M. Jean-Pierre Sueur. Tout d’abord, j’ai été étonné, monsieur le garde des sceaux, que vous cédiez à cette vieille lune, à l’idée selon laquelle il y aurait trop de parlementaires et trop de membres du Conseil économique, social et environnemental. Vous n’êtes pas sans le savoir, cette idée, très contestable du point de vue de l’histoire et de la géographie de notre pays, mais qui semble dirimante dans certains esprits, a pour conséquence que des réformes constitutionnelles très importantes et très attendues sont jusqu’à présent bloquées, parce que cette disposition devrait être intégrée dans la révision constitutionnelle.
Je vous l’ai déjà dit, vous avez exprimé votre attachement à une réforme visant à renforcer l’indépendance du parquet, eh bien, il faut dissocier cette réforme de la question du nombre de parlementaires et de membres du Conseil économique, social et environnemental ; vous avez quelques mois pour le faire. C’était mon premier point.
Ensuite, tout ayant été dit sur les personnalités qualifiées, je salue l’amendement de Jean-Yves Leconte, qui a pour objet d’augmenter le nombre de membres du CESE dès lors que l’on renonce aux personnalités qualifiées.
Je veux également vous saluer, madame la rapporteure, parce que vous avez eu la bonne idée de mettre fin, à l’article 2, à ce dispositif baroque prévoyant que soixante membres de l’Assemblée nationale ou soixante membres du Sénat puissent saisir le CESE au sujet de la mise en œuvre d’une disposition législative. Contresens absolu ! Nous votons la loi ; la mise en œuvre de la loi, c’est le travail du Gouvernement, monsieur le garde des sceaux ! Il publie, pour cela, des décrets et il travaille sous le contrôle du Parlement. En revanche, il est très précieux de consulter le CESE, préalablement ou parallèlement à l’écriture de la loi.
Par ailleurs, je veux encore saluer une autre idée, celle qui a consisté à mettre fin à cette bizarrerie : dès lors que le CESE était consulté, cela obérait toutes les autres consultations prévues par toutes les lois. C’était brouillon, et vous y avez mis fin, madame la rapporteure ; nous y souscrivons.
Enfin, je veux également souscrire au fait d’avoir mis fin, à l’article 9, à cet organisme bizarroïde qui comprenait trois sénateurs, trois députés, trois membres du CESE, un représentant du Conseil d’État, un représentant de la Cour des comptes et zéro raton laveur… (Sourires.) On se demandait vraiment à quoi servait ce comité, à part préparer les évolutions futures de la loi.
Si le Gouvernement ou le Parlement jugent qu’il faut changer la loi, qu’ils le fassent ; et je trouve très sain que la composition du Conseil économique, social et environnemental soit déterminée par la loi. Autrement dit, il faut que le CESE joue pleinement son rôle consultatif, son rôle de proposition et de consultation de nos concitoyens, mais il faut que la loi reste la loi.
Je le dis à un certain nombre d’entre vous, qui sont extrêmement préoccupés par la prééminence de la loi. Puisque la loi est prééminente, mes chers collègues, ne nous privons pas d’exercer notre mission de législateur, en très bonne harmonie.
Je consulte le chronomètre, monsieur le président ; j’ai constaté que certains orateurs avaient eu droit à un petit rajout… J’en profite pour indiquer, et j’en aurai terminé, qu’il m’arrive de songer à l’époque, pas si lointaine, où Robert Badinter utilisait un temps de parole plus de deux fois supérieur au temps qui lui était imparti et jamais personne – aucun de vos prédécesseurs, monsieur le président – n’osa l’interrompre. Il n’y avait pas encore cette loi du chronomètre…
M. Xavier Iacovelli et Mme Cécile Cukierman. Mais vous n’êtes pas Badinter !
M. Jean-Pierre Sueur. Tout le monde n’est pas Badinter, je vous le concède très chaleureusement.
J’aurai donc eu mon supplément, et je vous en remercie, monsieur le président. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. Je demande à chacun de respecter le temps de parole qui lui est imparti.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je répondrai brièvement à certains orateurs, mais qu’il me soit d’abord permis de saluer la présence, dans les tribunes, ce soir, du président du CESE, M. Patrick Bernasconi. (Applaudissements sur diverses travées.) Ce dernier aura, je n’en doute pas une seconde, apprécié la qualité des différentes interventions qui se sont succédé.
Madame la rapporteure, vous avez affirmé précédemment que le Gouvernement sacrifiait à l’air du temps. J’aimerais presque que vous ayez raison, parce que, quand on voit la désaffection pour notre démocratie et le taux de participation aux élections, on peut se dire que tout ce qui est de nature à ramener le citoyen vers la démocratie, même participative, ne doit pas être rejeté d’un revers de la manche. (M. Joël Labbé applaudit.)
Pourquoi une réduction de 25 % du nombre des membres du CESE et non de 50 % ou de 33 % ? La réponse est assez simple : d’une part, parce qu’un compromis a été atteint au sein de cette institution et, d’autre part, parce que cela permet de conserver les équilibres des différentes composantes du CESE. Ce n’est pas plus compliqué que cela.
Monsieur le sénateur Leconte, j’aimerais vous être agréable, mais je ne voudrais pas vous faire de promesses que je ne pourrai pas tenir.
Je veux vous rappeler que, dans la procédure législative, l’Assemblée nationale a le dernier mot, sauf lorsqu’il s’agit d’un texte réformant la Constitution ou de projets de loi organique relatifs au Sénat. Nous parlons du CESE, et non pas du Sénat. Je ne peux donc pas m’engager, en dépit de mon envie de vous faire plaisir, à priver l’Assemblée nationale de son pouvoir de décision en dernier ressort en cas de désaccord entre les deux chambres.
Madame la sénatrice Delattre, concernant l’article 2, notamment la possibilité pour une minorité de parlementaires de saisir le CESE, je tiens à vous dire que le Gouvernement partage votre analyse. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’amendement de rétablissement déposé par le Gouvernement ne reprend pas cette disposition ajoutée par l’Assemblée nationale.
Enfin, monsieur le sénateur Sueur, je pourrais moi aussi disserter sur l’immense talent de Robert Badinter et sur ce qu’il a écrit, mais ce n’est pas tout à fait le sujet. Je crains que vous ne m’ayez mal compris, ou peut-être me suis-je mal exprimé, ce qui, je le concède, m’arrive très souvent. Tout le monde peut se tromper ! Quoi qu’il en soit, je n’ai jamais évoqué ici la réduction du nombre des parlementaires.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi organique relatif au conseil économique, social et environnemental
Article 1er A
(Non modifié)
Au troisième alinéa de l’article 1er de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental, le mot : « suggère » est remplacé par le mot : « recommande ».
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er A.
(L’article 1er A est adopté.)
Article 1er
Le dernier alinéa de l’article 1er de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 précitée est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour l’exercice de ses attributions, le Conseil peut consulter, avec l’accord du président des collectivités territoriales ou de leurs groupements concernés, une ou plusieurs instances consultatives prévues par la loi et créées auprès de ces collectivités ou groupements.
« Il promeut une politique de dialogue et de coopération avec ses homologues européens et étrangers. »
M. le président. L’amendement n° 16 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Gontard et Parigi, Mmes de Marco et Poncet, M. Salmon, Mme Taillé-Polian et MM. Dossus, Fernique, Labbé et Dantec, est ainsi libellé :
Avant l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Le troisième alinéa de l’article 1er de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 précitée est complété par les mots : « , notamment afin de prendre en compte leurs effets à long terme. »
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement vise à préciser que le CESE prend en compte les enjeux de long terme.
Selon nous, cette prise en considération doit être une réelle plus-value. Elle doit être la marque, le label du CESE, parce que le Conseil peut apporter une temporalité différente et complémentaire de la temporalité politique, de celle des institutions de la démocratie représentative, qui est rythmée par les échéances électorales. Ce rapport au long terme est d’ailleurs précisé dans l’exposé des motifs du projet de loi.
Il nous semble néanmoins utile de l’ajouter dans la définition des missions du CESE qui figure dans la loi organique, notamment à l’heure où la montée des enjeux environnementaux appelle au renforcement de la prise en compte des conséquences à long terme des politiques publiques.
Ce texte doit envoyer un symbole fort. Il est plus que temps pour notre démocratie de prendre enfin en compte les conséquences à long terme du réchauffement climatique, de la chute de la biodiversité et le sort des générations futures et présentes.
Comme nous l’apprennent les enjeux environnementaux, certaines de nos décisions ont des conséquences irréversibles. À cet égard, nous avons besoin, en tant que législateurs, que la démocratie participative nous éclaire sur les choix que nous faisons.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. En effet, d’un point de vue purement formel, l’utilisation de l’adverbe « notamment », qui n’est ni clair ni précis, n’est pas conseillée dans les textes de loi.
De manière générale, s’il est exact que le CESE étudie les effets à long terme, le Sénat et même l’Assemblée nationale en font autant, quand le CESE est parfois saisi de textes de loi qui visent le court terme.
Cette précision ne me paraît donc pas utile. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le sénateur Benarroche, le Gouvernement pourrait être d’accord avec vous, mais le Conseil d’État nous a convaincus que cette mention avait sa place non pas dans le texte, mais dans l’exposé des motifs, parce qu’elle n’a pas de portée juridique précise.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 46 rectifié, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Richard, Kulimoetoke, Bargeton, Buis, Dennemont, Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Lecornu, Lemoyne, Lévrier, Marchand, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
prévues par la loi et
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Le présent amendement vise à rétablir partiellement l’article 1er du projet de loi organique, afin de réintroduire la faculté de consultation, par le CESE, des instances consultatives créées auprès des collectivités territoriales ou de leurs groupements qui ne sont pas prévues par la loi.
D’une part, ces instances, telles que les budgets participatifs, qui connaissent une expansion certaine depuis 2014, peuvent apporter des retours d’expérience intéressants, en complément de la consultation des instances créées auprès des collectivités en vertu de la loi, l’article prévoyant explicitement que ces consultations peuvent être plurielles.
D’autre part, plus généralement, cet amendement s’inscrit en cohérence avec la souplesse du projet de loi organique, qu’ont d’ailleurs confirmée les travaux de la commission. Il paraît opportun de laisser au CESE une faculté d’appréciation quant à l’opportunité de consulter ou non les différentes catégories d’instances consultatives créées auprès des collectivités territoriales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission a modifié le texte pour le préciser largement. Le périmètre qui résulte de cette modification est encore très vaste, puisque le nombre des instances prévues par la loi est assez important.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, l’objectif du Gouvernement est de donner un nouveau souffle et une meilleure visibilité au CESE et d’en faire un véritable carrefour de la consultation.
Nous souhaitons donc, comme vous, ne pas priver le CESE d’une quelconque possibilité de bénéficier des compétences de conseils consultatifs locaux, y compris lorsqu’ils ne sont pas créés par la loi.
Le CESE doit pouvoir bénéficier d’une importante marge de manœuvre s’agissant des consultations qu’il jugera utiles.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis favorable sur votre amendement.
M. le président. L’amendement n° 6 rectifié, présenté par Mme Jasmin, M. Lurel, Mme Conconne et MM. Antiste et P. Joly, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Le Conseil peut désigner en son sein des représentants chargés de promouvoir régulièrement ses avis et études devant les instances consultatives de chaque territoire. »
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Cet amendement, comme tous ceux que je présenterai sur ce texte, fait écho aux différents échanges que j’ai eus avec la délégation à l’outre-mer du CESE, le président du Ceser de la Guadeloupe et des membres des Ceser de la Guyane et de La Réunion en préliminaire à l’examen de ce projet de loi organique et dont je les remercie.
Dans l’Hexagone comme en outre-mer, le constat concernant le CESE est très simple : beaucoup ignorent son rôle et les travaux qui y sont menés passent largement inaperçus auprès tant des autres institutions locales que des citoyens. En effet, en dépit de la dernière réforme de 2009, le CESE souffre toujours d’un déficit de notoriété préoccupant pour le bon fonctionnement de nos institutions.
Aussi, cet amendement vise à créer les conditions de liens plus étroits entre l’échelon national et territorial, notamment en instituant très clairement dans la loi la possibilité pour le CESE de désigner des représentants chargés de promouvoir leurs travaux devant les Ceser de l’ensemble des territoires à l’échelon national, notamment en outre-mer. Je pense particulièrement aux territoires les plus enclavés ou insulaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Le CESE communique comme il l’entend avec les Ceser. Il me semble peut-être plus urgent de faire valoir ses travaux devant les collectivités territoriales que devant les instances consultatives, avec lesquelles, j’y insiste, il a les relations qu’il veut.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Pour la même raison, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Pour rebondir sur ce qu’a dit Mme le rapporteur, je ne comprends pas que l’on déplore que les travaux du CESE passent inaperçus, que beaucoup ignorent son rôle, et que l’on ne s’interroge pas plus avant sur la raison même de cette méconnaissance.
Selon moi, on ne répondra pas à ce problème en développant des liens endogamiques entre le CESE et les Ceser, qui souffrent du même mal. Cela ne fera que renforcer le manque de visibilité et d’intérêt que manifestent nos concitoyens à l’égard de ces organes consultatifs.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Même si l’on peut comprendre l’objet initial de l’amendement, qui vise à ce que celles que l’on appelle les « troisièmes chambres » puissent travailler plus et mieux ensemble, il n’en demeure pas moins que son adoption ferait courir le risque de laisser croire que le CESE serait, aujourd’hui, le représentant des Ceser de France.
Il faut prendre garde à ce danger, d’autant que le Gouvernement – monsieur le ministre, je crois que vous n’allez pas être d’accord avec ce que je vais dire –, depuis le début du quinquennat, a fait le choix de mépriser les corps intermédiaires.
Les corps intermédiaires doivent s’organiser pour proposer des concertations et des contributions au débat public dans notre pays. Chacun doit rester à sa place, mais il ne faudrait pas aujourd’hui donner le sentiment qu’existerait une quelconque relation de hiérarchie ou de dépendance entre les uns et les autres. Quoi que l’on puisse en penser, les Ceser sont des outils au service principalement des collectivités régionales, et le CESE doit être au service de l’échelon national, à savoir du Parlement et du Gouvernement, pour éclairer nos choix. Il ne faut pas forcément rechercher une imbrication des uns et des autres.
L’adoption de cet amendement pourrait avoir un effet contreproductif sur la visibilité tant du CESE que des Ceser.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 17 rectifié, présenté par MM. Benarroche, Gontard, Labbé et Dantec, Mme Taillé-Polian, MM. Fernique, Salmon et Dossus, Mmes Poncet, Benbassa et de Marco et M. Parigi, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 2 de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 précitée est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces avis sont déposés sur le bureau de la première assemblée saisie en même temps que les projets de loi auxquels ils se rapportent. »
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement, assez simple, vise à améliorer la visibilité et l’accessibilité des travaux du CESE, en prévoyant que ses avis sur les projets de loi de plan et les projets de loi de programmation à caractère économique, social ou environnemental soient déposés sur le bureau de la première assemblée saisie en même temps que les projets de loi auxquels ils se rapportent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il me semble, mon cher collègue, que c’est déjà le droit positif. La commission sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le dispositif de l’amendement est relatif non à l’organisation et au fonctionnement du CESE, mais à la procédure parlementaire.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Outre que son dispositif relève de la procédure législative, cet amendement ne va pas jusqu’au bout de l’objet du texte, qui est de redonner non seulement de la visibilité, mais aussi de la légitimité au CESE.
Faut-il en rester à la transmission des avis du CESE à la première assemblée saisie d’un projet de loi et à celle-ci seulement ? Je trouve assez surprenant que le Sénat défende cette position, puisque, dans leur majorité, les projets de loi ne sont pas soumis en premier lieu à son examen.
Quitte à amender le texte pour améliorer la visibilité du travail du CESE, nous pourrions plutôt réfléchir à ce que ses avis soient transmis aux deux assemblées qui examineront successivement les projets de loi.
Il me semble, au-delà de ce qu’ont pu dire Mme la rapporteure et M. le ministre, que cet amendement est en deçà des ambitions de celles et de ceux qui voudraient redonner une nouvelle légitimité et une nouvelle visibilité au CESE.
M. le président. L’amendement n° 18 rectifié, présenté par MM. Benarroche, Gontard et Dantec, Mme Taillé-Polian, MM. Fernique, Salmon et Dossus, Mmes Poncet, Benbassa et de Marco et MM. Parigi et Labbé, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 4 de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 précitée est ainsi rédigé :
« Suite à un avis du Conseil économique, social et environnemental, le Gouvernement lui envoie un rapport motivé indiquant celles de ses recommandations dont il a tenu compte et expliquant les motifs de la décision de ne pas retenir les autres.
« Chaque année, le Premier ministre présente un bilan global et chiffré des suites données aux avis et productions du Conseil économique, social et environnemental. »
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement vise lui aussi à renforcer la visibilité et la légitimité du CESE, dans l’esprit du projet de loi organique, en prévoyant une réponse motivée du Gouvernement à ses avis et productions.
Comme l’a montré l’expérience de la Convention citoyenne pour le climat, le succès de la démocratie participative est en grande partie liée à la transparence sur les suites données aux consultations.
Nous proposons également de conserver le bilan annuel actuellement prévu par la loi organique et de le préciser, afin de permettre une vue d’ensemble sur la prise en compte par le Gouvernement des avis du CESE présentés dans l’hémicycle de ce dernier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il me semble là aussi que le droit en vigueur permet déjà de satisfaire cet amendement.
Le Premier ministre fait déjà connaître, chaque année, la suite qui a été réservée aux avis du CESE. De même, les études d’impact des projets de loi précisent les suites que leur donne le Gouvernement.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le Gouvernement partage la position de Mme la rapporteure.
Le dispositif de l’amendement revient à confier au CESE un pouvoir de contrôle sur l’action du Gouvernement. Nous y sommes totalement opposés. J’émets évidemment un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous soutiendrons cet amendement.
Il ne s’agit pas de contrôler le Gouvernement : il s’agit de lui demander quelle suite il a donnée aux recommandations du CESE. Dans le même esprit, nous défendrons un amendement tendant à créer une obligation pour le Gouvernement de répondre aux conférences citoyennes.
Le but n’est pas d’obliger le Gouvernement à suivre les avis du CESE : il s’agit d’obtenir de sa part des explications sur les raisons pour lesquelles il les a ou non retenus. Cela permettrait de leur marquer une certaine considération, qui manque terriblement aujourd’hui. On passe souvent à côté de très bonnes recommandations du CESE parce qu’elles demeurent invisibles.
Les membres de mon groupe défendent cet amendement, qu’ils trouvent bienvenu.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame la sénatrice, demander au Gouvernement les suites qu’il donne, c’est un peu contrôler son action ! (Vives protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 18 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 19 rectifié, présenté par MM. Benarroche, Gontard, Labbé et Dantec, Mme Taillé-Polian, MM. Fernique, Salmon et Dossus, Mmes Poncet, Benbassa et de Marco et M. Parigi, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le second alinéa de l’article 3 de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 précitée est complété par une phrase ainsi rédigée : « À ce titre, il peut être saisi par le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs d’une demande d’avis sur la mise en œuvre d’une disposition législative entrant dans son champ de compétence. »
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement vise à rétablir l’article 2, supprimé par la commission des lois du Sénat, dans sa rédaction adoptée par l’Assemblée nationale.
En effet, nous considérons qu’il est pertinent de prévoir dans la loi organique la possibilité, pour le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale, celui du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs, de saisir le CESE d’une demande d’avis sur la mise en œuvre d’une disposition législative entrant dans son champ de compétences.
Selon nous, cette disposition renforce la possibilité pour le Parlement d’avoir accès à un éclairage et à une expertise utiles pour remplir sa mission de contrôle et d’évaluation des politiques publiques.
Le dispositif de cet amendement, en particulier la possibilité pour une minorité de parlementaires de saisir le CESE, sur le modèle de ce qui existe pour le Conseil constitutionnel, ne nous paraît pas du tout instaurer une concurrence. Il nous semble proposer un réel renforcement démocratique de nature à légitimer à la fois le Parlement et le CESE.
Nous sommes conscients du risque d’inconstitutionnalité de cet amendement, mais nous estimons que la Constitution laisse une marge de manœuvre et que, le cas échéant, le Conseil constitutionnel pourra, après analyse, retoquer cette proposition. Cela ne sera pas la première fois qu’il censure une disposition proposée par le Parlement !
M. le président. L’amendement n° 42, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le second alinéa de l’article 3 de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 précitée est complété par une phrase ainsi rédigée : « À ce titre, il peut être saisi par le Premier ministre, le Président de l’Assemblée nationale ou le Président du Sénat, d’une demande d’avis sur la mise en œuvre d’une disposition législative entrant dans son champ de compétence. »
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Par cet amendement, le Gouvernement entend rétablir l’article 2 du projet de loi organique, dans une version proche de celle qui a initialement été adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale. La seule différence est que son dispositif ne reprend pas la possibilité de saisine par soixante députés ou soixante sénateurs, qui relève de la Constitution, et non de la loi organique.
Pourquoi rétablir l’article 2 ? L’amélioration de l’évaluation des politiques publiques paraît aujourd’hui une nécessité dans le cadre de la modernisation de l’action publique. L’ordonnance du 29 décembre 1958 relative au CESE prévoit que celui-ci participe et contribue à l’évaluation des politiques publiques à caractère économique, social, environnemental. Cette mission doit être renforcée pour lui permettre de remplir ce rôle plus efficacement.
Le CESE lui-même avait pointé du doigt cette insuffisance dans un avis du 8 septembre 2015. Il avait notamment recommandé d’associer l’ensemble des acteurs aux différentes étapes du processus évaluatif, afin de favoriser la pluralité des points de vue et d’accroître ainsi la crédibilité et la légitimité de l’évaluation des politiques publiques.
Le rétablissement de l’article 2 permettrait de prévoir expressément une modalité concrète de la participation du CESE à la fonction d’évaluation des politiques publiques. Le Conseil d’État l’a relevé d’ailleurs dans son avis du 25 juin 2020.
Il est donc opportun de prévoir que le CESE pourra être saisi d’une demande d’avis sur la mise en œuvre d’une disposition législative entrant dans son champ de compétences. Il s’agit tout simplement de renforcer les outils permettant d’améliorer l’évaluation des politiques publiques.