M. Philippe Bas, rapporteur. Dont la moitié se trouve chez nous !
Mme Catherine Morin-Desailly. On a cité le Cotentin et le Calvados, Agnès Canayer représentant la Seine-Maritime, où la problématique est, je pense, identique. Je suis solidaire de la Bretagne, bien sûr, mais aussi de la Vendée dans cette revendication. En effet, si des parcs sont amenés à être rouverts, si l’accès à la forêt est de nouveau autorisé, les plages aussi méritent toute notre attention.
L’avantage des plages du nord, c’est qu’elles bénéficient de marées. À marée basse, l’espace est encore plus large pour s’égailler et surtout pratiquer le confinement actif lorsque l’on fait du sport. Je soutiendrai cet excellent amendement, d’autant que notre président de région, soutenu par nombre de maires de communes du littoral normand, vient d’écrire au Président de la République pour réclamer cette ouverture. Monsieur le ministre, je vous remercie d’y prêter attention.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. La France est riche de ses territoires et de son littoral. Pour ma part, je parlerai pour l’Ouest, plus particulièrement pour la Bretagne, qui est chère à plusieurs d’entre nous ici.
Le président Bas a parlé des espaces où l’on pouvait se tenir de manière verticale ou de manière horizontale ; je parlerai pour ma part de l’espace breton, où l’on peut se tenir courbé, lorsque l’on va à la pêche aux bigorneaux ou aux crabes. C’est un très grand plaisir !
Je voudrais évoquer l’île d’Ouessant. Elle n’est pas très connue pour ses plages, mais elle est célèbre pour sa qualité de vie, l’art de vivre et la fierté de ses habitants de pouvoir aller voir leurs voisins en mettant les pieds dans l’eau, car il faut franchir une plage.
Cet exemple est très sérieux, monsieur le ministre : au-delà des aspects juridiques qu’a évoqués le président Bas, il nous montre qu’un tel sujet ne peut être traité depuis Paris. C’est à mon sens un objet pour un État territorialisé et une approche locale, puisque, entre les plages du Sud, de l’Ouest et du Nord, il y a de grandes différences d’usage et de fréquentation.
Je pense que l’on pourrait inviter les maires à définir avec les préfets des protocoles d’accès aux plages, comme cela a été fait, par exemple, pour les marchés. La plage n’est pas qu’un objet de plaisir ; c’est aussi un objet de vie, et, ma collègue l’a dit, c’est même comme un jardin pour ceux d’entre nous qui ont la chance d’y vivre.
M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski, pour explication de vote.
M. Ladislas Poniatowski. Je vais bien sûr voter l’amendement qui a les faveurs de la commission. Je suis favorable aux deux sur le fond, mais l’amendement n° 175 a un mérite par rapport à l’autre, c’est que ses dispositions font appel à un décret, ce qui vous laisse, monsieur le ministre, encore un petit peu la main.
M. Philippe Bas, rapporteur. Eh oui !
M. Ladislas Poniatowski. Je pense donc que c’est un bon amendement.
Monsieur le ministre, le 11 mai, vous allez autoriser un grand nombre de choses dangereuses sur le plan sanitaire, et dans beaucoup d’endroits !
Le risque ne sera pas simplement dans les écoles et les collèges ; il sera également dans les transports publics. Si jamais le Covid-19 revient, ce sera par les transports publics. Vous en êtes conscient, d’ailleurs, car, pour le moment, rien n’y est encore réglé. Vous avez raison de prendre des mesures pour les endroits où il peut y avoir une concentration de personnes.
Je ne me battrai pas plus pour les plages bretonnes que pour les plages méditerranéennes ou vendéennes. Que l’on prenne une mesure interdisant la concentration sur les plages, quelles qu’elles soient, avec des serviettes étalées côte à côte et des gens entassés les uns sur les autres, soit !
Toutefois, n’interdisez pas les sports individuels en forêt ou sur l’eau, que ce soit l’eau maritime ou les eaux privées. Les gens attendent avec impatience le 11 mai. Si vous donnez l’impression de tourner une clé, d’ouvrir des portes et d’autoriser un certain nombre de choses qui viendront soulager les Français, mais que, dans le même temps, vous enfermez un peu stupidement – pardonnez-moi, monsieur le ministre – un grand nombre d’entre eux, vous commettez une erreur psychologique profonde.
Je vous demande donc de réviser votre position. Le premier de ces deux amendements a des chances d’être voté et d’être ensuite examiné par l’Assemblée nationale. J’aimerais vous convaincre de changer de position, le Gouvernement acceptant de reconnaître que les sports individuels dans les forêts et sur les plages ne sont pas dangereux et ne présentent aucun risque.
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. Monsieur le ministre, je suis prêt à vous entendre sur le fait qu’il faille encore attendre. Mais la patience pèse aujourd’hui sur l’état psychique de nos concitoyens.
J’appartiens à une région de cinq départements, dont trois côtiers – le Nord, le Pas-de-Calais et la Somme –, qui possèdent de très belles et grandes plages, où il est parfaitement possible de respecter les gestes barrières. Même à la marée montante, la plage présente encore 200 à 300 mètres de profondeur. Par ailleurs, il convient de faire confiance à nos concitoyens.
Nous ne vous demandons pas une autorisation d’étaler sa serviette, vous l’avez bien compris, ni dans le premier ni dans le second amendement. Mais, par la voie réglementaire, au travers de la connaissance du terrain des préfets – Mme Gatel a eu raison de le souligner –, dans une logique déconcentrée et décentralisée en lien avec les élus, vous pourriez offrir un espoir à nos concitoyens.
J’appartiens à une région très urbanisée. Je faisais le calcul dans ma tête : il y a à peu près 4 millions de personnes dans ma région qui se trouvent à moins de 100 kilomètres d’une plage. Donnez-leur un espoir de pouvoir retrouver une vie normale !
Je l’ai entendu tout à l’heure, le Président de la République aurait évoqué la date du 2 juin pour autoriser cet accès. Je ne sais pas ce qui se passera entre le 11 mai et le 2 juin.
Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, nous devons offrir à nos concitoyens des perspectives qui leur permettent de retrouver une forme de rêve et de liberté, cette dernière n’étant pas incompatible avec la sécurité sanitaire. Tel est le sens de l’amendement n° 36 rectifié, que je n’ai pas eu le temps de signer pour des raisons matérielles, mais que j’aurais volontiers signé avec M. Éric Kerrouche.
Il s’agit, monsieur le ministre, non pas de bon sens, mais d’empathie à l’égard des Français, qui font beaucoup d’efforts en ce moment.
M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart, pour explication de vote.
M. Michel Vaspart. Je soutiendrai cet amendement. Un certain nombre de cosignataires de cet amendement a écrit hier sur ce sujet au Premier ministre, avec copie à M. Christophe Castaner et Mme Jacqueline Gourault.
Il s’agit d’espaces immenses, avec des marées importantes ; je parle surtout de la Manche et de l’Atlantique. La situation est peut-être différente dans le Sud.
Nous le savons pertinemment, nous reviendrons dans cet hémicycle pour rediscuter de l’évolution de la situation, donc de l’ouverture des plages.
Ce sont essentiellement les populations locales qui sont concernées, puisque l’on ne peut pas se déplacer de plus de 100 kilomètres, le Gouvernement ayant expliqué à plusieurs reprises qu’il y aurait de nombreux contrôles en la matière. Par conséquent, la réouverture des plages concerne essentiellement les populations locales, qui en ont besoin. Les plages sont les jardins de la Bretagne, de la Vendée et de la Normandie.
Je soutiens fermement l’amendement qui a été présenté par mon collègue Loïc Hervé. J’espère que vous tiendrez compte de la forte volonté qu’expriment les territoires littoraux.
Vous le savez parfaitement, l’ensemble des départements littoraux est en zone verte. Dans la mesure où les plages seront fréquentées par les populations locales, le risque de circulation du coronavirus est limité.
M. le président. Mayotte n’est pas un département en vert, mon cher collègue !
La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Monsieur le ministre, je veux tout d’abord vous répondre sur le fond.
L’amendement n° 36 rectifié ne vise pas à autoriser les gens à aller s’asseoir sur le sable pour faire bronzette ! On vous l’a expliqué, il s’agit d’ouvrir, progressivement, l’accès aux plages via la pratique sportive. Cette première étape me paraît d’autant plus importante que la ministre des sports veut autoriser, notamment, la pratique du judo. Dans ces conditions, pourquoi le surf et la planche à voile ne le seraient-ils pas ?
J’en viens ensuite à la question de forme, évoquée par M. le rapporteur et M. le ministre. Il s’agit non pas de passer obligatoirement par un décret, mais de rendre la décision exécutoire immédiatement, dans le cadre d’un dialogue et d’une confiance entre un maire et un préfet.
Le maire connaît ses plages. Il n’est pas question d’ouvrir obligatoirement la plage de Dinard ou de Saint-Malo ! Sur certaines plages, des pratiques sportives sont ancrées, et je fais confiance au maire de Dinard ou de Saint-Malo, lesquels, avec le préfet et sur avis de l’ARS, donneront l’autorisation, dans un cadre extrêmement réglementé, de pratiquer ces activités sportives.
L’objet de cet amendement n’est donc pas d’ouvrir immédiatement et de façon illimitée la porte des plages.
Selon moi, il faut faire confiance aux maires. En s’appuyant sur le couple formé par le préfet et le maire, on peut tout à fait, par voie réglementaire, permettre, dans des cadres protocolaires très stricts, une ouverture des plages.
Pour les régions, cette mise en mouvement et cette appropriation progressive du littoral feraient beaucoup de bien en cette première période de déconfinement.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. J’appartiens à une région où les plages sont petites et où la position allongée sera privilégiée, monsieur le rapporteur, à la position debout… Dans cette région, les eaux sont plus chaudes. Les 4,5 millions de Provençaux devront s’agglutiner sur de petites plages ; je pense notamment à la région de Nice ou de Mougins. Ils relanceront ainsi la propagation du virus.
La simple annonce d’un déconfinement le 11 mai prochain a entraîné un afflux de promeneurs sur l’avenue Masséna de Nice. C’était bondé ! Si une seule personne était porteuse du virus, elle l’a transmis à coup sûr à 300 ou 400 personnes. Demain, ils seront 3 000 ou 4 000 ! Si je grossis volontairement le trait, monsieur le ministre, c’est pour aller dans votre sens.
Nous sommes encore dans une période d’épidémie, et nous n’avons pas vaincu le virus. Ceux qui ont soigné les personnes atteintes du virus se rendent compte de la dangerosité du phénomène.
J’ai reçu ce matin un message de Mme Lemorton, qui était présidente de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale au cours d’une autre mandature. Elle n’est plus députée aujourd’hui et elle a repris son activité de soignant, à Mayotte. Dans son message, elle qualifie cette maladie de « véritable saloperie » – passez-moi l’expression, mais c’est ce qu’elle a écrit –, me demandant de faire en sorte que nos concitoyens ne puissent pas entrer en contact avec le virus.
Aux termes du texte que nous allons voter, nous rediscuterons le 10 juillet d’un élargissement ou d’un nouveau confinement en fonction de l’évolution de la maladie.
Je ne suis pas du tout favorable à l’ouverture des plages par décret. En effet, si un décret évoquait, demain, une réouverture à compter du 14 juillet, les foules, qui ont été confinées, vont se précipiter sur les plages, c’est une évidence. Il y aura là les Covid-19 négatifs et les Covid-19 positifs, car nous sommes encore en période d’épidémie, donc de dangerosité. Si l’activité économique, notamment touristique, est importante, la vie de nos concitoyens l’est encore plus.
Monsieur Kanner, vous avez dit que les gens, confinés, en ont assez et rêvent d’aller à la plage. C’est vrai ; j’appartiens également à cette catégorie, puisque je fais de la plongée et que j’aimerais bien en faire de nouveau. Toutefois, ne faisons pas en sorte que ce rêve se transforme en cauchemar. (Mmes Jacqueline Eustache-Brinio et Esther Benbassa applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Bien que je n’aime pas l’eau froide, je mettrai tout de même un pied dedans !
Il n’est pas facile d’être législateur. Il y a les rats des champs et les rats des villes ; il y a les élus, cher Philippe Bas, des plages de la campagne et les élus des plages de la ville. Chez moi, sur la côte basque, les surfeurs ne rêvent que d’une seule chose, retrouver la sensation des swell ! Quant aux hôteliers de Biarritz ou de Saint-Jean-de-Luz, ils considèrent que les fêtes, les plages et la culture basque font tout l’intérêt de la côte basque française. Pour rappel, celle-ci s’étend sur 25 kilomètres.
Néanmoins, les maires de la côte basque me disent aussi quasi unanimement qu’ils ne veulent pas rouvrir les plages. Selon eux, une telle décision provoquerait un appel d’air.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Bien sûr !
M. Max Brisson. Par ailleurs, ils ne croient pas – j’en suis désolé, monsieur le ministre – à la barrière des 100 kilomètres. Ils ont vu, pendant le confinement, qu’Airbnb, pour le citer, poursuivait son activité de locations saisonnières. On voyait à Biarritz, en plein confinement, des gens avec des valises à roulettes dans les rues…
Ils ne voudraient pas que tous les efforts qu’ils ont réalisés soient balayés.
M. Max Brisson. Ils ont vu les images de Saint-Sébastien ce week-end. Ils ont vu la grande plage de la Concha noire de monde. Certes, les gens y marchaient, mais sans respecter les distances barrières. Les surfeurs, dans l’eau, étaient également en très grand nombre et ne respectaient pas non plus ces distances.
Il se passera à Biarritz, à Saint-Jean-de-Luz ou à Hendaye la même chose. La « plage dynamique » ne fonctionnera pas ! Comment faire, à tout moment, la différence entre activités sportives, promenades et simple fréquentation ?
C’est la raison pour laquelle je suis très sensible au discours du président de la commission des affaires sociales. Le combat contre l’épidémie n’est pas terminé.
Enfin, si je me réfère à l’ordre des valeurs de notre société – tant pis si j’ai peu d’amis à mon retour à Biarritz ! –, j’aurais du mal à comprendre que l’on ne puisse pas fréquenter un lieu de culte, mais que l’on puisse faire du surf à la plage.
Le déconfinement doit être progressif. Les activités de plaisir doivent attendre que nous ayons gagné la lutte contre l’épidémie.
M. Alain Milon. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. J’ai appris hier d’une discussion avec Gabriel Attal, et l’information a été confirmée par M. le président, que le Gouvernement prendrait position, en s’appuyant sur les données scientifiques, sur le concept des vacances et des déplacements de région à région pour l’étape du 2 juin.
Je serais étonné qu’il prenne le risque de dire « Allez-y ! », à cause de l’incertitude où nous sommes encore sur la rapidité de circulation du virus.
Comme ma collègue qui siège en face de moi, je fais des allers-retours entre les deux départements, Paris et le Val-d’Oise, où la circulation du virus est la plus forte. Ainsi 3,5 millions de personnes sont-elles susceptibles de le diffuser. Et même en respectant la limitation des 100 kilomètres, dans un coin du Val-d’Oise, on peut aller jusqu’à Dieppe.
Il sera très difficile de faire respecter la barrière des 100 kilomètres. Ainsi, pour aller à Anvers, pourquoi faudrait-il l’appliquer ? Nombre de mes proches me posent la question.
Si nous faisons passer le message que la fréquentation des lieux de vacances que sont les plages, les forêts et les chemins de montagne est rouverte pour les locaux, dans le respect de la limite de 100 kilomètres, cela voudra dire que nous avons pris la décision d’autoriser tout le monde à aller partout.
En conscience, j’estime que notre gouvernement et le Président de la République auront de bonnes raisons de ne pas prendre cette décision, même pour le 2 juin. Je suis le premier à le regretter !
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour explication de vote.
Mme Frédérique Espagnac. Il ne s’agit pas d’une question simple. Après plusieurs semaines de confinement, beaucoup de gens, a fortiori ceux qui habitent près du littoral, ont envie de revoir les perspectives de la côte et de la mer.
À vous écouter les uns et les autres, une image me vient en tête, monsieur le ministre, celle de la carte de la propagation du Covid. Examinons la liste des signataires de cet amendement : ils viennent de Bretagne, d’Aquitaine, mais aussi, même si c’est dans une moindre mesure, du Sud-Est. Il s’agit, à l’heure actuelle, des territoires les moins touchés. Les personnes confinées dans ces régions depuis des semaines font le même constat que moi. Quand on habite à proximité de la mer ou même qu’on la voit depuis sa fenêtre, on se dit : « Pourquoi pas ? »
Monsieur le ministre, nous avons plusieurs semaines de retard par rapport à d’autres pays, non pas pour ce qui concerne la gestion du virus, mais pour son arrivée chez nous. Examinons ce qui s’est passé à l’étranger. En Australie, des plages dynamiques ont été ouvertes, avant d’être refermées deux semaines plus tard. Certains de mes collègues m’ont fait remarquer tout à l’heure qu’elles viennent d’être rouvertes. Certes, mais la première phase de réouverture a été un échec ! En Californie, il s’est passé la même chose. Inspirons-nous donc de l’expérience de ces pays, qui ont dû faire face à ces difficultés avant nous.
Comme le dit Max Brisson, il ne s’agit pas tant de la pression qui pèse sur les uns ou les autres. Les enjeux sont en effet nombreux, qu’ils soient d’ordre psychologique, économique ou touristique.
Si nous expérimentions dans les trois semaines qui viennent les plages dynamiques et que nous étions ensuite obligés de les refermer, les conditions sanitaires faisant que ces départements littoraux passent en zone rouge, alors que les hôteliers et les restaurateurs auraient pu rouvrir, embaucher et faire des stocks, les conséquences économiques négatives seraient d’autant plus importantes.
Avons-nous les capacités sanitaires pour gérer une reprise de l’épidémie dans le cadre d’une population estivale multipliée ?
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Frédérique Espagnac. Bien que je vienne d’un territoire littoral, je voterai contre ces amendements, en appelant à la responsabilité de tous.
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Il s’agit d’une question extrêmement complexe. Lors de la réunion de la commission des affaires sociales, j’ai été très sensible à l’argumentaire d’Alain Milon, qui n’a pas l’habitude, par tempérament, de dramatiser les choses. En l’occurrence, il nous alerte sur la gravité de la maladie.
Après une période de confinement, nous devons assumer, au cours d’une période de déconfinement, des impératifs sanitaires, mais aussi économiques et sociaux. Il ne s’agit pas de retrouver immédiatement la vie d’avant, car alors l’épidémie repartirait rapidement !
Comme M. Kanner et nombre de nos concitoyens, j’aurais bien envie d’aller sur le littoral. Mais cette maladie est tellement dangereuse que je ne pense pas qu’il soit possible d’envoyer un tel signal.
Peut-être peut-on territorialiser, au cas par cas, dans certaines zones vertes et certains cas spécifiques, ces réouvertures. Néanmoins, envoyer un signal autorisant l’accès aux plages, cela signifierait que l’on retrouverait la vie d’avant !
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Monsieur le ministre, dans l’Oise, il y a peu de plages, si ce n’est autour de certains points d’eau, mais il y a des forêts. J’ai été très sensible, comme beaucoup d’entre vous, à la plaidoirie d’Alain Milon. Son statut de médecin lui confère une autorité que nous sommes peu nombreux à avoir ici. Néanmoins, si l’on va jusqu’au bout de sa logique, il ne faut pas déconfiner !
Il a d’ailleurs évoqué, dans sa démonstration, non pas une plage, mais une rue, plus exactement la rue Masséna à Nice. En effet, il n’y a pas que sur les plages que l’on rencontrera beaucoup de gens !
Pour qu’une loi soit comprise par la population, elle doit être simple et de bon sens. Elle doit également prendre en compte la proportionnalité des risques. Je ferai une analogie avec les marchés, qui n’ont pas été rouverts partout ni immédiatement, mais seulement lorsque le maire et le préfet l’autorisaient. Ils ont été rouverts lorsque c’était possible.
Or il y a des plages et des forêts où la réouverture ne posera aucun problème, parce que l’on sait qu’il n’y aura pas foule. Ces espaces se trouvent partout sur le territoire.
Tout à l’heure, avec beaucoup de bon sens, Ladislas Poniatowski a dit que les gens ne comprenaient pas pourquoi on pouvait s’entasser dans un supermarché et ne pas aller dans une forêt où il y a une personne au kilomètre carré.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Parce qu’il faut bien manger !
M. Olivier Paccaud. Je partage ce point de vue et je voterai les deux amendements qui ont été présentés.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. À ce stade du débat, j’ai le sentiment qu’il faut poser les questions simplement : déconfinons-nous ou ne déconfinons-nous pas ?
Si on déconfine, on s’intéresse non pas à des lieux, mais à des pratiques. Sur une plage, on peut être assis sur une serviette de bain, sans bouger, avec des enfants faisant des châteaux de sable à moins de 50 centimètres ; on peut aussi avoir des pratiques sportives qui sont totalement différentes.
S’agissant des pratiques de pleine nature, la réflexion qui vaut pour les plages vaut pour les forêts et la montagne. La pratique sportive est différente d’une position statique, où on reste les uns à côté des autres à expectorer des miasmes à proximité de ceux qui sont à côté de nous.
L’amendement de notre collègue Éric Kerrouche s’appuie sur la notion de plage dynamique. Il s’agit non pas d’un lieu, mais d’une pratique particulière, dans le respect de consignes que les sportifs ont eux-mêmes édictées et qui sont conformes à ce que nous voulons tous en matière de déconfinement.
Mettre en regard des pratiques totalement différentes n’a aucun sens. Il ne s’agit pas de dire que, dans la mesure où on ne peut pas aller dans un lieu de culte, on ne pourrait pas faire quelque chose de « subalterne » sur la plage !
Il s’agit de distinguer les pratiques risquées de celles qui ne le sont pas. S’il est dangereux d’aller dans un lieu de culte, il ne faut pas le faire. S’il existe une activité, bien moins importante, mais sans danger, autorisons nos concitoyens, sous le contrôle des autorités locales, à la pratiquer.
Localement, nous saurons discerner si l’ouverture est dangereuse ou non, si elle pose ou non des problèmes sanitaires. Autorisons-nous des soupapes ! Le Premier ministre, que j’ai écouté hier avec intérêt, a parlé d’adhésion. Celle-ci sera d’autant plus forte que la population sera responsabilisée.
Je lisais récemment un article selon lequel la chancelière Merkel parlerait à des adultes, alors que nous avons tendance à parler à des enfants.
M. Loïc Hervé. C’est vrai !
M. Jérôme Durain. L’adhésion, la responsabilisation, la capacité des individus à prendre en considération pour eux-mêmes et pour les autres les règles sont tout aussi importantes que la force des règles qu’on leur impose.
Selon moi, avec de telles précautions, on peut autoriser les pratiques de pleine nature, notamment sur les plages.
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour explication de vote.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Je rejoins complètement mon collègue Alain Milon, et je ne voterai pas ces amendements.
En tant qu’élue du Val-d’Oise, l’un des départements les plus touchés par l’épidémie en raison d’une circulation importante du virus, je sais ce qu’est le Covid-19.
Bien évidemment, nous rêvons tous d’horizons lointains. Mais je sais que, cette année, mon propre horizon sera très proche de ma maison. C’est ainsi ! Nous vivons des circonstances exceptionnelles ; nous devons tous le comprendre.
Nous rêvons tous du déconfinement. Nous n’avons qu’une envie, sortir. En Île-de-France, ce déconfinement nous inquiète particulièrement, parce que nous sommes nombreux à prendre les transports, non pas par plaisir, mais par obligation. Nous nous préoccupons d’ailleurs de la manière dont nous pourrons les prendre !
C’est vrai, quand on fait ses courses, il y a du monde, mais on y va parce qu’il faut se nourrir. Pendant le temps du confinement, nous avons appris à distinguer les choses essentielles et les autres, que nous adorons, mais que nous retrouverons un peu plus tard.
Certains de mes collègues ne mesurent pas ce qu’ils vont vivre si nous autorisons, demain, l’ouverture des plages. Des dizaines, des centaines et des milliers de gens s’y précipiteront, parce qu’ils en ont très envie, comme moi-même. Malheureusement, les autorités locales ne pourront pas établir suffisamment de cadres et d’interdictions, parce qu’elles n’auront pas les moyens humains pour gérer ces foules éprises de liberté et leur interdire de faire ce qu’elles ont envie de faire.
Nous devrions avoir un message de sagesse, en déconfinant progressivement. En effet, il n’y aurait rien de pire que de voir, demain, le virus se propager et provoquer une deuxième vague d’hospitalisations.
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. L’amendement que j’ai présenté doit être relu. Il convient de ne pas extrapoler, en évoquant des choses qui n’y figureraient pas.
Il y a une dimension d’acceptation psychologique et sociale du confinement strict et du déconfinement. Elle a trait à la capacité, pour un certain nombre de nos compatriotes, à retrouver des espaces vitaux de respiration.
Si j’entends les risques que cela pourrait entraîner dans des agglomérations importantes, l’adoption de l’amendement déposé par Éric Kerrouche et certains de ses collègues, d’une part, ou de celui qui a été déposé par Anne-Catherine Loisier, Annick Billon et moi-même, d’autre part, permettrait une territorialisation et une appréciation au cas par cas, pour que le dispositif soit le plus opérationnel possible.
Pour ma part, monsieur le ministre, je vis dans un département montagnard et frontalier. Nos voisins suisses n’ont pas confiné comme nous, ni au même moment. Ils n’ont pas non plus déconfiné comme nous, puisque les restaurants rouvriront le 11 mai à Genève. Et je rappelle que nous partageons pourtant le même bassin de vie.
Mes chers collègues, il faut garantir l’acceptabilité sociale des mesures prises et permettre leur territorialisation, afin que le déconfinement se fasse en bon ordre. Comme dirait Françoise Gatel, faisons confiance à l’intelligence des territoires. Il faut construire, avec les préfets, des solutions à la fois durables et à même de donner un peu d’oxygène à nos compatriotes !