M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 155, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. L’article 5 permet d’habiliter un certain nombre de personnels pour faire respecter les mesures prévues dans le cadre de l’état d’urgence, Philippe Bas vient d’en parler.
Il donne en particulier aux agents assermentés des transports publics la faculté de faire respecter l’obligation du port du masque, leur conférant des pouvoirs de police étendus relevant de l’ordre public, alors que les mesures de police traditionnellement exercées par ces agents relèvent le plus souvent de la sûreté et de la sécurité ferroviaires.
Nous formulerons tout d’abord une remarque sur la forme. Il est incroyable que, à notre connaissance, les organisations syndicales du secteur, tant à la SNCF qu’à la RATP, n’aient pas été consultées sur de telles mesures. Comment réussir dans de telles conditions sans dialogue social ?
Par ailleurs, sur le fond, nous considérons qu’une telle mesure n’est ni souhaitable ni utile. C’est aux forces de l’ordre de faire respecter l’état d’urgence et les mesures y afférentes et non aux agents du service public, a fortiori alors que l’habilitation est très large. Ainsi, ce sont plus de 17 000, voire 20 000 agents, qui pourraient se voir chargés de nouvelles missions.
Il est d’autant plus important de le souligner que nous savons qu’il faudra mobiliser de nombreux agents pour faire respecter la distanciation dans les transports, si tant est que l’on y arrive, pour accueillir les voyageurs et, ce qui serait encore mieux, pour participer à la distribution de masques gratuits, comme cela se fait dans d’autres pays européens.
Pour toutes ces raisons, il ne faut pas donner à ces agents des tâches supplémentaires de verbalisation des personnes qui ne porteraient pas de masque.
Nous demandons donc la suppression de ces dispositions, en considérant que la seule mission incombant aux agents des transports publics doit être de renseigner, d’accompagner les usagers et de faire en sorte que la sécurité sanitaire soit assurée dans les transports, notamment en ce qui concerne le flux des voyageurs.
Monsieur le ministre, vous pouvez le constater, nous sommes très critiques, mais nous avons toujours des propositions de substitution, qui, si elles ne cheminent pas aujourd’hui, seront utiles demain, je l’espère.
M. le président. L’amendement n° 212, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
aux 4° et 5°
par les mots :
aux 4°, 5° et 7°
La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. M. le président Bas me fait signe que je n’aurai pas encore de chance avec cette tentative de réintroduire les dispositions du texte…
Notez, monsieur le président de la commission, que j’ai accordé un avis favorable à nombre d’amendements, y compris parmi les vôtres, au titre du Gouvernement, et que vous n’avez donné un avis favorable à aucun des miens depuis deux jours que nous débattons. Je me demande où est l’intransigeance dans ce débat parlementaire… (Exclamations amusées.)
Néanmoins, comme le disait ma grand-mère, qui ne tente rien n’a rien, donc je vais tout de même présenter cet amendement, qui a pour objet de rétablir dans le texte la disposition selon laquelle les agents de la SNCF chargés des gares pourront opérer des contrôles.
C’est un amendement qui nous permettrait d’améliorer les contrôles, et je ne doute pas que vous lui accorderez un accueil bienveillant.
M. le président. L’amendement n° 198, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Après la référence :
1°
insérer la référence :
du I
II. - Alinéa 3
Après la référence :
10°
insérer la référence :
du I
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. L’amendement n° 89, présenté par Mme Lubin, MM. Kerrouche, Sueur, Daudigny et Kanner, Mme Rossignol, MM. Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mmes de la Gontrie et Harribey, MM. Leconte, Marie et Sutour, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mme Meunier, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mme Guillemot, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les agents mentionnés aux 4° et 5° du I de l’article L. 2241-1 du code des transports ne peuvent verbaliser ou appréhender une personne sans que leur référentiel des identités de l’organisation ne puisse être clairement visible et consultable par l’usager dès le début de l’opération de contrôle et ce, jusqu’à la fin de cette dernière.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Notre collègue Monique Lubin nous rappelle l’obligation édictée par l’article R. 434-15 du code de la sécurité intérieure, qui, comme vous le savez, dispose, depuis une loi du 1er janvier 2014, que les membres des forces de l’ordre doivent porter sur leur uniforme un numéro d’identification.
Cette obligation d’identification s’applique aussi aux personnels verbalisateurs dont le code des transports régit l’action. Il nous semblerait cohérent que toutes les personnes qui seront amenées, en renfort, à procéder à des contrôles soient soumises à la même obligation.
Je profite de cet amendement pour faire part de mon inquiétude depuis que j’ai entendu, hier, le Premier ministre nous dire qu’il avait pris connaissance par la presse de la lettre envoyée par le président de la SNCF, la présidente de la RATP et d’autres responsables dans le domaine des transports, lettre dont il était le destinataire.
Nous sommes à quelques jours du 11 mai, et je ne sais toujours pas si est réglé, aujourd’hui, le problème concret qui va se poser quand plusieurs centaines de personnes arriveront, par exemple, à une bouche le métro, et qu’il faudra que 10 % seulement de ces personnes accèdent au quai, pour que celui-ci ne soit pas surencombré, pour que soient respectées les règles de distance sociale et pour que l’on puisse retrouver dans la rame une personne tous les deux sièges, sans personne debout.
Je ne sais pas si ce problème est réglé, monsieur le ministre, mais j’aimerais que vous nous apportiez des précisions sur le sujet, car je suis très inquiet de ce que nous a dit le Premier ministre, ou plutôt de ce qu’il ne nous a pas dit.
Il me semble très important que l’on puisse sécuriser nos concitoyens à cet égard ; je me permets donc de faire passer un message à la faveur de la discussion de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission n’est pas favorable à l’amendement n° 155. En effet, les agents assermentés des chemins de fer et de la RATP sauront dresser procès-verbal en cas d’infraction aux règles posées pour l’urgence sanitaire.
L’amendement du Gouvernement, comme le précédent, tend à rétablir le texte initial, toujours sur cette question de la verbalisation. Nous n’y sommes pas favorables non plus.
Enfin, je voudrais dire, à propos de l’amendement n° 89, que chacun sait ici la haute idée que le président Sueur se fait de la fonction parlementaire et du rôle de la loi. Pour autant, je ne trouve pas que cet amendement soit tout à fait à la mesure de cette haute idée, puisque, comme son objet l’indique expressément, sans intention de dissimulation, il s’agit simplement de rappeler l’obligation édictée par l’article R. 434-15 du code de la sécurité intérieure.
Puis-je vous suggérer plutôt, monsieur Sueur, de demander au Gouvernement de prendre une circulaire ? Ce sera un moyen plus approprié pour rappeler une obligation réglementaire que l’inscription de ce rappel dans la loi. Si le Gouvernement veut bien céder à votre insistante demande, peut-être pourrez-vous alors retirer cet amendement.
M. Jean-Pierre Sueur. Je vous remercie de votre coopération, monsieur le président de la commission ; si le Gouvernement l’accepte, je le retirerai volontiers !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Véran, ministre. Cet avis est défavorable sur l’amendement n° 155, et j’appelle le président Bas à donner un avis favorable sur l’amendement n° 212, en échange d’un avis favorable du Gouvernement sur son important amendement de coordination n° 198. (Sourires.)
Enfin, je donne un avis défavorable sur l’amendement n° 89, bien que je trouve tout à fait légitime la question que pose le sénateur Sueur sur les conditions précises du déconfinement dans les transports. Je n’ai pas à commenter la lettre dont a été destinataire le Premier ministre, mais j’entends parfaitement ces interrogations et je les relaierai au ministre compétent pour vous répondre, à savoir le secrétaire d’État Jean-Baptiste Djebbari.
M. le président. L’amendement n° 64, présenté par Mme Benbassa et M. Gontard, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les procès-verbaux et contraventions ne peuvent être dressés par les agents susmentionnés que si les conditions matérielles des mesures édictées en application du 1° de l’article L. 3131-15 du présent code sont réunies. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’article 5 du présent projet de loi prévoit la possibilité pour les agents agissant dans les transports publics et ferroviaires de verbaliser les usagers qui ne respecteraient pas les mesures sanitaires édictées à l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, en ne portant pas de masque.
Nous comprenons évidemment l’objectif du Gouvernement visant à responsabiliser nos concitoyens par des mesures coercitives, afin d’éviter au maximum la transmission du Covid-19.
Philosophiquement, une telle mesure est en revanche contestable. Les Français dans leur ensemble ne se comportent pas comme des mineurs et ils comprennent parfaitement le besoin de respecter les règles sanitaires édictées par l’État. Leur sens du civisme aurait probablement suffi. C’est une vision optimiste, mais l’heure n’est pas à la polémique, et nous saluons le choix du Gouvernement, qui semble tendre vers un port obligatoire du masque dans les transports en commun, comme le préconise l’ensemble de la communauté scientifique.
Hélas, j’ai bien peur que, dans les faits, en raison de de la pénurie de masques que connaît notre pays depuis le début de l’épidémie, une mise en pratique de cette mesure ne soit pas possible dès le 11 mai. Il semble donc particulièrement injuste de pénaliser nos concitoyennes et concitoyens en les verbalisant pour non-respect des règles sanitaires, alors même que c’est l’État qui est le principal responsable du manque de masques.
Le présent amendement vise à corriger cette injustice, en autorisant la verbalisation de nos concitoyens dans les transports uniquement si l’application des normes sanitaires est matériellement possible.
C’est bien à l’État de réunir les conditions essentielles à la sécurité sanitaire de chacun, notamment en donnant la possibilité aux citoyens de se fournir en masques, les précaires devant obtenir ces derniers gratuitement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 213, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes mentionnées au 11° de l’article L. 5222-1 du code des transports peuvent également constater par procès-verbaux les contraventions prévues au troisième alinéa du présent article consistant en la violation des interdictions ou obligations édictées en application des dispositions du 1° de l’article L. 3131-1 en matière de transport maritime lorsqu’elles sont commises par un passager à bord d’un navire. »
La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. Cette proposition se situe dans la lignée des deux amendements précédents ; ils n’ont pas franchement remporté de succès d’estime auprès des sénateurs, mais je présente malgré tout cet amendement, qui est le dernier de la série.
Cet amendement vise à réintroduire la possibilité pour les capitaines de navire de procéder à des contrôles, de manière à nous permettre de lutter efficacement contre la diffusion épidémique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Monsieur le président, le Gouvernement ne doute de rien ! Nous avons reçu cet amendement voilà une demi-heure, et je ne peux pas dire que la commission, dans ce court délai, ait pu se livrer à son examen approfondi. Si je voulais réagir avec humeur, j’émettrais donc un avis défavorable.
Néanmoins, comme il me semble que cet amendement n’est pas déraisonnable, je vais, non sans m’étonner de cette indulgence, émettre un avis favorable à titre personnel, en espérant que la navette ne nous réservera pas de mauvaises surprises.
Ce serait le cas si nous devions découvrir ce que nous n’avons pas découvert, faute d’avoir pu passer suffisamment de temps sur ce dispositif, à savoir que cette mesure comporte des inconvénients trop lourds pour que nous puissions la maintenir dans le texte définitif.
M. le président. Je mets aux voix l’article 5, modifié.
(L’article 5 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 5
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 36 rectifié, présenté par M. Kerrouche, Mme Lubin, MM. Marie, Durain et Montaugé, Mme Lepage, M. P. Joly, Mme Meunier, MM. Vaugrenard et Houllegatte, Mme Préville, M. Lurel, Mmes Harribey, Féret et Ghali, MM. Tissot, Courteau et Fichet et Mmes Blondin, G. Jourda, Conway-Mouret, S. Robert et Conconne, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2213-23 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’état d’urgence sanitaire prévu par l’article L. 3131-15 du code de la santé publique est déclaré, sous réserve de la validation d’un protocole incluant des moyens de surveillance et de contrôle, défini et validé conjointement par le maire et le représentant de l’État territorialement compétent, l’accès aux plages du littoral et aux plans d’eau intérieurs peut être autorisé aux fins exclusives de pratiques sportives dynamiques ou de pleine nature, par dérogation au 1° du même article L. 3131-15. »
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Cet amendement a été cosigné par un certain nombre de mes collègues, au premier rang desquels figure Éric Kerrouche. Il a pour objet l’accès aux plages du littoral et aux plans d’eau intérieurs à des fins exclusives de pratique sportive de pleine nature.
Dans le cadre du déconfinement progressif, il a été précisé que les activités sportives, dites « de pleine nature », seront de nouveau ouvertes aux pratiquants, au même titre que les autres activités sportives. Parmi ces activités, les sports aquatiques semblent a priori exclus, compte tenu de l’interdiction de l’accès aux plages, alors même qu’ils sont susceptibles de présenter, vous l’imaginez, des risques sanitaires moins élevés que les sports en salle, par exemple.
De surcroît, il en résulte des difficultés d’interprétation par les pouvoirs de police et les usagers. En effet, une embarcation pourrait partir d’un quai, alors qu’elle ne pourrait pas partir d’une plage.
L’autorisation explicite de ces pratiques dans un cadre raisonné permettrait, mes chers collègues, non seulement la relance des activités économiques, mais aussi une démarche progressive – j’insiste sur ce terme –, d’appropriation du littoral en amont de la saison estivale. L’accès aux plages sera bien évidemment encadré par un protocole validé conjointement par le maire et par le préfet, après avis du directeur général de l’agence régionale de santé.
Monsieur le ministre, je me fais l’interprète de nombre de mes collègues habitant près du littoral ou de plans d’eau intérieurs, en vous demandant d’ouvrir progressivement, avec beaucoup de discernement, l’accès aux plages pour ces activités sportives.
Ce sont les maires qui connaissent le mieux les typologies de leurs plages et les usages qu’en font leurs concitoyens. J’y insiste, c’est dans le respect des règles sanitaires et au terme d’un protocole validé que cette première mise en mouvement de nos littoraux et des plages à des fins sportives permettra de redonner un peu de vie à nos territoires, ce qui est essentiel.
Ainsi que le disait le président de la région Bretagne, nos plages sont un peu comme vos parcs. L’enjeu est important, notamment, mais pas seulement, en matière économique.
M. le président. L’amendement n° 175, présenté par Mmes Billon et Loisier et M. L. Hervé, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dès la publication de la présente loi, un décret définit les conditions dans lesquelles les plages et les forêts sont ouvertes au public pour la pratique d’une activité sportive individuelle, par dérogation aux mesures prises dans le cadre du 1° de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique.
La parole est à M. Loïc Hervé.
M. Loïc Hervé. Dans le prolongement de ce que vient de dire notre collègue Sylvie Robert, je voudrais, au nom de Mmes Billon et Loisier, évoquer à mon tour la question des plages et des forêts, qui, dans l’ensemble du pays, sont aujourd’hui, pour l’essentiel, interdites, et qui devront le rester, dans un premier temps, à partir du lundi prochain.
Pourtant, ces endroits ne peuvent être accusés d’être des lieux de regroupement, tant ils sont grands. Que l’on prenne les plages du littoral atlantique, méditerranéen ou les rives des lacs alpins, ces lieux permettent aux familles et aux gens qui sont confinés ensemble de se promener et d’avoir une activité sportive. Il est donc important de procéder à une réouverture rapide et de ne pas la renvoyer au début du mois de juin.
Je ne parle pas là de la montagne et de la haute montagne, mais d’endroits qui permettraient aux familles de retrouver une vie la plus normale possible, dans le respect de l’ensemble des gestes barrières, selon le vocable utilisé.
Cette proposition me semble fort utile sous l’angle psychologique, pour l’acceptation de la situation que nous vivons, avec le prolongement annoncé d’un certain nombre d’entraves à la liberté.
Sans vouloir relancer le débat d’hier sur les lieux de culte, je tiens à souligner que beaucoup de nos concitoyens ne comprennent pas que les supermarchés soient toujours ouverts, avec des rassemblements de personnes importants.
Là, nous sommes dans de grands espaces, et je crois qu’il est maintenant utile d’envisager avec discernement une telle mesure, assortie des préconisations de sécurité résultant d’un dialogue constructif entre le maire et le préfet. Avec mes deux collègues Annick Billon et Anne-Catherine Loisier, je me permets d’insister, monsieur le ministre, pour cette réouverture.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Il s’agit d’amendements qui visent en réalité la liberté de circulation, laquelle est restreinte, ou peut l’être, en application de l’état d’urgence sanitaire.
À mon sens, si une interdiction générale et absolue d’accéder aux plages pouvait éventuellement se comprendre pendant la période du confinement, elle est beaucoup plus difficile à justifier en période de déconfinement.
On peut se demander si la limitation au droit d’aller et venir ne serait pas disproportionnée par rapport aux fins visées, à savoir la sécurité sanitaire.
Il y a des petites plages et des grandes plages ; il y a des plages à la ville et des plages à la campagne. Ainsi, les plages du Cotentin – 365 kilomètres de littoral – sont des plages à la campagne. Vous y voyez des ânes du Cotentin, des chevaux, des goélands,…
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Et même des présidents de commission ! (Sourires.)
M. Philippe Bas, rapporteur. … et assez peu de promeneurs. Les risques de contamination y sont maîtrisés, jusqu’à présent.
Enfin, il y a aussi des plages où la position verticale est de mise, et celles où la position horizontale est privilégiée. Vous le voyez, dans cette diversité, appliquer un traitement unique a véritablement quelque chose de tout à fait excessif.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, il me semble qu’il serait prudent, du point de vue du respect de cette liberté fondamentale qu’est la liberté d’aller et venir, que le Gouvernement revoie sa position d’interdiction générale et absolue et permette d’inverser le principe, en prévoyant la liberté, sauf exception qui serait justifiée par l’impossibilité d’éviter la promiscuité sur les plages, que vous décideriez ainsi d’interdire au public pendant une durée limitée.
Telle est la recommandation que je voudrais vous faire. À cet égard, je considère que ces amendements sont l’un et l’autre extrêmement intéressants. Par conséquent, le Sénat pourrait fort bien les adopter.
M. Ladislas Poniatowski. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Véran, ministre. Ce sera, monsieur le président, un avis défavorable sur le fond et une proposition de retrait sur la forme, car ces amendements sont satisfaits.
Ils sont satisfaits sur la forme, car il revient au Premier ministre, dans le cadre du décret qu’il doit rédiger, de déterminer quels sont les lieux accessibles au public, et dans quelles conditions, durant cette période.
Il n’est pas nécessaire de l’inscrire dans le marbre de la loi. Ou alors, ne nous limitons pas aux plages, aux forêts et aux lacs, et écrivons dans la loi tout ce qui est autorisé et tout ce qui ne l’est pas. En effet, une rédaction posant un principe d’interdiction générale d’accessibilité, sauf exception pour les plages et les forêts, tout en renvoyant au Premier ministre le soin de préciser par décret ce qui est autorisé serait quelque peu étrange. Ne serait-ce que pour ce motif, je demande donc le retrait de ces amendements.
Sur le fond, le problème n’est pas de savoir si l’on peut faire ou non respecter les gestes barrières et la distanciation physique sur les plages. Je suis convaincu, comme vous, qu’un maire totalement responsable, en collaboration avec un préfet, est fondé à prendre des mesures pour faire respecter des règles de distanciation permettant, en théorie en tout cas, de marcher sur la plage.
J’échangeais librement sur une chaîne de télévision, la semaine dernière, avec un maire du Calvados qui m’interpellait sur la question des plages. Il me reprochait de ne pas assez prendre en considération le fait que l’activité touristique, donc l’accès aux plages, était absolument essentielle et indispensable pour une commune comme la sienne. En d’autres termes, il m’accusait de tuer le tourisme en fermant les plages.
Je lui ai répondu que je le comprenais. En effet, je peux me mettre à la place du maire d’une commune du littoral, quel qu’il soit, qui se trouve dans l’incapacité d’ouvrir ses plages avec l’arrivée des beaux jours. Je pense aussi à tous les commerçants, les crêperies, les bars, les restaurants, les loueurs de vélos, bref, à toute cette activité économique que l’on adore dans notre pays, qui ne vit essentiellement que quelques mois par an et qui se voit privée de ressources.
Toutefois, dire que les plages sont consubstantielles à l’activité touristique et les laisser ouvertes, dans le Calvados ou ailleurs, c’est accepter qu’il y ait des mouvements de population importants. Ayez en tête que le maire dont je vous parle voit la population de sa commune passer de 2 200 habitants à 20 000 habitants l’été. Ces habitants supplémentaires ne viennent pas tous du même endroit, et certainement pas du Calvados.
Par conséquent, une telle mesure reviendrait à encourager des mouvements de population tout à fait légitimes ; des personnes ne pouvant résister à l’appel de la mer et de la plage s’en iraient disséminer du virus un peu partout, et ce malgré la limite des 100 kilomètres. Nous en sommes tous intimement convaincus : si l’on rouvre les plages, l’activité touristique va repartir, ce qui sera formidable pour l’activité de notre pays, mais formidable aussi pour le virus.
C’est pour cette raison que nous demandons encore un peu de temps et d’efforts à la fois aux maires, aux commerçants et aux populations qui aspirent, comme j’y aspire, je vous le garantis, à se faire dorer au soleil ou à faire des randonnées sur la plage, les pieds dans l’eau. Pas tout de suite ; encore un peu de temps !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Je m’aperçois, monsieur le président, que j’ai été incomplet. Il faut bien que je vous dise vers lequel de ces deux amendements pourrait aller notre préférence.
Il me semble que l’amendement présenté par notre collègue bellilois de Haute-Savoie, M. Loïc Hervé, présente des avantages, compte tenu de ce que vient de dire le ministre. Comme cette disposition renvoie à un décret, elle permet au Gouvernement de déterminer les conditions dans lesquelles des décisions de fermeture temporaire pourraient être prises.
C’est la raison pour laquelle je recommande d’adopter l’amendement n° 175 et, pour qu’il en soit ainsi, je me dois de donner un avis défavorable à l’adoption de l’amendement n° 36 rectifié, même si ces deux dispositions sont très proches et ont les mêmes mérites du point de vue de leurs objectifs.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Je ne peux pas m’empêcher d’intervenir, monsieur le président de la commission des lois, parce que le Cotentin a été cité, avec ses 365 kilomètres de côtes. (Sourires.)
Je rappelle que la Normandie, c’est 600 kilomètres de côtes.