M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. Il s’agit là d’un débat riche, très intéressant et attendu. À cette heure, la question n’est pas tranchée. Je me contenterai donc de formuler quelques rappels.
Tout d’abord, sur la forme, ces amendements ne visent pas à rouvrir les plages, mais à permettre leur réouverture par décret. Une telle injonction permettrait à certains élus d’accroître la pression exercée sur le Gouvernement. Mais un décret signé par le Premier ministre suffit, aujourd’hui, pour rouvrir les plages : il n’est pas nécessaire de recourir à la loi. En outre, à compter du 2 juin, selon l’évolution de l’épidémie, le Gouvernement pourra, à tout moment, procéder par décret pour rouvrir, sous conditions, tout ou partie des plages.
Cette solution reste tout à fait possible. Certes, on a fixé une période de trois semaines avant de réexaminer la situation ; mais cela ne signifie pas que l’on ne peut pas se poser de questions suivant l’évolution de la situation épidémique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je dispose des derniers chiffres fournis par Santé publique France. Dans les vingt-quatre dernières heures, 111 nouveaux patients ont été admis dans les réanimations françaises à cause d’une infection au coronavirus ; ce chiffre reste élevé. De plus, 1 104 patients ont été diagnostiqués par test PCR, et près de 1 000 nouveaux patients ont été hospitalisés.
Certes, la saturation des hôpitaux diminue. Le nombre de lits occupés en réanimation a baissé de 266. Les patients Covid en réanimations occupent, désormais, 3 430 lits. On est loin des 7 000, mais, si l’on ajoute à ce chiffre le nombre des malades hors Covid, 6 400 patients sont hospitalisés en réanimation. Ces services souffrent ; ils sont en grande tension. De surcroît, le nombre de patients hospitalisés est encore de 24 775 : c’est 773 de moins, mais – je vous l’ai indiqué – de nouveaux malades sont arrivés.
En d’autres termes, l’épidémie n’est pas terminée et la levée du confinement, progressive à partir du 11 mai prochain, n’est pas le retour à la vie d’avant. Tout le monde aimerait aller à la plage, mais personne n’a envie d’attraper le virus !
Les conditions retenues n’ont pas été fixées au doigt mouillé, en se limitant à tel ou tel aspect. Les autorités chargées des questions sanitaires et scientifiques ont été saisies systématiquement. Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a remis un avis ; le conseil scientifique a fait de même ; des discussions fournies ont été menées pour déterminer dans quelles conditions l’on pouvait ouvrir tel ou tel lieu.
On parle de limiter les rassemblements à moins de dix personnes. On annonce qu’il n’y aura pas de mariages festifs, en famille, au mois de mai, peut-être même en juin. Il s’agit pourtant d’événements extrêmement importants. Dans les lieux de culte comme dans les grands musées, l’heure est encore aux restrictions d’accès.
J’ai été très sensible à certaines de vos interventions, car, moi aussi, j’ai rencontré des élus de territoires littoraux, et ces derniers m’ont dit : « Surtout, faites en sorte que les habitants de Paris ou de Lyon ne se ruent pas dans les TGV, ne se précipitent pas dans leur voiture pour passer la phase post-confinement sur nos plages ! »
En prononçant ces mots, c’est aux populations du littoral que je pense. J’entends la comparaison avec la Suisse, mais je pose la question : pourquoi le Haut-Rhin a-t-il été frappé et non l’Isère ? Pourquoi le Bas-Rhin a-t-il été touché et non la Dordogne ? Pourquoi, nonobstant l’unité de la Nation française, tel département a-t-il été si durement touché alors que tel autre a été épargné ou n’a pas connu de vague épidémique ?
Vous le savez pour l’avoir vécu : lorsqu’une épidémie commence dans un territoire, on est obligé de couper toute activité pour empêcher qu’elle ne s’étende encore et encore. C’est le seul moyen de freiner la circulation du virus.
Voilà pourquoi il faut résister à ces velléités : sinon, l’on multiplierait, de manière involontaire, certes, mais bien réelle, les foyers épidémiques viraux sur notre territoire. Ne commettons pas cette erreur !
Croyez-moi : dès que nous aurons la certitude que le virus est au tapis, qu’il suffit de l’achever et que l’épidémie ne peut pas reprendre, nous rouvrirons les plages, nous ferons en sorte que les Français reprennent leur vie d’avant et nous développerons le secteur touristique. Nous serons fiers d’ouvrir nos frontières et d’accueillir les visiteurs sur tous les points de notre beau pays !
Au demeurant, j’indique que les forêts n’ont jamais été fermées.
M. Olivier Paccaud. C’est une plaisanterie ?
M. Olivier Véran, ministre. Les forêts étaient ouvertes, mais il était interdit de s’y déplacer. (Exclamations ironiques.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce point de droit a son importance. Vous en conviendrez, la fermeture d’un endroit est une chose, l’interdiction de se déplacer, qui empêche de s’y rendre, en est une autre.
Aujourd’hui, l’on considère que les forêts ne risquent pas de provoquer les mêmes mouvements, par TGV ou par voiture, de populations désireuses d’y passer le week-end. En bon Isérois, je ne peux que vous dire que la montagne est belle et que les forêts le sont tout autant ! (Sourires.) Mais je sais très bien que l’impact ne sera pas le même si l’on ouvre les magnifiques plages de la Bretagne ou du sud de la France.
Aussi, je vous demande de ne pas voter ces amendements. N’adressez pas une telle injonction au Gouvernement ; n’exercez pas une telle pression. J’y insiste : depuis le premier jour de cette épidémie, notre objectif est de protéger la santé des Français, et ce but primera toujours pour nous !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 5.
L’amendement n° 44 rectifié ter, présenté par Mmes Guidez et Létard, M. de Montgolfier, Mme Doineau, M. Détraigne, Mmes Loisier et Vermeillet, MM. Longeot et P. Martin, Mme Billon, MM. Kern, Canevet et Moga, Mmes Sollogoub, C. Fournier et Perrot, MM. Regnard, Paccaud, Bonne, Guerriau et Mandelli, Mme Micouleau, MM. Vogel, Chasseing et Bonhomme et Mmes Goy-Chavent, L. Darcos et Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code pénal est ainsi modifié :
1° Après le 11° de l’article 311-4, il est inséré un 12° ainsi rédigé :
« 12° Lorsqu’il est commis en période de menace ou crise sanitaires graves au sens du titre III du livre Ier de la troisième partie du code de la santé publique et qu’il porte sur un bien de première nécessité pour prévenir ou limiter cette crise ou cette menace. » ;
2° Après le troisième alinéa de l’article 131-22, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la personne a été condamnée sur le fondement du 12° de l’article 311-4, elle accomplit de préférence la peine de travail d’intérêt général dans un établissement spécialisé dans l’hébergement des personnes âgées dépendantes, dans un établissement de santé ou dans un établissement médico-social. »
La parole est à Mme Jocelyne Guidez.
Mme Jocelyne Guidez. Après avoir vanté les plages et la pêche aux bigorneaux, lâchons l’ancre, tels les capitaines au long cours, et partons vers d’autres horizons ! (Sourires.)
Durant cette période de pandémie, des milliers de vols de masques et de gel hydroalcoolique ont été constatés sur l’ensemble du territoire national : plusieurs témoignages de directeurs d’établissements et d’acteurs locaux ont illustré ce triste phénomène.
Dans de telles circonstances, ces agissements inspirent des inquiétudes. Ils ne sont pas sans conséquences. En effet, les premières victimes sont les personnels de santé, qui, notamment au début de cette crise sanitaire, manquaient parfois de matériel de protection.
Surtout, au-delà même des risques que ces auteurs d’infraction font courir aux personnels de santé et à la population tout entière, les bénéfices financiers qu’ils peuvent susciter sont choquants et intolérables. La presse a relaté à plusieurs reprises des cas de trafics illégaux. Certains ont même organisé du porte-à-porte pour revendre des masques, jusqu’à 15 euros l’unité !
Face à ces délinquants, la République doit faire preuve d’une grande fermeté et d’une sévérité affirmée.
C’est tout le sens de cet amendement, qui vise à introduire, dans le code pénal, une nouvelle circonstance aggravante pour tout vol commis en période de menace ou de crise sanitaires grave, portant sur un bien de première nécessité destiné à prévenir ou à limiter cette crise ou cette menace.
Les peines seraient ainsi portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende.
Au surplus, la juridiction qui prononcerait une peine de travail d’intérêt général contre l’auteur d’un tel fait pourrait préciser que ce travail doit être accompli, de préférence, dans un Ehpad, dans un établissement de santé ou dans un établissement médico-social. Le but est de sensibiliser l’intéressé quant aux conséquences de son geste.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 46 rectifié ter, présenté par Mmes Guidez et Létard, M. de Montgolfier, Mme Doineau, M. Détraigne, Mmes Loisier et Vermeillet, M. Longeot, Mme Gatel, M. P. Martin, Mme Billon, MM. Kern, Canevet, Henno et Moga, Mmes Sollogoub, C. Fournier, Perrot et Férat, MM. Regnard, Paccaud, Bonne, Guerriau et Mandelli, Mme Micouleau, MM. Vogel, Bouchet, Lefèvre et Chasseing et Mmes N. Delattre, Goy-Chavent, L. Darcos, Vérien et Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les examens de biologie médicale de dépistage du Covid-19 sont effectués en respectant l’ordre des priorités suivant :
- le dépistage des personnes présentant des symptômes d’infection ;
- le dépistage des personnels soignants ayant été en contact avec des personnes infectées ;
- le dépistage des personnes ayant, au cours des dix jours précédents, assisté des personnes infectées au domicile de ces dernières.
La parole est à Mme Jocelyne Guidez.
Mme Jocelyne Guidez. Dans nos territoires, de nombreuses inquiétudes ressurgissent quant à l’accès aux tests pour les personnes, qu’il s’agisse de professionnels ou non, qui interviennent dans des lieux d’habitation. C’est le cas des aides à domicile, mais aussi des millions d’aidants qui œuvrent quotidiennement auprès d’un proche malade, en situation de dépendance ou de handicap.
Parce qu’elles participent à l’effort de la Nation, parce que certaines d’entre elles ont subi la pénurie de masques et de gel hydroalcoolique, parce que toute une chaîne de la solidarité nationale se serait dissoute sans leur mobilisation, ces personnes méritent l’attention des pouvoirs publics. Il est donc important qu’elles bénéficient, elles aussi, des tests de dépistage, afin d’être sûres qu’elles ne sont pas contaminées par le Covid-19. Sans cela, elles risqueraient de propager le virus sans le vouloir, y compris au sein de leur propre famille.
Entre les contraintes professionnelles et familiales, leur intervention n’est pas toujours facile en temps normal. En pareilles circonstances, elle l’est encore moins. À l’épuisement physique et psychologique, n’ajoutons pas une prise de risques !
Avec cet amendement, nous proposons de dépister en priorité, après les individus présentant des symptômes d’infection et les personnels soignants, les personnes ayant, au cours des dix jours précédents, assisté des personnes infectées au domicile de ces dernières.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Je ne commenterai pas les avis qui viennent d’être donnés. Cela étant, je saisis cette occasion pour alerter une nouvelle fois M. le ministre sur le sort des aidants et, plus généralement, sur la situation décrite par Mme Guidez.
Il faudra tirer les enseignements de cette crise, via des textes de loi consacrés à la prise en charge des personnes isolées et handicapées ; à cet égard, il faudra se pencher tout particulièrement sur les situations de confinement. On l’a bien vu au sein des territoires : les services dont il s’agit ont été les derniers pris en considération. Souvent, ils ont dû se contenter des moyens qui restaient disponibles…
Au-delà, le débat sera celui de la responsabilité. Il appellera celui des primes financières et, plus largement, de la reconnaissance. Cette crise a révélé la situation extrêmement difficile des aidants ; il est indispensable de revoir clairement leur statut, et il y a urgence.
Lorsque les établissements ne peuvent plus assurer leur mission de prise en charge, on s’appuie sur les aidants. Si ces derniers n’obtiennent pas de véritable reconnaissance, demain, nous courrons à la catastrophe !
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le ministre, c’est précisément sur la politique de dépistage que je souhaite vous interroger.
Premièrement, qu’en est-il du dépistage dans des lieux où de nombreuses personnes sont confinées, notamment les Ehpad et les instituts accueillant des handicapés ?
Jusqu’à présent, la doctrine était de tester dès lors qu’un cas était confirmé dans les quinze jours précédents. Lors d’une visioconférence, il y a environ un mois, j’ai interpellé le Premier ministre, en votre présence, pour que l’on massifie cette politique de dépistage. À partir de quand pourrez-vous vous extraire de l’ancienne doctrine, pour que le dépistage devienne réellement massif dans l’ensemble de ces lieux ?
Deuxièmement, en vertu de l’arrêté du 5 avril dernier, les laboratoires d’analyses départementaux ont été autorisés à procéder au dépistage virologique, mais ils attendent toujours l’agrément pour le dépistage sérologique. Y a-t-il quelque chose qui bloque ? Cette question a toute son importance : comme vous le savez, ces structures disposent de capacités considérables. Elles peuvent effectuer 80 000 tests par jour.
Troisièmement, et enfin – c’est une véritable question : n’y voyez pas malice –, le Premier ministre a récapitulé, devant l’Assemblée nationale, le fameux calcul aboutissant à 700 000 tests par semaine, 3 000 cas, multipliés par 25, puis par 7 – pour les sept jours de la semaine –, formant un total de 525 000. (M. le ministre acquiesce.)
À cet égard, parmi les statistiques quotidiennement détaillées par le professeur Salomon, quel repère permet de prendre pour base le chiffre de 3 000 cas ? Corrigez-moi si je me trompe : d’après l’Institut Pasteur, 2,6 % des personnes contaminées sont hospitalisées. Si ce chiffre n’est pas contesté, les quelque 680 malades admis hier à l’hôpital laissent présumer 26 000 nouveaux cas.
Le Premier ministre nous a dit que, pour le Gouvernement, l’un des repères serait le nombre quotidien de nouveaux cas ; entre 1 000 et 3 000, j’ai besoin de savoir où nous nous situons et comment sont effectués ces calculs !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. Monsieur Retailleau, je vais tâcher de répondre à ces trois questions factuelles et précises.
Au sein des Ehpad, 50 000 tests ont été réalisés en l’espace d’une seule semaine.
D’après les agences régionales de santé, ce dépistage massif, dès le premier cas, a bien fonctionné ; son extension à l’ensemble des Ehpad m’a été demandée ponctuellement, notamment par la présidence de l’un des deux départements alsaciens, étant donné la prévalence des établissements concernés par au moins un cas. J’ai répondu oui, évidemment, et certains départements sont allés bien plus loin que les tests réalisés après un cas avéré, afin de disposer d’un bilan sûr, pour un jour donné. La situation évolue bien.
D’ailleurs, un certain nombre d’établissements de santé ont engagé une campagne de tests systématiques pour les patients rentrant après quelques jours passés à l’hôpital. Il ne s’agit pas encore d’une doctrine ; mais cette méthode est intéressante et nous sommes en train d’y réfléchir. Si les capacités de test le permettent, nous allons voir s’il convient de la généraliser.
Pour ce qui concerne les laboratoires vétérinaires départementaux, la certification est du ressort des préfets ; elle a été accordée à un grand nombre d’établissements – quelques-uns, cependant, ne l’ont pas obtenue. Nous travaillons également avec ces laboratoires sur les techniques de « poolage », permettant d’effectuer simultanément quinze ou vingt prélèvements au lieu de les faire un par un ; ce faisant, on sait si un tel échantillon contient un prélèvement positif ou s’il n’en contient aucun. C’est ainsi que procèdent les Allemands.
Pour l’instant, le Centre national de référence, le CNR, a validé une sérologie, eu égard à son très haut degré de précision. D’autres sont presque validées.
Néanmoins, selon la Haute Autorité de santé, l’usage que l’on peut faire de la sérologie, en pratique, n’est pas encore complètement clair. Nous n’en sommes pas encore à nous demander qui va faire les sérologies, sachant que, contrairement aux tests PCR, celles-ci ne font pas appel à des plateformes techniques particulières.
Le but est que, demain, un patient puisse connaître son statut sérologique grâce à une prise de sang. Nous disposons de 3 800 laboratoires de biologie médicale humaine répartis sur l’ensemble du territoire, et l’apport des laboratoires vétérinaires n’est pas indispensable en la matière ; toutefois, rien n’empêchera de faire appel à eux si nécessaire. Nous verrons.
Enfin, vous m’interrogez sur l’indicateur d’évolution de l’incidence – ou de la prévalence – virale dans la population, permettant de connaître, chaque jour, le nombre de nouveaux malades.
J’ai, bien malgré moi, fait frissonner une partie des Français dimanche dernier : les lecteurs d’un grand quotidien ont découvert en une que la date du 11 mai n’était pas certaine. Cela étant – vous l’avez rappelé vous-même –, je ne faisais que reprendre les propos du Premier ministre, qui, mardi dernier, devant l’Assemblée nationale, a souligné que les conditions du déconfinement devaient être réunies.
Nous devons être capables de tester tout le monde, de tracer tout le monde, d’isoler tout le monde et de casser les chaînes de contamination ; ainsi, nous serons sûrs que l’épidémie est redescendue à un niveau suffisamment bas pour être maîtrisée.
Dès lors, nous pourrons lever un certain nombre de contraintes – le facteur de reproduction, ou facteur R0, augmentera nécessairement –, sans risque de voir exploser le nombre de nouveaux cas : il s’agit d’éviter une seconde vague, que nous ne voulons pas et que personne ne souhaite.
J’ai déjà indiqué les chiffres d’aujourd’hui ; environ 1 000 nouveaux cas ont été diagnostiqués par PCR et quelque 1 000 patients ont été hospitalisés.
Comme moi, vous êtes curieux. Selon certaines estimations, pour un malade hospitalisé, il y en a quarante dans la nature. En conséquence, le nombre de malades aurait augmenté de 40 000 aujourd’hui. Vous vous interrogez, car ce chiffre n’est pas bon du tout, et vous examinez un autre chiffre, celui des réanimations ; pour un malade en réanimation, il y en aurait cent cinquante dans la nature. En multipliant par 150 le nombre des nouvelles personnes en réanimation, soit 111, on obtient environ 17 000 malades ; c’est déjà mieux – en tout cas, c’est très loin du premier chiffre.
Il faut le savoir, un débat existe entre les épidémiologistes, qui suivent les situations en temps réel, et les modélisateurs, qui font un travail d’anticipation.
Comment les modélisateurs travaillent-ils ? Ils prennent les données publiées tel jour – nombre de nouvelles hospitalisations, de nouveaux patients en réanimation, de diagnostics PCR, de sorties et de guérisons, indicateurs des médecins généralistes et des réseaux sentinelles – et ils les traduisent sous forme de courbe. Puis, selon l’évolution de la courbe, ils calculent le R0. Si le nombre de malades est multiplié par trois en l’espace d’une semaine, le R0 s’établit à 3 ; s’il est divisé par trois, il est de 0,33.
Ce modèle est construit de manière rétrospective, avec deux ou trois semaines de recul. Sur cette base, le modélisateur commence à faire de la prospection pour estimer les chiffres des dix ou quinze prochains jours. S’il tombe juste – si le nombre de nouveaux malades correspond à ses projections –, il tient sa courbe et peut la prolonger, pour déterminer combien de nouveaux malades seront dénombrés au 11 mai.
Aujourd’hui, selon les modélisateurs, nous sommes encore dans les clous. Jeudi prochain, nous présenterons les dernières modélisations arrêtées, nettes, franches et définitives ; nous sommes dans les clous, je le répète, mais il n’a pas beaucoup de marge. C’est la raison pour laquelle je demande aux Français de faire très attention.
Nous sommes à 10 000 lieues du débat précédent, mais je tiens à insister sur ce point, car il a toute son importance. Le Président de la République, le Premier ministre, le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, et moi-même ne cessons de le répéter : il faut faire preuve de la plus grande prudence. Si, d’ici à dimanche, le relâchement est trop fort, on risque de sortir des clous.
Aujourd’hui, la perspective est d’environ 3 000 malades par jour. Cette modélisation, c’est de la belle science, mais ce n’est pas de la science pure : nous n’avons pas de certitude au malade près. Le Premier ministre l’a dit : il faut être en mesure de tester et de tracer quinze à vingt-cinq personnes appartenant à l’entourage de chacun de ces 3 000 malades.
Partons du chiffre de vingt-cinq personnes : on aboutit à 725 000 tests par semaine. Si l’on veut monter à ce niveau, c’est parce que, pour identifier un malade, il faut faire un certain nombre de tests.
Monsieur Retailleau, je prends les devants : peut-être que, à la fin de la semaine prochaine, nous n’aurons pas fait 700 000 tests, non pas faute d’avoir pu les effectuer, mais parce que, finalement, le nombre de nouveaux malades est inférieur au niveau prévu. Ce serait une bonne nouvelle !
Imaginons que, au lieu des 3 000 malades attendus par les modélisateurs, il n’y en ait en fait que 500, et qu’ils ne soient entrés en contact qu’avec dix ou quinze personnes. On aboutirait ainsi à 5 000 personnes symptomatiques et cas contacts à tester chaque jour, donc très loin des 700 000 tests par semaine.
Ensuite, nous pourrons bien sûr faire plus ; mais notre but, c’est d’être en mesure de monter en charge, le cas échéant jusqu’à 700 000 tests par semaine.
Mesdames, messieurs les sénateurs, veuillez excuser cette digression : ces propos n’ont guère de rapport avec le présent texte. Mais notre débat m’offre l’occasion de vous apporter ces explications, qui ont toute leur importance. Les Français doivent rester chez eux jusqu’à dimanche prochain pour que le nombre quotidien des nouveaux malades ne bondisse pas à 8 000 ou 9 000. Face à de tels chiffres, aucun pays ne serait en mesure de réussir la sortie du confinement.
Nous scrutons ces chiffres avec la plus grande attention. Je remercie les modélisateurs, les épidémiologiques et l’ensemble des scientifiques qui nous permettent de piloter avec un certain nombre de données et d’informations, en composant avec l’incertitude inhérente à toute épidémie.
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour explication de vote.
Mme Jocelyne Guidez. Mes chers collègues, j’insisterai un peu plus pour cet amendement que pour le précédent !
Nous devons, à tout le moins, tendre la main aux aides à domicile et aux aidants. Régulièrement, ils m’envoient des messages. Or ils ont l’impression d’entre transparents. Ils ne demandent pas grand-chose, mais on leur oppose toujours une fin de non-recevoir. Ils n’ont pas eu de masques – je ne vous parle même pas des autres produits –, et, pour les tests également, la situation semble compliquée.
Votons cet amendement. Je sais bien qu’une fois chez lui, à l’Assemblée nationale, le Gouvernement balayera ces dispositions. Mais, au moins, le Sénat aura montré qu’il est à l’écoute de ces personnes !
M. Alain Milon. Il l’a déjà montré !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 5.
(M. Gérard Larcher remplace M. Thani Mohamed Soilihi au fauteuil de la présidence.)