Mme Marie-Pierre de la Gontrie. L’article 4 prévoit d’exclure la contestation des mesures de quarantaine ou d’isolement du bénéfice des procédures de référés d’urgence – référé-suspension et référé-liberté. C’est une curiosité : pourquoi ne serait-il pas possible de saisir un juge en urgence pour contester ce type de mesure ?
On pourrait me répondre que nous avons décidé à l’article 3 que toute contestation de ces mesures relevait de la compétence du juge des libertés et de la détention, mais, si le juge administratif n’a plus cette compétence, l’article 4 n’a pas de raison d’être. A contrario, si le juge administratif demeure compétent, pourquoi exclure la possibilité d’un référé d’urgence ?
Quel que soit le raisonnement suivi, le présent article 4 n’a pas de raison d’être. Au nom de l’ensemble des collègues du groupe socialiste et républicain, je demande donc sa suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Défavorable, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 4.
(L’article 4 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 4
M. le président. L’amendement n° 77, présenté par MM. Daudigny, Sueur et Kanner, Mme Rossignol, MM. Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mmes de la Gontrie et Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin et Meunier, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mme Guillemot, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la troisième phrase de l’article L. 3131-19 du code de la santé publique, après la seconde occurrence des mots : « personnalités qualifiées », sont insérés les mots : « et un représentant de l’Union nationale des associations agréées d’usagers du système de santé mentionnée à l’article L. 1114-6 ».
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Je soutiens pleinement le présent amendement de notre collègue Yves Daudigny, amendement qui mériterait un débat plus long que celui que nous allons probablement avoir.
En effet, l’auteur de cet amendement pose la question de la démocratie sanitaire en période de crise. Nous, parlementaires, évaluons et mesurons les entorses qui entravent le fonctionnement de la démocratie parlementaire. Nous avons la conscience très nette que la démocratie parlementaire ne fonctionne pas comme d’habitude, ni comme elle devrait fonctionner. Nous essayons de faire au mieux.
Néanmoins, la démocratie ne se résume pas à la démocratie parlementaire. La démocratie repose aussi sur la participation des usagers, des associations, des corps intermédiaires dans toute une série de processus.
Le comité scientifique qui a été mis en place par la loi du 23 mars est composé de scientifiques et de personnalités qualifiées nommées par les présidents des deux assemblées.
Toutefois, l’absence des usagers n’est ni juste ni normale. En effet, les usagers sont aussi partie prenante de la lutte contre l’épidémie et des mesures que nous prenons. On ne peut pas à la fois prétendre écarter la coercition au bénéfice de la responsabilité individuelle et collective dans nos discours et tenir les corps intermédiaires à l’écart des processus de décision de compréhension de ce que nous vivons.
Cet amendement vise donc modestement à introduire un représentant des usagers dans la composition du comité scientifique. La démocratie sanitaire ne repose pas seulement sur les médecins, les scientifiques et les pouvoirs publics. Elle doit aussi s’appuyer sur les usagers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Le Sénat s’est prononcé sur la composition du conseil scientifique il y a cinq semaines. Il pourrait certes se déjuger au bout de cinq semaines, mais nous n’avons pas trouvé de raison suffisante de le faire. Ce conseil scientifique est et doit rester une instance de personnalités qualifiées, susceptibles d’apporter une expertise technique au Gouvernement.
Cela ne dispense pas le Gouvernement d’être en lien étroit avec les usagers pour un certain nombre des décisions qu’il est amené à prendre. À l’hôpital comme dans la médecine de ville, le point de vue des représentants des patients est toujours enrichissant. Notre position n’est pas défavorable au dialogue avec les usagers, que nous recommandons.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Véran, ministre. Madame la sénatrice, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite « loi Kouchner », du nom du ministre de la santé de l’époque, est l’une des plus belles lois qui ont été adoptées ces dernières années. Ce magnifique texte a ancré la France de plain-pied dans la démocratie sanitaire.
Pour la première fois, le refus de soins était autorisé, l’acharnement thérapeutique reconnu et le principe de l’accès direct du malade à son dossier médical établi ; ce sont des données fondamentales. Puis des éléments supplémentaires ont été ajoutés. Les associations d’usagers se sont structurées par la suite, et je m’en félicite.
Je travaille en lien étroit avec ces associations d’usagers. Samedi dernier, je me suis entretenu par conférence téléphonique avec Gérard Raymond, président de France Assos Santé, et avec son bureau du déconfinement. Je me suis engagé à être en contact avec eux personnellement au moins une fois par mois et mon cabinet au moins une fois tous les quinze jours pendant toute la durée de la crise. Par ailleurs, je les consulte avant de prendre toute décision importante.
Cette consultation en continu se déroule hors du cadre du conseil scientifique, dont les missions sont de rendre des avis scientifiques éclairés par des études internationales et des recherches de cas. Nous avons certes élargi le panel de scientifiques siégeant au conseil, par exemple à des sociologues, mais nous souhaitons préserver ce cadre scientifique, sans l’ouvrir à la concertation.
Le professeur Jean-François Delfraissy a proposé la création d’un comité de liaison citoyen à l’extérieur du conseil scientifique. L’installation d’un tel comité de liaison ne relève pas de la loi. J’ai demandé au professeur Delfraissy de me faire une proposition concrète, que j’attends.
Par ailleurs, la démocratie sanitaire s’articule et vit pleinement dans les territoires. J’ai des retours très favorables en ce sens. Dans un certain nombre de territoires, des associations de représentants des malades sont étroitement associées, notamment dans le secteur hospitalier, à l’organisation des soins et des visites aux personnes malades. Dans d’autres territoires, les choses sont plus complexes. Nous ferons un bilan.
Quoi qu’il en soit, soyez assurée que la démocratie sanitaire est au cœur du projet que je veux porter à la tête de ce beau ministère des solidarités et de la santé. Loin de la considérer comme un supplément d’âme, j’estime qu’elle est fondamentale, même si elle n’a pas vocation à s’exercer l’enceinte du conseil scientifique.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 47, présenté par M. Devinaz, Mmes de la Gontrie et Guillemot, M. Todeschini, Mme G. Jourda et M. Vaugrenard, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la troisième phrase de l’article L. 3131-19 du code de la santé publique, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Les membres du comité scientifique Covid-19 et du comité analyse recherche et expertise sont désignés selon les modalités de nomination prévues au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution. »
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Le présent amendement a été déposé par mon collègue Gilbert-Luc Devinaz. Il vise lui aussi à améliorer le fonctionnement démocratique du conseil scientifique.
Le conseil scientifique a pris une place considérable dans notre vie publique. Par moments, il a donné l’impression d’imposer un certain nombre de décisions. Et bien qu’il soit manifestement composé de très grands scientifiques, son mode de nomination n’est pas connu.
Reprenant la préconisation de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, le présent amendement vise donc à introduire davantage de transparence dans les conditions de nomination des membres du conseil scientifique.
Le président Bas me répondra peut-être que nous avons décidé de la composition de cette instance depuis cinq semaines dans la loi du 23 mars. Mais la question me paraît importante et non anecdotique.
Pouvons-nous admettre qu’un certain nombre de décisions publiques qui, bien qu’elles soient prises par le Gouvernement et par le Président de la République, sont guidées par le comité scientifique sans que celui-ci soit nommé dans des conditions plus transparentes et que le Parlement ait un rôle plus important à jouer ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Mes chers collègues, je me demande s’il n’y a pas quelque abus de langage à revêtir du terme valorisant de « démocratie » la désignation, par l’autorité administrative ou par le Gouvernement, de personnes qui sont censées représenter les patients, mais qui ne sont pas élues par le suffrage universel. Ces représentants, je le rappelle, sont généralement désignés par des associations qui n’ont pas d’assise populaire.
Je comprends toutefois l’utilité de consulter toutes les personnes qui ont des choses à dire. Dans une démocratie, l’art de gouverner consiste précisément à s’y appliquer, mais sans se payer de mots – il est toujours préférable de ne pas se payer de mots, et plus encore quand il s’agit d’une chose aussi précieuse que la démocratie, qui repose sur le suffrage universel.
C’est pourquoi j’estime préférable de ne pas modifier la composition du comité scientifique. L’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 78 rectifié, présenté par MM. Daudigny, Sueur et Kanner, Mme Rossignol, MM. Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mmes de la Gontrie et Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin et Meunier, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mme Guillemot, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3131-19 du code de la santé publique est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Il est réuni sans délai une conférence de citoyens choisis de manière à représenter la société dans sa diversité. Sa composition et sa nomination sont fixées par décret. Après avoir reçu une formation préalable, ses membres débattent et rédigent périodiquement un avis ainsi que des recommandations qui sont rendus publics sans délai. Les experts participant à la formation des citoyens et aux débats de cette conférence sont choisis en fonction de critères d’indépendance, de pluralisme et de pluridisciplinarité.
« Les citoyens membres de cette conférence et les experts qui les forment ne sont ni rémunérés, ni défrayés. »
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le ministre, vous avez évoqué la conférence des citoyens, dont le président du comité scientifique a proposé l’installation. Jean-François Delfraissy a tenu des propos très forts sur la nécessité de reconquérir la confiance des citoyens, et il s’est étonné de la lenteur de la mise en place de cette instance.
Comme la démocratie, la démocratie sanitaire suppose une organisation. Il en va du Parlement comme des corps intermédiaires.
Le tête-à-tête, les coups de téléphone, les consultations en direct avec chacun des acteurs ne remplacent pas une réunion des acteurs. De même qu’il ne suffit pas de contacter chacun des présidents de groupe pour que le Parlement soit consulté, il faut donner le temps aux associations de créer une dynamique démocratique, ensemble.
Or, à défaut de cadre juridique, la mise en place est longue. C’est pourquoi nous nous emparons de ce sujet.
Monsieur le président Bas, permettez-moi de vous présenter nos excuses, car il est vrai que certains de nos amendements visent à corriger des décisions que nous avons prises il y a peu de temps, dans la loi du 23 mars. Pour autant, les délais urgents dans lesquels nous travaillons ne nous permettent pas toujours d’être aussi excellents, performants et rapides que nous voudrions l’être.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Défavorable, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 78 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 4 bis (nouveau)
Le livre Ier de la troisième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le début de la première phrase de l’article L. 3115-10 est ainsi rédigé : « Dans les conditions prévues au II de l’article L. 3131-17, le représentant de l’État … (le reste sans changement) ;
2° Après le deuxième alinéa de l’article L. 3131-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les mesures individuelles ayant pour objet la mise en quarantaine, le placement et le maintien en isolement de personnes affectées ou susceptibles d’être affectées sont prononcées dans les conditions prévues au II de l’article L. 3131-15 et au II de l’article L. 3131-17. – (Adopté.)
Article 5
Après le cinquième alinéa de l’article L. 3136-1 du code de la santé publique, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les agents mentionnés aux 4° et 5° du I de l’article L. 2241-1 du code des transports peuvent également constater par procès-verbaux les contraventions prévues au troisième alinéa du présent article consistant en la violation des interdictions ou obligations édictées en application des dispositions du 1° de l’article L. 3131-15 du présent code en matière d’usage des services de transport ferroviaire ou guidé et de transport public routier de personnes, lorsqu’elles sont commises dans les véhicules et emprises immobilières de ces services. Les articles L. 2241-2, L. 2241-6 et L. 2241-7 du code des transports sont applicables.
« Les agents mentionnés au II de l’article L. 450-1 du code de commerce sont habilités à rechercher et constater les infractions aux mesures prises en application des 8° et 10° de l’article L. 3131-15 du présent code dans les conditions prévues au livre IV du code de commerce. »
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que l’État français disposait en 2009 d’un stock de 723 millions de masques de protection FFP2, en mars dernier, seuls 80 millions de masques chirurgicaux étaient encore utilisables par nos services hospitaliers.
Ces chiffres interpellent, mais n’étonnent guère lorsque l’on connaît les maux structurels de la France. Depuis plusieurs décennies, les gouvernements successifs se sont appliqués à démanteler notre service public de santé.
Ce constat va de pair avec la réalité d’une France globalisée, qui a abandonné son indépendance sanitaire à des puissances étrangères comme la Chine.
Bien que l’exécutif l’ait nié au début de la crise, il est désormais reconnu que le port du masque est essentiel à la non-propagation du virus. Vous vous êtes enfin décidé à le rendre obligatoire, par exemple dans les transports, ce qui est une excellente décision.
Nous aurions pu saluer cette mesure si sa mise en œuvre n’était pas la parfaite illustration de votre orientation libérale. Alors que vous auriez pu marquer le grand retour de l’État social par une politique industrielle publique ambitieuse, qui aurait permis de distribuer des masques à chacun, notamment aux plus précaires, vous avez fait le choix de laisser le secteur privé à la manœuvre.
Dans les jours à venir, 500 millions de masques inonderont – nous l’espérons ! – les grandes surfaces et les pharmacies. Où étaient ces masques quand nos soignants en avaient besoin ? Où sont désormais les mesures de plafonnement de leur prix, pour les rendre abordables pour tous ?
Cette crise nous aura appris que le nouveau monde n’a de toute évidence rien appris des erreurs de l’ancien. (M. le ministre s’exclame.)
M. le président. L’amendement n° 169, présenté par M. Gontard, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
….- Après le troisième alinéa de l’article L. 3136-1 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« S’agissant des obligations prévues par le 1° de l’article L. 3131-15 du présent code relatives aux transports publics, il ne peut être dressé de contravention pour non-port de masque, que si la fourniture de masques gratuits est assurée par les régies de transports mentionnées à l’article L. 1221-7 du code des transports. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Le port du masque est désormais obligatoire dans les transports. C’est très important, mais, comme nous l’avons souligné à plusieurs reprises, encore faut-il que les personnes puissent se procurer un masque.
Notre amendement vise à corriger un point important. Il serait en effet totalement injustifié que les personnes qui ne portent pas de masque, non pas par refus, mais du fait de la difficulté à s’en procurer, soient sanctionnées par une contravention. Pourquoi sanctionner quelqu’un qui n’a pas eu la possibilité de se procurer un masque ? Il faut créer les conditions de cette obligation.
Dans de grandes métropoles, notamment en Île-de-France, des transporteurs comme la SNCF ou la RATP appellent au secours. Ils craignent qu’il n’y ait des bousculades, voire des émeutes au moment où les transports vont reprendre, du fait des difficultés à respecter la distanciation et à se procurer ce fameux masque.
Or, à cette heure, nous n’avons aucune garantie que des masques seront distribués dans les stations de métro et les gares de RER ou de train aux salariés se rendant sur leur lieu de travail.
S’il convient de sanctionner quiconque refuse de porter le masque et brave la décision prise pour la sécurité sanitaire de tous et de toutes, l’on ne peut sanctionner celui qui n’a pas eu la possibilité de s’en procurer du fait d’une défaillance dans l’acheminement des masques.
Nous sommes alertés chaque jour dans nos territoires par des populations inquiètes et par des professionnels comme les pharmaciens. Telle est la situation à laquelle nous sommes rendus.
J’en profite pour redire que mon groupe juge que le masque devrait être gratuit et pris en charge à 100 % par la sécurité sociale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Défavorable, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Je me rangerai à l’avis du rapporteur sur cet amendement.
Je profite de cette prise de parole pour vous indiquer, monsieur le ministre, que j’ai été interpellée ce matin par un médecin du 9-4. Les pharmacies ont reçu des masques chirurgicaux, qui, contrairement aux masques reçus précédemment en quantité très faible, étaient quasiment inutilisables, car ils étaient trop petits, non étanches, mal fabriqués, donc inadaptés.
Ce sont pourtant des masques commandés par l’État et fournis par les ARS aux pharmacies. Je tenais à vous le signaler. J’espère que les masques de la grande distribution seront, eux, de qualité. (M. le ministre s’exclame.)
Le médecin m’a proposé de venir chercher un masque. Je ne me suis pas rendue dans le 9-4 ce matin, mais si vous le souhaitez, je peux vous faire envoyer l’un de ces masques. Quoi qu’il en soit, je tenais à vous signaler cette situation.
Nous avons un vrai problème avec les masques chirurgicaux. Les soignants, au sens très large du terme, sont fortement touchés par cette épidémie – en témoigne le nombre important de soignants malades, voire décédés.
Le président Milon nous indiquait qu’un hôpital psychiatrique de la région PACA, après avoir reçu des masques envoyés par l’ARS, mais périmés, a passé une commande en Chine. Or les masques, qui, paraît-il, ne sont pas aux normes, sont bloqués à l’aéroport.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. Madame Deroche, il peut arriver, et j’en suis désolé, qu’un masque soit trop petit ou qu’il soit moins utilisable. Mais tous les masques qui ont été commandés par l’État répondent aux normes de marquage CE ou équivalent. Tous sont testés à leur arrivée dans les aéroports, ce qui explique qu’ils soient retenus quelques jours dans les douanes, avant d’être déstockés et livrés aux pharmacies.
Certains masques peuvent être périmés, c’est-à-dire que leur date limite d’utilisation est passée de quelques mois. Ces masques ont été testés conformes par les autorités de santé – l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) et l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) –, qui ont vérifié que leurs capacités de filtration antibactérienne étaient normées au moins au-dessus de 97 % et que leurs capacités de respirabilité étaient largement satisfaisantes. Cela nous a permis de déstocker ces masques en toute confiance.
Madame Deroche, je sais que vous ne pensez pas à mal, mais je ne puis vous laisser suggérer que les masques de la grande distribution pourraient être de meilleure qualité que ceux qui ont été distribués par l’État.
Premièrement, ce sont les mêmes masques. Ils sont commandés auprès des mêmes fabricants et ils arrivent dans les mêmes avions.
Deuxièmement, les masques qui ont été déstockés en quantité auprès des soignants par l’État sont normés, même si, sur 400 millions de masques commandés, certains peuvent certes être défectueux ou moins adaptés, ce que je regrette vivement.
Nous avons déstocké 40 millions, puis 45 millions de masques par semaine à destination des hôpitaux, des Ehpad, des aides à domicile et des pharmacies d’officine dont le rôle a été primordial depuis le début de la crise pour répartir les masques auprès des professionnels de santé de ville. Nous avons ensuite porté ce nombre à 70 millions la semaine dernière, puis à 100 millions par semaine depuis cette semaine.
Cette forte augmentation permettra de fournir très largement l’ensemble des soignants, mais également de commencer à en distribuer aux personnes vulnérables et aux personnes malades sur ordonnance. Autrement dit, nous allons retrouver un mode de fonctionnement classique, au sens où l’offre sera adaptée à la demande, mais dans un contexte qui n’a lui rien de classique, puisque nous consommons 100 millions de masques par semaine, soit plus de vingt fois la consommation habituelle dans notre pays. Mais désormais, l’offre est capable de répondre à la demande.
Encore une fois, je vous en conjure, faisons attention à ce que nous disons. Si le médecin qui vous a interpellée vous adresse un masque défectueux, nous pourrons en vérifier ensemble la référence quand nous nous reverrons la semaine prochaine.
Vous le savez, quand j’ai pris les commandes au début de cette crise épidémique, j’ai tenu un discours de franchise aux Français quant à la difficulté que nous avions à conjuguer les stocks dont nous disposions avec les demandes des seuls soignants.
De plus, l’approvisionnement en masques est certes géré par l’État, mais il est assuré par des cellules de crise de mon ministère et de la place Beauvau. Ces cellules sont composées de volontaires issus de toutes les administrations et parfois du secteur privé, qui ont à cœur d’être utiles dans cette crise.
Je vous invite à venir les rencontrer un dimanche au ministère. Depuis plusieurs semaines, la bibliothèque a été transformée en cellule de crise bis. Une trentaine ou une quarantaine de personnes y travaillent en permanence à l’approvisionnement en masques, en écouvillons, etc. Vous me donnez l’occasion de saluer ces volontaires qui travaillent jour et nuit. Tout n’est certes pas parfait, mais ce n’est pas de leur fait ; c’est la situation qui est exceptionnelle.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Tout d’abord, je n’ai pas eu de réponse quant à la différence qu’il convient de faire entre une personne qui n’a pas pu se procurer de masque et celle qui refuse d’en porter. Tel était l’objet de notre amendement.
Ensuite, depuis le début de la crise, mon groupe est extrêmement critique sur les choix politiques qui sont faits en matière de santé par ce gouvernement, qui a amplifié les choix précédents et qui n’a pas l’air de tirer de leçons de la crise terrible que nous vivons.
Monsieur le ministre, je ne doute ni de votre engagement personnel ni de la mobilisation de votre équipe dans ce moment crucial, terrible.
En revanche, avec mon groupe, je mets en cause les choix que vous faites et nous regrettons que vous n’écoutiez pas la voix d’un certain nombre d’élus, issus de toutes les sensibilités politiques. Je ne suis pas paranoïaque et, bien que j’aie été la seule à qui le Premier ministre n’a pas répondu, ce qui d’ailleurs n’a puisque d’importance, je n’ai pas pour habitude de considérer que notre groupe est moins bien traité.
Mme Deroche a pris l’exemple du 9-4. Je suis élue de ce département, que nous préférons d’ailleurs appeler le Val-de-Marne. Une pharmacie de Gentilly où je me suis rendue samedi venait de recevoir un mail de son fournisseur lui signifiant qu’elle ne recevrait pas les masques commandés pour le 18 mai.