M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Les deux amendements tendent à ce que le CESE puisse être saisi d’une demande d’avis sur la mise en œuvre d’une disposition législative.
D’abord, le champ de compétences constitutionnel du CESE est relativement large, puisqu’il peut être consulté par le Gouvernement et le Parlement sur tout problème de caractère économique, social et environnemental. Je ne suis donc pas certaine que la saisine doive être ainsi précisée.
En outre, je rappelle que le suivi de la mise en œuvre de dispositions législatives, c’est-à-dire de l’application des lois, est le rôle du Parlement. Comme vous le savez, mes chers collègues, le Sénat publie tous les ans un bilan annuel, matérialisé par une commission permanente, sous l’égide d’un vice-président.
J’en viens à la possibilité de saisine par soixante députés ou soixante sénateurs que tend à instaurer l’amendement n° 19 rectifié. La Constitution dispose que chacune des chambres du Parlement peut saisir le CESE. Dès lors, le dispositif de l’amendement ne me paraît pas conforme à la Constitution. La commission des lois constitutionnelles est aussi de se soucier de la conformité à la Constitution !
Par ailleurs, sur le fond, je ne suis pas sûre qu’il soit très opportun que le CESE puisse en quelque sorte être instrumentalisé par des groupes divers des chambres du Parlement.
La commission est donc défavorable aux deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 19 rectifié ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ayant déposé un amendement qui n’est pas tout à fait identique, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Qui saisit et sur quoi ? Il me semble que les dispositions actuelles de la Constitution relatives à la saisine sont déjà tellement larges que ce que vous défendez, monsieur le ministre, n’apporte rien.
Si nous voulons éventuellement faire évoluer les choses pour qu’un nombre significatif de parlementaires à l’Assemblée nationale ou au Sénat puissent saisir le Conseil économique, social et environnemental, il n’est pas inenvisageable que nous plaidions pour une évolution du règlement de notre assemblée permettant de demander à son président d’engager la démarche si nous l’estimons utile.
La vraie difficulté tient au rythme législatif : nous passons notre temps à légiférer dans l’urgence. Quand quelques jours seulement séparent le dépôt des projets de loi de leur examen en commission, quand l’intervalle entre celui-ci et la discussion en séance n’est parfois que de quelques heures, où est la place pour une consultation du Conseil économique, social et environnemental ? Nous avons vu hier que, dans ce pays, le Président de la République peut demander au Parlement de légiférer et, le lendemain, lui annoncer qu’il a changé d’avis.
Monsieur le ministre, certains textes, à l’instar du présent projet de loi, gagneraient à ne pas être examinés en urgence, pour aboutir à un résultat consensuel. Pourtant, ce n’est pas ainsi que vous envisagez les choses. Dès lors, abstenez-vous de nous promettre que vous rechercherez des consensus !
Ce que l’on constate, pour l’heure, c’est un souci de rapidité et d’accélération. Le problème est là. Il n’est pas dans les dispositions du texte. C’est en raison des pratiques législatives que nous ne pouvons pas accorder une place suffisante au Conseil économique, social et environnemental. Mais, pour les changer, monsieur le ministre, il faut gouverner en prévoyant !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous nous associons à la déclaration de Jean-Yves Leconte.
Nous pensons que la bonne méthode consiste à modifier le règlement interne de chaque assemblée, afin de veiller à ce que la saisine du CESE ne puisse pas seulement se faire sur le fondement de l’unanimité ou du seul choix du président de l’assemblée concernée. Selon nous, il ne convient donc pas de préciser dans le texte la saisine par soixante députés ou sénateurs.
M. le président. En conséquence, l’article 2 demeure supprimé.
Article 3
L’article 4-1 de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 4-1. – Le Conseil économique, social et environnemental peut être saisi par voie de pétition de toute question à caractère économique, social ou environnemental.
« La pétition est rédigée en français et adressée par écrit, par voie postale ou par voie électronique, au Conseil économique, social et environnemental. Elle est présentée dans les mêmes termes par au moins 150 000 personnes domiciliées dans au moins trente départements ou collectivités d’outre-mer, âgées de seize ans et plus, de nationalité française ou résidant régulièrement en France. La période de recueil des signatures est d’un an à compter du dépôt de la pétition.
« Les informations recueillies auprès des signataires afin de garantir leur identification sont précisées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
« La pétition est adressée par un mandataire unique au président du Conseil économique, social et environnemental. Le bureau statue sur sa recevabilité au regard des conditions fixées au présent article et informe le mandataire de sa décision concernant la recevabilité de la pétition. À compter de cette décision, le Conseil dispose d’un délai de six mois pour se prononcer par un avis en assemblée plénière sur les questions soulevées par les pétitions recevables et sur les suites qu’il propose de leur donner.
« L’avis est adressé au Premier ministre, au président de l’Assemblée nationale, au président du Sénat et au mandataire de la pétition. Il est publié au Journal officiel. »
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, sur l’article.
M. Xavier Iacovelli. Au fil des années, nos concitoyens ont démontré leur désir croissant de participer davantage à la vie publique. Nous pouvons notamment le constater au travers d’un certain nombre d’initiatives prises à l’échelle locale et de la multiplication de pétitions en ligne.
Or cette ambition de renforcement de la participation citoyenne aboutit à un constat d’échec relatif. La preuve en est qu’une seule pétition a atteint le seuil de recevabilité de 500 000 signataires depuis la révision constitutionnelle de 2008, qui a introduit cette faculté.
Le CESE, conscient de cet échec, a créé un dispositif de veille des pétitions déposées via des plateformes internet et qui ne lui sont pas directement adressées. Il a été poussé à se tourner vers des intermédiaires pour flécher les pétitions.
Partant de ce constat, l’ambition de ce projet de loi est justement de faire du CESE un acteur essentiel en matière de démocratie participative, par le recueil et le traitement des pétitions.
Dans cette logique, cet article tend à faciliter la pétition auprès du CESE, en autorisant la voie dématérialisée et en réduisant de moitié le délai dont dispose le CESE pour donner un avis. Je tiens à saluer le travail parlementaire et le consensus recherché sur l’assouplissement des modalités de pétition.
Je note également l’abaissement à 16 ans de l’âge requis pour pétitionner, ainsi que celui du nombre de pétitionnaires à 150 000 signataires. Ce sont, selon moi, des mesures importantes qui vont dans le sens d’une meilleure participation des citoyens à la vie publique, notamment des plus jeunes d’entre eux.
Telles sont les raisons pour lesquelles je me réjouis que notre assemblée puisse débattre aujourd’hui de ces questions de société majeures, qui sont chères à nos concitoyens.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 29 rectifié, présenté par MM. Bonhomme, Frassa, Brisson et Bonne, Mme Micouleau, M. Paccaud, Mme Puissat, MM. Vogel, Cardoux, Piednoir, Mandelli, B. Fournier, Bazin, D. Laurent et Bouchet, Mme Belrhiti et MM. Segouin, Sautarel et C. Vial, est ainsi libellé :
Alinéa 3
1° Deuxième phrase
Remplacer le nombre :
150 000
par le nombre :
500 000
et le mot :
seize
par le mot :
dix-huit
2° Dernière phrase
Remplacer les mots :
d’un an
par les mots :
de six mois
La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. Cet amendement tend tout d’abord à maintenir le droit en vigueur, en maintenant le nombre de pétitionnaires requis pour faire valoir le droit de pétition devant le CESE à 500 000 personnes.
L’abaissement du seuil des signatures pour les pétitions permettant de saisir le CESE de 500 000 à 150 000 me paraît en effet injustifié. L’exercice du droit de pétition doit pouvoir se faire de manière parcimonieuse et ne saurait donner matière à une activité pétitionnaire excessive.
Cet amendement vise par ailleurs à ajuster l’âge des pétitionnaires autorisés à faire valoir le droit de pétition devant le CESE à l’âge minimal relatif au droit de vote. L’exemple de Greta Thunberg doit nous inviter à agir avec prudence. C’est pourquoi il vous est proposé de maintenir l’âge du droit de pétition devant le CESE à 18 ans.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Vous n’avez qu’à l’interdire !
M. François Bonhomme. Cet amendement prévoit enfin d’abaisser le délai pour le recueil des signatures à six mois. Ce délai paraît en effet plus raisonnable que le délai d’un an qui nous est proposé.
Quant aux amendements nos 30 rectifié, 31 rectifié et 32 rectifié, ils reprennent séparément les termes de l’amendement n° 29 rectifié.
M. le président. L’amendement n° 30 rectifié, présenté par MM. Bonhomme, Frassa, Brisson et Bonne, Mme Micouleau, MM. Paccaud, Vogel, Cardoux, Piednoir, Mandelli, B. Fournier, Bazin, D. Laurent et Bouchet, Mme Belrhiti et MM. Segouin, Sautarel et C. Vial, est ainsi libellé :
Alinéa 3, deuxième phrase
Remplacer le nombre :
150 000
par le nombre :
500 000
Cet amendement a déjà été défendu.
L’amendement n° 31 rectifié, présenté par MM. Bonhomme, Frassa, Brisson et Bonne, Mme Micouleau, MM. Paccaud, Vogel, Cardoux, Piednoir, Mandelli et B. Fournier, Mme Di Folco, MM. Bazin, D. Laurent et Bouchet, Mme Belrhiti, MM. Segouin, C. Vial, Sautarel et Rapin et Mme Lherbier, est ainsi libellé :
Alinéa 3, deuxième phrase
Remplacer le mot :
seize
par le mot :
dix-huit
Cet amendement a déjà été défendu.
L’amendement n° 32 rectifié, présenté par MM. Bonhomme, Frassa, Brisson et Bonne, Mme Micouleau, MM. Paccaud, Vogel, Cardoux, Piednoir, Mandelli, B. Fournier, Bazin, D. Laurent et Bouchet, Mme Belrhiti et MM. Segouin, Sautarel et C. Vial, est ainsi libellé :
Alinéa 3, dernière phrase
Remplacer les mots :
d’un an
par les mots :
de six mois
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je demande tout d’abord à notre collègue de bien vouloir retirer l’amendement n° 29 rectifié, afin de pouvoir discuter séparément des dispositions introduites dans les trois amendements suivants.
S’agissant du nombre de pétitionnaires nécessaires pour qu’une pétition soit recevable, la commission a accepté que l’on passe de 500 000 à 150 000. Elle est donc défavorable à l’amendement n° 30 rectifié. En effet, le chiffre de 500 000 est assez élevé et une seule pétition, cela a été rappelé à plusieurs reprises, a réussi à atteindre ce seuil, mais elle était irrecevable. Même s’il n’existe pas de chiffre d’or, 150 000 semble un chiffre raisonnable au regard des précédentes pétitions.
Quant à l’amendement n° 31 rectifié, il vise à revenir à l’âge de 18 ans pour le dépôt d’une pétition devant le CESE, contre 16 ans dans le texte de la commission.
La commission a émis un avis de sagesse sur ce point. À titre personnel, je m’interroge de la même façon que l’auteur de l’amendement. En effet, on a l’impression qu’à 16 ans, pour attirer l’attention des pouvoirs publics, il faut faire preuve d’une capacité d’indignation et d’enthousiasme à peu près inversement proportionnelle à ses connaissances et à son expérience.
Cela légitime-t-il cette indignation ? Je ne sais pas ! Quoi qu’il en soit, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement, chacun appréciera comme il l’entend.
Sur l’amendement n° 32 rectifié, qui tend à réduire le délai de recueil des signatures, je rappelle qu’il n’existait pas de délai. La commission a jugé utile de prévoir un délai d’un an. L’auteur de l’amendement souhaite inscrire un délai de six mois. La commission, qui préfère s’en tenir à sa proposition initiale, est donc défavorable à cet amendement.
Pour résumer, monsieur le président, la commission demande le retrait de l’amendement n° 29 rectifié ; elle est défavorable à l’amendement n° 30, s’en remet à la sagesse de notre assemblée sur l’amendement n° 31 rectifié et est défavorable à l’amendement n° 32 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le sénateur Bonhomme, vous voudriez paralyser le CESE que vous ne feriez pas autrement ! Je n’ai pas senti dans ces amendements une grande force progressiste. Bien évidemment, le Gouvernement y est totalement défavorable. Permettez-moi de vous dire pourquoi.
Tout d’abord, un seuil de 500 000 pétitionnaires, cela ne marche pas ! Il faut donc changer les règles. Mme la rapporteure l’a dit, il fallait bien fixer un chiffre, et c’est celui de 150 000 qui a été retenu. Nous avons regardé ce qui se fait dans les autres démocraties. Aux États-Unis, le seuil est de 100 000 signataires.
Ensuite, vous proposez de réduire le délai de recueil des signatures, ce qui rendra bien évidemment plus difficile la saisine du CESE. Au regard de mes propos liminaires, j’aurais tendance à dire : CQFD.
Par ailleurs, s’agissant de l’abaissement de l’âge requis pour pétitionner à 16 ans, ce n’est pas parce qu’on n’est pas un citoyen qu’on n’a pas d’idées !
M. Fabien Gay. Très bien !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Tout ce qui peut rapprocher la jeunesse de la démocratie va dans le bon sens. On ne peut pas se plaindre que les jeunes se désintéressent de la politique, de la vie publique, de la res publica, au sens large du terme, et ne pas faire en sorte que certains d’entre eux s’intéressent à ce qui se passe dans notre société, et plus largement dans la vie de notre pays. Ce n’est pas parce qu’on a 16 ans qu’on n’a pas d’idées ni de bonnes idées.
D’ailleurs, quand on a 16 ans, on peut conduire, chasser, ouvrir un compte : on a un certain nombre de droits. Certes, on n’est pas encore un citoyen au sens où l’on ne vote pas, mais on appartient à la société. Dans nos familles, les gamins de 16 ans ont souvent la bonne idée, celle que l’on n’a pas eue. (M. François Bonhomme s’exclame.) La Haute Assemblée enverrait un signe fort aux jeunes gens de 16 ans, en les prenant en considération et en leur accordant le droit de pétitionner. Même s’il ne s’agit pas d’une expression citoyenne, ce n’est pas une expression neutre.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements, lesquels, s’ils étaient adoptés, paralyseraient définitivement le CESE, ce qui n’est tout de même pas le but que nous recherchons.
M. François Bonhomme. Ça ne changerait rien !
M. le président. L’amendement n° 29 rectifié est-il maintenu, monsieur Bonhomme ?
M. François Bonhomme. Je vais le retirer, monsieur le président.
Permettez-moi de rebondir sur les propos de M. le ministre. Je suis désolé de ne pas appartenir aux « forces progressistes », pour reprendre ses propres termes. Je m’efforce d’y parvenir, bien que je ne voie pas l’aspect progressiste de ces dispositifs.
Vous me dites que le seuil de 500 000 pétitionnaires est beaucoup trop élevé. Peut-être pourrions-nous nous interroger sur les raisons pour lesquelles nous avons du mal à recueillir 500 000 signatures ?
Pour ce qui concerne l’âge requis pour pétitionner, je rappelle que l’âge légal du droit de vote en France est fixé à 18 ans. On considère que, dans la formation des esprits, c’est l’âge où l’on s’émancipe et où l’on acquiert la capacité de discernement. Cela n’a rien à voir avec la capacité de conduire une voiture, qui pourrait être fixée à 14 ans. Votre analogie n’est pas particulièrement convaincante.
Enfin, j’ai pris l’exemple de Greta Thunberg. Quand j’ai vu tous les médias se précipiter pour recueillir ses propos et suivre le moindre de ses déplacements, quand j’ai vu qu’elle était reçue à l’ONU par les chefs d’État qui s’aplatissaient devant une jeune fille qui ne s’exprimait que par des slogans et leçons de morale (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.), bien qu’ils connaissent parfaitement, étant au pouvoir, la complexité des choses et la difficulté de gouverner, j’ai compris l’état de la société et son infantilisation. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Valérie Boyer. Bravo !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Quel beau message adressé à la jeunesse !
M. le président. L’amendement n° 29 rectifié est retiré.
La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote sur les amendements restant en discussion.
M. Fabien Gay. Monsieur le garde des sceaux, je suis pleinement en accord avec ce que vous avez dit, du début à la fin.
Monsieur Bonhomme, bien que vous n’apparteniez pas aux « forces progressistes », nous pouvons avoir un débat. Pensez-vous que, dans notre pays, il y ait trop de débats politiques, qu’il y ait trop d’hommes et de femmes qui se saisissent du débat politique ? Ne pensez-vous pas que l’abstention massive doit nous interpeller, toutes et tous ?
Si vous pensez qu’un trop grand nombre de personnes se mêlent de politique et qu’il faut entraver la démocratie, y compris concernant le droit de pétition, en faisant en sorte que personne ne puisse jamais y avoir accès, adoptez ces amendements !
Le problème est le même qu’avec le référendum d’initiative partagée, le RIP. Cette procédure a connu une tentative de mise en œuvre au sujet de la privatisation d’Aéroports de Paris (ADP), car 248 parlementaires de tous bords politiques avaient réussi à se mettre d’accord – c’était inédit. Ensuite, il fallait obtenir le soutien de 4,7 millions d’électrices et d’électeurs. Nous avons réussi à obtenir un million de signatures. Nous avons rencontré une foule de difficultés, le Gouvernement ayant sciemment fait le choix d’étouffer la question. Nous devrons en rediscuter.
Monsieur le garde des sceaux, il faut donc abaisser le seuil du nombre de pétitionnaires, mais aussi faciliter le droit de pétition, en faire la promotion, donner les moyens à celles et ceux qui veulent se mobiliser sur telle ou telle question de réunir 150 000 pétitionnaires.
Ce débat dépasse largement la question du CESE. Il soulève des questions concernant notre démocratie et la démocratie participative. Je pense également à la Convention citoyenne pour le climat. Pourquoi celle-ci ne rend-elle des comptes qu’au Président de la République ? Pourquoi le Parlement est-il dessaisi ? Cela pose problème !
Sans compter que le Président de la République a décidé d’écarter trois propositions sur les cent cinquante. Sur ce, Bruno Le Maire décide d’en enlever trois autres. À la fin, il n’en reste rien et nous n’aurons eu aucune prise directe avec la Convention citoyenne.
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.
M. Xavier Iacovelli. Abaisser à 16 ans l’âge requis pour pétitionner, ce n’est pas faire preuve d’un jeunisme malvenu. En tant que parlementaires, nous devons être à l’écoute des revendications de nos concitoyens et de leur désir de s’investir dans la vie publique. On ne peut pas écarter d’un revers de main l’envie croissante de la jeunesse de s’investir dans la vie publique et de participer aux débats de notre société. On ne peut pas non plus invoquer une présomption d’incompétence avant 18 ans.
Dès le lycée, les jeunes sont mobilisés et intéressés à la chose publique. Je rappelle d’ailleurs qu’un certain nombre de collectivités retiennent l’âge limite de 16 ans et que les assemblées parlementaires s’en affranchissent.
Le fait de ne pas être électeur n’induit pas forcément une incapacité de pétitionner.
Ainsi l’exposé des motifs de l’amendement déposé par notre collègue François Bonhomme traduit une position caricaturale de l’opposition. Il cite Greta Thunberg pour hystériser le débat, sachant pertinemment qu’elle ne fait pas l’unanimité, et pour décrédibiliser toute participation de la jeunesse au débat public.
Mes chers collègues, je vous demande d’être à l’écoute de l’évolution de notre société, des revendications nouvelles et de nos concitoyens. J’insiste sur ce point : la participation est voulue par la jeunesse.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. À mes yeux, cette question est très importante pour notre démocratie.
Vous le disiez, monsieur le ministre, dans la crise démocratique que nous traversons, tout ce qui permet aux citoyens de se sentir acteurs, de près ou de loin, de la vie publique ne peut être qu’une avancée. C’est encore plus vrai pour notre jeunesse.
À longueur de journée, on entend dire qu’elle est dépolitisée et désidéologisée. Mais elle s’engage ! Cela ne nous fait pas toujours plaisir et on n’est pas toujours d’accord. De toute façon, depuis le début de l’histoire de la démocratie, il y a toujours eu des tensions entre la jeunesse et les corps institués qui représentaient les citoyens. Préférez-vous qu’elle commette des actes de révolte, plutôt que de dire, par le biais d’une pétition, ce qu’elle souhaite ? N’êtes-vous pas favorables à ce que la démocratie représentative leur donne des réponses, quitte à dire non ?
Vous avez peur du peuple, et le peuple sent que les représentants du peuple ont peur de lui. Il y a aujourd’hui une crise terrible, dans notre pays, entre la jeunesse et ceux qui la représentent. Le droit de pétition n’est pas tout. Que risquons-nous ? Les jeunes de 16 ans peuvent être membres d’une association, ils s’engagent auprès des Restos du cœur ou d’ATD Quart Monde. Mais le jour où ATD Quart Monde fait une pétition, ils n’auraient pas le droit de la signer ? Je vous rappelle au passage que le droit au logement opposable retenu par le président Chirac, qui a fait florès dans tous les rangs de nos assemblées, est né d’un rapport du Conseil économique, social et environnemental.
Il ne s’agit pas de leur donner le droit de décider. Le débat sur le droit de vote est un autre débat. Il est ici question du droit de pétition, pour se faire entendre et obtenir des réponses. En l’occurrence, de quoi avons-nous peur ?
M. François Bonhomme. Ce n’est pas une question de peur !
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je ne sais pas qui est progressiste ou qui ne l’est pas ce soir. Je sais simplement, et je l’ai déjà dit ici, que nous devons nous prémunir toutes et tous du progressisme, qui n’est jamais une avancée – comme vous le constatez, je commence doucement… (Sourires.)
Comme l’ont dit mes deux collègues, la question n’est pas d’avoir ou non peur du peuple. Il s’agit d’un débat beaucoup plus fondamental sur ce qu’est devenu le CESE.
M. François Bonhomme. Un ectoplasme !
Mme Cécile Cukierman. À l’origine, le Conseil économique et social, le CES, issu de la guerre, des initiatives d’un certain nombre de gouvernements et d’une volonté de construction de la République, constituait, pour ce que l’on qualifie aujourd’hui de « corps intermédiaires » – organisations syndicales et organisations patronales – un espace de discussion, de proposition et d’expertise, pour permettre à tous ceux qui sont amenés à décider dans notre pays, du législateur au Gouvernement, de disposer d’un éclairage particulier.
Cette institution a progressivement évolué, se transformant en CESE, Conseil économique, social et environnemental. Toutefois, la question ne porte pas sur cet aspect environnemental. En effet, nous sommes passés de questions et enjeux sociaux fondamentaux pour comprendre notre République et décider de son avenir à des questions sociétales, sur lesquelles tout un chacun peut intervenir, faisant ainsi éclater les camps des progressistes et des non-progressistes, ainsi que de la gauche et de la droite : toute la représentation politique et démocratique, qui constituait un repère dans notre pays, a été atomisée.
Pour conclure, comme je l’ai dit en commission, je ne suis pas favorable à l’abaissement à 16 ans du droit de pétition, et voterai non pas l’ensemble de vos amendements, monsieur Bonhomme – finalement, vous n’avez pas complètement rejoint le camp progressiste ! –, mais simplement l’amendement n° 31 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Considérez la situation et le couvre-feu qui sera instauré dans deux jours. Il n’aurait peut-être pas été inutile de recueillir l’expression de la jeunesse sur l’évolution des choses depuis quelque temps.
Par ailleurs, si nous considérons qu’il y a un âge pour devenir citoyen, nous n’aurons plus de citoyens ! La citoyenneté s’apprend progressivement. Il n’est pas illogique de permettre aux moins de 18 ans de s’exprimer, même si la responsabilité du vote intervient plus tard !
Je ne comprends pas la pensée binaire du tout ou rien. N’oublions pas l’apprentissage, l’éducation et la progressivité. Au demeurant, c’est bien le même problème sur d’autres sujets. Ainsi, les mineurs isolés étrangers ne deviennent pas, du jour au lendemain, des adultes capables de tout ! Leur évolution est progressive. En tant que parents d’enfants qui sont devenus majeurs, nous le savons bien. Un accompagnement est nécessaire : plus on fait de choses quand on est jeune, mieux on les fera plus tard.
L’évolution qui nous est proposée, c’est finalement la reconnaissance de la capacité des jeunes à s’exprimer et le besoin de la société de recueillir cette expression.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Je suis bien aise, monsieur le ministre, chers collègues si ardents défenseurs et porte-parole de la jeunesse, de vous entendre constater ce besoin et même cette envie irrépressible de la jeunesse française de s’exprimer enfin par l’exercice du droit de pétition au Conseil économique et social.
Jusqu’à ce soir, je n’avais pas eu l’occasion de faire ce constat. Je vais donc m’empresser d’en parler à mes petits-enfants, pour vérifier que l’enthousiasme que vous avez exprimé en faveur de l’abaissement à 16 ans de l’exercice du droit de pétition au Conseil économique et social est partagé par nos jeunes ! (Sourires.)