M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous espérons qu’il y aura le moins de licenciements possible. Si nous donnons ce soir des moyens budgétaires pour financer le chômage partiel de manière élargie, c’est précisément pour éviter des licenciements. Ce que nous souhaitons, c’est que, à l’issue de la baisse d’activité résultant du fait que les entreprises n’ont plus de clients – période que l’on espère la plus brève possible –, les entreprises ne se séparent pas de leurs salariés. Pour ce faire, l’État finance le chômage partiel grâce au mécanisme que le Parlement va approuver.
Si l’on excluait du bénéfice de la garantie une entreprise conduite à licencier un salarié pour d’autres raisons, il est certain qu’elle serait conduite à licencier tout le reste de son personnel, car elle se trouverait alors en difficulté. Concrètement, cela signifierait que le jour où elle aurait besoin d’avoir recours à un crédit, elle serait de fait exclue du mécanisme de garantie. Les autres salariés risqueraient de se trouver en très grande difficulté et l’entreprise pourrait fermer.
La commission émet donc évidemment un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, pour les raisons que j’ai déjà exposées.
Le système de garantie repose en fait sur une relation à trois, entre l’État, la banque et l’entreprise. La banque ne peut pas s’engager pour l’entreprise. Il ne faudrait donc pas qu’elle se défausse et qu’elle refuse un crédit au motif qu’elle n’a pas la garantie que l’entreprise ne licenciera pas. On ne peut pas rembourser une garantie, qui est juste un confort permettant de réduire le risque. Le jour où l’entreprise pourra reprendre son activité, elle n’aura rien remboursé. Les taux à 0,25 % ou 0,50 % ne feront pas une grande différence. Le dispositif que vous proposez ne fonctionne pas.
Notre stratégie consiste à accompagner les salariés en leur permettant de bénéficier du chômage partiel. Notre intérêt est de maintenir les salariés dans l’entreprise afin de permettre à cette dernière, lorsqu’elle redémarrera, d’avoir ses salariés sous la main plutôt que de perdre du temps à en recruter de nouveaux. De nombreuses entreprises nous disent qu’il est très difficile de recruter, de trouver des compétences. Il ne faut donc pas prendre le risque qu’elles coupent leurs liens avec leurs salariés. Nous leur permettons de ne pas couper ces liens.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Nous sommes très ouverts, nous pouvons tout entendre, mais tout de même ! Lorsqu’une banque prête de l’argent à une entreprise, elle le fait sur la base de critères. Elle discute avec elle, évalue sa situation financière, lui demande des garanties. Nous disons juste qu’il faut en plus qu’elle prenne des garanties en termes d’emplois. Vous dites vous-même, madame la secrétaire d’État, que les mesures que vous prenez visent à protéger l’emploi. Eh bien, écrivons-le dans le texte, tout simplement ! Sinon, cela signifierait que vous mettez beaucoup d’argent sur la table, mais que vous n’êtes pas comptable des résultats. Nous ne le comprendrions pas, pas plus que nos concitoyens.
Si l’État met toutes ces garanties sur la table, c’est pour obtenir des résultats, dont il est comptable. Alors que nous vivons une crise sanitaire ayant de graves conséquences économiques, la garantie de l’emploi doit faire partie des conditions. C’est aussi la condition de la relance économique.
M. le président. Je mets aux voix l’article 4.
(L’article 4 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 4
M. le président. L’amendement n° 9, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement adresse au Parlement, tous les mois à compter de la publication de la présente loi, puis tous les six mois à compter du 1er janvier 2021, un rapport portant sur :
1° La consommation des crédits des deux programmes de la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire ainsi que les valeurs estimées des indicateurs de performance associés à cette mission ;
2° Le coût pour l’État et pour l’Unédic du dispositif d’activité partielle, l’évolution du nombre de salariés en situation d’activité partielle, ainsi qu’un bilan statistique comportant notamment la moyenne et la médiane des salaires des actifs indemnisés ainsi que la moyenne et la médiane des sommes versées aux entreprises au titre de l’indemnisation de l’activité partielle ;
3° Le suivi des dépenses engagées par le « Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire » et leur effet sur l’activité des entreprises soutenues ;
4° Le déploiement du mécanisme de garantie des prêts des entreprises et son suivi par Bpifrance Financement SA, en présentant notamment le nombre de prêts garantis, leur encours total, leur durée d’amortissement, le montant des commissions de garantie perçues ainsi que le nombre et le montant des appels de garantie ayant conduit à un versement de l’État ;
5° Le bilan de l’effet de la crise sanitaire sur le tissu économique, notamment le nombre de défaillances de petites et moyennes entreprises enregistrées depuis mars 2020.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Lorsque nous examinons les projets de loi de finances, nous discutons pendant des heures d’amendements, sans doute très importants, portant sur des montants de 1 000 euros ou de 10 000 euros. Aujourd’hui, nous discutons de dispositifs certes pris dans l’urgence, mais qui représentent des montants considérables. Ainsi le mécanisme de garantie des prêts des entreprises représente-t-il un engagement de 300 milliards d’euros. Nous espérons, évidemment, que ces garanties ne seront pas mises en œuvre.
Il nous paraît donc indispensable, et je pense, monsieur le président, que vous partagez cette opinion, que le Parlement exerce pleinement son contrôle sur ces engagements de l’État. Ce raisonnement vaut aussi bien pour le fonds de solidarité que pour le mécanisme de garantie des prêts.
Il est vrai que l’Assemblée nationale, sur proposition du président de sa commission des finances, a prévu un comité de suivi. Ce comité est sans doute utile, mais les circonstances actuelles rendent peut-être difficiles les réunions d’un tel comité, qui mettra en outre du temps à faire un rapport.
Dans les circonstances actuelles, nous avons simplement besoin d’une information qui soit la plus précise, la plus fluide possible. L’amendement n° 9 tend donc à prévoir que le Gouvernement remettra au Parlement tous les mois, puis, à terme, tous les six mois, l’ensemble des informations chiffrées dont il a besoin concernant le fonds de solidarité et le mécanisme de garantie, sous une forme qui peut être dématérialisée.
L’amendement tend à préciser toutes les informations dont nous avons besoin. Vous me direz peut-être, monsieur le secrétaire d’État, que c’est surabondant compte tenu des pouvoirs que confère au président et au rapporteur général de la commission des finances la loi organique relative aux lois de finances, mais le Gouvernement doit faire un effort en termes de transparence et en matière de transmission de l’information.
Soyez bien sûr assurés, mes chers collègues, que la commission des finances exercera pleinement son devoir de vigilance et son rôle de contrôle s’agissant d’engagements financiers aussi considérables.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. L’amendement de de M. le rapporteur général est, à quelques mots près, le même que celui qu’a déposé le rapporteur général de l’Assemblée nationale, Laurent Saint-Martin, lequel a été retiré au profit d’un amendement déposé par le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Éric Woerth. Ce dernier amendement a été adopté par l’Assemblée nationale avec un avis favorable du Gouvernement et, bien évidemment, du rapporteur général.
L’Assemblée nationale a donc adopté la création d’un comité de suivi associant des représentants des deux chambres, mais aussi des personnalités qualifiées, pour procéder à l’évaluation et au contrôle des mesures d’urgence que nous votons dans le présent projet de loi de finances rectificative. Cela n’empêchera évidemment pas les deux chambres de procéder à un contrôle ni les commissions des finances d’exercer leurs prérogatives que vient de rappeler M. le rapporteur général.
Je demande donc à M. le rapporteur général de bien vouloir retirer son amendement au profit du dispositif adopté à l’Assemblée nationale. Dans la mesure où nous étions favorables à l’amendement de Laurent Saint-Martin, nous sommes, par définition, disposés à fournir au comité de suivi et au Parlement les éléments d’information qu’il sollicite dans son amendement.
Je tiens toutefois à apporter une nuance à ce que je viens de dire et un complément.
Je ne peux pas totalement vous assurer, monsieur le rapporteur général, qu’il sera possible de vous transmettre de façon mensuelle les informations concernant l’activité de Bpifrance. Nous ferons tout ce que nous pourrons pour vous les communiquer de manière aussi régulière que possible, mais je me suis laissé dire que son système d’information rendrait peut-être difficile leur transmission dans des délais aussi rapprochés. Quoi qu’il en soit, nous y travaillerons.
Enfin, votre amendement n’aborde pas, en tout cas pas de manière explicite, les effets de la crise sur les collectivités ou sur l’hôpital public – c’est l’objet de deux autres amendements –, mais nous transmettrons bien évidemment aux deux chambres et au comité de suivi prévu par l’Assemblée nationale tous les éléments nécessaires et toutes les informations demandées.
Compte tenu de ces explications, je demande le retrait de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je parle également au nom du président de la commission des finances, qui pense, comme vous, monsieur le président, qu’il est nécessaire que nous disposions d’informations de manière fluide.
Nous sommes favorables à un comité de suivi, mais il pose des problèmes, vous le savez très bien, ne serait-ce que pour réunir physiquement des experts et des personnalités qualifiées. Ce dont nous avons besoin dans l’immédiat, c’est de disposer d’informations précises au fil de l’eau, détaillées dans l’amendement. Nous avons besoin d’informations sur la consommation des crédits des programmes, sur le coût pour l’État des dispositifs d’activité partielle, sur le nombre de salariés concernés, de bilans statistiques, en bref sur tous les éléments dus au Parlement et aux commissions des finances.
En votant en urgence ce projet de loi de finances rectificative ce soir, nous souhaitons évidemment apporter à notre pays la réponse la plus réactive possible, compte tenu notamment des difficultés que peuvent présenter l’octroi de crédits et l’indemnisation du chômage partiel. C’est la raison pour laquelle nous nous orientons vers un vote conforme du texte, sans pour autant donner un blanc-seing au Gouvernement. Si le Gouvernement s’engage à nous fournir les informations très précises que nous lui demandons, en fonction de leur disponibilité et selon une périodicité la plus resserrée possible, je suis prêt à retirer mon amendement. Nous pourrons peut-être, monsieur le président, rendre cet engagement plus solennel.
Pour l’heure, nous vous remercions, monsieur le secrétaire d’État, compte tenu du confinement, de nous éviter d’avoir à effectuer, comme le prévoit la loi organique relative aux lois de finances, un contrôle sur pièces et sur place à Bercy, où nous risquerions de trouver des bureaux vides. Nous n’hésiterions toutefois pas à le faire, mais épargnez-le-nous. Donnez-nous les informations, cela permettra au Parlement et aux commissions des finances de jouer pleinement leur rôle et de suivre ces questions de très près.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Engagement est pris de communiquer les données nécessaires.
Je souscris totalement à la disposition adoptée hier à l’Assemblée nationale, à savoir la constitution d’un comité de suivi. Un tel lieu de débat sera utile pendant cette période. Cependant, je n’oublie pas – c’est peut-être l’ancien député qui s’adresse à vous à cet instant – que la primauté de l’information et, surtout, de la compétence en matière de contrôle de l’action du Gouvernement reste due au Parlement.
Au-delà de la conviction que je viens d’exprimer qu’il faut répondre aux interrogations et demandes d’informations qui pourront être formulées par le Sénat et l’Assemblée nationale, comme par leurs commissions des finances respectives, c’est un devoir que de le faire.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Je sens que nous sommes près du but…
Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes bien entendu disponibles pour travailler au sein de ce comité de suivi. Toutefois, la question pour nous est moins de savoir quels seront nos interlocuteurs, quel que soit l’intérêt des échanges qui auront lieu, que d’avoir régulièrement les informations chiffrées nécessaires, de façon à pouvoir apprécier les éléments de tendance. C’est la raison pour laquelle le séquençage de la fourniture de ces informations nous paraît tout à fait essentiel.
Compte tenu de l’engagement public que vous venez de prendre, je pense possible, comme le rapporteur général, de retirer cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le secrétaire d’État, nous vous écrirons donc pour vous demander des informations et, comme vous souscrivez à cette demande, je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 9 est retiré.
En tant que président du Sénat, j’écrirai à M. le Premier ministre pour l’informer de l’attention particulière que nous accorderons à cette demande de la commission des finances, qui, ce faisant, est pleinement dans son rôle, et à laquelle j’associe les commissions saisies pour avis. C’est dans l’intérêt du Sénat tout entier.
L’amendement n° 13, présenté par Mme N. Delattre et M. Gabouty, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois après la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité d’instaurer, pour les départements, une capacité d’intervention conditionnelle en cas de catastrophe sanitaire, sur le modèle de la capacité d’intervention en cas de catastrophe naturelle prévue à l’article 71 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Avant de présenter cet amendement, permettez-moi de revenir sur l’amendement de Mme Primas, qui a été présenté par Antoine Lefèvre, et sur votre réponse, madame la secrétaire d’État. Une entreprise en procédure de sauvegarde n’est pas une entreprise condamnée : c’est une entreprise qui a besoin de se restructurer et qui n’est pas en cessation de paiements.
Or, demain, à la suite de cette crise, de nombreuses entreprises risquent de se retrouver dans cette situation. Les exclure d’un dispositif leur permettant de se réorganiser et de se redresser serait particulièrement néfaste pour notre tissu économique.
J’en viens à l’amendement n° 13, qui est un amendement d’appel. Par parallélisme avec la loi Engagement et proximité, qui autorise les départements à intervenir en matière économique dans des conditions limitées et encadrées en cas de catastrophe naturelle, il faudrait sans doute penser à accorder à l’avenir la même dérogation aux départements pour les TPE, les artisans et les entrepreneurs individuels en cas de catastrophe sanitaire.
J’annonce d’emblée que je retirerai cet amendement après avoir entendu les avis de la commission et du Gouvernement.
M. Bruno Retailleau. Bonne idée !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La question de la capacité d’intervention des départements et de l’État en cas de crise déborde largement le cadre de cet amendement. C’est pourquoi la commission en demande le retrait, mais elle sera satisfaite.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement, dont l’objet met clairement en lumière que ce que nous vivons aujourd’hui, et que personne n’avait imaginé ou prévu, nous obligera à repenser les modalités d’intervention de l’action publique et d’une forme de clause de sauvegarde, mais pas dans le cadre de l’examen d’un texte d’urgence. Il faut garder cette idée en tête.
M. Jean-Marc Gabouty. Je retire l’amendement n° 13, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 13 est retiré.
L’amendement n° 27, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le niveau des crédits exceptionnels en direction des collectivités territoriales, notamment vers les communes.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, je propose que l’amendement n° 28 soit d’emblée considéré comme défendu. Il a en effet été déjà remarquablement présenté par ma collègue Laurence Cohen et, dans la discussion générale, j’ai posé la question de l’exigence d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale.
L’amendement n° 27 est en quelque sorte un amendement d’alerte sur la situation à venir des collectivités territoriales. Nous le savons tous, cette crise financière et cette crise économique vont avoir pour conséquence un élargissement de la demande sociale pour les collectivités territoriales.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, hier, a été à juste titre suspendue la limitation à 1,2 % de l’augmentation des dépenses de fonctionnement des collectivités prévue dans le contrat de Cahors. Il aurait été absurde de la conserver. Vous connaissez la position de mon groupe en la matière : il faudrait le faire pour plusieurs années et pas seulement pour 2020. Il faut laisser aux collectivités territoriales de la liberté et de l’autonomie dans les réponses qu’elles apporteront aux populations.
Un autre aspect doit être envisagé, mes chers collègues, celui de l’impact sur la fiscalité. On en parle rarement pour les collectivités, mais cette situation entraînera mécaniquement pour elles une baisse des DMTO, des rentrées de la TVA et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Cet amendement vise donc à ce que, dans un délai d’un mois à compter de la promulgation de ce texte – un autre délai peut être envisagé –, soit remis un rapport sur le niveau des crédits exceptionnels destinés aux collectivités territoriales, notamment aux communes. En effet, nos 500 000 élus – ceux qui viennent d’accomplir leur mandat comme ceux qui viennent d’obtenir la légitimité des suffrages – ont été bien secoués au cours de la dernière période, non par les électeurs, mais parfois, pardonnez-moi de le dire, par un certain manque de compétence dans le rapport à la démocratie face à de tels enjeux. Il s’agit peut-être là d’une opinion toute personnelle.
M. Bruno Retailleau. Non, non !
M. Pascal Savoldelli. Si nous voulons les rassurer et recréer de la confiance dans la société, il nous faut envoyer un signe aux collectivités territoriales et à leurs élus, quelle que soit leur sensibilité politique.
M. le président. L’amendement n° 28, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les quinze jours à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la mise en œuvre d’un plan de soutien financier aux hôpitaux pour faire face à la crise sanitaire liée à l’épidémie du virus Covid-19.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le débat sur l’amendement n° 28 a déjà eu lieu. Il faudra certainement revoir l’Ondam ou prévoir un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative. La commission demande donc le retrait de cet amendement.
Nous n’épuiserons pas ce soir la question de l’impact de cette crise sur les collectivités, en particulier sur les communes, qui vont connaître des pertes de recettes et une augmentation de leurs dépenses. Certaines rencontreront des difficultés pour remplir leurs missions de service public. Il en sera de même pour les régions, qui seront soumises à des dépenses supplémentaires, notamment en matière économique, puisqu’elles devront notamment participer au fonds de solidarité. Les départements subiront aussi des pertes de recettes, notamment de DMTO, et des augmentations de dépenses de RSA. L’impact sur les collectivités sera donc considérable.
En revanche, il est selon moi beaucoup trop tôt pour un rapport. C’est d’ailleurs à nous, qui connaissons particulièrement bien les élus locaux, qu’il revient de tirer les conséquences de cette situation, et non au Gouvernement. Il faut malheureusement s’attendre à des effets retard.
Le délai fixé dans l’amendement ne me paraît pas compatible avec cette crise, qui n’a pas encore atteint son paroxysme. Il ne s’agit pas d’évacuer le sujet, mais le tempo ne semble pas le bon : tout cela est prématuré. Nous examinons aujourd’hui un projet de loi de finances rectificative d’extrême urgence, il y aura d’autres véhicules législatifs.
Monsieur le président, à mon tour, je veux souligner à quel point nous avons en ce moment besoin des collectivités, notamment des communes, qui, dans cette situation de confinement, sont particulièrement sollicitées et sur lesquelles l’État a besoin de s’appuyer.
Pour cette raison, la commission demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement demande également le retrait de ces amendements, avec les mêmes arguments que ceux qu’a développés M. le rapporteur général. Sur l’évolution ou la situation financière des collectivités territoriales, je rejoins son analyse : nous avons besoin d’un peu plus de temps.
Si impact il y a sur la CVAE, celui-ci se produira probablement en 2021 ; si impact il y a sur les ressources des collectivités locales, notamment avec la taxe d’habitation, le dispositif de compensation pour les départements par des fractions de TVA voté lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020 a le mérite, même si nous en avions débattu longuement, de poser un plancher calculé par la loi, indépendamment de l’évolution de la situation économique cette année.
Enfin, comme je l’ai indiqué à M. Féraud, même s’il ne s’agit là que d’un chiffre global, nous savons que les collectivités territoriales dans leur ensemble disposent aujourd’hui d’une trésorerie de 44 milliards d’euros. Par ailleurs, d’autres éléments de leurs recettes, comme les dotations, sont garantis par la loi de finances pour 2020, contrairement aux entreprises qui voient leur chiffre d’affaires, donc leurs recettes, s’écrouler cette année.
Je ne dis pas qu’il n’y aura pas d’impact et je ne sous-estime pas le fait qu’il sera nécessaire de travailler sur ce sujet, mais l’urgence concernant les collectivités n’est pas du même ordre que celle concernant le secteur économique, auquel s’appliquent les mesures de ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai bien entendu vos réponses sur les impacts de la loi de finances sur les questions de fiscalité. Néanmoins, sur les autres aspects, nous restons préoccupés. Si, selon vous, il est préférable de faire l’examen des conséquences de cette situation pour les collectivités dans un mois et demi ou dans deux mois, plutôt que dans un mois, nous pouvons en débattre. En revanche, il faut un engagement fort. Je rappelle que le dernier engagement qui a été demandé, c’était le contrat de Cahors. Aujourd’hui, nous sommes dans une autre situation.
Pour laisser une trace de notre demande et sans que cela remette en cause vos propos, monsieur le secrétaire d’État, nous maintenons l’amendement n° 27. En revanche, nous retirons l’amendement n° 28 : nous avons eu les échanges qu’il fallait sur cette question sanitaire, qui prime le reste, même si cela ne signifie pas que nous sous-estimons les enjeux de la crise financière et de la crise économique.
Il est bon que le Sénat adresse un signal aux collectivités territoriales, je pense en particulier aux élus communaux de la plus petite ville à la plus grande ville, quand bien même ce seront surtout les plus grandes villes qui connaîtront le tournis résultant de la fixation de la date du second tour…
M. le président. L’amendement n° 28 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 27.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 5 (nouveau)
La caisse centrale de réassurance, agissant avec la garantie de l’État, est habilitée à pratiquer les opérations d’assurance ou de réassurance, intervenant avant le 31 décembre 2020, des risques d’assurance-crédit portant sur des petites et moyennes entreprises et sur des entreprises de taille intermédiaire situées en France ainsi que des engagements pris au titre du g de l’article L. 231-13 du code de la construction et de l’habitation.
Un décret précise les conditions d’exercice de cette garantie.
La garantie de l’État mentionnée au présent article est accordée pour un montant maximal de 10 milliards d’euros. – (Adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2020, je donne la parole à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Évidemment, nous ne sommes pas dans un monde idéal. Cette nuit, nous avons adopté deux projets de loi d’urgence en matière sanitaire ; cet après-midi, nous avons examiné un texte d’urgence en matière économique et financière. Il s’agit de parer au plus pressé, d’apporter une sauvegarde aux entreprises à travers le crédit et aux salariés à travers le chômage partiel.
Nos débats n’épuisent toutefois pas toutes les questions. J’ai entendu les engagements du Gouvernement sur un certain nombre de sujets ; nous serons vigilants. J’ai, par ailleurs, entendu les demandes d’un certain nombre de collègues sur des problématiques variées, qui me paraissent très légitimes. Je garde un goût d’inachevé concernant des sujets qui n’ont pas aujourd’hui trouvé de réponse : les entreprises en sauvegarde, les secteurs pour lesquels aucune solution n’a été apportée, l’incitation au travail à travers les heures supplémentaires… Tous ces sujets restent complètement ouverts et nous serons amenés très prochainement – j’ignore quand – à y revenir.
Nous avons le rendez-vous obligatoire du programme de stabilité, le 15 avril prochain. Il est incontournable. Nous serons donc amenés à nous revoir très prochainement et j’espère que nous pourrons apporter des réponses aux questions que nous avons trop brièvement et imparfaitement examinées cet après-midi.
Monsieur le secrétaire d’État, dans un esprit de responsabilité, comme le Sénat a su en faire montre lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020, nous avons adopté, dans des conditions il est vrai imparfaites, un certain nombre de mesures d’urgence. Cela ne signifie pas un dessaisissement du Parlement ou un désintérêt pour les autres sujets, sur lesquels nous aurons à revenir très prochainement.
Je remercie tous les collègues qui, dans ces conditions particulières, ont accepté de participer à ce débat et, dans un esprit de responsabilité, de retirer certains de leurs amendements. La situation n’est pas idéale, mais le pays a aujourd’hui besoin d’une réponse d’extrême urgence. Monsieur le secrétaire d’État, nous aurons l’occasion de revenir bientôt sur les sujets qui n’ont pas pu être traités aujourd’hui et d’assurer le suivi des mesures qui viennent d’être votées.
Merci à tous de votre diligence et de votre présence active cet après-midi.