet égard, il convient de saluer l’action de nos collègues à l’Assemblée nationale et au Sénat, cher Dominique Théophile. C’est la raison pour laquelle j’ai rendu hommage au travail mené par notre collègue Françoise Dumont, rapporteure de ce texte. Le Sénat a essayé d’apporter des compléments utiles, de trouver un niveau d’agilité et d’imaginer ce qui pourrait se passer à l’avenir, en permettant notamment l’adhésion de nouvelles intercommunalités. À tout le moins, on pourra saluer le travail de notre assemblée comme un travail pragmatique et, surtout, utile pour la vie quotidienne de nos concitoyens. Être utile, c’est l’une des ambitions de ce texte.
Outre les avancées que je viens de citer, je pense également à la possibilité de déroger à l’unanimité à la clé de répartition financière, ainsi qu’au remaniement de la composition de la commission de surveillance.
J’évoquerai également, cher Victorin Lurel, l’inclusion de l’évaluation des possibilités d’une tarification sociale, dont vous vous êtes fait écho ici même avec notre collègue Victoire Jasmin.
C’est dire si ce texte, aussi imparfait soit-il, a été enrichi. Je partage les inquiétudes exprimées par notre collègue Philippe Bonnecarrère, car je me méfie toujours des structures qui épousent tout ce que nos institutions comptent de collectivités. En effet, à un moment donné, il faut prendre des décisions. Sur un sujet aussi important, qui touche, je le répète, au quotidien de nos concitoyens, il faut de l’agilité.
Pour ce qui concerne les financements, nous devrons être au rendez-vous. Mais je sais pouvoir compter, monsieur le ministre, sur la volonté de l’État pour avancer sur ce sujet.
Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe Les Républicains votera ce texte, en espérant qu’il trouve des compléments utiles, afin de répondre aux problématiques des usagers guadeloupéens. Je souligne une dernière fois le travail mené par Mme la rapporteure.
Ce n’est pas la première fois que nous parlons de l’eau au Sénat.
Mme Françoise Gatel. Et ce n’est pas la dernière !
M. Mathieu Darnaud. Je suis certain, monsieur le ministre, que nous en parlerons de nouveau dans quelques semaines.
Mme Françoise Gatel. Absolument !
M. Mathieu Darnaud. À cet égard, je me tourne vers ma collègue Françoise Gatel. Finalement, l’eau et l’assainissement sont des sujets qui trouvent toujours des solutions au Sénat. Je ne doute pas que tel soit de nouveau le cas dans les prochaines semaines. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue d’abord sur les éventuels amendements, puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
proposition de loi rénovant la gouvernance des services publics d’eau potable et d’assainissement en guadeloupe
Article 1er
I. – Il est créé, le 1er septembre 2021, un établissement public local à caractère industriel et commercial dénommé « Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe ».
Sous réserve des dispositions de la présente loi, l’établissement mentionné au premier alinéa du présent I est un syndicat mixte régi par le chapitre Ier du titre II du livre VII de la cinquième partie du code général des collectivités territoriales.
Après avis des organes délibérants des membres du syndicat mixte mentionnés au II du présent article, les statuts du syndicat mixte sont arrêtés par le représentant de l’État en Guadeloupe. À défaut de délibération des organes délibérants dans un délai d’un mois à compter de la notification du projet de statuts, l’avis est réputé favorable.
Le syndicat mixte est constitué pour une durée illimitée.
II. – Sont membres du Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe :
1° Les communautés d’agglomération CAP Excellence, Grand Sud Caraïbe, Nord Grande-Terre, Riviera du Levant et Nord Basse-Terre ;
2° La région de Guadeloupe ;
3° Le département de la Guadeloupe.
En cas de modification du périmètre, par fusion ou partage, d’une communauté d’agglomération mentionnée au 1° du présent II, le ou les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui en résultent deviennent automatiquement membres du syndicat mixte.
Une personne mentionnée au premier alinéa de l’article L. 5721-2 du code général des collectivités territoriales peut, à sa demande, après autorisation expresse du représentant de l’État en Guadeloupe et avec l’accord unanime des délégués du comité syndical mentionné au V du présent article, adhérer au syndicat mixte. Les modalités de son adhésion sont précisées par les statuts du syndicat mixte.
III. – Le Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe détient l’ensemble des prérogatives attachées aux missions dévolues aux services publics de l’eau et de l’assainissement telles qu’elles sont déterminées par la loi.
Il garantit l’exercice de ces missions en vue de la satisfaction des besoins communs de ses membres. Il veille à la continuité du service public dans un objectif de qualité du service rendu aux usagers et de préservation de la ressource en eau. Il assure la gestion technique, patrimoniale et financière des services publics de l’eau et de l’assainissement et réalise tous les investissements nécessaires au bon fonctionnement et à la modernisation des réseaux d’eau et d’assainissement, dans un objectif de pérennité des infrastructures. Il exerce, à ce titre, de plein droit, en lieu et place des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre membres, les compétences suivantes :
1° Eau et assainissement des eaux usées, dans les conditions prévues aux articles L. 2224-7 à L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales ;
2° Service public de défense extérieure contre l’incendie, au sens de l’article L. 2225-2 du même code ;
3° Gestion des eaux pluviales urbaines, au sens de l’article L. 2226-1 dudit code.
Le syndicat mixte assure la gestion d’un service d’information, de recueil et de traitement des demandes des usagers des services publics mentionnés aux 1° à 3° du présent III.
III bis. – Le Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe produit des études et analyses visant à :
1° (Supprimé)
2° Intégrer les politiques d’eau potable et d’assainissement dans les enjeux de développement durable du territoire ;
3° Participer à l’élaboration des schémas stratégiques relatifs aux politiques d’eau potable et d’assainissement à l’échelle du territoire ;
4° Conduire une réflexion globale sur la gestion de la ressource en eau et de l’assainissement sur le territoire ;
5° Étudier la faisabilité de la mise en œuvre d’une tarification sociale de l’eau pour les usagers les plus modestes.
III ter. – En cas de rupture de l’approvisionnement des usagers, le Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe prend toute mesure propre à garantir un droit d’accès régulier à l’eau potable.
IV. – Le Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe exerce, en lieu et place du département de la Guadeloupe et de la région de Guadeloupe, la compétence en matière d’étude, d’exécution et d’exploitation de tous les travaux, ouvrages ou installations présentant un caractère d’intérêt général ou d’urgence visant les missions prévues au I de l’article L. 211-7 du code de l’environnement, hors celles mentionnées aux 1°, 2°, 5° et 8° du même article L. 211-7 relevant de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations.
V. – Le Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe est administré par un comité syndical qui comprend des délégués de ses membres.
Chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre membre du syndicat mixte est représenté par quatre délégués au sein du comité syndical. La région de Guadeloupe et le département de la Guadeloupe sont chacun représentés par quatre délégués. Le président de la commission de surveillance mentionnée à l’article 2 de la présente loi participe aux travaux du comité syndical avec voix consultative.
Le président du syndicat mixte est élu par les membres du comité syndical.
Le comité syndical se dote d’un bureau. Chaque membre du syndicat mixte désigne un de ses délégués au comité syndical pour y siéger.
VI. – Les biens, équipements et services publics nécessaires à l’exercice de ses compétences par le Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe sont mis à sa disposition par les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre membres dans les conditions prévues à l’article L. 5721-6-1 du code général des collectivités territoriales.
Par dérogation au premier alinéa du I du même article L. 5721-6-1, les droits et obligations rattachés aux biens, équipements et services publics mis à la disposition du syndicat mixte lui sont transférés, dans les conditions prévues à l’article L. 1321-1 du même code, dans un délai d’un an à compter de sa création.
Par dérogation à la deuxième phrase du troisième alinéa du même article L. 1321-1, à défaut d’accord entre les parties au terme du délai mentionné au deuxième alinéa du présent VI, le transfert est prononcé par décret en Conseil d’État, pris après avis d’une commission dont la composition est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés des collectivités territoriales et des outre-mer et qui comprend des représentants des communes et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre membres du syndicat mixte.
Les transferts prévus au présent VI sont réalisés à titre gratuit et ne donnent lieu à aucun versement ou honoraire, ni à aucune indemnité ou perception de droit ou taxe.
VI bis. – Les dettes financières des établissements publics de coopération intercommunale exerçant les compétences mentionnées au III et relatives aux investissements nécessaires à l’exercice de celles-ci sont transférées au Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe.
Les autres dettes exigibles et les créances des établissements publics de coopération intercommunale mentionnés au premier alinéa du présent VI bis ne sont pas transférées au syndicat mixte.
VII. – Les activités industrielles et commerciales exercées par le Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe sont financées dans les conditions prévues aux articles L. 2224-12-1 à L. 2224-12-5 du code général des collectivités territoriales.
Dans les conditions prévues à l’article L. 2224-2 du même code, les membres du syndicat mixte peuvent prendre en charge des dépenses au titre des services publics de l’eau et de l’assainissement, par décision motivée du comité syndical mentionné au V du présent article. Dans ce cas, les contributions des membres du syndicat mixte sont ainsi réparties :
1° La région de Guadeloupe et le département de la Guadeloupe contribuent chacun à hauteur de 25 % ;
2° Les contributions restantes sont réparties entre les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre membres au prorata du nombre d’abonnés situés dans leur périmètre géographique respectif, en distinguant les contributions dues au titre du service public de l’eau et celles dues au titre du service public de l’assainissement.
À l’unanimité de ses membres, le comité syndical peut décider de déroger à la répartition des contributions définie au présent VII lorsqu’un projet d’investissement le nécessite.
Ces contributions ont un caractère obligatoire.
VIII. – L’adhésion des membres mentionnés au II vaut retrait des syndicats auxquels ces membres appartiennent pour les compétences mentionnées aux III à IV.
IX. – Toute modification des statuts du Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe est prononcée par arrêté du représentant de l’État en Guadeloupe, dans les conditions fixées par les statuts de l’établissement ou, à défaut, dans les conditions fixées à l’article L. 5721-2-1 du code général des collectivités territoriales.
Article 2
I. – Une commission de surveillance est placée auprès du Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe mentionné au I de l’article 1er. Elle comprend :
1° Des représentants des membres du syndicat mixte, désignés selon les règles fixées dans ses statuts ;
2° Des représentants d’associations d’usagers des services publics de l’eau et de l’assainissement ;
2° bis Des représentants d’associations de protection de l’environnement ;
3° Des représentants de la chambre de commerce et d’industrie des îles de Guadeloupe, de la chambre d’agriculture de la Guadeloupe et de la chambre de métiers et de l’artisanat de la région de Guadeloupe ;
4° (Supprimé)
5° Le président de l’association des maires de Guadeloupe et des représentants des communes ;
6° Des personnalités qualifiées, choisies en raison de leur compétence en matière d’eau et d’assainissement.
Les membres de la commission de surveillance mentionnés aux 2°, 2° bis et 6° du présent I sont nommés par le représentant de l’État en Guadeloupe, après avis du président du syndicat mixte. Cet avis est réputé favorable s’il n’a pas été rendu, par écrit, à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la transmission de la proposition de nomination faite par le représentant de l’État en Guadeloupe. Les membres mentionnés au 2° représentent au moins la moitié des membres de la commission de surveillance.
Les membres de la commission de surveillance mentionnés au 3° sont nommés par le représentant de l’État en Guadeloupe, sur proposition des présidents des chambres consulaires concernées.
Les membres de la commission de surveillance mentionnés au 5° sont nommés par le représentant de l’État en Guadeloupe, sur proposition de l’association des maires de Guadeloupe.
Les membres sont nommés pour six ans. Les membres sortants sont reconductibles. Leurs fonctions sont exercées à titre gratuit.
La commission de surveillance élit son président parmi les membres mentionnés au 2°. Lors des délibérations de la commission de surveillance, en cas d’égalité, la voix du président est prépondérante.
II. – La commission de surveillance formule des avis sur l’exercice de ses compétences par le Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe, en particulier sur :
1° Le projet stratégique du syndicat mixte et ses projets d’investissements ;
2° La politique tarifaire et la qualité des services publics d’eau et d’assainissement ;
3° Le service public de défense extérieure contre l’incendie, au sens de l’article L. 2225-2 du code général des collectivités territoriales ;
4° La gestion de la ressource en eau ;
5° La satisfaction des usagers du service public de l’eau.
Les avis de la commission de surveillance sont transmis au comité syndical mentionné au V de l’article 1er de la présente loi.
III. – La commission de surveillance examine chaque année, sur le rapport du président du Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe, les rapports mentionnés à l’article L. 1413-1 du code général des collectivités territoriales.
Elle est consultée pour avis sur les projets mentionnés au même article L. 1413-1 par le comité syndical mentionné au V de l’article 1er de la présente loi.
IV. – La commission de surveillance peut adresser des propositions au comité syndical mentionné au V de l’article 1er de la présente loi. À l’initiative de son président ou à la demande de la majorité de ses membres, elle peut également solliciter, en fonction de l’ordre du jour du comité syndical, l’inscription à celui-ci de toute question en lien avec ses compétences.
IV bis. – En fonction de son ordre du jour, la commission de surveillance peut, sur proposition de son président ou à la demande de la majorité de ses membres, procéder à l’audition de toute personne susceptible de lui apporter des informations utiles à l’exercice de sa mission. Le président du comité syndical mentionné au V de l’article 1er est auditionné annuellement par la commission de surveillance. Il présente, à cette occasion, un rapport faisant état des travaux réalisés et des emprunts contractés au cours de l’année précédente, des investissements programmés et de l’évolution de la politique tarifaire des services publics d’eau potable et d’assainissement.
V. – Le président de la commission de surveillance présente chaque année avant le 1er juillet au comité syndical mentionné au V de l’article 1er un état des travaux réalisés au cours de l’année précédente.
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M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
5
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour un rappel au règlement.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon rappel au règlement concerne l’article 25 du règlement, relatif à l’organisation de nos travaux.
Nous examinons cette semaine le projet de loi, très important, confortant le respect des principes de la République. Il reste plus d’une centaine d’amendements à examiner.
La discussion de ce texte a été interrompue à plusieurs reprises pour adopter d’autres textes, également importants, ce qui n’a pas permis l’examen dans la continuité d’un texte aussi essentiel, ce que nous ne pouvons que déplorer.
Nous reprendrons tout à l’heure nos travaux, sans pouvoir être certains de les achever aujourd’hui dans des conditions satisfaisantes.
Par conséquent, il semble que la poursuite de nos travaux dans le cadre de la journée de demain puisse être envisagée. En effet, je ne sais pas à quelle heure nous pourrons lever la séance, compte tenu des sujets très importants qui restent à traiter et qui ne doivent pas être « bradés » au motif que nous devrions finir ce soir. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Pierre Grand. Elle a raison !
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
S’agissant de l’organisation de nos travaux, des décisions ont été prises, qui reviennent à hacher la discussion de ce projet de loi. Toutefois, nous ne pouvons préjuger de la vitesse avec laquelle nous examinerons les amendements restant en discussion, qui sont au nombre de 155.
Nous verrons ce soir ce qu’il en est. Sans doute conviendra-t-il effectivement d’ouvrir la séance demain pour terminer l’examen de ce texte.
Mme Catherine Di Folco, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. On va y passer la nuit !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Pierre Sueur. J’ai bien noté le rappel au règlement de notre collègue Nathalie Goulet. Il faut tenir compte néanmoins, me semble-t-il, de l’organisation globale de nos vies de sénateurs et de sénatrices.
La semaine dernière, nous avons déjà œuvré sur ce texte mardi, mercredi, jeudi et vendredi. Or il est tout de même nécessaire que nous recevions ou rencontrions de temps en temps nos concitoyens, et nous sommes probablement nombreux à avoir prévu, demain, un emploi du temps chargé. Nous n’arrêtons pas !
Mon groupe n’est pas très favorable à l’idée d’ouvrir la séance de demain. Peut-être parviendrons-nous à achever l’examen du texte en discussion au cours de la nuit ; j’en émets en tout cas le vœu.
M. Antoine Lefèvre. La nuit sera longue…
M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons déjà eu de longs débats sur le fond. Aussi, peut-être y arriverons-nous. À défaut, je serai plutôt partisan d’une reprise de nos travaux sur ce projet de loi la semaine prochaine.
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Un point sera réalisé avec la commission des lois, en début d’après-midi, sur les conditions d’examen des amendements restant à examiner. La séance sera probablement prolongée tard ce soir ; cela dépendra à la fois du ministre présent au banc du Gouvernement et de la présidence de séance.
La parole est à Mme le vice-président de la commission.
Mme Catherine Di Folco, vice-président de la commission des lois. En l’absence du président de la commission des lois, je me permets d’intervenir ; je pense qu’il partagera mon point de vue.
L’ordre du jour ne prévoit pas qu’une séance soit ouverte demain, et nous ne souhaitons pas que tel soit le cas ; vous avez raison sur ce point, monsieur Sueur. Il appartient donc à chacun de bien mesurer le temps de ses interventions.
Mmes Jacqueline Eustache-Brinio et Elsa Schalck. Exactement !
Mme Catherine Di Folco, vice-présidente de la commission des lois. Il ne s’agit nullement de brimer quiconque dans son expression, mais, dès lors qu’une décision semble faire consensus, on peut éviter d’ajouter encore et encore des commentaires aux commentaires.
Je compte donc sur chacun. Nous pouvons raisonnablement croire en notre capacité de finir ce soir à minuit et demi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)
6
Réforme de la formation des élus locaux
Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2021-45 du 20 janvier 2021 et n° 2021-71 du 27 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux (projet n° 377, texte de la commission n° 506, rapport n° 505).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le président, madame la vice-présidente de la commission des lois, madame la rapporteure, présidente de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, mesdames, messieurs les sénateurs, le sujet de la formation des élus locaux, qui nous rassemble aujourd’hui, constitue un enjeu essentiel au bon fonctionnement de notre vie démocratique.
Ce sujet me tient particulièrement à cœur ; nombre d’entre vous étaient déjà sur ces travées lorsque nous avons adopté, en 2015, la proposition de loi de M. Jean-Pierre Sueur et moi-même, qui a créé notamment le droit individuel à la formation des élus locaux.
Nous savons tous ici ce que la fonction d’élu local suppose d’exigences, parfois paradoxales : tirant sa légitimité du seul suffrage universel, l’élu local doit maîtriser des dossiers dont la complexité va croissant, tout en étant parfois bien seul face aux difficultés.
C’est pour cette raison qu’un système de formation bien spécifique a été mis en place pour les élus locaux.
Il s’agit tout d’abord de leur permettre d’être mieux « armés » dans l’exercice de leur fonction d’élu, ce qui appelle une formation bien différente d’une formation professionnelle classique. Deux principes doivent être garantis : la pluralité de l’offre – les besoins peuvent en effet être variés, depuis les approches politiques, elles-mêmes nécessairement diverses, jusqu’à des formations plus techniques – et, naturellement, la qualité des formations.
Il s’agit également d’accompagner les élus dans le parcours professionnel que, comme c’est souvent le cas, ils poursuivent pendant leur mandat ou reprennent après son terme, cette fois par des formations professionnelles classiques. Nous savons tous que le retour à la vie professionnelle à l’issue d’un mandat est parfois difficile.
Le texte présenté aujourd’hui va permettre de consolider fortement notre dispositif de formation des élus locaux.
À la fin de l’année 2019, dans la loi Engagement et proximité, défendue par le ministre Sébastien Lecornu, le Parlement a habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur ce sujet.
Après avoir rendu public un rapport d’inspection aux constats parfois préoccupants, nous avons lancé un vaste cycle de concertations, avec, d’une part, les associations nationales d’élus, et, d’autre part, les organismes de formation agréés. Je veux ici les remercier de leur implication.
Cette concertation a conduit à un projet d’ordonnance sur lequel le Conseil national d’évaluation des normes a rendu un avis favorable unanime.
M. Alain Richard. Ce n’est pas si fréquent !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Permettez-moi de revenir en quelques mots sur les caractéristiques du système actuel et sur ses limites, qui sont l’objet de cette réforme.
Tout d’abord, les organismes de formation doivent disposer d’un agrément ministériel pour former des élus. Cet agrément n’a, hélas, pas permis d’éviter des dérives dans le secteur.
Ensuite, la formation des élus est financée par deux dispositifs complémentaires.
Depuis 1992, les collectivités doivent prévoir un budget de formation de leurs élus, égal au minimum à 2 % des indemnités qui peuvent leur être versées. Ce budget minimum devrait représenter au moins 34 millions d’euros. Mais les petites communes n’ont parfois pas les moyens nécessaires pour faire face aux demandes.
Les élus bénéficient également du droit individuel à la formation des élus, le DIFE, véritablement opérationnel depuis 2019. Ils disposent, à ce titre, de vingt heures de formation par an cumulables.
Ce droit est financé par une cotisation d’un montant égal à 1 % des indemnités versées aux élus, ce qui représente environ 16 millions d’euros. Force est de constater un certain nombre de dérives par rapport à l’esprit de la loi : prix élevés, faible nombre d’élus formés, concentration de la dépense sur quelques organismes, déficit très important.
Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Tout cela est vrai !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. La réforme dont nous allons discuter s’attaque à chacun de ces sujets.
Premièrement, l’ordonnance conforte le dispositif de financement par les collectivités, auquel celles-ci sont très attachées.
Pour répondre aux besoins des petites communes, l’intercommunalité à fiscalité propre pourra désormais, selon des modalités absolument souples, contribuer à la formation des conseillers municipaux, sans exercer cette compétence pour autant.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Très bien !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. En outre, une collectivité pourra désormais abonder très facilement le compte DIFE de l’élu, afin qu’il puisse cumuler aisément les deux sources de financement.
Deuxièmement, l’ordonnance assouplit et pérennise le DIFE. Il faut sortir du système de droits en heures qui régit actuellement ce dispositif et qui a conduit certains organismes indélicats – je pèse mes mots – à présenter leur offre de formation comme « gratuite », alors qu’elle coûtait en réalité de plus en plus en cher.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Oui !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’ordonnance prévoit donc de doter annuellement chaque élu d’une enveloppe en euros.
L’élu pourra ainsi choisir le meilleur rapport qualité-prix et se former deux fois plus longtemps s’il choisit un organisme de formation deux fois moins cher.
Il aura accès à une vision d’ensemble de l’offre grâce à l’intégration du DIFE dans la plateforme « moncompteformation.gouv.fr », qui gère déjà le compte personnel de formation. La procédure d’inscription sera accélérée. Les frais de gestion seront réduits. Ce dispositif continuera de reposer sur la Caisse des dépôts et consignations, dont je veux saluer l’engagement dans cette réforme.
Pour ce qui est des formations de réinsertion professionnelle, l’élu pourra facilement cumuler les droits acquis dans le cadre de sa vie professionnelle, de ses engagements bénévoles et de son mandat d’élu, ainsi que les différents compléments de financement qui existent en matière de formation professionnelle de droit commun.
Cette réforme est aussi, tout simplement, une opération de sauvetage du DIFE, qui aurait été, en l’absence de ladite réforme, en cessation de paiements d’ici à l’été.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. C’est vrai !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Très précisément, alors que les recettes annuelles sont de 15,9 millions d’euros, le déficit du fonds a atteint 11,9 millions d’euros en 2019 et 23,6 millions d’euros en 2020.
Afin de faire face à l’épuisement de la trésorerie, la Caisse des dépôts et consignations se voit accorder la faculté de consentir une avance de fonds au DIFE.
À moyen terme, l’équilibre financier sera garanti par la faculté donnée au pouvoir réglementaire, après avis du Conseil national de la formation des élus locaux, le CNFEL, de modifier les conditions d’organisation des formations, de moduler le taux de cotisation ou de moduler l’enveloppe accordée annuellement aux élus.
Cette enveloppe sera fixée dans la concertation, de manière transparente, en divisant les ressources disponibles par le nombre d’élus demandeurs.
Sur ce point, votre rapporteur a déposé, au nom de la commission des lois, deux amendements auxquels le Gouvernement est favorable et dont il partage complètement les objectifs.
Le premier vise à garantir la stabilité de l’enveloppe annuelle accordée aux élus pour trois ans, à compter de 2023.
Le second a pour objet de prévoir la conversion en euros des heures non utilisées à l’issue de la période transitoire de six mois prévue par l’ordonnance. Ce montant issu de la conversion s’ajouterait à l’enveloppe annuelle en euros qui sera accordée de manière identique à tous les élus locaux.
Il convient de garder à l’esprit que les droits en euros du DIFE s’ajouteront aux financements que pourront accorder les collectivités et les intercommunalités, soit en prenant directement en charge une formation soit en abondant le compte DIFE de l’élu.
Troisièmement, cette réforme devrait permettre de garantir des formations de qualité, délivrées par des organismes rigoureux.
Un répertoire national de la formation des élus sera élaboré de manière concertée, afin de cerner les sujets de formation éligibles au financement public.
Cette concertation permettra de conduire une réflexion sur les besoins des élus – je pense par exemple aux besoins spécifiques des élus de l’outre-mer, problème soulevé à juste titre par Lana Tetuanui, qui m’a écrit à ce propos.
Les organismes de formation des élus seront désormais soumis au même statut, et aux mêmes obligations, que les organismes de formation de droit commun. L’ordonnance formalise en outre la procédure de retrait de l’agrément en cas de manquement de l’organisme à ses obligations.
Quatrièmement, et enfin, la gouvernance du secteur sera simplifiée et renforcée.
L’ordonnance conforte le CNFEL, qui reprendra les missions de la commission DIFE, en lui confiant tous les leviers nécessaires pour rendre des avis parfaitement informés sur l’ensemble des enjeux de la formation des élus.
Le CNFEL bénéficiera également des avis d’un conseil d’orientation placé auprès de lui, dans lequel seront notamment représentés les organismes de formation.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, la réforme que le Gouvernement soumet à votre approbation. Mme la rapporteure et la commission des lois, dont je tiens à saluer le travail, ont apporté des amendements utiles au texte du Gouvernement dont elles partagent, me semble-t-il, les objectifs.
La discussion qui s’ouvre sur ce texte nous permettra, j’en suis certaine, d’avancer vers une réforme qui confortera la formation des élus locaux. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le dossier dont nous allons parler aujourd’hui, à savoir la formation des élus, est un dossier très important pour le Sénat – vous l’avez rappelé, madame la ministre.
Aussi, je suis très heureuse de saluer les auteurs ici présents du dispositif de droit individuel à la formation des élus : vous-même, madame la ministre, et notre collègue Jean-Pierre Sueur, qui présenta également, lorsqu’il était secrétaire d’État chargé des collectivités locales, un projet de loi sur les conditions d’exercice des mandats locaux portant notamment sur l’autre volet, hors DIFE, de la formation des élus.
Je salue également Catherine Di Folco, vice-président de la commission des lois, qui fut rapporteur de la proposition de loi DIFE. Merci à ces membres de la famille, si je puis dire, de leur investissement ! (Sourires.)
La formation des élus – vous l’avez dit, madame la ministre –, est extrêmement importante, et cela à deux niveaux.
D’une part, les élus doivent être formés à l’exercice de leurs compétences. D’autre part – nous l’avons vu en examinant le projet de loi Engagement et proximité, et mon collègue Mathieu Darnaud, qui était corapporteur, y avait beaucoup insisté –, la formation est nécessaire pour faciliter l’engagement des élus : il s’agit non seulement de les former à l’exercice de leurs compétences, donc, mais surtout de faciliter un retour à la vie professionnelle qui peut n’être pas souhaité.
C’est sur cette base que le DIFE, c’est-à-dire le droit individuel à la formation des élus, a été créé sur proposition de Jean-Pierre Sueur et de Jacqueline Gourault, sur le modèle de ce qui existait dans le droit commun. Je veux vous remercier très sincèrement, madame la ministre, ainsi que vos collaborateurs, du travail très positif que nous avons réalisé ensemble sur cette question.
Certes, vous le savez bien, nous étions extrêmement réservés, lorsque nous examinions le projet de loi Engagement et proximité, à l’idée de laisser le Gouvernement œuvrer par ordonnances – le Parlement n’aime guère confier à d’autres la mission qui est la sienne. Mais le travail qui est présenté aujourd’hui me semble extrêmement intéressant. Je salue les propositions que vous avez formulées et qui ont été enrichies par le Sénat.
Le dispositif du DIFE, ce droit individuel à la formation des élus, souffre, à cause de ce qu’il est, de différents maux.
Tout d’abord, il est alimenté par un prélèvement sur les indemnités des élus indemnisés, qui ne représentent qu’une petite minorité des élus ; la collecte s’élève ainsi à 16 millions d’euros par an seulement, alors même que 520 000 élus locaux y ont droit. Autrement dit, l’enveloppe est fermée, alors que le nombre de personnes éligibles est considérable.
Un autre problème doit être soulevé, Mme la ministre l’a souligné à juste titre : la qualité des formations dispensées. Il ne s’agit pas ici de critiquer les organismes de formation ; toutefois, tout de même, néanmoins et cependant (Sourires.), force est de reconnaître – ce constat est conforté par les conclusions de la mission réalisée sur ce sujet – que certains organismes de formation pratiquent des tarifs qui ne sont pas forcément proportionnels à la qualité de leurs prestations…
Quoi qu’il en soit, l’enveloppe a été asséchée, il faut le dire, par quelques organismes qui ont dépensé beaucoup d’énergie à proposer des formations aux élus. Aujourd’hui, la situation est très simple : le déficit est de près de 24 millions d’euros, alors que la collecte n’est que de 16 millions d’euros et que, en outre, il faut tenir compte des droits acquis.
Il est temps, donc, de remplir les objectifs légitimes que nous nous sommes fixés.
Il s’agit, en premier lieu, de faciliter l’accès des élus à leurs droits. La création d’une plateforme unique où chaque élu aura son compte, comme dans le droit commun, rendra plus aisé l’accès à la formation.
Madame la ministre, puisque nous sommes entre nous (Sourires.), j’en profite pour dire qu’il conviendra aussi que la Caisse des dépôts et consignations, qui gère difficilement, disons-le ainsi, le DIFE, diminue ses frais de gestion.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Aujourd’hui, il faut cinquante personnes pour gérer 16 millions d’euros. On peut supposer que demain, avec ce que nous proposons, il en faudra vingt. Il va donc falloir que la Caisse des dépôts et consignations réalise un gros effort d’optimisation de ses talents.
Nous proposons également un meilleur contrôle des organismes de formation. Il ne s’agit pas d’empêcher qui que ce soit d’offrir des formations différenciées et de qualité. Mais je crois nécessaire qu’existent aujourd’hui à la fois un référentiel des formations proposées aux élus et une évaluation des formations dispensées, afin que chaque élu, au moment de choisir librement son organisme de formation, ait à sa disposition une appréciation de la qualité et du sérieux des différents organismes.
Par ailleurs, une sous-traitance en cascade, dont le terme est parfois invisible, est très souvent pratiquée – nous avons pu le constater. Il convient, là aussi, de sécuriser les choses. Quand vous signez un contrat de formation avec un organisme, vous devez savoir qui va dispenser la formation, et celle-ci ne doit pas être déléguée à un organisme X ou Y qui ne serait pas agréé.
Nous proposons donc de limiter la sous-traitance au second rang. Des exceptions seront prévues pour des formations quelque peu exceptionnelles, par exemple en droit de l’urbanisme – quand une association d’élus travaille sur le plan local d’urbanisme, le PLU, un expert en la matière doit pouvoir intervenir.
Autre point décisif, on voit bien aujourd’hui que le déficit évolue au fil de l’eau. La consommation des crédits est cyclique : le droit individuel à la formation étant fait essentiellement pour la reconversion, on sait bien que c’est en fin de mandat, au bout de six ans, que les élus consomment les crédits, ce qui provoque une concentration de la demande. Et nous n’avons pas de visibilité.
Il est extrêmement important, pour les organismes de formation, qui sont aussi des employeurs, comme pour les collectivités, de connaître à un horizon de trois ans le montant du crédit en euros dont chaque élu pourra bénéficier. Nous avons donc, avec Mme la ministre, trouvé une date raisonnable, qui nous semble juste.
Il faut redresser la situation ; la prévisibilité à trois ans est certes un objectif difficile à remplir, mais nous proposons qu’il soit atteint en 2023.
J’en viens à un autre sujet essentiel : le système de conversion. Jusqu’à présent, les élus cumulaient un droit à la formation de vingt heures par an. À partir du mois de juillet prochain, le droit individuel à la formation sera calculé en euros. Un système de conversion est prévu. Comme c’est le cas pour tous les régimes transitoires, il faut à la fois respecter les droits acquis et veiller à l’équilibre financier.
Je remercie Mme la ministre d’avoir accepté une proposition fort raisonnable, en vertu de laquelle les droits acquis en heures par les élus et non liquidés à la fin du mois de juillet, date à laquelle ils commenceront à acquérir des droits en euros, ne seront ni perdus ni diminués.
Nous proposons par ailleurs un cumul des droits année après année, tout en le plafonnant, car, comme je l’ai dit, nous sommes des gens très raisonnables.
Nous avons également conforté le rôle du Conseil national de la formation des élus locaux, en assimilant son mode d’action à celui du Conseil national d’évaluation des normes, que nous aimons beaucoup – le CNFEL émettra un avis sur les projets que vous aurez à lui soumettre, madame la ministre.
Très clairement, si Mme la ministre souhaite modifier les leviers employés pour rétablir l’équilibre financier du fonds DIFE, elle devra en rendre compte auprès du CNFEL. Vous n’êtes pas sous contrôle, madame la ministre, mais sous notre exigence et notre bienveillance, vous le savez bien ! (Sourires.)
Je veux une nouvelle fois saluer le travail qui a été réalisé avec vous, avec la commission des lois et avec mes collègues de chaque groupe ; nous avons entretenu un dialogue responsable, mais volontaire. La formation est un enjeu majeur pour les élus ; en la matière, nous devons tenir compte d’une situation difficile et promouvoir une exigence de qualité.
Je souhaite donc que nous puissions aboutir de façon positive en ce qui concerne ces ordonnances. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et RDPI. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quand je présidais l’union des maires de mon département – après plusieurs années, j’ai dû abandonner cette présidence,…
Mme Françoise Gatel, rapporteur. À regret ! (Sourires.)
M. Antoine Lefèvre. … frappé, comme beaucoup d’entre vous, par une interdiction du cumul des mandats que je continue de regretter –, la formation des élus comptait parmi les principaux dossiers dont nous nous occupions.
En effet, parce que le retrait progressif de l’État d’un certain nombre de missions qu’il exerçait dans les territoires s’accentuait, le besoin d’ingénierie territoriale a crû peu à peu.
C’est ainsi que nous avons accompagné les 816 maires de l’Aisne, principalement ruraux, au fur et à mesure de la décentralisation, via des sessions de formation organisées tout au long de l’année, qui rencontraient et continuent de rencontrer beaucoup de succès.
C’est donc tout naturellement que, en 2012, dans le cadre de notre délégation aux collectivités territoriales, que vous présidiez à l’époque, madame la ministre, je commettais un rapport intitulé La Formation des responsables locaux : un enjeu pour nos territoires, assorti de la conclusion suivante : « La formation, en ce qu’elle permet une amélioration des connaissances, des compétences et des aptitudes, constitue un outil qui répond à la fois aux intérêts des élus et des agents des collectivités territoriales. En ce sens, le droit à la formation doit être préservé et consolidé. »
J’y formulais une quinzaine de propositions, dont bon nombre ont finalement été intégrées dans notre droit, par exemple l’instauration d’un plancher de crédits budgétaires consacrés à la formation, ou encore la mise en place d’un droit individuel à la formation, le DIFE, qui fut créé par la loi de 2015 que vous avez évoquée, madame la ministre.
En 2018, avec mes collègues Michelle Gréaume et François Bonhomme, que je salue, j’ai sur le métier remis l’ouvrage, comme eût dit Boileau, en rédigeant un nouveau rapport intitulé Faciliter l’exercice des mandats locaux : la formation et la reconversion. Complexification du droit, augmentation des compétences des collectivités au fur et à mesure de la décentralisation, montée des intercommunalités : voilà en effet autant de dynamiques qui ont fait de la formation des élus et des agents publics un défi pour l’avenir des collectivités territoriales.
C’est donc peu de dire que la formation des élus est un serpent de mer, indissociable de celui du statut de l’élu.
Si nous avons pu avancer sur ce dernier point depuis quelque temps, la formation reste un défi majeur et crucial, car la compétence des élus locaux est la véritable condition d’un bon exercice du mandat. Elle permet de compenser les inégalités de formation initiale et elle est devenue une condition de la démocratisation de l’accès aux fonctions politiques.
Former les élus, c’est aussi les préparer à l’après-mandat – vous y avez fait référence, madame la ministre. À l’heure où plus personne n’envisage qu’un élu local occupe un mandat toute sa vie, la sortie du mandat et la reconversion supposent une formation adaptée et une bonne préparation en amont.
Dans notre rapport de 2018, nous avions fait des propositions dont l’adoption aurait permis d’avancer, mais, d’une part, de mauvaises habitudes avaient été prises, assorties de pratiques à tout le moins perfectibles, et, d’autre part, la soutenabilité financière du schéma adopté pour gérer le DIFE apparaissait au mieux fragile, comme l’a expliqué Mme la ministre.
La décision fut donc prise, fin 2019, de légiférer par ordonnance. Soit ! Nous avions alors regretté le choix de ce véhicule, sachant que nous aurions pu « boucler » le sujet lors de la discussion du projet de loi Engagement et proximité.
Cette ratification tardive, bien au-delà des délais impartis, nous aura fait perdre un temps précieux, d’autant que le personnel élu a entre-temps été en partie renouvelé à l’occasion des élections municipales de 2020.
Les ordonnances ont été substantiellement amendées par notre rapporteur, également présidente de la délégation aux collectivités territoriales, qui y a précisé, comme elle vient de l’exposer, d’une part, le contour du DIFE, et, d’autre part, les modalités de contrôle des organismes, mais aussi la pérennisation du financement et la protection des droits non entièrement liquidés.
Si nous souhaitons développer la culture de la formation, il faut précisément que les dispositifs en vigueur facilitent l’accès à cette dernière, pour les uns comme pour les autres, pour les ruraux comme pour les urbains, pour les élus majoritaires comme pour les élus d’opposition.
Ce projet de ratification sera soutenu par notre groupe, car il représente une avancée notable dans ce domaine essentiel pour les élus locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled.
M. Dany Wattebled. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la France compte environ 510 000 élus locaux.
Pour faire face à leurs lourdes responsabilités et exercer efficacement leurs fonctions, les élus doivent être correctement formés. En outre, il paraît important, pour préserver l’attractivité des fonctions électives, que les élus qui le souhaitent puissent s’inscrire dans un processus de réinsertion professionnelle à la fin de leur mandat.
La loi a ainsi prévu deux dispositifs pour répondre aux besoins des élus locaux en matière de formation.
Le premier, introduit en 1992, prévoit le financement des formations demandées par les collectivités territoriales, qui doivent inscrire à leur budget chaque année un montant minimum équivalent à 2 % des indemnités dues aux élus.
Le second, le droit individuel à la formation des élus, ou DIFE, introduit en 2015, est financé par un fonds national, alimenté par 1 % des indemnités perçues par les élus indemnisés, soit une somme de 17 millions d’euros annuels.
Or ce dispositif n’a pas réussi à garantir des formations de qualité facturées au juste prix ; de nombreux exemples d’abus et de dérives ont été constatés. Le fonds DIFE géré par la Caisse des dépôts et consignations, la CDC, s’est trouvé dans une impasse financière : il enregistrait un déficit de 12 millions d’euros en 2019 et de 24 millions d’euros en 2020.
À cet égard, je veux attirer votre attention sur la gestion scandaleuse de la CDC, qui perçoit 20 % des montants collectés au titre des frais de gestion. Comment justifie-t-elle ces 3,5 millions d’euros ?
Vous en conviendrez, il existe une véritable urgence à réformer le dispositif de formation des élus locaux.
Dans le cadre de la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, le Gouvernement a sollicité du Parlement une habilitation pour légiférer par ordonnance, afin de rénover en profondeur l’ensemble du dispositif de formation. Un travail en commission nous a permis de comprendre le sens d’une telle demande.
Le projet de loi qui nous est soumis vise à ratifier deux ordonnances prises sur le fondement de l’article 105 de la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.
Ces ordonnances visent non seulement à faciliter l’accès à la formation et à garantir la qualité des formations dispensées, mais également à rénover la gouvernance du système de formation des élus locaux. Elles apporteraient ainsi une amélioration certaine et bienvenue.
Par ailleurs, je me félicite des travaux en commission, qui ont enrichi le dispositif. De nombreuses dispositions vont dans le bon sens.
Je veux parler, tout d’abord, du rétablissement du cumul des droits à la formation des élus locaux sur toute la durée du mandat, afin de leur permettre d’utiliser leurs droits acquis sur plusieurs années, à l’instar du fonctionnement du compte personnel de formation des salariés.
Je veux parler également de l’extension des possibilités d’abondements complémentaires par des personnes publiques telles que l’État, Pôle emploi et d’autres collectivités territoriales, afin qu’elles puissent cofinancer les formations à la reconversion des élus locaux déjà financées partiellement par le DIFE.
Je veux parler enfin de la possibilité offerte aux élus locaux de s’inscrire, dès la première année de leur mandat et gratuitement, à des modules de formations pouvant être accessibles à distance via la plateforme numérique et leur permettant d’acquérir les connaissances indispensables à l’exercice de leur mandat.
De même, il était particulièrement nécessaire d’approfondir le contrôle des organismes de formation. À cet égard, je me réjouis qu’un certain nombre de dispositions concernant les conditions de sous-traitance par les organismes de formation agréés aient été introduites, afin de garantir la qualité des formations dispensées.
Je pense, notamment, à la mesure prévoyant qu’un organisme titulaire d’un agrément ne puisse sous-traiter l’exécution des prestations de formations à destination des élus financés par le DIFE qu’à la condition de justifier la nécessité de cette sous-traitance, comme le besoin d’un savoir particulier ou d’une expertise.
Je veux aussi mentionner l’interdiction de la sous-traitance de second rang des formations liées à l’exercice du mandat des élus locaux, afin d’éviter un contournement des exigences de qualité.
Enfin, je rejoins la position de la commission lorsque celle-ci a souhaité garantir la stabilité du système de formation des élus, notamment en stipulant que le Conseil national de la formation des élus locaux doit privilégier, dans les propositions de retour à l’équilibre qu’il formule au ministre chargé des collectivités territoriales, les leviers qui sont le moins attentatoires aux droits acquis des élus.
Madame la ministre, chers collègues, la réforme de la formation des élus locaux constitue une réponse bienvenue en raison des importants dysfonctionnements du dispositif actuel.
Aussi, reconnaissant pleinement la nécessité de cette réforme et soucieux de répondre aux attentes légitimes des élus locaux en matière de formation, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera ce texte modifié et enrichi par la commission.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici devant un problème simple à énoncer, mais complexe à résoudre : nous souhaitons mieux et davantage former les élus, mais les moyens disponibles sont trop faibles et mal utilisés.
Ce projet de loi de ratification vise à gommer quelques anomalies et à améliorer certains fonctionnements, mais sans avancer suffisamment dans la réforme de la formation des élus.
Il fallait néanmoins prendre ces ordonnances, qui, dans la continuité de la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, « afin d’améliorer les conditions d’exercice des mandats et de renforcer les compétences des élus locaux pour les exercer », participent à la refonte nécessaire du droit à la formation des élus.
Ces ordonnances visent à encadrer la formation de manière plus sûre juridiquement et plus soutenable financièrement. Elles visent également à en rendre le contenu plus qualitatif.
Actuellement, comme cela a été rappelé, deux dispositifs existent.
Le premier, instauré en 1992 et financé par les collectivités à hauteur d’un plancher de 2 % des indemnités perçues par les élus, permet le financement de formations liées à l’exercice du mandat. Ce système est largement sous-utilisé, près de deux tiers des collectivités territoriales ne dépensant pas ces crédits budgétés, ou ne les dépensant que très peu, alors que leur consommation est obligatoire.
Le second dispositif, datant de 2015, a instauré un réel droit individuel à la formation des élus locaux, à hauteur de 1 % des indemnités perçues. Destiné initialement principalement à financer des formations liées à la reconversion des élus, il permet des formations en lien, ou pas, avec l’exercice du mandat, et cumulables sur cinq ans.
Les abus des structures de formation sont connus et dénoncés. Celles-ci réalisent une véritable captation du marché de la formation des élus : ainsi, deux organismes ont capté, en 2019, quelque 40 % du financement du DIFE. Il y avait donc urgence à réguler le marché des formations.
J’insiste sur le caractère réel de l’accès à la formation et son égal accès : il existe des inégalités de formation en fonction des territoires, de la taille des communes, mais aussi parfois entre les élus majoritaires et minoritaires.
J’insiste aussi sur la visibilité limitée du montant annuel des droits de formation pour chaque élu, en raison de la méconnaissance du nombre d’élus qui auront recours à ce dispositif. À cet effet, la commission propose d’instaurer une visibilité à trois ans de ces montants dès 2023, ce qui est souhaitable.
La formation est un élément majeur pour l’exercice du mandat de l’élu, mais elle manque de financement. La diminution des coûts grâce à la rationalisation des frais de gestion élevés de la Caisse des dépôts et consignations constituera de ce point de vue une avancée.
Les montants et cumuls envisagés, aujourd’hui insuffisants, détournent clairement le DIFE de l’une de ses fonctions initiales primordiales : aider à la reconversion des élus en fin de mandat. Pour cela, nous demandons et attendons depuis longtemps une vraie loi et un vrai projet sur le statut de l’élu.
Faute d’un contrôle suffisant, le recours généralisé à la sous-traitance a pu priver d’effet bénéfique l’agrément demandé et accordé aux organismes de formation. Le texte vise à imposer de nouvelles obligations et une certification de qualité aux organismes concernés, pour mettre fin aux dérives nuisant à la qualité des formations.
Si les abus sont évidemment à combattre dans la facturation des formations, il convient de s’assurer que les droits des élus permettront un accès réel à ces dernières.
Pour rappel, le coût moyen des formations suivies par les salariés du secteur privé, via le compte personnel de formation, ou CPF, s’établirait autour de 1 200 euros, contre 700 euros pour le montant annuel du DIFE affecté à chaque élu. Notre groupe restera donc vigilant sur l’encadrement financier de cette réforme.
Mes chers collègues, bien que regrettant le recours à l’habilitation, force est de reconnaître que les mesures comprises dans ces ordonnances semblent nécessaires pour sécuriser temporairement la formation des élus, pour la rendre plus accessible et pour en assainir le cadre financier.
Ce n’est qu’un début ; malgré des réserves de fond et de forme, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera ce texte.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, on dénombre sur notre territoire quelque 500 000 élus locaux.
Pour faire face à la complexité et à la technicité croissantes des compétences que requiert l’exercice de leur mandat, mais aussi pour préparer leur retour à une vie professionnelle, la loi a établi deux dispositifs de formation.
Le premier, introduit par la loi du 3 février 1992, dont notre collègue, Jean-Pierre Sueur, alors secrétaire d’État chargé des collectivités locales, est l’auteur, prévoit que les collectivités doivent budgéter chaque année un montant minimum équivalant à 2 % des indemnités dues aux élus, dans le but de financer des formations pour eux en lien avec l’exercice de leur mandat.
Le second, plus récent puisqu’il date de 2015, là encore créé par notre collègue Sueur et vous-même, madame la ministre, instaure un droit individuel à la formation des élus, le DIFE, abondé par les indemnités des élus locaux à hauteur de 1 % et géré par la Caisse des dépôts et consignations.
Il ouvre plus largement droit à des formations non seulement en lien avec le mandat, mais aussi avec une future reconversion professionnelle.
Dans la pratique, et malgré des besoins importants pris en compte par ces dispositifs, il est apparu que ceux-ci n’ont permis qu’à une poignée d’élus de se former, que les communes les plus peuplées concentraient la quasi-totalité des efforts de formation et que le DIFE connaissait une situation déficitaire.
Il était donc nécessaire de refondre le système, afin de garantir effectivement cet accès à la formation indispensable pour tous nos élus.
Aussi, l’article 105 de la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique du 27 décembre 2019 a habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnances dans un délai de neuf mois à compter de la publication de ladite loi.
Un rapport, commandé par les ministres du travail et des collectivités territoriales auprès de l’inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, et de l’inspection générale de l’administration, l’IGA, afin de dresser un bilan des dispositifs existants, et remis en janvier 2020, confirmait ce constat et l’urgence à agir.
Les ordonnances portant réforme de la formation des élus locaux et de ceux des communes de Nouvelle-Calédonie, que nous nous apprêtons à examiner, certes, avec un peu de retard – n’oublions pas que la crise sanitaire a quelque peu bouleversé notre agenda –, viendront faciliter et moraliser l’accès à la formation des élus locaux.
Elles viendront le faciliter, tout d’abord, grâce à la création d’une plateforme numérique permettant aux élus de mieux visualiser leurs droits et les formations auxquelles ils peuvent s’inscrire. Elles le faciliteront aussi grâce à la modification des modalités de calcul du DIFE, comptabilisé dorénavant en euros et non plus en heures, ou encore grâce à la modernisation du recouvrement du fonds du DIFE, qui se fera par un prélèvement à la source des cotisations des élus.
Elles viendront le moraliser, ensuite, en renforçant les prérogatives du Conseil national de la formation des élus locaux et de la Caisse des dépôts et consignations dans la gestion du fonds du DIFE, et le maintien de son équilibre financier, ou encore en instaurant un contrôle plus accru des organismes de formations aptes à délivrer les formations aux élus locaux, afin d’éviter les abus.
Nous nous félicitons de ce que la commission – je souligne la qualité du travail de Mme la rapporteure – ait adopté l’amendement de notre collègue Alain Richard visant à anticiper les problèmes qui auraient pu se poser au moment de la transition.
Cet amendement tend à prévoir que les formations entamées avant le 22 juillet 2021 puissent se dérouler jusqu’à la fin de l’année. L’adoption d’une telle mesure assurera, à n’en point douter, une sortie plus douce du système actuel, tant pour les élus titulaires de droits que pour les organismes de formation.
Je tiens enfin à rappeler ici l’importance de la formation des élus dans les collectivités d’outre-mer, lesquelles, de par leur éloignement géographique, sont, au même titre que les territoires ruraux, confrontés à une ingénierie souvent plus modeste, à des difficultés réelles lorsque la collectivité est récente – je pense, bien évidemment, à mon territoire, Mayotte –, ou encore à une offre de formation moins diversifiée.
Au vu de nos échanges en commission et aujourd’hui en séance, il ne fait aucun doute que ce projet de loi recueillera l’assentiment de tous. En tout état de cause, mon groupe l’adoptera volontiers. (MM. Alain Richard et Jean-Pierre Sueur applaudissent.)
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte est issu de l’habilitation que nous avons accordée au Gouvernement, de façon un peu forcée, il faut bien le dire, lors de l’examen, à la fin de 2019, du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.
Vous êtes aujourd’hui, madame la ministre, en raison de la crise du covid, un peu en retard sur cette réforme, mais elle est enfin là ! Je salue la qualité des échanges que nous avons eus tout au long de sa conception avec les cabinets des ministres, tout d’abord avec celui de Sébastien Lecornu, dont l’action a été déterminante, puis avec le vôtre, depuis le remaniement.
Quelles raisons ont poussé le Gouvernement à réformer le système de la formation des élus locaux, sinon le constat d’un double échec ?
Échec à maintenir les coûts de formation à un niveau raisonnable, avec quelques organismes peu scrupuleux qui ont essoré un système ayant pu faire figure parfois de nouvel eldorado. Le rapport de l’IGA et de l’IGAS a été très explicite en la matière.
Échec également de la Caisse des dépôts et consignations, qui a affiché des dépenses totalement injustifiables et disproportionnées en matière de frais de gestion du fonds de formation, auxquelles s’ajoutent des délais de réponse démesurés, voire des non-réponses.
Madame la ministre, vous avez agi, et c’était nécessaire. Mais vous avez été bien plus loin que l’habilitation. Aussi, revenons-en aux termes de cette habilitation pour étudier votre réforme.
Le premier point concerne l’accès au droit à la formation tout au long de la vie, le compte personnel de formation et la portabilité des droits. La fongibilité entre le DIFE et le CPF ouvre de vraies passerelles entre le parcours d’un élu et son parcours professionnel. Sur ce point, nous ne sommes pas encore parvenus à un véritable statut de l’élu, mais c’est un pas en avant qui est toujours le bienvenu.
Le deuxième objectif de l’habilitation est de faciliter l’accès des élus locaux à la formation, tout particulièrement lors de leur premier mandat. Le point central de la réforme réside dans le passage des droits ouverts en équivalent heures et non plus en euros.
Je ne reviendrai pas sur le détail du calcul, mais j’insisterai sur un point de divergence que j’ai avec votre approche sur la fin du cumul du DIFE d’année en année tout au long du mandat.
Tout ne se joue pas la première année, madame la ministre. J’ai donc du mal à concevoir ce qui ferait obstacle à ce cumul dans le temps. Je prends acte néanmoins de l’amendement que vous avez déposé en séance et qui me semble nature à faire l’objet d’un compromis, en introduisant un plafonnement de ce cumul.
Le troisième point de l’habilitation est le référentiel de la formation et la mutualisation du financement. J’ai soulevé plusieurs interrogations quant à l’adaptabilité de ce référentiel aux problématiques nouvelles qui verront le jour et à sa nécessaire actualisation. Les réponses apportées m’ont plutôt convaincue.
Nous sommes donc dans le difficile équilibre à trouver : d’un côté, poser un cadre pour éviter que le contenu des formations ne dérive et, de l’autre, laisser suffisamment d’ouverture pour faire face aux besoins de formation pointue ou à l’évolutivité des matières traitées par les élus locaux.
Au rang des innovations intéressantes se trouve l’abondement du compte des élus par leurs collectivités, ce qui permet à la collectivité d’honorer son obligation de formation hors DIFE, mais aussi la possible intercommunalisation. En cela, je crois que le Gouvernement répond de façon opérationnelle à nos exigences.
Le quatrième et dernier axe de la réforme est d’assurer la transparence et la qualité des dispositifs de formation, ainsi que de renforcer le contrôle exercé sur les organismes de formation.
Ce point suscite davantage d’interrogations. Quels moyens humains et financiers seront mis en œuvre ? Quelles compétences seront mobilisées ? Je me pose également des questions sur les membres du nouveau conseil d’orientation ou sur la procédure d’attribution et de renouvellement désagréments. Je ne doute pas que vous aurez à cœur de surveiller ces éléments d’alerte.
Pour finir, j’y insiste, la Caisse des dépôts et consignations devra rendre des comptes sur sa gestion. C’est un point dur sur lequel nous ne devons pas céder, chers collègues, compte tenu des leçons du passé.
De plus, j’ai noté l’engagement du Gouvernement sur un délai de réponse de sept jours à propos des dossiers de demande de prise en charge, ce qui est osé dans un contexte où la dématérialisation des procédures ne réglera pas tout, puisqu’un certain nombre d’élus locaux ne sont pas outillés ou connectés.
Mes chers collègues, le groupe du RDSE votera en faveur de cette réforme si nous parvenons aujourd’hui à un compromis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis l’examen de la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, nous avons laissé sur un coin de la table la réforme de la formation des élus. Nous nous retrouvons aujourd’hui autour de la ratification de ces ordonnances, dont les objectifs initialement fixés étaient assez ambitieux.
Le résultat du travail à huis clos du Gouvernement, méthode que nous ne cessons de dénoncer, est néanmoins décevant et risque fort de laisser les élus sur leur faim.
Face aux dysfonctionnements des dispositifs de formation actuels, des réponses fortes étaient attendues. Si nous approuvons plusieurs mesures, nous estimons qu’elles sont insuffisantes, voire qu’elles participent à la confusion.
Le travail en commission, grâce à l’adoption, notamment, de certains de nos amendements, a amélioré le texte en préservant des garanties quant aux droits des élus, comme leur cumulabilité, en donnant à ces derniers une meilleure visibilité, en offrant davantage de transparence ou encore en renforçant les obligations des organismes de formations ajoutées par les ordonnances.
Cela étant, rendre possible des abondements de la part des collectivités ou des élus eux-mêmes pour renflouer le gouffre financier du fonds pour le droit individuel à la formation des élus ne freine pas les inquiétudes.
Comment des communes qui ne respectent déjà pas leur obligation légale de financer la formation de leurs élus pourraient-elles, en plus, financer le DIFE ? Cela ouvre la voie aux inégalités entre les collectivités qui en seront capables et celles qui ne le pourront pas, donc aux inégalités entre élus.
Le principe de l’équilibre financier du DIFE inscrit ici ne pourra être respecté sans moyens nouveaux. Il est déjà déficitaire, alors que, aujourd’hui, moins de 3 % des élus bénéficient du DIFE. Qu’en sera-t-il demain ?
La gestion en euros, et non plus en heures, permettra de limiter les abus des organismes. Mais les élus craignent que les nouvelles règles aient un impact négatif sur leurs droits et sur le montant de leur cotisation.
La rémunération que s’accorde la Caisse des dépôts et consignations pour gérer le DIFE à hauteur de 25 % de l’enveloppe du fonds sera-t-elle revue à la baisse malgré la création de la plateforme numérique ?
Si les ordonnances ne suscitent pas d’avis défavorable, elles soulèvent des interrogations.
Depuis la loi de 1992 relative aux conditions d’exercice des mandats locaux, les compétences des collectivités ont gagné en technicité. C’est pourquoi nous souhaitons réaffirmer le droit à la formation des élus créé par cette loi et nous déplorons que le financement de ce dispositif par les collectivités, qui sont tenues par la loi d’y consacrer entre 2 % et 20 % des indemnités des élus, soit sous-exécuté. Le non-respect de cette obligation touche inégalement les collectivités.
Les communes sont principalement concernées, et plus d’une sur deux n’a engagé aucune dépense de formation en 2018. Mais celles de plus de 200 000 habitants y consacrent 1,9 % des indemnités, contre 0,4 % dans celles de moins de 500 habitants.
Le coût de la formation pour ces petites communes peut se révéler prohibitif. Très souvent, les élus ne souhaitent pas faire passer leur propre formation avant des priorités d’intérêt général.
Pourtant, dans ces petites communes et communes rurales déjà pénalisées par l’insuffisance ou l’absence de services d’ingénierie, les besoins en formation sont plus forts qu’ailleurs. Cette problématique étant ignorée par le texte, nous avons proposé de réparer cet oubli.
En 2015, nous avons créé un second dispositif, le DIFE, financé par une cotisation obligatoire de 1 % des indemnités des élus. Cette voie indépendante de la collectivité permet aux élus de recevoir également des formations sans lien avec leur fonction, donc de favoriser leur réinsertion professionnelle.
Ces deux dispositifs se complètent et sont nécessaires pour démocratiser la fonction d’élu. Sa complexité croissante peut freiner les citoyens à s’engager, d’où la nécessité que les élus soient formés afin de ne pas réserver l’élection aux « élites » et aux technocrates. Parallèlement, la réinsertion professionnelle anticipe l’après-mandat et doit permettre un brassage des représentants politiques.
Nous constatons un déséquilibre entre les deux types de formations permises par ces dispositifs : celles qui sont liées à la reconversion professionnelle sont très peu utilisées et ne représentent que 3 % des demandes au titre du DIFE. Cette tendance est dommageable pour les élus et pour la démocratie.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Michelle Gréaume. En l’état, le texte n’est pas selon nous à la hauteur de ses ambitions. Il aurait mérité un travail incluant davantage le Parlement. Notre groupe préférera donc s’abstenir.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lorsque, en 1992, j’ai présenté ici même, au nom du gouvernement de l’époque, la première loi sur les conditions d’exercice des mandats locaux, j’étais loin d’imaginer que, au siècle suivant et quelques décennies plus tard, je continuerai à parler du même sujet ! (Sourires.)
Cette loi fut fondatrice : auparavant, il n’y avait pas de droit à la formation pour les élus locaux, non plus d’ailleurs que de droit à la retraite. Elle fut un premier pas. Depuis lors, il y en a eu d’autres.
Lorsque l’ancien président du Sénat Jean-Pierre Bel a organisé des états généraux de la démocratie locale, il eut le souci de les faire aboutir. À cette fin, il fit appel à une sénatrice et à un sénateur censés représenter des courants quelque peu différents, mais susceptibles de converger. (Sourires.)
Cela nous permit d’écrire et de faire adopter deux propositions de loi, l’une qui a créé le Conseil national d’évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics, l’autre portant sur les conditions d’exercice des mandats locaux.
Je crois que nous avons bien fait de créer ce droit individuel à la formation. Néanmoins, le réalisme doit nous inciter maintenant à reconnaître que, si le principe est bon, s’il est vraiment nécessaire qu’il y ait des formations servant à l’activité des élus et leur permettant de préparer leur avenir une fois leur mandat achevé, le dispositif doit désormais être beaucoup mieux encadré, pour des motifs financiers évidents et en raison de dérives que nous avons pu constater et qui ont été déjà soulignées.
Cette proposition de loi, madame la ministre, est donc nécessaire, et nous y souscrirons pour l’essentiel, comme nous le manifesterons par notre vote.
J’insisterai, et mon collègue Éric Kerrouche y reviendra également, sur la question de l’agrément des organismes.
En 1992, je n’étais pas partisan que les partis politiques puissent créer des instances de formation. J’étais minoritaire, y compris au sein du Gouvernement, on peut le dire maintenant. Je suis donc attentif au fait que, cela étant désormais possible, il est très important, madame le ministre, que la procédure d’agrément soit extrêmement forte – le rapport de l’IGA et de l’IGAS est à cet égard explicite.
Il faut une très grande rigueur quant aux compétences des organismes, quant à leur gestion, quant à leur indépendance et quant à la qualité et aux coûts de leurs formations.
À cet égard, je ne serais pas choqué que soient prises des décisions de retrait ou de suspension d’un certain nombre d’agréments : il s’agit d’argent public et d’une mission de service public.
Se pose toujours la question du recours relativement faible à la formation. Selon le rapport précité, seulement 3 % des élus suivent une formation chaque année.
Quant au droit à la formation, il est soixante fois plus élevé pour les conseillers régionaux que pour les conseillers municipaux. Pour ce qui est du DIFE, 50 % de la dépense est affectée à la formation de 14 % des bénéficiaires. Ces points doivent donc être réformés.
La démarche dont nous allons débattre est pragmatique. Nous serons vigilants sur la question des filiales, dont nous reparlerons.
Ce pragmatisme, c’est le recours à l’intercommunalité.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Sueur. Je conclus, monsieur le président, vous le voyez bien ! (Sourires.)
En l’état actuel des choses, on ne peut pas demander davantage aux communes. En revanche, la mutualisation opérée de manière souple, telle qu’elle est proposée par les intercommunalités, est une bonne idée. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la question de la formation des élus se dessine quelque peu en clair-obscur. Je précise immédiatement que le groupe Union Centriste soutiendra les dispositions qui nous sont présentées.
Je voudrais en préambule vous remercier, madame la ministre, de votre présentation, mais surtout des efforts que vous avez prodigués afin d’aboutir à ces dispositions. Nous mesurons le travail qui a été réalisé par vous-même et par votre cabinet, que l’on sait très impliqué, et plus généralement la bienveillance et la bonne volonté qui ont présidé à ces travaux. Vous auriez pourtant pu trouver dans le rapport de janvier 2020 de l’inspection générale de l’administration, l’IGA, des éléments propices à moins de bienveillance…
Nous avons bien perçu la convergence de points de vue dans l’intervention de M. le ministre Jean-Pierre Sueur, qui vous a invitée à mieux cadrer les dispositions d’agrément. Il a même eu la courtoisie de nous faire part des réflexions ou des interrogations qui furent les siennes à certains moments, quant aux liens entre les centres de formation et les partis politiques.
Je vous remercie également, madame le rapporteur, de votre travail, de la bienveillance dont vous avez également fait preuve, de votre souci d’associer les nombreuses associations et fédérations d’élus locaux à la réflexion et de votre souhait d’améliorer le texte via deux amendements, sur lesquels Mme la ministre nous a d’ores et déjà indiqué qu’elle émettrait un avis favorable.
En parlant de clair-obscur, je fais tout d’abord référence au mécanisme des ordonnances. Plusieurs intervenants l’ont dit, le Sénat ne les aime pas. Or, dans ce cas précis, j’admets volontiers que vous n’en avez pas abusé, madame la ministre. Le travail réalisé a été très clairement partenarial et s’inscrit bien dans le mandat confié à votre ministère.
On peut parler de clair-obscur, ensuite, pour ce qui concerne la situation financière.
Notre pays est quelquefois étrange… Le Président de la République a parlé d’addiction à la dette ou au déficit. Sans revenir sur le principe du « quoi qu’il en coûte », nous réussissons à créer des déficits à peu près partout : budget de l’État, sécurité sociale, Unédic… Tout cela, vous le savez parfaitement. Pour ce qui est de la formation des élus locaux, un domaine auquel on n’aurait pas pensé spontanément à cet égard, nous avons collectivement accompli la performance d’atteindre un déficit de 24 millions d’euros !
Le clair-obscur s’impose, enfin, quand on considère l’importance du sujet.
On nous a dit à l’instant que seulement 3 % des élus locaux suivaient une formation, ce qui est très étonnant. Nous savons tous, pour avoir participé largement à la vie publique locale, que le besoin de formation est manifestement important, car la technicité des sujets augmente. Les demandes de formation sont pourtant très peu nombreuses.
Lorsque nous organisons des formations ou en favorisons la tenue, au sein des collectivités – cet exercice vous est certainement familier, mes chers collègues –, nous constatons que, en dépit de l’intérêt des sujets retenus, il y a très peu de participants.
J’évoquerai cependant deux exceptions.
La première concerne le DIFE : il existe un fort besoin en termes de reconversion professionnelle.
Pour revenir sur vos propos, madame le rapporteur, ces reconversions professionnelles ne sont pas toujours consécutives à des situations d’échec vécues par des élus déstabilisés parce qu’ils ne peuvent pas poursuivre leur mandat. Ces cas peuvent certes exister, mais on sait aussi que la vie professionnelle bouge beaucoup et que les carrières sont moins linéaires qu’auparavant. Surtout, certains élus locaux ayant découvert dans la vie locale des champs d’intérêt intellectuel qu’ils n’avaient pas encore abordés et qui les passionnent, ils ont envie d’approfondir leurs connaissances.
Dans ce cadre, le DIFE et les dispositifs que vous avez présentés, comme les plateformes, permettent de donner une réponse certes partielle, mais très intéressante.
La deuxième exception concerne les besoins de formations plus classiques. Je suis frappé par l’évolution des demandes au cours de la dernière année, depuis le renouvellement municipal. L’association des maires de mon département m’a ainsi indiqué que le champ des formations avait complètement changé, même s’il était difficile de les dispenser, compte tenu du contexte sanitaire.
Au temps jadis, les élus souhaitaient suivre des formations techniques, budgétaires ou relatives au droit de l’urbanisme. Aujourd’hui, leurs demandes sont totalement différentes, et portent sur des sujets que, à titre personnel, je n’aurais jamais imaginés.
Il peut ainsi s’agir de formations dans les domaines du coaching ou de la médiation, pour répondre à des problèmes que nous connaissons bien au Sénat : les élus locaux se trouvent de plus en plus souvent dans des situations de rencontre frontale avec nos concitoyens ; ils souhaitent donc bénéficier de formations adaptées à la gestion en première ligne des relations avec ces derniers.
Je tiens à saluer les préoccupations de stabilité financière et de transparence qui ont été exprimées. Les orateurs précédents l’ont indiqué : les établissements intercommunaux sont le bon niveau de formation.
Je souligne le souhait de Mme le rapporteur d’améliorer les dispositions présentées au travers de deux amendements, qui devraient recueillir un avis favorable.
Permettez-moi de formuler deux interrogations, sachant que je ne prétends nullement être un spécialiste de ces sujets et que je ne comprends pas toujours la différence marquée existant entre la formation des élus et celle de nos agents. Il conviendrait d’optimiser ce point, car les centres de gestion sont de véritables réservoirs de compétences. D’aucuns en sont spécialistes au sein de la commission des lois.
La séparation opérée entre élus et agents au niveau du CNFPT me choque quelque peu, à la fois, sur le plan technique et au regard de la situation de nos collectivités.
Pour en revenir aux situations de reconversion professionnelle, j’ai bien entendu qu’il y avait une fongibilité entre les fonds. Comment cela fonctionne-t-il entre privé et public ?
La plateforme prévue pour le DIFE est comparable à celle qui existe en matière de formation professionnelle dans le privé. Comment pourra-t-on cumuler, demain, les droits à la formation acquis lors de sa vie de salarié avec ceux qui ont été acquis au titre du DIFE ? Je serai attentif à ce que nos collègues élus aient le maximum de chances de mener à bien la reconversion professionnelle qu’ils souhaitent opérer.
Pour finir, je renouvelle le soutien du groupe Union Centriste au présent texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, chacun sait que la formation est un enjeu essentiel, tant pour les élus que pour les agents territoriaux. Je me réjouis donc que le présent projet de loi vienne ratifier deux ordonnances et apporte une réponse aux difficultés d’un dispositif considéré par beaucoup comme largement insatisfaisant.
Depuis des années, une nouvelle réglementation de la formation des élus locaux était, en ce sens, attendue dans les territoires.
Certes, la loi du 31 mars 2015 visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat a doublé le droit à la formation des élus d’un droit individuel à la formation des élus, le DIFE, financé par un apport de 1 % de leurs indemnités versé à un fonds national géré par la Caisse des dépôts et consignations, la CDC. Il s’agit pourtant d’une évolution insuffisante.
Chacun le sait, les résultats ont été contrastés et limités. Quelques chiffres permettent de l’illustrer : sur le terrain, moins de 3 % des élus locaux suivent annuellement une formation, et les collectivités n’y consacrent en moyenne que la moitié des sommes que la loi les obligerait à budgéter. En outre, si le texte de 2015 a permis un octroi des heures dès le début du mandat, il limitait cependant la prise en charge des frais.
J’ajoute que la réforme de la formation des élus est devenue particulièrement opportune avec l’arrivée de la crise sanitaire, compte tenu des défis que la situation impose aux élus.
De manière générale, l’armature financière globale du système de formation souffre de nombreux dysfonctionnements
Le premier de ces dysfonctionnements se caractérise par une contradiction inhérente entre la réalité de cette organisation financière et la volonté partagée de l’exécutif et du législateur de renforcer l’accès à la formation des élus. À titre d’exemple, la combinaison d’une sous-exécution chronique des dépenses potentielles, non plafonnées, du DIFE et d’une faiblesse du fonds de financement du DIFE, qui est quant à lui plafonné, entraîne une grande fragilité financière.
De nombreux organismes de formation peu scrupuleux ont, par ailleurs, abusé du recours à la sous-traitance. Ces derniers n’opéraient jusqu’à présent pas de contrôle de la qualité des formations dispensées, tout en pratiquant bien souvent des tarifs exorbitants. Cette situation a jeté l’opprobre et le doute sur le principe même de la formation.
Ces abus et dérives ont fragilisé la mission de la CDC, chargée de la gestion du fonds, dont les moyens humains demeurent par ailleurs insuffisants. Cette situation a naturellement suscité un embouteillage de dossiers, en allongeant mécaniquement l’ensemble des délais. Ces difficultés, et bien d’autres, justifient une réforme dont les ordonnances aujourd’hui proposées à la ratification constituent le cadre.
Face aux défaillances constatées du système, les objectifs définis par le législateur étaient déclinés de la façon suivante.
Le premier de ces objectifs visait, entre autres, à « permettre aux élus locaux de bénéficier de droits individuels à la formation professionnelle tout au long de la vie et d’accéder à une offre de formation plus développée, en mettant en place un compte personnel de formation analogue » à celui qui existe en droit commun.
Le deuxième était de faciliter l’accès des élus locaux à la formation.
Le troisième prévoyait de « définir un référentiel unique de formation en s’adaptant aux besoins des élus locaux, en garantissant une offre de formation accessible dans les territoires » – on sait ce qu’il en est des inégalités à cet égard – et de « mutualiser le financement entre les collectivités et leurs établissements publics de coopération intercommunale ».
Le dernier objectif était d’« assurer la transparence et la qualité des dispositifs de formation et renforcer le contrôle exercé sur les organismes de formation des élus locaux ».
Je veux saluer très largement les travaux conduits par la commission des lois, en particulier par Françoise Gatel.
Tout en approuvant la démarche du Gouvernement visant à assainir la situation financière du système et à renforcer les droits des élus, la commission a souhaité, en adoptant quinze amendements, améliorer le dispositif, en vue de renforcer les garanties relatives aux droits des élus à la formation ; d’améliorer la prévisibilité financière du système ; d’affermir le contrôle des organismes de formation et même parfois les rendre effectifs, ce qui est la moindre des choses ; enfin, de préserver les droits acquis à la formation des élus.
Ces amendements tendent à rétablir des équilibres et garanties bienvenus. Ce texte devrait donc nous permettre de franchir une étape importante pour rendre plus opérationnel un véritable droit à la formation des élus, lequel est une condition essentielle du bon exercice de leur mission, mais également une voie indispensable pour favoriser la nécessaire montée en compétences des élus.
Par conséquent, je suis en parfait accord avec le texte proposé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Éric Kerrouche. Tout d’abord, nous ne débattrions pas de ce projet de loi aujourd’hui sans les travaux précurseurs de Jean-Pierre Sueur, datant de 1992, et sans ceux qu’il a menés en 2015 avec vous, madame la ministre, lorsque vous siégiez sur ces travées. Et il continue à sévir… (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Rassurez-vous, cela va bientôt finir ! (Nouveaux sourires.)
M. Éric Kerrouche. On peut décerner un satisfecit global au travail réalisé, notamment par la commission des lois, sur le présent texte. Les orateurs précédents ont souligné les avancées réalisées ; elles sont réelles et s’ajoutent aux améliorations qui avaient été suggérées par Mme le rapporteur Françoise Gatel.
Ces ordonnances montrent que nous sommes arrivés au bout d’un système. Il est nécessaire de mettre en place un véritable statut de l’élu.
Le satisfecit ne saurait être complet. En effet, la réforme a une connotation trop budgétaire. Elle excède pour partie le champ de l’habilitation accordée au Gouvernement par le Parlement. Elle s’inscrit dans la perspective d’un statut de l’élu qui n’existe qu’en creux.
Madame la ministre, je pense que ce texte est en deçà des attentes que vous aviez en tant que sénatrice. Nous pouvons encore faire mieux.
Le questionnaire que nous avions envoyé en 2018 aux élus locaux faisait ressortir deux éléments : tout d’abord, la question de la formation est essentielle pour les élus ; ensuite, ces derniers souhaitent davantage de formations.
J’évoquerai trois points de questionnement et des pistes d’amélioration.
Il faut tout d’abord partir de la sous-utilisation, soulignée par les orateurs qui m’ont précédé, des possibilités de formation et de leur concentration sur quelques élus – en bref des raisons pour lesquelles les dispositions de la loi de 2015 ne s’appliquent pas, ou mal. La sous-budgétisation des collectivités locales traduit également un manque de moyens.
Le DIFE permet de financer un accompagnement à la validation des acquis de l’expérience, la VAE, et au bilan de compétences. Mais il ressort des résultats du questionnaire du Sénat que 83 % des répondants ignoraient cette possibilité…
Plus fondamentalement, la tripartition de l’espace électif n’est pas prise en compte. Il existe en France une opposition entre deux catégories d’élus : les simples conseillers – ce terme n’est pas péjoratif – et les exécutifs, au sein desquels il y a aussi une dualité – d’une part, les maires et adjoints de petites ou moyennes communes, et, d’autre part, les exécutifs des communes les plus grandes.
Qu’observe-t-on ? Les maires ruraux, qui sont au centre des dispositifs dans les petites communes, ne peuvent accéder à une formation qui leur est pourtant très nécessaire, justement en raison de leur manque de moyens et d’ingénierie.
Par ailleurs, le groupe intermédiaire des élus bénéficie de formations techniques très précises, par exemple sur les déchets ou les mobilités. Il aurait été normal de prévoir, pour cette catégorie comme pour celle des exécutifs des collectivités les plus grandes, non seulement une variabilité du prélèvement sur l’indemnité, mais aussi une variabilité du quota d’heures disponibles. À défaut, il n’y aura pas de démocratisation de ce point de vue.
J’en viens à ma conclusion. Dans la sociologie des professions, deux critères permettent de marquer la professionnalisation : tout d’abord, l’exercice d’une activité rémunérée ; ensuite, une formation spécifique pour remplir cette activité.
L’actuel statut de l’élu fait comme si cette formation ne participait pas de la professionnalisation. Il faut rompre avec cette logique et construire, enfin, un statut de l’élu qui permette une véritable professionnalisation et, surtout, je le précise, une authentique démocratisation. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. André Reichardt. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les ordonnances dont ce projet de loi nous propose la ratification étaient largement attendues par les élus locaux. Elles visent juste lorsqu’elles opèrent, à la fois, le renforcement des droits des élus à la formation et l’assainissement budgétaire du fonds DIFE.
Même si le champ de l’habilitation, madame la ministre, ne semble pas avoir été intégralement respecté, la commission des lois a fait le choix d’accepter cette ratification. À titre personnel, j’approuve naturellement cette position. En effet, dès lors que seule une très faible minorité d’élus locaux recourt actuellement au DIFE et que, par ailleurs, le budget du fonds est largement dépassé – il a même explosé –, il convient d’agir rapidement, à la fois sur les dépenses et sur les recettes.
Tel est l’objet de l’ordonnance n° 2021-45, qui prévoit que les droits individuels à la formation seront comptabilisés non plus en heures, mais en euros, afin d’induire une diminution du prix moyen des heures de formation dispensées.
C’est également ce qui est prévu lorsque sont introduites de nouvelles modalités de cofinancement des formations des élus locaux, que ce soit par les collectivités locales, qui pourront abonder le compte DIFE après délibération, ou par les élus eux-mêmes, qui pourront abonder leur compte DIFE de droits issus de leur compte personnel de formation.
S’y ajoutent des dispositifs rénovés de mutualisation des dépenses de formation au niveau intercommunal. C’est très utile pour les petites communes, dont les orateurs précédents se sont tous inquiétés.
Citons aussi la possibilité pour la CDC de consentir, en cas de déséquilibre du fonds DIFE, une avance de trésorerie. Dès lors, on peut assurément envisager avec confiance une meilleure réponse, à l’avenir, à cette légitime attente des élus en matière de formation.
Pour autant, la commission des lois a estimé que le dispositif proposé pouvait encore donner lieu à certaines améliorations. Elle a ainsi décidé, sur la proposition de Mme le rapporteur, de rétablir la possibilité de cumul du DIFE sur toute la durée du mandat des élus, afin de permettre à ceux-ci d’utiliser leurs droits sur plusieurs années.
La commission a également décidé d’élargir les possibilités d’abonder le fonds à l’État, à Pôle emploi, ainsi qu’à d’autres collectivités territoriales, afin de financer au titre du DIFE des formations de réinsertion professionnelle, notamment en fin de mandat.
La commission a enfin permis que les élus locaux puissent s’inscrire, dès la première année de leur mandat, à des modules de formation leur permettant d’acquérir les connaissances indispensables à l’exercice de leur mandat.
Ces modifications, madame la ministre, madame le rapporteur, sont particulièrement bienvenues et adaptées à la situation des élus locaux.
Je reviens sur la dernière modification que j’ai citée : il est très important qu’un élu local en début de mandat puisse bénéficier au plus vite de la formation indispensable à la mise en œuvre de ces nouvelles attributions. Trop souvent par le passé, pour des raisons de méconnaissance ou d’indisponibilité de l’offre de formation, les élus locaux ne bénéficiaient que tardivement des formations nécessaires. Cela peut désormais être corrigé.
De même, à l’approche de la fin du mandat, les élus en quête de réinsertion professionnelle pourront mieux que par le passé profiter, grâce à des financements élargis, de formations individualisées adaptées à leur profil professionnel. Cette dernière possibilité est à mon sens très importante et trouvera sa place dans ce statut de l’élu que nous sommes nombreux à appeler de nos vœux.
Certes, la CDC doit encore mettre en œuvre la plateforme de formation pour les élus, qui permettra un accès dématérialisé et rapide au montant de leurs droits personnels, comme aux formations éligibles. Gageons cependant que cette réforme de la formation, tant attendue par les élus et si légitime, trouvera rapidement son public. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier de vos interventions ; elles témoignent de l’esprit de responsabilité qui nous anime collectivement sur ce sujet.
Le Gouvernement partage avec vous l’objectif de réduction des frais de gestion des dossiers par la CDC.
J’ai bien noté les difficultés rencontrées par les petites communes, dont vous avez tous parlé. C’est pour elles que nous avons prévu la disposition visant à permettre aux EPCI d’apporter une contribution financière.
La procédure d’agrément, cher Jean-Pierre Sueur, sera considérablement renforcée, avec l’introduction d’un critère de régularité de gestion de l’organisme. La CDC pourra également faire part de ses alertes au Conseil national de la formation des élus locaux, le CNFEL, ce qui est très important.
Pour ce qui concerne la formation des agents et des élus, un consensus se dégage pour maintenir deux systèmes distincts de formation, l’un plutôt d’ordre professionnel, l’autre davantage axé sur la mission de responsabilité politique des élus.
Le cumul des droits du DIFE et de ceux du contrat de formation professionnelle sera possible uniquement en vue d’une réinsertion professionnelle. Ce sera très facile : il suffira de faire un clic sur son ordinateur.
Je ne reprendrai pas tout ce qui a été dit lors de la discussion générale. Nous avons mené un travail tout à fait positif avec la commission, dans un esprit d’équilibre. Il était absolument nécessaire de réformer, mais aussi de renforcer l’effectivité de ce droit essentiel pour les élus.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Mes chers collègues, je vous prie de faire preuve de concision, afin que nous puissions achever l’examen du présent texte vers treize heures trente.
projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2021-45 du 20 janvier 2021 et n° 2021-71 du 27 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux
Article 1er
L’ordonnance n° 2021-45 du 20 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux est ratifiée.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, sur l’article.
Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous étudions un texte qui concerne tous les élus.
Je souhaite d’ailleurs y associer ces élus de proximité que sont les 443 conseillers des Français de l’étranger, désignés au suffrage universel direct pour un mandat de six ans par les 2 millions, ou presque, de nos ressortissants établis à l’étranger. Ils siègent dans les conseils consulaires, qui sont en quelque sorte nos conseils municipaux. Répartis sur les cinq continents, ils demeurent des élus de la République attachés à l’exercice de leur mandat.
La formation n’est pas seulement utile ; elle est essentielle pour nos élus locaux, d’autant que nombre d’entre eux siégeront pour la première fois en juin prochain.
Le législateur a prévu en 1992 le financement par les collectivités des formations demandées par les élus. Le droit individuel à la formation des élus, le DIFE, introduit en 2015 et ouvert à tous les élus, indemnisés ou non, donne droit à vingt heures de formation par an.
Ce droit individuel vise non seulement à perfectionner les connaissances des élus en tant que tels, mais aussi à acquérir des savoirs spécifiques, précieux dans l’exercice du mandat. Tout cela a été rappelé par les orateurs précédents.
L’article 24 du décret du 18 février 2014 relatif aux conseils consulaires à l’Assemblée des Français de l’étranger et à leurs membres prévoit que les conseillers des Français de l’étranger reçoivent une formation pour couvrir l’ensemble de leurs domaines de compétence, avec un accès aux actions de formation organisées localement au bénéfice des personnels diplomatiques et consulaires.
Pourtant, ce décret ne semble pas suffisamment appliqué depuis six ans. En effet, les élus se sont plaints régulièrement de ne pas avoir eu accès à une formation, la majorité des postes diplomatiques semblant ignorer que cette possibilité doit leur être offerte.
Ce dispositif a été renforcé dans le cadre de la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, qui, dans son article 111, prévoit également pour les conseillers des Français de l’étranger un droit à une formation adaptée à leurs fonctions.
Ces formations, pilotées par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, devraient être organisées à distance ou lors des sessions de l’Assemblée des Français de l’étranger. Au vu du renouvellement qui aura lieu en mai 2021, il serait bon qu’elles puissent leur être offertes au plus tard à la rentrée prochaine.
Je voudrais également souligner la nécessité de prévoir des formations accessibles à tous, qui soient dispensées en présentiel dès que cela sera possible, afin que les conseillers puissent interagir avec leurs formateurs et leur poser des questions.
Cependant, j’imagine que ces élus ont aussi droit, comme tous les élus de la République, à des formations dispensées par tout autre organisme de formation agréé. J’ai beaucoup de mal à comprendre pourquoi les conseillers des Français de l’étranger seraient les seuls élus à ne bénéficier que d’une seule formation, dispensée par une seule administration. Affaire à suivre, donc !
M. le président. La parole est à M. Christian Klinger, sur l’article.
M. Christian Klinger. Madame la ministre, la mise en place du droit individuel à la formation des élus a été une très bonne initiative dont je vous félicite encore, ainsi que Jean-Pierre Sueur. Chaque élu a pu avoir accès à une formation destinée à l’aider dans l’exercice de ses fonctions. Néanmoins, le DIFE a suscité des abus, qui sont à l’origine des modifications que vous proposez.
Le problème de ce projet de loi est qu’il renvoie à des ordonnances dont nous ne maîtrisons pas le contenu. Comme c’est le Gouvernement qui tient la plume, il pourra en écrire et réécrire les différentes dispositions au fil du temps…
J’ai l’impression que ce sont les petites associations locales d’élus, et non les grandes structures de formation, qui vont payer les frais des nouvelles mesures correctives.
En effet, un certain nombre d’associations départementales de maires organisent, pour le compte de leurs membres – maires, adjoints, conseillers municipaux –, des formations adaptées aux besoins qui se font ressentir sur le terrain : c’est de l’artisanat, du cousu main, du « mijoté », bref de la formation aux petits oignons, et cela pour des coûts très nettement inférieurs à ceux qui se pratiquent dans les grands cabinets.
Comme ces formations sont adaptées, elles rencontrent un grand succès et sont bien suivies, à la plus grande satisfaction des élus. Former des élus en nombre avec des coûts maîtrisés : les associations départementales des maires savent le faire.
Certes, toutes les associations départementales ne dispensent effectivement pas de formations, mais il faut préserver celles qui le font, parce qu’elles le valent bien et parce qu’elles le font bien. Mon impression est que l’on veut, et c’est un peu un mal français, de nouveau tout recentraliser autour de grands cabinets ou de grandes structures, alors que, localement, on sait faire mieux et avec moins.
Pour l’Association des maires du Haut-Rhin que je préside, il est tout de même plus simple de faire appel à un avocat strasbourgeois qui connaît le droit local qu’à un avocat parisien aussi « agrémenté », labellisé ou certifié qu’il soit…
Nos associations d’élus ont leurs agréments et elles sont contrôlées. Chaque élu disposait d’un quota de vingt heures de formation. Encadrer le prix de l’heure de formation est une très bonne chose, qui aurait dû être faite dès le départ, ce qui aurait peut-être permis d’éviter certains abus.
Pour résumer rapidement mon propos, madame la ministre, faites confiance aux associations départementales de maires dans votre réforme de la formation des élus locaux. N’y allez ni trop vite ni trop fort ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, sur l’article.
Mme Michelle Gréaume. La confusion entre les deux dispositifs est entretenue dans les ordonnances, ce qui ne permet pas de sortir des difficultés.
C’est la raison pour laquelle nous voulons conforter le financement lié à l’application de la loi de 1992, tout en renforçant le DIFE et le rôle du Conseil national de la formation des élus locaux. Nous reviendrons sur ces sujets via nos amendements, mais les propositions du Gouvernement nécessitent d’être encadrées par des garanties.
Enfin, nous ne comprenons pas que notre amendement visant simplement à consacrer les deux voies de formation ait été déclaré irrecevable, alors qu’il ne tendait pas à créer de nouvelles charges.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 6 rectifié, présenté par M. Klinger, Mme Belrhiti, MM. Burgoa, Courtial, Paccaud et Pellevat, Mme Deromedi, MM. Cardoux et Meurant, Mmes Dumont et Noël, MM. Bonhomme et Lefèvre, Mmes Deroche et Lassarade, MM. Milon, Mouiller, Laménie, Rapin et Brisson, Mme Muller-Bronn, MM. Savary, Rietmann, Perrin et D. Laurent, Mmes Garnier et Drexler, MM. Bouchet, B. Fournier, Rojouan et Sautarel, Mme Gosselin, M. Cuypers et Mme Gruny, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au second alinéa du I de l’article L. 1221-4 du code général des collectivités territoriales, les mots : « à un montant fixé par décret » sont remplacés par les mots : « à un seuil fixé à 200 000 euros ».
La parole est à M. Christian Klinger.
M. Christian Klinger. Cet amendement vise à fixer à 200 000 euros le seuil pour les organismes titulaires d’un agrément qui exercent une activité de formation.
L’objectif est de ne pas renvoyer à un décret la fixation de ce montant qui, d’après ce que nous entendons dans nos associations départementales et à l’AMF (Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité), pourrait être de 100 000 euros. Ce montant pénaliserait les petites structures comme les associations départementales. En effet, au-delà de ce seuil, il faudrait obtenir une certification dont nous ne connaissons pas les modalités.
Je le rappelle, madame la ministre, les associations départementales d’élus qui organisent de la formation ont reçu un agrément après avis du Conseil national de la formation des élus locaux, et elles sont suivies par votre ministère.
Mon amendement tend à promouvoir le rôle des associations départementales dans la formation des élus locaux, car celles-ci jouent un rôle important en matière de formation sur le terrain.
C’est aussi un message que nous vous adressons : nous sommes 33 sénateurs à avoir cosigné cet amendement en vingt-quatre heures, ce qui n’est pas anodin. Le sujet est réel, et le mécontentement gronde dans les associations départementales d’élus, comme en témoignent les appels téléphoniques passés entre les directeurs et les présidents.
Certes, vous avez en face de vous l’AMF, mais il me semble que celle-ci a quelque peu oublié en chemin nos associations…
M. Christian Klinger. Néanmoins, si d’aventure dans votre décret apparaissait le montant de 200 000 euros pour les associations départementales d’élus, madame la ministre, il est certain que mon amendement s’autodétruirait… Ce n’est donc pas Mission impossible pour vous ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Mon cher collègue, vous rendez hommage à raison aux associations départementales de maires – Antoine Lefèvre les a évoquées, et j’ai moi-même eu le bonheur d’en présider une –, qui se sont engagées dans la mise en place de formations pour les élus. Nous reconnaissons ce qu’elles ont fait, et notre travail a été conduit en étroite concertation avec les associations d’élus.
S’agissant de la notion de seuil, le Sénat n’aime pas, un peu par religion je dois le reconnaître, fixer des seuils, parce que ces seuils paraissent trop ingénieux pour être pertinents dans le temps. Nous ne disposons pas aujourd’hui d’étude d’impact nous permettant de dire si le seuil doit être de 200 000 ou de 100 000 euros. Cela doit être fixé non pas dans la loi, mais de manière réglementaire.
Je sais qu’un travail très étroit de concertation est mené entre le Gouvernement et les associations d’élus, comme me l’a confirmé l’AMF, et je ne doute pas que ce qui doit être élaboré au niveau réglementaire le sera de manière constructive.
Sachez que je suis très sensible à votre amendement, que je considère comme un amendement d’appel, pour reconnaître collectivement que les associations de maires ont, si je puis dire, une nature de formatrices.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, sinon l’avis sera défavorable. Néanmoins, je tiens à exprimer une nouvelle fois ma gratitude aux élus locaux pour leur engagement sur ce sujet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Mme la rapporteure et moi-même – nous sommes d’ailleurs toutes deux d’anciennes présidentes d’associations de maires – allons continuer la concertation, pour fixer le montant qui figurera dans le décret que je vais publier. Comme vous l’avez dit dans votre première intervention, monsieur le sénateur, nous faisons confiance aux élus locaux, auxquels je prête une grande attention.
Par ailleurs, j’ai effectivement déjà eu des discussions avec l’AMF, et je ne puis croire que vous n’ayez pas été consulté.
Enfin, je voulais vous faire remarquer que, lorsque la loi fixe des seuils, des chiffres ou des dates, cela pose toujours des problèmes. Par exemple, si la date des élections est fixée dans la loi – vous voyez à quoi je fais allusion ! –, il faut revenir dessus… Et si l’on fixe des seuils, il faut les modifier régulièrement.
La sagesse consiste donc plutôt à prévoir que le seuil relève du domaine réglementaire et qu’il sera fixé par décret, ce qui offre davantage de souplesse, permet la négociation et d’éventuelles adaptations ultérieures.
Par conséquent, si vous pouviez retirer votre amendement, cela nous ferait très plaisir !
M. le président. Monsieur Klinger, l’amendement n° 6 rectifié est-il maintenu ?
M. Christian Klinger. Être dans le dialogue, ce n’est pas Mission impossible… L’amendement s’autodétruit donc, puisque je le retire, monsieur le président ! (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 6 rectifié est retiré.
L’amendement n° 4, présenté par Mmes Gréaume, Cukierman, Assassi, Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l’article L. 2123-14-1 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant prévisionnel des dépenses de formation ne peut être inférieur à 2 % du montant total des indemnités de fonction qui peuvent être allouées aux membres du conseil municipal des communes membres ayant transféré la compétence. Le montant réel des dépenses de formation ne peut excéder 20 % du même montant. L’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre fixe le montant entre ces deux seuils et fait connaître sa base de calcul. »
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Le Gouvernement propose dans ces ordonnances de favoriser la mutualisation du droit à la formation des conseillers municipaux au niveau des intercommunalités. Plus précisément, l’article 7 de l’ordonnance n° 2021-45 renforce les possibilités et obligations de délibération des EPCI en matière d’exercice du droit à la formation.
Ces dispositions ont pour but d’encourager la fixation d’orientations communes et la mise en commun d’outils, ainsi que la participation financière à ces formations liées à l’exercice du mandat.
Face aux difficultés que rencontrent de nombreuses communes pour répondre à leurs obligations en matière de droit à la formation des élus, la mutualisation peut être une solution, notamment d’un point de vue financier.
Rappelons que, dans une commune de moins de 2 000 habitants, la dépense moyenne par élu n’atteint que 9 euros par an, contre 376 euros dans une commune de plus de 100 000 habitants. Nous le répétons, des solutions doivent être trouvées pour résoudre ce paradoxe inéquitable et anti-redistributif, qui dessert les petites communes.
Les mairies ont déjà la possibilité de transférer à l’EPCI leur compétence en matière de formation, mais elles le font très rarement. Cette mutualisation peut permettre de rassembler les élus autour d’enjeux partagés dans une dynamique collective et de rencontre, mais les relations entre EPCI et communes et la « confiance » des élus envers ces structures risquent de freiner ce mouvement.
Comme nous l’avons relevé dans le rapport sénatorial sur l’exercice des mandats locaux, les élus sont prudents et craignent une régression de leurs droits en l’absence de dispositions législatives claires sur le mode de calcul du budget « formation » en cas de mutualisation.
Nous proposons donc, par cet amendement, de sécuriser juridiquement les modalités financières de mutualisation, en reprenant les règles prévues pour les communes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je remercie Michelle Gréaume de son amendement : elle connaît bien le sujet, puisqu’elle a contribué avec Antoine Lefèvre et François Bonhomme au rapport de la délégation.
L’amendement est intéressant, car il vise à mettre en avant l’intérêt de la mutualisation de la formation qui a été évoquée par nos collègues Philippe Bonnecarrère et Raymonde Poncet Monge. En effet, comment permettre au maximum d’élus, notamment des plus petites communes, d’avoir accès à la formation ? Dans cette perspective, la mutualisation au sein de l’intercommunalité est intéressante, me semble-t-il.
Cela me permet de vous encourager, madame la ministre, à continuer de faire œuvre de souplesse, comme nous le recommandons au Sénat, en imaginant des mutualisations qui ne nous condamnent pas à des transferts obligatoires de compétences. En effet, nous sommes convaincus ici, au Sénat, et nous ne désespérons pas de vous convaincre prochainement que ces transferts ne sont pas forcément l’alpha et l’oméga.
Dans la proposition que vous formulez, ma chère collègue, vous évoquez le cas dans lequel les communes décident de transférer à l’intercommunalité leur compétence.
Dans ce cas, mais nous demanderons confirmation à Mme la ministre, la loi prévoit qu’il y a transfert des obligations. L’intercommunalité devra donc inscrire des dépenses d’un montant équivalent à celles des communes, c’est-à-dire entre 2 % et 20 % des indemnités de fonction. L’amendement est donc satisfait par la loi, mais vous serez peut-être davantage convaincue si Mme la ministre vous confirme mon propos.
La mutualisation sous toutes ses formes, notamment par des groupements de commandes, permettra effectivement de diminuer les coûts et d’augmenter le nombre d’élus qui auront accès à la formation.
Je demande donc le retrait de cet amendement, puisqu’il est satisfait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je confirme tout à fait le propos de Mme la rapporteure.
Deux solutions se présentent : soit la compétence est transférée, et les intercommunalités sont soumises aux mêmes obligations de financement que les communes ; soit elle ne l’est pas, et l’EPCI peut alors participer au financement de la formation des élus communaux.
Madame la sénatrice, il me semble que vous pouvez retirer votre amendement.
M. le président. Madame Gréaume, l’amendement n° 4 est-il maintenu ?
Mme Michelle Gréaume. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 4 est retiré.
L’amendement n° 3, présenté par Mmes Gréaume, Cukierman, Assassi, Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article 10 de l’ordonnance n° 2021-45 du 20 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux est ainsi rédigée : « Ce conseil est composé de personnalités qualifiées et, pour moitié au moins, d’élus locaux représentatifs de la diversité politique et de l’ensemble des collectivités. »
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Le Conseil national de la formation des élus locaux, le CNFEL, est l’organe consultatif qui s’est vu confier le soin de définir les orientations des formations proposées aux élus. Cette instance régule le marché de la formation, en donnant un avis sur les décisions ministérielles d’agrément délivré aux organismes de formation.
La présente ordonnance renforce le rôle du CNFEL, et les ajouts de la commission des lois le confortent également en encadrant ses nouvelles missions. Le Conseil devra notamment s’assurer de l’équilibre financier du fonds DIFE, formuler des propositions au Gouvernement pour le rétablir, puis donner un avis assez contraignant sur le projet de rétablissement de l’équilibre financier.
Nous espérons que cette amélioration apportée par la commission demeurera dans le texte, tout comme la formulation de prévisions du montant des droits des élus. Nous tenons également au caractère public du rapport annuel qu’il devra établir sur la formation et sur la gestion du DIFE.
Alors que le CNFEL gagne en importance, nous sommes étonnés que le Gouvernement ait profité de la réécriture législative du rôle de cette instance pour supprimer la disposition prévoyant que le Conseil était composé au moins pour moitié d’élus locaux.
Nous proposons donc, par cet amendement, le rétablissement de cette précision : il nous semble important que le Conseil conserve cette parité entre personnalités qualifiées et élus.
Nous en profitons également pour rappeler dans la loi que les membres du Conseil doivent représenter le pluralisme politique et l’ensemble des collectivités territoriales, afin d’y assurer au mieux la représentation de tous les élus locaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Ma chère collègue, vous évoquez la nécessité de représenter l’ensemble des collectivités dans leur diversité.
Il s’agit des différentes catégories de collectivités, mais aussi des diverses tailles de ces dernières, sans oublier que, en plus des territoires métropolitains, il faut représenter les territoires d’outre-mer. Ce sont les associations d’élus qui sont chargées de la désignation des membres, comme c’est habituellement le cas.
Vous demandez également que le pluralisme politique soit représenté, ce qui me pose problème. Vous le savez, dans la plupart des communes de France, les élus sont sans étiquette politique et ne veulent surtout pas en avoir. L’exercice me semble donc difficilement réalisable, même si je souscris comme vous à la nécessité de représentation des équilibres entre familles politiques dans les organismes.
Il appartiendra donc à chaque famille politique d’être très attentive et d’éveiller, si cela était nécessaire, l’attention des associations d’élus à cette représentativité politique.
Le reste de votre amendement est satisfait, mais ce point n’est pas acceptable, car il est techniquement infaisable. Je vous remercie de ce rappel à l’ordre, si je puis dire, mais je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, sinon l’avis de la commission sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Mes arguments sont exactement les mêmes que Mme la rapporteure. J’en ajoute simplement un qu’elle ne pouvait donner : je m’engage formellement à prévoir un pourcentage de 50 % d’élus dans le décret que je prendrai.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
M. le président. Madame Gréaume, l’amendement n° 3 est-il maintenu ?
Mme Michelle Gréaume. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 3 est retiré.
Article 1er bis (nouveau)
À l’intitulé du titre IV de l’ordonnance n° 2021-45 du 20 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux, le mot : « disposition » est remplacé par le mot : « dispositions ». – (Adopté.)
Article 1er ter (nouveau)
La première phrase du premier alinéa des articles L. 2123-12-1, L. 3123-10-1, L. 4135-10-1, L. 7125-12-1 et L. 7227-12-1 du code général des collectivités territoriales est complétée par les mots : « , cumulable sur toute la durée du mandat ».
M. le président. L’amendement n° 7, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après le mot :
mandat
insérer les mots :
dans la limite d’un plafond
La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, votre commission a souhaité rétablir de manière explicite le caractère cumulable des droits accordés annuellement aux élus dans le cadre du DIFE. Je le comprends parfaitement, mais ce principe doit être concilié avec l’objectif de pérennité financière du DIFE.
C’est pourquoi le Gouvernement propose que le montant global des droits cumulables puisse être plafonné, comme c’est d’ailleurs le cas pour le compte personnel de formation.
Ce plafond permettra d’éviter que les droits accordés annuellement aux élus ne soient réduits par anticipation des dépenses importantes qui pourraient découler de la consommation en fin de mandat des droits accumulés.
Permettez-moi d’illustrer ce qui pourrait se produire si vous ne prévoyez pas un tel plafonnement. Supposons que le nombre d’élus bénéficiaire du DIFE demeure, comme en 2020, autour de 13 000 élus et que l’enveloppe accordée annuellement aux élus s’élève à 700 euros. Au bout de six ans, la consommation des droits accumulés par ces 13 000 élus susciterait une dépense annuelle de plus de 54 millions d’euros, alors que les recettes du fonds s’élèvent à 16 millions par an.
Cet exemple montre qu’il est nécessaire de prévoir un plafonnement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. C’est un point sur lequel nous avons, je le crois, cheminé de manière exigeante et positive.
Au départ, l’ordonnance n’intégrait pas le cumul des droits acquis chaque année. Il nous a semblé que cet oubli devait être bien involontaire et commis à l’insu de tous ! Mais la vigilance du Sénat est bien connue, et notre attention a été attirée par ce sujet.
Comme dans le droit commun, il doit y avoir un cumul des droits, puisque ces derniers sont acquis. Toutefois, comme nous l’avons dit précédemment, et comme l’a indiqué Mme la Ministre, nous devons faire preuve, même si c’est à regret, de responsabilité sur ce sujet.
Aujourd’hui, nous essayons d’assainir une situation très difficile. Il serait dommage que nous ne fassions pas preuve de la même responsabilité en ne sécurisant pas la fin du dispositif.
En effet, je le rappelle, tous les six ans, la fin des mandats donne lieu à une sorte de bulle de crise, avec une forte augmentation des demandes de fonds. Dans six ans, ceux qui parleront de ce sujet ne pourraient que nous en vouloir d’avoir été quelque peu inconséquents…
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement. Toutefois, j’attire l’attention du Gouvernement sur le plafonnement qu’il introduit. J’entends la notion de préservation de l’intérêt des élus, et je remercie Mme la ministre d’avoir accepté de présenter cet amendement, mais il faut que ce soit un vrai plafond, et non un plancher de plafond, si j’ose dire. Ce sera l’épisode suivant…
Je le répète, par souci de responsabilité, j’émets un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er ter, modifié.
(L’article 1er ter est adopté.)
Article 1er quater (nouveau)
Le second alinéa du 3° du I de l’article 6 de l’ordonnance n° 2021-45 du 20 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux est ainsi modifié :
1° Au début, est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Pour assurer le financement d’une formation, le droit individuel à la formation peut être complété, à la demande de son titulaire, par des abondements en droits complémentaires qui peuvent être financés par les collectivités territoriales selon les modalités définies aux articles L. 2123-12, L. 3123-10, L. 4135-10, L. 7125-12, L. 7227-12 du présent code. » ;
2° Au début de la seconde phrase, les mots : « Il peut également contribuer à son financement » sont remplacés par les mots : « Son financement peut être complété, à sa demande, par un abondement complémentaire de l’État, de Pôle Emploi ou d’une autre collectivité territoriale, ou » ;
3° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Ces abondements complémentaires n’entrent pas en compte dans les modes de calcul du montant des droits individuels à la formation des élus définis au premier alinéa du présent article. »
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par Mme Gatel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 4
Remplacer les mots :
des droits individuels
par les mots :
du droit individuel
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. La présentation de cet amendement me donne l’occasion d’apporter des réponses aux questions posées par nos collègues André Reichardt et Philippe Bonnecarrère, car ces réponses existent, et elles sont satisfaisantes.
On l’a dit, le droit individuel à la formation, qui est à la main de l’élu, peut être abondé de différentes manières, qui sont cumulables.
La collectivité peut décider d’abonder les droits de l’élu dès lors qu’elle a pris une délibération pour fixer le cadre de son intervention, et cela, pour répondre à Philippe Bonnecarrère, afin qu’il y ait une transparence totale et qu’aucun élu, parce qu’il serait de l’opposition ou subirait les humeurs du maire, ne soit écarté du dispositif. Les droits acquis à titre personnel en vertu de son activité professionnelle peuvent également abonder le dispositif.
Je le rappelle, le compte personnel de formation, pour tous les salariés en droit commun, est géré par le ministère du travail. Il faut trouver un moyen de coordination qui permette d’éviter qu’une autre organisation n’intervienne en complément.
Je confirme que ce sera bien le cas grâce à cet amendement rédactionnel : il s’agit, pour l’essentiel, d’une histoire de tuyaux, car nous souhaitons que le dispositif soit le plus simple et le plus efficace possible.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er quater, modifié.
(L’article 1er quater est adopté.)
Article 1er quinquies (nouveau)
Après le huitième alinéa de l’article 8 de l’ordonnance n° 2021-45 du 20 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le Conseil national de la formation des élus locaux mentionné à l’article L. 1221-1 formule chaque année des prévisions triennales sur les perspectives financières et les conditions de l’équilibre financier du fonds pour le financement du droit individuel à la formation, qui incluent une estimation prévisionnelle du montant annuel des droits que les élus acquièrent. »
M. le président. L’amendement n° 9, présenté par Mme Gatel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
1° Remplacer les mots :
Après le huitième alinéa
par les mots :
Le 3°
2° Remplacer les mots :
, il est inséré
par les mots :
est complété par
II. – Alinéa 2
Après les mots :
à la formation
supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er quinquies, modifié.
(L’article 1er quinquies est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er quinquies
M. le président. L’amendement n° 10 rectifié, présenté par Mme Gatel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 1er quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La première phrase du premier alinéa des articles L. 2123-12-1, L. 3123-10-1, L. 4135-10-1, L. 7125-12-1, et L. 7227-12-1 du code général des collectivités territoriales, dans leur rédaction issue de l’article 6 de l’ordonnance n° 2021-45 du 20 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux, est complétée par les mots : « dont le montant annuel est arrêté pour une période de trois ans ».
II. – Le premier alinéa de l’article L. 121-37-1 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie est ainsi modifié :
1° Après le sigle : « CFP », sont insérés les mots : « , dont le montant annuel est arrêté pour une période de trois ans. » ;
2° Le mot : « et » est remplacé par les mots : « Il est ».
III. – Le quatrième alinéa de l’article L. 1621-3 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de l’article 8 de l’ordonnance n° 2021-45 du 20 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux, est ainsi modifié :
1° Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Cet équilibre est apprécié sur une période de trois ans. » ;
2° Au début de la deuxième phrase, les mots : « garantir cet équilibre » sont remplacés par les mots : « le garantir ».
IV. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2023.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cet amendement vise à répondre à une demande que nous avons formulée les uns et les autres sur toutes les travées, afin de garantir de la visibilité s’agissant du fonds de formation et des droits des élus.
Nous estimons que cette visibilité est nécessaire pour les élus et les collectivités, mais aussi pour les organismes de formation, lesquels sont, je le rappelle, des entreprises qui doivent avoir être assurées de quelque sécurité.
Toutefois, là encore pour les mêmes motifs que précédemment, c’est-à-dire la raison et la responsabilité, nous considérons que la prévision triennale qui sera réalisée par le CNFEL, composé pour moitié d’élus comme vient de le confirmer Mme la ministre, ne pourra se faire de manière sérieuse qu’à partir de 2023.
Nous sommes en 2021 et nous avons récupéré cette année un déficit de près de 24 millions d’euros. En 2023, nous devrions être au début du régime de croisière, et le CNFEL sera alors en mesure d’élaborer des prévisions triennales.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je suis tout à fait d’accord pour une telle visibilité triennale.
J’émets donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er quinquies.
L’amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Wattebled, Decool, A. Marc, Guerriau et Chasseing, Mme Paoli-Gagin, MM. Verzelen, Menonville et Capus, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Daubresse, Longeot et Bonhomme, Mme Borchio Fontimp, M. Lefèvre, Mme Saint-Pé, MM. Milon, Laménie et Klinger, Mme Dumont et M. Houpert, est ainsi libellé :
Après l’article 1er quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la troisième phrase du onzième alinéa de l’article 8 de l’ordonnance n° 2021-45 du 20 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Sans préjudice des dispositions du présent article, le Conseil national de la formation des élus locaux mentionné au même article L. 1221-1 formule une proposition de montant minimum garanti de la valeur des droits individuels à la formation. »
La parole est à M. Dany Wattebled.
M. Dany Wattebled. Le retour à l’équilibre d’un fonds déjà déficitaire à hauteur de 25 millions d’euros en 2020 peut entraîner une baisse substantielle de la valeur des droits à la formation dont disposent les élus locaux si des garanties ne sont pas fixées.
La commission a apporté des ajouts salutaires concernant la mise en place d’une prévision triennale de la valeur des droits et la primauté des propositions du CNFEL, sauvegardant la valeur des droits et la stabilité des cotisations.
Mme la rapporteure porte également un amendement visant la fusion triennale des droits. Cette disposition est tout à fait salutaire.
La proposition que je défends représente un complément aux améliorations déjà apportées ou proposées. Cet amendement tend à charger le CNFEL de l’établissement d’un montant minimum à valeur consultative, qui serait fixé en fonction des besoins des élus, et non des moyens du fonds.
En définitive, ce seuil servirait d’objectif à atteindre en matière de droits élaborés par le CNFEL, auquel sa composition permet de représenter les attentes des élus locaux.
Cette proposition d’un montant minimum garanti serait communiquée au ministère chargé des collectivités territoriales, afin que celui-ci en tienne compte dans le cumul annuel des droits. Elle viendrait s’ajouter aux apports de la commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Mon cher collègue, vous souhaitez, comme nous, vous assurer d’une certaine prévisibilité.
Nous sommes allés dans cette direction en faisant preuve de raison dans les souhaits que nous avons formulés. Je reprends ce que vous avez évoqué au moment de la discussion générale et dont nous avons beaucoup parlé : il faut aussi que la Caisse des dépôts et consignations, la CDC, contribue de manière efficace à l’optimisation du fonds.
Avec la facilité d’accès apportée par la plateforme – chaque élu va pouvoir gérer sa situation – et le référentiel, on ne peut pas considérer aujourd’hui des frais de gestion de 20 % comme acceptables.
Je compte aussi sur vous, madame la ministre, pour que cet acteur important de la formation qu’est la CDC optimise sa participation, car il en est certainement capable.
Mon cher collègue, je considère que votre amendement est satisfait. J’en sollicite donc le retrait ; sinon, l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Wattebled, l’amendement n° 5 rectifié est-il maintenu ?
M. Dany Wattebled. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 5 rectifié est retiré.
Article 1er sexies (nouveau)
Avant la dernière phrase du onzième alinéa de l’article 8 de l’ordonnance n° 2021-45 portant réforme de la formation des élus locaux, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le Conseil national de la formation des élus locaux privilégie les propositions qui n’ont ni pour objet ni pour effet de diminuer la valeur des droits que les élus acquièrent ou d’augmenter le montant de leurs cotisations. » – (Adopté.)
Article 1er septies (nouveau)
La dernière phrase du onzième alinéa de l’article 8 de l’ordonnance n° 2021-45 du 20 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux est remplacée par trois phrases ainsi rédigées : « Ces propositions sont transmises au ministre chargé des collectivités territoriales, qui les prend en compte dans l’élaboration d’un projet de rétablissement de l’équilibre financier, soumis pour avis au Conseil national de la formation des élus locaux. Lorsque celui-ci émet un avis défavorable sur tout ou partie de ce projet, le ministre transmet un projet modifié ou des informations complémentaires en vue d’une seconde délibération. Lorsque le Conseil national de la formation des élus locaux a rendu un avis favorable sur l’ensemble du projet ou à l’issue de cette seconde délibération, le ministre arrête les mesures nécessaires au rétablissement de l’équilibre financier du fonds dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État. » – (Adopté.)
Article 1er octies (nouveau)
Le septième alinéa de l’article 9 de l’ordonnance n° 2021-45 du 20 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux est ainsi modifié :
1° À la première phrase, après le mot : « dispose », sont insérés les mots : « et des abondements dont il peut bénéficier » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Au moins une fois par an, le gestionnaire du service dématérialisé informe, par l’intermédiaire du système d’information du compte personnel de formation, les élus locaux disposant d’un tel compte de l’existence du droit individuel à la formation des élus locaux, dans des conditions définies par décret. » – (Adopté.)
Article 1er nonies (nouveau)
Après le huitième alinéa de l’article 9 de l’ordonnance n° 2021-45 du 20 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sont accessibles aux titulaires de droits individuels à la formation, dès la première année de leur mandat et gratuitement, sur ce service dématérialisé des modules de formations élémentaires nécessaires à l’exercice de leur mandat. Les modalités d’inscription et le contenu de ces formations sont définis par décret. »
M. le président. L’amendement n° 11, présenté par Mme Gatel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
de droits individuels à la formation
par les mots :
desdits droits
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. Les dispositions de notre amendement n° 2, qui a été jugé irrecevable, allaient plus loin et complétaient l’article en instaurant une formation pour l’ensemble des conseillers municipaux, dès la première année.
La loi prévoit que seuls les élus ayant reçu une délégation sont concernés. Je le regrette fortement, car de nombreuses communes ont du mal à trouver des candidats aux élections, notamment parce que l’on demande toujours plus de technicité aux élus.
Je déplore que notre amendement ait été recalé.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er nonies, modifié.
(L’article 1er nonies est adopté.)
Article 1er decies (nouveau)
La cinquième phrase du troisième alinéa de l’article 10 de l’ordonnance n° 2021-45 du 20 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux est complétée par les mots : « et participe aux réunions du conseil avec voix consultative ». – (Adopté.)
Article 1er undecies (nouveau)
La dernière phrase du quatrième alinéa de l’article 10 de l’ordonnance n° 2021-45 du 20 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux est complétée par les mots : « et rendu public ». – (Adopté.)
Article 1er duodecies (nouveau)
L’article L. 1221-3 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Après le quatrième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« L’organisme public ou privé titulaire d’un agrément qui entend exécuter un contrat ou un marché de formation dont peuvent bénéficier les élus locaux au titre de leur droit individuel à la formation mentionné aux articles L. 2123-12-1, L. 3123-10-1, L. 4135-10-1, L. 7125-12-1, L. 7227-12-1 du présent code ne peut, sous sa responsabilité, sous-traiter l’exécution des prestations de son contrat ou marché qu’à la condition de justifier l’absence d’un savoir-faire particulier, d’expertise ou de capacités techniques non satisfaisants ou d’une insuffisance ponctuelle d’effectifs. Les modalités de mise en œuvre de la sous-traitance par les organismes de formation agréés sont déterminées par décret en Conseil d’État.
« L’exécution des formations liées à l’exercice du mandat des élus locaux ne peut être confiée par un organisme titulaire d’un agrément qu’à des sous-traitants de premier rang. Ces sous-traitants de premier rang sont soumis à des obligations spécifiques de qualité des formations déterminées par décret en Conseil d’État. » ;
2° Après le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« – le rapport annuel d’activité mentionné au quatrième alinéa du présent article ne fait apparaître aucune activité de formation, ou n’a pas été adressé au ministre chargé des collectivités territoriales ainsi qu’au Conseil national de la formation des élus locaux. » ;
3° Le neuvième alinéa est ainsi modifié :
a) À la deuxième phrase, les mots : « l’abrogation » sont remplacés par les mots : « le retrait » ;
b) À la troisième phrase, le mot : « abrogé » est remplacé par le mot : « retiré ».
M. le président. L’amendement n° 12, présenté par Mme Gatel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
1° Première phrase
a) Supprimer les mots :
au titre de leur droit individuel à la formation mentionné aux articles L. 2123-12-1, L. 3123-10-1, L. 4135-10-1, L. 7125-12-1, L. 7227-12-1 du présent code
b) Remplacer les mots :
qu’à la condition de justifier l’absence d’un savoir-faire particulier, d’expertise ou de capacités techniques non satisfaisants ou d’une insuffisance ponctuelle d’effectifs
par les mots :
qu’à un organisme également titulaire d’un agrément, dans la limite d’un plafond exprimé en pourcentage du montant total des frais pédagogiques de la formation, fixé par arrêté du ministre chargé des collectivités territoriales
2° Après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Les prestations de son contrat ou marché peuvent toutefois être réalisées, en tout ou partie, par une personne physique non titulaire d’un agrément qui exerce à titre individuel une activité de formation.
II. – Alinéa 4, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Monsieur le président, si vous me le permettez, je répondrai à Michelle Gréaume s’agissant de son amendement qui visait à prévoir une formation pour l’ensemble des élus en début de mandat. Nous ne l’avons pas retenu, car il tendait à créer des dépenses supplémentaires.
Je ne l’ai peut-être pas assez dit, mais je profite de l’occasion pour le rappeler : en début de mandat, notamment pour les élus municipaux, des formations sont organisées par les associations départementales d’élus et les services de l’État, mais elles ne sont accessibles qu’aux maires.
Nous proposons que, sur la plateforme, soit disponible un module relatif aux principales compétences et au paysage institutionnel, ouvert non seulement aux élus municipaux, mais aussi aux élus des intercommunalités, des départements et des régions.
Ma chère collègue, votre amendement est donc plus que satisfait : ce que vous demandiez se fera, et cela sans charge supplémentaire.
Pour revenir à l’amendement n° 12, comme cela a été dit par de nombreux collègues, l’exigence de qualité des organismes de formation suppose que l’on évite des chaînes de sous-traitance, qui sont parfois des puits sans fond.
Je le rappelle, nous avons limité la sous-traitance. En revanche, le Gouvernement et les associations d’élus, notamment de maires, ont mis en évidence des besoins parfois spécifiques nécessitant de recourir à une expertise très pointue, pour un temps limité, qui n’existerait pas dans un organisme de formation.
Par exemple, les élus suivent une formation à l’urbanisme, mais il pourrait être nécessaire qu’ils fassent appel à un spécialiste du droit de l’urbanisme pour une question extrêmement particulière relative au droit et à l’environnement. Nous ne manquerons pas de le faire, d’ailleurs, quand nous serons condamnés à faire de la « zéro artificialisation ».
Si l’on n’introduisait pas cette exception, on empêcherait le recours à cette solution sans en proposer une autre. Cette disposition permet donc de recourir à un formateur qui interviendrait à titre individuel, sous le statut, par exemple, d’autoentrepreneur, et qui cosignerait le contrat de formation.
Naturellement, tout cela sera suivi de près par le CNFEL et par la Caisse des dépôts et consignations, mais il faut que l’on prévoie cette disposition, sans quoi nous serions les premiers, ici, à reprocher au texte d’être, par souci de pureté absolue, condamné à l’inefficacité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je suis tout à fait d’accord avec cette proposition.
Il s’agit en effet de prévoir la possibilité de faire intervenir des gens extrêmement spécialisés dans tel ou tel domaine. Autant il me semblait nécessaire de supprimer la sous-traitance, autant il me paraît important de permettre cette souplesse ; cela peut concerner l’artificialisation des sols ou l’enseignement de la langue bretonne dans les écoles, par exemple. (Sourires.)
M. André Reichardt. Ou le droit local !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous ne voterons pas cet amendement en l’état.
Pourtant, cet amendement est très sage et même excellent dans sa première partie, parce que l’on a déjà vu des organismes agréés sous-traitant leur activité à des organismes non agréés, ce qui représente un dévoiement.
Néanmoins, nous pensons qu’il faut aller jusqu’au bout de la logique et, si vous retiriez le 2° du I de cet amendement, celui-ci serait parfait.
En effet, madame la rapporteure, madame la ministre, un organisme agréé peut tout à fait embaucher, comme contractuel ou dans le cadre d’un contrat à durée déterminée, un CDD, toute personne ayant une compétence particulière. Ce n’est pas la peine de mettre en place une sous-traitance spécifique destinée aux autoentrepreneurs.
Si vous retirez le 2° du I, nous voterons donc cet amendement. Sinon, j’en suis désolé, mais nous voterons contre.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. À désolation, désolation et demie, mon cher collègue…
Je ne pense pas qu’un organisme de formation puisse conclure un contrat de travail pour une intervention de, disons, deux heures… Vous avez raison, il faudra surveiller ce point, mais la mesure proposée ici me paraît nécessaire.
Aussi, non, je ne rectifierai pas mon amendement dans le sens que vous suggérez, monsieur Sueur.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er duodecies, modifié.
(L’article 1er duodecies est adopté.)
Article 1er terdecies (nouveau)
L’article L. 1221-4 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le second alinéa du I est ainsi modifié :
a) Après les mots : « et du », sont insérés les mots : « gestionnaire du » ;
b) Après le mot : « locaux », sont insérés les mots : « mentionné à l’article L. 1621-3 du présent code » ;
2° Le XII est ainsi modifié :
a) Après le mot : « le », sont insérés les mots « gestionnaire du » ;
b) Après le mot : « locaux », sont insérés les mots : « mentionné à l’article L. 1621-3 du code général des collectivités territoriales ».
M. le président. L’amendement n° 13, présenté par Mme Gatel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer le mot :
le
par les mots :
la première occurrence du
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er terdecies, modifié.
(L’article 1er terdecies est adopté.)
Article 1er quaterdecies (nouveau)
L’article 18 de l’ordonnance n° 2021-45 du 20 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque des actions de formation ainsi financées ont débuté dans ce délai, elles peuvent être réalisées jusqu’au 31 décembre 2021. »
M. le président. L’amendement n° 14, présenté par Mme Gatel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article 18 de l’ordonnance n° 2021-45 du 20 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Au terme de ce délai, les droits individuels à la formation comptabilisés en heures détenus par les élus locaux à cette date sont convertis en euros ou en francs CFP selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État. Ces droits convertis n’entrent pas en compte dans le calcul du montant annuel des droits individuels à la formation des élus mentionnés au premier alinéa des articles L. 2123-12-1, L. 3123-10-1, L. 4135-10-1, L. 7125-12-1, et L. 7227-12-1 du code général des collectivités territoriales, dans leur rédaction issue de l’article 6 de la présente ordonnance, et font l’objet d’un versement qui augmente le montant des droits précités. »
II. – L’article 5 de l’ordonnance n° 2021-71 du 27 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus des communes de la Nouvelle-Calédonie est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Au terme de ce délai, les droits individuels à la formation comptabilisés en heures détenus par les élus locaux à cette date sont convertis en francs CFP selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État. Ces droits convertis n’entrent pas en compte dans le calcul du montant annuel des droits individuels à la formation des élus mentionnés au premier alinéa de l’article L. 121-37-1 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie, dans sa rédaction issue de l’article 2 de la présente ordonnance, et font l’objet d’un versement qui augmente le montant des droits précités. »
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Ce sujet a été soulevé par nos collègues Alain Richard, Michelle Gréaume et Cécile Cukierman, que je remercie de nous avoir permis d’y travailler. Il s’agit du dispositif de transition entre les deux régimes.
Nous sommes encore sous le régime des droits acquis comptabilisés en heures, qui seront convertis, en juillet prochain, en euros. Or il y a, comme dans tout système transitoire, des plaques tectoniques qu’il convient de maîtriser, car il n’était pas question que des élus ayant acquis des droits comptabilisés en heures soient perdants.
Chaque fois qu’il y a transition entre deux régimes – c’était le cas avec la formation professionnelle de droit commun et le régime de retraite –, la bascule coûte un peu d’argent, afin d’atteindre un système totalement égalitaire.
Au travers de cet amendement, nous souhaitons que les élus qui ont un crédit d’heures ne soient pas perdants au moment de la conversion et qu’ils ne perdent aucun de leurs droits nouveaux, qu’ils acquerront en euros, au prétexte qu’ils avaient déjà des heures ; l’objectif est que leur crédit d’heures s’ajoute à leurs nouveaux droits, en euros.
Vous me demanderez bien sûr, mes chers collègues, combien cela coûte. Eh bien, je répondrai à cette excellente question, que personne ne m’a posée (Sourires.), que, à ce stade, on ne peut pas réaliser d’évaluations chiffrées, car cela relève du règlement. Toutefois, si nous adoptons cet amendement, nous offrirons aux élus une solution de bonus ; c’est la garantie que nous proposons.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement partage tout à fait cette vision. Il a travaillé à cette solution avec Mme la rapporteure. Bien entendu, les élus régionaux et départementaux pourront bénéficier de la conversion, et le dispositif concernera également les élus municipaux élus en 2020.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. En conséquence, l’article 1er quaterdecies est ainsi rédigé.
Article additionnel après l’article 1er quaterdecies
M. le président. L’amendement n° 17, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 1er quaterdecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’ordonnance n° 2021-45 du 20 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux est ainsi modifiée :
1° Le tableau constituant le troisième alinéa de l’article 14 est ainsi rédigé :
«
DISPOSITIONS APPLICABLES |
DANS LEUR RÉDACTION RÉSULTANT DE |
L. 1221-1 |
La loi n° … du … ratifiant les ordonnances n° 2021-45 du 20 janvier 2021 et n° 2021-71 du 27 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux |
L. 1221-2 |
L’ordonnance n° 2021-45 du 20 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux |
L. 1221-3 et L. 1221-4 |
La loi n° … du … ratifiant les ordonnances n° 2021-45 du 20 janvier 2021 et n° 2021-71 du 27 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux |
» ;
2° La quatrième ligne du tableau constituant le troisième alinéa de l’article 15 est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :
«
L. 1621-3 |
La loi n° … du … ratifiant les ordonnances n° 2021-45 du 20 janvier 2021 et n° 2021-71 du 27 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux |
L. 1621-4 |
L’ordonnance n° 2021-45 du 20 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux |
L. 1621-5 |
La loi n° … du … ratifiant les ordonnances n° 2021-45 du 20 janvier 2021 et n° 2021-71 du 27 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux |
» ;
3° Le tableau constituant le quatrième alinéa de l’article 16 est ainsi rédigé :
«
L. 2123-12 et L. 2123-12-1 |
La loi n° … du … ratifiant les ordonnances n° 2021-45 du 20 janvier 2021 et n° 2021-71 du 27 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux |
».
La parole est à Mme la ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er quaterdecies.
Article 2
L’ordonnance n° 2021-71 du 27 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus des communes de la Nouvelle-Calédonie est ratifiée. – (Adopté.)
Article 3 (nouveau)
I. – L’article L. 121-37-1 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, après les mots : « francs CPF », sont insérés les mots : « , cumulable sur toute la durée du mandat » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) Au début, sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « Pour assurer le financement d’une formation, le droit individuel à la formation peut être complété, à la demande de son titulaire, par des abondements en droits complémentaires. Ces abondements complémentaires peuvent être financés par le conseil municipal selon les modalités définies à l’article L. 121-37 du présent code. » ;
b) Au début de la deuxième phrase, les mots : « Il peut également contribuer à son financement » sont remplacés par les mots : « Son financement peut être complété, à sa demande, par un abondement complémentaire de l’État ou de Pôle Emploi, ou » ;
c) Après la troisième phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Ces abondements complémentaires n’entrent pas en compte dans les modes de calcul du montant des droits individuels à la formation des élus définis au premier alinéa du présent article. »
II. – À l’intitulé du titre IV de l’ordonnance n° 2021-71 du 27 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus des communes de Nouvelle-Calédonie, le mot : « disposition » est remplacé par le mot : « dispositions ».
M. le président. L’amendement n° 15, présenté par Mme Gatel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 6
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
2° Au début du deuxième alinéa, sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « Pour assurer le financement d’une formation, le droit individuel à la formation peut être complété, à la demande de son titulaire, par des abondements en droits complémentaires. Ces abondements peuvent être financés par le conseil municipal selon les modalités définies à l’article L. 121-37 du présent code. » ;
3° Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces abondements n’entrent pas en compte dans les modes de calcul du montant des droits individuels à la formation des élus définis au premier alinéa du présent article. »
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Article additionnel après l’article 3
M. le président. L’amendement n° 16, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 121-37-1 et aux articles L. 121-37-2 et L. 121-37-3 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie, dans leur rédaction résultant de l’ordonnance n° 2021-71 du 27 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus des communes de la Nouvelle-Calédonie, les mots : « l’ordonnance n° 2021-45 du 20 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux » sont remplacés par les mots : « la loi n° … du … ratifiant les ordonnances n° 2021-45 du 20 janvier 2021 et n° 2021-71 du 27 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux ».
La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Il s’agit d’un amendement de coordination, pour la Nouvelle-Calédonie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. C’est un avis tout à fait favorable, monsieur le président !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Personne ne demande la parole ? …
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 106 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 330 |
Pour l’adoption | 330 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP.)
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures dix.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures quarante, est reprise à quinze heures dix, sous la présidence de M. Pierre Laurent.)
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
7
Respect des principes de la République
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, confortant le respect des principes de la République (projet n° 369, texte de la commission n° 455 rectifié, rapport n° 454, avis nos 448 et 450).
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’article 26.
TITRE II
GARANTIR LE LIBRE EXERCICE DU CULTE
Chapitre Ier
Renforcer la transparence des conditions de l’exercice du culte
Section 1
Associations cultuelles
Article 26
L’article 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État est ainsi rédigé :
« Art. 19. – Les associations cultuelles ont exclusivement pour objet l’exercice d’un culte. Elles ne doivent, ni par leur objet statutaire ni par leurs activités effectives, porter atteinte à l’ordre public. Elles sont composées de personnes majeures, au nombre de sept au moins, domiciliées ou résidant dans la circonscription religieuse définie par les statuts de l’association.
« Chacun des membres peut s’en retirer en tout temps, après paiement des cotisations échues et de celles de l’année courante, nonobstant toute clause contraire.
« Nonobstant toute clause contraire des statuts, les actes de gestion financière et d’administration légale des biens accomplis par les directeurs ou administrateurs sont, chaque année au moins, présentés au contrôle de l’assemblée générale des membres de l’association et soumis à son approbation.
« Les statuts de l’association prévoient l’existence d’un ou de plusieurs organes délibérants ayant notamment pour compétence de décider de l’adhésion de tout nouveau membre, de la modification des statuts, de la cession de tout bien immobilier appartenant à l’association et, lorsqu’elle y procède, du recrutement d’un ministre du culte.
« Les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État. »
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, sur l’article.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre de l’intérieur, avant d’aborder les dispositions relatives aux cultes, je souhaite vous faire part de notre désarroi à l’égard de ce texte.
Ce projet de loi aurait dû permettre, dans le cadre notamment de son étude d’impact, de dresser un bilan complet des différentes formes d’exercice du culte, car il existe aujourd’hui une réelle pluralité de formes juridiques d’associations cultuelles.
Ainsi, on trouve, en France métropolitaine, les associations diocésaines, les associations de la loi de 1901, les associations de la loi de 1905 et un statut spécifique pour l’Alsace et la Moselle. En Guyane, il y a les fabriques, qui continuent d’exercer un rôle, et l’on trouve, dans les autres territoires d’outre-mer, d’autres dispositifs encore.
Face à ce « fatras » – veuillez me pardonner cette expression –, il eût été souhaitable que ce projet de loi dégage de grandes idées, de grands principes, afin d’homogénéiser la pratique autour d’un principe fondateur : l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, qui dispose que « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. »
Or vous nous proposez, au travers de ce texte, d’ajouter de la complexité à la complexité. Je vous en donne quelques exemples.
Vous introduisez dans le droit local en Alsace et en Moselle une nouvelle catégorie, inconnue jusqu’à présent, d’associations cultuelles. Pour ce qui concerne la loi de 1905, vous instaurez – le Conseil d’État le dit très justement – une barrière dans l’accès à la totalité des prérogatives octroyées par la loi au statut d’association cultuelle issu de cette loi.
Ainsi, vous organisez in fine deux régimes dans le cadre des associations cultuelles de 1905 : celui des associations qui auront obtenu le rescrit de l’État permettant de bénéficier des avantages fiscaux et celui des autres, qui auront un statut relativement vague, puisqu’elles seront des associations cultuelles sans en avoir les bénéfices fiscaux.
Puisqu’il s’agit de discuter des principes de la République, nous aurions aimé, très sincèrement, que l’on dresse un bilan de tout cela.
M. le président. L’amendement n° 503, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Toutes les religions ont eu affaire à l’État : les protestants, en 1627, quand Richelieu n’hésita pas à mobiliser la puissance militaire pour mater toute velléité séparatiste ; les juifs, avec l’empereur Napoléon Ier ; les catholiques, en 1905, quand la République n’hésita pas à user de mesures violentes – la déportation de moines, par exemple – pour imposer à tous sa loi sur la laïcité.
Pourtant, en 2021, le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, refuse, par manque de courage, de nommer, donc d’éradiquer, l’islamisme, idéologie politique, véritable État dans l’État, porteuse d’un communautarisme de conquête.
Résultat, toutes les religions dont les relations avec l’État sont parfaitement apaisées et harmonisées se trouvent injustement visées par votre texte globaliste, devenu punition collective. Les croyants sont des parias et les cultes deviennent suspects.
Par ailleurs, il y a une réalité historique, celle de la place toute particulière qu’occupe, dans notre pays, l’Église. Si nous sommes des élus laïques, nous ne sommes pas obligés d’être amnésiques ; en tout cas, pour ma part, je ne le suis pas.
L’esprit de nos lois est ainsi pétri de notre héritage civilisationnel, culturel, esthétique, intellectuel et religieux. Il suffit, pour s’en convaincre, de lever les yeux, sinon vers le ciel, du moins vers tout ce qui nous entoure, ici, mes chers collègues.
En effet, le Sénat, pilier de notre République, légifère sous le regard bienveillant du roi Saint Louis ; le plafond de la salle des conférences, un véritable livre d’histoire de France, nous renvoie vers sainte Clotilde, vers saint Rémy, vers sainte Jeanne d’Arc et même vers Charles Martel ; l’ancienne chapelle des pairs de France, qui abrite aujourd’hui les travaux de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, offre à notre regard les Tables de la Loi et même le mariage de la Sainte Vierge. Bref, tout, ici, au Sénat, nous le rappelle, la France plonge ses racines dans seize siècles de chrétienté.
Des noms de mes « villages » marseillais – Saint-Joseph, Sainte-Marthe, Saint-Louis, Saint-Mitre… – jusqu’aux fêtes de notre calendrier grégorien, voulu et validé par le pape Grégoire XIII, en passant par l’union de tous les Français, croyants ou non, au chevet de Notre-Dame de Paris martyrisée, tout nous rappelle que la France reste la fille aînée de l’Église et que ce sont la sagesse de cette Église et le bras ferme de l’État qui permettent, encore aujourd’hui, à notre République de rendre « à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu », comme l’a dit, le premier, voilà un peu plus de deux mille ans, un célèbre fils de charpentier…
C’est pourquoi je souhaite, au travers de cet amendement, que la Haute Assemblée supprime l’article 26 du présent projet de loi, qui brise l’équilibre précieux tiré de la loi de 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.
Les associations mixtes et diocésaines n’ont rien demandé, elles ne sont à l’origine d’aucun mal justifiant que nous brisions leurs prérogatives spécifiques actuelles.
Pour empêcher le relativisme amnésique et le recul de la liberté des associations mixtes et diocésaines, il est nécessaire, juste et historiquement justifié d’adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Je veux vous rassurer, mon cher collègue, contrairement à l’exposé que vous venez de faire, cet article n’a absolument pas pour objet de soumettre tous les cultes à une seule organisation, celle des associations cultuelles. Il ne remet pas non plus en cause les associations diocésaines spécifiques au culte catholique, qui résultent d’un accord international.
Je le rappelle, cet article du projet de loi entend moderniser les règles de fonctionnement des associations cultuelles régies par la loi de 1905. Les règles de composition de celles-ci figuraient déjà dans cette loi ; il y était précisé que le nombre de ses membres était fonction du nombre d’habitants dans les communes. Cet article introduit une simplification : ce nombre doit être au minimum de sept, mais il peut être supérieur.
Cet article introduit en outre un dispositif dit « anti-putsch », qui nous semble intéressant et qui mérite d’être conservé ; ce dispositif impose que les statuts associatifs soumettent certains actes importants – nouvelles adhésions, modifications statutaires, cessions et, le cas échéant, recrutement de ministres du culte… – à la délibération d’un organe collégial.
Les représentants du culte protestant nous ont indiqué que ce dispositif était à peu près calé sur leur modèle d’organisation ; on ne révolutionne donc rien. En outre, lors de nos auditions, plusieurs représentants des cultes, confrontés à des difficultés locales et à des risques d’entrisme, s’y sont montrés favorables.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. J’ai du mal à comprendre la référence aux « seize siècles d’histoire du christianisme »… Je suppose que cela renvoie au baptême de Clovis. Monsieur Ravier, j’ai du mal à comprendre votre fascination pour des barbares germains qui ont pénétré illégalement à l’intérieur des frontières de l’Empire romain… (Sourires.)
Pour moi, la référence historique pertinente résiderait plutôt dans le martyre des chrétiens de Lyon, en 177, mais votre problème est que ces derniers venaient de Turquie et parlaient le grec ; ce n’étaient pas des Gaulois, ni des Romains. Quant à Irénée, qui les a suivis, il était né à Smyrne ; aujourd’hui, il serait donc un Turc.
Il faut le rappeler, l’introduction en Gaule du christianisme est la conséquence d’une « immigration massive et incontrôlée », comme vous le dites. (Nouveaux sourires.)
Par ailleurs, le « fils de charpentier » que vous évoquez était juif, et, en Gaule, les premiers témoignages de la foi judéo-chrétienne – des synagogues – sont juifs ; Clovis arrive bien plus tard. Par conséquent, s’il faut rendre hommage à quelque chose, c’est à ces premières synagogues du Ier siècle après Jésus-Christ.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, puisque, incité par M. Ravier, votre collègue communiste nous invite aux références chrétiennes, je préférerais que l’on cite saint Augustin, qui est né en Algérie et dont la tradition de sagesse devrait vous inspirer, monsieur Ravier.
Vous devriez, me semble-t-il, vous parer de cette sagesse chrétienne, qui consiste à ne pas prendre l’Église seulement par le bout qui nous intéresse, si je puis me permettre cette expression dans cette enceinte laïque.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 562, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias, Mme Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mme Cohen, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec, P. Laurent et Savoldelli et Mme Varaillas, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, considéré comme l’accomplissement de certains rites ou de certaines pratiques organisés par des personnes réunies par une même croyance ou une même spiritualité
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. De façon tout à fait paradoxale, la loi de 1905 ne définit pas exactement le culte.
Depuis l’adoption de ce texte, la jurisprudence a précisé ce que pouvait être le culte. Il existe notamment un avis d’assemblée important du Conseil d’État, daté du 24 octobre 1997, que nous vous proposons, au travers de cet amendement, de reprendre, afin de mieux définir dans la loi ce qu’est le culte.
J’ai quelque peu modifié cette définition du Conseil d’État, pour y intégrer une notion qui me paraît importante. Il s’agit de renvoyer non pas uniquement à la croyance, mais, plus généralement, à la spiritualité, parce que, dans certaines religions, la croyance est annexe par rapport à la pratique et à la spiritualité.
Ainsi, je vous propose de définir le culte comme « l’accomplissement de certains rites ou de certaines pratiques organisés par des personnes réunies par une même croyance ou une même spiritualité ».
Cette définition pourra ensuite rendre service à la juridiction administrative, quand celle-ci devra déterminer à quoi peut correspondre, pour une association, un objet cultuel.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 138 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire et Guérini, Mme Pantel, MM. Requier et Roux, Mme Guillotin et MM. Guiol, Gold et Corbisez.
L’amendement n° 357 rectifié est présenté par M. Meurant.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les associations formées pour l’exercice d’un culte, au sens de la présente loi, ont pour objet la célébration de cérémonies organisées en vue de l’accomplissement, par des personnes réunies par une même croyance religieuse, de certains rites ou pratiques. »
La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° 138 rectifié bis.
Mme Nathalie Delattre. À l’heure du radicalisme religieux, il est important de renforcer notre « arsenal définitionnel », en définissant notamment les associations cultuelles, leur création et leur fonctionnement.
Le respect, la tolérance, la neutralité et l’impartialité sont des notions de premier plan qu’il nous faut utiliser pour élaborer une définition des associations à vocation cultuelle, vocation dont seul le préfet appréciera la qualité.
Allons plus loin dans la clarification ; l’uniformité et l’application n’en seront que meilleures et la distinction avec les autres types d’associations, comme les associations mixtes, n’en sera que plus nette.
Soyons rigoureux dans nos termes : une association cultuelle ne doit viser que la célébration et l’accomplissement de cérémonies, rites et pratiques par des individus réunis dans la même croyance religieuse.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Ces amendements visent à définir les associations cultuelles et la notion de culte elle-même.
Après en avoir débattu, la commission n’a pas été convaincue qu’une telle inscription répondît à un besoin juridique réel et, d’ailleurs, celle-ci n’est demandée par aucun culte.
La notion de culte, élaborée au regard des travaux parlementaires de la loi de 1905, est désormais parfaitement stabilisée dans la jurisprudence : il s’agit de la « célébration de cérémonies organisées en vue de l’accomplissement, par des personnes réunies par une même croyance religieuse, de certains rites ou de certaines pratiques. »
En outre, l’introduction, au travers de l’amendement n° 562, présenté par M. Ouzoulias, de la notion de « spiritualité », différente de la notion de « croyance », susciterait au contraire de nouvelles incertitudes juridiques et relancerait des débats pourtant clos depuis des années.
La question de la définition des associations a été réglée depuis plus de cent ans, par une jurisprudence abondante. La précision n’apporterait rien au droit.
La définition proposée au travers des amendements identiques nos 138 rectifié bis de Mme Delattre et 357 rectifié de M. Meurant est centrée sur le seul exercice du culte et omettrait donc deux éléments importants des associations cultuelles : celles-ci doivent subvenir aux frais et à l’entretien du culte.
La définition proposée ne tiendrait en outre pas compte des associations diocésaines, dont nous avons parlé à propos de l’amendement précédent, qui ont justement la spécificité de ne pas avoir pour compétence d’exercer le culte. En effet, le culte catholique est encore organisé aujourd’hui sous la forme de réunions tenues sur initiative individuelle.
Ainsi, considérant le caractère historiquement sensible de ces sujets et la jurisprudence abondante et définissant bien les choses en la matière, la commission demande le retrait de ces amendements ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Vous soulevez, monsieur le sénateur Ouzoulias, madame la sénatrice Delattre, un point important, avec lequel je suis en désaccord, et je veux m’en expliquer, au moment où nous abordons le titre II de ce projet de loi.
Tout d’abord, ces définitions, notamment celle de l’amendement n° 562 du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, percuteraient, même si ce n’est pas l’objectif, l’équilibre des associations diocésaines.
Or – j’ai eu l’occasion de le dire à l’Assemblée nationale et je le répète –, même si ces associations sont postérieures à 1905, elles sont considérées, en vertu de la loi du 28 mars 1907 relative aux réunions publiques et de la reconnaissance des échanges épistolaires entre le pape, via le nonce apostolique, et la République, comme des associations cultuelles au sens de la loi de 1905. D’ailleurs, à ce titre, contrairement à ce qu’affirme M. Ravier, l’équilibre atteint depuis le début des discussions entre l’Église de France et la République n’est pas touché par ce projet de loi.
Je pense que ce n’est pas votre but, monsieur Ouzoulias, mais votre définition les contraindrait.
Ensuite, cette définition touche à quelque chose d’extrêmement important, qui suscite bien souvent des quiproquos et des difficultés, lesquels émergeront sans doute lors des débats politiques et juridiques que nous aurons tout au long de cette journée et, peut-être, lundi prochain. En effet, il n’a jamais été question pour la République de définir ce qu’est un culte, et il n’appartient pas, me semble-t-il, à la République – ni au législateur ni au pouvoir exécutif – de le faire.
En effet, des cultes, mesdames, messieurs les sénateurs, il peut s’en créer tous les jours ; si j’étais joueur, je dirais « tous les jours que Dieu fait »… Ce ne sont donc pas le ministère de l’intérieur, les préfets, les policiers et les gendarmes qui pourraient définir ce qui est ou non un culte.
Après tout, nous pourrions, ici, rendre un culte au dieu Larcher ! (Sourires.)
M. Pierre Ouzoulias. C’est un culte collectif !
M. Philippe Bas. Nous le faisons !
M. Gérald Darmanin, ministre. Chacun a ses croyances, monsieur le questeur Bas…
Or personne ne serait en mesure de savoir ce qui relèverait de la croyance, et il n’appartiendrait ni aux policiers ni à la préfecture de définir ce que serait ce culte, ce que seraient ses rites, ce que serait une prière ou un ministre du culte…
D’ailleurs, personne n’a jamais non plus défini exactement ce qu’était un ministre du culte ; d’où la grande difficulté que nous avons avec nos compatriotes musulmans, car nous calquons sur l’imam la notion de ministre du culte que nous connaissons, celle des cultes précédents, alors que l’imam ne correspond pas au ministre des cultes tel que l’imaginent les chrétiens ou les juifs.
Il est important de l’assumer, la liberté fondamentale qu’est la liberté religieuse implique que ce ne soit ni à l’État ni à la loi de définir ce qu’est un culte.
Mme Laurence Harribey. Tout à fait !
M. Gérald Darmanin, ministre. Nous serions du reste bien incapables de le faire, dans la mesure où l’innovation, en matière de croyance, est sans bornes…
Je le rappelle, pour l’État, pour la République et sans doute pour le législateur, la croyance est une opinion, comme l’édicte la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
C’est pour cela que cet article est ainsi rédigé et qu’il se trouve en conformité avec l’esprit de la loi de 1905. On peut exercer un culte sur une base juridique, ce qui est le cas des associations loi de 1901 et loi de 1905. Nous souhaitons généraliser le passage à cette dernière, mais le Conseil d’État nous a rappelé que nous ne pouvions en faire une obligation dans ce texte.
Il peut également s’agir d’un groupement de fait, l’association juridique n’étant pas obligatoire pour célébrer un culte.
Même si je comprends l’esprit qui a présidé à la rédaction de ces amendements, il me semble que définir ce qu’est un culte viendrait très fortement percuter la grande liberté de croyance qui caractérise notre pays. De même que l’arrêt Benjamin rendu par le Conseil d’État précise qu’une réunion publique politique n’a pas besoin d’une formation juridique pour exister, définir ce qu’est un culte viendrait contraindre cette liberté.
La disposition que nous discuterons tout à l’heure, prévoyant que le ministère de l’intérieur valide, tous les cinq ans, la qualité cultuelle d’une association, est dans le même esprit de confusion.
En effet, le ministère de l’intérieur n’est pas là pour vérifier s’il s’agit ou non d’un culte. Il est là pour contrôler si les conditions pour ceux qui ont créé une association juridique correspondant aux critères définis par le législateur pour être un culte, tels que la déduction fiscale ou l’exonération d’impôts, sont bien remplies. Le ministère ne porte pas de jugement sur ce qui est ou ce qui n’est pas un culte.
D’ailleurs, il y a évidemment, au sein du culte, des dérives dont vous savez qu’elles sont à la fois dangereuses et parfois nébuleuses, telles que les dérives sectaires. Or cela ne peut pas, me semble-t-il, être défini par la rédaction de l’article telle qu’elle est proposée.
Définir ce qu’est un culte et un ministre du culte peut être intéressant intellectuellement, mais ne correspond ni à l’esprit de libéralisme de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ni à l’esprit du législateur libéral de 1905. Au contraire, cela viendrait extrêmement contraindre la liberté de croyance et la liberté de culte dans notre pays, pour les cultes passés, les cultes présents, mais aussi, peut-être, pour les cultes à venir. Après tout, vous connaissez sans doute cette citation, on dit que « le christianisme est une secte juive qui a réussi ».
Qui sommes-nous pour juger, d’un point de vue totalement laïque, de la réussite, de la vérité et de la reconnaissance de tel ou tel culte ? Je pense que la République doit se garder d’avoir de telles opinions, même lorsque celles-ci sont fondées sur de bonnes intentions, dont chacun sait que l’enfer est pavé.
J’ai donc compris le souci des parlementaires, mais je pense qu’il serait dangereux pour la République et pour la liberté de croyance d’adopter ces dispositions. Même si cela plonge parfois le ministre de l’intérieur et ses services dans un abîme de perplexité,…
M. Jean-Pierre Sueur. Vous êtes là pour cela !
M. Gérald Darmanin, ministre. … cela me semble nécessaire pour garantir une liberté fondamentale reconnue depuis longtemps par les lois de la République.
J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Je vous remercie, monsieur le ministre, de la qualité de votre argumentation, dont nous partageons totalement la première partie.
Tout d’abord, la loi de 1905 a été réalisée par référence aux quatre cultes statutaires du Concordat. Nous avons aujourd’hui une difficulté pour faire entrer dans cette définition un certain nombre de cultes extraorientaux, qui renvoient plutôt à la spiritualité.
Sur le fond, notre groupe partage totalement votre opinion : ce n’est pas à l’État de définir ce qui est ou n’est pas un culte, comment il est pratiqué et comment il doit l’être.
On pourrait d’ailleurs pousser le raisonnement en se demandant s’il y a encore un sens à séparer les associations loi de 1901, à objet culturel, des associations de 1905, à objet cultuel. Vous connaissez le contentieux à ce sujet et savez que la France a été condamnée à plusieurs reprises.
Permettez-moi de prendre l’exemple de l’Union des athées, qui a demandé à bénéficier du statut de la loi de 1905. Sa requête est montée jusqu’au niveau européen, la France a été condamnée et l’Union des athées est aujourd’hui reconnue comme une association loi de 1905. De la même manière, le préfet avait refusé de reconnaître le statut d’association cultuelle loi de 1905 aux Témoins de Jéhovah. Ces derniers l’ont emporté devant la juridiction européenne, qui a condamné la France.
Il nous semble sage d’en rester à la première partie de votre démonstration, c’est-à-dire à une stricte neutralité de l’État par rapport à la définition d’un culte et de la façon dont il est pratiqué.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. J’entends votre argument, monsieur le sénateur. Il s’agit d’un point très important, sur lequel je veux m’attarder quelques instants, car il va commander la suite de nos discussions sur les polices administratives.
Le ministre de l’intérieur, qui est ministre des cultes, n’est pas là pour commenter les rituels, écrire les prières et expliquer comment il faudrait parler. Certains soutiennent l’obligation, qui est absurde et qui n’a aucun sens dans un débat démocratique libéral, de l’usage du français pour les ministres du culte. Même si chacun peut avoir une opinion à cet égard, on sait que ce n’est pas à l’État d’expliquer s’il faut parler latin ou arabe dans les lieux de culte ! Cela pose des questions importantes, mais qui ne relèvent pas de la police administrative.
La police des cultes désigne le fait que l’État ne reconnaît aucun culte, puisqu’il les reconnaît tous. Indépendamment du fait qu’il y a une qualité de culte et de liberté de réunion, il y a des avantages associatifs permis par la loi de la République. Ces derniers, qui sont importants, méritent, conformément aux principes que nous avons définis ensemble, notamment le non-subventionnement, d’entrer ou non dans tel ou tel critère.
Si je puis me permettre, monsieur le sénateur, je pense que vous faites une légère confusion. Ce n’est pas parce que l’Union des athées ou les Témoins de Jéhovah réclamaient la possibilité d’être une association loi de 1905 que l’État, par nature, refusait de prendre en compte une opinion religieuse, y compris celle qui consisterait à penser qu’il ne peut y avoir de religion.
Je comprends bien votre démonstration. Cependant, lorsqu’il refuse un certain nombre de qualités cultuelles, le ministère de l’intérieur veut éviter que l’on bénéficie, sous le statut de 1905, des avantages réservés au culte, que n’ont pas les autres associations.
Ainsi, une association loi de 1905 ne paie pas de taxe foncière, au contraire d’une association loi de 1901.
Mme Laurence Harribey. Tout à fait !
M. Gérald Darmanin, ministre. Il apparaît normal que, face à des avantages comme celui-là, l’exécutif s’attache à faire appliquer la loi de la République et à distinguer ce qui est cultuel et culturel.
Il est évident qu’il y a là un sujet européen et international, du fait de la définition de la laïcité française : dans nos discussions avec nos amis européens et anglo-saxons, ce n’est pas un mince sujet. Néanmoins, nous devons défendre notre modèle.
Bien sûr, cela ne change pas grand-chose que les Témoins de Jéhovah relèvent de la loi de 1905 – en l’occurrence, la question était de savoir s’il s’agissait d’une secte ou d’une religion, et le juge a tranché. En revanche, je le dis très clairement, il faut distinguer les associations qui relèvent de la loi de 1901 de celles qui relèvent de la loi de 1905.
Vous disiez, monsieur le sénateur, que nous sommes en contradiction avec votre propos. Bien au contraire ! Le grand mérite de cette loi, indépendamment de tous les débats que vous avez eus depuis deux semaines, mesdames, messieurs les sénateurs, est de consacrer la séparation entre ces deux types d’associations. Le législateur a précisément créé l’association loi de 1905 pour les cultes et l’association loi de 1091 pour les autres.
C’est la confusion du cultuel et du culturel qui mène à une déviation très profonde de l’esprit de la loi. Ainsi, une association loi de 1901 qui fait du cultuel – 92 % des associations musulmanes appartiennent à ce type d’association – peut toucher des subventions au nom de ses activités culturelles, comme une activité sportive ou périscolaire, et l’utiliser pour son activité cultuelle.
À M. Sueur qui s’interrogeait sur la distinction réelle de ces types d’association et de ce qui pourrait les obliger à aller de l’un vers l’autre, je réponds que ce projet de loi vise à tout faire pour les associations relevant de la loi de 1905. Surtout, il introduit des contraintes très fortes pour celles qui resteront des associations loi de 1901 – je rappelle que le Conseil d’État refuse que nous rendions obligatoire le passage à la loi de 1905.
Il est ainsi prévu l’existence de deux comptes bancaires, c’est-à-dire de deux états de compte séparés.
Ainsi, lors des contrôles – il devra y en avoir –, si la ville X verse 1 000 euros à l’association Y, qui est à la fois un club culturel d’accompagnement scolaire et un lieu de culte, cette association pourra toucher cette somme pour son activité culturelle, mais ne pourra pas l’utiliser de façon détournée pour son lieu cultuel. Cette mesure ne concerne naturellement pas les territoires qui ne connaissent pas un droit local ; elle ne touche donc pas l’Alsace-Moselle.
Monsieur le sénateur, je vous conjure d’autant plus de tenir à cette distinction que, historiquement, les communistes ont toujours été très favorables aux lois de séparation des Églises et de l’État. S’il n’y a pas de séparation entre les associations qui relèvent des lois de 1901 et celles qui relèvent de la loi de 1905, alors nous confondons le temporel et le spirituel, le culturel et le cultuel et le politique et le religieux. C’est précisément ce que, depuis quasiment plus d’un siècle, nous tentons de distinguer dans ce pays.
Il s’agit bien là de notre problème principal, et s’il y a deux religions qui ont souligné ce point, ce sont bien le protestantisme et le judaïsme. Dans leur quasi-intégralité, les adeptes de ces cultes sont désormais constitués en associations loi de 1905.
S’agissant des catholiques, certains discours sont parfois assez amusants, à l’instar de celui du sénateur Ravier : ils font comme si, dès le début, le monde catholique avait été favorable à la loi de 1905… Il a tout de même fallu quinze ans avant d’appliquer cette loi, puisque le Parlement s’est réuni en urgence en 1906 pour adopter la loi de 1907, précisément pour ne pas appliquer celle de 1905.
Aujourd’hui, tout le monde s’est rallié à la loi de séparation des Églises et de l’État, qui, comme vous l’avez dit, a mis fin au Concordat. Il a toutefois fallu quinze ans pour accepter l’idée d’associations distinctes pour le cultuel. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que la République, en 1901, a créé la loi d’association et, en 1905, la loi cultuelle.
Reconnaissons qu’il s’agit bien d’une richesse que nous envient en partie les territoires relevant du Concordat ; d’ailleurs, l’Alsace-Moselle a répliqué, dans son droit local, cette distinction entre le droit associatif et le droit associatif culturel.
Contrairement à ce que vous avez affirmé, nous voulons non pas les fusionner – ce serait l’inverse de ce que nous nous efforçons de faire –, mais les distinguer. Nous disons aux musulmans de France, comme à tous les cultes : « Tout aux croyants en tant que culte, mais rien aux croyants en tant que force politico-culturelle ».
Tel est l’objet exact de notre texte. Je reconnais qu’il est original dans le concert des nations, mais c’est ce qui fait, je crois, la grandeur de notre pays.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.
Mme Nathalie Delattre. Les arguments de Mme la rapporteure et surtout l’énergie déployée par M. le ministre nous ayant convaincus, nous retirons notre amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 138 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 562.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 331, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 2, deuxième phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Si nous sommes tous ici favorables au maintien de l’ordre public, il nous est pour autant difficile de comprendre en quoi celui-ci concerne les associations. Ce dispositif issu des travaux de la commission des lois et dont les modalités sont juridiquement floues et imprécises inquiète les représentants des cultes eux-mêmes.
Prenons l’exemple d’une association cultuelle souhaitant venir en aide à une personne sans papiers au nom du devoir de fraternité. Pourrait-elle être considérée comme transgressant l’ordre public ? Est-ce la volonté de la Haute Assemblée ?
Prenons un autre exemple : en 1996, l’église Saint-Bernard, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, avait accueilli dans ses lieux une centaine d’étrangers en situation irrégulière, afin de les protéger de l’expulsion. N’agissait-elle pas simplement, elle aussi, conformément au principe de fraternité, principe républicain par excellence ?
Ce dispositif constitue une nouvelle fois un empiètement du politique sur le religieux. Il porte le risque d’un renforcement global du contrôle social auquel s’oppose le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous en demandons la suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Cet amendement vise à supprimer l’interdiction pour les associations cultuelles de troubler l’ordre public par leur objet statutaire ou par leurs activités effectives. C’est sur l’initiative des rapporteures que la commission a ajouté cette précision, pensant qu’il était logique de lutter contre certaines formes de séparatisme religieux, en précisant bien qu’on ne devait pas troubler l’ordre public.
Cette précision s’inspirait de la jurisprudence du Conseil d’État sur les associations locales, précisément pour le culte des Témoins de Jéhovah.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Notre groupe votera cet amendement.
Depuis le début de la discussion de ce texte, nous défendons toujours la même logique. De nombreux éléments de ce texte n’ont pas de rapport avec le but défini par vous-même, monsieur le ministre.
En outre, il y a beaucoup de redondances. Mme Benbassa a raison dans la mesure où il est évident que tout citoyen doit respecter l’ordre public. De la même manière, toute association, cultuelle ou non, doit respecter l’ordre public. Cela découle tout simplement de la Constitution de la République française et de ses lois.
Un certain nombre de représentants des cultes et des Églises que nous avons reçus nous ont dit que ce genre de rédaction créait une sorte de suspicion. Il va de soi, monsieur le ministre, que l’ordre public doit être respecté ; ce n’est pas à vous que je vais le rappeler. Il va de soi que vous le feriez respecter partout où il ne le serait pas.
Nous ne voyons donc pas pourquoi il faudrait ajouter cette précision, qui va de soi.
M. le président. L’amendement n° 563 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2, troisième phrase
Remplacer les mots :
la circonscription religieuse définie
par les mots :
le département du siège social défini
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, vous arrivez aux limites de votre argumentation ; je vous le dis en toute bienveillance, parce que j’apprécie beaucoup la qualité de nos échanges.
Dans ce projet de loi, vous insérez l’expression « circonscription religieuse ». Or celle-ci se comprend par rapport à un certain type de culte, en renvoyant au diocèse, une institution que n’ont pas de nombreuses religions. Je vous propose donc plutôt celle de « département du siège social » de l’association, une expression complètement neutre.
S’agissant de la distinction entre les associations qui relèvent de la loi de 1901 et celles qui relèvent de la loi de 1905, je vous suis totalement, mais la pratique est autre.
Par exemple, au titre des mesures mises en place pour le chômage partiel, l’État a versé aux associations diocésaines, c’est-à-dire à des associations relevant de la loi de 1905, 14 431 695 euros au 17 janvier 2021, c’est-à-dire que les ministres du culte qui ne pouvaient pas entrer dans les édifices cultuels ont été mis au chômage partiel et que l’État a pris à sa charge 80 % de leur salaire. Cet avantage octroyé aux associations diocésaines n’a pas bénéficié aux associations juives et protestantes, parce qu’elles étaient des associations loi de 1905.
On touche à la limite de votre raisonnement. Je suis donc d’accord sur le fond, mais, malheureusement, la pratique est tout à fait autre. Je vous le dis, les associations relevant de la loi de 1901 resteront dans ce cadre, car il leur permet de percevoir des subventions qu’elles ne toucheraient pas dans le cadre de la loi de 1905.
C’est pourquoi nous voulons dresser un bilan complet des formes de subventionnement apportées, par tous les pouvoirs publics, aux différentes associations en fonction de leur statut.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Mon cher collègue, votre propos était assez éloigné de l’objet de l’amendement.
M. Pierre Ouzoulias. Je le reconnais !
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Cet amendement vise à remplacer l’expression « circonscription religieuse » par « département du siège social ».
Nous avons, dans l’Yonne, une communauté protestante qui a pour siège Auxerre, mais qui s’étend sur d’autres départements, touchant une partie du Loiret et de la Nièvre. On ne peut donc définir ces associations comme relevant uniquement du département.
C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Tout d’abord, c’est non pas à l’État de définir une circonscription religieuse, mais aux cultes. De plus, certains départements ont plusieurs sièges ; c’est ainsi le cas, pour l’Église catholique, dans le département des Bouches-du-Rhône, à Marseille, Aix-en-Provence et Arles.
Nous ne pouvons donc définir nous-mêmes les circonscriptions religieuses. Ce serait très républicain, très révolutionnaire, en somme trop jacobin – dans ma bouche, cela n’est pas une insulte !
Par ailleurs, monsieur le sénateur, vous avez dit deux choses qui ne doivent pas être prises comme vérité d’Évangile par ceux qui écoutent ou qui lisent nos débats.
D’une part, aucun ministre du culte n’a bénéficié du chômage partiel dans les territoires non concordataires. Il s’agissait bien de laïcs, en ce qui concerne tant les associations qui relèvent de la loi de 1901 que celles qui relèvent de la loi de 1905. S’il s’agissait de ministres du culte, ils ne l’ont pas touché. Si jamais vous avez des contre-exemples, je suis prêt à intervenir pour réparer cette erreur, mais, ayant des échanges réguliers avec les représentants des cultes, cela me semble improbable.
D’autre part, s’agissant du subventionnement, je voudrais dire devant la Haute Assemblée que, n’en déplaise à l’opinion commune, le non-subventionnement des cultes n’est pas un principe constitutionnel. Ce n’est que la loi ordinaire, et vous pourriez, mesdames, messieurs les sénateurs, la changer à l’instant même.
Ce qui est reconnu constitutionnellement comme un principe, c’est la séparation, c’est-à-dire la non-reconnaissance. Méconnaître cette dernière, ce serait transgresser nos règles fondamentales. Mais le non-subventionnement ne relève que de la loi ordinaire. C’est tellement vrai que – je vous rejoins sur ce point, monsieur le sénateur –, il y a du subventionnement de culte, et pas simplement en Alsace-Moselle.
Ainsi, le fait d’être propriétaire de sites religieux est évidemment une forme de subventionnement lorsqu’il y a des travaux. Les collectivités font, à la place des catholiques, la plupart des travaux sur le retable, ce dont ne bénéficient pas, par exemple, nos compatriotes musulmans.
J’ai déjà eu l’occasion de dire que la vraie mesure républicaine eût été sans doute, dans la philosophie de la loi de 1905, la nationalisation de tous les biens religieux, comme on l’a fait pour l’Église catholique à l’époque. Mais je pense que nationaliser les mosquées aurait été politiquement plus compliqué et, d’ailleurs, sans doute mal accepté par la majorité sénatoriale.
Par ailleurs, monsieur le sénateur, les baux emphytéotiques, les garanties d’emprunt et même les reçus fiscaux pour toutes les religions sont une forme de subventionnement. Après avoir passé trois ans et demi à Bercy, je puis vous assurer que les crédits d’impôt coûtent plus cher que ce que rapporte l’impôt sur le revenu dans son ensemble.
Le principe de non-subventionnement n’est donc pas un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Il se pourrait que le Conseil constitutionnel – je ne voudrais pas lui donner des idées, parce que, comme le dit la chanson, tout serait à recommencer pour le ministre de l’intérieur – considère que l’article 2 de la loi de séparation des Églises et de l’État est un principe fondamental et, à ce titre, empêche tout subventionnement des cultes. Vu les équilibres trouvés, je doute qu’il le fasse.
Pour résumer, premièrement, c’est non pas à nous, mais aux cultes eux-mêmes de définir la circonscription religieuse.
Deuxièmement, nous toilettons évidemment ce texte rédigé en 1905, à une époque où la population était différente de la nôtre, il faut bien le dire. Nous le simplifions, ce qui ne constitue pas une atteinte à la séparation des Églises et de l’État, bien au contraire. Et je voudrais souligner que tout le monde a touché le chômage partiel dans les cultes, sauf les ministres du culte, quelle que soit la vie associative.
Troisièmement, le principe de non-subventionnement est un principe législatif, mais non supralégislatif.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, votre explication est claire, mais s’agissant des presque 15 millions d’euros, il s’agit de la sous-classe 94.91, qui, dans la nomenclature de Bercy, s’appelle « Services fournis par des organisations religieuses ». Il s’agit des « activités des organisations religieuses ou des particuliers fournissant des services directement aux fidèles dans les églises, mosquées, temples, les synagogues et autres lieux. »
Or vous nous dites que Bercy fait une différence, dans cette catégorie générale, entre les ministres du culte spécifiquement et ceux qui participeraient à l’exercice du culte et qui seraient laïques. Je veux bien vous croire, mais nous avons demandé ces informations à Bercy et nous ne les avons pas obtenues.
Je considère donc que ces 14,5 millions d’euros ont été versés directement pour la pratique du culte.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je m’engage à obtenir de mes collègues de Bercy une lettre circonstanciée pour vous, monsieur le sénateur. La réponse intéressera également le ministre de l’intérieur ! (Sourires.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 447 rectifié, présenté par M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, M. Assouline, Mmes S. Robert, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet et Conconne, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal et Tissot, Mme Conway-Mouret, MM. Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 6
Remplacer les mots :
Les modalités d’application
par les mots :
Les procédures mentionnées au
La parole est à Mme Laurence Harribey.
Mme Laurence Harribey. Nous proposons la suppression de l’alinéa 5, qui introduit une disposition nouvelle à l’article 19 de la loi de 1905.
Cet alinéa précise que « les statuts de l’association prévoient l’existence d’un ou de plusieurs organes délibérants ayant notamment pour compétence de décider de l’adhésion de tout nouveau membre, de la modification des statuts, de la cession de tout bien immobilier appartenant à l’association et, lorsqu’elle y procède, du recrutement d’un ministre du culte. »
Monsieur le ministre, je pense que nous sommes tous d’accord avec vous quand vous affirmez que ce n’est pas le rôle de l’État de définir ce qu’est un culte. Le rôle de l’État est d’assurer la liberté de croyance.
Toutefois, il y a un équilibre difficile à maintenir, et s’ingérer dans la gouvernance de ces associations tend à le fragiliser. Vous parlez de « consacrer » la séparation. Non, vous qualifiez cette dernière. Cela pose problème, car selon nous il ne revient pas à l’État d’assurer l’organisation des cultes, alors que c’est ce que tend à faire ce texte.
Il y a donc un problème de proportionnalité. Les personnalités auditionnées par la commission des lois ont évoqué des mesures intrusives dans l’exercice du culte, alors même que le Conseil d’État a souligné que nous ne sommes pas dans un cas où s’applique le principe de proportionnalité.
M. le président. L’amendement n° 330, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’article 26 de ce texte prévoit, à son alinéa 5, que toute nouvelle adhésion d’un membre d’une association cultuelle doit être soumise à une décision d’un organe délibérant.
En imposant ce fonctionnement aux associations, le présent article représente non seulement une véritable immixtion dans l’activité des cultes, mais aussi une contradiction au principe de liberté d’association. Il est ainsi contraire au principe de la séparation de l’Église et de l’État.
Il convient de laisser aux cultes la liberté d’organiser le choix des modalités de recrutement de leurs officiants.
Ce dispositif est totalement disproportionné au regard de l’objectif apparent de cette loi, qui entend lutter contre le séparatisme lié à l’islamisme radical. Jusqu’où ira ce gouvernement ? Sera-t-il prêt à s’enfoncer dans cette obsession que représente désormais l’islam ? Et combien de principes aura-t-il reniés, pour ce faire ?
Par conséquent, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demande la suppression de cette disposition.
M. le président. L’amendement n° 46, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après le mot :
prévoient
insérer les mots :
à peine de nullité
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Il s’agit d’un amendement de précision, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. S’agissant des amendements nos 447 rectifié et 330 visant à supprimer les nouvelles dispositions « anti-putsch », j’ai entendu dire que ces dernières seraient contraires à la liberté d’association.
Or le Conseil d’État a rendu un avis précisant que ces dispositions tendaient à protéger la liberté de conscience et ne portaient pas une atteinte disproportionnée aux libertés de culte et d’association.
Je rappelle que ces dispositions obéissent à un objectif d’intérêt général : protéger les associations contre d’éventuelles prises de contrôle par une minorité et assurer une meilleure information de leurs membres sur la gestion de leur patrimoine immobilier et sur le recrutement de leurs officiants.
La commission étant favorable à cet objectif, elle a naturellement émis un avis défavorable sur ces deux amendements visant à supprimer cet alinéa.
S’agissant de l’amendement n° 447 rectifié, qui, en plus de supprimer l’alinéa, vise à remplacer le renvoi au décret pour les modalités d’application par le renvoi au décret pour les procédures mentionnées, la commission a précisément veillé à ne renvoyer qu’à des modalités d’application. C’est en effet à la loi de définir les procédures ; le décret ne règle que des modalités d’application et ne décide pas de ce qui doit être fait ou non.
Enfin, l’amendement n° 46 vise à faire en sorte que soient frappés de nullité les statuts méconnaissant les nouvelles obligations « anti-putsch ». Cette demande est déjà satisfaite par le droit existant, auquel je propose de nous tenir.
En effet, l’article 23 de la loi de séparation des Églises et de l’État prévoit que les tribunaux pourront prononcer la dissolution d’une association cultuelle dont les directeurs ou administrateurs auront contrevenu à l’article 19 du texte adopté en 1905. Il s’agit, pour le coup, d’une véritable peine de nullité.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Tout d’abord, je trouve que la situation ne manque pas de sel : M. Sueur, qui s’inscrit – je le sais – dans la longue tradition socialiste, défend cent quinze ans plus tard un amendement totalement contraire à ce que les sénateurs socialistes prônaient en 1905.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. On peut évoluer !
M. Gérald Darmanin, ministre. Certes, madame la sénatrice. Toutefois, il eût peut-être été préférable – c’est, du moins, une opinion personnelle – que le parti socialiste n’évolue pas dans un sens contraire aux principes de laïcité de 1905… Mais il s’agit d’un autre sujet, qui intéressera sans doute dans d’autres cénacles.
L’article 19 de la loi de 1905 a été créé contre l’Église catholique, qui désignait un évêque de Rome sans discussion démocratique. En l’occurrence, il s’agissait d’avoir un cadre associatif conforme à ce qui avait été défini par le Sénat et la Chambre des députés quelques années plus tôt, lors de l’adoption de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.
Au demeurant, c’est parce que la loi de 1905 a prévu l’élection des évêques et la collégialité des décisions qu’elle a été totalement insupportable aux yeux de l’Église catholique, celle-ci ne voulant pas – chacun le comprend bien – s’engager dans une telle voie. Rome a donc refusé ces nouvelles règles et a donné l’ordre à l’Église de France d’en faire autant, alors que, au sein de cette dernière, certains considéraient la loi de 1905 comme un pis-aller, permettant peut-être d’éviter de se trouver de nouveau en conflit avec l’État.
C’est parce que la collégialité et la vie associative électorale ont été imposées, sous l’influence notamment des socialistes et des radicaux-socialistes, qu’il y a eu césure. Il a fallu quinze ans pour accepter le compromis consistant à dispenser les catholiques de l’application des nouvelles règles. Ce sont d’ailleurs les seuls dans ce cas ; les protestants, les juifs, les orthodoxes, les bouddhistes et l’ensemble des autres croyants appliquent les dispositions cultuelles.
Ainsi que Mme la rapporteure l’a rappelé à juste titre, le Conseil d’État lui-même a expliqué en quoi les dispositions prévues par le Gouvernement étaient bien plus protectrices des libertés de culte que vos amendements de suppression, en vertu desquels les responsables associatifs seraient désignés par je ne sais quelle théocratie. Cela ne manque donc pas de sel que vous défendiez une telle mesure, monsieur Sueur !
Par ailleurs, Mme Benbassa explique sans cesse que nous avons une obsession. En psychanalyse, la névrose obsessionnelle est soit une obsession, soit une hystérie… À choisir, je préfère donc que vous me prêtiez une obsession ! Mais, à force de vous entendre répéter que l’autre est obsessionnel, on finit par penser que c’est vous qui l’êtes, madame la sénatrice ! (Mme Esther Benbassa proteste.)
Honnêtement, il faut n’avoir jamais géré de collectivité locale et avoir une vision extrêmement livresque des choses pour ne pas voir les coups d’État – il n’y a pas d’autre mot – que les salafistes commettent dans les associations musulmanes, privant ainsi la quasi-totalité des croyants, qui veulent vivre leur culte sans forcément s’intéresser – cela se comprend – à la vie associative, de leur liberté religieuse !
À la mosquée de Pantin – ce n’est pas un exemple très ancien –, 1 200 croyants musulmans qui vivaient leur religion, je le crois, parfaitement dans l’esprit de la République, ont été privés de l’exercice fondamental du culte.
M. Philippe Dallier. Eh oui !
M. Gérald Darmanin, ministre. En effet, le président de leur association avait accaparé le pouvoir et la parole, qu’il s’agisse du choix du responsable religieux, puisqu’il n’y a pas de ministre du culte en l’occurrence, ou de l’expression, allant même jusqu’à relayer ce qui a armé idéologiquement l’assassin de Samuel Paty !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Exact !
M. Gérald Darmanin, ministre. Il a fallu fermer de longs mois ce lieu de culte et priver ainsi les croyants légitimes de leur exercice cultuel, car personne n’avait prévu les putschs salafistes en 1905 ; il est vrai qu’ils étaient peu nombreux sur le territoire de la République à l’époque…
Les dispositions que nous proposons sont conformes à l’esprit de 1905 et aux vues d’Aristide Briand – je l’indique à M. Sueur –, et elles protègent en premier lieu les libertés cultuelles des musulmans.
On peut dire ce que l’on veut de ce texte, mais il protège les croyants musulmans. Et c’est justement en dénonçant des obsessions qui, manifestement, existent seulement dans votre discours politique que vous placez ces fidèles dans une situation de fragilité, madame la sénatrice.
Mme Esther Benbassa. Ouh là là !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, votre dernier discours est remarquable.
Quand on l’écoute bien, vous nous faites part d’une sorte d’idée qui est la vôtre. C’est peut-être votre inconscient qui parle, je ne sais pas, mais vous aimeriez organiser les cultes. Finement, cela vous plairait assez bien.
M. Jean-Pierre Sueur. D’ailleurs, il plairait peut-être aussi à d’autres que l’Église catholique, apostolique et romaine fût une entité démocratique.
Pour ma part, à ce stade et en ce lieu, je n’aborderai pas un tel sujet comme vous venez de le faire. Simplement, nous avons posé dès le départ trois principes, sur lesquels seront fondées toutes les positions que nous allons prendre sur les différents amendements.
M. Jean-Pierre Sueur. Ces trois principes, vous les connaissez.
Premièrement, la liberté du culte est intégrale. D’ailleurs, elle est garantie par l’État et par la laïcité.
Deuxièmement, il ne revient pas à l’État d’organiser les cultes. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet alinéa. La loi n’a pas pour mission d’organiser les cultes. Ceux-ci s’organisent librement.
Troisièmement, l’État veille à l’application de la loi, y compris dans la sphère religieuse. S’il y a des violences, s’il y a des coups d’État dans les religions, s’il y a des atteintes à l’ordre public, l’État doit intervenir. Et ce qui s’est passé à Pantin – vous venez de le rappeler –, c’est que l’on a privé un certain nombre de fidèles de la liberté d’exercer leur culte.
Une fois ces principes posés, on pourrait beaucoup raccourcir le projet de loi. Nous allons proposer, conformément d’ailleurs à ce qui nous a été dit par nombre de représentants des cultes durant les auditions, de supprimer tout ce qui a trait à l’organisation des cultes.
En revanche, nous sommes tout à fait scrupuleux sur ce point : la liberté, y compris celle de pratiquer ou de ne pas pratiquer un culte, doit être affirmée, et l’État en est le garant.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le ministre, je vous respecte, mais faites votre métier et non pas de la psychanalyse de bazar, car vous n’êtes pas assez calé en cette matière !
Mme Esther Benbassa. Quand vous parlez d’« obsession », vous avez lu cela dans Le Figaro ?
Je souscris à ce que M. Sueur a indiqué : ce n’est pas à l’État d’organiser le culte. Là, vous infantilisez les religions, vous intervenez dans la vie des associations cultuelles et vous vous éloignez de la loi de 1905 !
Mme Esther Benbassa. De deux choses l’une : soit vous représentez un État faible, et vous voulez entrer dans les méandres des associations pour donner le la ; soit la République est forte, responsable, et elle laisse le culte s’organiser ! Voilà ce que j’avais à vous dire.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, Mme la rapporteure m’ayant indiqué que mon amendement n° 46 était satisfait par le droit existant, je le retire !
M. le président. L’amendement n° 46 est retiré.
Je mets aux voix l’article 26.
(L’article 26 est adopté.)
Article 27
I. – Après l’article 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, il est inséré un article 19-1 ainsi rédigé :
« Art. 19-1. – Pour bénéficier des avantages propres à la catégorie des associations cultuelles prévus par les dispositions législatives et réglementaires, toute association constituée conformément aux articles 18 et 19 de la présente loi doit déclarer sa qualité cultuelle au représentant de l’État dans le département, sans préjudice de la déclaration prévue à l’article 5 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.
« Le représentant de l’État dans le département peut, dans les deux mois suivant la déclaration, s’opposer à ce que l’association bénéficie des avantages mentionnés au premier alinéa du présent article s’il constate que l’association ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions prévues aux articles 18 et 19 ou pour un motif d’ordre public. Lorsqu’il envisage de faire usage de son droit d’opposition, il en informe l’association et l’invite à présenter ses observations dans un délai d’un mois.
« En l’absence d’opposition, l’association qui a déclaré sa qualité cultuelle bénéficie des avantages propres à la catégorie des associations cultuelles pendant une durée de cinq années.
« L’association qui souhaite continuer à bénéficier des effets de la déclaration mentionnée au premier alinéa à l’issue de cette durée en informe le préfet deux mois au moins avant son expiration. L’association bénéficie d’une reconduction tacite de la reconnaissance de sa qualité cultuelle pour une nouvelle durée de cinq années sauf si, dans les deux mois suivant cette information, le représentant de l’État dans le département invite l’association concernée à renouveler la procédure de déclaration dans les conditions mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article.
« Le représentant de l’État dans le département peut, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au deuxième alinéa, retirer le bénéfice des avantages propres à la catégorie des associations cultuelles, après mise en œuvre d’une procédure contradictoire.
« Les modalités d’application du présent article, notamment les documents permettant à l’association de justifier de sa qualité cultuelle, les conditions dans lesquelles est renouvelée la déclaration et les conditions dans lesquelles s’exerce le droit d’opposition de l’administration, sont précisées par décret en Conseil d’État. »
II. – (Non modifié) Au V de l’article 111 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures, les mots : « ou aux articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État » sont supprimés.
M. le président. L’amendement n° 333, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Le présent article transforme la procédure actuelle de rescrit administratif en une obligation de déclaration auprès du préfet de la qualité cultuelle des associations concernées.
Si la commission des lois a tenté d’améliorer le dispositif, en introduisant plus de souplesse lors du renouvellement des demandes des associations dont la qualité cultuelle aura déjà été reconnue pour une première période de cinq ans, et cela en prévoyant une simple obligation d’information de l’administration au bout de ces cinq années, il reste qu’une telle mesure se fonde sur une suspicion injustifiée et généralisée à l’égard des associations cultuelles.
Il n’appartient pas à l’État d’organiser les cultes et d’opérer un contrôle permanent sur ceux-ci.
L’article 27 a pour effet d’alourdir les contraintes administratives des associations cultuelles. C’est aussi une manière d’entraver la liberté des cultes, qui n’ont pas toujours les moyens administratifs d’effectuer de telles démarches.
En outre, ce contrôle renforcé est contraire aux principes qui découlent de notre laïcité, et il constitue un dévoiement de la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Églises et de l’État.
Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires en demande la suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. À nos yeux, le fait qu’une association ait besoin de se déclarer pour pouvoir émettre des reçus fiscaux ou bénéficier d’avantages fiscaux, par exemple sur la taxe foncière ou la taxe d’habitation, justifie qu’il puisse y avoir une déclaration.
Madame Benbassa, nous n’avons pas « tenté » d’améliorer ce dispositif ; nous avons réellement assoupli ces déclarations, notamment s’agissant du renouvellement.
Les déclarations auront aussi l’avantage de permettre au préfet d’avoir une vision assez globale des cultes et des différentes associations présents dans son département.
Il nous paraît donc intéressant de prévoir que ces associations se déclarent et se renouvellent, quand bien même nous avons largement simplifié le renouvellement.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 445 rectifié, présenté par M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, MM. Kanner, Assouline, Féraud, Magner et Marie, Mmes Meunier, Monier et S. Robert, MM. Durain, Kerrouche, Leconte et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Stanzione, Mme Van Heghe, MM. Bourgi, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. 19-1. – L’association cultuelle est déclarée au représentant de l’État dans le département dans lequel elle a son siège. Cette déclaration est assortie du dépôt de ses statuts qui précisent le caractère cultuel de l’association. Il sera donné récépissé de celle-ci dans le délai de deux mois.
« Le représentant de l’État dans le département refuse de délivrer le récépissé lorsqu’il constate que l’association ne remplit pas les conditions prévues aux articles 18 et 19.
II. – Alinéas 3 à 6
Supprimer ces alinéas.
III. – Alinéa 7
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Sans préjudice de l’article 111 V de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 et de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, lorsque le représentant de l’État dans le département constate que l’association ne remplit plus les conditions prévues aux articles 18 et 19, il en informe le ministère public compétent en application de l’article 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.
« Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. L’article 27 prévoit une double déclaration. C’est une rupture par rapport au système de la loi de 1905.
Notre amendement a pour objet de rester dans un régime de déclaration unique, conformément à la loi de 1905, que nous connaissons un peu, monsieur le ministre, même si nous raisonnons par rapport à la France de 2021…
L’article pose de nombreux problèmes. Il prévoit l’obligation pour l’association cultuelle d’informer tous les cinq ans l’administration qu’elle souhaite continuer à bénéficier de la reconnaissance de sa qualité cultuelle. La logique de la loi de 1905 est que cela figure dans les statuts. Et puisque cela figure dans les statuts, cela s’applique !
La Défenseure des droits a déclaré : « Au-delà du lourd formalisme que cela représente, ce nouveau dispositif ferait apparaître une nouvelle catégorie d’associations de la loi de 1905 ne bénéficiant pas des avantages propres aux associations cultuelles – avantages dont les contours paraissent flous en l’état actuel du texte. »
La Commission nationale consultative des droits de l’homme a aussi noté cette grande difficulté : « Serait ainsi créée, à côté des associations à objet cultuel de la loi de 1901 et de la loi de 1905, une troisième catégorie, celle des associations de la loi de 1905 ne bénéficiant pas des avantages propres à ce cadre législatif, dont le régime juridique reste à préciser. »
J’ajoute que la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour avoir violé l’article 9, alinéa 2, de la Convention européenne des droits de l’homme, en appliquant à des groupes sectaires des dispositions fiscales dont la portée était insuffisamment précise.
Monsieur le ministre, chers collègues, nous vous mettons en garde : si le texte était voté en l’état, peut-être la France aurait-elle de nouveau quelques difficultés avec les positions que ne manquerait pas de prendre la Cour européenne des droits de l’homme. (M. le ministre s’exclame.)
M. le président. L’amendement n° 449 rectifié, présenté par M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, M. Assouline, Mmes S. Robert, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet et Conconne, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal et Tissot, Mme Conway-Mouret, MM. Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après la première occurrence du mot :
association
insérer les mots :
qui n’en bénéficie pas à la date d’entrée en vigueur de la loi n° … du … confortant le respect des principes de la République et est
La parole est à Mme Laurence Harribey.
Mme Laurence Harribey. Il s’agit d’un amendement de repli. Nous proposons d’alléger la procédure, qui serait très contraignante avec ce renouvellement, en excluant les associations cultuelles déclarées avant l’entrée en vigueur de la présente loi.
Certes, l’article 45 du projet de loi prévoit une entrée en vigueur progressive, mais cela ne concernera en réalité qu’une partie des associations ayant acquis la reconnaissance de qualité cultuelle.
M. le président. L’amendement n° 47, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
, qui précise dans son objet qu’elle a vocation à accomplir des actes en relation avec l’exercice public d’un culte
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Il s’agit d’un amendement de cohérence.
Nous voulons introduire dans le texte l’obligation, pour une association visée par le présent article, de préciser dans son objet qu’elle a « vocation à accomplir des actes en relation avec l’exercice public d’un culte ».
M. le président. L’amendement n° 450 rectifié, présenté par M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, M. Assouline, Mmes S. Robert, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet et Conconne, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal et Tissot, Mme Conway-Mouret, MM. Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
La décision d’opposition doit être motivée.
La parole est à Mme Laurence Harribey.
Mme Laurence Harribey. Toujours dans le même esprit, nous proposons que, si le texte reste en l’état, l’acceptation de la déclaration vaille pour cinq ans et puisse être renouvelée pour la même durée sur demande des associations concernées.
Le préfet, qui dispose d’un délai de deux mois, peut éventuellement s’opposer au bénéfice des avantages découlant de la qualité d’associations cultuelles s’il constate que l’association n’entre pas dans cette catégorie.
Nous demandons que la décision préfectorale soit motivée, en vue d’une plus grande transparence de la procédure. Notre droit doit permettre aux associations cultuelles dont l’agrément est en jeu de se défendre dans les meilleures conditions.
M. le président. L’amendement n° 358 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 448 rectifié, présenté par M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, M. Assouline, Mmes S. Robert, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet et Conconne, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal et Tissot, Mme Conway-Mouret, MM. Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4 et alinéa 5, seconde phrase
Remplacer le mot :
cinq
par le mot :
huit
La parole est à Mme Laurence Harribey.
Mme Laurence Harribey. Par cet amendement complémentaire, nous proposons de porter la durée de l’agrément du préfet de cinq ans à huit ans, afin d’alléger les contraintes imposées aux associations et de désengorger les services préfectoraux.
M. le président. L’amendement n° 651, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
, renouvelable par déclaration au représentant de l’État dans le département, dans les conditions mentionnées aux premier et deuxième alinéas
II. – Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. L’article 27 fait partie de ceux qui peuvent susciter des discussions, notamment à propos des cultes. Il est très important de comprendre l’intérêt public d’une telle disposition.
Comme l’a très bien dit M. Sueur, quand une association cultuelle se crée, elle indique dans ses statuts qu’elle en est une. Cela lui procure des avantages : exemption d’impôts locaux, de taxe d’aménagement, de droits de mutation, etc. Et, comme nous le verrons bientôt, la loi lui offre encore plus d’avantages, notamment s’agissant des reçus fiscaux, entre autres.
Toutefois, dès lors que les statuts indiquent qu’il s’agit d’une association cultuelle déposée, il n’existe aucun moyen de vérifier la conformité entre l’activité et les statuts ; nous le savons, d’expérience, au ministère de l’intérieur. Certains d’entre vous prétendent que de tels contrôles seraient liberticides ou compliqués.
Or ce n’est pas à des femmes et à des hommes politiques que j’apprendrai que cela s’applique déjà pour les partis politiques ! Il ne suffit pas d’indiquer dans ses statuts que l’on est un parti politique pour bénéficier des avantages relatifs aux reçus fiscaux, le tout sans contrôle sur la comptabilité ou l’activité. Il n’est pas question d’utiliser les moyens des partis politiques pour faire autre chose que ce qui est prévu à l’article 4 de la Constitution. Vous savez bien que de telles pratiques seraient condamnées.
Or il n’y a pas d’équivalent de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques pour les cultes ; d’ailleurs, ce n’est pas ce que nous proposons.
Les cultes demandent simplement que, à l’instar de ce qui existe pour d’autres associations spécialisées bénéficiant d’avantages particuliers, comme les partis politiques, l’activité réelle soit bien conforme à l’objet indiqué dans les statuts. Or tel n’est pas toujours le cas ; je pourrais vous en donner d’innombrables exemples.
Pour répondre à ceux qui jugent de tels contrôles complexes, je lirai un extrait de la page 37 de l’avis du Conseil d’État, qui est pourtant très sourcilleux sur la liberté de culte et le fonctionnement du monde associatif : « Cette procédure sera moins contraignante pour les associations tout en permettant à l’administration d’atteindre le même objectif en se consacrant à l’examen des cas les plus litigieux. »
En effet, mesdames, messieurs les sénateurs, en présentant vos amendements, vous n’avez pas évoqué ce qui se passe en pratique. Aujourd’hui, l’association cultuelle demande un rescrit à l’administration.
La qualité cultuelle ne se décrète pas ex nihilo ; il faut faire une intervention auprès du ministère de l’intérieur, qui donne un rescrit administratif. Cela nous permet de vérifier non pas ce qui est ou non une association, ou ce qui relève ou non d’un culte, mais, tout simplement, s’il n’y a pas détournement – c’est sans doute cela que l’on attend de la part des agents publics –, c’est-à-dire si l’activité de l’association cultuelle est bien conforme à l’objet inscrit dans ses statuts.
C’est tellement vrai que l’on peut attaquer une association, souvent devant le juge judiciaire, lorsque son activité n’est pas conforme à ses statuts. Il existe des dispositions spécifiques en ce sens. À cet égard, le régime en vigueur en Alsace-Moselle est bien plus avancé que le droit national.
Cet article ne crée donc pas de complications. Le Conseil d’État lui-même considère qu’il simplifie le système.
Il y a une volonté extrêmement forte de l’État non pas de contrôler ce qui relève du culte, mais de vérifier l’utilisation des avantages donnés à l’association, car il y a beaucoup d’argent public à la clé.
Dans nos territoires, les exemples sont innombrables. Il est malheureusement très courant que des associations utilisent l’activité cultuelle pour faire autre chose que du cultuel, par exemple du scolaire, du sportif ou du culturel, dans les lieux qu’elles exploitent. Si le régime de la loi de 1901 est parfois détourné pour des activités relevant de la loi de 1905, l’inverse existe aussi.
C’est le point d’achoppement de notre discussion. Et cela me permet de répondre à l’interrogation qu’a soulevée un sénateur membre du groupe CRCE.
Pour des raisons que le Conseil d’État nous a expliquées et que nous avons bien voulu accepter, nous n’avons pas pu distinguer l’associatif type 1901 du cultuel type 1905. Il y a donc les « mixtes », qui, tout en étant des associations de type 1901, réclament la reconnaissance de leur qualité cultuelle.
Néanmoins, une telle confusion des genres ne sert ni l’esprit de la laïcité, ni le culte, qui se confond avec le culturel, ni les élus locaux, parfois enclins à croire sur parole ce qui figure dans les statuts sans vérifier qu’il s’agit bien d’associations cultuelles, ni, finalement, ce que nous voulons faire dans le cadre du présent projet de loi.
Certes, les oppositions peuvent s’exprimer, mais elles sont en contradiction avec l’esprit même de ce que nous souhaitons : distinguer réellement ce qui relève du cultuel et qui doit être aidé et ce qui relève du culturel et qui n’a rien de religieux.
M. le président. L’amendement n° 332, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L’association bénéficie d’une reconduction tacite de la reconnaissance de sa qualité cultuelle pour une nouvelle durée de cinq années.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’article 27 instaure un renouvellement quinquennal tacite de la déclaration initiale de qualité cultuelle d’une association auprès du préfet, que celui-ci pourrait écarter selon son bon vouloir. Il constitue une nouvelle attaque contre la liberté de culte et vient compliquer une procédure préexistante, puisque les associations culturelles sont déjà soumises à une obligation de déclaration préfectorale.
Le présent amendement de repli a donc pour effet d’alléger la procédure, en demandant une reconduction tacite et sans condition de la reconnaissance de la qualité culturelle d’une association pour une durée de cinq années supplémentaires. Le renouvellement de la déclaration de la qualité culturelle d’une association se produira ainsi tous les dix ans. C’est le délai que nous proposons au travers de cet amendement.
Le dispositif visé à l’alinéa 5 constitue une nouvelle fois un empiètement du politique sur le religieux, une atteinte au principe de séparation des Églises et de l’État. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires en demande donc la suppression.
M. le président. L’amendement n° 392 rectifié, présenté par M. Cuypers, Mmes Chain-Larché et Thomas, MM. Regnard et Cardoux, Mme V. Boyer, MM. Mandelli et Reichardt, Mme Gruny, MM. Brisson et Charon, Mmes Lopez et Lavarde, MM. Rapin, B. Fournier, Laménie et Belin, Mme Pluchet, M. Bonne, Mme Boulay-Espéronnier, MM. de Nicolaÿ, Houpert, Bas et de Legge, Mme Lassarade et MM. Longuet, Lefèvre et Mouiller, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigé :
Après quinze ans d’existence, la qualité cultuelle fait l’objet d’une reconduction tacite à chaque échéance de cinq ans sauf si deux mois auparavant, le représentant de l’État dans le département invite l’association concernée à renouveler la procédure de déclaration dans les conditions mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article.
La parole est à Mme Anne Chain-Larché.
Mme Anne Chain-Larché. Cet amendement vise également à simplifier la procédure, mais de manière légèrement différente.
Après quinze ans d’existence, la qualité cultuelle fait l’objet d’une reconduction tacite à chaque échéance de cinq ans, sauf si, deux mois, auparavant, le représentant de l’État dans le département invite l’association concernée à renouveler la procédure de déclaration dans les conditions mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article.
Il s’agit d’un compromis, mais qui a tout de même pour objet de simplifier le dispositif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. L’amendement n° 445 rectifié de M. Sueur vise à remplacer la nouvelle obligation de déclaration quinquennale au préfet par une simple mention dans les statuts de l’association de sa qualité cultuelle valable une fois pour toutes. C’est à cette mention que pourrait s’opposer le préfet lors de la déclaration de l’association de type 1905.
Or, vous l’avez compris, nous souhaitons que le préfet connaisse les cultes sur son territoire et nous approuvons le principe du renouvellement quinquennal. Nous émettons donc un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 449 rectifié a pour objet d’exempter du nouveau régime de déclaration les associations cultuelles déjà constituées avant l’entrée en vigueur de la présente loi. Nous sommes pour le renouvellement de la déclaration d’existence sur le territoire. Notre avis est donc également défavorable.
L’amendement n° 47 tend à rendre obligatoire la mention dans l’objet d’une association cultuelle qu’elle a vocation à accomplir des actes en relation avec l’exercice public d’un culte. Cette demande nous semble déjà satisfaite, notamment, par les articles 18 et 19 de la loi de 1905. Nous sollicitons donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Les auteurs de l’amendement n° 450 rectifié souhaitent imposer la motivation des décisions d’opposition. Là encore, cela nous paraît déjà satisfait, puisque la disposition générale relative à la motivation des actes administratifs s’applique également dans ce cas. Notre avis est donc défavorable.
L’amendement n° 448 rectifié vise à porter de cinq à huit ans la périodicité de la déclaration. La commission a estimé que cinq ans était un bon délai pour une clause de rendez-vous. Notre avis est donc défavorable.
J’en viens à l’amendement n° 651 du Gouvernement.
En fait, nous sommes plutôt d’accord avec vous sur ces déclarations, monsieur le ministre. Nous avons seulement souhaité faire en sorte qu’une association, plutôt que de renvoyer l’intégralité de son dossier tous les cinq ans, puisse simplement se signaler en envoyant un courrier qui rappelle son existence à l’administration, le préfet pouvant à ce moment-là voir son attention attirée par des changements de gouvernance, de pratique – que sais-je encore ?
Il est bien évident que cela ne concernerait pas toutes les associations. Nous sommes bien d’accord, une association diocésaine n’aura pas bouleversé ses pratiques en cinq ans, et le préfet n’est pas obligé de lui redemander un dossier, qui serait d’ailleurs très probablement un copier-coller du dossier présenté cinq ans auparavant. Nous pensons qu’une nouvelle déclaration doit bien être faite, mais qu’il vaut mieux alléger la procédure.
Ainsi, le préfet, qui change un peu trop souvent à mon goût, sait que l’association existe et, s’il s’interroge, il demande un dossier plus complet, même si ce n’est pas obligatoire. Nous ne sommes pas si éloignés de vous, monsieur le ministre, et je regrette que vous vouliez revenir à votre rédaction, car la nôtre nous semble plus conforme à ce que l’on peut attendre des cultes ; sinon, vous vous en doutez bien, nous ne l’aurions pas retenue… Notre avis est donc défavorable.
L’amendement n° 332 de Mme Benbassa tend à prévoir un renouvellement quinquennal de droit par tacite reconduction.
Mes chers collègues, vous avez compris que nous y étions défavorables, tout comme au délai de quinze ans prévu par les auteurs de l’amendement n° 392 rectifié. Une reconduction au bout de cinq ans nous paraît être une clause de rendez-vous acceptable, surtout allégée comme elle l’a été par la commission, c’est-à-dire grâce à un simple courrier. Ce délai nous paraît tout à fait supportable.
L’avis de la commission est donc également défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’ensemble des amendements en discussion, à l’exception, bien sûr, de l’amendement n° 651, qu’il soutient franchement ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, vous avez cité l’avis du Conseil d’État. Or ce texte contient un paragraphe qui a attiré spécialement mon attention.
Je vous en donne lecture : « La procédure prévue par le projet s’apparente donc à une barrière à l’entrée du statut d’association cultuelle. Un tel régime porte une atteinte certaine au régime actuel, en vertu duquel les associations, y compris cultuelles, se constituent librement. » On sent qu’il y a là une interpellation du Conseil constitutionnel.
Le président Retailleau, à propos de l’instruction en famille, nous a dit : « Un régime d’exception est tout sauf un régime de liberté ». Vous me permettrez de reprendre ses propos pour vous dire que ce que vous organisez ici, c’est un régime d’exception, et ce n’est donc pas un régime de liberté.
J’ai lu attentivement votre étude d’impact. Il y a une phrase qui revient trois ou quatre fois. Elle est forte, et je pense qu’elle est de nature à justifier notre débat : « L’exercice du culte n’est pas une activité neutre. »
Je sais parfaitement distinguer une association diocésaine d’une association de joueurs de pétanque (Sourires.), mais quand on a dit, comme vous, et je suis tout à fait d’accord, que l’État devait respecter une stricte neutralité par rapport à la religion, les seules choses à examiner, ce sont l’atteinte éventuelle à l’ordre public et le respect des formes juridiques.
Or, de ce point de vue, je suis désolé, mais l’athée que je suis n’imagine pas qu’il puisse y avoir ontologiquement dans l’exercice du culte quelque chose qui transgresse l’ordre public et le respect des cadres législatifs.
Ce qui m’inquiète dans cet article, c’est que vous jetez une suspicion de principe sur l’exercice du culte. Je crains que cela n’entraîne, dans une partie de la population, un rejet massif des faits religieux, quels qu’ils soient, ce qui est totalement contraire à l’esprit de la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905.
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.
M. Arnaud de Belenet. À mon sens, la rédaction du projet de loi issue des travaux de l’Assemblée nationale imposait une contrainte bien plus proportionnée à l’objectif visé que la rédaction initiale. Il y a bien, non pas une autorisation, mais un contrôle a posteriori du préfet. C’est déjà une meilleure base et un signe de moindre défiance.
Je comprends l’objectif et la problématique du rescrit fiscal.
Cependant, je comprends moins, monsieur le ministre, que l’amendement du Gouvernement vise à supprimer l’alinéa 5, qui a été rédigé par la commission des lois du Sénat. Il est pourtant un signe d’apaisement ou de non-défiance à destination des associations cultuelles, puisqu’il prévoit tout simplement un renouvellement tacite à cinq ans. On ne les oblige pas à procéder à un certain nombre de formalités, mais le préfet, en application d’un certain parallélisme des formes par rapport au premier temps de la déclaration, dispose de deux mois pour réagir.
Je trouve que cette disposition, telle qu’elle a été rédigée par la commission des lois, ne change pas l’intention des auteurs du projet de loi, ne bouleverse pas les procédures et permet d’atteindre l’objectif de manière proportionnée, tout en adressant un message de sympathie et d’apaisement aux associations cultuelles. À mes yeux, la suppression de l’alinéa 5 que vous appelez de vos vœux n’est donc pas opportune.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Ouzoulias, je ne me laisserai pas aller à la facétie de souligner que, en citant M. Retailleau, vous élargissez votre spectre idéologique…
M. Pierre Ouzoulias. Je rassemble, monsieur le ministre ! (Rires.)
M. Gérald Darmanin, ministre. Attention à ne pas vous faire mal en forçant votre souplesse, tout de même !
Comment expliquer que, pour nous, se déclarer ne signifie pas être conforme ad vitam aeternam à son objet ? À cet égard, Mme la rapporteure a eu raison de souligner que l’amendement de M. Sueur était tout le contraire de ce que nous souhaitions faire.
Je pense que nous avons une divergence profonde. L’association n’a pas forcément toujours les mêmes activités.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est dans ses statuts !
M. Gérald Darmanin, ministre. Oui, mais on peut déclarer quelque chose et avoir une activité contraire à l’objet de ses statuts. Chacun peut le constater, sauf à vivre dans un monde merveilleux d’enfants qui pourraient encore avoir des rêves…
Je doute que toutes les associations, partout, respectent leurs statuts à la lettre. Au demeurant, monsieur le président Sueur, la loi prévoit la possibilité d’attaquer une association qui n’agirait pas selon ses statuts.
M. Jean-Pierre Sueur. Tout à fait ! On peut déjà le faire.
M. Gérald Darmanin, ministre. Vous avez parlé d’ordre public, et je n’ai pas voulu vous contrarier, mais le respect de l’ordre public s’apprécie au regard du caractère plus ou moins défini de l’objet du statut d’une association, selon plusieurs jurisprudences du Conseil d’État.
M. Jean-Pierre Sueur. Le respect de l’ordre public, il s’impose !
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Sueur, je crois franchement que vous étiez parti assez loin dans votre volonté de vous opposer au texte du Gouvernement. Il est évident qu’une association cultuelle créée voilà un siècle peut avoir désormais une activité qui n’est plus tout à fait conforme à son statut. Le principe du droit, c’est de rappeler à l’ordre quand les réalités peuvent diverger.
Nous sommes tous très attachés à ce terme de cinq ans, puisqu’il correspond au délai moyen de renouvellement des élus dans les grandes démocraties. Il nous semble raisonnable de faire en sorte que, périodiquement, les services de l’État puissent vérifier que les statuts sont conformes à l’activité et que l’association cultuelle fait bien du culte, et pas autre chose.
En effet, dans sa grande bonté, la République, qui aime tellement les cultes, au point d’en protéger scrupuleusement la liberté, a prévu des avantages pour les associations cultuelles, et pas pour les autres associations, ce que beaucoup ignorent.
Madame la rapporteure, monsieur de Belenet, je vous remercie d’avoir travaillé dans l’esprit de ce qu’a proposé le Gouvernement.
Cependant, je ne puis vous suivre sur la simple lettre ou sur la reconduction tacite, qui me paraît illusoire.
En effet, je sais comment fonctionnent les services de l’État, avec des préfets qui changent de poste avant cinq ans en moyenne. Certains élus peuvent le regretter, mais, parfois, ils demandent eux-mêmes le départ de leur préfet, ce qui ne veut pas dire d’ailleurs que le ministre de l’intérieur y fait droit… (Sourires.) Et je ne parle pas pour votre département en particulier, madame la rapporteure !
Ce qui est certain, c’est que la déclaration tacite nous paraît illusoire, car le contrôle reposerait alors sur une dénonciation par une collectivité locale, par des membres de l’association, par le préfet lui-même ou par les services de renseignement.
Je le répète, tous les partis politiques s’y soumettent tous les ans, ce que nous ne demandons pas aux cultes. Vous le savez, tous les partis politiques, tous les ans, doivent montrer qu’ils respectent un certain nombre d’obligations, ce qui leur permet d’obtenir un agrément pour continuer à bénéficier des exceptions, notamment fiscales, que la loi leur octroie.
On pourrait aussi prendre l’exemple des fondations et de toutes ces associations exceptionnelles qui bénéficient d’avantages un peu particuliers. Il ne me semble pas que la reconduction tacite ou la simple lettre permette ce travail.
Mme la rapporteure m’objecte que ce type de mesure n’est pas adapté aux associations diocésaines. Bien sûr, mais nous ne reconnaissons, par définition, aucun culte. Que serait la loi de la République si elle distinguait les associations diocésaines, donc les catholiques, des autres ? Ce ne serait pas raisonnable dans l’esprit de nos textes.
Enfin, monsieur Ouzoulias, je salue votre travail attentif sur le texte, mais, si vous avez lu in extenso l’avis du Conseil d’État, qui exprimait une inquiétude, vous n’êtes pas sans savoir que ledit avis concernait le texte tel qu’il était avant la première lecture à l’Assemblée nationale, laquelle a justement corrigé la disposition en question.
Je me suis d’ailleurs engagé à ce que le décret d’application du texte soit conforme à l’esprit des travaux de l’Assemblée nationale, donc au vôtre, et non pas à l’esprit du texte tel qu’il avait été présenté par le Gouvernement au Conseil d’État. Monsieur le sénateur, si votre remarque était juste, elle est désormais sans objet, puisque ce point a été corrigé.
Pour résumer, madame la rapporteure, je reste attaché au texte du Gouvernement, mais nous aurons sans doute l’occasion dans le débat, et peut-être en CMP, de trouver une solution simple et respectueuse de l’ordre public.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Je veux juste préciser et notre travail et ma pensée.
Tout d’abord, l’association doit tout de même envoyer un courrier, c’est-à-dire que ce n’est pas vraiment une tacite reconduction, dans la mesure où elle doit malgré tout se signaler.
Une fois qu’elle s’est signalée, le préfet, qui, effectivement, a pu changer, éventuellement, même, à la demande des élus (Sourires.), et qui découvrirait ces associations, peut s’interroger et questionner le passif de ces structures avec les quelques personnels qui, eux, n’ont pas bougé, pour ensuite n’examiner que les associations qui ont suscité la curiosité de ses services.
Je citais les associations diocésaines comme un exemple d’associations qui, en général sont assez stables. Bien entendu, il peut tout aussi bien s’agir d’une association musulmane, protestante, bouddhiste – que sais-je encore ? –, pourvu qu’elle soit stable et qu’elle n’ait pas attiré l’attention des services de la préfecture dans les cinq précédentes années, a fortiori si son président est toujours le même et que son activité semble n’avoir pas changé.
Si c’est le cas, effectivement, les services de la préfecture n’ont pas à aller demander un nouveau dossier, car c’est lourd, autant pour l’association que pour eux. Il vaut mieux qu’ils se concentrent sur les associations qui, éventuellement, ont connu des changements substantiels dans les cinq ans.
Mme Nathalie Goulet. Je retire l’amendement n° 47, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 47 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 450 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l’amendement n° 651.
Mme Nathalie Goulet. Mes chers collègues, je suis tout à fait favorable à cet amendement. (Exclamations agacées au banc des commissions.)
Pour les gens qui travaillent sur ce sujet depuis très longtemps, cette proposition du Gouvernement constitue déjà une avancée considérable. C’était également le cas de l’article précédent sur les dispositifs « anti-OPA », au sujet duquel je ne me suis pas exprimée. Ce sont vraiment des dispositions que l’on attend depuis longtemps. Plus elles seront claires, plus elles seront déterminées et plus on arrivera à remettre de l’ordre dans la maison.
Mme Anne Chain-Larché. Je retire l’amendement n° 392 rectifié, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 392 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 27.
(L’article 27 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 27
M. le président. L’amendement n° 686, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 27
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 1311-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le bail a pour objet l’affectation à une association cultuelle d’un édifice du culte ouvert au public, la collectivité territoriale informe le représentant de l’État dans le département de son intention de conclure un tel bail trois mois au moins avant sa conclusion. » ;
2° L’article L. 2252-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2252-4. – Une commune peut garantir les emprunts contractés pour financer la construction, par des associations cultuelles ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, par des établissements publics du culte ou par des associations inscrites de droit local à objet cultuel, d’édifices répondant à des besoins collectifs de caractère religieux.
« La commune informe le représentant de l’État dans le département de son intention d’accorder une telle garantie trois mois au moins avant que celle-ci soit accordée. » ;
3° L’article L. 3231-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3231-5. – Les départements peuvent garantir les emprunts contractés pour financer la construction, par des associations cultuelles ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, par des établissements publics du culte ou par des associations inscrites de droit local à objet cultuel, d’édifices répondant à des besoins collectifs de caractère religieux.
« Le département informe le représentant de l’État dans le département de son intention d’accorder une telle garantie trois mois au moins avant que celle-ci soit accordée. »
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Cet amendement a un double objet.
D’une part, il vise à étendre la possibilité d’accorder des garanties d’emprunt à toutes les collectivités locales, départements et communes. Il existe aujourd’hui des règles un peu complexes, sur lesquelles je passe, et je pense que cela permettra l’égalité de traitement de tous.
D’autre part, en contrepartie, si j’ose dire, il tend à instituer un dispositif d’information qui sera extrêmement important et efficace, surtout si l’on s’oriente vers une solution plus conforme à ce que veut la commission des lois du Sénat, c’est-à-dire la tacite reconduction ou, au moins, une lettre : il faudra que le préfet soit informé trois mois avant que les baux emphytéotiques ou les garanties d’emprunt ne deviennent effectifs, de sorte qu’il puisse intervenir pour vérifier la qualité cultuelle de l’association et, avec l’aide d’autres dispositifs, les éventuels financements étrangers et l’intérêt public local.
Bref, il faudra que les services de l’État soient en mesure de guider les collectivités locales souhaitant soutenir telle ou telle association cultuelle par un geste positif, à savoir un bail emphytéotique ou une garantie d’emprunt, ou s’opposer à de tels projets.
Je ne reviendrai pas sur des débats très récents, mais il me paraît important que la République puisse se protéger face à l’ignorance – ou face à autre chose…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Effectivement, cet amendement vise à assurer une meilleure information de l’administration sur les financements des nouveaux édifices du culte impliquant des collectivités territoriales et à assouplir légèrement l’octroi des garanties d’emprunt, désormais possible sur toutes les communes du territoire, et non plus seulement dans les agglomérations en développement.
Nous sommes favorables à cette disposition, car elle permettra un meilleur contrôle des constructions des nouveaux lieux de culte par les fidèles et par les pouvoirs publics.
L’assouplissement de certains financements par garantie d’emprunt semble également bienvenu. Une telle mesure était réclamée par certains représentants des cultes reçus en audition, notamment les évangéliques, et souhaitée par plusieurs de nos collègues. Il y a notamment eu un amendement en ce sens de notre collègue Hervé Maurey, qui a été frappé d’irrecevabilité sur le fondement de l’article 40 de la Constitution.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement est apparu voilà deux jours. C’est étonnant !
Monsieur le ministre, vous avez dit – je cite de mémoire –, « sans qu’il soit besoin de revenir sur des débats très récents ». Vous avez vraiment le sens de l’antiphrase. Je ne pense pas que ce soit le Saint-Esprit, s’il existe, qui vous ait inspiré, voilà quarante-huit heures, cet amendement…
Vous le savez très bien, cet amendement est dû à l’actualité. Or, monsieur le ministre, je ne suis pas sûr que l’on fasse de bonnes lois quand on les fait à partir de la revue de presse. (M. le ministre proteste.)
Certes, il y a eu des événements la semaine dernière. Seulement, dans votre souci de répondre à l’actualité, ce qui, je le répète, n’est pas forcément toujours la bonne manière de légiférer, vous avez oublié que l’objet de votre amendement inopiné trouvait sa réponse dans l’article 27, tel qu’il vient d’être adopté dans la rédaction du Sénat, qui est proche de la vôtre, monsieur le ministre.
En effet, cet article 27 a justement pour objet d’insérer dans la loi de 1905 un article 19-1, visant à permettre aux représentants de l’État de vérifier la qualité cultuelle de l’association, au moyen de la déclaration préalable qui lui est imposée pour bénéficier des avantages que sont la possibilité de contracter des baux emphytéotiques ou le bénéfice d’emprunts garantis par les communes, départements, etc. Je ne vais pas répéter ce que vous avez très bien dit ; vous avez défendu votre position.
En outre, cette qualité est attribuée pour une durée de cinq ans, et l’article 27, tel qu’il a été voté à l’instant, assure un droit de suite de ce contrôle, car, avant le terme de cette échéance, l’association qui souhaite continuer à bénéficier des effets de la qualité cultuelle doit en informer le préfet deux mois avant l’expiration du délai susmentionné.
Enfin, le respect de l’ordre public étant une condition pour obtenir et conserver le statut d’association cultuelle, en application de ce qui vient d’être voté voilà quelques minutes, le préfet est toujours en mesure de s’opposer à la qualification cultuelle d’une association, si celle-ci trouble l’ordre public.
J’ai épuisé mon temps de parole et ne puis donc développer d’autres arguments, mais il va de soi, monsieur le ministre, que cet amendement est démonstratif. Il ne vous est pas interdit de faire de la politique, mais, tant qu’à faire, autant que ce soit nous qui le rappelions, puisque vous avez oublié de le dire.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Sueur, je vous remercie, mais je ne suis pas sûr qu’il existe une déclaration tacite ou que j’aie besoin de votre autorisation pour faire de la politique !
Ce qui est certain, c’est que vous vous trompez lourdement sur le fond. Vous faites une grave confusion, si je puis me permettre, avec ce que dit l’article 27 proposé par la commission, d’après ce que j’en ai compris, car je n’en suis pas l’auteur. Il est vrai qu’il y a plusieurs demeures dans la maison du père, mais je crois que la rédaction est assez claire.
Mon amendement ne vise pas les pouvoirs du préfet de confirmer ou de contester la qualité cultuelle d’une association. Il s’agit de faire en sorte que le préfet puisse être informé du bail emphytéotique ou de la garantie d’emprunt qu’une collectivité locale s’apprête à accorder. Pardon de vous le dire, mais cela n’a rien à voir avec l’article 27.
Par ailleurs, monsieur Sueur, il est évident que l’actualité nous renseigne.
Je vous l’avoue, je n’aurais pu imaginer que, dans notre République, une collectivité locale passe outre, par deux fois, les avertissements d’une préfète et ne tienne pas compte des alertes du ministre de l’intérieur en personne, prévenu sur la base d’informations extrêmement claires et précises des services de renseignement français. Perseverare diabolicum, si vous me permettez l’expression. Je puis imaginer que l’on pèche par méconnaissance de telle ou telle association ou de tel ou tel mouvement, mais, en l’occurrence, toute naïveté doit être écartée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je le dis sans arrière-pensée politique dans cet hémicycle, je ne pensais pas objectivement que nous serions un jour amenés à constater de tels actes quasiment antipatriotiques, qui reviennent à frapper la Nation dans le dos.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Tout à fait !
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Sueur, je n’imaginais pas que l’on en arriverait à ce niveau de contrainte politique.
J’en tire toutes les conclusions, et si vous voulez me faire dire qu’il s’agit d’un amendement visant à empêcher de faire du communautarisme, je le concède bien volontiers.
Quand un élu de la République, qui, en tant que maire, est agent de l’État, je le rappelle, n’écoute pas les services de renseignement lorsqu’ils l’avertissent qu’il va financer une ingérence étrangère sur le sol de la République, ou, pis, de l’islam politique, je pense en effet qu’il est sage que le Gouvernement prenne ses responsabilités.
Je vous propose donc cette disposition, et j’espère bien que le Parlement la votera, conformément à l’esprit patriotique qui doit tous, je le pense, nous rassembler. Monsieur Sueur, il ne s’agit pas ici de politique, ou alors c’est de la Politique avec un grand P.
M. Jean-Pierre Sueur. J’ai bien fait de vous inciter à dire cela, monsieur le ministre ! Maintenant, c’est explicite.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, disons les choses très clairement : les élus communistes à la mairie de Strasbourg ont voté contre cette subvention à l’association Millî Görüs, parce que nous considérons qu’elle est le faux-nez en France du gouvernement Erdogan, qui vise l’implantation d’une politique néo-ottomane, nationaliste et fasciste.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Bravo !
M. Pierre Ouzoulias. Vous le savez bien, notre groupe vous a saisi à plusieurs reprises pour dénoncer les agissements de la Turquie contre la communauté arménienne, contre la communauté kurde, etc. Sur ce point, nous sommes intransigeants ; nous le sommes en France, mais aussi à l’étranger. Le Président de la République s’est d’ailleurs interrogé pour savoir si la Turquie devait encore être considérée comme un de nos alliés au sein de l’OTAN. À un moment, il faudra tirer tout cela au clair.
Je termine sur un point juridique. J’ai proposé hier, sur une mesure d’une légèreté absolue, de modifier le droit local d’Alsace-Moselle. On m’a répondu que c’était un tabou, quelque chose qu’il ne fallait absolument pas toucher. Nous voterons bien entendu l’amendement du Gouvernement, mais je remarque que, en l’espèce, vous touchez au droit local d’Alsace-Moselle.
Monsieur le ministre, il faudra bien que, un jour, en conscience, tous ensemble, nous menions une analyse complète de ce droit local, analyse qui ne soit pas réservée uniquement aux élus d’Alsace-Moselle, même si, bien évidemment, ces derniers ont un point de vue déterminant à cet égard.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je voterai moi aussi cet amendement. Finalement, ce texte constitue une bonne occasion de régler en partie un problème. Il faut s’en réjouir.
Je voudrais aborder la question des renseignements et de la transparence. Il m’a été répondu par les rapporteures, à la faveur d’un amendement que j’avais présenté, que l’information circulait entre les préfets et les maires.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous rappeler une affaire assez pathétique qui s’est déroulée à Rouen, où la mairie a loué une salle à une association très peu recommandable, à savoir l’Union des musulmans de Rouen, affiliée aux Frères musulmans, qui tenait un séminaire pour les parents et les enfants, avec un orateur tout à fait ciblé par vos services.
Lorsque j’en ai été informée, j’ai tout d’abord prévenu le préfet, lequel n’était pas au courant, puis j’ai saisi la mairie, qui, apparemment, n’était pas non plus au courant, mais qui avait tout de même accordé une salle. Plus on prévoira d’informations préalables, plus on mettra de contraintes, mieux ce sera.
Le grand rabbin de France, lors de son audition, nous a dit en substance : plus il y aura de contrôles, plus la République sera forte et plus nous serons tranquilles. Je fais mienne cette déclaration.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, puisque l’on a parlé de l’attribution de ces 2,5 millions d’euros à Millî Görüs pour la mosquée Eyyûb Sultan, je voudrais apporter quelques éléments au débat.
Cette association a plusieurs fois été en relation avec les services de l’État par le passé. Elle a obtenu des contrats et des subventions, comme l’a indiqué la préfecture du Bas-Rhin. Cela a été confirmé par le journal Libération. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
En mai 2020, la préfecture lui a accordé une subvention de 2 500 euros au titre de la solidarité aux actions associatives lors du premier confinement. Par ailleurs, dans le cadre d’un partenariat institutionnel, une convention pour lutter contre l’insécurité routière dans les quartiers prioritaires strasbourgeois a été signée en 2020 entre cette association et l’État.
En 2019, selon Le Canard enchaîné, l’État a versé une subvention de 22 400 euros à Millî Görüs, a priori pour la construction de la mosquée.
Il ne sert donc à rien de dire maintenant qu’on n’était pas au courant ! Un maire ne dispose évidemment pas des mêmes sources de renseignement qu’un préfet. En l’occurrence, il revenait donc à la préfète de tenir les élus au courant de ces questions, si elle souhaitait que la maire actuelle ne fasse pas ce que son prédécesseur a lui-même fait, à savoir verser de l’argent.
On a fait de cette affaire toute une histoire parce que la mode est à l’« écolo-bashing », en espérant ainsi affaiblir les écologistes. Vous feriez mieux d’examiner les choses de près et de ne pas lancer de rumeurs ou engager de polémiques de ce genre, comme vous l’avez fait.
D’ailleurs, j’ai vu une photo, sur laquelle le Président de la République, Emmanuel Macron, pose avec les membres du CFCM, dont M. Sarikir, qui en est toujours, me semble-t-il, le secrétaire général. La maire de Strasbourg n’avait donc pas de raison de se méfier de ce personnage.
Je le répète : il faut cesser de répandre ce type de rumeurs – elles ne servent personne. Après tout, les services de renseignement n’auront désormais qu’à avertir les maires et leur dire à qui attribuer ou non des subventions ! Les mairies, vous le savez, ne disposent pas de ce genre de services…
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire que cet amendement trouve son origine dans l’actualité. Chacun appréciera cela à sa manière, mais il est vrai, monsieur le ministre, que vous avez utilisé la presse et les réseaux sociaux de manière assez virulente, ce qui a pu laisser penser, peut-être à tort, à une exploitation politique.
Cet amendement est important et nous avons besoin d’informations sur le dispositif que vous proposez pour déterminer notre vote.
Tout d’abord, quelle est son utilité pratique, dans la mesure où la préfète a d’ores et déjà engagé une procédure à l’encontre de la décision en question ? Concrètement, en quoi l’État est-il aujourd’hui démuni dans ce type de situation ?
Ensuite, je n’ai pas trouvé de réponse claire sur la conformité de votre proposition avec le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. Ce n’est sans doute pas un obstacle, puisque seule une information est prévue, non une autorisation, mais cette démarche me gêne quand même. Ne s’agit-il pas d’une forme de contrôle de légalité a priori ? Si c’est le cas, qu’est-ce qui justifie votre proposition ?
Enfin, quelle sera la sanction en cas de non-respect ?
Nous avons besoin d’éclaircissements sur l’ensemble du dispositif que vous proposez afin que vous ne soyez pas suspecté de vouloir contrôler a priori les délibérations des collectivités territoriales. Je rappelle que les actes des collectivités ne font aujourd’hui l’objet que d’un contrôle a posteriori.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain prendra position en fonction des informations que vous nous apporterez et indépendamment des arguments qui ont être avancés par les uns et les autres, que ce soit sur la nature de l’association concernée ou sur l’ancienneté du projet en question – j’ai d’ailleurs cru comprendre que beaucoup d’acteurs strasbourgeois y ont été associés au fil du temps.
En tout cas, faisons œuvre utile ! Dans cet objectif, je vous remercie par avance de vos réponses, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Comme vous le savez maintenant, je suis un sénateur alsacien ! (Sourires.) Cet amendement ne me dérange pas le moins du monde et je vais le voter, car je ne vois pas en quoi il ferait obstacle ou porterait atteinte, mon cher collègue Pierre Ouzoulias, au droit local alsacien-mosellan. (M. Pierre Ouzoulias proteste.) Il me semble pourtant que c’est ce que vous avez dit tout à l’heure à l’endroit de M. le ministre.
M. Pierre Ouzoulias. J’ai dit qu’il modifiait le droit local !
M. André Reichardt. Pour moi, « modifier » ou « porter atteinte » revient au même dans la mesure où je suis favorable au maintien du droit local en l’état, pour de multiples raisons que je vous expliquerai un jour. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, il forme un tout indivisible.
En tout cas, je vais vous expliquer pourquoi, à mon sens, cet amendement ne porte pas atteinte au droit local.
Que les choses soient claires : quoi qu’on dise dans la presse, ce n’est pas le Concordat qui a permis au maire ou au conseil municipal de Strasbourg de prendre cette décision. C’est le fait que la loi de 1905 ne s’applique pas en Alsace-Moselle. C’est pour cette raison qu’une collectivité territoriale d’Alsace ou de Moselle a le droit de subventionner un édifice cultuel. Il s’agit là naturellement seulement d’une possibilité, il n’y a pas de droit de tirage.
Une telle décision doit évidemment tenir compte de l’intérêt général et celui-ci commandait en l’occurrence au conseil municipal de s’interroger à tout le moins sur l’opportunité d’attribuer une subvention à ce projet, surtout pour un montant aussi élevé – c’est d’ailleurs ce que, personnellement, je conteste.
Cela dit, demander aux collectivités locales qui veulent garantir un emprunt destiné à financer la construction d’un édifice cultuel ou passer un bail emphytéotique, dont l’objet est l’affectation à une association cultuelle d’un édifice du culte, d’en informer le représentant de l’État, comme tend à le prévoir cet amendement, ne me choque pas du tout. Il ne s’agit aucunement d’une atteinte portée au droit local ou à la libre administration des collectivités territoriales.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Mes chers collègues, ne soyons pas naïfs ! Je sais que personne ici ne l’est et chacun sait la pression qui s’exerce parfois sur les élus locaux. Et en la matière, il y a ceux qui résistent, ceux qui ont des difficultés et ceux qui flirtent avec la ligne rouge…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il y en a partout…
M. Philippe Dallier. Je n’incriminerai personne ! À partir de là, tout ce qui va dans le sens d’un meilleur contrôle, d’une meilleure coordination avec les services de l’État, est intéressant.
Mme de La Gontrie évoquait la question du contrôle : doit-il avoir lieu a priori ou a posteriori ? Je ne sais pas si la question se pose ainsi, ni même en termes de libre administration des collectivités locales, mais franchement, je suis totalement favorable aux dispositions qui permettent un contrôle en amont du respect des règles. Cela ne me choque absolument pas !
Vous savez, quand on sait ce qui se passe parfois sur le terrain dans un département comme le mien, la Seine-Saint-Denis, on préfère que des dispositifs soient mis en place pour s’assurer en amont que les règles sont bien respectées par tout le monde. En fait, de tels dispositifs peuvent éviter aux élus de se trouver dans des situations très inconfortables lorsqu’ils doivent décider d’attribuer une subvention importante à des gens qu’ils ne connaissent pas forcément très bien.
L’amendement du Gouvernement ne me gêne donc pas et je vais le voter.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je voterai moi aussi l’amendement du Gouvernement, et ce pour une raison extrêmement pratique : les collectivités locales ont besoin d’être informées.
Il se trouve que la religion musulmane est très décentralisée, pour des raisons traditionnelles inhérentes à sa pratique. C’est d’ailleurs en partie la raison de son succès, de sa force et de sa pénétration dans des pays très divers. L’islam n’est pas simplement arabe : il est aussi malais, indonésien, etc. Il s’adapte et prospère en petites communautés, dont certaines, en particulier en France, sont liées à des organisations internationales ou à des États étrangers, ce que les collectivités locales ne peuvent évidemment pas savoir.
Les collectivités ne disposent pas de ces informations et ne peuvent pas toujours identifier qui soutient concrètement telle ou telle communauté. Prévoir l’information de l’État, qui, lui, a le devoir de tenir à jour ce type d’information, est une façon de protéger les élus quand ils doivent prendre de telles décisions.
Comme André Reichardt et Philippe Dallier, je considère que cet amendement est une sécurité pour les collectivités locales. C’est pourquoi je le voterai de bon cœur.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.
Mme Valérie Boyer. Je voterai bien évidemment cet amendement, pour toutes les raisons qui viennent d’être invoquées. Nous devons absolument protéger les maires lorsqu’ils sont confrontés à des demandes très insistantes, notamment de la part de certaines associations.
J’ajoute que voter des mesures sous le coup de l’actualité ne pose aucun problème, surtout lorsque celle-ci nous taraude ou nous bouscule. Parfois, l’actualité nous oblige même à agir.
C’est le cas aujourd’hui à double titre : il y a d’abord la question de l’attribution d’une subvention à l’association Millî Görüs par la mairie de Strasbourg, mais aussi la manière absolument scandaleuse dont Mme Ursula von der Leyen a été reçue mardi à Ankara. Cet événement, ce camouflet, révèle combien il est difficile pour les Européens de se faire respecter par certains pays, en particulier par le régime qui soutient justement la mosquée dont nous parlons. Ce qui est arrivé à Mme von der Leyen est absolument scandaleux et indigne dans le cadre de relations diplomatiques, sachant en outre que le pays dont nous parlons continue, malheureusement, de bénéficier de subventions extrêmement importantes de la part de l’Union européenne.
Cette actualité nous oblige à réagir et à dire stop à cet entrisme politique, culturel et religieux et à ces manifestations agressives. C’est la raison pour laquelle je voterai cet amendement, qui permet de répondre au besoin de protection des élus, en particulier des maires.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Je reprendrai les propos qu’a tenus Pierre Ouzoulias, car ils posent les termes d’un débat de fond. Accordez-nous au moins le fait que nous sommes pleinement cohérents : nous défendons avec force le respect de la loi de 1905, son utilité et sa modernité.
Or cet amendement pose en fait une question fondamentale : allons-nous institutionnaliser, voire généraliser, le droit local d’Alsace-Moselle, qui permet le financement des cultes ?
Abordons cette question avec franchise ! Nous ne voterons pas dans le même sens, ce n’est pas grave, l’essentiel est de faire preuve d’honnêteté intellectuelle – ce que tout le monde fait ici et j’apprécie les réponses de chacun, y compris celles du Gouvernement – et prendre position : peut-il y avoir, sur le territoire de la République, un droit local permettant le financement des cultes ? Voilà la question !
Sur les élus, Philippe Dallier, sachez qu’il m’arrive d’incriminer leur comportement, qu’ils soient de gauche ou de droite.
M. Philippe Dallier. Je suis d’accord.
M. Pascal Savoldelli. Je ne laisse pas tout passer, quelle que soit, je le répète, leur étiquette politique. Certains comportements sont délictueux, illégaux et nous condamnons de telles pratiques politiques. Nous ne nous laissons pas fourvoyer !
Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera cet amendement pour une raison de principe : nous ne sommes pas favorables à un droit local permettant de financer un culte, quel qu’il soit, et nous sommes opposés à tout financement public à destination cultuelle, où que ce soit sur le territoire de la République.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Avant de répondre à Mme de La Gontrie, je dirai quelques mots en réponse à Mme Benbassa.
Je ne crois pas, madame Benbassa, que votre manière de défendre la mairie de Strasbourg était la bonne, parce que vous avez tout de même proféré trois contre-vérités.
Vous avez d’abord fait semblant de confondre financement de la construction d’un lieu de culte et aide de l’État pour assurer la vidéoprotection des lieux de culte. Il est vrai que le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) permet d’attribuer des subventions pour financer la vidéoprotection des lieux de culte. Il faut savoir que 70 % de cette enveloppe est consacrée à la protection des écoles et lieux cultuels juifs en raison des grandes menaces qui pèsent sur eux. Il ne s’agit en aucun cas du financement direct d’un lieu de culte.
Vous semblez aussi avoir oublié un événement récent, madame la sénatrice : Millî Görüs a refusé de signer la charte des principes pour l’islam de France qui affirme la nécessité de respecter les valeurs de la République – l’égalité entre les femmes et les hommes, le droit de changer de religion, etc. En ce qui nous concerne, nous en avons tiré les conséquences !
Par ailleurs, vous évoquez une photo sur laquelle figurent ensemble le Président de la République et le responsable de Millî Görüs. Franchement, je ne vous ferai pas l’injure de vous expliquer qu’on ne peut évidemment pas mettre dans le même panier toutes les personnes figurant sur une même photo, a fortiori lorsqu’il s’agit de responsables politiques, lesquels sont régulièrement photographiés aux côtés de toutes sortes de personnes lors de manifestations. (Mme Esther Benbassa et M. Jacques Fernique protestent.) Je ne pratique pas ce type de politique ; ne le faites pas pour le Président de la République.
En outre, comme cela a été dit, il est évident que chacun devrait être, si ce n’est scandalisé, du moins particulièrement interrogatif sur le positionnement de la Turquie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Seulement interrogatif ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je rappelle que ce pays vient de se retirer de manière unilatérale de la convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, qui avait pourtant été signée à Istanbul.
Il ne faut pas réécrire l’histoire. Tout le monde sait, je le répète, que l’association Millî Görüs n’a pas voulu signer la charte des principes pour l’islam de France. Le Président de la République et d’autres fédérations musulmanes se sont exprimés sur ce sujet ; je l’ai fait moi-même. Il faut donc en tirer les conséquences.
Madame la sénatrice, vous avez avancé une autre contre-vérité flagrante : il est absolument faux de dire que la maire de Strasbourg n’a pas été informée directement. Je l’ai fait personnellement ! Les présidents de la Collectivité européenne d’Alsace et de la région Grand Est, qui ne sont pas des soutiens ostensibles du Gouvernement, ont témoigné que je l’avais informée. Par deux fois, la préfète a indiqué qu’elle en avait directement parlé avec la maire de Strasbourg.
Quand bien même ces témoignages seraient faux, quand bien même n’aurions-nous pas prévenu la maire de Strasbourg, le complexe en construction dans le quartier de la Meinau n’est pas seulement un lieu de culte, il comprend aussi un centre socioculturel et éducatif, des restaurants, un lieu de scolarisation… Et il se situe à 200 mètres du siège du parti politique Saadet qui est, pour ceux qui ne le savent pas, encore plus dur que l’AKP !
M. Dallier a été gentil en parlant de naïveté, mais il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Exactement !
M. Gérald Darmanin, ministre. Franchement ! Madame Benbassa, vous parlez d’écolo-bashing, mais nul besoin de faire de l’écolo-bashing, quand la réalité se suffit à elle-même !
Mme Esther Benbassa. Vous en faites pourtant !
M. Gérald Darmanin, ministre. La défense de la maire de Strasbourg est fort mauvaise et elle ferait mieux de revenir sur cette décision, comme le lui demande la quasi-unanimité des forces politiques, que ce soient les socialistes, les communistes, la droite républicaine ou la majorité présidentielle.
Je constate par ailleurs, de façon très étonnante, qu’à peu près au même moment, on a bien du mal à se mettre d’accord sur la définition de l’antisémitisme !
J’en reviens aux questions, importantes, de Mme la sénatrice de La Gontrie. Vous voulez savoir si, sous prétexte de l’intérêt public, nous ne cédons pas à la tyrannie de l’instant – pourquoi pas, d’ailleurs ? – et si la mesure que nous proposons n’est pas contraire à l’article 72 de la Constitution.
Je rappelle tout d’abord que, selon l’article 72 de la Constitution, les collectivités s’administrent librement dans les conditions prévues par la loi – on oublie souvent de citer cette partie de phrase…
À ces deux questions, la réponse est non.
En ce qui concerne le premier point, sachez que j’avais dans un premier temps envisagé d’insérer dans ce projet de loi une disposition ôtant aux maires le pouvoir de délivrer un permis de construire, lorsqu’il s’agit d’un édifice cultuel. Nous aurions pu prévoir que le préfet délivre lui-même le permis ou qu’un avis conforme de sa part soit nécessaire. Je m’appuyais sur les arguments développés par le sénateur Dallier sur les pressions que subissent les maires. Il existe sur notre territoire des particularités politiques que je ne veux pas ignorer et il s’agissait de soutenir le courage des uns et des autres.
M. Philippe Dallier. Le Sénat a adopté un amendement allant dans ce sens.
M. Gérald Darmanin, ministre. Oui, mais dans votre amendement, le préfet donne simplement un avis.
Trois arguments m’ont fait, à regret, changer d’avis.
Le premier est un argument de fond : il n’existe pas de spécialisation du droit de l’urbanisme par type de bâtiment. Par conséquent, on peut penser que le Conseil constitutionnel aurait censuré une telle disposition. C’est un argument de droit et il n’aurait pas été raisonnable – on peut le regretter – de détricoter le droit de l’urbanisme au travers de ce texte. Il sera néanmoins intéressant d’approfondir cette question.
Le second argument est que l’Association des maires de France n’y était pas favorable. J’ai rencontré ses représentants, que ce soit François Baroin ou André Laignel. J’ai bien travaillé avec eux lors de la préparation de ce texte et nous avons finalement considéré qu’un avis simple du préfet permettrait déjà aux élus de partager leurs difficultés, sans pour autant remettre en cause le pouvoir du maire en matière d’urbanisme. Il est vrai que le maire doit pouvoir répondre devant sa population de ce type de décision. Je n’étais pas totalement convaincu par cet argument, mais ayant été maire moi-même, je ne le trouve pas non plus malavisé.
Troisième argument, on ne sait pas toujours que le bâtiment qui fait l’objet du permis de construire sera destiné à l’exercice d’un culte – sa destination peut changer à un moment ou à un autre. Nous aurions donc pu tromper les Français en prenant la disposition que j’envisageais.
Vous le voyez, j’avais pensé à insérer une disposition qui, comme dans une voiture d’auto-école, permettait de reprendre la main… Avec cet amendement, nous ne cédons donc pas à la tyrannie de l’instant, même si ce qui s’est passé à Strasbourg m’a beaucoup incité à vous proposer une mesure.
Ce qui est certain, c’est que le droit en vigueur ne nous permet pas de garantir à coup sûr l’intérêt général, qu’il soit local ou national. La préfète de Strasbourg a déféré la délibération du conseil municipal, lorsque celle-ci lui a été transmise au titre du contrôle de légalité. Nous verrons bien ce que dira le tribunal administratif, mais je me fais peu d’illusions, sauf à considérer que celui-ci prenne en compte des arguments patriotiques, ce qui peut évidemment arriver dans certaines situations où la question de l’intérêt général est très prégnante.
Je constate d’ailleurs que cet acte fait naître bien des discussions. Mme la maire dit même maintenant qu’il s’agit non pas d’une subvention, mais d’une autorisation éventuelle de subvention…
Cet amendement ne tend pas à prévoir un contrôle a priori. Il vise simplement à ce que la commune ou le département informe au préalable le préfet s’il souhaite garantir un emprunt ou conclure un bail emphytéotique destiné à un édifice cultuel.
Monsieur Savoldelli, j’entends votre position sur le fait que l’État ou les collectivités locales ne doivent pas aider les cultes et je la respecte, mais cela ne date pas d’hier ! D’ailleurs, certains baux emphytéotiques vont arriver à échéance dans quelques années, dans dix ou quinze ans peut-être, et nous devrons nous poser la question de leur prolongation éventuelle.
En tout cas, la procédure que nous proposons ne concerne pas, au fond, les collectivités locales, madame de La Gontrie. Nous ne prévoyons pas de réformer la décision de la collectivité, mais le préfet pourra, le cas échéant, retirer la qualité cultuelle à l’association en question. C’est pour cette raison que je m’interrogeais sur la compréhension de l’article 27 du projet de loi par le sénateur Jean-Pierre Sueur.
Je le répète, il ne s’agit pas d’actionner le droit des collectivités locales, même s’il est évidemment toujours possible de déférer une délibération devant le tribunal administratif – c’est une autre procédure –, il s’agit d’agir sur la qualité de l’association à s’inscrire dans le cadre de la loi de 1905. Si un maire qui envisage de signer un bail emphytéotique ou de garantir un emprunt doit le signaler au préfet, celui-ci pourra regarder la situation et utiliser les renseignements dont il dispose pour, éventuellement, retirer à l’association sa qualité cultuelle. L’association pourra alors saisir le juge pour contester cette décision.
Cette procédure empêchera une collectivité de signer un bail à vocation cultuelle avec une association n’ayant pas cette vocation. Pour autant, elle n’empêchera pas la collectivité de prendre telle ou telle décision ; c’est la qualité cultuelle de l’association qui se voit éventuellement remise en cause.
Il ne s’agit donc pas d’un contrôle a priori de la légalité d’un acte d’une collectivité locale.
C’est un amendement important qui permet certes de répondre à l’actualité, mais surtout, comme l’ont dit les sénateurs Longuet, Dallier et Boyer, non pas de donner aux collectivités une sorte de blanc-seing, mais de leur offrir un accompagnement clair et précis de la part de l’État. Il s’agit de faire travailler ensemble les élus et le préfet et, si l’une des parties ne fait pas son travail, ce sera sans doute l’État !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il n’y aura pas de sanction ?
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.
M. Jacques Fernique. Monsieur le ministre, je suis sénateur du Bas-Rhin et j’habite près de Strasbourg. Mon souci, c’est que les choses s’apaisent et que nous évitions les instrumentalisations. Je souhaite surtout que l’on permette aux musulmans d’origine turcophone de Strasbourg et de son agglomération de disposer d’un lieu de culte satisfaisant.
Il est quand même curieux, vous en conviendrez, qu’il n’y ait aucune trace des avertissements préalables dont vous parlez. Je peux certes comprendre qu’il n’y en ait aucune manifestation publique, parce que certaines choses ne peuvent que se dire et ne peuvent pas s’écrire, encore moins dans des documents officiels consultables par la suite, mais il n’y en a vraiment aucune trace.
En outre, encore plus curieux, aucune force politique n’a demandé de débat public sur cette question avant la réunion du conseil municipal, alors que les élus se réunissent toujours avant les réunions plénières pour balayer l’ordre du jour et préparer les débats. Je le redis : aucune des forces politiques du conseil municipal n’a souhaité que ce point de l’ordre du jour fasse l’objet d’un débat public, ce qui montre bien qu’il ne posait pas, à ce moment-là, de problème.
Il n’y a pas eu de problème non plus au moment de l’acquisition foncière, du permis de construire ou de la mise en place des facilités qui ont rendu ce projet possible.
Je note aussi qu’en 2017, lors de la pose de la première pierre, Roland Ries, qui était alors le maire, Jean-Philippe Maurer, député, Jean-Luc Marx, préfet de l’époque, et bien d’autres étaient présents.
De même, avant le second tour des élections municipales, des représentants de toutes les listes en présence ont rencontré publiquement les promoteurs de ce projet de mosquée.
Il s’est donc passé quelque chose de surprenant qui a tendu d’un seul coup cette affaire de subvention et en a fait une question nationale…
Jusqu’en septembre dernier, j’étais professeur dans un lycée qui est contigu au site de la mosquée. Le culte musulman s’exerce à cet endroit depuis des années sous une grande tente.
Certes, vous avez raison, monsieur le ministre, il y a aussi, non loin, un local politique, toléré par les lois de la République. Nous avons d’ailleurs eu un souci, puisque le président Erdogan a organisé à Strasbourg un meeting lors de l’élection présidentielle turque ; je faisais d’ailleurs partie, avec mes camarades d’EELV et d’autres forces politiques, des manifestants qui se sont opposés à cette réunion saugrenue sur le territoire de la République.
En tout cas, les deux tiers du gros œuvre de cette mosquée sont réalisés. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
J’ajoute que l’adjoint de Roland Ries chargé de ce dossier a fait, en son temps, des démarches publiques et transparentes pour accompagner les promoteurs du projet de mosquée dans leur recherche de financement, par exemple au Qatar.
M. le président. Veuillez conclure !
M. Jacques Fernique. Cela a été dit, le versement effectif de la subvention n’est pas acquis, il dépend de certaines précisions à venir (Nouvelles marques d’impatience sur les mêmes travées) et de la confirmation…
M. le président. Il faut conclure !
M. Jacques Fernique. … de l’adhésion aux valeurs de la République. Cette affaire doit se conclure dans le calme et la sérénité.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Calmement et sereinement, je veux remercier le ministre d’avoir ouvert ce débat, parce qu’il est très intéressant.
En fait, dans le droit actuel, les baux emphytéotiques et les garanties d’emprunt sont possibles, mais uniquement dans certains lieux, à savoir les agglomérations en voie de développement – on ne parle pas ici des pays en voie de développement… Pourquoi viser ces agglomérations ? Tout simplement, parce qu’elles voient leur population croître et que les lieux de culte existants risquent de ne pas suffire, malgré la baisse de la pratique religieuse.
C’est le sens général de la législation actuelle. Le Gouvernement nous propose d’assouplir ce régime, en l’étendant à tout le territoire. Par exemple, on pourra désormais, dans la commune de Saint-Pois dans la Manche, qui compte 500 habitants, financer par un bail emphytéotique ou une garantie d’emprunt l’extension d’un lieu de culte.
Monsieur le ministre, vous nous proposez donc d’étendre à tout le territoire national une pratique qui est aujourd’hui réservée aux agglomérations dites en voie de développement. Dont acte !
Ensuite, après avoir ainsi desserré le verrou territorial, vous le resserrez un peu – telle était, me semble-t-il, votre intention principale en déposant cet amendement –, en prévoyant que le préfet sera informé quand un département ou une commune prendra une telle décision.
Cela permettra tout simplement au préfet d’intervenir pour faire remarquer à ladite collectivité que l’association en question ne présente plus le caractère cultuel qui lui ouvre droit à un certain nombre d’avantages et pour s’opposer, dans ces conditions, au bénéfice réclamé d’un bail emphytéotique ou d’une garantie d’emprunt.
En revanche, ce qui ne figure pas dans cet amendement, ce sont les modalités de l’intervention du préfet. Cependant, je suis sûr que l’information ainsi donnée au représentant de l’État pourra lui être utile. C’est la raison pour laquelle je voterai en faveur de cet amendement.
Quoi qu’il en soit, grâce à ce débat, grâce à ce que M. le ministre nous a expliqué, mes chers collègues, mais aussi grâce à toutes les questions que vous avez soulevées et à toutes les expériences que vous avez rapportées, je m’estime plus instruit. (Sourires.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 27.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 386 rectifié bis, présenté par MM. Maurey et Cigolotti, Mmes Vermeillet, Pluchet et Billon, MM. Longeot, Louault, Delcros et Canevet, Mme Guidez, MM. de Belenet, Henno, Bonnecarrère et Capo-Canellas, Mme Morin-Desailly, MM. Folliot, Bonneau et Lefèvre, Mme Demas, MM. Mandelli, Vogel, Mizzon, D. Laurent et Bouchet, Mme Jacquemet, MM. Pellevat, Sautarel et Laménie, Mme Férat, M. A. Marc, Mmes Gruny, Herzog et de Cidrac, MM. Hingray et Duffourg, Mme Dumont, M. Le Nay, Mme Bonfanti-Dossat et M. Wattebled, est ainsi libellé :
Après l’article 27
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 3112-1 du code général de la propriété des personnes publiques est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces biens peuvent également être cédés, sans déclassement préalable, à une association cultuelle, lorsqu’ils ont fait l’objet d’un bail emphytéotique arrivé à échéance, conclu en application des articles L. 1311-2 à L. 1311-4-1 du code général des collectivités territoriales, et qu’ils sont directement affectés à l’usage du culte. »
II. – L’article L. 1311-3 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° À l’issue du bail, le bien peut réintégrer le patrimoine de la collectivité territoriale bailleresse ou être acquis par le preneur dans les conditions prévues à l’article L. 3112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. L’avis prévu à l’article L. 2241-1 du présent code doit alors prendre explicitement en compte les coûts d’entretien ou de réparation prévisibles du bien, ainsi que l’impossibilité de son exploitation commerciale. »
III. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
IV. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.
Mme Sylvie Vermeillet. La législation en vigueur autorise les collectivités territoriales à conclure des baux emphytéotiques avec les associations cultuelles pour la construction d’édifices cultuels.
Le recours à cet outil est assez répandu parmi les communes, notamment dans les territoires caractérisés par un coût élevé du foncier. Ainsi, sachant que 1 800 églises paroissiales d’Île-de-France ont été édifiées après 1905, on a eu recours pour 450 d’entre elles à un tel bail emphytéotique. Au-delà du culte catholique, ce dispositif a permis l’édification de nombreux lieux de culte de toutes confessions.
À l’échéance du bail emphytéotique, l’édifice revient dans le patrimoine de la commune, ce qui peut constituer une contrainte pour celle-ci en raison des charges d’entretien et, parfois, de réparation du bâtiment qui résultent de ce retour.
Dans le rapport d’information d’Hervé Maurey intitulé Les collectivités territoriales et le financement des lieux de culte, que notre délégation aux collectivités territoriales a adopté à l’unanimité en 2015, il est estimé que cet outil pourrait de la sorte représenter une bombe à retardement pour les collectivités concernées. C’est pourquoi M. Maurey préconise, dans ce rapport, de faciliter la cession de l’édifice aux associations cultuelles à l’issue du bail, si la collectivité locale le souhaite. Celle-ci pourra naturellement en rester propriétaire, si telle est sa volonté.
Afin de faciliter cette cession à l’association cultuelle, nous proposons dans cet amendement que la commune puisse y procéder sans procédure de déclassement de l’édifice.
Nous proposons également que le service des domaines prenne en considération, dans le cadre de l’estimation qu’il fait de la valeur du bâtiment à céder, les coûts prévisibles d’entretien ou de réparation, ainsi que l’impossibilité de son exploitation commerciale. Cette disposition vise à sécuriser juridiquement la décision d’un conseil municipal qui modérerait le prix de vente compte tenu de ces éléments.
M. le président. L’amendement n° 425 rectifié ter, présenté par M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, M. Assouline, Mmes S. Robert, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal, Tissot, Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 27
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 3112-1 du code général de la propriété des personnes publiques est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces biens peuvent également être cédés, sans déclassement préalable, à une association cultuelle lorsqu’ils ont fait l’objet d’un bail emphytéotique arrivé à échéance, conclu en application des articles L. 1311-2 à L. 1311-4 du code général des collectivités territoriales, et qu’ils sont directement affectés à l’usage du culte. »
II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
Mme Hélène Conway-Mouret. Le financement des associations cultuelles est problématique, en raison de la baisse des dons des fidèles et de l’encadrement prévu des avantages, ressources et libéralités provenant de l’étranger, qui aura pour effet probable d’entraîner une baisse de recettes pour certaines associations.
Afin d’apporter une solution à ce problème, le présent projet de loi ouvre aux associations cultuelles la faculté de disposer d’immeubles de rapport. Dans le présent amendement, nous proposons un autre dispositif permettant de répondre à cette même problématique.
En vertu de la loi de 1905, les collectivités publiques ne peuvent pas financer la construction ou l’aménagement d’édifices cultuels. Cependant, l’article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales a prévu une exception à ce principe, en permettant à une collectivité territoriale de donner en location un terrain ou un bâtiment public à une association cultuelle, par un bail emphytéotique administratif (BEA), afin de permettre la construction ou l’aménagement d’un édifice cultuel. Un tel bail est conclu pour une longue durée et donne au locataire les prérogatives du propriétaire durant la durée du bail. Dans un tel cadre, le prix payé est souvent modique : à l’expiration du bail, l’édifice construit revient à la collectivité publique.
Il est donc parfaitement assumé que de tels contrats constituent une forme de subventionnement de la construction d’un édifice cultuel, en dérogation à la loi de 1905. Il s’agit cependant d’un outil bien identifié par le Conseil d’État, qui veille scrupuleusement à son application et appelle le plus souvent les parties à régulariser leur situation lorsqu’il constate des irrégularités dans les termes du contrat de bail. En outre, ce dispositif est efficace, surtout dans certaines parties du territoire où le coût du foncier est élevé : il a permis la construction de nombreux lieux de culte de toutes confessions.
Toutefois, le régime légal en vigueur n’est pas sans inconvénient, dès lors que les collectivités ayant eu recours à un BEA redeviennent propriétaires du bâtiment à l’échéance du bail et qu’elles doivent alors de nouveau en supporter la charge, ce qu’elles ne souhaitent pas si leurs moyens sont limités. De son côté, l’association cultuelle perd alors l’usage de l’édifice cultuel.
Dans le but de faire évoluer le cadre légal en vigueur, nous proposons donc d’inclure dans le contrat de BEA une option d’achat de l’édifice par l’association cultuelle à l’échéance du bail emphytéotique.
Chacun y trouverait son compte en matière de financement public, en particulier les associations cultuelles qui ne sont pas placées sur un pied d’égalité avec les religions dont la présence sur notre territoire est plus ancienne. Ainsi, le culte musulman peine encore aujourd’hui à disposer de lieux de culte, ce qui suscite des incompréhensions légitimes et ne favorise pas le développement d’un islam de France.
Le dispositif que nous proposons ici s’appuie sur un vecteur juridique déjà en vigueur. Ce serait un premier pas vers une grande réforme du régime légal actuel, qui permettrait d’inverser le contrat de BEA.
Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, nous vous invitons à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Ces deux amendements portent sur une question délicate : le sort des édifices de culte construits à l’aide d’un bail emphytéotique à l’échéance de ce bail.
Certaines communes souhaiteraient alors céder l’édifice à l’association cultuelle dans des conditions facilitées, sans avoir à suivre la procédure de déclassement qui s’impose pour des biens relevant du domaine public communal ou départemental. Elles souhaiteraient également que le prix de vente de l’édifice puisse être fixé à la baisse, suivant des critères qui seraient pris en compte par le service des domaines, tels que la nécessité de procéder à des réparations, ou encore l’absence de vocation commerciale du bâtiment. Clairement, il est plus difficile de vendre une mosquée qu’une maison !
La commission comprend bien qu’il s’agit de répondre au problème historique qui va se poser lors de l’arrivée à échéance des baux conclus dans les années 1930 pour la construction d’un certain nombre d’églises ; si je ne m’abuse, elles sont au nombre de 450, dont une trentaine dans la seule ville de Paris.
Nous nous interrogeons néanmoins sur la portée réelle du dispositif proposé : quels obstacles concrets ces amendements visent-ils à lever, en réalité ? Il semble déjà possible pour une commune de déclasser et de céder de tels édifices. On sait que des églises ont pu être vendues et même transformées en habitations.
En outre, les auteurs de ces amendements vont moins loin que ce que souhaitaient les représentants de différents cultes. C’est un débat qu’il faudrait avoir avec eux.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons entendre l’avis du Gouvernement sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Merci, madame la rapporteure, de me renvoyer la balle ainsi ! (Sourires.) Sérieusement, j’entends votre interrogation et celle des auteurs de ces amendements. Si j’étais tout à fait en lien avec ma pensée profonde, j’émettrais un avis de sagesse, parce que c’est une question bien délicate.
M. Gérald Darmanin, ministre. J’émettrai donc un avis de sagesse et je renverrai ainsi la balle à la commission ! (Nouveaux sourires.)
Ce sujet, de fait, est très important, parce que ces questions immobilières créent sans aucun doute une différence entre les cultes. En effet, il y a ceux qui étaient présents avant la nationalisation des biens du clergé et ceux qui ne sont arrivés qu’après.
Monsieur Savoldelli, je peux entendre l’idée selon laquelle la puissance publique, qu’il s’agisse de l’État ou des collectivités locales, ne doit pas aider les cultes par des espèces sonnantes et trébuchantes. Dans un esprit général, on pourrait ainsi dire : pas de reçus fiscaux, pas de garanties d’emprunt, pas de baux emphytéotiques !
Cela pourrait s’entendre, dans l’épure de la non-reconnaissance et du non-subventionnement des cultes, s’il n’y avait pas une inégalité de traitement de facto entre, d’une part, les édifices cultuels qui ont été rattachés au domaine public, le plus souvent à celui des collectivités locales, à la suite de la nationalisation des biens de l’Église – rappelons que cette nationalisation n’a pas été faite pour le bien de l’Église, mais pour lui confisquer sa puissance financière ! – et, d’autre part, les édifices des autres cultes, à commencer par le culte musulman.
Ce dernier subit en effet une différence flagrante de traitement sur le territoire métropolitain, où aucun de ses lieux de culte, hormis la grande mosquée de Paris, me semble-t-il, n’a été construit ni rénové avec de l’argent public.
Le maire de Tourcoing que j’ai été s’est trouvé face à cette énorme différence : il pouvait dire aux représentants du culte catholique que, les églises appartenant au patrimoine municipal, la commune pouvait financer la restauration de tel retable ou de telle partie à l’intérieur de l’une de ses églises ; en revanche, ledit maire ne pouvait pas intervenir sur les lieux de culte musulman de sa commune, puisqu’ils étaient postérieurs à 1905.
Cette inégalité subsiste donc, si j’ose dire, dans l’égalité que nous souhaitons assurer entre les cultes par le principe de non-reconnaissance.
Pour y remédier, le législateur de l’époque avait imaginé la possibilité de faire bénéficier du régime des baux emphytéotiques administratifs certains cultes, au premier rang desquels, évidemment, le culte musulman.
Arrivent le moment des échéances et les difficultés qu’évoquent les auteurs de ces amendements.
Une seule chose m’inquiète un peu dans ce que vous proposez, mesdames, messieurs les sénateurs : c’est que la cession envisagée se ferait au prix du marché, si j’ai bien lu vos amendements. J’ai certes compris qu’une soulte était envisagée, autour des charges de rénovation, mais il ne faudrait pas aboutir à ceci que, pour racheter un site qui peut être coûteux, qui l’est même tant qu’un bail emphytéotique a été nécessaire pour le financer en premier lieu, on aille emprunter de l’argent à l’étranger.
En effet, le dispositif que vous proposez pose une sorte d’échéance : si les associations cultuelles n’ont pas aujourd’hui les moyens de racheter leur lieu de culte, elles devront rassembler de l’argent rapidement pour être en mesure de le faire à l’expiration du bail. Il serait assez absurde d’en arriver là, alors que ce texte entier a pour objet de limiter les financements étrangers des cultes, de manière à éviter l’ingérence : comme chacun sait, qui paye décide !
Il ne faudrait pas pour autant violer la loi de 1905 : il n’est pas question d’aider directement les cultes. Beaucoup d’édifices cultuels sont concernés : plus d’une centaine dans la seule région Île-de-France dans les années à venir.
J’ai demandé à mes services de me fournir un récapitulatif, année par année, des échéances de ces baux emphytéotiques, mais je n’en dispose pas encore ; je le communiquerai bien volontiers à votre assemblée et à sa commission des lois.
Toujours est-il que j’aimerais que nous soyons d’accord sur ce point : il ne faudrait pas que la cession au prix du marché de ces lieux de culte aboutisse à un financement étranger généralisé du rachat de sites qui avaient été construits avec de l’argent français, fourni par les collectivités locales et singulièrement par les communes.
En même temps, mesdames, messieurs les sénateurs, si je vous proposais de rectifier votre amendement pour que cette cession se fasse à titre gratuit, vous crieriez au scandale, parce que ce serait un subventionnement direct des cultes.
J’estime donc que nous ne sommes pas encore tout à fait mûrs pour répondre à l’interrogation que vous soulevez, alors même qu’il faut vite y répondre. Ce sujet méritera d’être revu dans le prochain texte qui portera, non pas sur les cultes, puisqu’il doit y en avoir un, en moyenne, tous les quinze ou vingt ans et que je ne suis pas très pressé de recommencer le travail collectif qui s’impose toujours sur des questions aussi complexes, mais sur l’urbanisme. Ce travail pourra notamment être mené par votre commission, si vous me permettez cette invitation, mesdames les rapporteures. Je pense en effet qu’il faut résoudre cette équation sans aboutir à un financement par l’étranger du rachat des lieux cultuels qui avaient été financés par des baux emphytéotiques.
J’émettrai donc sur ces amendements un avis de sagesse si leurs auteurs veulent vraiment les maintenir. Il s’agit certes d’une question que se posent vraiment les collectivités locales, les cultes et l’État, mais il n’est nul besoin de se précipiter : il reste encore quelques années avant que l’on entre dans une période de déversement général de ces baux.
Je comprends votre préoccupation, mais je serais heureux que ces amendements puissent être retirés dans la perspective d’un travail à l’occasion d’un texte consacré à l’urbanisme ; je pense que nous ferions sinon de la mauvaise législation.
M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Merci, monsieur le ministre, de ces explications. Pour être sincère, si nous avons demandé l’avis du Gouvernement sur ces amendements, c’est bien parce que nous avions nous-mêmes un réel débat sur ce sujet.
Nous comprenions cette proposition, qui figurait dans le rapport de notre collègue Hervé Maurey sur les relations entre les collectivités territoriales et les cultes. Cependant, les cultes ne souhaitent pas forcément récupérer le lieu de culte en question. Il ne me semble pas que cette discussion ait eu lieu avec eux ; je suis donc d’accord avec vous, monsieur le ministre : la réflexion n’est pas encore aboutie.
Nous comprenons en revanche que les collectivités territoriales préféreraient ne pas avoir autant de nouveaux lieux de culte à entretenir, puisque les églises dont elles sont aujourd’hui dépositaires sont déjà suffisamment lourdes à porter. Une véritable question se pose.
Pour autant, Mme Eustache-Brinio, M. le président de la commission et moi-même sommes d’accord pour émettre, à la suite des explications de M. le ministre, un avis défavorable sur ces amendements, à moins qu’ils ne soient retirés.
Nous le faisons afin de pouvoir travailler de nouveau sur ce sujet, qui est une réelle préoccupation pour les collectivités territoriales : à l’échéance de ces baux, quelque chose de lourd risque de tomber dans leur escarcelle. Nous comprenons parfaitement également la volonté d’éviter les financements étrangers.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. L’amendement n° 386 rectifié bis est issu d’un rapport sénatorial qui a tout de même six ans !
Mme Nathalie Goulet. Vous n’y êtes pour rien, monsieur le ministre, et moi non plus ! La réalité est simplement que l’on fait ce type de propositions depuis six ans.
Vous avez indiqué avoir demandé à vos services un état des lieux des baux arrivant à expiration. Il serait bon de fixer à ce propos un rendez-vous avec notre délégation aux collectivités territoriales, ou une autre de nos instances, afin que nous disposions nous aussi d’un tel état des lieux, assez clair et proche du terrain, et que nous puissions nous faire une idée de la manière dont on pourrait, dans un texte ou dans un autre, trouver un prolongement à cet amendement. Franchement, six ans, c’est déjà long, et on a bien vu que ce sujet devait être réglé !
Je comprends bien l’avis défavorable émis sur cet amendement, mais le problème est toujours là et la solution est toujours en gestation : six ans de gestation, ce sont plusieurs éléphants ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Monsieur le ministre, dans votre esprit, l’amendement n° 686, que notre assemblée a adopté assez largement, pourrait-il s’appliquer dans la situation qui fait l’objet de l’amendement n° 386 rectifié bis, déposé par notre excellent collègue Hervé Maurey et plusieurs autres membres de son groupe ?
La situation pourrait en effet se révéler paradoxale si une commune cédait ainsi un lieu de culte à une association qui revendiquerait la jouissance de ce bâtiment, mais dont les personnes dont c’est le métier de s’informer sur ce type d’activités, notamment au ministère de l’intérieur, sauraient qu’elle ne présente plus de caractère cultuel et n’a plus droit aux avantages afférents. Ce serait le cas si cette association était devenue une organisation strictement politique, liée à des forces totalement extérieures à l’organisation du culte et à l’entretien de la foi.
M. André Reichardt. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.
M. Arnaud de Belenet. Notre collègue Hervé Maurey est normand…
Mme Nathalie Goulet. Il n’est pas le seul !
M. Arnaud de Belenet. Certes, ma chère collègue, mais je pense, comme Sylvie Vermeillet, qu’il sera sensible au fait que nous ne retirions pas son amendement.
Il me semble en effet que, sur le fond, cet amendement est intéressant, car il tend à ouvrir une voie médiane qui évite les deux écueils qu’a signalés M. le ministre : le subventionnement du culte, mais aussi l’écueil inverse. C’est le quatrième alinéa de l’article additionnel proposé qui ouvre cette voie médiane.
Il ne me semblerait donc pas inintéressant de l’adopter aujourd’hui et de se donner le temps, d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire, de déterminer si ce dispositif peut évoluer et être encore amélioré. Ce serait lui donner une chance de prospérer, ce qui semble être notre objectif commun.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. La problématique qui nous occupe ici est très lourde ; il faudrait, selon moi, élargir quelque peu notre approche du problème.
Vous avez très justement rappelé, monsieur le ministre, que le culte catholique profite historiquement – personne ne le conteste – du très grand nombre d’églises et de cathédrales qui sont entretenues par les pouvoirs publics, qu’elles appartiennent aux communes ou à l’État. Cela donne à l’Église catholique des avantages matériels que les autres religions n’ont pas.
Je me permettrai seulement cette petite remarque : l’Église jouit de ces avantages, ce qui est tout à fait normal, à la suite de la plus grande nationalisation de l’histoire de notre République, celle qui résulte du décret du 2 novembre 1789 ! Voyez-vous, mes chers collègues, de temps en temps, même l’Église catholique profite des nationalisations révolutionnaires ! (Sourires.)
Plus sérieusement, nous savons tous que la pratique religieuse n’augmente pas. Un certain nombre de ces édifices religieux ont encore aujourd’hui des affectataires, mais ils n’en auront plus demain. C’est un patrimoine énorme que les communes vont prochainement être amenées à gérer, parfois avec des budgets très limités, alors que ces édifices n’auront plus d’affectation.
Nous devrions réfléchir collectivement à ces édifices cultuels, à ces lieux qui ont très souvent une valeur historique et qui sont classés, mais qui n’auront plus d’affectataires dans les années à venir. Qu’en ferons-nous ? Les affecterons-nous à d’autres religions, à d’autres occupations ? Sincèrement, je pense qu’un débat de fond doit être mené sur ce point, car cette question va très vite se poser.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. En écoutant les interventions de chacun, je note combien ce sujet est complexe, mais il n’empêche que la question se pose et que l’échéance approche, y compris à Paris, où beaucoup d’édifices sont concernés.
Pour ma part, je ferai la suggestion suivante. Deux amendements ont été déposés, celui de M. Sueur est évidemment bien meilleur. (Sourires.) Je pense que le Sénat devrait adopter l’un ou l’autre, afin que nous puissions travailler utilement d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire et proposer un dispositif stable.
Précisons tout de même qu’il se pose un petit sujet de gage, puisque ces propositions requièrent un financement. Je veux attirer votre attention, mes chers collègues, et celle du Gouvernement sur le fait qu’il est prévu, dans ces deux amendements, une augmentation de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Je le précise sans vouloir gâcher la réflexion de chacun !
Si je suggère d’adopter l’un de ces amendements, c’est parce que nous serons ainsi bien obligés d’aboutir à quelque chose avant la date butoir de la réunion de la commission mixte paritaire. Autrement, nous n’aurons pas souvent à examiner des textes de cet ordre, qui seraient l’occasion de trouver une solution. Or il faut la trouver !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Ce débat ne saurait être réglé en quelques minutes. Les conséquences juridiques, les analyses possibles, la façon même d’aborder cette problématique sont de fait très variées. On ne peut donc pas sérieusement, selon moi, accepter d’adopter ce soir un amendement de cette nature en pensant que, d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire, on arrivera à trouver une solution ; à la vérité, nous n’y parviendrons pas !
En revanche, il me semble plus raisonnable que notre commission procède, dans un délai assez rapide, à une analyse juridique approfondie de cette question, de manière à pouvoir y revenir sérieusement. C’est l’engagement que je prends envers Mme Goulet et M. Maurey, …
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et nous ?
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. … ainsi qu’envers vous, madame de La Gontrie, en m’excusant de vous avoir presque oubliée ! Ainsi, disposerons-nous d’une analyse assez précise et pourrons-nous légiférer dans de bonnes conditions.
C’est pourquoi je confirme l’avis défavorable émis par Mme la rapporteure ; la commission se mettra au travail rapidement.
M. le président. Madame Vermeillet, l’amendement n° 386 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Sylvie Vermeillet. Compte tenu des engagements qui viennent d’être pris, je le retire, monsieur le président.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je tiens à apporter la réponse la plus précise possible à la question de M. Longuet. Il ne me semble pas que la situation que ces amendements visent à traiter entre dans le champ de l’amendement n° 686, que vous avez bien voulu soutenir, monsieur le sénateur, dans la mesure où le dispositif de cet amendement gouvernemental vise ce qui relève d’avantages : les garanties d’emprunt et le bail emphytéotique sont des avantages octroyés à l’association cultuelle, octroi que cet amendement vise à conditionner, si je puis dire, à l’information du préfet, qui peut s’y opposer.
En revanche, si j’ai bien compris ces deux amendements-ci, il s’agit ici non pas d’avantages, mais de la vente d’un bien au prix du marché. J’avais voulu faire figurer dans l’amendement gouvernemental les ventes de terrains des collectivités locales, mais mon cabinet m’a fait comprendre à bon compte que ce n’était pas une bonne idée. En effet, quand une collectivité vend un terrain à une association cultuelle pour la construction d’un bâtiment religieux, il ne s’agit pas de l’octroi d’un avantage, puisque cette vente se fait au prix évalué par le service des domaines.
Il me semble, pour qu’un bon équilibre puisse être trouvé, pour que l’État de droit soit respecté et que le Conseil constitutionnel ne censure pas cette disposition, qu’il faut distinguer ce qui constitue un avantage de ce qui relève de la normalité ; or la vente au prix coûtant serait une normalité et non un avantage.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 425 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Organisation des travaux
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Permettez-moi de faire, à ce stade de notre discussion, un point sur l’organisation de nos travaux. Depuis la reprise, nous avons travaillé à un rythme de neuf euros de l’heure. (Rires et applaudissements.)
M. Philippe Dallier. C’est inférieur au SMIC !
M. François-Noël Buffet. Pardonnez-moi ce lapsus, mes chers collègues d’autant que ce ne serait pas cher payé ! Je voulais évidemment dire que nous avons travaillé à un rythme de neuf amendements de l’heure. À continuer tranquillement de la sorte, nous pourrions siéger jusqu’à l’heure du petit-déjeuner demain matin.
Dès lors, monsieur le ministre, mes chers collègues, je propose que nous siégions plutôt jusqu’à minuit ou minuit et demi ce soir, puis que nous interrompions ensuite nos travaux, à moins qu’ils ne soient presque achevés, jusqu’à lundi prochain, à dix-sept heures ; nous reprendrions alors l’examen de ce texte. Cela nous laisserait le temps de débattre convenablement des dispositions relatives à l’Alsace-Moselle, sans oublier que les explications de vote sur l’ensemble risquent également de prendre un certain temps.
M. le président. M. le président de la commission, en accord avec le Gouvernement, propose que nous siégions ce soit sans aller au-delà de minuit ou minuit et demi ; si nous n’arrivions pas à achever la discussion du présent texte dans ce délai, nous siégerions lundi prochain, 12 avril, à partir de dix-sept heures et le soir.
Il n’y a pas d’observations ?…
Il en est ainsi décidé.
Articles additionnels après l’article 27 (suite)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas.
M. Philippe Bas. Monsieur le président, pardonnez-moi de retarder ainsi la marche du débat, mais j’ai besoin de recevoir un éclaircissement.
Nous avons adopté l’amendement n° 686 du Gouvernement portant article additionnel après l’article 27. Monsieur le ministre, je voudrais savoir quelle sera la conséquence exacte de l’information du préfet prévue dans cet amendement. Que peut faire le préfet, une fois qu’il est informé qu’une commune ou un département a l’intention de conclure un bail emphytéotique ou d’accorder une garantie d’emprunt ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. J’ai posé tout à l’heure la même question : elle est malheureusement restée sans réponse !
M. Philippe Bas. Je ne vois, dans le dispositif que vous nous avez fait adopter, aucune conséquence à l’information du préfet. J’ai recherché s’il y en aurait dans les dispositions qui figurent déjà dans le code général des collectivités territoriales sur les garanties d’emprunt et les baux emphytéotiques, mais je ne vois aucun moyen pour le préfet de s’opposer à l’octroi de ces avantages.
Vous avez certainement réfléchi à cette question, monsieur le ministre. Je voudrais donc savoir si les dispositions que nous avons adoptées ont ou non une portée réelle.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je me suis sans doute mal exprimé lorsque j’ai répondu à Mme de La Gontrie : le préfet pourra retirer à l’association en question sa qualité cultuelle…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas la question !
M. Gérald Darmanin, ministre. Mais c’est la réponse que je vous fais : vous ne pouvez pas faire les questions et les réponses, madame de La Gontrie, soyons raisonnables !
Le préfet ne pourra pas empêcher la décision communale, puisque le principe de libre administration des collectivités locales l’en empêche. En revanche, si la collectivité persiste à vouloir octroyer une garantie d’emprunt à l’association à laquelle le préfet a retiré la qualité cultuelle, celui-ci pourra déférer la délibération en question devant le tribunal administratif.
Aujourd’hui, quand une collectivité locale veut octroyer une garantie d’emprunt ou un bail emphytéotique dans les territoires que vous avez bien voulu évoquer, monsieur Bas, elle n’en informe pas l’autorité préfectorale ; simplement, elle reçoit l’association qui lui déclare avoir besoin d’une garantie d’emprunt pour un prêt bancaire, ou d’un bail emphytéotique. Si la collectivité accède à cette demande, il est extrêmement rare – ce n’est peut-être même jamais arrivé – que cet acte soit déféré devant le juge administratif. D’ailleurs, quand bien même le préfet le ferait parce qu’il aurait des doutes sur cette association cultuelle, avant l’adoption du présent texte, il est à peu près évident qu’on ne pourrait rien y faire.
À bon compte, votre trio des Républicains a considéré que la mesure était intéressante, car elle permettait au moins un dialogue entre la collectivité locale et le préfet.
Lorsque le ministre de l’intérieur, parce qu’il dispose à la fois de notes de Tracfin et de la DGSI, reçoit un maire et lui fait part dans le secret de son bureau d’un problème, documents à l’appui parfois, force est de reconnaître que ce maire est informé !
En outre, indépendamment de ce dialogue nécessaire et nourri, les oppositions pourront s’assurer, dans le cadre du débat démocratique local, que le préfet a bien été consulté et interroger le maire sur ce qu’il lui a été dit.
Grâce à l’amendement que vous avez voté, le préfet, surtout si la rédaction de la commission est adoptée, pourra vérifier, lorsqu’il sera consulté sur une association posant problème et demandant à bénéficier d’une garantie d’emprunt, que cette dernière remplit bien un certain nombre de critères : absence de condamnation des dirigeants, présentation des actes comptables, contrôle des financements étrangers. Je rappelle que le texte contient de nombreuses dispositions nouvelles qui permettront de vérifier la qualité cultuelle des associations.
Si le préfet constate que cette association ne respecte pas les obligations prévues dans la loi, il pourra lui retirer sa qualité cultuelle, ce qui aura, in fine, pour conséquence de la priver d’une garantie d’emprunt.
Concrètement, indépendamment du discours politique qu’il peut tenir au maire, le préfet a le pouvoir de retirer à l’association sa qualité cultuelle.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il faudra invoquer un motif !
M. Gérald Darmanin, ministre. Aujourd’hui, le préfet n’est pas informé. Il ne découvre que lorsque les délibérations de la collectivité sont soumises au contrôle de légalité qu’une association a bénéficié d’une garantie d’emprunt. Or nous savons tous comment se passe le contrôle de légalité. On ne me fera pas croire que les délibérations des 36 000 communes sont toutes attentivement contrôlées !
Le maire aura donc un devoir d’alerte : il devra informer le préfet de son intention d’accorder dans un délai de trois mois une garantie d’emprunt à une association. Le préfet, et instruction lui sera donnée en ce sens, pourra alors vérifier la qualité cultuelle de cette association, examiner ses comptes, cribler ses dirigeants. À cet égard, j’espère que vous allez adopter dans quelques instants l’amendement tendant à prévoir qu’une personne condamnée pour terrorisme ne peut faire partie d’une association cultuelle.
Si le préfet, au titre de ce rescrit, ne retire pas à l’association sa qualité cultuelle, le maire pourra alors considérer qu’elle est totalement conforme à loi de la République. Si le préfet n’est pas informé, cette vérification ne peut être faite que lors du contrôle de légalité.
La collectivité locale n’est donc nullement empêchée de prendre des délibérations, lesquelles relèvent du contrôle de légalité a posteriori. Il est seulement prévu que le préfet puisse, le cas échéant, retirer à une association sa qualité cultuelle, au moment où elle demande une garantie d’emprunt ou un bail emphytéotique, où elle s’inscrit dans le paysage local.
J’espère ainsi avoir répondu à votre interrogation, monsieur le sénateur.
M. le président. Mes chers collègues, avant de donner la parole à M. Jean-Pierre Sueur et d’entamer l’examen de l’article 28, je rappelle que nous discutons d’un amendement qui a été adopté ! Certes, ces explications seront probablement très utiles au travail de la commission mixte paritaire.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, je vous remercie de votre présidence ouverte, qui permet d’aller au fond des débats.
Je ne regrette pas d’avoir posé la question du rapport entre cet amendement et l’actualité. Elle a suscité un débat long, mais important. Je tiens également à remercier Philippe Bas de sa question, qui est essentielle, bien que je ne sois pas certain de comprendre quelle est son intention…
Nous convenons tous ici qu’il n’est pas normal que certaines associations reçoivent des financements étrangers, refusent les principes républicains et agissent comme elles le font.
Concrètement, monsieur le ministre, vous nous proposez, de manière inopinée, d’inscrire dans la loi une obligation d’information du préfet par le maire. (M. le ministre fait un geste de dénégation.) Si le maire ne le fait pas, aucune sanction n’est appliquée ; s’il le fait, il n’y aura aucune conséquence pour la collectivité locale. La seule chose, c’est que le préfet aura la faculté de déclarer qu’une association dite « cultuelle » ne le sera plus.
Tout cela est confus…
M. Jean-Pierre Sueur. Je vous dis mon point de vue ! Telle est la raison pour laquelle nous nous sommes abstenus, monsieur le ministre – cela fait partie de notre liberté.
Il nous semblerait beaucoup plus simple d’appliquer des principes très clairs : seul le dévoiement de la liberté du culte, qui se traduit par un refus d’appliquer la loi et de respecter les principes républicains, justifie que le préfet doive agir.
Le dispositif dont nous discutons, je le redis, est confus. C’est pourquoi nous avons exprimé la position qui est la nôtre.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je ne peux pas vous laisser dire cela, monsieur Sueur.
Premièrement, vous vous êtes abstenu lors du vote de l’amendement et vous n’avez pas manifesté d’opposition particulière lorsque j’ai apporté des explications à Mme de La Gontrie.
Deuxièmement, le maire est obligé, monsieur Sueur, d’informer qu’il a été saisi d’une demande de garantie d’emprunt.
M. Jean-Pierre Sueur. Et s’il ne le fait pas ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Le non-respect de cette obligation est un motif d’illégalité et la délibération ne sera pas adoptée !
Je crains que la confusion ne soit pas de mon côté, monsieur Sueur…
Article 28
Après l’article 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, il est inséré un article 19-2 ainsi rédigé :
« Art. 19-2. – I. – Le financement des associations cultuelles est assuré librement dans les conditions prévues au présent article et à l’article 19-3.
« II. – Les associations cultuelles peuvent recevoir les cotisations prévues à l’article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association et le produit des quêtes et collectes pour les frais du culte. Elles peuvent percevoir des rétributions pour les cérémonies et services religieux même par fondation, pour la location des bancs et sièges, pour la fourniture des objets destinés au service du culte, au service des funérailles dans les édifices religieux ainsi qu’à la décoration de ces édifices.
« Elles peuvent recevoir, dans les conditions prévues au II de l’article 910 et à l’article 910-1 du code civil, les libéralités entre vifs ou par testament destinées à l’accomplissement de leur objet ou grevées de charges pieuses ou cultuelles.
« Elles peuvent posséder et administrer tous immeubles acquis à titre gratuit, sans préjudice des dispositions des 2° et 3° de l’article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.
« Elles peuvent verser, sans donner lieu à perception de droits, le surplus de leurs recettes à d’autres associations constituées pour le même objet.
« III. – Elles ne peuvent, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l’État ni des collectivités territoriales ou de leurs groupements. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu’ils soient ou non classés monuments historiques. »
M. le président. L’amendement n° 549 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Notre position politique est extrêmement claire : nous suggérons de nous en tenir à l’article 2 de loi du 9 décembre 1905 qui prévoit : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. » Ce principe est latitudinaire en tant qu’il s’applique de manière peu uniforme sur le territoire national. Il connaît de nombreuses exceptions en fonction du statut des associations.
Nous défendons-là un amendement de suppression, car il nous semblerait de bonne politique de faire un bilan global des formes de subventionnement des différents cultes avant d’aller plus loin et de leur offrir de nouvelles libéralités.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Étant donné l’architecture nouvelle du texte, supprimer cet article reviendrait tout bonnement à supprimer tout financement des cultes. Peut-être est-ce là ce que vous souhaitez, cher collègue, mais ce serait un peu violent… (Rires sur les travées du groupe CRCE.)
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je constate que le groupe communiste n’a pas exigé le remboursement de tout ce dont auraient bénéficié les cultes depuis un siècle. L’amendement est donc assez modéré en fin de compte ! (Sourires.)
Le Gouvernement émet malgré tout un avis défavorable.
M. le président. Je suis saisi de onze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 431 rectifié est présenté par Mme Conway-Mouret, M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, M. Assouline, Mmes S. Robert, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet et Conconne, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal, Tissot, Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 473 est présenté par Mme Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 5 et 6
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour présenter l’amendement n° 431 rectifié.
Mme Hélène Conway-Mouret. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 5 et 6, qui remettent en cause les principes de la République, dont le présent texte entend conforter le respect, en autorisant les associations cultuelles à conserver et à gérer les immeubles reçus par des dons et des legs, ce qui leur permet de se livrer à des activités commerciales et immobilières alors même que la loi de 1905 restreint strictement leur objet à l’exercice du culte.
Il s’agit là d’une rupture de l’équilibre posé par l’article 19 de ce texte fondateur de la laïcité.
Les nombreux avantages fiscaux dont bénéficient ces associations constituent des dérogations limitées au principe de séparation, liées à leur objet cultuel. Ces niches fiscales, qui font porter au contribuable une partie de la charge financière des cultes, ne sauraient être étendues à la gestion lucrative d’immeubles de rapport sans lien avec le culte.
Les ressources des cultes relèvent non pas de l’intérêt général, mais des intérêts particuliers des croyants, à qui il revient de les financer.
Compte tenu des protestations suscitées par cet article à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a déposé à la dernière minute un amendement visant à plafonner par décret le montant du patrimoine dont la détention serait autorisée. Nous y voyons la reconnaissance par le Gouvernement du caractère anti-laïque de la mesure, dont il a tenté d’atténuer les effets, tout en le maintenant, malheureusement.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 473.
Mme Esther Benbassa. Le présent amendement a pour objet de préserver la loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État, en particulier son article 19 relatif au financement des associations cultuelles.
Celles-ci doivent continuer à cantonner leurs actions à l’exercice de leur culte. En aucun cas ces structures ne sauraient devenir des associations relevant du domaine immobilier. Leur donner la possibilité de posséder et d’administrer des immeubles à titre gratuit, comme le prévoient les alinéas 5 et 6 de l’article 28, constitue une atteinte significative au principe même de l’association cultuelle et à l’esprit de la loi de 1905, à laquelle nous sommes tous ici attachés.
En outre, nous ne voyons pas en quoi cette mesure serait efficace pour lutter contre les intégrismes religieux. Nous sommes convaincus qu’elle n’est pas justifiée au regard de l’objet même des associations cultuelles, dont la seule vocation est le culte, et non le domaine immobilier.
Par cet amendement, nous souhaitons empêcher les associations cultuelles de posséder et d’administrer des immeubles acquis à titre gratuit. Nous demandons par conséquent la suppression des alinéas 5 et 6.
M. le président. L’amendement n° 139 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mmes M. Carrère et Pantel et MM. Requier, Roux, Gold, Fialaire et Guiol, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 5 de l’article 28, qui me semble être une ineptie.
En effet, comment peut-on admettre que des associations cultuelles puissent tirer des revenus de la possession d’immeubles acquis à titre gratuit et qui ne seraient pas directement nécessaires à leur objet et à leur fonctionnement de base ? C’est une entorse à la loi originelle de 1905 !
Est-il nécessaire de rappeler que l’essence des associations cultuelles est de célébrer des cérémonies, d’accomplir des rites pour des personnes réunies et pratiquant la même religion ? Pourquoi, dès lors, permettre à ces associations de posséder et d’administrer des immeubles, même acquis à titre gratuit ? Voudrait-on transformer peu à peu les organes bénévoles dédiés au culte en sociétés immobilières ?
M. le président. L’amendement n° 451 rectifié, présenté par M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, M. Assouline, Mmes S. Robert, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet et Conconne, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal et Tissot, Mme Conway-Mouret, MM. Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
et administrer
par les mots :
mettre à disposition ou louer
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. L’article 28 du projet de loi insère un nouvel article 19-2 au sein de la loi du 9 décembre 1905, relatif au financement des associations cultuelles. Il maintient les possibilités de financement qui sont actuellement en vigueur et ajoute la possibilité pour les associations cultuelles de posséder et d’administrer des immeubles de rapport acquis à titre gratuit.
Bien que cette disposition puisse être analysée comme un assouplissement notoire du financement des associations cultuelles, destiné à compenser la baisse constante des dons des fidèles, elle ne nous paraît pas pertinente dans sa rédaction actuelle.
En effet, il ne revient pas aux associations cultuelles d’administrer des biens immeubles acquis à titre gratuit. Ce n’est pas leur vocation que d’être des spécialistes du droit immobilier, de gérer des logements ou encore des locaux pour le compte d’autrui.
En revanche, il est tout à fait légitime de considérer que des associations cultuelles ayant à leur disposition de tels biens, notamment par la voie de dons ou de legs, puissent en tirer des revenus qui seront par la suite dédiés à leur activité cultuelle. En plus de favoriser leurs ressources propres, cela remédierait à une différence de traitement existant de longue date entre les associations cultuelles et les associations d’intérêt public, tout en préservant leurs attributions respectives.
En ce sens, cet amendement tend à ce que les associations cultuelles puissent désormais être libres de mettre à disposition des biens immeubles acquis à titre gratuit, ou d’en tirer un bénéfice foncier à destination de l’exercice de leur activité, sans toutefois leur laisser la possibilité de devenir des administrateurs de biens.
M. le président. L’amendement n° 580 rectifié ter, présenté par MM. de Belenet, L. Hervé, Bonnecarrère, Duffourg, Marseille, P. Martin, Détraigne, Capo-Canellas, Kern, Henno et Levi, Mme Billon, M. Delahaye, Mme Saint-Pé, MM. S. Demilly et Laugier, Mmes Perrot et Morin-Desailly, MM. Chauvet, Le Nay, J.M. Arnaud et Folliot, Mme Gatel et M. Longeot, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer les mots :
acquis à titre gratuit
La parole est à M. Arnaud de Belenet.
M. Arnaud de Belenet. Cet amendement vise à soutenir l’objectif de l’article 28, qui permet aux associations cultuelles de posséder et d’administrer des biens acquis à titre gratuit.
Il s’agit de rétablir un équilibre et une équité avec les associations constituées en vertu de la loi de 1901 qui, depuis 2014, peuvent, elles, administrer des biens acquis à titre gratuit.
Au moment où l’on s’interroge sur la pérennisation des recettes et sur l’indépendance des associations, particulièrement cultuelles, et alors que l’on cherche à éviter qu’elles ne reçoivent des financements en provenance de l’étranger, il faut bien leur donner les moyens de vivre durablement.
Cet amendement tend donc à permettre l’acquisition par les associations cultuelles d’immeubles de rapport à titre onéreux. Le temps où la puissance d’une association, fût-elle cultuelle, se mesurait à l’aune de son patrimoine immobilier est révolu – la puissance immobilière des associations ne peut plus inquiéter la République !
En droit, cet amendement vise à rendre plus transparente la réalité d’une pratique.
M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 265 rectifié est présenté par MM. Capus, Menonville, Guerriau et Decool, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Wattebled, Verzelen et Chasseing, Mme Joseph, M. de Legge, Mmes Bonfanti-Dossat et de Cidrac et M. Chatillon.
L’amendement n° 402 rectifié ter est présenté par M. Cuypers, Mmes Chain-Larché et Thomas, MM. Regnard, Boré, Le Rudulier et Reichardt, Mme Gruny, MM. Brisson, Longuet et Lefèvre, Mme Lassarade, MM. Bas, Houpert et de Nicolaÿ, Mme Boulay-Espéronnier, M. Bonne, Mme Pluchet, MM. Belin, Laménie et B. Fournier, Mme Lopez et MM. Charon et Mouiller.
L’amendement n° 581 rectifié ter est présenté par MM. de Belenet, L. Hervé, Bonnecarrère, Duffourg, Marseille, P. Martin, Détraigne, Capo-Canellas, Kern, Henno et Levi, Mme Billon, M. Delahaye, Mme Saint-Pé, MM. S. Demilly et Laugier, Mmes Perrot et Morin-Desailly, MM. Chauvet, Le Nay, J.M. Arnaud et Folliot, Mme Gatel et M. Longeot.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5
Après les mots :
à titre gratuit
insérer les mots :
et à titre onéreux
La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue, pour présenter l’amendement n° 265 rectifié.
M. Jean-Louis Lagourgue. L’article 28 prive les associations cultuelles de la possibilité de posséder et d’administrer des biens immobiliers à titre onéreux. Cette restriction porte atteinte à leur liberté de gestion et risque de compromettre gravement l’équilibre financier de bon nombre d’entre elles.
Le présent amendement vise donc à corriger cette inégalité de traitement et cette atteinte à la liberté, en inscrivant dans la loi la possibilité pour les associations de posséder et d’administrer des biens immobiliers acquis à titre onéreux.
M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour présenter l’amendement n° 402 rectifié ter.
Mme Anne Chain-Larché. Nous proposons également de permettre aux associations cultuelles de gérer des immeubles acquis à titre onéreux, afin de faciliter les conditions d’exercice du culte, en élargissant les ressources propres des associations. Il s’agit de garantir réellement au culte tous les moyens de son exercice, comme le prévoit l’intitulé du titre II du projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour présenter l’amendement n° 581 rectifié ter.
M. Arnaud de Belenet. Cet amendement vise à préciser explicitement que les associations peuvent posséder et administrer des immeubles acquis à titre à titre onéreux.
M. le président. L’amendement n° 140 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Guérini et Guiol, Mme Pantel, MM. Requier, Roux, Corbisez et Gold et Mme Guillotin, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces immeubles ne peuvent bénéficier des exonérations fiscales prévues aux articles 1380 et 1407 du code général des impôts.
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Cet amendement vise à empêcher que les propriétaires d’immeubles de rapport soient exonérés de la taxe foncière et de la taxe d’habitation respectivement prévues aux articles 1380 et 1407 du code général des impôts.
Pour l’heure, sont imposables tous types de locaux meublés dédiés à l’habitation, à l’occupation à titre privatif de sociétés publiques ou d’organismes associatifs ou privés, ou à l’occupation d’organismes déconcentrés de collectivités territoriales.
Les immeubles de rapport entrent pleinement dans ces cases. Sont-ils souvent des bâtiments servant aux exploitants agricoles ? Non ! Sont-ils souvent dédiés aux écoliers de pensionnat ? Pas trop ! Sont-ils souvent des résidences universitaires ? Un peu plus…
C’est pourquoi il paraît juste et normal que les propriétaires d’immeubles de rapport ne puissent être exonérés ni de la taxe foncière ni de la taxe d’habitation.
M. le président. L’amendement n° 52 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 432 rectifié, présenté par Mme Conway-Mouret, M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, M. Assouline, Mmes S. Robert, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet et Conconne, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal, Tissot, Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Sans préjudice de l’application aux édifices affectés à l’exercice public d’un culte du 10° de l’article 795 et du 4° de l’article 1382 du code général des impôts, les immeubles mentionnés au troisième alinéa du présent II sont soumis au droit commun des biens immobiliers. Les associations cultuelles les administrant établissent leurs comptes annuels de telle sorte que leurs activités en relation avec cette gestion constituent une unité fonctionnelle présentée séparément.
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article.
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
Mme Hélène Conway-Mouret. L’article 28, alinéa 5, permet aux associations cultuelles de posséder et d’administrer des immeubles acquis à titre gratuit.
Or les biens immobiliers des associations cultuelles sont aujourd’hui exemptés de la fiscalité afférente, notamment de la taxe foncière, ce qui s’apparente déjà à une forme de subventionnement déguisé, bien que cela soit justifié, en l’état actuel des textes, par l’objet social étroitement défini.
Cette exemption se fonde sur le fait que ces associations ont pour objet exclusif l’exercice du culte. Il est donc indispensable que ce régime d’exemption ne soit pas étendu aux immeubles gérés en dehors de cet objet, sans quoi l’esprit de la loi de 1905 s’en trouverait violé.
Le Gouvernement justifie son projet par la nécessité d’accorder aux cultes une plus grande autonomie financière, alors que, comme cela est indiqué dans l’étude d’impact, d’une part, seuls sont concernés les immeubles acquis à titre gratuit et que, d’autre part, les revenus ainsi générés ne pourront servir qu’à financer des activités cultuelles, et ce dans un contexte où leurs financements seront plus étroitement contrôlés et où seront interdits ceux qui proviennent de l’étranger.
Si effort de rapprochement avec le droit commun il doit y avoir, alors il faut aller jusqu’au bout de la démarche. Si l’objectif d’assurer des ressources autonomes régulières aux associations cultuelles est légitime, ces dernières ne sauraient échapper au droit commun.
Afin de répondre à cette attente, le Gouvernement a retenu un amendement tendant à plafonner à 33 % la part des revenus locatifs que les associations cultuelles pourront générer dans le total de leurs ressources. Il a par ailleurs été précisé que les revenus locatifs des associations cultuelles seront assujettis à l’impôt, comme toute organisation qui possède des immeubles.
Dès lors, il nous paraît nécessaire de compléter ce dispositif dans deux directions : d’une part, en inscrivant expressément dans la loi que ces immeubles non consacrés à l’exercice du culte sont bien soumis au droit commun fiscal ; d’autre part, en dissociant dans les comptes des associations cultuelles concernées les activités en relation avec l’exercice du culte et celles qui sont relatives à la gestion des immeubles, à l’instar de la distinction faite, à l’article 30 du projet de loi, pour les associations relevant de l’article 4 de la loi du 2 janvier 1907.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Cet article permet notamment aux associations cultuelles d’administrer des immeubles acquis à titre gratuit.
Jusqu’à présent, lorsqu’une association cultuelle bénéficiait d’un immeuble grâce à un don ou un legs, elle n’était pas autorisée à l’administrer. Elle était tenue de le vendre, mais elle pouvait conserver le produit de la vente.
L’article 28 permet aux associations cultuelles de disposer d’une source de revenus plus réguliers que la vente d’un immeuble. L’Assemblée nationale avait réduit cette possibilité, en plafonnant ces revenus à 33 % de leurs ressources annuelles totales.
Pour plusieurs raisons, la commission du Sénat a supprimé ce plafond. Comment en effet le calculer ? Qu’adviendrait-il en cas de dépassement ? En outre, les recettes, notamment les dons, peuvent être fluctuantes, si bien que le plafond, d’une année sur l’autre, pourrait être inférieur ou supérieur à 33 % des ressources totales. Bref, le dispositif était assez complexe.
Certaines associations cultuelles, notamment celles des orthodoxes de France, ont de peu de recettes. Le jour où elles hériteraient d’un immeuble, voire d’un simple appartement qu’elles mettraient en location, le plafond de 33 % des recettes serait largement dépassé.
L’objectif étant que les associations cultuelles puissent se financer, indépendamment des ressources étrangères, la commission a supprimé le plafond de 33 %.
Pourquoi ne pas aller plus loin et autoriser les associations cultuelles à acquérir des immeubles à titre onéreux ?
Il s’est d’abord agi de préserver un certain équilibre. Certains amendements tendent à supprimer l’article, d’autres à étendre le dispositif proposé aux immeubles acquis à titre onéreux. L’acquisition à titre gratuit nous semblait être une solution médiane plus sage. Allons déjà dans ce sens et regardons ce que cela donnera.
Ensuite, sans craindre que des associations cultuelles se constituent un empire immobilier, nous avons considéré que le fait que certaines puissent acquérir progressivement de nombreux appartements dans un même quartier pouvait présenter un risque.
Il arrive que, dans le cadre d’une société civile immobilière (SCI), les gestionnaires d’une location soient une congrégation. Les associations cultuelles n’étant pas toujours vertueuses, on pourrait imaginer qu’elles soient tentées de consentir un loyer peu onéreux à des locataires à condition que ces derniers s’engagent à fréquenter le lieu de culte qu’elles gèrent dans le même quartier. Nous ne souhaitons pas que cela soit possible.
C’est pourquoi la commission a retenu une solution médiane : oui à l’administration d’immeubles acquis à titre gratuit, sans plafonnement des ressources à 33 %, ingérable en réalité ; non à l’administration d’immeubles acquis à titre onéreux. S’il était un jour nécessaire de développer cette possibilité, nous reconsidérerions alors les choses. Mais, en l’état, il ne nous paraît pas sage de permettre l’administration d’immeubles acquis à titre onéreux.
J’en viens maintenant, après vous avoir exposé la position de la commission, aux avis sur les amendements.
Les amendements nos 431 rectifié, 473 et 139 rectifié bis visent à supprimer la possibilité pour les associations cultuelles de posséder et d’administrer des immeubles acquis à titre gratuit. La commission y est défavorable.
L’amendement n° 140 rectifié tend à exclure les immeubles de rapport du bénéfice des exonérations fiscales de taxe foncière et de taxe d’habitation. Il est en réalité satisfait. C’est pourquoi la commission sollicite son retrait, à défaut elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 432 rectifié vise à soumettre au droit commun fiscal les immeubles de rapport, mais aussi à imposer une présentation comptable séparée. La première partie de cet amendement est satisfaite, tandis que la seconde, à laquelle nous sommes défavorables, n’apparaît pas souhaitable – suffisamment d’efforts ont déjà été demandés aux cultes s’agissant de la présentation de leurs comptes !
Les amendements nos 580 rectifié ter, 265 rectifié, 402 rectifié ter et 581 rectifié ter ont pour objet d’autoriser les associations cultuelles à posséder des immeubles acquis à titre onéreux. La commission est défavorable à une telle proposition, peu importe d’ailleurs la rédaction choisie, monsieur de Belenet.
Quant à l’amendement n° 451 rectifié, il vise à apporter une correction terminologique en précisant que les associations cultuelles peuvent mettre à disposition ou louer des biens qu’elles ont acquis à titre gratuit, sans être pour autant autorisées à les administrer. La commission n’ayant pas tout à fait saisi la subtilité de cette proposition, elle émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable sur ces amendements, mais pour des raisons différentes.
L’intention initiale du Gouvernement était de permettre aux associations cultuelles de posséder et d’administrer des immeubles de rapport.
Le culte doit se financer ! Nous pouvons toujours rêver de vivre de paroles divines, d’eau fraîche et d’air pur, mais il nous faut rester réalistes et tirer les conclusions du monde mercantile dans lequel nous vivons. Les cultes ont besoin de financement, que ce soit pour embaucher les ministres du culte, disposer d’un bien immobilier ou exercer leurs activités cultuelles.
Nous nous sommes fixé deux règles, comme deux rails parallèles, qui, ensemble, doivent permettre d’encadrer et de garantir la liberté cultuelle.
Le premier rail, c’est la loi de 1905. L’article 2 pose le principe de non-subventionnement public des cultes. Il existe certaines exceptions de droit local en Alsace-Moselle et en outre-mer, en matière de baux emphytéotiques, de reçus fiscaux et de garanties d’emprunts, mais rien de tout cela ne constitue des subventionnements directs des cultes ou des ministres du culte.
Nous souhaitons conserver ce principe de non-subventionnement par l’État et les collectivités locales.
Le second rail, celui que nous imposons et qui, à mon avis, marque une avancée très importante dans la façon dont sont gérés les cultes dans notre pays, c’est le non-financement en provenance de l’étranger.
Je pense d’abord au financement étatique des imams détachés ; le Président de la République a indiqué qu’il y serait mis fin en 2023. Qu’est-ce qu’un imam détaché sinon une sorte de « ministre du culte » payé par un État étranger pour être fonctionnaire sur le territoire national ? Je précise d’ailleurs qu’il s’agit non pas d’interdire aux étrangers de professer sur notre sol, mais de faire en sorte qu’ils ne soient pas payés par un État étranger.
Je pense ensuite de manière générale à l’argent étranger – par exemple, des fondations dont l’objet serait détourné –, qui pourrait financer tel ou tel site cultuel. Si nous ne nous y opposons pas par principe, l’adoption d’articles ultérieurs nous permettra de connaître ces financements et de nous y opposer le cas échéant.
Une fois posés ces deux rails – pas de financement public quel qu’il soit, pas de financement en provenance de l’étranger –, il faut tout de même bien imaginer un financement national.
Les fidèles, me répondrez-vous ! En effet, les fidèles financent les cultes. Toutefois, cela suppose qu’ils veuillent donner l’obole ou verser une aide directe à leur association cultuelle. Ils y sont souvent incités par des dispositions fiscales, à condition qu’ils payent des impôts. Or 55 % des Français ne payent pas d’impôt sur le revenu et nous savons tous que, quelles que soient les religions, les fidèles sont en moyenne plus pauvres que les autres. Souvent, les reçus fiscaux ne leur sont donc d’aucune utilité.
Les Églises auraient pu demander la mise en place d’un crédit d’impôt, celui-ci permettant, chacun le sait, de contribuer au financement lorsque l’on ne paye pas d’impôts, par une sorte de crédit d’impôt négatif. Le Gouvernement n’est pas allé jusqu’à proposer le crédit d’impôt parfois demandé par les associations cultuelles.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Tout à fait !
M. Gérald Darmanin, ministre. Il a considéré que, en plus des dons des fidèles et sans recourir au crédit d’impôt, il était normal de trouver un financement national qui, je le répète, ne soit ni public ni étranger. Avant même la loi Hamon, vous l’avez indiqué, madame la rapporteure, il était déjà possible de donner un immeuble à son Église. C’est ce que l’on appelle un don à titre gratuit.
Il est surprenant que les associations cultuelles puissent détenir des actions, mais ne puissent pas posséder d’immeubles. Or un fidèle peut vouloir apporter un soutien particulier à son Église à son décès, sous la forme d’un héritage. Sous prétexte que cela ne serait pas directement lié au culte, on suppose que l’Église revendrait ce bien. Avouez que c’est assez hypocrite.
Il s’agit donc d’autoriser les associations cultuelles à posséder des immeubles de rapport afin que tout croyant puisse contribuer, sur le territoire national en tant que croyant national de ce culte, indépendamment de l’argent venant de l’étranger, à la construction de l’Église ou du culte en question par des immeubles dits de rapport. Pour le coup, ceux-ci portent mal leur nom, puisque, par définition, ils ne rapportent pas grand-chose, si ce n’est qu’il s’agit d’un don gratuit.
Il fallait fixer une limite, de façon à ne pas recréer des empires religieux, des puissances financières religieuses, voire des lieux communautaires,…
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Oui !
M. Gérald Darmanin, ministre. … puisque c’est ce que nous essayons par ailleurs de combattre.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le sénateur Belenet, nous ne sommes pas allés jusqu’à autoriser la possession ou l’administration d’immeubles de rapport acquis à titre onéreux, même si je comprends la philosophie qui préside à cette idée. Ce faisant pourraient se créer non seulement une puissance financière, notamment par le biais de SCI, comme vous l’avez souligné, madame la rapporteure, mais aussi une géographie communautaire.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Oui !
M. Gérald Darmanin, ministre. C’est d’ailleurs pour cela que nous nous opposons au regroupement par communautés religieuses et que nous essayons de faire de la mixité de manière générale.
L’Assemblée nationale a souhaité établir un taquet de 33 %. Cela a donné lieu à un débat très important : le rapporteur général a d’abord proposé une somme unitaire – on voit bien que cela dépend des associations cultuelles – ; finalement, c’est un pourcentage en recettes qui a été privilégié, sur lequel le Gouvernement a émis un avis de sagesse.
Prenons un exemple tout bête, que vous avez vous-même évoqué, madame la rapporteure, en citant les orthodoxes : avec la crise du covid, les recettes – dons ou activités caritatives – se sont écroulées, mais les recettes de l’immobilier sont demeurées solides. Par conséquent, ce dispositif serait assez absurde, sauf à prévoir des exceptions.
C’est pourquoi le Gouvernement suit la position de la commission dans son intention de faire sauter ce taquet. Pour autant, comme vous, madame la rapporteure, il ne va pas jusqu’à autoriser les acquisitions à titre onéreux pour éviter la constitution d’empires financiers.
Dans la philosophie du Gouvernement, ces immeubles de rapport ne sont pas contraires à l’esprit laïque, bien au contraire. Il n’a jamais été dans l’imaginaire des législateurs d’interdire le financement du culte par les croyants. Il s’agit d’interdire les subventions publiques, d’empêcher tout financement étranger, de garantir un financement national, qui passe notamment par le don gratuit, l’exploitation des immeubles de rapport, sans pour autant permettre la constitution d’empires puisque nous empêchons les acquisitions à titre onéreux. Tout cela contribue, me semble-t-il, à la responsabilisation du culte tout en l’empêchant de dépendre de l’argent de l’étranger.
J’en viens à la question fiscale. Il ne s’agit pas d’ouvrir d’exception fiscale aux cultes qui exploiteraient des immeubles de rapport. Les exceptions fiscales – taxe foncière, taxe d’aménagement, droits de mutation à titre onéreux – concernent uniquement le lieu de culte : tout lieu qui ne serait pas destiné au culte serait évidemment assujetti à la fiscalité que chacun doit. Il n’y a pas de doute sur ce point.
Les exonérations fiscales ne peuvent concerner que le lieu de culte. C’est pourquoi la loi de 1905 a déjà prévu une disposition en ce sens, très mal rédigée au demeurant, si je puis me permettre ce commentaire sur les pères fondateurs de la loi de 1905, et établi la liste exacte des immeubles à destination du culte.
Pour toutes ces raisons, il faut refuser l’ensemble de ces amendements, même si, je le comprends, ce débat est important. L’article 28, conformément à l’esprit laïque de la République et à la loi de 1905, permet de faire face à la réalité des choses et de lutter contre les ingérences étrangères et le financement étranger.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Madame la rapporteure, monsieur le ministre, même si l’on s’en tient à ce que vous nous avez expliqué et à la raison pour laquelle une association cultuelle doit rester une association cultuelle et ne pas devenir un gestionnaire de biens, il me semble que cela va mieux en le disant.
C’est la raison pour laquelle l’amendement n° 451 rectifié a pour objet de remplacer les termes : « et administrer » par les termes : « mettre à disposition ou louer ». On indique ainsi ce qui est autorisé et on comprend bien que ces activités ne constituent pas le cœur de métier de l’association cultuelle. Le verbe « administrer » ouvre la porte à des activités différentes, avec tous les risques, évoqués par M. le ministre, que cela peut représenter, notamment la construction d’un empire ou d’un système immobilier particulier.
La modification que nous proposons d’apporter est simple et facile : la gestion d’immeubles de rapport doit rester une activité annexe par rapport à l’activité cultuelle.
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.
M. Arnaud de Belenet. Je ne suis pas insensible à l’avis de la commission. Par ailleurs, la détermination de M. le ministre à lutter contre ce plafond de 33 %, qui n’a aucun sens et qui est impossible à mettre en pratique, me rassérène et me conforte dans l’idée qu’il convient de retirer les amendements nos 580 rectifié ter et 581 rectifié ter.
M. le président. Les amendements nos 580 rectifié ter et 581 rectifié ter sont retirés.
La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.
Mme Nathalie Delattre. Convaincue par les arguments de Mme la rapporteure, je retire l’amendement n° 140 rectifié.
M. le président. L’amendement n° 140 rectifié est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 431 rectifié et 473.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 139 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 265 rectifié et 402 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 685, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 7, seconde phrase
Après le mot :
réparations
insérer les mots :
ainsi que pour travaux d’accessibilité
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Cet amendement est important et va sans doute faire hésiter les membres du groupe CRCE !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Aïe aïe aïe ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
M. Gérald Darmanin, ministre. Il s’agit en effet d’autoriser des subventions publiques aux lieux de culte pour permettre l’accessibilité de ces mêmes lieux aux handicapés.
Je rappelle que l’État, comme les collectivités, peut déjà accorder des subventions publiques aux lieux de culte pour leur sécurisation. Ainsi, le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) prévoit une enveloppe dédiée pour les lieux de culte, notamment pour l’acquisition de caméras de vidéoprotection. Tous les cultes – juif, musulman, catholique… – peuvent obtenir ces financements et il ne s’agit pas là de subventions directes pour le lieu de culte – le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État en ont jugé ainsi.
La difficulté première, c’est que les bâtiments cultuels sont souvent anciens – ils ont 70, 80, 90 ans. Par ailleurs, et le dire n’a rien d’injurieux, il est souvent difficile pour les croyants, en raison de leur âge, d’accéder à ces bâtiments. Gérer ces lieux de culte coûte donc cher aux collectivités locales. Par conséquent, il semble normal de favoriser l’accessibilité voulue par la grande loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées de 2005.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’appelle votre attention sur le fait que je n’ai pas accédé à la seconde demande d’une partie des associations cultuelles, qui était de permettre des subventions de l’Ademe, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, pour des motifs énergétiques. En effet, ces aides concernent le bâti, qui appartient au culte, et il ne nous revient pas de le subventionner.
En revanche, j’ai été convaincu sur l’accessibilité. C’est pourquoi je souhaite que cet amendement soit adopté.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Monsieur le ministre, la commission a elle aussi été convaincue. C’est pourquoi elle émet un avis favorable sur cet amendement.
M. André Reichardt. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Cet amendement est déjà satisfait par les faits et vous le savez très bien. Il est très rare qu’une association cultuelle gère seule un édifice cultuel ; très souvent, on trouve à côté une association culturelle et c’est cette dernière qui est massivement subventionnée par les collectivités afin de mettre les bâtiments aux normes d’accessibilité pour les handicapés.
C’est la réalité, on peut le regretter : toutes les collectivités agissent de même. Dans la mienne, je vote toujours contre ces subventions, mais je me sens de plus en plus seul, y compris au sein de mon groupe. (Sourires.)
M. Philippe Dallier. Cela peut arriver ! (Nouveaux sourires.)
M. Pierre Ouzoulias. Je comprends l’idée et il est évidemment très difficile de s’opposer à un amendement de cette nature.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l’article.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, vous avez évoqué les SCI. Dans sa grande sagesse, le Sénat a adopté un excellentissime amendement n° 297 à l’article 12 bis tendant à inclure les parts des SCI dans les éléments devant faire l’objet d’une déclaration. (Sourires.)
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Oui !
Mme Nathalie Goulet. Cette précision devra également être intégrée dans des articles ultérieurs, mais je ne serai peut-être pas là pour présenter les amendements ayant cet objet. Je pense que le Gouvernement aura à cœur de veiller aux coordinations.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Article 29
L’article 20 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État est ainsi modifié :
1° Les mots : « l’article 7 du décret du 16 août 1901 » sont remplacés par les mots : « décret en Conseil d’État » et les mots : « par l’article 18 et par les cinq derniers paragraphes de l’article 19 » sont remplacés par les mots : « par l’article 18, le troisième alinéa de l’article 19 et les articles 19-1 à 19-3 » ;
2° (nouveau) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cadre d’une administration centrale, les unions peuvent, en accord avec les associations cultuelles membres, concourir à l’application par leurs membres des obligations prévues aux articles 18, 19 à 19-3 et 21. » – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 29
M. le président. L’amendement n° 148 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Guérini et Guiol, Mme Pantel, MM. Requier, Roux, Cabanel et Gold et Mme Guillotin, est ainsi libellé :
Après l’article 29
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le quatrième alinéa de l’article L. 211-4 du code de l’urbanisme, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …) À l’aliénation d’un bien en vue d’être cédé à une association cultuelle à un prix manifestement inférieur à celui du marché. »
La parole est à Mme Guylène Pantel.
Mme Guylène Pantel. Redisons-le, les relations entre collectivités territoriales et associations cultuelles doivent être très encadrées et neutres. Elles doivent également être prudentes : il faut empêcher toute possibilité d’accointances entre élus locaux et responsables d’associations vouées au culte.
Si le droit de préemption est une prérogative de la collectivité territoriale, il ne serait pas acceptable que ce droit soit utilisé pour l’achat d’un bien ou d’un terrain qui serait par la suite revendu à une association cultuelle à un prix moindre, inférieur à celui du marché.
Aussi cet amendement vise-t-il à ce que le droit de préemption ne puisse être exercé à ces fins.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. La nécessité d’un tel amendement ne nous apparaît pas clairement.
En effet, l’exercice par une personne publique de son droit de préemption doit déjà répondre à des objectifs d’aménagement ou d’urbanisme et il ne saurait s’agir de favoriser l’implantation d’édifices cultuels.
Par ailleurs, l’exercice du droit de préemption que vous évoquez, ma chère collègue, serait selon toute vraisemblance déjà illégal et la délibération procédant à une cession à vil prix en faveur d’une association cultuelle pourrait déjà être sanctionnée et déférée devant le tribunal administratif comme détournement de pouvoir.
Par conséquent, cet amendement non seulement ne nous semble pas opportun, mais est déjà plus ou moins satisfait en réalité. C’est la raison pour laquelle la commission en demande le retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Pantel, l’amendement n° 148 rectifié est-il maintenu ?
Mme Guylène Pantel. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 148 rectifié est retiré.
L’amendement n° 277 rectifié, présenté par MM. Roux, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Guérini, Mme Pantel et M. Requier, est ainsi libellé :
Après l’article 29
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de douze mois, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le statut juridique de l’imam. Ce rapport détermine les solutions pouvant être apportées en vue de permettre aux imams de bénéficier d’un statut de ministre du culte ou équivalent.
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. La question du statut de l’imam est source de difficultés et d’inégalités pour le culte musulman au regard des autres cultes. Rien ne justifie que la religion musulmane ne bénéficie pas en France d’un régime juridique comparable aux autres. Un tel statut permettrait une meilleure égalité cultuelle, tant du point de vue des obligations que des droits dont peuvent notamment bénéficier les ministres du culte des autres religions.
Il est donc nécessaire que la question ne soit pas éludée et fasse l’objet d’un travail de fond dans les années à venir, en vue de régler ce traitement différencié des cultes. Un rapport remis par le Gouvernement au Parlement pourrait servir de base à cette réflexion. Nous connaissons toutefois le sort réservé aux demandes de rapport… (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. J’imagine que c’est un amendement d’appel dans la mesure où il a pour objet la remise d’un rapport au Parlement.
Même si le sujet est intéressant, la commission émet bien sûr un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Cabanel, l’amendement n° 277 rectifié est-il maintenu ?
M. Henri Cabanel. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 277 rectifié est retiré.
Section 2
Autres associations organisant l’exercice du culte
Article 30
La loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes est ainsi modifiée :
1° L’article 4 est ainsi rédigé :
« Art. 4. – Indépendamment des associations soumises aux dispositions du titre IV de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, l’exercice public d’un culte peut être assuré par voie de réunions tenues sur initiatives individuelles en vertu de la loi du 30 juin 1881 sur la liberté de réunion et dans le respect des dispositions prévues aux articles 25, 34, 35, 35-1, 36 et 36-1 de la loi du 9 décembre 1905 précitée.
« L’exercice public d’un culte peut également être assuré au moyen d’associations régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.
« Sauf lorsque leurs activités liées à l’exercice public du culte revêtent un caractère strictement accessoire, ces associations sont soumises aux dispositions des articles 1er, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 9 bis et 17 de la loi du 1er juillet 1901 précitée ainsi que du troisième alinéa de l’article 19 et des articles 19-3, 25, 34, 35, 35-1, 36, 36-1 et 36-2 de la loi du 9 décembre 1905 précitée. » ;
2° Après le même article 4, sont insérés des articles 4-1 et 4-2 ainsi rédigés :
« Art. 4-1. – Sauf lorsque leurs activités liées à l’exercice public du culte revêtent un caractère strictement accessoire, les associations mentionnées au deuxième alinéa de l’article 4 de la présente loi sont également soumises aux dispositions du premier alinéa de l’article 21 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État relatives aux comptes annuels ainsi qu’aux dispositions des deuxième à cinquième alinéas du même article 21. Elles établissent leurs comptes annuels de sorte que leurs activités en relation avec l’exercice public d’un culte constituent une unité fonctionnelle présentée séparément. Elles sont tenues de consacrer un compte ouvert dans un établissement mentionné à l’article L. 521-1 du code monétaire et financier à l’exercice de l’ensemble des transactions financières liées à leur activité d’exercice public du culte.
« Elles assurent la certification de leurs comptes, sans préjudice de l’application de l’article 4-1 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat et du dernier alinéa du II de l’article 19-3 de la loi du 9 décembre 1905 précitée :
« 1° Lorsqu’elles délivrent des documents tels que certificats, reçus, états, factures ou attestations permettant à un contribuable d’obtenir une réduction d’impôt en application des articles 200 et 238 bis du code général des impôts ;
« 2° Lorsque le montant des subventions publiques reçues annuellement dépasse un seuil défini par décret en Conseil d’État ;
« 3° Lorsque leur budget annuel dépasse un seuil défini par décret en Conseil d’État.
« Les deux derniers alinéas de l’article 23 de la loi du 9 décembre 1905 précitée sont applicables en cas de non-respect des dispositions du présent article.
« Art. 4-2. – Lorsqu’il constate qu’une association accomplit des actes en relation avec l’exercice public d’un culte, tels que l’acquisition, la location, la construction, l’aménagement et l’entretien des édifices servant au culte ainsi que l’entretien et la formation des ministres et autres personnes concourant à l’exercice du culte, sans que son objet le prévoie, et sauf dans le cas où ces activités revêtent un caractère strictement accessoire, le représentant de l’État dans le département met en demeure l’association, dans un délai qu’il fixe et ne pouvant être inférieur à un mois, de mettre en conformité son objet avec ses activités.
« À l’expiration du délai prévu au premier alinéa, le représentant de l’État dans le département peut, si l’association n’a pas satisfait à la mise en demeure, prononcer une astreinte d’un montant maximal de 100 € par jour de retard.
« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article. »
M. le président. L’amendement n° 334, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement tend à supprimer l’extension de la plupart des contraintes administratives et comptables imposées aux associations relevant de la loi de 1905 et aux associations de droit commun loi 1901 qui ont une activité en relation avec l’exercice public d’un culte. Selon l’étude d’impact, il s’agit d’inciter les acteurs du culte à s’organiser sous le régime des associations cultuelles et à séparer ainsi leurs activités cultuelles des autres.
Malgré les efforts de la commission des lois, qui a souhaité exclure de ce régime d’obligations renforcées les associations 1901 dans lesquelles l’activité cultuelle n’a qu’un caractère strictement accessoire, celles-ci seraient désormais soumises au contrôle de l’administration.
Les associations loi 1901, par exemple les organismes de gestion de l’enseignement catholique ou les mouvements de scouts, organisent des actes en relation avec l’exercice public d’un culte. Elles pourraient ainsi entrer dans le champ d’application de l’article 30 et se voir imposer des obligations très contraignantes.
En outre, les nombreuses associations loi 1901 sont inspirées par des convictions spirituelles : actions humanitaires, collectes alimentaires, aide aux personnes précaires… Comment feront-elles, lors de leurs opérations comptables, pour faire le départ entre leurs activités en relation avec l’exercice public d’un culte et celles qui n’en sont pas ?
Parce que ces mesures sont sans lien avec les réalités et les pratiques de l’exercice du culte en France, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demande la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Nous voici au cœur du réacteur de ce texte, de son objet véritable, qui est de faire en sorte que la partie cultuelle d’une association, quand bien même elle serait de type loi de 1901, soit bien déclarée en tant que telle, ou du moins soumise aux contraintes de la loi de 1905 comme si elle était une association cultuelle.
L’objectif est d’inciter les associations cultuelles à relever du régime de 1905. La liberté d’association empêchant de le leur imposer, le projet de loi prévoit que les comptes puissent être séparés et que la partie cultuelle soit soumise aux obligations de la loi de 1905, sans bénéficier pour autant de ses avantages puisqu’elles resteraient régies par la loi de 1901. Elles auront donc tout intérêt à se déclarer sous le régime de la loi de 1905, avec les avantages et les inconvénients qu’il comporte.
Pour la commission, c’est l’article essentiel du texte. Elle est donc évidemment contre sa suppression. Elle a pris en compte la situation des associations de scoutisme ou qui exerceraient le culte à titre accessoire en les sortant de ces obligations : une association de scoutisme s’apparente bien plus à une association loi de 1901, quand bien même elle pratiquerait de façon strictement accessoire le culte.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Comme le dit Mme la rapporteure, nous sommes dans le cœur du réacteur, mais la matière nucléaire est parfois complexe et mérite sans doute quelques explications de la part du Gouvernement.
Si nous partageons le même but, il subsiste sans doute un léger quiproquo dans les rédactions. Il existe aujourd’hui trois types d’associations : les associations uniquement culturelles, les associations uniquement cultuelles, et les associations mixtes, des associations de type 1901 qui doivent déclarer leur qualité cultuelle.
Les associations uniquement cultuelles ne posent pas de problème ; elles relèvent de la loi de 1905, avec ses avantages et ses inconvénients. Les associations mixtes soulèvent peu de problèmes ; elles sont à la fois culturelles et cultuelles. Nous le déplorons, mais ne revenons pas sur la liberté associative. Cependant, nous imposons par ce texte deux états de compte différents, afin que les subventions de l’une ne servent pas à financer l’activité cultuelle de l’autre. Il s’agit ainsi de séparer, comme on séparerait le temporel du spirituel, les États des associations.
Il y a enfin les associations culturelles qui, de façon strictement accessoire, logent des activités cultuelles. Les scouts sont ainsi des associations culturelles qui organisent de temps à autre, de manière non générale – ce n’est pas leur but –, une messe. Il ne s’agit pas d’interdire aux scouts de loger une messe, lorsqu’ils sont catholiques, ou un autre office religieux, puisqu’il existe des scouts de toutes les obédiences religieuses. Ce serait absurde et je ne crois pas que ce soit le sens du travail voulu par le Parlement.
La rédaction actuelle du Sénat conduit à requalifier en associations mixtes des associations culturelles qui logent des activités accessoirement cultuelles - la difficulté est de définir ce qui est accessoire - pour le bon fonctionnement de l’association.
Le deuxième inconvénient de votre rédaction, madame la sénatrice, c’est qu’elle exclut du champ d’intervention du ministère de l’intérieur les associations qui se déclarent culturelles, mais qui pratiquent des activités cultuelles. Les scouts disent qu’ils sont strictement accessoirement cultuels. Par exemple, l’Association interculturelle du Grand Nancy se présente dans son statut comme une association qui mène des activités culturelles, sociales, éducatives et sportives au sein de la communauté turque et française, propose des cours de langue, d’informatique, de folklore, de couture, d’enseignement religieux, de l’aide aux personnes défavorisées. Or nous savons par ailleurs qu’elle gère la mosquée Fathi à Laxou et qu’elle est affiliée à la Ditib, c’est-à-dire le ministère turc des affaires religieuses.
Avec l’article 30, tel qu’il résulte des travaux de la commission du Sénat, les scouts relèvent du cultuel en mixte, avec des obligations, ce qui n’est pas votre volonté, et vous faites sortir l’association Ditib, qui ne s’est pas déclarée comme étant un lieu cultuel. Reste la question de savoir ce qu’est un culte, qui peut nous mener assez loin, comme en témoigne notre discussion en début d’après-midi.
Je crois donc très sincèrement, sans désaccord avec la commission, que la rédaction du Gouvernement permet d’atteindre la cible. Il s’agit évidemment de permettre que se tienne de temps en temps un office religieux dans l’activité culturelle, cela concerne les scouts, mais également bien d’autres associations, sans que celle-ci soit qualifiée de cultuelle, et de viser tout de même celles qui se disent strictement culturelles, mais dont on sait qu’elles gèrent parfois des lieux cultuels.
Nous aurons sans doute l’occasion d’en débattre de nouveau, madame la rapporteure, mais je pense vraiment que la rédaction du Gouvernement permet de toucher cette cible de l’article 30, si j’ose dire, sans effets collatéraux.
J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 334 et je vous invite à adopter l’amendement n° 652, qui est ainsi défendu.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Vous indiquez, monsieur le ministre, que l’article 30 est le cœur du réacteur, mais cela fait des années que nous demandons l’inscription de telles dispositions dans la loi.
Le rapport du séminaire tenu par l’Union des mosquées de France les 17 et 18 mars 2018 l’expose clairement : les associations gestionnaires des mosquées doivent être sous le régime de 1905. Il convient le cas échéant de séparer les activités cultuelles des activités culturelles, gérées par deux associations distinctes. Une autre option serait d’imposer aux associations régies par la loi de 1901 les mêmes exigences en matière de gestion et de transparence.
C’est donc un sujet connu, qui ne devrait pas poser de problème. L’amendement n° 652 devrait apporter des solutions. J’y suis donc favorable. En revanche, je suis opposée à l’amendement n° 334.
M. le président. L’amendement n° 652, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Supprimer les mots :
Sauf lorsque leurs activités liées à l’exercice public du culte revêtent un caractère strictement accessoire,
II. – Alinéa 7
Supprimer les mots :
Sauf lorsque leurs activités liées à l’exercice public du culte revêtent un caractère strictement accessoire,
III. – Alinéa 13
Supprimer les mots :
, tels que l’acquisition, la location, la construction, l’aménagement et l’entretien des édifices servant au culte ainsi que l’entretien et la formation des ministres et autres personnes concourant à l’exercice du culte,
et les mots :
et sauf dans le cas où ces activités revêtent un caractère strictement accessoire,
Cet amendement est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Monsieur le ministre, nous tenons vraiment à une rédaction qui permette d’exclure notamment les scouts. Le grand rabbin nous a également parlé des scouts israélites. Notre rédaction s’appuie sur une jurisprudence afin de bien préciser le caractère accessoire, justement pour ne pas confondre avec les associations mixtes.
Nous y reviendrons probablement ultérieurement, monsieur le ministre, mais nous sommes pour l’instant défavorables à votre amendement.
M. le président. L’amendement n° 667, présenté par Mmes Eustache-Brinio et Vérien, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les références :
, 36-1 et 36-2
par la référence :
et 36-1
La parole est à Mme la rapporteure.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 156 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire et Guérini, Mme Pantel, MM. Requier, Roux et Gold, Mme Guillotin et M. Guiol, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7, deuxième phrase
1° Remplacer les mots :
de sorte que
par les mots :
en instaurant une comptabilité autonome pour
2° Supprimer les mots :
constituent une unité fonctionnelle présentée séparément
II. – Alinéa 11
Remplacer les mots :
leur budget annuel
par les mots :
l’ensemble de leurs ressources annuelles
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Ce qui distingue les associations mixtes des associations cultuelles, c’est que les premières sont déclarées comme ayant à la fois un objet cultuel et un objet non cultuel. Si leur classification est différente, il y a cependant entre ces deux divisions d’associations de très nombreux points de convergence.
Cet amendement vise donc à mieux encadrer les ressources financières des associations mixtes. Bien que ces structures ne soient pas exclusivement vouées au culte, il semble aujourd’hui nécessaire de leur imposer d’établir une comptabilité autonome permettant de distinguer les activités cultuelles, donc celles qui ont trait à l’exercice public d’un culte, et celles qui ne le sont pas.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. L’article 30 du projet de loi impose spécifiquement aux associations loi 1901 à objet mixte de nouvelles obligations administratives et comptables. Elles doivent ainsi désormais faire apparaître séparément la comptabilité relative à leurs activités cultuelles.
L’amendement de notre collègue Delattre tend à proposer une amélioration rédactionnelle de cet article en prévoyant une comptabilité autonome. Nous souhaitons connaître l’avis du Gouvernement sur cette rédaction, qui semble apporter une clarification.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Delattre. Par principe ou y a-t-il une raison ?
M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. L’amendement nous semble satisfait par la présentation séparée des comptes annuels. La commission en demande donc le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Madame Delattre, l’amendement n° 156 rectifié est-il maintenu ?
Mme Nathalie Delattre. Je le maintiens, monsieur le président, car il apporte selon moi une clarification.
M. le président. L’amendement n° 382 rectifié, présenté par MM. Maurey et Cigolotti, Mmes Vermeillet, Billon, Pluchet et Létard, MM. Canevet, Longeot, Louault, Moga, Delcros, Henno et Folliot, Mme Morin-Desailly, MM. Chasseing, Bonneau, Bonne et Lefèvre, Mme Demas, M. Mandelli, Mme Férat, M. Laménie, Mme Saint-Pé, MM. Sautarel et Pellevat, Mme Jacquemet, MM. Bouchet, D. Laurent, Mizzon et Vogel, Mmes Paoli-Gagin, Schalck, Herzog et Gruny, MM. A. Marc, Tabarot et Wattebled, Mme Bonfanti-Dossat, M. Le Nay, Mme Dumont, MM. Duffourg et Hingray et Mme de Cidrac, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Tout projet de construction, par les associations mentionnées au premier alinéa du présent article, d’édifices répondant à des besoins collectifs de caractère religieux fait l’objet d’un plan de financement prévisionnel mentionnant dans des conditions fixées par un décret en Conseil d’État, l’origine des fonds et certifié par un commissaire aux comptes. À l’issue de la réalisation du projet, un bilan financier est présenté dans les mêmes conditions.
La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.
Mme Sylvie Vermeillet. Cet amendement d’Hervé Maurey a pour objet de compléter les mesures de transparence financière prévues par le présent article en soumettant tout projet de construction d’un édifice du culte par une association à objet mixte relevant de la seule loi de 1901 à l’élaboration d’un plan de financement prévisionnel certifié par un commissaire aux comptes.
Cette mesure, issue du rapport d’information Les collectivités territoriales et le financement des lieux de culte, fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales en 2015, a pour finalité d’accroître la traçabilité des flux financiers à l’origine des projets d’édifices du culte.
L’amendement tend à fixer les mêmes sanctions qu’en cas de non-publication d’un compte annuel par les associations cultuelles et les associations à objet mixte prévues par le présent projet de loi. Cette disposition a été adoptée par le Sénat dans le cadre du projet de loi pour un État au service d’une société de confiance (Essoc), puis supprimée par l’Assemblée nationale.
Il est complété par un amendement à l’article 33 qui tend à prévoir la même obligation de transparence en matière d’origine des fonds lorsqu’une association cultuelle est maître d’ouvrage d’un édifice cultuel.
M. le président. Le sous-amendement n° 682 rectifié, présenté par MM. Dallier et Bascher, est ainsi libellé :
Amendement n° 382 rectifié, alinéa 3
Après la première phrase, insérer deux phrases ainsi rédigées :
Le plan de financement est transmis au représentant de l’État dans le département au plus tard lors du dépôt de la demande de permis de construire ou d’aménager. Il est rendu public selon des modalités fixées par le décret mentionné à la première phrase.
La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Je n’ai déposé que deux amendements sur ce texte en commission. Le premier, vous l’avez évoqué, monsieur le ministre, visait à transférer au représentant de l’État la délivrance des permis de construire ou d’aménager pour les lieux de culte. Je me suis rangé à l’avis de la commission, qui avait les mêmes craintes que vous, et j’ai transformé ce transfert en avis simple du préfet.
Le second amendement tendait à assurer la transparence du financement des travaux au moment du dépôt du permis de construire ou d’aménager. La commission m’a demandé de transformer cet amendement en sous-amendement à celui de notre collègue Maurey – un autre viendra ultérieurement dans un autre cas de figure. L’idée ici est de communiquer le plan de financement au représentant de l’État dans le département.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. La commission est favorable à l’amendement n° 382 rectifié, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 682 rectifié de M. Dallier, permettant la communication du plan de financement de tout projet de construction d’un édifice du culte par une association loi de 1901 à objet mixte.
Il s’agit d’une mesure de transparence bienvenue. Un amendement très proche avait d’ailleurs été adopté voilà deux ans par notre assemblée lors de la discussion du projet de loi Essoc.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je me réjouis d’autant plus de voter cet amendement ainsi sous-amendé que celui que j’avais déposé, qui était moins bien rédigé, mais dans le même esprit, avait été retoqué par la commission. Ce qui compte, c’est le résultat ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 682 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 452 rectifié, présenté par M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, M. Assouline, Mmes S. Robert, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet et Conconne, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal et Tissot, Mme Conway-Mouret, MM. Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette décision est susceptible de recours sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. L’article 30 du projet de loi a pour objectif de soumettre les associations mixtes, c’est-à-dire les associations de droit commun ayant un objet en partie cultuel, aux prescriptions d’ores et déjà applicables aux associations cultuelles telles qu’elles sont renforcées par ce projet de loi. L’échange que le ministre et la rapporteure ont eu sur l’amendement n° 652 du Gouvernement montre la complexité du sujet.
Or, en l’état, cette disposition ne met en œuvre aucune modalité permettant aux associations visées d’exercer leur droit à un recours juridictionnel. Cela est d’autant plus contestable qu’est ici en jeu l’effectivité de la liberté d’association, droit fondamental tant au titre du bloc de constitutionnalité que de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Pour remédier à cette insuffisance, nous proposons d’ouvrir au bénéfice des associations cultuelles un recours en référé contre l’astreinte qui leur est adressée lorsque le préfet juge qu’elles n’ont pas satisfait aux exigences imposées. Il s’agit d’octroyer aux associations concernées une contrepartie aux très nombreuses exigences et obligations nouvelles qui s’imposeront à elles à l’entrée en vigueur de ce texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. L’amendement est déjà satisfait, le droit en vigueur garantissant évidemment le droit au recours, y compris en référé, contre toute décision administrative.
La commission en demande donc le retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 585 rectifié ter, présenté par MM. de Belenet, L. Hervé, Bonnecarrère, Duffourg, Détraigne, Capo-Canellas, Kern, Henno et Levi, Mmes Billon, Guidez et Saint-Pé, MM. S. Demilly et Laugier, Mme Morin-Desailly, MM. Chauvet, Le Nay, J.M. Arnaud et Folliot, Mme Gatel et M. Longeot, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Rédiger ainsi cet alinéa :
« À la demande du représentant de l’État dans le département dans lequel est situé le siège social de l’association, le président du tribunal judiciaire, statuant en référé, peut, si l’association n’a pas satisfait à la mise en demeure à l’expiration du délai prévu au premier alinéa, enjoindre sous astreinte aux dirigeants de l’association de mettre en conformité son objet avec ses activités.
La parole est à M. Arnaud de Belenet.
M. Arnaud de Belenet. Cet amendement a fait l’objet de discussions en commission, notamment sur le point de savoir à quel juge confier éventuellement cette mission.
Ses cosignataires sont soucieux de préserver la liberté d’association et la liberté d’exercice des cultes au moins autant que de lutter contre le séparatisme. Ils entendent donc confier au juge du contrat associatif, sur demande du préfet, le juge statuant en référé, le pouvoir d’enjoindre sous astreinte à une association de mettre en conformité son objet avec la réalité de ses activités, en l’occurrence cultuelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Nous étions partagés sur le sujet en commission, mais celle-ci a considéré qu’il ne fallait pas priver ces décisions de la rapidité et de l’efficacité de l’action du préfet. Rappelons que, de toute façon, ces décisions, comme je l’ai dit, sont susceptibles de recours.
Nous sommes donc défavorables à l’amendement, même si la commission en a effectivement longuement débattu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 585 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 30, modifié.
(L’article 30 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 30 (réservés après l’article 55)
Article 31 (réservé après l’article 55)
Article additionnel après l’article 31 (réservé après l’article 55)
Article 32 (suppression maintenue)
M. le président. L’amendement n° 396 rectifié n’est pas soutenu.
En conséquence, l’article 32 demeure supprimé.
Chapitre II
Renforcer la préservation de l’ordre public
Section 1
Contrôle du financement des cultes
Articles additionnels avant l’article 33
M. le président. L’amendement n° 48, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Avant l’article 33
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 21° de l’article 128 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Financement des associations régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État et la loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes ; ».
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Plusieurs d’entre nous ont déposé des amendements concernant les dispositifs de contrôle des associations et des subventions prévus aux articles L. 12 et L. 14 du livre des procédures fiscales. Évidemment, notre livre de chevet est le jaune budgétaire sur l’effort financier de l’État en faveur des associations : le montant des dégrèvements accordés aux associations est tout de même assez spectaculaire.
Plutôt qu’un rapport, je propose par cet amendement que le Gouvernement institue un document de politique transversale, ou orange budgétaire, relatif aux financements des associations cultuelles. Nous disposerons ainsi de toutes les informations, ce qui nous permettra d’avoir une meilleure visibilité de l’ensemble des financements publics accordés aux associations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Vous demandez un orange budgétaire, mais il existe déjà un jaune budgétaire consacré à l’effort financier de l’État en faveur des associations. L’amendement nous semble donc satisfait, même si le premier est un document de politique transversale et le second thématique.
Par ailleurs, faute de précision du caractère public des financements en question, le dispositif du présent amendement trouverait mal sa place au sein de tels documents budgétaires. La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 48 est-il maintenu, madame Nathalie Goulet ?
Mme Nathalie Goulet. Non, je le retire, monsieur le président, même si le jaune budgétaire n’a strictement rien à voir avec ma demande.
M. le président. L’amendement n° 48 est retiré.
L’amendement n° 574 rectifié bis, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 33
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois suivant l’adoption du présent texte un rapport est remis au Parlement par le Gouvernement sur les relations diplomatiques et économiques avec les États finançant des cultes sur le territoire français.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Mes chers collègues, nous avons déjà eu ce débat à propos d’une affaire alsacienne. Il nous semble collectivement important d’évaluer exactement et en toute transparence les modalités, les formes et les volumes des ingérences étrangères dans l’organisation des cultes en France. Ces ingérences sont une réalité. Nous savons que certains pays mettent à profit leurs liens religieux et la relation avec leur diaspora pour intervenir dans la politique française, voire pour provoquer des actes et des propos violents contre certaines communautés.
J’exprime ici très solennellement toute ma solidarité avec la communauté arménienne, une nouvelle fois attaquée par Les Loups gris, qui continuent, malgré vos interventions, monsieur le ministre, à la prendre pour cible en maintenant un discours progénocidaire inadmissible dans notre République. Le Parlement, et c’est son honneur, a reconnu le génocide des Arméniens. Il est insupportable qu’une association, quelle qu’elle soit, dont on comprend bien qu’elle est le faux-nez du gouvernement Erdogan, continue à perpétrer des actes contre la communauté arménienne.
Des discussions sont en cours, à un haut niveau, entre la Turquie et l’Union européenne. Il nous semblerait normal, même si cela ne se fait pas au grand jour, que la question de l’ingérence d’États étrangers - la Turquie n’est pas la seule, bien sûr - soit un élément constitutif de notre politique diplomatique. On ne peut pas tout accepter d’États, même de soi-disant alliés au sein de l’OTAN !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. S’agissant d’une demande de rapport, je le considère comme un amendement d’appel.
M. Pierre Ouzoulias. Un cri d’alarme !
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Le projet de loi visant justement à mieux connaître les financements étrangers des cultes, nous nous dirigeons vers une plus grande transparence, qui sera effectivement utile. Le Parlement pourra dès lors créer une mission d’information ou une commission d’enquête pour étudier les résultats obtenus grâce à ce projet de loi.
La commission, vous l’aurez compris, a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis. J’aurais pu émettre un avis favorable, mais il ne serait sans doute pas possible au Gouvernement de remettre un tel rapport, faute de connaître les financements étrangers sur le sol de la République. C’est tout l’objet du projet de loi, Mme la rapporteure l’a dit, je l’en remercie, de savoir qui finance quoi sur notre sol. Nous avons quelques idées, mais les proportions ne sont pas évidentes à établir, surtout qu’il est parfois fait usage de faux-nez…
M. Philippe Dallier. On a quelques idées…
M. Gérald Darmanin, ministre. Ils passent par des fondations, des personnes individuelles, des entreprises, des associations, pas toujours des États, parfois même par des constructions en direct pour les rétrocéder ensuite. Ce n’est pas si facile à documenter, mais il est évident que, dans quelques années, monsieur le sénateur, le Gouvernement sera en mesure de fournir un rapport grâce à cette loi.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.
Mme Valérie Boyer. Inutile de vous dire combien j’ai été sensible à l’intervention de notre collègue Pierre Ouzoulias. Cet amendement d’appel, j’en comprends les motifs, j’en partage pleinement les objectifs. Il est aussi pour moi l’occasion de déplorer que Les Loups gris, malgré les injonctions qui leur sont adressées, continuent à prospérer, à menacer et à narguer la République.
Je regrette que nous n’allions pas plus loin à l’occasion de ce texte, comme l’a proposé l’un de mes collègues à l’Assemblée nationale, et que la reconnaissance par la France du génocide de 1915 n’emporte pas de dispositif de pénalisation du négationnisme.
Cette non-pénalisation empêche toute condamnation des propos négationnistes du génocide de 1915, ou de tout autre génocide reconnu par la loi française, des propos arménophobes ou des propos portant atteinte à la dignité, à la mémoire et à la justice proférés sur notre sol.
Il ne s’agit pas d’une revendication communautariste. Il s’agit de protéger des Français qui ont souffert dans leur histoire, dans leur mémoire. Cette revendication s’appuie sur un texte voté par le Parlement français.
Aujourd’hui, cette situation de concurrence des mémoires est totalement anormale entre un génocide reconnu par la loi française, qui emporte un système de pénalisation, et un autre génocide, également reconnu par le Parlement, qui n’en emporte pas.
Les provocations que nous subissons tant d’un point de vue diplomatique – je pense à l’incident lors de la visite en Turquie de Mme Von der Leyen, qui nous a tous touchés en tant que citoyens européens – que sur notre territoire – listes communautaires ou mosquée Millî Görüs, par exemple – montrent qu’il est absolument nécessaire d’aller plus loin.
Monsieur le ministre, je regrette vraiment que les amendements que j’ai proposés, sur ce texte ou sur d’autres, ne trouvent pas…
M. le président. Veuillez conclure, madame Boyer.
Mme Valérie Boyer. … un écho favorable auprès du Gouvernement, qui s’honorerait à faire en sorte que nous puissions pénaliser enfin les propos de ceux qui nient l’existence des génocides reconnus par la loi française.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Cette demande de rapport ne me semble pas illégitime – bien au contraire ! – dans la mesure où ce texte a vocation à introduire une plus grande transparence sur le financement des cultes par des États étrangers. Il y a un décalage entre vos arguments et l’objectif visé.
Il me semble logique de vouloir connaître le résultat des mesures de traçabilité que nous avons votées pour en tirer un certain nombre de conséquences sur nos relations diplomatiques et économiques – vous avez cité la Turquie, nous pourrions aussi évoquer l’Arabie saoudite ou d’autres pays.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Jean-Yves Leconte. Sur des sujets aussi majeurs, il n’est pas illégitime de demander un tel rapport.
Certes, le délai de six mois après promulgation de la loi est peut-être un peu court. Si l’amendement était rectifié pour le porter à un ou deux ans, cette disposition aurait un réel intérêt.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. C’est un sujet que nous connaissons assez bien ici : André Reichardt et moi-même avons rédigé un rapport dans le cadre de la mission d’information sur l’organisation, la place et le financement de l’Islam en France et de ses lieux de culte, présidée par Corinne Féret.
Nous avons eu la curiosité, que d’autres n’ont pas eue, de demander à chacune des ambassades étrangères les chiffres des financements, directs et indirects, qu’ils ont octroyés. Bien évidemment, rien ne les obligeait à dire la vérité, mais notre rapport de 2016 dresse déjà un état assez précis des montants financés par l’Algérie, le Maroc, la Turquie et l’Arabie saoudite – le Qatar ne nous a pas répondu et les Émirats arabes unis nous ont fourni un document. Tout cela figure en annexe de notre rapport.
Comme je ne suis pas une femme de renoncement, et pour ne pas nourrir le fantasme d’une France envahie de pétrodollars, j’ai envoyé la même demande cette année. L’Arabie saoudite a fourni des chiffres extrêmement précis sur ses financements, entre 2016 et 2021, de mosquées à Nanterre, à Lyon, à Tours et d’un centre islamique. L’ambassade précise que les fonds ont été transférés directement de son compte aux entreprises qui ont effectué les travaux de construction, sur rapport de l’architecte du projet.
Monsieur le ministre, je vous propose une mesure qui n’est pas de nature législative : procédons à un tour de table des ambassades concernées et élaborons un guide de bonne pratique des financements, de façon à connaître très précisément les choses. Si vous demandez ces informations, vous les aurez ; c’est une évidence.
Par ailleurs, Tracfin suit ces financements de très près. Nous disposons donc déjà de premiers éléments. Le Parlement peut également être informé. C’est un sujet très important, qui ne doit pas susciter de fantasmes. Les ambassades ont tout intérêt à travailler avec nous pour leur propre réputation. Aujourd’hui, les sujets de terrorisme ou de blanchiment intéressent tout le monde. Les ambassades ont donc intérêt à la plus grande transparence, y compris quand elles salarient des ministres du culte ou des psalmodieurs.
Interrogeons les ambassades au lieu de leur faire un procès d’intention.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je suis tellement habitué aux raisonnements de la commission des lois que je finis par avoir pour réflexe naturel de refuser les amendements qui tendent à demander des rapports.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Et vous avez raison !
M. Jean-Pierre Sueur. C’est toujours un tort, ma chère collègue, d’être trop pénétré d’habitudes. (Sourires.) Il faut savoir se remettre en cause.
Je partage les propos de M. Leconte. Il ne s’agit pas de profiter de cet amendement pour parler d’un sujet, certes très important, mais exclusif et extérieur à l’objet du débat. En revanche, nous parlons tellement des financements étrangers qu’il me semblerait très utile que le Gouvernement communique à la représentation nationale, en toute transparence, les informations dont il dispose sur tous les financements étrangers, sans aucune exclusive.
Dans cet esprit-là, nous voterons, à titre exceptionnel, cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 574 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 33
(Non modifié)
L’article 21 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « et dressent » sont remplacés par les mots : « comprenant un bilan, un compte de résultat et une annexe. Ces comptes sont établis conformément à un règlement de l’Autorité des normes comptables, qui prévoit notamment la tenue d’un état séparé des ressources provenant d’un État étranger, d’une personne morale étrangère ou d’une personne physique non résidente en France. Les associations et les unions dressent » ;
2° Après le même premier alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Elles dressent également une liste des lieux dans lesquels elles organisent habituellement l’exercice public du culte.
« Elles sont tenues de présenter les documents mentionnés aux deux premiers alinéas du présent article ainsi que le budget prévisionnel de l’exercice en cours sur demande du représentant de l’État dans le département.
« Lorsqu’elles ont bénéficié, au cours de l’exercice comptable considéré, d’avantages ou de ressources mentionnés au I de l’article 19-3 de la présente loi, elles assurent la certification de leurs comptes, sans préjudice de l’application de l’article 4-1 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat.
« Elles établissent un traité d’apport lorsqu’elles reçoivent un apport en nature en pleine propriété, en jouissance, en usufruit ou en nue-propriété. Ce traité, qui est annexé aux comptes de l’exercice en cours, comporte une description précise de l’apport, sa valeur estimée et ses conditions d’affectation. Le cas échéant, il précise également la contrepartie pour l’apporteur et les conditions de reprise du bien. » ;
3° (Supprimé)
4° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du quatrième alinéa du présent article, y compris le montant des avantages et ressources à compter duquel s’applique l’obligation de certification. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 335 est présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 454 rectifié est présenté par M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, M. Assouline, Mmes S. Robert, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet et Conconne, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal et Tissot, Mme Conway-Mouret, MM. Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 335.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement vise à supprimer la nouvelle sanction de non-respect des obligations administratives et comptables imposées aux associations cultuelles dans cet article 33.
Ce dernier prévoit ainsi une astreinte pour les dirigeants de ces associations qui ne souhaitent pas produire leurs comptes annuels. Ces nouvelles contraintes nuisent gravement à la vitalité des petites et moyennes associations cultuelles.
Enfin, il est curieux de penser que cette mesure sera utile pour lutter contre l’islam radical, objectif apparent de ce projet de loi.
Dans la pratique, ce dispositif requiert une obligation de certification des comptes de la part des associations cultuelles. Or une telle opération est très lourde pour les petites associations. Les organisations confessionnelles parfaitement respectueuses des valeurs de la République seront ainsi soumises à de multiples complications bureaucratiques.
Ce dispositif constitue une nouvelle ingérence de l’État dans le libre exercice des cultes, raison pour laquelle le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires en demande la suppression.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 454 rectifié.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous nous inscrivons dans la droite ligne des propos de Mme Benbassa. La logique que nous avons exposée en discussion générale et en début d’après-midi reste inchangée : nous considérons que la liberté de culte doit être intégrale, garantie par l’État et par le principe de laïcité.
Il faut dire, redire et redire encore qu’il ne revient pas à l’État d’organiser les cultes, mais de veiller à ce que la loi républicaine s’applique, y compris dans les sphères de la religion.
C’est donc en suivant cette logique que nous demandons la suppression de l’article 33, qui va alourdir considérablement la tâche d’un certain nombre d’associations. Par ailleurs, comme je l’ai déjà souligné, cet article n’est pas de nature à inciter des associations loi 1901 à souscrire au statut de 1905, ce qui est pourtant l’objectif du texte.
L’État ne doit pas poursuivre dans cette volonté d’organiser les cultes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Ces deux amendements tendent à supprimer un article qui doit nous permettre de mieux connaître les comptes des associations cultuelles, notamment leurs financements étrangers.
Vous venez de voter pour un amendement qui visait à demander un rapport sur ces financements. Je ne comprends donc pas que vous souhaitiez maintenant supprimer cet article,… (Protestations sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Pierre Sueur. Nous demandions des informations à l’État, mais nous ne sommes pas favorables au fait d’imposer cette contrainte aux associations !
Mme Dominique Vérien, rapporteure. … qui vise à mieux identifier et contrôler ces financements étrangers. Tout cela me semble un peu compliqué.
La commission est défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 335 et 454 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 405 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mmes M. Carrère et Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2, deuxième phrase
Remplacer les mots :
, qui prévoit notamment la tenue d’un état séparé des ressources provenant d’un État étranger, d’une personne morale étrangère ou d’une personne physique non résidente en France
par une phrase ainsi rédigée :
. En outre, elles établissent un état séparé des avantages et ressources provenant d’un État étranger, d’une personne morale étrangère ou d’une personne physique non résidente en France.
II. – Alinéa 6
Remplacer les mots :
assurent la certification de leurs
par les mots :
font attester l’état séparé des avantages et ressources mentionné au premier alinéa par un commissaire aux
III. – Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Elles assurent également la certification de leurs comptes lorsque l’ensemble de leurs ressources annuelles dépasse un seuil défini par décret en Conseil d’État.
IV. – Alinéa 7, deuxième phrase
Remplacer les mots :
qui est annexé aux comptes de l’exercice en cours
par les mots :
qui est mentionné dans l’annexe des comptes de l’exercice
V. – Alinéa 10
1° Remplacer les mots :
du quatrième alinéa
par les mots :
des quatrième et cinquième alinéas
2° Après le mot :
obligation
insérer les mots :
d’attestation et le montant des ressources annuelles à compter duquel s’applique l’obligation
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Dans le prolongement des amendements nos 403 rectifié et 404 rectifié bis, déposés respectivement aux articles 12 bis et 31, et afin de faciliter le traitement des comptes annuels des associations cultuelles, cet amendement vise à ce que tout traité d’apport – document attestant le transfert d’un bien ou d’une propriété au profit d’une association cultuelle – soit mentionné dans l’annexe des comptes annuels, sans toutefois y figurer.
Le traité d’apport est bien souvent un document très volumineux : l’annexer risquerait à coup sûr de complexifier la lecture des comptes annuels que nous voulons simple, claire et intelligible.
Pour autant, ceux qui liront et traiteront les comptes annuels de ces associations cultuelles doivent avoir accès à toutes les informations et être en mesure de demander aux dirigeants, le cas échéant, les documents afférents.
M. le président. L’amendement n° 455 rectifié, présenté par M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, M. Assouline, Mmes S. Robert, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet et Conconne, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal et Tissot, Mme Conway-Mouret, MM. Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Il s’agit d’un amendement de repli.
M. le président. L’amendement n° 395 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 679, présenté par Mmes Vérien et Eustache-Brinio, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéas 9 et 10
Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :
4° Sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du quatrième alinéa du présent article, notamment :
« 1° Le montant des avantages et ressources en dessous duquel l’obligation de certification ne s’applique pas ;
« 2° Le montant des avantages et ressources en dessous duquel l’obligation de certification est remplie par la désignation d’un commissaire aux comptes nommé pour un mandat de trois exercices et dispensé de certaines diligences définies par décret en Conseil d’État. Une norme d’exercice professionnel homologuée par arrêté du ministre de la justice précise les modalités d’exécution des diligences à accomplir par le commissaire aux comptes et le formalisme qui s’attache à la réalisation de sa mission dans ce cadre ;
« 3° Le montant des avantages et ressources au-dessus duquel l’obligation de certification est remplie par la désignation d’un commissaire aux comptes dans les conditions prévues à l’article L. 612-4 du code de commerce. »
La parole est à Mme la rapporteure, pour présenter cet amendement et donner l’avis de la commission sur les autres amendements en discussion commune.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Cet article, qui permet un meilleur contrôle des comptes des associations cultuelles, et notamment des financements en provenance de l’étranger, impose une certification par des commissaires aux comptes au-delà d’un certain seuil.
Or les cultes nous ont alertés non seulement sur le coût d’une telle certification, mais aussi sur le fait qu’une mission de commissaire aux comptes se déroule en six ans – en deçà, il s’agit non pas d’une certification, mais d’une attestation, qui n’a pas la même valeur. Par ailleurs, la certification permet aux commissaires aux comptes de procéder à des déclarations à Tracfin s’ils soupçonnent quoi que ce soit de frauduleux dans les comptes.
La commission approuve la demande de certification, dont elle comprend et partage l’objectif. Toutefois, il lui paraît difficile d’imposer à ces associations une mission dont le coût peut s’élever à 2 000 ou 3 000 euros par an. Comme nous l’ont fait remarquer les représentants du culte protestant, un temple qui recevrait une donation ponctuelle de 15 000 euros d’une église américaine devrait s’acquitter de 2 000 à 3 000 euros de frais de certification par an pendant six ans, c’est-à-dire près de 18 000 euros, soit plus que le montant du don lui-même !
Cette situation nous ayant semblé assez injuste, nous avons essayé d’obtenir des commissaires aux comptes des missions spécifiques.
Nous proposons, par cet amendement, de fixer des seuils en deçà desquels l’obligation de certification des associations cultuelles n’ayant bénéficié que de dons ponctuels ou de faible montant soit ne s’appliquerait pas, soit ne courrait que sur trois exercices et inclurait des diligences allégées.
Le montant des avantages et ressources en deçà desquels l’obligation de certification ne s’appliquerait pas serait défini par décret en Conseil d’État. Au-dessus de ces seuils, l’obligation de certification standard pour les associations s’appliquerait.
Il s’agit de prendre en compte les situations spécifiques d’associations qui touchent très peu d’argent chaque année ou de manière très ponctuelle. Ces dons n’ont pas vocation à financer les commissaires aux comptes.
Je demande donc aux auteurs des amendements nos 405 rectifié et 455 rectifié de bien vouloir les retirer au profit de l’amendement n° 679 de la commission ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. J’entends les arguments de Mme la rapporteure, auxquels je souscris d’autant plus volontiers que je me suis engagé à l’Assemblée nationale à fixer, par voie réglementaire, un seuil de 153 000 euros – qui permet déjà de distinguer la petite de la grosse association : en dessous de ce montant, l’obligation de certification par un commissaire aux comptes ne s’appliquera pas aux associations cultuelles régies par la loi de 1905.
Cette distinction doit nous permettre de forcer la migration vers la loi de 1905 : les associations loi de 1901 s’exposent en effet, dès le premier euro reçu, au contrôle comptable des commissaires aux comptes. Après tout, cette situation n’a rien d’extraordinaire : les partis politiques, même très petits, sont soumis à la certification. Une fois la sincérité de leurs comptes certifiée, ils peuvent délivrer des reçus fiscaux.
Les associations loi de 1901 et les associations cultuelles loi de 1905 peuvent émettre des reçus fiscaux et engager, à ce titre, l’argent des contribuables. Cela mérite un minimum de contrôle comptable, auquel vient s’ajouter la disposition concernant les financements extracommunautaires de plus de 10 000 euros.
J’entends bien la question de la petite association qui reçoit une subvention de plus de 10 000 euros et dont les frais de commissaires aux comptes risquent de lui coûter plus cher au final. S’il s’agit d’une association loi de 1905, tant que le seuil de 153 000 euros n’est pas dépassé, elle n’est pas obligée de faire appel à un commissaire aux comptes ; si elle est en loi de 1901, je souhaite qu’elle ait l’obligation d’y faire appel dès le premier euro perçu, comme je me suis engagé à le faire dans un décret que je porterai. Je ne souhaite pas faire d’exception dans ce dernier cas pour ne pas nous priver d’une arme de migration vers le régime de la loi de 1905.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. J’entends bien vos arguments sur les ressources, monsieur le ministre, mais le seuil de 10 000 euros pour les dons étrangers est maintenu, y compris pour les associations loi de 1905, qui devront alors faire appel à un commissaire aux comptes. C’est essentiellement pour ces dernières que nous souhaitons intervenir.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Sauf erreur de ma part, si une association loi de 1905 touche 10 000 euros ou plus de l’étranger, même en plusieurs versements, elle n’aura pas à faire appel à un commissaire aux comptes tant que le montant perçu reste en deçà de 153 000 euros – ce seuil ne figure pas dans le texte, mais je m’engage à le fixer par décret.
Encore une fois, pour les associations cultuelles loi de 1905, le recours aux commissaires aux comptes n’est pas exigé en dessous du seuil de 153 000 euros, indépendamment des 10 000 euros venant de l’étranger.
En revanche, pour les associations loi de 1901 – je veux que les choses soient bien claires entre nous –, je demande le commissariat aux comptes afin de « forcer » la migration vers le régime de la loi de 1905.
Ai-je été clair, madame la rapporteure ? (Mme Dominique Vérien, rapporteure, se montre dubitative.)
Ces mesures réglementaires figureront dans un décret en Conseil d’État. Ainsi, une association loi de 1905 qui dispose d’un budget de 152 000 euros et qui perçoit 10 000 euros de l’étranger n’aura pas à faire appel à un commissaire aux comptes. Il me semble que cela devrait répondre à votre préoccupation.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Ce n’était pas tout à fait notre lecture. Aussi nous maintenons notre amendement.
M. le président. Madame Delattre, l’amendement n° 405 rectifié est-il maintenu ?
Mme Nathalie Delattre. L’amendement de la commission des lois ne tend pas à prévoir l’inscription des traités d’apport dans les comptes. Est-il possible de le rectifier ou de le sous-amender pour les inclure ? À défaut, je maintiens mon amendement.
M. le président. Monsieur Sueur, l’amendement n° 455 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Sueur. Oui, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 383 rectifié bis, présenté par MM. Maurey et Cigolotti, Mme Vermeillet, M. Canevet, Mmes Pluchet et Billon, MM. Longeot, Louault, Moga, Delcros, Henno et Folliot, Mme Morin-Desailly, MM. Chasseing, Bonneau, Bonne et Lefèvre, Mme Demas, M. Mandelli, Mme Paoli-Gagin, MM. Vogel, Mizzon, D. Laurent et Bouchet, Mme Jacquemet, MM. Pellevat et Sautarel, Mme Saint-Pé, M. Laménie, Mmes Férat et Létard, M. A. Marc, Mme Gruny, MM. P. Martin, Tabarot et Wattebled, Mme Bonfanti-Dossat, M. Le Nay, Mme Dumont, MM. Duffourg et Hingray et Mmes de Cidrac, Schalck et Herzog, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Tout projet de construction, par les associations et les unions, d’édifices répondant à des besoins collectifs de caractère religieux fait l’objet d’un plan de financement prévisionnel mentionnant, dans des conditions fixées par un décret en Conseil d’État, l’origine des fonds et certifié par un commissaire aux comptes. À l’issue de la réalisation du projet, un bilan financier est présenté dans les mêmes conditions. »
La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.
Mme Sylvie Vermeillet. Cet amendement vise à compléter les mesures de transparence financière prévues par le présent article en soumettant tout projet de construction d’un édifice du culte par une association cultuelle à l’élaboration d’un plan de financement prévisionnel, certifié par un commissaire aux comptes.
Il tend ainsi à compléter les dispositions de l’amendement n° 382 rectifié que nous avons adopté à l’article 30.
Cette mesure viendrait utilement compléter les obligations de transparence qui pèsent sur ces associations en permettant de connaître, avec fiabilité, l’origine des fonds rendant possible la construction d’un édifice cultuel, dont le plan de financement devra être certifié par un commissaire aux comptes.
Cette disposition a déjà été adoptée par le Sénat dans le cadre de l’examen de la loi pour un État au service d’une société de confiance.
M. le président. Le sous-amendement n° 683 rectifié, présenté par MM. Dallier et Bascher, est ainsi libellé :
Amendement n° 383 rectifié, alinéa 3
Après la première phrase, insérer deux phrases ainsi rédigées :
Le plan de financement est transmis au représentant de l’État dans le département au plus tard lors du dépôt de la demande de permis de construire ou d’aménager. Il est rendu public selon des modalités fixées par le décret mentionné à la première phrase.
La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Ce sous-amendement suit la même logique que celle de mon sous-amendement n° 682 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Pour les mêmes raisons, la commission est favorable à cet amendement et à ce sous-amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 683 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 383 rectifié bis, modifié.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
8
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue, pour une mise au point au sujet d’un vote.
M. Jean-Louis Lagourgue. M. Claude Malhuret souhaite rectifier son vote lors du scrutin public n° 105 du 7 avril dernier sur le projet de loi confortant le respect des principes de la République : il souhaitait s’abstenir.
Mme la présidente. Acte est donné de votre mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
9
Respect des principes de la République
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, confortant le respect des principes de la République.
Article 34
L’article 23 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les références : « 20, 21 » sont remplacées par les références : « 19-1, 19-2, 20 » ;
2° Au second alinéa, la référence : « paragraphe 1er » est remplacée par la référence : « premier alinéa » ;
3° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Est puni de 9 000 euros d’amende le fait, pour le dirigeant ou l’administrateur d’une association, de ne pas respecter les obligations prévues aux cinq premiers alinéas de l’article 21.
« À la demande de toute personne intéressée, du ministère public ou du représentant de l’État dans le département dans lequel est situé le siège social de l’association, le président du tribunal judiciaire, statuant en référé, peut enjoindre sous astreinte aux dirigeants de l’association de produire les comptes annuels et les autres documents mentionnés au même article 21. Le président du tribunal judiciaire peut, dans les mêmes conditions et à cette même fin, désigner un mandataire chargé d’effectuer ces formalités. »
Mme la présidente. L’amendement n° 669, présenté par Mmes Eustache-Brinio et Vérien, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
et sont ajoutés les mots : « de la présente loi »
La parole est à Mme Dominique Vérien, rapporteure.
Mme Dominique Vérien, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 384 rectifié, présenté par MM. Maurey et Cigolotti, Mmes Vermeillet et Pluchet, M. Canevet, Mme Billon, MM. Longeot, Louault, Moga, Delcros, Henno, Folliot, Chasseing, Bonneau, Bonne et Lefèvre, Mme Demas, MM. Mandelli et Cabanel, Mme Paoli-Gagin, MM. Vogel, Mizzon, D. Laurent et Bouchet, Mme Jacquemet, MM. Pellevat et Sautarel, Mme Saint-Pé, M. Laménie, Mme Férat, M. A. Marc, Mmes Gruny, Herzog, Schalck et de Cidrac, MM. Hingray et Duffourg, Mme Dumont, M. Le Nay, Mme Bonfanti-Dossat et MM. Wattebled, Tabarot et P. Martin, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Remplacer le mot :
cinq
par le mot :
six
II. – Alinéa 6, première phrase
Après la première occurrence du mot :
association
insérer les mots :
ou le projet de construction de l’édifice répondant à des besoins collectifs de caractère religieux
La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.
Mme Sylvie Vermeillet. Cet amendement d’Hervé Maurey vise à prévoir les mêmes sanctions en cas de non-respect de l’obligation en matière de transparence de l’origine des fonds pour la construction d’un lieu de culte que pour celles qui sont prévues en matière de transparence du financement des associations cultuelles, notamment la publication des comptes annuels.
Il tend également à prévoir que toute personne intéressée du ministère public ou le représentant de l’État dans le département où le projet de construction de l’édifice cultuel est localisé puisse saisir le président du tribunal judiciaire pour enjoindre sous astreinte aux dirigeants de l’association maître d’ouvrage de produire le plan de financement et, le cas échéant, le bilan financier de l’opération.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Par cohérence avec les amendements nos 382 rectifié et 383 rectifié bis, que nous avons précédemment votés, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 34, modifié.
(L’article 34 est adopté.)
Article 35
(Non modifié)
Après l’article 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, il est inséré un article 19-3 ainsi rédigé :
« Art. 19-3. – I. – Toute association cultuelle bénéficiant directement ou indirectement d’avantages ou de ressources versés en numéraire ou consentis en nature par un État étranger, par une personne morale étrangère, par tout dispositif juridique de droit étranger comparable à une fiducie ou par une personne physique non résidente en France est tenue d’en faire la déclaration à l’autorité administrative.
« Cette obligation s’applique aux avantages et ressources dont le montant ou la valorisation dépasse un seuil défini par décret en Conseil d’État, qui ne peut être inférieur à 10 000 euros, ou dont le montant ou la valorisation du total des avantages et ressources dépasse ce même seuil sur un exercice comptable. Elle ne s’applique pas aux avantages et ressources qui font l’objet d’une libéralité.
« Les avantages et ressources soumis à déclaration sont notamment les apports en fonds propres, les prêts, les subventions, les dons manuels, les mécénats de compétences, les prêts de main-d’œuvre, les dépôts, les titres de créance, les échanges, cessions ou transferts de créances et les contributions volontaires, qu’ils soient réalisés par ou sans l’intermédiaire d’un établissement de crédit, d’un établissement de monnaie électronique, d’un établissement de paiement ou d’un organisme ou service mentionné à l’article L. 518-1 du code monétaire et financier.
« II. – Les avantages et ressources soumis à l’obligation de déclaration mentionnée au I du présent article sont les suivants :
« 1° Les avantages et ressources apportés directement à l’association bénéficiaire ;
« 2° Les avantages et ressources apportés à toute association ou à toute société sous contrôle exclusif, sous contrôle conjoint ou sous influence notable de l’association bénéficiaire, au sens des II et III de l’article L. 233-16 et de l’article L. 233-17-2 du code de commerce ;
« 3° Les avantages et ressources apportés à toute entité structurée ou organisée de manière telle que son activité est en fait exercée pour le compte de l’association bénéficiaire ou de toute association ou société mentionnée au 2° du présent II ;
« 4° Les avantages et ressources apportés aux associations, sociétés ou entités mentionnées aux 1°, 2° et 3° du présent II par l’intermédiaire d’une personne morale ou d’une fiducie sous contrôle exclusif, sous contrôle conjoint ou sous influence notable d’un État étranger ou d’une personne morale étrangère ou de tout dispositif juridique de droit étranger comparable à une fiducie ;
« 5° Les avantages et ressources apportés aux associations, sociétés ou entités mentionnées aux mêmes 1°, 2° et 3° par l’intermédiaire d’une personne morale, d’une fiducie ou d’une personne physique de telle manière qu’ils le sont en fait pour le compte d’un État étranger, d’une personne morale étrangère, de tout dispositif juridique de droit étranger comparable à une fiducie ou d’une personne physique non résidente en France.
« Les fiducies et personnes morales de droit français mentionnées aux 2° à 5° du présent II assurent la certification de leurs comptes dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État, sans préjudice de l’application de l’article 4-1 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat.
« III. – Lorsque les agissements de l’association bénéficiaire ou de l’un de ses dirigeants ou administrateurs établissent l’existence d’une menace réelle, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société, l’autorité administrative peut s’opposer, après mise en œuvre d’une procédure contradictoire, au bénéfice des avantages et ressources mentionnés au I du présent article.
« L’opposition peut être exercée dans les mêmes conditions lorsque constituent une menace de même nature les agissements de tout État étranger, organisme, entité, personne ou dispositif mentionné au II, ou de l’un de ses dirigeants, administrateurs, constituants, fiduciaires ou bénéficiaires.
« IV. – Le non-respect des obligations de déclaration prévues au présent article est puni d’une amende de 3 750 euros, dont le montant peut être porté au quart de la somme sur laquelle a porté l’infraction. Les personnes physiques ou morales coupables de cette infraction encourent également, dans les conditions prévues à l’article 131-21 du code pénal, la peine complémentaire de confiscation de la valeur des avantages et ressources concernés.
« En cas d’opposition formée par l’autorité administrative conformément au III du présent article, l’association bénéficiaire est tenue de restituer les avantages et ressources versés ou consentis. Le défaut de restitution dans un délai de trois mois est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende ainsi que d’une peine complémentaire de confiscation des avantages et ressources concernés.
« Le fait, pour un dirigeant, un administrateur ou un fiduciaire, de ne pas respecter l’obligation prévue au dernier alinéa du II est puni de 9 000 euros d’amende.
« V. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article, en particulier les conditions dans lesquelles les organismes, entités, personnes et dispositifs mentionnés au II doivent assurer la certification de leurs comptes, notamment le montant des avantages et ressources à compter duquel s’applique l’obligation de certification. »
Mme la présidente. L’amendement n° 359 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 202 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Boré et Le Rudulier, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, Meurant, Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler, MM. Genet, Savary et H. Leroy, Mme Bourrat et MM. Segouin et Tabarot, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Supprimer les mots :
par un État étranger,
II. – Après l’alinéa 16
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« …. – Les associations cultuelles ne peuvent bénéficier directement d’avantages ou de ressources versés en numéraire ou consentis en nature par un État étranger.
« Un financement indirect est autorisé par l’intermédiaire d’une fédération départementale regroupant les associations cultuelles auxquelles sont destinés ces avantages ou ressources, ou, à défaut, d’une fondation nationale regroupant ces associations cultuelles. Les fédérations départementales ou la fondation nationale précitées sont organisées sur le fondement de l’article 18 de la présente loi.
« La fédération départementale et la fondation nationale sont soumises aux dispositions du présent article.
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Permettez-moi d’évoquer, pour présenter cet amendement, la décision de la mairie de Strasbourg de subventionner la construction d’une mosquée à hauteur de 2,5 millions d’euros. Nous le savons, derrière cette mosquée, il y a un pays dont on parle beaucoup, à savoir la Turquie.
Strasbourg veut édifier la plus grande mosquée d’Europe dans une capitale européenne – quel symbole ! – et ce juste au moment où Recep Tayyip Erdogan met en danger le monde, et particulièrement notre continent. Je ne reviendrai pas sur le sinistre épisode qui s’est déroulé aujourd’hui à Ankara, dont Mme von der Leyen a été la victime.
N’oublions pas que les Frères musulmans considèrent Erdogan comme un nouveau calife. Depuis plusieurs jours, nous parlons de valeurs républicaines, mais l’ennemi n’est pas nommé. Cet ennemi, c’est le séparatisme et la stratégie d’infiltration et de déstabilisation menée par des pays étrangers, notamment par la Turquie, depuis vingt ans, en France comme dans le reste de l’Europe.
Le but du président Erdogan est de favoriser le communautarisme et d’entraver l’intégration des Français d’origine turque ou, plus largement, de confession musulmane. Il le dit lui-même : « L’intégration est un crime contre l’humanité. » Il souhaite peser sur la vie publique, bref fragiliser la concorde nationale et les valeurs républicaines. Une telle stratégie passe notamment par des réseaux sociaux politico-religieux de plus en plus puissants, du lobbying et des campagnes d’influence à tous les niveaux.
Selon différentes estimations, vous le savez, la France compte entre 300 et 400 lieux de culte liés directement à la Turquie, sur les 2 600 mosquées que compte notre pays, soit 15 % des lieux de culte. À partir du moment où certains pays promeuvent une vision politique de l’islam, qu’il convient de combattre, l’indépendance du financement est la clé.
Cet amendement vise donc à introduire un principe d’interdiction de financement direct des organisations, établissements et lieux de culte par des États étrangers, afin de limiter le phénomène d’influence d’États étrangers sur des lieux de culte précis. Il est ainsi proposé de préciser que tout financement d’un État étranger ne pourra être attribué qu’à une fédération départementale regroupant des associations cultuelles ou, à défaut d’existence de celle-ci, à une fédération nationale. L’État gardera la possibilité de suspendre ou d’interdire un financement qu’il juge contraire à ses intérêts.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Cet amendement présente quelques risques juridiques. D’une part, il pourrait constituer une entrave sérieuse au financement de certains cultes et représenter ainsi une atteinte disproportionnée au libre exercice du culte. D’autre part, le dispositif constitue également une entrave à la libre circulation des capitaux, prévue à l’article 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Une telle entrave est d’autant plus problématique qu’elle n’est pas conditionnée à un risque d’ordre public, telle qu’une menace réelle, actuelle, suffisamment grave et affectant un intérêt fondamental de la société. Dans ces conditions, un tel dispositif encourrait un très fort risque constitutionnel et conventionnel.
Par ailleurs, dans la mesure où il s’agit de connaître les fonds étrangers, mais sans forcément les interdire, le dispositif prévu à l’article 35 du projet de loi semble suffisamment solide. Il garantit la pleine information des pouvoirs publics et leur octroie un pouvoir d’opposition, sans qu’il soit besoin de le compléter par une mesure d’interdiction.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 406 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mmes M. Carrère et Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Après le mot :
déclaration
insérer les mots :
attestée par un commissaire aux comptes
II. – Alinéa 17
1° Après le mot :
particulier
insérer les mots :
le montant des avantages et ressources à compter duquel s’applique l’obligation d’attestation mentionnée au I, ainsi que
2° Supprimer les mots :
avantages et
La parole est à Mme Guylène Pantel.
Mme Guylène Pantel. En parallèle de l’amendement n° 403 rectifié déposé sur l’article 12 bis, qui tendait à prévoir une extension du contrôle financier des associations alimentées par les ressources du mécénat, cet amendement vise à donner aux commissaires aux comptes les moyens de distinguer les fonds d’associations cultuelles qui proviennent de pays étrangers de ceux qui n’en proviennent pas.
Aussi, l’état de ces fonds étrangers devrait faire l’objet d’un document distinct des comptes annuels des associations cultuelles. À partir de ce document, le commissaire aux comptes effectuerait des attestations de type « ressources provenant de l’étranger » ou bien « avantages fournis par une personne étrangère », qu’il s’agisse d’une mission de certification légale ou d’une mission ponctuelle auprès d’une association. Toute la lumière serait ainsi faite sur l’origine des fonds des associations cultuelles.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Nous en avons déjà discuté précédemment, l’idée est d’attester les comptes plutôt que de les certifier. Pour les raisons que j’ai déjà expliquées, la commission est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Guylène Pantel. Je le retire, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 406 rectifié est retiré.
L’amendement n° 360 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 616, présenté par MM. Mohamed Soilihi et Richard, Mme Havet, MM. Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin, Hassani, Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Supprimer les mots :
, les titres de créance, les échanges, cessions ou transferts de créance
II. – Alinéa 14, première phrase
Remplacer les mots :
des obligations de déclaration prévues
par les mots :
de l’obligation de déclaration prévue
III. – Alinéa 17
Remplacer les mots :
organismes, entités, personnes et dispositifs mentionnés au II
par les mots :
fiducies et les personnes morales de droit français mentionnées au dernier alinéa du II
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. L’article 35 encadre utilement les avantages et ressources des associations cultuelles provenant de l’étranger. Il constitue un apport important du projet de loi, qui a d’ailleurs fait l’objet de l’assentiment de la commission des lois, laquelle ne l’a pas modifié.
Cet amendement tend non pas à remettre en cause l’équilibre du mécanisme de contrôle prévu, mais à clarifier la cohérence des opérations juridiques constituant un avantage ou une ressource soumise à déclaration. En effet, il n’apparaît pas pertinent de viser les titres de créance qui ne constituent pas une opération soumise à déclaration. Les titres de créance peuvent d’ailleurs faire l’objet d’un don manuel, déjà visé par l’énumération figurant dans l’article. Par ailleurs, puisque seuls les échanges et les cessions de créances représentant un avantage ou une ressource seront soumis à déclaration, il n’y a pas lieu de viser dans la loi tous les échanges ou toutes les cessions de créances.
Enfin, cet amendement a pour objet, outre la suppression de cette mention inopportune, d’introduire des correctifs rédactionnels.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Cet amendement tend à revenir sur une extension votée à l’Assemblée nationale à la suite d’un avis favorable du Gouvernement.
La commission souhaite donc connaître l’avis du Gouvernement sur cette question.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, le toilettage proposé par M. le sénateur nous paraissant nécessaire.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Favorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 300, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
transferts de créance,
insérer les mots :
les parts des sociétés civiles immobilières
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Il s’agit d’un amendement de coordination avec l’amendement adopté sur l’article 12 bis visant à inclure les parts des sociétés civiles immobilières dans les éléments devant faire l’objet d’une déclaration.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Ce complément paraissant utile, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Cet amendement était selon nous satisfait. Il nous semblait que tel était également le constat de Mme la rapporteure. Quoi qu’il en soit, son adoption ne nous gêne pas.
J’émets donc un avis favorable, pour plaire à Mme Goulet.
Mme la présidente. L’amendement n° 361 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 87 rectifié, présenté par MM. Karoutchi et Pemezec, Mmes Garriaud-Maylam et Thomas, MM. Burgoa, D. Laurent, Regnard et Bonne, Mme Chauvin, MM. Guerriau et Mandelli, Mmes Drexler et Dumont, M. Sido, Mme Procaccia, MM. Cambon, Lefèvre, Meurant, Vogel et Decool, Mmes Belrhiti et V. Boyer, M. Menonville, Mmes Bellurot et Imbert, M. Laugier, Mmes Puissat, Goy-Chavent, Billon et Férat, MM. Cuypers et Moga, Mme F. Gerbaud, MM. Saury, P. Martin, Gremillet, Boré, Le Rudulier, C. Vial et Bouchet, Mmes Delmont-Koropoulis et Lassarade, M. Sautarel, Mme Micouleau, M. Longeot, Mme Deroche, M. Duplomb, Mmes Pluchet et Malet, MM. Belin, Chasseing et Pointereau, Mme Bourrat, M. Houpert, Mme Paoli-Gagin, MM. Le Gleut, Babary, Savin et Laménie, Mmes Schalck, Boulay-Espéronnier et Di Folco, M. Maurey, Mme de Cidrac, MM. Bonhomme et H. Leroy, Mme Morin-Desailly, M. Rapin, Mme Guidez et M. Segouin, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 12
Remplacer les mots :
peut s’opposer
par les mots :
s’oppose
II. – Alinéa 13
Remplacer les mots :
peut être exercée
par les mots :
s’exerce
La parole est à Mme Catherine Di Folco.
Mme Catherine Di Folco. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Di Folco. Je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 87 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 35, modifié.
(L’article 35 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 35
Mme la présidente. L’amendement n° 362 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 44, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 35
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport établi conjointement entre le ministère de l’intérieur, le ministère chargé de la culture et le ministère des affaires étrangères évaluant les possibilités de mettre en place un guide des bonnes pratiques à destination des ambassades étrangères en France.
Ce guide porte sur les méthodes et les précautions à mettre en place préalablement au financement d’associations ayant un lien direct ou indirect avec une activité cultuelle, et ce afin d’assurer cohérence et transparence.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. J’ai évoqué ce sujet plusieurs fois au cours de la discussion générale et depuis le début de l’examen des amendements.
La mesure que je propose étant de nature réglementaire, mon amendement tend à prévoir la remise d’un rapport, même si une telle demande est généralement vouée à l’échec.
Il s’agit, monsieur le ministre, d’établir un guide de bonne conduite pour les ambassades étrangères en France. En effet, les rapporteures de ce texte n’ont pas travaillé sur les montants reçus des ambassades ou des entités étrangères.
À l’occasion du rapport d’information que M. Reichardt et moi-même avions rédigé en 2016, sous la présidence de Corinne Féret, nous avions demandé à chaque ambassade de nous communiquer les montants alloués aux associations, aux personnes privées ou publiques, ainsi que les montants des salaires des imams.
Les ambassades nous avaient répondu, et je vous ai fait part précédemment de la réponse de l’ambassade d’Arabie saoudite. Pour mieux connaître les financements étrangers, notamment venant des pays à forte capacité contributive – mais l’Algérie, le Maroc et la Turquie versent également certaines sommes –, il semble souhaitable d’établir un guide de bonne conduite des ambassades, de façon à ce qu’elles respectent, de gré à gré, des comportements vertueux et qu’elles puissent porter à la connaissance des pouvoirs publics ou des collectivités locales les montants qu’elles distribuent.
Je ne demande bien évidemment pas de rapport, je souhaitais juste évoquer très officiellement ce guide de bonne conduite pour les financements étrangers.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Comme vient de le dire notre collègue, il s’agit d’un amendement d’appel, sur lequel j’émets donc un avis défavorable.
Un guide de bonne conduite est plus de nature réglementaire que législative. Toutefois, il est important de l’évoquer, car cela peut être une très bonne idée.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. L’article 24 de la Constitution permet au Parlement de contrôler l’action du Gouvernement, notamment la façon dont la diplomatie française œuvre auprès des ambassades que vous avez évoquées, madame la sénatrice.
Toutefois, je veux bien m’engager à travailler avec vous et, à l’issue de ce projet de loi, prendre un rendez-vous pour étudier ce que l’on peut mettre en place.
Les bonnes pratiques ne sont pas coercitives, mais elles permettent d’alerter ceux qui sont, pour la plupart, des amis de la France. Je suis donc plutôt favorable à l’esprit de votre amendement, tout en en demandant le retrait.
Mme la présidente. L’amendement n° 44 est-il maintenu, madame Goulet ?
Mme Nathalie Goulet. Je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 44 est retiré.
Article 36
Après l’article 910 du code civil, il est inséré un article 910-1 ainsi rédigé :
« Art. 910-1. – Les libéralités consenties directement ou indirectement à des associations cultuelles au sens des articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, à des congrégations et, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, à des établissements publics du culte et à des associations inscrites de droit local à objet cultuel par des États étrangers, des personnes morales étrangères ou des personnes physiques non résidentes sont acceptées librement par ces associations et ces établissements, sauf opposition formée par l’autorité administrative compétente, après mise en œuvre d’une procédure contradictoire, pour le motif mentionné au III de l’article 19-3 de la loi du 9 décembre 1905 précitée.
« L’opposition à la libéralité, formée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, prive celle-ci d’effet. » – (Adopté.)
Article 36 bis
Le titre III de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État est complété par un article 17-1 ainsi rédigé :
« Art. 17-1. – Sans préjudice de l’article 910 du code civil, l’aliénation d’un local servant habituellement à l’exercice public d’un culte consentie directement ou indirectement à un État étranger, à une personne morale étrangère ou à une personne physique non résidente en France est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable à l’autorité administrative.
« L’autorité administrative peut s’opposer à l’aliénation, après mise en œuvre d’une procédure contradictoire, pour le motif mentionné au III de l’article 19-3 de la présente loi. L’opposition à l’aliénation, formée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, prive celle-ci d’effet. » – (Adopté.)
Article 36 ter
(Non modifié)
Après l’article 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, il est inséré un article 19-4 ainsi rédigé :
« Art. 19-4. – Tout don de plus de 150 euros consenti à une association cultuelle doit être versé par chèque, virement, prélèvement automatique ou carte bancaire. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 263 rectifié est présenté par MM. Capus, Menonville, Guerriau et Decool, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Wattebled, Verzelen et Chasseing, Mmes Joseph et Bonfanti-Dossat et M. Chatillon.
L’amendement n° 336 est présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 554 rectifié est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue, pour présenter l’amendement n° 263 rectifié.
M. Jean-Louis Lagourgue. Il est important de lutter contre les ingérences de puissances étrangères sur le sol français, en contrôlant le financement de certaines associations cultuelles.
L’article 36 ter du projet de loi, qui introduit un plafond de dons pour les dons en liquide, semble pourtant manquer largement cet objectif et risque de créer des contraintes injustifiées pour le financement régulier des cultes.
C’est pourquoi cet amendement vise à supprimer cet article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 336.
Mme Esther Benbassa. Le présent amendement vise à supprimer une disposition que le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires estime discriminatoire et injustifiée.
En effet, l’article 36 ter prévoit d’interdire tout don versé en espèces au bénéfice d’une association cultuelle et dont le montant dépasse 150 euros. Ce dispositif est absurde : comment appliquer cette limitation quand un don est accueilli anonymement au cours d’une collecte ? Il aurait mieux valu aligner les obligations imposées aux associations cultuelles sur le droit commun associatif.
À titre d’illustration, le paiement en espèces de certaines créances d’un particulier à un professionnel est autorisé jusqu’à 1 000 euros, selon les dispositions du code monétaire et financier.
Les auteurs de cet amendement comprennent les craintes que ces dons en espèces peuvent susciter, notamment en matière de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme. Cependant, ils estiment que cette disposition sera totalement inefficace dans cette lutte et qu’il est encore une fois inutile de créer de nouvelles contraintes à l’endroit des associations cultuelles.
Par conséquent, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demande la suppression de cette disposition.
Madame la présidente, pourriez-vous aller moins vite ? Nous n’arrivons plus à suivre ! (Mme la présidente rit.)
Mme la présidente. Nous allons essayer de maintenir un rythme permettant d’éviter l’inscription à l’ordre du jour de trop nombreuses séances supplémentaires. Quoi qu’il en soit, j’ai bien entendu votre remarque.
L’amendement n° 554 rectifié est présenté par M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Je vais vous aider, madame la présidente, en considérant cet amendement comme défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Ces amendements tendent à supprimer l’article 36 ter, qui prévoit de fixer un seuil au-delà duquel les dons en espèces aux associations cultuelles sont interdits. Cette disposition est renforcée par l’amendement que nous portons visant à supprimer le seuil de 150 euros et à renvoyer la fixation de ce seuil à un décret.
Cette limitation nous semble néanmoins utile. Au demeurant, elle vise non seulement à lutter contre les ingérences étrangères, mais aussi à favoriser la traçabilité des financements des associations cultuelles en général.
Comment vérifier le montant de ces dons en espèces ? Il existe d’ores et déjà des seuils concernant les paiements en liquide dans les commerces. Toutefois, c’est vrai, la somme de 150 euros était très difficilement vérifiable.
La commission est donc défavorable à ces trois amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je le souligne, cet article résulte de l’adoption d’un amendement déposé par M. Lagarde à l’Assemblée nationale, qui a suscité un débat. Le Gouvernement s’en était remis à la sagesse de l’Assemblée nationale, et c’est ce qu’il fait également ici aujourd’hui.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 263 rectifié, 336 et 554 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 583 rectifié quinquies est présenté par MM. de Belenet, L. Hervé, Bonnecarrère, Duffourg, Détraigne et Capo-Canellas, Mme Férat, MM. Kern, Henno et Levi, Mmes Billon et Saint-Pé, MM. S. Demilly et Laugier, Mmes Perrot et Morin-Desailly, MM. Chauvet, Le Nay, J.M. Arnaud et Folliot, Mme Gatel et M. Longeot.
L’amendement n° 670 est présenté par Mmes Eustache-Brinio et Vérien, au nom de la commission des lois.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 1, au début
Insérer la mention :
I. –
II. – Alinéa 2
1° Remplacer les mots :
de plus de 150 euros
par les mots :
supérieur à un montant fixé par décret
2° Après le mot :
cultuelle
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
ne peut être effectué en espèces.
III. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
II. – Est puni de l’amende prévue par le 4° de l’article 131-13 du code pénal, et, en cas de récidive, d’une amende double, le fait pour le directeur ou l’administrateur d’une association ou d’une union de recevoir un don en méconnaissance de l’interdiction prévue au I du présent article.
La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour présenter l’amendement n° 583 rectifié quinquies.
M. Arnaud de Belenet. Il vient d’être défendu par Mme la rapporteure.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure, pour présenter l’amendement n° 670.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Cet amendement tend à remplacer le seuil de 150 euros par un seuil fixé par décret.
Mme la présidente. L’amendement n° 417 rectifié, présenté par MM. Cuypers et Retailleau, Mmes Chain-Larché et Thomas, M. Regnard, Mme de Cidrac, MM. de Legge, Cardoux, D. Laurent et Boré, Mme V. Boyer, MM. Mandelli, Reichardt et Le Rudulier, Mme Gruny, MM. Brisson, Longuet et Lefèvre, Mme Lassarade, MM. Bas et de Nicolaÿ, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Bonne, Belin, Laménie et B. Fournier, Mme Lopez et MM. Charon et Mouiller, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
de 150 euros
par les mots :
d’un montant supérieur à celui fixé en application du 1° du I de l’article D. 112-3 du code monétaire et financier
La parole est à M. Pierre Cuypers.
M. Pierre Cuypers. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 582 rectifié quater, présenté par MM. de Belenet, L. Hervé, Bonnecarrère, Duffourg, Marseille, P. Martin et Capo-Canellas, Mme Férat, MM. Kern, Henno et Levi, Mmes Billon et Saint-Pé, MM. S. Demilly et Laugier, Mmes Perrot et Morin-Desailly, MM. Chauvet, Le Nay, J.M. Arnaud et Folliot, Mme Gatel et M. Longeot, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le nombre :
150
par le nombre :
1 000
La parole est à M. Arnaud de Belenet.
M. Arnaud de Belenet. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 264 rectifié, présenté par MM. Capus, Menonville, Guerriau et Decool, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Wattebled, Verzelen et Chasseing, Mme Joseph, M. de Legge, Mme Bonfanti-Dossat et M. Chatillon, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le nombre :
150
par le nombre :
3 000
La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. Cet amendement de repli vise à aligner le seuil de déclaration prévu par cet article sur celui qui est applicable aux cadeaux d’affaires figurant parmi les frais généraux, lesquels doivent obligatoirement être déclarés lorsque leur montant excède 3 000 euros pour chaque exercice.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. La commission, qui a présenté l’amendement n° 670, est défavorable aux autres amendements en discussion commune.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 583 rectifié quinquies et 670.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 417 rectifié, 582 rectifié quater et 264 rectifié n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 36 ter, modifié.
(L’article 36 ter est adopté.)
Article 36 quater (nouveau)
Le 4° de l’article L. 561-2 du code monétaire et financier est complété par les mots : « , y compris les personnes qui mettent en relation, au moyen d’un site internet, les porteurs d’un événement ou d’un projet et les personnes finançant, totalement ou partiellement, cet événement ou ce projet ». – (Adopté.)
Section 2
Police des cultes
Mme la présidente. L’amendement n° 586 rectifié ter, présenté par MM. de Belenet, L. Hervé, Bonnecarrère, Duffourg, Marseille, Détraigne, Capo-Canellas, Kern et Henno, Mmes Billon et Saint-Pé, MM. S. Demilly et Laugier, Mme Morin-Desailly, MM. Chauvet, Le Nay, J.M. Arnaud et Folliot, Mme Gatel et M. Longeot, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi l’intitulé de cette division :
Sanctions des troubles à l’ordre public
La parole est à M. Arnaud de Belenet.
M. Arnaud de Belenet. Je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 586 rectifié ter est retiré.
Article additionnel avant l’article 37
Mme la présidente. L’amendement n° 504, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Avant l’article 37
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 102-2 du code de l’urbanisme, il est inséré un article L. 102-2-… ainsi rédigé :
« Art. L. 102-2-…. – L’aspect extérieur des bâtiments voués à l’exercice du culte doit respecter les conditions d’une insertion harmonieuse dans l’environnement local, en cohérence avec les caractéristiques architecturales des constructions qui l’entourent.
« La présence d’éléments ostentatoires, notamment par leur forme ou leurs dimensions, au-dessus d’eux, accolés ou à proximité, est soumise à autorisation du représentant de l’État dans le département dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État. Cette autorisation ne peut être accordée si ces éléments sont de nature à provoquer un trouble à l’ordre public.
« L’espace, bâti ou non bâti, voué à l’exercice du culte, avec ses dépendances, ne peut en aucun cas servir de support à la manifestation ou diffusion d’idéologie fondamentaliste allant à l’encontre des principes de la République. »
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Je prendrai un peu de temps pour présenter cet amendement, madame la présidente, même si tout le monde souhaite que notre débat s’accélère.
Depuis quelques années, on voit pousser d’étranges bâtiments – vous l’aurez remarqué, mes chers collègues – dans nos campagnes et dans nos villes. Ils sont tout en hauteur et peu esthétiques. Dans nos campagnes, ce sont des éoliennes ; dans nos villes, ce sont des minarets.
Attaché à nos paysages, à l’architecture française et à l’aspect de nos villes, j’ai pour moi la cohérence. Je ne veux ni d’éoliennes ni de minarets dans mon pays. Peut-être nombre d’entre vous se déclareront-ils favorables à la construction d’éoliennes et de minarets, mais lorsqu’on vous informera que ces projets se feront près de chez vous, vous finirez par les refuser.
Plus globalement, nous parlons ici de préservation de notre environnement visuel et urbain. Si, demain, des minarets et mosquées géantes poussent partout, nous vivrons toujours en république, mais nous ne vivrons plus en France. La France, malgré ce que veulent les militants laïcards, c’est aussi ses villages et ses clochers, et non pas les minarets et les souks ! Si vous voulez les voir, mes chers collègues, je vous invite à traverser la Méditerranée !
Que des musulmans aient un lieu de culte financé par des fonds privés, pourquoi pas ? En revanche, nous n’avons pas à subir les délires de conquête de ceux qui veulent imposer leur religion à tous. C’est déjà le cas à Poitiers, où une mosquée géante dotée d’un minaret a été financée par le Qatar. Elle porte le nom de Pavé des martyrs, en référence non pas aux soldats de Charles Martel, mais aux soldats de l’Armée islamique. Imagine-t-on un lieu de culte anglican en France porter le nom de Waterloo ou une église orthodoxe porter celui de Bérézina ?
Ces mosquées géantes, que certains appellent des cathédrales, ne sont rien d’autre que des symboles de conquête. Marquer une limite entre ce que nous pouvons tolérer et leurs provocations est désormais urgent.
En adoptant cet amendement, vous mettrez un terme, mes chers collègues, à ces revendications qui conduisent à défigurer nos villes et, désormais, nos villages. Si vous le rejetez, cela ne signifiera qu’une seule chose : que vous accepterez de voir ériger des minarets sur notre terre. Vous en porterez alors la responsabilité devant les maires et les Français, qui sont attachés, eux, à l’identité de leurs villes et de leurs villages.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. La commission est défavorable à cet amendement. Je vous rappelle, monsieur Ravier, que tous les bâtiments publics, y compris les édifices cultuels, sont soumis aux règles générales du code de l’urbanisme. Après, tout est une question de goût…
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je n’ai pas bien compris si vous étiez contre les éoliennes, monsieur Ravier !
En tant que maire, Mme la rapporteure a eu raison de le souligner, vous pouvez prévoir dans le plan local d’urbanisme que les constructions correspondent à la hauteur que vous souhaitez. J’ai l’impression que vous faites de la politique médiatique et que ce qui vous intéresse, c’est non pas le texte en discussion, mais plutôt la vidéo que vous mettrez sans doute dans quelques instants sur internet.
Par ailleurs, en tant que maire, on peut exiger que les projets d’urbanisme se conforment à telle ou telle prescription. Pour ma part, il m’est arrivé de dire, notamment pour sortir l’islam des caves et trouver des lieux cultuels respectables, à l’association cultuelle musulmane qui venait me voir que je ne souhaitais pas de minaret, pour des raisons d’urbanisme. Ils l’ont très bien accepté. Sinon, je n’aurais pas signé le permis de construire !
Avec le PLU et la signature du maire, nous faisons confiance aux élus locaux, monsieur le sénateur. Il me semble que cela correspond à ce que demandent les sénateurs en général au Gouvernement.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Monsieur Ravier, il y a un complot entre les écologistes et les musulmans ! (Rires.) Les uns construisent des minarets, tandis que les autres installent des éoliennes ! C’est connu, vous ne nous apprenez rien, c’est un vrai complot contre la France !
Peut-être changerez-vous d’idée bientôt ? Au revoir ! (Nouveaux rires.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 504.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 37
(Non modifié)
L’article 29 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Les infractions aux articles 25 à 28 sont punies de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe. » ;
2° Le second alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « ces peines » sont remplacés par les mots : « cette peine » ;
b) La référence : « , 26 » est supprimée et les références : « des articles 25 et 26 » sont remplacées par la référence : « de l’article 25 ».
Mme la présidente. L’amendement n° 337, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’aggravation du quantum de peines de plusieurs dispositions relatives à la police des cultes, à laquelle procède l’article 37, apparaît totalement superflue et abusive aux membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. Les infractions concernées seraient dorénavant passibles d’une contravention de cinquième classe, autrement dit d’une amende de 1 500 euros, pouvant être portée à 3 000 euros en cas de récidive, contre 450 euros au maximum dans le droit en vigueur.
Cette accumulation de contraintes et d’aggravations des peines n’est pas compatible avec le respect du libre exercice des cultes, que la République doit reconnaître en application de l’article 1er de la loi de 1905. Si, en outre, l’aggravation des infractions n’aura aucun effet concret sur la lutte contre le terrorisme et l’islam radical, elle se révèle stigmatisante pour l’ensemble des cultes.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demande la suppression de l’article 37.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. L’article que cet amendement vise à supprimer procède à la nécessaire actualisation de la police des cultes, qui était malheureusement tombée en désuétude. Le quantum des peines, tant en matière de contravention qu’en matière d’emprisonnement, était devenu sans lien avec celui qui régit les infractions de même nature qui existent dans le code pénal.
Le paradoxe est donc que les infractions à la liberté de conscience et à la laïcité sont actuellement moins réprimées que celles qui touchent aux discriminations et à la haine.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Il est nécessaire et cohérent d’unifier les peines prévues afin que la police des cultes puisse retrouver toute son efficacité.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 37.
(L’article 37 est adopté.)
Article additionnel après l’article 37
Mme la présidente. L’amendement n° 180 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, Meurant, Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler, MM. Genet et H. Leroy, Mmes Bourrat et Schalck et MM. Segouin et Tabarot, est ainsi libellé :
Après l’article 37
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 25 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État est complété par une phrase ainsi rédigée : « À l’exception de la lecture des textes fondateurs, la langue utilisée pour les prêches est le français ».
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Lorsque certains usages sont en contradiction avec la culture nationale, ils doivent être combattus – tel est d’ailleurs le sens du texte que nous sommes en train d’étudier. La langue vernaculaire de la religion musulmane doit être le français, langue de la République, et non une langue étrangère.
Cet amendement inspiré du « Livret tricolore sur les islam(s) » du mouvement Oser la France vise à mieux délimiter le recours à la langue arabe et aux langues étrangères dans la République. La langue de la République est le français ; c’est ce qui est écrit à l’article 2 de la Constitution. Le français est la seule langue officielle ; il convient donc d’interdire l’usage d’une langue étrangère pour les prêches dans les lieux de culte, sauf évidemment pour ce qui est de la lecture des textes fondateurs comme le Coran.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. On peut comprendre votre amendement, ma chère collègue, mais on ne saurait s’immiscer au-delà d’une certaine mesure dans l’organisation des cultes. Certains cultes, certes, posent des problèmes, mais trouvons d’autres moyens pour les régler.
Nous ne voulons pas remettre en cause la séparation des Églises et de l’État et, comme je l’ai dit, l’immixtion que vous proposez dans l’organisation des cultes n’est pas nécessaire.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ni justifiée !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Sur un amendement comme celui-là, je me trouve prise dans un conflit de loyauté. Son adoption reviendrait à violer totalement la loi de 1905 : ce n’est vraiment pas au Parlement de gérer le problème de la langue de la prière, qu’elle soit en arabe ou en hébreu…
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. C’est clair !
Mme Nathalie Goulet. Lorsque j’ai élaboré, avec l’excellent Jean-Pierre Sueur, un rapport sur les réseaux djihadistes et, avec André Reichardt, un rapport sur l’islam, nous avons consulté notamment l’ensemble des imams. On nous a alors expliqué qu’il n’y avait aucun problème pour que la khutba, c’est-à-dire le prêche, soit en français. Il existe d’ailleurs un certain nombre de pays musulmans dans lesquels on ne parle pas arabe – je pense à la Turquie – et où les prêches, parce qu’ils doivent être compris du plus grand nombre, se font dans la langue du pays.
Si je suis tout à fait favorable au fond de l’amendement, je suis absolument contre son adoption, puisque la disposition proposée viole la loi de 1905. En revanche, que les prêches soient en français ne pose théoriquement aucun problème d’aucune sorte – cette mesure a même été largement recommandée dans différents rapports émanant de notre assemblée.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. On en arrive à de ces extrémités, quand même, madame Boyer… Nous vivons dans un pays de liberté !
M. André Reichardt. Ah bon ?
M. Jean-Pierre Sueur. La langue de la France est le français, en vertu de la Constitution, mais nous n’avons jamais interdit à quiconque se trouvant en France de parler dans une autre langue, y compris dans la sphère religieuse. Vous iriez imposer cette interdiction à la paroisse portugaise, à la paroisse polonaise, à la paroisse italienne…
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. … à la paroisse arménienne ?
M. Jean-Pierre Sueur. … de votre ville ? Je pourrais continuer à décliner mon propos : quantité de cultes ont lieu à Paris tous les dimanches dans différentes langues, et cela se passe de manière parfaitement pacifique.
Vous prétendez distinguer, au sein d’un office, ce qui relève de la lecture des textes fondateurs et ce qui n’en relève pas. Les textes fondateurs pourront être lus, par exemple, en hébreu ; pour le reste, il sera interdit de parler en hébreu dans une synagogue.
Mme Valérie Boyer. Oui !
M. Jean-Pierre Sueur. Et le latin, dans tout ça ? Comme le chantait Georges Brassens, « sans le latin, sans le latin…
M. Jean-Pierre Sueur. M. le ministre connaît ses classiques ! (Sourires.)
Les messes en latin, après tout, ça fait partie de la liberté ! Faudrait-il utiliser le latin pour la seule lecture des textes fondateurs ? Et le même argument vaut pour tous les cultes…
Mes chers collègues, on en revient toujours au même point : il n’appartient pas à l’État d’entrer dans ce genre de considérations. Laissons vivre la liberté des cultes dès lors qu’ils respectent la loi ! S’ils ne respectent pas la loi, l’État doit intervenir, point.
Tout cela est très simple ; on complique les choses avec quantité de restrictions et de prescriptions alors qu’il suffit d’appliquer les principes que je viens d’évoquer, liberté et respect de la loi, avec toute la fermeté et la rigueur nécessaires. (M. Thani Mohamed Soilihi applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Je suis aussi étonnée que mon collègue Sueur du contenu de cet amendement !
Je ne sais pas, madame Boyer, si vous êtes déjà allée dans une synagogue ou dans un lieu de culte autre qu’une église, mais le passage de la langue vernaculaire, autrement dit du français, à la langue des textes sacrés ne se fait pas comme vous avez l’air de le penser. Il est très difficile de séparer les deux pendant le rite. Franchement, que voulez-vous ? Vous voulez que les musulmans se convertissent, c’est ça ?
M. Stéphane Ravier. S’ils le font, ils risquent la mort !
Mme Esther Benbassa. Vous ne voulez même pas leur laisser leur langue ? Dans un pays laïque, nous n’avons pas à dicter quelles sont les langues du culte et du rituel ! Un peu de décence : on va trop loin !
Diriez-vous la même chose pour une église orthodoxe où le prêche se fait en russe ? Et pour un temple anglais ou américain où il se fait en anglais ? Que cherchez-vous à faire avec cet amendement, sinon cibler les musulmans ? (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Stéphane Ravier s’exclame également.)
Qui ciblez-vous, monsieur Ravier, avec vos minarets ? Les Italiens peut-être ? Les Portugais ? Non mais franchement… Il faut se calmer !
M. Philippe Pemezec. Gardez vos leçons de morale !
Mme Esther Benbassa. L’histoire se souviendra de vos infamies ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je pensais que l’amendement de Mme Boyer était un amendement d’appel ; je m’aperçois que tel n’est pas le cas, et j’en suis fort désolé.
Vous savez, madame Boyer, la République a déjà connu ce genre de discussions : en 1902, le petit père Combes prend une circulaire pour interdire l’usage du breton dans le catéchisme ; s’ensuivent des débats houleux dans les chambres, et singulièrement au Sénat.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Eh oui !
M. Gérald Darmanin, ministre. Il faut en toute chose garder mesure, madame Boyer. Et si le presbytère a perdu de son charme, comme le chantait Georges Brassens – en effet, monsieur Sueur –, il faut parfois considérer que le mieux est l’ennemi du bien. Ce qui est excessif ne sert pas l’intérêt général.
Madame Boyer, concernant la difficulté que poserait l’interdiction de l’utilisation de l’arabe – on pourrait imaginer d’autres langues, mais je me contenterai de l’arabe, puisque c’est celle que vous évoquez – dans les lieux de culte, trois arguments d’importance croissante devraient vous convaincre.
Premier argument : comme l’ont extrêmement bien dit les orateurs précédents, votre proposition constitue une violation évidente de la loi de séparation des Églises et de l’État. En l’occurrence, si M. Sueur me reproche parfois de vouloir organiser le culte, que penser de Mme Boyer, qui verrait apparemment d’un bon œil que je me transforme en une sorte de grand mamamouchi prêchant le vendredi pour les musulmans, le samedi pour les juifs, le dimanche pour les chrétiens, et le reste de la semaine pour tous les autres cultes de la Terre ? (Sourires.) Il faut savoir faire droit à la liberté.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument.
M. Gérald Darmanin, ministre. Deuxième argument, peut-être encore un peu plus fort, qui devrait achever de vous convaincre, madame Boyer : ce n’est pas à nous de distinguer ce qui relève de la langue sacrée et ce qui n’en relève pas. Doit-on écouter les prières des bouddhistes dans leur langue ? On entre ainsi dans un débat interminable, qui nous mène tout droit en plein sketch des Inconnus sur les sectes. (Nouveaux sourires.) Quitte à donner dans l’absurde, vous pourriez en coscénariser une version 2.0, madame Boyer !
Troisième argument, le plus essentiel selon moi : la difficulté avec les imams salafistes, ces gens qui imposent une idéologie, l’islam politique, c’est qu’ils s’expriment rarement dans la langue arabe.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Exactement !
M. Gérald Darmanin, ministre. Ils parlent un arabe de cuisine, pardonnez-moi cette expression, et surtout le français. Le fameux imam de Brest, de triste mémoire, qui prétendait qu’écouter de la musique vous transformait en porc, ne professait pas en arabe ni d’ailleurs ne connaissait l’arabe. Il n’était d’ailleurs pas un imam détaché, fonctionnaire de tel ou tel État. Élevé dans la République, il utilisait quelques mots d’arabe pour faire bonne figure, comme les médecins de Molière faisaient avec le latin, mais véhiculait dans notre langue ses idées funestes.
La difficulté, madame Boyer, ce n’est pas que l’imam parle arabe. Dans un monde absolument sécularisé et assimilé, on pourrait bien sûr imaginer que tout le monde parle français en toutes circonstances ; mais ce n’est pas parce qu’on le souhaite qu’il faut l’imposer à tout le monde.
Le problème, c’est que l’interprétation des textes sacrés, lorsqu’elle est dite en arabe, n’est pas comprise par une partie des gens qui fréquentent le lieu de culte. J’ai eu l’occasion de le dire : la radicalisation se fait moins désormais dans les lieux de culte – cela peut arriver, ici ou là, bien évidemment, mais c’est de plus en plus marginal – que sur internet, où l’on vulgarise, interprète ou présente ce que l’on veut comme une version littérale, salafiste, « salaf », traditionnelle, du Coran. Les musulmans français, et singulièrement les plus jeunes d’entre eux, n’ont malheureusement pas les capacités de construire une libre pensée autour de leur religion à partir de l’interprétation donnée par leur ministre du culte.
Madame Boyer, je vous ai relue avec attention : vous avez beaucoup critiqué le Président de la République lorsqu’il a évoqué, dans son discours des Mureaux, l’apprentissage de l’arabe et du turc dans l’école de la République. Il ne s’agit évidemment pas d’en faire une obligation, mais, comme cela s’est passé pour les diasporas polonaise, espagnole ou portugaise, de faire droit à la volonté d’apprendre la langue des aïeux à l’école de la République. Nous jugeons préférable que la langue soit enseignée non par l’imam ou par un associé de l’imam dans un lieu cultuel échappant à la République, mais bien par des professeurs certifiés ou agrégés. Il y a là, d’ailleurs, une longue tradition française, dont la ville où vous êtes élue depuis longtemps est un symbole.
Il faut évidemment encadrer cet apprentissage, madame Boyer ; mais il ne s’agit pas d’interdire une langue. Quel serait l’effet d’une telle interdiction, si ce n’est renforcer encore le sentiment de vexation chez des gens qui n’ont rien demandé à personne ?
Dans ma ville se trouve une mosquée tenue par les harkis. Ils ont combattu pour la France ; ils ont la Médaille militaire et la Légion d’honneur au veston ; un drapeau français orne les locaux de leur association cultuelle ; ils parlent bien mal français, c’est vrai ; ils veulent seulement vivre leur religion ; s’ils parlent arabe, c’est parce que telle est la langue de leur texte sacré et de leurs traditions. Et, faisant miennes ces propositions excessives, j’irais à Tourcoing les vexer au point de les blesser et de les pousser vers les islamistes en leur disant que la France ne les aime pas ? Cela ne me paraît pas raisonnable.
Pour l’honneur de ce débat, et au nom des arguments que j’ai développés, vous feriez bien de retirer cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.
Mme Valérie Boyer. J’entends tous les arguments que vous avez développés, monsieur le ministre. Ma volonté n’était pas d’être excessive, et je ne vois pas, dans ma proposition, ce qui motive que l’on y réponde en étant à la fois méprisant et caricatural.
Mme Valérie Boyer. De nombreux rapports et études sérieux disent aujourd’hui qu’il est important que les prêches se fassent en français, pour plusieurs raisons qui ont été largement évoquées et sur lesquelles je ne reviendrai pas ce soir – il est tard et nous avons encore soixante-seize amendements à examiner.
Je comprends les objections qui me sont faites, comme je l’ai dit, même si j’aurais préféré que le débat soit mené dans des termes plus respectueux et moins méprisants – méprisante, je ne l’ai pas été, moi. Ce que je ne comprends pas, en revanche, c’est qu’on ne trouve pas essentiel de rappeler, dans un texte sur le séparatisme, que la langue parlée doit être majoritairement le français.
Il est hors de question d’interdire à qui que ce soit, Arméniens, Juifs, Polonais, Anglais, Américains, de ménager, au sein du culte, des moments dans leur langue. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit aujourd’hui : nous parlons de choses extrêmement graves – nous parlons d’extrémismes. Il ne s’agit pas, surtout pas pour moi, monsieur le ministre, de donner une image caricaturale de mosquées tenues par des harkis – vous savez très bien combien j’ai travaillé sur ces questions et combien je suis aux côtés de ceux qui ont choisi la France.
Mme Valérie Boyer. Encore une fois, je comprends que cette discussion ait lieu ; ce que je ne comprends pas, c’est le ton employé – mes propos sont caricaturés – et l’attitude adoptée, bien différente de la mienne. L’amendement que j’ai présenté est issu d’un travail sérieux, qui a été conduit par plusieurs parlementaires.
Je redis également – ce point a déjà été évoqué pendant le débat – que de nombreux travaux, parlementaires ou non, ont dit l’importance d’un usage majoritaire du français dans l’exercice des cultes, quels qu’ils soient, surtout ceux pour lesquels nous rencontrons les difficultés qui justifient que nous votions un tel projet de loi aujourd’hui.
Mme la présidente. Madame Boyer, l’amendement n° 180 rectifié est-il maintenu ?
Mme Valérie Boyer. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Je le mets aux voix.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 38
L’article 31 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État est ainsi modifié :
1° Les mots : « de la peine d’amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe et d’un emprisonnement de six jours à deux mois ou de l’une de ces deux peines seulement » sont remplacés par les mots : « d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende » et les mots : « voies de fait, violences ou » sont supprimés ;
1° bis Les mots : « l’auront déterminé » sont remplacés par les mots : « ont agi en vue de le déterminer » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende lorsque l’auteur des faits agit par voie de fait ou violence ou à l’encontre de son conjoint, de son concubin, de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou d’une personne mineure. »
Mme la présidente. L’amendement n° 363 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 427 rectifié, présenté par M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, M. Assouline, Mmes S. Robert, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal, Tissot, Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Après la première occurrence du mot : « culte, », sont insérés les mots : « à manifester ou à s’abstenir de manifester son appartenance à l’exercice d’un culte sans préjudice des dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’absence de manifestation à l’exercice d’un culte, » ;
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. L’article 38, modifiant l’article 31 de la loi de 1905, renforce les peines prévues en cas d’atteinte à la liberté d’exercer un culte ou de s’abstenir de l’exercer en les alignant sur celles qui sont prévues par le code pénal pour des infractions similaires. Cette modification nous paraît tout à fait fondée.
Nous souhaitons compléter ce dispositif pour le rendre encore plus précis, en sanctionnant également l’atteinte que constitue le fait d’exercer des pressions sur une personne afin qu’elle affiche ou n’affiche pas des signes religieux contre sa volonté, sans préjudice des dispositions législatives ou réglementaires régissant la manifestation de l’exercice d’un culte.
Il s’agit de faire respecter la liberté de pratiquer ou de ne pas pratiquer un culte et de manifester ou de ne pas manifester une appartenance à un culte. Que chacun soit libre ! Et que toute pression exercée auprès d’une personne dans un sens ou dans un autre soit sanctionnée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Sueur. C’est pas mal, non ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. C’est pas mal, comme vous dites, mon cher collègue : on peut comprendre l’objectif visé, mais la rédaction proposée nous pose quelques problèmes, car la liberté d’exercice du culte doit aussi être prise en compte.
Avis défavorable, malheureusement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Pardonnez-moi, madame la rapporteure, mais je n’ai pas compris votre explication. Si cet amendement pose un problème de rédaction, qu’à cela ne tienne : rectifions-le ! L’objet de notre amendement en revanche est très clair : il est question de pressions exercées à l’encontre d’une personne pour qu’elle manifeste son appartenance à un culte ou pour l’empêcher de le faire.
Soit votre explication a été incomplète, soit, fatigue aidant, je ne l’ai pas comprise ; mais notre proposition va totalement dans le sens de ce que vous défendez depuis le début de nos débats : elle est en totale cohérence avec vos positions. L’avis que vous émettez est donc assez étrange ; cet amendement est vraiment bienvenu.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Je maintiens ma position.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Sans explication…
M. Jean-Pierre Sueur. Sans aucune argumentation…
Mme la présidente. L’amendement n° 426 rectifié, présenté par M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, M. Assouline, Mmes S. Robert, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal, Tissot, Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 426 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 38.
(L’article 38 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 38
Mme la présidente. L’amendement n° 142 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire et Guérini, Mme Pantel, MM. Requier, Roux, Cabanel et Gold, Mme Guillotin et M. Guiol, est ainsi libellé :
Après l’article 38
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le respect des dispositions de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, le principe de laïcité signifie : d’une part, que la République assure la liberté de pensée, de conscience et de religion en garantissant le droit de manifester son appartenance religieuse comme son absence d’appartenance religieuse, ainsi que, le cas échéant, de changer de religion ; d’autre part, que la République garantit une stricte neutralité des personnes exerçant une mission de service public vis-à-vis de leurs usagers et réciproquement, qu’elle interdit à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers.
La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Cet amendement vise à préciser l’application qui est faite du principe de laïcité afin que le législateur participe à l’effort de clarification du droit.
La définition proposée intègre l’article 1er de la loi de 1905, qui proclame la liberté de conscience et son corollaire, la liberté de religion, l’article 2 de la même loi, qui garantit la séparation des Églises et de l’État, le principe de neutralité des agents exerçant une mission de service public, consacré dans la loi du 20 avril 2016, ainsi que la jurisprudence du Conseil constitutionnel de 2004.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. La définition proposée par Mme Delattre est intéressante, mais il est très difficile de donner du principe de laïcité une définition complète et exacte.
En l’occurrence, nous sommes d’accord sur plusieurs éléments de cette définition, mais d’autres éléments, ceux qui sont relatifs notamment à la neutralité et aux usagers du service public, sont trop imprécis et pourraient poser des difficultés.
L’adoption de cette définition engendrerait un risque réel de complexification ; nous préférons nous en tenir au droit actuel.
Nous vous demandons donc, ma chère collègue, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Véronique Guillotin. Je le retire !
Mme la présidente. L’amendement n° 142 rectifié est retiré.
Article 39
L’article 35 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État est ainsi rédigé :
« Art. 35. – Si un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où s’exerce le culte, contient une provocation à résister à l’exécution des lois ou aux actes légaux de l’autorité publique, ou s’il tend à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres, ou à conduire une section du peuple à se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s’exonérer du respect de la règle commune, le ministre du culte qui s’en sera rendu coupable sera puni de sept ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, sans préjudice des peines de la complicité dans le cas où la provocation aurait été suivie d’une sédition, révolte ou guerre civile. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 338, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 2
1° Après le mot :
provocation
insérer le mot :
directe
2° Supprimer les mots :
ou à conduire une section du peuple à se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s’exonérer du respect de la règle commune,
3° Remplacer les mots :
sept ans d’emprisonnement et du 75 000 euros d’amende
par les mots :
d’un emprisonnement de trois mois à deux ans
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Le présent amendement vise à revenir sur les dispositions de l’article 39. Cet article aggrave les peines prévues à l’article 35 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, la sanction passant d’une peine d’emprisonnement comprise entre trois mois et deux ans à une peine de sept ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
Cette aggravation apparaît totalement superflue et abusive aux membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Se prononçant sur la version déposée à l’Assemblée nationale, dans laquelle était proposé le transfert de cette infraction à l’article 24 de la loi sur la liberté de la presse, le Conseil d’État avait émis un avis sévère sur l’alourdissement des peines prévues et sur le principe d’une responsabilité spécifique des ministres du culte.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires n’est pas favorable au durcissement de la peine proposé par Mme la rapporteure lors de l’examen du texte en commission et demande le rétablissement de l’article 35 de la loi du 9 décembre 1905 dans sa rédaction initiale.
Mme la présidente. Les amendements nos 365 et 364 ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 338 ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Cet amendement a pour objet de réduire le quantum des peines et de revenir sur les modifications introduites par la commission des lois.
Contrairement à vous, madame Benbassa, nous pensons que la place du ministre du culte – des événements récents l’ont prouvé – est particulière. Sa responsabilité est spécifique et plus importante, dans les lieux de culte, que celle de toute autre personne.
Le quantum de peines prévu et l’extension de l’infraction nous paraissent tout à fait essentiels.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l’article.
M. Jean-Pierre Sueur. L’Assemblée nationale avait supprimé l’article 35 de la loi de 1905. Ayant lu les travaux récents de Patrick Weil, qui indique combien cet article a été précieux dans l’histoire et combien il a été utilisé, je tiens à souligner, mesdames les rapporteures, que le Sénat a eu une bonne idée, très judicieuse historiquement, en rétablissant l’article 35 de la loi de 1905 par le biais de cet article 39 qu’en conséquence nous voterons.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 39.
(L’article 39 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 39
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 91 rectifié bis est présenté par MM. Karoutchi et Pemezec, Mmes Garriaud-Maylam et Thomas, MM. Burgoa, Bascher, D. Laurent, Regnard et Bonne, Mme Chauvin, MM. Guerriau et Mandelli, Mmes Drexler et Dumont, M. Sido, Mme Procaccia, MM. Cambon, Lefèvre, Meurant, Vogel et Decool, Mme Belrhiti, M. Menonville, Mmes Bellurot et Imbert, M. Laugier, Mmes Puissat, Goy-Chavent, Billon et Férat, MM. Cuypers, de Belenet et Moga, Mme F. Gerbaud, MM. Saury, Gremillet, Boré, Le Rudulier et Bouchet, Mmes Delmont-Koropoulis et Lassarade, M. Sautarel, Mme Micouleau, M. Longeot, Mmes Canayer et Deroche, M. Duplomb, Mmes Pluchet et Malet, MM. Belin et Chasseing, Mme Bourrat, M. Houpert, Mme Paoli-Gagin, MM. Le Gleut et Laménie, Mmes L. Darcos, Schalck et Boulay-Espéronnier, MM. Maurey, Bonhomme, H. Leroy et Rapin, Mme Guidez et M. Segouin.
L’amendement n° 181 rectifié bis est présenté par Mme V. Boyer et MM. Charon, Longuet, Genet, Savary et Tabarot.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 39
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le septième alinéa de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les mêmes peines sont applicables aux individus qui auront provoqué à la haine de la France. »
La parole est à M. Philippe Pemezec, pour présenter l’amendement n° 91 rectifié bis.
M. Philippe Pemezec. Les propos traduisant une haine de notre pays se banalisent, en particulier sur les réseaux sociaux, mais aussi dans des chansons ou dans des écrits. Ces propos ne sauraient être ignorés, car ils témoignent souvent d’une absence d’assimilation à la communauté nationale.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. D’intégration !…
M. Philippe Pemezec. Ils peuvent même constituer un préalable à des actions violentes de nature terroriste.
Notre droit est aujourd’hui silencieux sur ce point. Ainsi le présent amendement a-t-il pour objet de créer un délit d’incitation à la haine de la France, sur le modèle du délit d’incitation à la haine raciale. Ceux qui auront commis ce délit seront passibles d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ou de l’une de ces deux peines.
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour présenter l’amendement n° 181 rectifié bis.
Mme Valérie Boyer. Nous avons, M. Karoutchi et moi-même, déposé le même amendement, signé par de nombreux collègues ; M. Pemezec vient de le défendre parfaitement.
J’ajouterai un argument à l’appui de cet amendement, dont je rappelle qu’il vise à créer un délit d’incitation à la haine de la France.
L’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ne prévoit pas un tel délit : il condamne « [t]ous cris ou chants séditieux proférés dans les lieux ou réunions publics ».
Sont également condamnés dans le code pénal les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, la trahison et l’espionnage, l’intelligence avec une puissance étrangère, la livraison d’informations à une puissance étrangère, le terrorisme, etc. On y trouve aussi une définition du mouvement insurrectionnel : « Constitue un mouvement insurrectionnel toute violence collective de nature à mettre en péril les institutions de la République ou à porter atteinte à l’intégrité du territoire national. »
Sauf erreur de ma part, rien dans notre droit n’interdit l’incitation à la haine de la France. Permettez-moi de citer Clemenceau qui disait : « La France, hier soldat de Dieu, aujourd’hui soldat de l’humanité, sera toujours le soldat de l’idéal. »
Mes chers collègues, en votant cet amendement, il s’agit de dire haut et fort que la France doit être respectée et que les injures qui la concernent doivent être condamnées !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Nous condamnons tous ici, évidemment, la haine de la France. Cet amendement paraît déjà satisfait, même si vous l’analysez autrement, ma chère collègue, par le texte même de l’article 24 de la loi de 1881, qui punit les appels à la haine à raison de l’origine d’un an de prison et de 45 000 euros d’amende.
Quoi qu’il en soit, grâce à ce texte qui fixe des limites, nous allons nous battre ensemble pour que tout le monde aime la France. Tel est notre objectif.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.
Mme Valérie Boyer. Je suis désolée d’insister, mais si j’ai présenté cet amendement, identique à celui qui a été déposé par le vice-président de l’Assemblée nationale, et cosigné par de nombreux collègues, c’est bien que ce délit n’existe pas,…
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Si, il existe !
Mme Valérie Boyer. … comme le montrent les arguments que j’ai développés sur l’article 24 de la loi de 1881.
Chère Jacqueline Eustache-Brinio, si nous visons, bien évidemment, les mêmes objectifs et si nous souhaitons, sur toutes les travées de cette assemblée, que la France soit aimée, je crois qu’il est important aussi, compte tenu de toutes les attaques et injures dont elle fait l’objet dans beaucoup d’écrits, de prévoir un délit d’incitation à la haine de la France, ce que ne fait pas l’article 24.
Mme Éliane Assassi. Pauvre France !
Mme Valérie Boyer. Il me semble important, dans ce texte sur le respect des principes de la République, de créer un tel délit. Je vous ai détaillé les mesures de l’article 24, rien n’y est prévu en matière d’incitation à la haine de la France.
Cet amendement pourrait faire l’objet d’un vote unanime sur toutes les travées : si nous sommes ici en tant que parlementaires, c’est que nous partageons tous l’amour de notre pays et que nous n’apprécions pas qu’il soit injurié, comme c’est malheureusement assez régulièrement le cas. (Mme Éliane Assassi proteste.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 91 rectifié bis et 181 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 182 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, de Legge, Meurant, Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler et MM. Genet, Savary, H. Leroy, Segouin et Tabarot, est ainsi libellé :
Après l’article 39
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État est ainsi modifiée :
1° Après l’article 35, il est inséré un article 35-1 ainsi rédigé :
« Art. 35-1. – Est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 50 000 euros d’amende le fait de qualifier publiquement l’apostasie comme étant un crime. La peine est portée à sept ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende si cette qualification publique est assortie d’un appel à la violence ou à la haine à l’encontre d’une personne présentée comme un apostat. » ;
2° À l’article 36, les mots : « et 35 » sont remplacés par les mots : « , 35 et 35-1 ».
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Cet amendement vise à réaffirmer la liberté de conscience par la création d’un délit de déni d’apostasie.
Lors de la rédaction de la loi de 1905, le législateur a jugé bon d’inscrire à l’article 1er le principe de la liberté de conscience. Un siècle plus tard, l’intolérance religieuse et les accusations de blasphème resurgissent dans le débat public.
Dans ce contexte, la France doit affirmer que pouvoir quitter sa religion, que ce soit pour se tourner vers une autre ou pour ne pas croire, est une liberté fondamentale. C’est pourquoi cet amendement vise à créer un délit de déni d’apostasie, punissant le fait d’affirmer publiquement que l’apostasie est un crime.
Contrairement à ce qui a été indiqué en commission des lois, aucun texte ne prévoit le délit de déni d’apostasie.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Si !
Mme Valérie Boyer. En commission, il m’a été répondu que cet amendement était satisfait par l’article 21 de la loi de 1881, mais j’ai vérifié : non seulement cet article ne prévoit pas de délit de déni d’apostasie, mais de surcroît il a été abrogé !
Il en va de même de la loi de 1905, qui ne concerne pas l’apostasie, mais traite d’une situation où l’on obligerait quelqu’un à pratiquer le culte. L’apostasie, elle, renvoie à la croyance.
Par parallélisme avec la charte prévue, nous devons inscrire ce principe dans la loi. La liberté de conscience est attaquée un peu plus chaque jour. La liberté de conscience fait partie du patrimoine culturel de notre pays ; c’est une exception qu’il faut cultiver et protéger. Créer ce délit, c’est en quelque sorte la sacraliser !
Ce projet de loi vise à protéger la République. Or quand on veut protéger la République on protège aussi ses joyaux, parmi lesquels la liberté de conscience ! (Mme Esther Benbassa s’exclame.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Je comprends l’objet de cet amendement. Il paraît cependant déjà satisfait par le droit existant, puisque les incitations à commettre un crime ou un délit et les appels à la discrimination en raison de la religion sont sanctionnés par l’article 24 de la loi de 1881. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Boyer, l’amendement n° 182 rectifié est-il maintenu ?
Mme Valérie Boyer. Je suis vraiment désolée d’insister… (Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous n’allez pas le défendre deux fois !
Mme Valérie Boyer. Je sais que vous n’allez pas voter cet amendement, et je le regrette, mais je ne peux pas vous laisser dire qu’il est satisfait.
Ce n’est pas exact, comme je l’ai expliqué en défendant cet amendement, même si c’est l’argument qui m’a été opposé en commission. J’aurais préféré obtenir une autre réponse et je maintiens mon amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 182 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 39 bis
La section 11 du chapitre III du titre III du livre IV du code pénal est ainsi modifiée :
1° À l’article 433-21, les mots : « de six mois » sont remplacés par les mots : « d’un an » et le nombre : « 7 500 » est remplacé par le nombre : « 15 000 » ;
2° Il est ajouté un article 433-21-2 ainsi rédigé :
« Art. 433-21-2. – L’interdiction du territoire français peut être prononcée dans les conditions prévues à l’article 131-30, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, à l’encontre de tout étranger coupable de l’infraction définie à l’article 433-21. »
Mme la présidente. L’amendement n° 456 rectifié, présenté par M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, M. Assouline, Mmes S. Robert, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet et Conconne, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal et Tissot, Mme Conway-Mouret, MM. Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, mes chers collègues, croyez-vous vraiment que vous allez faire fuir le radicalisme et l’islamisme violent en emprisonnant ou en donnant la possibilité d’emprisonner, non pas pendant six mois, mais pendant un an, un ministre du culte qui procéderait à un mariage religieux avant le mariage civil ?
Un tel délit est déjà puni de six mois d’emprisonnement et d’une amende, peines que vous alourdissez. Quelqu’un pense-t-il sérieusement ici que le fait de voter un tel article permettra d’atteindre l’objectif visé ? Franchement, tout cela n’a aucun rapport !
Post-scriptum : si vous visez l’islam, vous savez, j’imagine, qu’en France l’islam pratiqué est l’islam sunnite. Vous n’ignorez certainement pas non plus qu’il n’y a pas de ministre du culte dans la théologie sunnite, c’est-à-dire que tout fidèle peut présider toute cérémonie. Par conséquent, vous irez chercher le ministre du culte alors que le concept n’existe pas !
Tout cela pour dire que ce projet de loi entre dans quantité de considérations qui seront sans effet quant au but recherché, même s’il est légitime.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Nous n’avons effectivement pas la même analyse que vous, mon cher collègue.
Cet amendement vise à revenir sur l’aggravation de la peine encourue en cas de célébration, à titre habituel, d’un mariage religieux sans qu’un mariage civil ait été célébré auparavant. C’est une pratique interdite, mais elle est pourtant bien réelle.
La commission s’est déclarée favorable à cette aggravation qui permet de réaffirmer la prééminence du mariage civil sur le mariage religieux. Il est important de le rappeler dans ce texte, ce qui aidera probablement certaines jeunes filles à réfléchir et à moins subir un certain nombre de choses.
L’aggravation des peines a une visée essentiellement pédagogique. Et ce n’est pas un ancien professeur comme moi qui vous dira que la pédagogie ne sert à rien !
Je précise que, d’après les informations obtenues de la Chancellerie, c’est bien le caractère un peu occulte de l’infraction qui pose parfois difficulté et non la qualification de ministre du culte, qui pour les juges est la personne reconnue comme telle par sa communauté religieuse.
Voilà pourquoi il est important de réaffirmer dans ce texte que le mariage civil doit obligatoirement être célébré avant d’organiser un mariage religieux, contrairement à ce qui se pratique trop souvent.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je crois que M. Sueur se trompe de combat en dénonçant cet article, qui est bienvenu pour trois raisons essentielles.
Tout d’abord, en raison de la primauté de la loi républicaine, les actes civils sont les seuls qui vaillent dans la République et ils précèdent toujours les actes religieux. C’est tellement vrai que les ministres du culte – ceux d’entre vous qui se sont mariés religieusement le savent – demandent le document remis par le maire ou l’officier d’état civil, après l’opération dite « civile ».
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Exactement !
M. Gérald Darmanin, ministre. Nous avons constaté, monsieur Sueur, qu’avec l’islam, mais pas uniquement, cette pratique se perdait de plus en plus.
Par ailleurs, le mariage religieux est parfois utilisé non seulement pour obtenir des papiers sur le sol de la République, mais aussi à des fins de polygamie. Nous pouvons convaincre quelqu’un de polygamie en raison de plusieurs mariages religieux, ce qui renvoie au débat que vous avez eu avec Mme Schiappa dans cet hémicycle il y a une semaine.
Ensuite, monsieur Sueur, comme vous l’avez vous-même souligné, le législateur a déjà prévu une peine de prison, que nous souhaitons aggraver. Cette mesure a une fonction pédagogique, comme l’a rappelé, Mme la rapporteure. Ce sera sans doute l’occasion de le rappeler aux officiers d’état civil qui agissent au nom du procureur de la République, et non au nom du ministère de l’intérieur.
Cette peine complémentaire prévue à l’article 39 bis me paraît de nature à vous intéresser, puisque la peine d’interdiction du territoire français peut être prononcée dans les conditions prévues à l’article 131-30 du code pénal, soit à titre définitif, soit pour une durée de plus de dix ans, à l’encontre de tout étranger coupable de l’infraction définie, c’est-à-dire à l’encontre de celui qui marie. Cette personne a été définie par la jurisprudence du Conseil d’État comme étant le ministre du culte, qu’il s’agisse d’un imam ou même d’un laïc.
Le fait que l’islam pratiqué en France soit majoritairement un islam sunnite – c’est-à-dire sans clergé, contrairement à d’autres religions ou à l’islam chiite – n’entre donc pas en ligne de compte.
Enfin, l’article 433-21 du même code prévoit que le juge puisse prononcer une sorte de peine complémentaire à la peine d’interdiction du territoire.
Je souligne que cette infraction va souvent de pair avec d’autres infractions : si un ministre du culte a l’habitude de marier des gens en se passant de M. le maire, c’est bien qu’il s’inscrit généralement dans une tendance non acceptable sur le territoire de la République !
Si Mme la rapporteure me permet de corriger une de ses affirmations, j’ai découvert à l’occasion des travaux préparatoires à ce texte que la loi ne prévoyait pas obligatoirement le passage devant un officier d’état civil, car elle autorise, en effet, de manière exceptionnelle, que l’on puisse procéder au mariage religieux sans procéder au préalable au mariage civil.
Je vous donne lecture de l’article 433-21 du code pénal : « Tout ministre d’un culte qui procédera, de manière habituelle – j’insiste bien sur ce point –, aux cérémonies religieuses de mariage sans que ne lui ait été justifié l’acte de mariage préalablement reçu par les officiers de l’état civil sera puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. » Cela signifie que la République reconnaît exceptionnellement, notamment à la demande de l’Église catholique, des mariages religieux in extremis afin que la veuve puisse obtenir une pension. Nous reconnaissons donc les croyances et les aspirations de ceux qui souhaitent avant tout se marier religieusement, en raison de l’importance symbolique du sacrement au-delà de son caractère légal.
Monsieur Sueur, ce qui compte dans cet article, c’est qu’il pénalise le ministre du culte qui est responsable et qui célèbre de manière habituelle – je dis bien de manière habituelle – des mariages sans respecter les lois de la République.
Il me semble, pour ma part, qu’une telle réponse est proportionnée. C’est précisément parce qu’il s’agit de coups de canifs importants dans le pacte républicain qu’il importe d’y revenir.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Le débat est riche et utile. Les déclarations de M. le ministre sont intéressantes. Je suis sensible à ses arguments dès lors que des exceptions sont d’ores et déjà répertoriées et qu’il s’agit uniquement de sanctionner une pratique habituelle.
J’accepte donc de retirer mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 456 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 39 bis.
(L’article 39 bis est adopté.)
Article additionnel après l’article 39 bis
Mme la présidente. L’amendement n° 230 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire et Guérini, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 39 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 433-21 du code pénal, il est inséré un article 433-… ainsi rédigé :
« Art. 433-…. – Le refus de prononcer un divorce religieux par un ministre d’un culte, ou une personne désignée à cette fonction par son culte, alors qu’il lui a été présenté l’acte de divorce justifiant le changement de l’état civil est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Trop de femmes et de jeunes filles font encore l’objet de pressions religieuses, elles sont encore trop nombreuses à vivre sous la pression d’une captivité conjugale.
La captivité conjugale, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est purement et simplement la continuité du mariage forcé. Car, oui, une cour peut dissoudre un mariage civil, mais pas un mariage religieux. Cela peut sûrement paraître absurde, mais c’est ce qui se passe en l’état actuel des choses.
Certes, une femme qui se trouve en captivité conjugale peut divorcer et résilier son mariage civil. Cependant cette résiliation n’entraîne pas celle du mariage religieux. Aussi, certaines femmes sont empêchées de rentrer en France, leur pays d’origine, puisque leur divorce religieux n’a pas été reconnu et que leur famille ne souhaite pas accueillir une femme ayant enfreint la loi religieuse.
Dans cette situation, certaines femmes subissent des violences de la part de leur ex-mari ou de tierces personnes. Nous nous devons de garantir aux femmes les droits qui leur sont dus et nous devons refuser ce diktat religieux.
C’est pourquoi je souhaite permettre la condamnation de toute personne habilitée à prononcer le divorce dans son culte, lorsqu’elle refuserait d’y procéder alors qu’un divorce civil aurait déjà été prononcé. Nous nous devons voter une telle mesure en tant que pays des droits de l’homme et des libertés. Sachez que nombre de pays et associations à l’étranger nous encouragent en ce sens et comptent sur le soutien du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Cet amendement vise à contraindre un ministre du culte à prononcer un divorce religieux, sous peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, lorsqu’un divorce civil a été prononcé.
Cet amendement constituerait une atteinte excessive à la liberté de culte. Il ne peut être comparé à l’article 433-21 du code pénal, que nous venons d’évoquer, qui impose simplement au ministre du culte de s’abstenir de célébrer un mariage religieux tant que le mariage civil n’est pas célébré.
Par ailleurs, dans certaines religions, le divorce n’existe pas, même si on peut le regretter. La rédaction choisie laisse à penser qu’un ministre du culte encourrait malgré tout la sanction. Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je ne voterai pas cet amendement, qui viole complètement la loi de 1905, comme l’a noté notre rapporteure. Il existe dans le judaïsme une spécificité, qui s’appelle le guett et qui est un divorce religieux. Comment pourrions-nous, au nom de la loi de la République, intervenir devant un tribunal rabbinique pour exiger qu’il prononce un divorce ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.
Mme Nathalie Delattre. Madame la rapporteure, ce qui me paraît excessif, c’est ce que vivent ces femmes dont les témoignages sont glaçants : je maintiens cet amendement et j’espère qu’il recueillera l’adhésion générale !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement soulève une question très intéressante et pourrait s’avérer utile dans un certain nombre de cas, notamment si le conjoint est étranger.
En effet, sur le territoire de la République – c’est d’ailleurs tout l’objectif de cette loi – les Françaises et les Français sont protégés par la loi de la République et personne ne se trouve lié par un mariage religieux. Mais quid des femmes étrangères, qui peuvent se trouver, elles, en difficulté ?
Évidemment, cet amendement, tel qu’il est rédigé, ne peut pas être voté, mais il a le mérite d’ouvrir le débat. En droit étranger, le divorce n’a pas les mêmes conséquences qu’en France. C’est une vraie difficulté. Quoi qu’il en soit, je me range à l’avis de la commission. Il y aurait quelque chose à faire, mais c’est compliqué.
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.
Mme Valérie Boyer. Je partage totalement l’intention qui sous-tend l’amendement défendu par Mme Delattre. Il s’agit effectivement de situations auxquelles nous sommes tous plus ou moins confrontés dans nos circonscriptions ou dont nous avons été informés durant nos travaux.
Je comprends aussi que la rédaction de cet amendement puisse poser une difficulté dans la mesure où toutes les religions prévoient des moyens de séparation. Chez les catholiques, par exemple, il est possible de procéder à une annulation de mariage, ce qui n’a rien à voir avec le divorce. Notre collègue a cité également le guett.
Néanmoins, la question soulevée par Mme Delattre mérite véritablement que l’on s’y penche. Nous pourrions discuter, il me semble, de ce problème essentiel dans le cadre de la délégation aux droits des femmes du Sénat. Il importe que nous puissions avancer.
Certes, il est intéressant d’aborder un tel sujet dans le cadre de l’examen de ce texte. Mais j’avoue ne pas avoir d’idées a priori sur le plan juridique. Il serait utile que nous puissions creuser cette question, car ces femmes et leurs enfants vivent des situations de grande détresse. Je remercie donc Mme Delattre d’avoir présenté cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. J’avoue ne pas comprendre l’objectif des auteurs de cet amendement. Concrètement, prenons le cas d’une femme qui, lasse d’un mariage, obtient le divorce devant le juge civil. Qu’est-ce qui l’empêche de continuer dans cette voie dans le cadre de l’exécution d’une décision de justice en République française ? Elle n’a plus besoin de l’intervention d’un ministre du culte pour les suites à donner à cette séparation.
Si c’est la pression que vous craignez, où est le problème puisque cette femme a été suffisamment diligente pour saisir le juge civil de sa demande de divorce ? Je ne vois donc pas un seul cas de figure concret qui pourrait correspondre au but visé par les auteurs de cet amendement. Il s’agit, selon moi, d’une situation classique d’exécution d’une décision du juge aux affaires familiales. Que vient faire le ministre du culte dans cette affaire ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Ce débat est passionnant. In petto, on peut se dire que lorsque le divorce a été introduit par le premier Consul et par Cambacérès les débats ont dû être nourris dans la société de l’époque !
Néanmoins, il me semble que nous nous éloignons du texte. Quel sens y aurait-il à légiférer pour imposer aux ministres du culte de reconnaître le divorce ? Cela irait à l’encontre de nos conceptions et ne nous fâcherait pas qu’avec les musulmans, mais avec aussi avec toutes les autres religions !
M. le sénateur Thani Mohamed Soilihi a mille fois raison : ce qui nous intéresse, c’est la loi de la République. Nous ne nous intéressons au mariage religieux que parce qu’il doit être consécutif au mariage civil. À mon sens, il serait déplacé d’entrer dans d’autres considérations et de chercher à légiférer pour récrire les dogmes de l’ensemble des religions. Au-delà du fait que cela nous prendrait beaucoup de temps, d’autres que nous sont mieux qualifiés pour aborder de telles questions !
Monsieur le sénateur, vous avez raison de le dire et le répéter : en République française, aucune femme n’est forcée à rester mariée puisque toutes les femmes peuvent demander le divorce à un juge, même sans l’accord de leur mari. Tenons-nous-en donc à la loi…
Mme Nathalie Delattre. Combien de femmes faut-il exfiltrer des quartiers pour cette raison ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Cela n’a rien à voir avec le mariage religieux !
Nous avons pour mission de garantir un certain nombre de principes, raison pour laquelle nous avons pris des dispositions afin de lutter contre la polygamie. Mais sur le point que vous soulevez, nous devons nous en tenir à la facilité, au sens juridique du terme, qui consiste à pouvoir divorcer sans l’accord de son conjoint.
Personne ne nie, madame la sénatrice, qu’il existe des pressions psychologiques et des violences, mais ce n’est pas en légiférant sur le divorce religieux – concept étonnant, d’ailleurs, pour la plupart des cultes monothéistes – que nous parviendrons à résoudre cette difficulté. En revanche, il importe d’accompagner les femmes afin qu’elles puissent bénéficier de la protection offerte par la justice et la République.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 230 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 40
(Non modifié)
L’article 26 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État devient l’article 35-1 et est ainsi modifié :
1° Sont ajoutés les mots : « ou dans leurs dépendances qui en constituent un accessoire indissociable » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Il est également interdit d’y afficher, d’y distribuer ou d’y diffuser de la propagande électorale, qu’elle soit celle d’un candidat ou d’un élu. » ;
3° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Il est également interdit d’organiser des opérations de vote pour des élections politiques françaises ou étrangères dans un local servant habituellement à l’exercice du culte ou utilisé par une association cultuelle.
« Les délits prévus au présent article sont punis d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »
Mme la présidente. L’amendement n° 457 rectifié, présenté par M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, M. Assouline, Mmes S. Robert, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet et Conconne, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal et Tissot, Mme Conway-Mouret, MM. Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
ou d’y permettre la prise de parole publique de tout candidat à des fonctions électives
II. – Alinéa 5
Après le mot :
vote
insérer les mots :
ou des initiatives de campagne électorale
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Je vais retirer cet amendement, madame la présidente. Il visait à interdire de tenir des propos politiques dans une enceinte religieuse, au moment des campagnes électorales de surcroît. Or quelqu’un, même s’il est candidat aux élections, peut tenir des paroles religieuses, n’est-ce pas ?
Mme la présidente. L’amendement n° 457 rectifié est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 428 rectifié, présenté par M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, M. Assouline, Mmes S. Robert, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal, Tissot, Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les personnes coupables de cette infraction encourent également, dans les conditions prévues aux articles 131-26 et 131-26-1 du code pénal, une peine complémentaire d’inéligibilité.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Il nous paraît juste de réprimer la tenue de campagnes électorales dans un lieu religieux. Il s’agit d’un dévoiement qui traduit le refus de reconnaître la séparation entre l’Église et la politique, ou l’État.
Par conséquent, nous proposons d’adjoindre à l’amende une possibilité de peine d’inéligibilité.
Mme la présidente. L’amendement n° 278 rectifié, présenté par MM. Roux, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mme Pantel et MM. Requier et Guiol, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le II de l’article 131-26-2 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les délits prévus à l’article 26 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État. »
La parole est à Mme Guylène Pantel.
Mme Guylène Pantel. L’article 26 de la loi de 1905 interdit de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement à l’exercice du culte.
Certes, le présent projet de loi viendra enrichir et actualiser de dispositif. Nous observons toutefois une carence. Il apparaît en effet nécessaire qu’une personne condamnée après avoir contrevenu aux dispositions de l’article 26 soit également condamnée à une peine d’inéligibilité. De telles atteintes au principe de séparation du politique et du religieux ne peuvent être sans effet d’un point de vue électoral, au risque que les personnes condamnées soient malgré tout élues à des fonctions publiques, en dépit des condamnations prononcées par les juges.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Je remercie M. Sueur d’avoir retiré l’amendement précédent, qui avait recueilli un avis défavorable de la commission. Nous nous en étions d’ailleurs expliqués.
En revanche, la commission est favorable à l’amendement n° 428 rectifié, car cette infraction complémentaire nous paraît cohérente.
Quant à l’amendement n° 278 rectifié, nous en demandons le retrait puisqu’il est satisfait par le précédent.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Ces amendements nous amènent à évoquer des peines d’inéligibilité, à mon sens disproportionnées, même si je partage votre opinion, monsieur Sueur. Ces peines complémentaires pourraient fragiliser le texte devant la Cour européenne des droits de l’homme et le Conseil constitutionnel, lequel pourrait également être saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité. Nous pourrions être perdants, même si je comprends l’intérêt d’ouvrir un tel débat.
Comme à l’Assemblée nationale, les discussions sur la « neutralité » des élus dans les lieux de culte risquent d’être passionnantes.
La loi de séparation des Églises et de l’État avait prévu des dispositions visant à empêcher que l’on fasse de la politique dans les lieux de culte, en apposant des affiches ou en organisant des réunions publiques. Mais elles étaient tellement peu applicables qu’elles n’ont jamais été appliquées. Et, finalement, la vie a continué ainsi. De ce fait, les élus ne sont aujourd’hui en aucun cas tenus à une obligation de neutralité, sauf le maire, son adjoint, ou un conseiller municipal ayant une délégation de pouvoir au titre de ses fonctions d’état civil et non de ses fonctions d’élu.
Nous avons débattu avec passion pendant quasiment une journée à l’Assemblée nationale pour savoir si un élu pouvait se rendre dans un lieu de culte, y avoir un comportement démonstratif, communier s’il s’agit d’une église catholique, prier, chanter, prendre la parole, s’y montrer dans le cadre d’une campagne électorale, et donc y faire de la politique.
Le président Sueur, dont l’expérience d’élu local est bien plus importante que la mienne – chacun sait que vous étiez maire d’Orléans, monsieur le président –…
M. Jean-Pierre Sueur. À Orléans, il y a les fêtes de Jeanne d’Arc !
M. Gérald Darmanin, ministre. On pourrait considérer que Jeanne d’Arc est d’abord une figure républicaine française.
M. Jean-Pierre Sueur. Tout à fait ! D’ailleurs, Jean Jaurès l’a dit avec éclat !
Si nous abordons ce sujet, nous ne sommes pas sortis.
M. Gérald Darmanin, ministre. En effet, nous n’allons pas passer la nuit avec Jeanne d’Arc… (Sourires.)
Je voulais donc dire au président Sueur que, lorsqu’on est très connu dans son territoire, point n’est besoin de prendre la parole ou de faire de la politique de façon démonstrative : il suffit de se présenter dans un lieu de culte le jour de l’élection et on fait d’ores et déjà un peu de politique.
S’il y a des principes que je partage avec vous, je pense que l’on ne peut pas imposer la neutralité aux élus, et cela vaut pour tous les amendements que nous allons examiner sur ce sujet. Il existe une bienséance. Ainsi le général de Gaulle, qui était très croyant, ne communiait-il jamais en public…
M. Jean-Pierre Sueur. Sauf en Russie !
M. Gérald Darmanin, ministre. Il ne le faisait pas en public, car il voulait faire montre, en dépit de sa ferveur catholique, de sa neutralité. C’est une tradition…
M. Jean-Pierre Sueur. Une excellente tradition !
M. Gérald Darmanin, ministre. … et une marque de respect.
Il faut faire confiance aux électeurs pour distinguer ceux qui sont manifestement trop démonstratifs, pour des raisons politiques, des autres.
Je le dis au président Sueur et à tous les sénateurs, ce qui doit nous inquiéter davantage que les réunions politiques publiques d’ordre communautaire ou communautariste, ce sont les élections des diasporas au sein des lieux de culte en France. C’est un point important qu’il faut souligner.
Si l’on veut détacher l’islam des ambassades et des consulats, on doit accepter l’idée qu’il ne peut y avoir de maîtrise de ces diasporas par les ambassades et les consulats. Des élections législatives ou présidentielles concernant des pays étrangers ne peuvent donc pas être organisées dans les lieux de culte ou à leurs abords, car cela représente un risque pour notre pays.
Il ne faut pas simplement raisonner en termes de politique nationale, même s’il peut y avoir ici ou là un certain nombre d’interrogations. Il nous faut aussi réfléchir à l’ingérence étrangère sur notre sol, au sein des lieux de culte, à l’occasion d’élections étrangères.
Je partage, monsieur Sueur, votre opinion selon laquelle il ne faut pas faire de politique dans les lieux de culte, mais je crois aussi qu’il faut laisser à chacune et à chacun le soin d’adopter une attitude décente. Comme beaucoup d’entre vous, j’ai effectué des visites dans ces lieux pour des fêtes religieuses ou des enterrements, sans que celles-ci soient forcément considérées comme des actes politiciens. Il faut que la loi de la République soit la plus efficace possible. On ne va pas envoyer des policiers dans les églises ou dans les mosquées pour faire des contrôles à cet égard…
Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 278 rectifié n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 40, modifié.
(L’article 40 est adopté.)
Article 41
(Non modifié)
L’article 36 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État est ainsi modifié :
1° Les mots : « par les tribunaux de police ou de police correctionnelle » sont supprimés ;
2° La référence : « et 26 » est supprimée et la référence : « et 35 » est remplacée par les références : « , 35 et 35-1 » ;
3° Sont ajoutés les mots : « , sauf si l’infraction a été commise par une personne non membre de l’association ou n’agissant pas à l’invitation de celle-ci et dans des conditions dont l’association ne pouvait avoir connaissance ». – (Adopté.)
Article 42
(Non modifié)
Le titre V de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État est complété par un article 36-1 ainsi rédigé :
« Art. 36-1. – La peine prévue au 12° de l’article 131-6 du code pénal est prononcée à la place de ou en même temps que la peine d’amende ou la peine d’emprisonnement prévue pour les délits définis au présent titre. Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. » – (Adopté.)
Article 43
Après l’article 422-4 du code pénal, il est inséré un article 422-4-1 ainsi rédigé :
« Art. 422-4-1. – L’interdiction de diriger ou d’administrer une association cultuelle, une association mentionnée au deuxième alinéa de l’article 4 de la loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes ou une association accueillant des enfants est prononcée par la juridiction de jugement à l’encontre des personnes physiques coupables de l’une des infractions prévues au présent titre pour une durée de dix ans. Pour les infractions mentionnées aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1, cette durée est réduite à cinq ans.
« Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. »
Mme la présidente. L’amendement n° 86 rectifié bis, présenté par MM. Karoutchi et Pemezec, Mmes Garriaud-Maylam et Thomas, MM. Burgoa, D. Laurent, Regnard et Bonne, Mme Chauvin, MM. Guerriau et Mandelli, Mmes Drexler et Dumont, M. Sido, Mme Procaccia, MM. Cambon, Lefèvre, Meurant, Vogel et Decool, Mmes Belrhiti et V. Boyer, M. Menonville, Mmes Bellurot et Imbert, M. Laugier, Mmes Puissat, Goy-Chavent, Billon et Férat, MM. Cuypers et Moga, Mme F. Gerbaud, MM. Saury, Gremillet, Boré, Le Rudulier, C. Vial et Bouchet, Mme Delmont-Koropoulis, M. Sol, Mmes Lassarade et Raimond-Pavero, M. Sautarel, Mme Micouleau, M. Longeot, Mme Deroche, M. Duplomb, Mmes Pluchet et Malet, MM. Belin, Chasseing et Pointereau, Mme Bourrat, M. Houpert, Mme Paoli-Gagin, MM. Le Gleut, Babary, Savin et Laménie, Mmes Schalck, Boulay-Espéronnier et Di Folco, M. Maurey, Mme de Cidrac, MM. Bonhomme et H. Leroy, Mme Morin-Desailly, M. Rapin, Mme Guidez et M. Segouin, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l’article 4 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, il est inséré un article 4… ainsi rédigé :
« Art. 4 …. – Toute personne condamnée pour l’une des infractions prévues aux articles 421-1 à 421-8 du code pénal ne peut diriger ou administrer une association pendant une durée de trente ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive. »
La parole est à M. Philippe Pemezec.
M. Philippe Pemezec. Cet amendement vise à interdire la direction ou l’administration d’une association à une personne condamnée pour des faits de terrorisme, pour une durée de trente ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. M. Karoutchi et plusieurs de ses collègues proposent d’interdire aux personnes condamnées pour terrorisme de diriger ou d’administrer toute association.
Il résulte de la rédaction de cet amendement qu’il s’agirait d’une peine automatique, ce qui n’est pas conforme au principe constitutionnel d’individualisation des peines.
Par ailleurs, l’ensemble des associations seraient concernées et la durée de l’interdiction serait de trente ans. Cela ne me semble pas proportionné. Il est sans doute plus raisonnable, si nous souhaitons conserver un article en ce sens, de nous en tenir à l’article 43 tel qu’il a été rédigé par la commission. Nous reparlerons de ce sujet à l’occasion de l’examen d’un amendement présenté par Mme Delattre.
Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Pemezec, l’amendement n° 86 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Philippe Pemezec. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 86 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 429 rectifié, présenté par M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, M. Assouline, Mmes S. Robert, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal, Tissot, Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Après le mot :
cultuelle
insérer les mots :
à un titre quelconque
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Cet amendement est satisfait par la rédaction actuelle de l’article 43, qui prévoit une interdiction globale sans cibler certains postes spécifiques. Je demande son retrait ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
M. Jean-Pierre Sueur. Je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 429 rectifié est retiré.
L’amendement n° 97 rectifié bis, présenté par Mmes Borchio Fontimp et Demas, M. H. Leroy, Mme Garnier, MM. Genet, Le Rudulier, Bascher, Babary et Bacci, Mme Belrhiti, MM. Bonhomme, Boré, Bouchet et Bouloux, Mme V. Boyer, MM. Burgoa, Charon et Cuypers, Mmes de Cidrac, Deroche, Drexler et Dumont, MM. Favreau et B. Fournier, Mmes Goy-Chavent et Gruny, M. Houpert, Mme Joseph, MM. Laménie, Mandelli et Meurant, Mmes Micouleau et Raimond-Pavero et MM. Saury et Savin, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Remplacer le mot :
des enfants
par les mots :
exclusivement des mineurs
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. L’amendement que j’ai l’honneur de vous présenter a été rédigé par notre collègue Alexandra Borchio Fontimp et signé par de nombreux collègues. Il devrait recevoir votre assentiment puisqu’il traite de la guerre, qui nous anime et qui doit s’amplifier, contre le totalitarisme islamique.
À cet égard, la France est l’une des premières cibles au monde, puisqu’elle est l’héritière des Lumières et de la civilisation judéo-chrétienne et qu’elle est porteuse d’une laïcité exigeante. Elle a aussi toujours exprimé avec courage dans le monde son combat pour les libertés.
Tous ces facteurs nourrissent la haine des islamistes contre la France et les menaces de nombreux pays étrangers, qui font peser un risque énorme sur notre pays. De ce fait, certaines personnes sont de véritables bombes humaines sur notre sol.
Il est paradoxal que nous menions une guerre à l’extérieur pour défendre nos libertés et que nous refusions de la mener sur le territoire national. Pour combattre l’islamisme radical, nous n’employons parfois que des outils faibles, lorsque nous ne faisons pas preuve de naïveté.
Ces outils n’étant pas à la hauteur de la menace que nous connaissons, nous devons les renforcer dans ce texte.
L’article 43 du projet de loi prévoyait initialement d’interdire à une personne condamnée pour terrorisme de diriger ou d’administrer une association cultuelle, pendant une durée de dix ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive. Après le travail de notre commission, cette interdiction a été élargie aux associations dites « mixtes » et aux associations accueillant des enfants.
Cet amendement vise donc à englober les mineurs – et non pas seulement les enfants – dans ce dispositif. En effet, nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut protéger nos enfants, mais aussi nos adolescents, des intentions malveillantes de personnes condamnées pour des infractions en lien avec le terrorisme.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Mme Borchio Fontimp propose d’étendre l’interdiction de diriger ou d’administrer une association accueillant exclusivement des mineurs. Cet amendement est tout à fait pertinent.
L’avis est donc favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Nous comprenons la philosophie de cet amendement. Mais, tout d’abord, les mots « des enfants » paraissent plus précis. Ensuite, l’amendement pose deux problèmes, qui pourront être résolus en commission mixte paritaire.
Premièrement, une association exclusivement composée de mineurs, c’est extrêmement rare ; il y a en général des adultes et des mineurs.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. On parle d’associations « accueillant » des mineurs !
M. Gérald Darmanin, ministre. Du coup, la disposition ne s’appliquerait pas aux associations regroupant des adultes et des enfants : cela pose un problème d’égalité. Il faudra y réfléchir en commission mixte paritaire.
Deuxièmement, il n’y a pas de catégorie juridique correspondant aux associations accueillant des mineurs ou des enfants. On pourrait certes en créer une, pourquoi pas ? Mais il faudra remédier à cette fragilité juridique, là encore, en commission mixte paritaire.
Néanmoins, je ne suis pas opposé au principe posé dans cet amendement. On pourrait ainsi imaginer de prévoir une protection pour les publics fragiles, comme les personnes sous curatelle ou celles qui sont particulièrement exposées à subir une emprise psychologique quelconque. Le juge constitutionnel doit pouvoir considérer que sont protégées globalement toutes les personnes susceptibles d’être sous influence.
Je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. L’amendement n° 143 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel, MM. Requier et Roux et Mme Guillotin, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Après le mot :
durée
insérer les mots :
au moins égale au quantum de peine de la condamnation aux infractions mentionnées et d’un minimum
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Cet amendement vise à prolonger l’interdiction de diriger des associations cultuelles visant les personnes condamnées pour des faits de terrorisme ou d’apologie du terrorisme pour une durée égale à la peine d’emprisonnement, sans être inférieure à dix ans.
En effet, les faits mentionnés sont de nature suffisamment grave, à l’encontre de la sécurité de la population et de la Nation, pour que l’interdiction de diriger une association cultuelle soit aussi longue que la peine d’emprisonnement, surtout en cas de libération anticipée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 144 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Guérini et Guiol, Mme Pantel, MM. Requier, Roux, Corbisez et Gold et Mme Guillotin, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Remplacer le mot :
dix
par le mot :
quinze
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 144 rectifié est retiré.
L’amendement n° 366 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 505, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Le statut de réfugié peut être refusé ou retiré à tout étranger condamné, même à la peine de mort, pour participation à une organisation terroriste, telle que reconnue par le Conseil de l’Union européenne, dans un État tiers figurant sur la liste, fixée par décret en Conseil d’État, des États dont la France reconnaît les législations et juridictions pénales au vu de l’application du droit dans le cadre d’un régime démocratique et des circonstances politiques générales. »
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. En lisant attentivement l’article 43 bis, j’ai eu le plaisir de constater que j’avais été entendu. Il y a quelques mois, dans ce même hémicycle, j’avais en effet proposé un amendement visant à refuser l’asile aux personnes condamnées pour terrorisme dans leur pays. On m’avait rétorqué que cela ne servait à rien et que c’était déjà prévu.
Je me félicite que vous ayez entendu raison et que vous rejoigniez mes positions. Cet article va dans le bon sens, mais il ne va pas assez loin. Je vous propose donc de l’améliorer quelque peu.
L’article 43 bis prévoit que l’asile soit refusé aux personnes condamnées pour apologie du terrorisme dans leur pays d’origine. Nous n’avons pas à accueillir sur notre sol ceux qui défendent les terroristes, c’est évident. Mais je ne comprends pas pourquoi vous n’étendez pas ce dispositif à ceux qui ont effectivement participé à une entreprise terroriste.
Je le redis, même s’ils sont condamnés à mort dans leur pays, nous n’avons pas à les recevoir chez nous. La France est une terre d’asile, mais pas une terre d’asile de fous !
Nos chers collègues de gauche vont comme d’habitude s’émouvoir, eux qui n’aiment rien tant que la défense de l’indéfendable, jusqu’à vouloir sauver la vie de ceux qui veulent nous assassiner.
J’ai ce défaut – celui-là au moins, celui-là aussi – : cent terroristes condamnés à mort ne m’empêcheront pas de dormir ; mais pas un jour ne passe sans que je pense aux centaines de victimes de l’islamisme en France. Je préfère un terroriste bien mort à l’étranger à un terroriste bien vivant sur notre sol.
Vous allez me dire que ce sont les valeurs que je piétine, que je bafoue les traditions d’asile. Eh bien, tant pis ! Dans ce cas précis, tant pis pour eux, car ces valeurs et cette tradition, appliquées à ces gens-là, tuent des Français.
L’assassin de Samuel Paty était connu pour ses liens avec les terroristes tchétchènes. Et pourtant, la République l’a laissé vivre parmi nous au nom des valeurs. Votre aveuglement idéologique se paie au prix fort, au prix du sang français : depuis neuf ans, les attaques terroristes se succèdent à un rythme effréné, une tous les deux mois.
Je refuse, quant à moi, que les terroristes les plus dangereux soient accueillis chez nous, même s’ils risquent la peine de mort. Ils ont pris leurs responsabilités, qu’ils les assument jusqu’au bout, y compris au bout d’une corde si la loi du pays dans lequel ils ont commis leur abomination le prévoit !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Cet amendement est satisfait par le droit en vigueur, puisque l’article L. 711-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) prévoit que le statut de réfugié est retiré à tout étranger condamné, même à l’étranger et quelle que soit la peine, pour un acte de terrorisme, dès lors que sa présence constitue une menace grave pour la société française.
Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 43, modifié.
(L’article 43 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 43
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 161 rectifié bis est présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, de Legge et Meurant, Mme Joseph, MM. B. Fournier, Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler, MM. Genet, Savary et H. Leroy, Mmes Bourrat et de Cidrac, MM. Segouin et Tabarot et Mme Berthet.
L’amendement n° 415 rectifié bis est présenté par Mme Havet et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 43
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 5° de l’article L. 133-6 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Au titre II du livre IV du même code ; ».
La parole est à Mme Valérie Boyer, pour présenter l’amendement n° 161 rectifié bis
Mme Valérie Boyer. Actuellement, et depuis la fin du proto-État islamique, Daech, la menace sur la France est totalement endogène. L’entrisme est de rigueur. Le djihad s’attaque à tous les territoires de notre Nation, à toutes les institutions – services publics, associations, entreprises… – et à tous les domaines, qu’il s’agisse de l’économie, de l’enseignement ou du sport ; nous en avons déjà parlé dans cet hémicycle.
Afin de protéger d’abord les plus fragiles, c’est-à-dire les mineurs et les jeunes adultes, il apparaît évident d’éloigner les personnes condamnées pour des actes de terrorisme. Le présent amendement vise donc à écarter les auteurs de tels actes de toute fonction en lien avec la direction ou l’exercice d’activités dans le champ du code de l’action sociale et des familles.
Il convient de faire de l’interdiction le principe et de sa non-application l’exception. C’est pourquoi le juge pourra toujours décider de ne pas appliquer l’interdiction après décision spécialement motivée.
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° 415 rectifié bis.
M. Thani Mohamed Soilihi. Cet amendement de Mme Havet, cosigné par l’ensemble des membres de notre groupe, est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Il nous paraît légitime d’étendre cette interdiction aux personnes condamnées pour terrorisme.
L’avis est donc favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 161 rectifié bis et 415 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 43.
L’amendement n° 245 rectifié bis, présenté par M. Mizzon, Mmes Thomas et Belrhiti, MM. Duffourg, Masson, Canevet, Delahaye, Kern et Cuypers, Mme Saint-Pé, MM. J.M. Arnaud et Moga, Mme Herzog, MM. Bouchet et Le Nay, Mmes Bonfanti-Dossat et Gatel et M. Détraigne, est ainsi libellé :
Après l’article 43
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 721-1-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° A la première phrase, les mots : « , à l’exclusion de celles définies aux articles 421-2-5 à 421-2-5-2 du même code, » sont supprimés et la référence : « à l’article 721 » est remplacée par les références : « aux articles 721 et 721-1 » ;
2° La seconde phrase est supprimée.
La parole est à M. Pierre Cuypers.
M. Pierre Cuypers. Cet amendement a pour objet de supprimer toute possibilité de réduction et d’aménagement de peine au profit des individus condamnés pour terrorisme ou pour apologie de celui-ci.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Les infractions relatives à l’apologie, en ce qu’elles touchent à la liberté d’expression, font l’objet d’un contrôle vigilant du Conseil constitutionnel. La suppression totale des réductions de peine pour leurs auteurs serait sans doute disproportionnée.
La prorogation de certaines dispositions de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi SILT, serait, quoi qu’il en soit, une meilleure occasion d’en discuter. C’est pour cette raison que l’amendement a été rejeté lors de l’examen de la proposition de loi Sécurité globale.
Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pierre Cuypers. Je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 245 rectifié bis est retiré.
Article 43 bis (nouveau)
L’article L. 711-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le statut de réfugié peut également être refusé ou il peut être mis fin à ce statut lorsque la personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France, dans un État membre de l’Union européenne ou dans un État tiers figurant sur la liste, fixée par décret en Conseil d’État, des États dont la France reconnaît les législations et juridictions pénales au vu de l’application du droit dans le cadre d’un régime démocratique et des circonstances politiques générales pour apologie du terrorisme, et que sa présence constitue une menace grave pour la société française. »
Mme la présidente. L’amendement n° 671, présenté par Mmes Eustache-Brinio et Vérien, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer la référence :
L. 711-6
par la référence
L. 511-7
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 43 bis, modifié.
(L’article 43 bis est adopté.)
Article 44
Le chapitre VII du titre II du livre II du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Au début, il est ajouté un article L. 227-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 227-1 A. – I. – Le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police peut prononcer la fermeture temporaire des lieux de culte dans lesquels les propos qui sont tenus, les idées ou théories qui sont diffusées ou les activités qui se déroulent provoquent à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes.
« Cette fermeture, dont la durée doit être proportionnée aux circonstances qui l’ont motivée et qui ne peut excéder trois mois, est prononcée par arrêté motivé et est précédée d’une procédure contradictoire dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre Ier du code des relations entre le public et l’administration.
« II. – Peuvent également faire l’objet d’une mesure de fermeture selon les modalités prévues au second alinéa du I des locaux gérés, exploités ou financés, directement ou indirectement, par une personne physique ou morale gestionnaire du lieu de culte dont la fermeture est prononcée sur le fondement du même I, qui accueillent habituellement des réunions publiques et dont il existe des raisons sérieuses de penser qu’ils seraient utilisés pour faire échec à l’exécution de cette mesure. La fermeture de ces locaux prend fin à l’expiration de la mesure de fermeture du lieu de culte.
« III. – L’arrêté de fermeture est assorti d’un délai d’exécution, qui ne peut être inférieur à quarante-huit heures, à l’expiration duquel la mesure peut faire l’objet d’une exécution d’office. Toutefois, si une personne y ayant un intérêt a saisi le tribunal administratif, dans ce délai, d’une demande présentée sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, la mesure ne peut être exécutée d’office avant que le juge des référés ait informé les parties de la tenue ou non d’une audience publique en application du deuxième alinéa de l’article L. 522-1 du même code ou, si les parties ont été informées d’une telle audience, avant que le juge ait statué sur la demande. » ;
2° (nouveau) À l’article L. 227-2, les mots : « d’un lieu de culte prise en application » sont remplacés par les mots : « prise en application de l’article L. 227-1 A ou ».
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je souhaite présenter de façon globale cet article très important du projet de loi, ainsi que les amendements du Gouvernement.
Le ministre de l’intérieur ne peut fermer un lieu de culte qu’à deux conditions.
L’une relève des règles relatives aux établissements recevant du public (ERP) et à l’urbanisme – par exemple, une porte ferme mal, il y a un risque d’incendie, etc. Nous nous mettons alors d’accord avec le maire pour que le site n’ouvre pas, ou pour qu’il soit fermé, pour non-conformité avec le droit de l’urbanisme. Cela n’a donc rien à voir une raison de fond.
Telles sont, pour l’essentiel, les dispositions que nous utilisons aujourd’hui. Mais j’ai déjà eu l’occasion de dire qu’un jour viendra – il est même déjà arrivé – où les ennemis de la République sauront lire le code de l’urbanisme…
L’autre condition a pour fondement la loi SILT : on ferme un lieu de culte parce qu’il est directement lié à un attentat terroriste qui a eu lieu. Cette mesure s’applique dans des conditions extrêmement sévères, parce que la liberté de culte, au sens constitutionnel du terme, est très fortement protégée dans notre pays.
Dans l’exemple de la mosquée de Pantin, où plusieurs faits étaient reprochés au dirigeant de l’association cultuelle, et prouvés : il avait relayé la vidéo appelant à l’« assassinat » de Samuel Paty. Le juge administratif a considéré que les arguments invoqués par le ministère de l’intérieur pour fermer ce lieu de culte étaient justes. Ayant observé que le lieu de culte musulman le plus proche se situait à 12 kilomètres de cette mosquée, le juge en a conclu que la décision était proportionnée, car les fidèles pouvaient exercer leur culte pas très loin.
Autrement dit, si le lieu de culte le plus proche avait été beaucoup plus distant, cette décision aurait sans doute été annulée par le juge administratif, et ce en dépit du lien constaté avec l’attentat terroriste.
Aujourd’hui, une troisième condition nous permet de fermer un lieu de culte : les règles sanitaires actuelles. Je ne la développerai pas, car nous espérons tous que cette situation ne perdurera pas.
Je n’ai donc pas les moyens – pas plus qu’aucun ministre de l’intérieur avant moi et qu’aucun autre à l’avenir, sauf si cet article 44 était adopté – de prendre la décision de fermer des lieux de culte, de façon temporaire, le temps de « faire le ménage » parmi des responsables de ces lieux qui auraient prononcé certaines paroles ou commis certains actes. Je rappelle que, même en cas de terrorisme, la fermeture est toujours temporaire, jamais définitive.
Ainsi, je ne peux pas fermer un lieu de culte parce que l’un de ses responsables aurait dit, par exemple, qu’il faut exterminer les juifs, que les chrétiens sont des mécréants, que les femmes ne sont pas les égales des hommes, que l’on se transforme en porc quand on écoute de la musique, toutes joyeusetés que l’on peut entendre et qui sont profondément contraires aux valeurs de la République.
Nous pouvons certes poursuivre ces personnes, judiciairement parlant, mais, j’y insiste, nous ne pouvons pas fermer le lieu de culte, quand bien même seraient impliqués le président de l’association, le ministre du culte ou une personne ayant un grand ascendant sur les fidèles.
L’article 44, mesdames, messieurs les sénateurs, est très important, parce qu’il vise à donner une arme contre un séparatisme qui est en lien direct, non pas avec un attentat terroriste, mais avec cette atmosphère contraire à la République et à la France que nous essayons de combattre.
Cet article dispose en effet que de tels propos, qui provoquent à la haine, à la violence et incitent à la sédition, justifient la fermeture du lieu de culte.
L’article 44 est extrêmement important, je le répète, car il permettra de répondre à ces manchettes de journaux qui demandent pourquoi on ne ferme pas les cent lieux de culte séparatistes qui existent. Le commun des mortels doit également se poser cette question… Or, si on ne les ferme pas, c’est parce que la loi ne permet pas au ministère de l’intérieur de les fermer !
J’ai eu l’occasion de recevoir du courrier de la part de M. Ravier, mais aussi de nombreux parlementaires, qui me demandent la même chose : « Tels faits sont prouvés et établis, telle association a tenu tels propos, on y accède sur internet ; pourquoi ne fermez-vous pas ce lieu de culte ? »
Je le répète, en l’absence d’attentat terroriste, et si les règles relatives aux ERP sont respectées, je ne peux procéder à ces fermetures.
L’article 44 vise donc à lutter contre le séparatisme et contre tous ceux qui prônent la haine contre la République.
Il est équilibré. Le Conseil d’État et le juge constitutionnel vont en effet soupeser au trébuchet ce qui relève, d’une part, de la sécurité publique, de l’ordre public, de l’intérêt supérieur de la Nation, et, d’autre part, de la liberté fondamentale qu’est la liberté de culte.
J’ai déjà eu l’occasion de dire que le juge, malgré les attentats terroristes et la véracité des propos, retracés dans les notes de renseignement qui lui sont fournies et qui ne font l’objet d’aucune contestation, examinait ces éléments attentivement, en les mettant en balance avec l’importance de la liberté de culte, quitte à annuler telle ou telle décision administrative.
Cet article est assez révolutionnaire, puisque c’est la première fois que la République se dote de tels moyens ; même en 1905, cela n’avait pas été le cas.
Encore une fois, il s’agit d’une pesée au trébuchet : toute disposition too much, comme on dit en patois nordiste – n’est-ce pas, madame la présidente Létard ? (Sourires.) –, justifierait la censure dudit article, ce qui serait un drame pour la République. En effet, dans ce cas, nous ne pourrions recourir à aucune disposition équivalente, et ce serait une victoire pour ceux qui n’aiment pas la République.
Je suis en désaccord avec la commission sur deux sujets, même si, philosophiquement, nous sommes d’accord sur le fond.
Premier point de désaccord : nous souhaitons rétablir une disposition très importante qui a été censurée – le mot est trop dur… –, ou plutôt retirée par la commission. Cette disposition prévoyait comme motif d’interruption de l’activité d’un lieu de culte l’encouragement à la haine ou à la violence ainsi que leur justification.
La commission a décidé que le ministre de l’intérieur ne pourrait pas invoquer ce motif. Je suis assez surpris ! En effet, un tel fondement nous permettrait d’intervenir dans des situations non pas de séparatisme absolu, mais de grande violence, lorsque ces propos sont prononcés dans un lieu de culte, qui plus est à un moment particulier. Nous souhaitons donc le rétablissement de ce motif.
Deuxième point de désaccord : la commission a souhaité prévoir un délai de trois mois pour la fermeture du lieu de culte. Or nous pensons très sincèrement, pour avoir consulté de nombreuses fois le Conseil d’État, qu’un tel délai sera censuré par le Conseil constitutionnel comme étant exorbitant du droit commun. Voilà pourquoi nous avions proposé un délai de deux mois.
À titre personnel, madame la rapporteure, j’aurais pu proposer un délai d’un ou deux ans ; cela ne m’aurait pas dérangé. Mais il faut savoir raison garder : la fermeture pour motif lié au terrorisme est de six mois. Un délai de deux mois nous paraît donc raisonnable. Pour tout vous dire, l’administration m’avait proposé un délai de quinze jours dans la première mouture du texte…
Je le répète, le délai de deux mois sera sans doute validé par le Conseil constitutionnel parce qu’il est proportionné.
Si nous constatons, au bout de deux mois, que le dirigeant concerné est toujours là, que ses propos se trouvent toujours sur internet et qu’il les réitère, alors la fermeture peut être renouvelée par une décision motivée de l’administration, laquelle pourra être annulée par le juge administratif pour excès de pouvoir.
Je précise, par avance, que je m’opposerai aux amendements qui sont trop en deçà de l’article 44, comme celui de Mme Benbassa ou ceux de M. Sueur, comme à ceux qui vont trop au-delà, comme celui de M. Retailleau ou celui de M. Ravier.
Nous sommes à un point d’équilibre. Nous devons, à la fois, donner des motifs très solides pour procéder au titre de l’article 44 à la fermeture de ces lieux de culte, et nous en tenir au délai de deux mois. On peut en effet toujours se faire plaisir dans ce débat, mais si l’article est censuré par le Conseil constitutionnel, alors nous ne disposerons plus de cette arme administrative.
Pardonnez-moi d’avoir été un peu long, madame la présidente. Il est dommage que cet article soit examiné à vingt-trois heures vingt-sept, car il est sans doute l’un des plus centraux du texte.
Mme la présidente. L’amendement n° 339 rectifié, présenté par Mme Benbassa, M. Benarroche, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’article 44 dispose, au sein du code de la sécurité intérieure, que le préfet pourra prononcer la fermeture administrative temporaire des lieux de culte dans lesquels des propos haineux sont tenus. Un tel dispositif existe déjà depuis la loi SILT de 2017, et il est inscrit au livre II du code de la sécurité intérieure, à l’article L. 227-1 dudit code.
L’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure prévoit également la dissolution des groupements, lorsque des propos constituant une provocation à la haine, à la violence, ou une provocation à la commission d’actes de terrorisme sont proférés.
Dès lors, l’introduction de ces nouvelles dispositions dans le code de la sécurité intérieure semble redondante. Cette nouvelle incrimination contribue en effet à rendre la loi pénale, encore une fois, peu lisible et peu accessible, puisque l’ensemble des dispositions sont déjà prévues dans notre arsenal pénal.
En outre, les notions d’idées ou de théories qui seraient diffusées dans ces lieux sont trop floues et n’offrent pas une sécurité juridique suffisante aux personnes qui seraient visées par cette infraction.
Par conséquent, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demande la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Je crois que les explications de M. le ministre sont suffisamment claires : nous n’avons aujourd’hui pas d’outils pour fermer, pour d’autres motifs que ceux qu’il a évoqués, les lieux qui propagent la haine de la France et qui remettent en cause chaque jour l’unité de notre pays.
Chacun doit prendre ses responsabilités ; pour notre part, c’est ce que nous avons fait. Supprimer l’article 44 nous semble assez irresponsable.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Madame Benbassa, quand vous dites que tout est dans le code pénal, vous n’avez pas raison ! Le code pénal permet de poursuivre des personnes, alors qu’il est question ici de police administrative, de fermeture de lieux de culte. Nous ne créons pas des délits pour le plaisir !
La distinction est importante. Personne ne comprend pourquoi on laisse prospérer des discours dans certains lieux sans qu’il y ait une réponse de la République. J’insiste, ne confondons pas police administrative et code pénal.
L’avis est défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 655, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 1 et 2
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigés :
Le titre V de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État est complété par un article 36-3 ainsi rédigé :
II. – Alinéa 3
Remplacer la référence :
Art. L. 227-1 A.
par la référence :
Art. 36-3.
III. – Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« IV. – La violation d’une mesure de fermeture d’un lieu de culte ou d’un lieu en dépendant prise en application du présent article est punie de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. »
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Disons, pour aller plus vite, qu’il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Le Gouvernement souhaite intégrer la nouvelle mesure de fermeture dans la loi de 1905, alors que nous avons préféré qu’elle le soit dans le code de la sécurité intérieure. C’est ce qui nous différencie, monsieur le ministre.
Il nous a en effet semblé plus cohérent de rapprocher cette mesure de celle qui figure dans la loi SILT, laquelle prévoit la possibilité de fermer de manière administrative les lieux de culte, mais cette fois aux fins de prévenir le terrorisme.
Il est plus logique d’inscrire la nouvelle disposition, d’une part, à côté de l’autre mesure de fermeture existant dans notre législation et, d’autre part, au sein du code de la sécurité intérieure, dans la partie relative à la lutte contre les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation.
L’avis est donc défavorable sur votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de m’excuser, je suis fatigué, n’ayant pas beaucoup dormi la nuit dernière. Je n’avais pas le texte sous les yeux, mais il s’agissait bien de l’amendement relatif aux motifs et non pas seulement à son emplacement dans un code plutôt que dans un autre.
Madame la rapporteure, nous souhaitons rétablir dans le texte de la commission, après : « provoquent à la haine ou à la violence », les mots suivants : « ou tendent à justifier ou encourager cette haine ou cette violence »…
Mme la présidente. Monsieur le ministre, nous examinons l’amendement n° 655, et non l’amendement n° 656.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je suis démasqué ! (Sourires.) Je suis vraiment fatigué, je confesse mon erreur…
Je vais donc m’en tenir à ma première présentation de l’amendement n° 655, en espérant que le Parlement me fera confiance !
Mme la présidente. L’amendement n° 430 rectifié, présenté par M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, M. Assouline, Mmes S. Robert, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal, Tissot, Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après le mot :
peut
insérer les mots :
, après saisine et avis du juge,
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Je regrette que l’amendement précédent du Gouvernement n’ait pas été adopté. En effet, la République, c’est aussi une question de symboles et de narratif. Or nous ne pouvons pas comparer la loi de 1905 et le code de la sécurité intérieure.
Il est important d’intégrer les dispositions relatives à ce qui ne peut être fait dans les lieux de culte dans la loi de 1905, et non dans le code de la sécurité intérieure. C’est la raison pour laquelle notre groupe a voté l’amendement n° 655.
L’article 44 vise à créer une nouvelle procédure administrative de fermeture, sur l’initiative du préfet, des lieux de culte dans lesquels sont tenus des propos ou sont diffusées des idées ou théories incitant à la haine. Nous soutenons cette disposition, mais nous estimons qu’il est important de prévoir des garanties, car elle porte un coup à la liberté de culte.
L’amendement n° 430 rectifié tend donc à apporter des garanties complémentaires et à assurer l’efficience du dispositif. Nous proposons de faire intervenir le juge en amont de la procédure afin de garantir la robustesse et la crédibilité de celle-ci.
De la même manière, nous considérons qu’il faut séparer ce qui relève de la loi SILT de ce qui relève de la loi de 1905. L’alinéa 3, qui est inspiré de la loi SILT, vise « les idées ou théories » : cette disposition n’est pas suffisamment claire. Le nouvel article du code de la sécurité intérieure qui résultera de l’adoption de l’article 44 doit reposer sur des éléments concrets et aisément démontrables : ne doivent être visés que des messages véhiculés de manière active, c’est-à-dire des propos tenus ou diffusés, et des activités effectives organisées au sein de lieux de culte. On ne doit pas simplement tenir compte des « idées ou théories », des concepts qui, d’une part, ne correspondent à aucune réalité juridique identifiée et, d’autre part, sont sujets à des interprétations hautement subjectives pour caractériser leur existence ou non.
Le dispositif mérite donc d’être précisé pour en supprimer certains éléments trop subjectifs. Tel est l’objet de l’amendement n° 458 rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 430 rectifié ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Vous proposez, mon cher collègue, que la fermeture des lieux de culte ne puisse intervenir qu’après avis et saisine du juge : c’est contraire à la notion même de mesure de police administrative.
L’article prévoit par ailleurs toutes les garanties nécessaires en matière de voies de recours et d’intervention du juge dans son alinéa 6.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Il s’agit d’une question de principe relative à la séparation des pouvoirs, monsieur le sénateur. Le pouvoir exécutif a un pouvoir d’appréciation de ses décisions : il ne doit pas soumettre systématiquement son action administrative à l’avis du juge, sinon il n’y a plus de pouvoir exécutif. Ne tombons pas dans le contrôle préalable systématique !
Ce qui est certain, c’est qu’un recours pour excès de pouvoir contre une décision est toujours possible, y compris en référé sous 48 heures. Chacun peut faire condamner l’administration devant le juge administratif, mais pas au préalable. Ce serait contraire à ce qui fait notre droit public et constitue le pouvoir exécutif.
On peut comprendre votre interrogation, car il s’agit ici d’encadrer une liberté fondamentale. Mais, je le redis, un recours en référé sous 48 heures est possible, tout comme un recours pour excès de pouvoir. À coup sûr, le juge sera très sourcilleux sur les décisions prises par l’administration, mais je ne crois pas qu’il soit nécessaire de retirer au pouvoir exécutif ses moyens de police administrative.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Cette explication de vote vaudra deuxième défense de l’amendement n° 458 rectifié.
Je vais retirer l’amendement n° 430 rectifié, car j’entends l’argument de M. le ministre. Mais cela renforce notre amendement n° 458 rectifié qui tend à exiger des critères objectifs, afin qu’il ne soit pas donné au pouvoir administratif une capacité trop subjective de décider de la fermeture de lieux de culte.
Compte tenu de la gravité de l’acte administratif qui peut être pris sans contrôle préalable du juge, il est important que les choses soient clairement encadrées.
Mme la présidente. L’amendement n° 430 rectifié est retiré.
L’amendement n° 458 rectifié, présenté par M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, M. Assouline, Mmes S. Robert, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet et Conconne, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal et Tissot, Mme Conway-Mouret, MM. Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
les idées ou théories qui
par le mot :
ou
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Mon cher collègue, vos deux amendements sont totalement différents ! Vous avez retiré l’amendement n° 430 rectifié. Avec l’amendement n° 458 rectifié, vous proposez de supprimer la possibilité de fermer un lieu de culte sur la base des idées ou théories qui y sont diffusées.
Notre argumentaire ne vous satisfera pas, mais nous avons émis un avis défavorable, parce que les idées et les théories peuvent aussi être divulguées ou diffusées sur des tracts ou des affiches. Il faut donc se doter de tous les outils possibles.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur le sénateur, j’entends que la défense de votre amendement repose sur le fait que les idées et les théories sont des mots assez vagues et qu’une décision exorbitante du droit commun telle que la fermeture d’un lieu de culte doit reposer sur des critères objectifs.
Mais les idées et les théories sont des notions objectives, qui font d’ailleurs depuis longtemps partie de notre droit. Je vous renvoie à deux articles du code de la sécurité intérieure qui y figurent depuis deux quinquennats. Il s’agit des articles L. 212-1 et L. 227-1, qui évoquent très clairement ces termes d’idées et théories. Nous ne faisons que reprendre exactement ces termes.
Je ne crois pas, monsieur le sénateur, qu’il s’agisse là de notions qui pourraient prêter à interprétation. Il existe de longue date une jurisprudence à leur sujet, et le législateur a depuis longtemps décidé que les idées et les théories étaient aussi importantes et graves que les actes qui pourraient être commis. Cela me paraît d’ailleurs normal s’agissant de la lutte contre une idéologie. Quel sens aurait un texte de loi qui viserait une idéologie sans attaquer les idées exprimées ? Il s’agit de lutter non pas contre les consciences, mais contre l’expression de certaines idées.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le ministre, je comprends votre rhétorique, mais je ne la partage pas. Lorsque la diffusion d’idées et de théories menace la sécurité et l’ordre publics, alors j’approuve l’urgence d’une fermeture administrative.
En revanche, lorsque les idées et théories, même si nous ne les partageons pas, ne font pas peser un risque immédiat sur la sécurité, mais plutôt sur les esprits, alors c’est politiquement, par le débat, qu’il faut les combattre, et non par une interdiction qui évoluera vers autre chose.
Ici, il s’agit non pas de sécurité intérieure, mais de police des cultes. On vise ce qui se passe dans les lieux de culte, ce qui n’est pas la même chose. C’est bien d’ailleurs pour cette raison que vous avez présenté un amendement qui visait à retirer ces dispositions du code de la sécurité intérieure.
Il n’est pas question de menace sur la sécurité intérieure. C’est peut-être une menace sur la manière de faire Nation, mais nous ne la combattrons que par la conviction, et non par la contrainte et l’interdiction. C’est la raison pour laquelle il est important, parce que c’est une menace non pas pour la sécurité, mais pour notre manière de vivre ensemble, de faire en sorte que la fermeture d’un lieu de culte repose sur des éléments avérés, et pas simplement sur des idées et des théories : j’insiste, celles-ci doivent être combattues par la conviction et non par la contrainte.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je souhaite intervenir sur cet amendement après l’excellente démonstration de Jean-Yves Leconte.
Monsieur le ministre, aucune idée ne peut se propager sans être incarnée par des mots.
Quel sens y a-t-il à sanctionner des idées ou des théories ? Cela n’est pas possible ! On a le droit d’avoir des idées qui sont dans notre for intérieur et même dans notre inconscient. Pour Jacques Lacan, l’inconscient est structuré comme un langage et, selon Michel Foucault, les mots sont des choses.
Considérer que des idées peuvent être sanctionnées pose donc un véritable problème théorique. Je ne connais pas d’idée qui ne soit pas formulée : condamnons donc les formulations, sanctionnons les messages, les paroles, les écrits ! Mais les idées, laissons-les vivre ou combattons-les, et faisons-le avec des mots ! Les idées sont incarnées, et je ne vois pas comment on pourrait sanctionner une substance appelée idée qui serait dépourvue de tout langage…
Si vous trouvez une idée qui se manifeste sans aucun vocabulaire, lexique, syntaxe et langage, je serai très intéressé de la connaître, d’autant que vous ne pourriez même pas en parler !
L’amendement que nous défendons est donc totalement évident. Sinon vous devez répondre à l’argumentation que je viens de développer, ce qui ne sera pas facile.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur le sénateur, je crois que vous commettez une erreur d’interprétation, puisque le texte de loi vise bien la diffusion des idées. Il ne s’agit pas d’entrer dans le for intérieur des individus pour y trouver des idées qui ne seraient pas formulées, ce qui reviendrait – je l’entends bien – à exercer une police des esprits. Mais ce qui n’existe pas, c’est ce que vous dénoncez.
Aux termes de l’article 44 du projet de loi, « le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police peut prononcer la fermeture temporaire des lieux de culte dans lesquels les propos qui sont tenus, les idées ou théories qui sont diffusées »…
M. Jean-Pierre Sueur. Il suffit de faire référence aux propos ! Les idées et les théories sont des propos !
M. Gérald Darmanin, ministre. Pour être diffusées, il faut bien qu’elles soient matérialisées par un écrit ou par une parole !
Je poursuis : « ou les activités qui se déroulent provoquent à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes. » Il s’agit bien d’idées diffusées, verbalisées, écrites. J’insiste, il n’est en aucun cas question de faire la police à l’intérieur des esprits.
Ensuite, selon votre argumentation, les idées ne se combattraient que politiquement. Mais avec ce genre de réflexion, on n’aurait pas condamné l’antisémitisme ! Il est évident que nous acceptons que certaines idées n’entrent pas dans le champ de la liberté d’expression. Même si le débat peut être important, et il l’a toujours été, le législateur puis le juge constitutionnel ont considéré qu’il y avait des limites à la liberté d’expression.
Je suis très étonné par votre argument, monsieur le sénateur… Leconte – notez que je ne vous ai pas appelé camarade… « C’est un joli nom, camarade », comme disait le chanteur…
M. Jean-Pierre Sueur. Il manquait Jean Ferrat !
M. Gérald Darmanin, ministre. On a cité Brassens et Ferrat, on arrivera bien à Brel d’ici à minuit !
M. Pierre Ouzoulias. On terminera par Léo Ferré ! (Sourires.)
M. Gérald Darmanin, ministre. Plus sérieusement : ce qui est important, c’est la teneur des propos. Évidemment, il existe toujours un champ d’interprétation. Si l’on s’en tenait à votre amendement, un ministre du culte ou une personne qui prend la parole dans un lieu de culte pourrait demander : « Les juifs sont-ils des hommes comme les autres ? » Ce propos n’a pas de lien direct avec une incitation à la haine, mais est-il tolérable dans notre République ?
« Les femmes sont-elles les égales des hommes ? » On peut considérer, là encore, que cette question est un sujet de discussion ou alors qu’elle est profondément contraire aux principes de notre République.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est trop facile !
M. Gérald Darmanin, ministre. « Les chrétiens sont des mécréants et il faut les condamner. » En général, quand la police interroge les individus ayant tenu ce type de propos, ils répondent qu’il s’agit de condamnation morale… Ceux qui combattent la République s’adaptent grâce aux subtilités du langage. Ne soyons pas naïfs, comme nous y invitaient précédemment certains sénateurs.
La rédaction du Gouvernement prévoit une fermeture limitée des lieux de culte, dont – je suis d’accord avec vous, monsieur le sénateur – le juge doit décider si elle est disproportionnée ou contraire à la liberté de culte et si l’administration a tort quand elle présentera ses justifications. Car, à coup sûr, un recours sera systématiquement déposé.
La rédaction prévue par le Gouvernement garantit à la fois le nécessaire exercice du culte, la liberté d’expression et le respect des limites de l’ordre public. Monsieur Sueur, nous visons bien des idées et théories qui sont diffusées, et nous combattons une idéologie et pas de petits propos. Monsieur Leconte, notre rédaction nous paraît mieux à même de combattre ces idées séparatistes.
Mme la présidente. L’amendement n° 656, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
ou tendent à justifier ou encourager cette haine ou cette violence
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Nous avons une légère différence d’appréciation avec la commission, puisque l’amendement du Gouvernement vise à rétablir à l’alinéa 3 les mots « ou tendent à justifier ou encourager cette haine ou cette violence ».
La jurisprudence, notamment celle du Conseil d’État, a eu l’occasion à plusieurs reprises de se prononcer sur cette expression, que la commission a voulu supprimer du texte de l’article après les mots « provoquent à la haine ou à la violence ». Dans sa décision du 30 juillet 2014, Association « Envie de rêver », le Conseil d’État a validé la rédaction sur la justification et l’encouragement à la haine ou à la violence, qui figure dans notre droit, notamment à l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure. Le Conseil constitutionnel, dans la décision QPC n° 2017-695 – je le précise puisque nos travaux seront lus par le juge constitutionnel –, a quant à lui validé des garanties procédurales destinées à assurer le caractère proportionné de la mesure prise.
Madame la rapporteure, dans son avis du 7 décembre 2020 sur le projet de loi, le Conseil d’État n’a pas remis en cause les dispositions évoquées. Notre rédaction est plus large que la vôtre. Sur ce point, si je suis sensible à l’idée que le Sénat soit attentif aux libertés publiques, comme l’est d’ailleurs le ministre chargé des libertés publiques, il conviendrait sans doute d’être plus ferme, mais je sais que vous l’êtes, dans les possibilités d’intervention accordées au ministère de l’intérieur.
Par trois fois, le juge de l’administration a considéré que cette rédaction était justifiée. Je vous invite à donner un avis favorable à l’amendement du Gouvernement pour montrer la fermeté de l’État.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Nous avons effectivement une différence d’appréciation, monsieur le ministre.
Vous souhaitez revenir à votre rédaction sur les motifs justifiant la fermeture d’un lieu de culte. La commission a non pas supprimé, comme vous l’avez dit précédemment de manière excessive – nous sommes tous fatigués, mais je voudrais rassurer mes collègues –, mais rédigé différemment l’alinéa. Nous avons précisé les raisons pouvant conduire à la fermeture des lieux de culte : il s’agirait uniquement « des propos qui sont tenus, des idées ou théories qui sont diffusées et des activités qui s’y déroulent » lorsque ceux-ci « provoquent à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes ».
Les autres critères proposés – la justification de la haine ou de la violence ou l’encouragement à celles-ci –, que le Gouvernement souhaite désormais rétablir, ne nous semblent pas suffisamment précis et sont inclus dans le critère précédent. Je le répète, nous avons une différence d’appréciation, mais nous pouvons discuter de tout.
Voici l’alinéa 3 tel qu’il est rédigé après l’examen par la commission des lois : « Le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police peut prononcer la fermeture temporaire des lieux de culte dans lesquels les propos qui sont tenus, les idées ou théories qui sont diffusées ou les activités qui se déroulent provoquent à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes. »
Il ne nous semble pas que nous ayons fragilisé le texte, monsieur le ministre. C’est la raison pour laquelle nous émettons un avis défavorable sur votre amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 367 n’est pas soutenu.
Mes chers collègues, nous avons examiné 111 amendements au cours de la journée ; il en reste 42.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
10
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 12 avril 2021 :
À dix-sept heures trente et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, confortant le respect des principes de la République (texte de la commission n° 455 rectifié, 2020-2021).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.)
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
ÉTIENNE BOULENGER