M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Deromedi, l’amendement n° 18 rectifié est-il maintenu ?
Mme Jacky Deromedi. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 18 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 6.
(L’article 6 est adopté.)
Article 7
I. – Le fonds est financé par :
1° L’affectation d’une fraction du produit de la taxe prévue à l’article L. 253-8-2 du code rural et de la pêche maritime ;
2° Les sommes perçues en application de l’article 6 ;
3° Les produits divers, dons et legs.
II (nouveau) . – Le VI de l’article L. 253-8-2 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :
« VI. – Le produit de la taxe est affecté :
« 1° En priorité, à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, dans la limite du plafond fixé au I de l’article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, pour financer la mise en place du dispositif de phytopharmacovigilance défini à l’article L. 253-8-1 du présent code et pour améliorer la prise en compte des préjudices en lien direct avec l’utilisation des produits phytopharmaceutiques ;
« 2° Pour le solde, au Fonds d’indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques. »
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, sur l’article.
M. Victorin Lurel. Madame la ministre, je continue mon travail, que je qualifierais presque de pédagogique.
Vous avez soutenu que les limites maximales de résidus, ou LMR, avaient été revues à la hausse dans les circuits officiels, autrement dit pour les grandes et moyennes surfaces, les GMS. Vous avez ajouté que l’on pouvait absorber sans grand danger un total de 100 ou de 200 microgrammes. Selon vous, c’est dans les circuits non contrôlés, par exemple les jardins familiaux, que le risque demeure. Mais, permettez-moi de vous le dire, de tels propos sont difficiles à soutenir, d’autant plus avec la rigueur scientifique qui vous caractérise !
Certes, les jardins familiaux ne sont pas contrôlés, mais les circuits officiels ne le sont pas non plus ! La France reçoit, par exemple, des ignames du Costa Rica. Or ce pays utilise des produits phytopharmaceutiques que notre pays prohibe. Disons que le contrôle phytosanitaire exercé aux frontières est quelque peu défaillant… Il faut revoir ce dispositif.
Par ailleurs, vous avez évoqué le plan Écophyto. Pardonnez-moi de vous le dire : ici, dans l’Hexagone, c’est un échec,…
Mme Sophie Primas. Non !
M. Victorin Lurel. … et l’échec est encore plus flagrant dans les outre-mer. Bien sûr, madame Primas, le travail a été repris, mais il n’est toujours pas à la hauteur de nos espérances.
Parallèlement, les crédits du plan Chlordécone III diminuent – j’ajoute même qu’ils ne sont pas systématiquement consommés.
Lorsque j’étais président de région, j’ai assuré l’achat d’un chromatographe et de charbon pour les stations de production d’eau. De plus, nous avons subventionné, comme il se devait, les analyses de sol. Il faut reprendre ce travail, il faut réactualiser la cartographie des sols. En Martinique, mais aussi en Guadeloupe, où ils représentent 84 % du territoire, les sols non pollués devraient faire l’objet d’une cartographie actualisée.
Je ne forme aucune accusation personnelle contre ce gouvernement, d’autant que je mesure ce que représente l’exercice des responsabilités ministérielles. Mais il faut bien admettre que l’on a abandonné la recherche ! On a vu, à la télévision, des chercheurs annoncer qu’ils devaient remiser leurs éprouvettes au placard, faute de crédits. Or ils avaient déjà obtenu des résultats pour ce qui concerne la dégradation de la molécule de chlordécone.
Voilà pourquoi il faut développer le hors-sol ; il faut déployer un véritable plan Marshall à Grande-Terre, là où se trouvent les terres agricoles concernées. Pour l’heure, de telles initiatives n’existent pas.
M. le président. L’amendement n° 19 rectifié, présenté par M. Bizet, Mme Gruny, MM. Gremillet, de Legge, Pillet, Magras et Savary, Mme Eustache-Brinio, M. Pellevat, Mme Procaccia, MM. Huré, Chaize, Rapin et Bazin, Mme Morhet-Richaud, MM. Dallier, Paul, Chatillon et B. Fournier, Mmes Deromedi et Duranton et MM. Paccaud, Danesi et Pointereau, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette affectation n’est pas mise en œuvre chaque année lorsque le fonds est suffisamment abondé.
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. L’affectation d’une fraction du produit de la taxe prévue par l’article L. 253-8-2 du code rural et de la pêche maritime, versée annuellement, ne paraît pas nécessaire lorsque le fonds est suffisamment alimenté pour indemniser les victimes.
Aussi, le présent amendement vise la modulation de la fraction de la taxe perçue par le fonds en fonction de ses besoins financiers et des sommes perçues au titre des recours subrogatoires en application de l’article 6 de cette proposition de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Jomier, rapporteur. La taxe actuellement collectée sur les produits phytopharmaceutiques finance les actions de phytopharmacovigilance déployées par l’ANSES. Or si j’ai constaté un consensus lors des auditions, c’est bien en faveur du maintien de ce dispositif : ce dernier a d’ores et déjà prouvé son efficacité. Il a notamment permis le retrait de divers produits.
Il faut donc maintenir ce financement, qui est de l’ordre de 4 millions d’euros par an.
Le Parlement a fixé, pour cette taxe, un plafond supérieur à ce montant : il s’élève à environ 6 millions d’euros. En termes de rendement, le delta est donc de 2 millions d’euros. Or ces crédits sont absolument nécessaires pour amorcer le fonds.
En outre, s’il y a un autre consensus, c’est pour reconnaître qu’il faudra d’autres recettes. Mme la ministre l’a rappelé, et nous en convenons tous.
Au fil de la procédure, à mesure que ce dispositif de réparation sera mis en place, il sera nécessaire d’arbitrer, de choisir entre divers financements complémentaires : la hausse de cette taxe ; un financement de l’État comparable à celui du FIVA, même si, actuellement, il décroît dans le cadre de ce dispositif ; ou encore un financement par la sécurité sociale. Ainsi les cotisations sociales des employeurs viennent-elles abonder le FIVA.
La question n’est pas de récolter ou non la petite fraction de la taxe existant actuellement : ces ressources ne permettront pas de couvrir les besoins d’indemnisation. En conséquence, les dispositions de cet amendement ne semblent pas cohérentes au regard des démarches entreprises.
Pour cette raison, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacky Deromedi. Dans ces conditions, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 19 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 7.
(L’article 7 est adopté.)
Article 8
Les demandes d’indemnisation doivent être adressées au fonds dans un délai de 10 ans.
Pour les victimes, le délai de prescription commence à courir à compter de :
– pour la maladie initiale, la date du premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l’exposition aux produits phytopharmaceutiques ;
– pour l’aggravation de la maladie, la date du premier certificat médical constatant cette aggravation dès lors qu’un certificat médical précédent établissait déjà le lien entre cette maladie et une exposition aux produits phytopharmaceutiques.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, sur l’article.
M. Victorin Lurel. Madame la ministre, avant que ce débat ne s’achève, je tiens à aborder la question des procès.
En Martinique comme en Guadeloupe, la société civile s’est réveillée. De nombreuses plaintes ont été déposées devant les tribunaux de proximité. Aujourd’hui, certaines de ces procédures ont atteint le stade de la cassation. Je crois même que l’une d’entre elles se trouve devant la Cour de justice de l’Union européenne, la CJUE.
Or, en la matière, les délais sont excessivement longs, et cette situation contrevient à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, lequel est relatif au droit à un procès équitable dans un délai raisonnable.
J’ajoute que, sauf erreur de ma part, en Martinique comme en Guadeloupe, il a fallu que des mobilisations aient lieu, à deux reprises, pour que le procureur de la République accepte d’accélérer le processus. Je sais bien que la justice est indépendante : mais, enfin, il n’y a pas de miracle.
J’ai, moi-même, financé une association baptisée SOS Environnement. Nous avons payé les honoraires d’un avocat. Aujourd’hui, voilà près de huit années que dure la procédure ! On se hâte lentement : festina lente… Sur ce sujet aussi, j’attire l’attention du Gouvernement.
Madame Buzyn, vous êtes membre du Gouvernement, ministre des solidarités et de la santé, et, de surcroît, professionnelle avertie. Aux populations qui nous écoutent et qui nous regardent, car elles connaissent l’existence de ce débat, il fallait adresser un signal symbolique fort, leur indiquant que nous les entendons et que nous nous occupons de ce dossier.
Le profit n’est pas plus important que l’homme : c’est ce que nous devrions tous dire. Si je puis m’exprimer ainsi, j’aimerais que, dans cet hémicycle laïc, nous communiions tous dans cette religion-là ! (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Monsieur Lurel, peut-être considérerez-vous qu’avec cette réponse je vais un peu dans votre sens.
Tout d’abord, vous m’interpellez au sujet de la cartographie des sols pollués. Vous le savez, ce travail est prévu dans le cadre du plan Chlordécone III : j’ai même demandé que cette cartographie soit revue dès 2018, c’est-à-dire dès cette année.
Ensuite, vous avez évoqué les seuils fixés par la Commission européenne. J’observe que, en la matière, nous disons la même chose : je souhaite moi aussi que ces seuils soient revus à la baisse par la Commission. Le ministère des solidarités et de la santé est mobilisé à cette fin.
Évidemment, je souhaite que cet abaissement des seuils concerne la totalité des denrées alimentaires, qu’elles relèvent des circuits contrôlés ou non contrôlés. Tel est le travail que nous aurons à faire ensemble dans les mois qui viennent.
M. Victorin Lurel. Merci, madame la ministre !
M. le président. Je mets aux voix l’article 8.
(L’article 8 est adopté.)
Article 9 (nouveau)
L’activité du fonds fait l’objet d’un rapport annuel remis au Gouvernement et au Parlement avant le 30 avril.
Les modalités d’application de la présente loi sont fixées par décret en Conseil d’État.
Le délai fixé au premier alinéa de l’article 4 de la présente loi est porté à douze mois pendant l’année qui suit la publication du décret mentionné à l’alinéa précédent.
M. le président. L’amendement n° 20 rectifié, présenté par M. Bizet, Mme Gruny, MM. Gremillet, de Legge, Pillet, Magras et Savary, Mme Eustache-Brinio, M. Pellevat, Mme Procaccia, MM. Huré, Chaize, Rapin et Bazin, Mme Morhet-Richaud, MM. Dallier et Paul, Mme Primas, MM. Chatillon, Poniatowski et B. Fournier, Mmes Deromedi et Duranton et MM. Paccaud, Danesi et Pointereau, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après le mot :
annuel
insérer le mot :
anonymisé
La parole est à Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Primas. Décidément, monsieur le rapporteur, vous allez dire que je suis la femme du secret… (Sourires.) Le présent amendement vise à prévoir l’anonymisation du rapport, afin de préserver la confidentialité du nom des victimes, ainsi que le secret médical et, comme précédemment, le secret industriel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Jomier, rapporteur. Chère collègue, vous ne pouvez pas l’ignorer, la protection des données personnelles est déjà garantie par les dispositions réglementaires en vigueur. (Mme Sophie Primas manifeste sa circonspection.) Aussi, nous nous sommes, en toute logique, posé cette question : craignez-vous que, en faisant appel au fonds, les salariés ou les agriculteurs eux-mêmes ne voient divulguer tel ou tel détail de leur situation personnelle ? Il s’agit évidemment d’une préoccupation légitime.
Je rappelle que le fonds sera ouvert aux agriculteurs atteints d’une maladie professionnelle et disposant déjà d’une reconnaissance médicale à ce titre. Ces derniers en seront même les premiers bénéficiaires. À ce jour, ils ne bénéficient que d’une réparation forfaitaire. Demain, grâce au fonds, ils recevront une réparation intégrale.
À cet égard, on observe les limites d’un mécanisme qui viserait simplement à améliorer les tableaux relatifs aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, ou tableaux AT-MP. Ces dispositifs mettent en œuvre des réparations forfaitaires, sur la base de mesures héritées des choix des partenaires sociaux : ce sont bien ces derniers qui adoptent les tableaux et les réparations y afférentes.
Premièrement, même si l’on améliorait ces réparations, il faudrait poser le principe de la réparation intégrale dans le régime AT-MP. Cette évolution pourrait être envisagée ; mais elle serait probablement discutée dans le cadre d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Deuxièmement, quid des personnes qui ne relèvent pas de ces tableaux et qui, néanmoins, souffrent d’une pathologie liée à l’exposition aux produits phytopharmaceutiques ? Je pense par exemple aux enfants qui ont été exposés in utero, par l’intermédiaire de leur mère.
Considérant, in fine, que les dispositions en vigueur assurent déjà le respect du secret en la matière, la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable. Cela étant, j’admets qu’avec ces dispositions vous posez une vraie question.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Primas, l’amendement n° 20 rectifié est-il maintenu ?
Mme Sophie Primas. Je vais faire ma mauvaise tête… (Sourires.) Je maintiens mon amendement, quitte à être battue !
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Maurice Antiste, pour explication de vote.
M. Maurice Antiste. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avant tout, permettez-moi de vous dire combien je suis heureux du sérieux de ce débat.
Madame la ministre, je suis également heureux de la prise de conscience que vous avez exprimée. Certes, vous l’avez énoncée avec la plus grande prudence. Mais je crois en vous. Je crois en votre sincérité. Je dirai même que l’on vous sent touchée par ce sujet.
Je comprends bien que, dans la mesure où vous appartenez à un collectif appelé Gouvernement, vous ne puissiez pas vous engager davantage. Simplement, je tiens à attirer votre attention sur un fait réellement regrettable.
Vous ne savez pas combien la crise va croissant dans nos territoires ; combien la psychose est en train de s’installer. Je vous invite à faire attention, parce que la situation sera bientôt pire que le scandale du sang contaminé : ce sera le scandale de la vie contaminée !
Nous devons tous être très attentifs à ce qui se passe dans nos pays : la prise de conscience concerne tout le monde, du plus petit au plus grand. À travers vous, madame la ministre, j’en appelle à l’ensemble du Gouvernement pour faire de cette question le sujet du siècle.
Nous, ultramarins, y sommes prêts et nous tenons à votre disposition pour avoir les échanges les plus rapides et les plus réguliers. Ainsi, nous remplissons parfaitement notre rôle.
J’espère avoir été bien compris ! (M. Joël Labbé applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour explication de vote.
M. Guillaume Arnell. Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen se réjouit de ce débat, qui lui donne l’occasion de confirmer l’intérêt croissant qu’il porte aux sujets de cet ordre, grâce, en particulier, à l’apport de nos deux collègues Ronan Dantec et Joël Labbé. Nous nous félicitons de bousculer ainsi l’inertie des pouvoirs publics.
Pour ma part, je suis également heureux d’avoir pris part à ce débat en commission et dans l’hémicycle, avec mes collègues de la Guadeloupe et de la Martinique, pour plaider la cause de nos populations, s’agissant de la question du chlordécone et du paraquat. Comment pouvait-il en être autrement ?
La machine est relancée et nous sommes heureux d’en avoir été l’un des acteurs. (MM. Joël Labbé et Victorin Lurel applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. Madame la ministre, j’ai occupé la place qui est la vôtre et je sais le malaise qui peut surgir, parfois, entre les convictions personnelles et la solidarité gouvernementale.
Aujourd’hui, toutefois, ce sont les milliers de personnes concernées par ces deux heures de débat qui sont en jeu. Nos échanges ont été de grande qualité, émouvants – je pense au témoignage de notre collègue Olivier Jacquin –, techniques, mais très argumentés, comme en témoignent les propos tenus par Victorin Lurel à plusieurs reprises.
Cette proposition de loi est juste, solide et financée. C’est un texte qui répare.
Madame la ministre, vous avez tenu votre place. Je sais quel sera votre sentiment final en la matière, mais je vous incite vraiment à entendre la voix de la Haute Assemblée afin de défendre celles et ceux qui croient en nous pour préserver leurs intérêts et pour réparer, lorsque cela est nécessaire.
Le groupe socialiste et républicain votera cette proposition de loi présentée par Nicole Bonnefoy et soutenue par le rapporteur, Bernard Jomier. En son nom, je vous demande d’intégrer toute l’argumentation développée, afin que nous puissions progresser ensemble à l’avenir sur ce débat critique.
N’ayons pas sur ce sujet autant de difficultés que pour l’amiante. Par vos propos, qui sont maintenant gravés dans le marbre de la Haute Assemblée, vous prenez une très grande responsabilité. Je vous remercie de faire évoluer, si cela est possible, la position du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Joël Labbé applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la position du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen a déjà été présentée par mon collègue Guillaume Arnell, mais je tiens à insister sur la force de cette proposition de loi, qui arrive fort à propos.
Notre pays a en effet pris le leadership de la lutte contre le dérèglement du climat et nous en sommes fiers.
En matière de lutte contre les pesticides, j’ai participé il y a quinze jours à une grande manifestation à Berlin, et j’ai pu constater que de nombreux élus et citoyens allemands nous montrent en exemple.
L’interdiction du recours aux pesticides dans les espaces publics ne devait pas fonctionner, mais nous l’avons votée, et ça marche. Il en sera de même pour les jardins domestiques l’année prochaine et pour l’interdiction des néonicotinoïdes à partir du milieu de cette année.
Nous tenons à saluer également le plan d’action gouvernemental de réduction des pesticides, qui prévoit l’interdiction rapide des substances les plus dangereuses. C’est pour nous une véritable fierté.
Madame la ministre, je comprends, moi aussi, la difficulté de votre situation. Certes, nous siégeons derrière vous dans cet hémicycle, mais le nombre impressionnant de mains levées pour voter chacun des articles devrait vous convaincre de faire en sorte que, avec le Gouvernement et votre majorité à l’Assemblée nationale, cette proposition de loi aboutisse à un texte consensuel dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je veux remercier les auteurs de cette proposition de loi du travail qu’ils ont réalisé.
Je ressens toutefois une grande déception, comme beaucoup de mes collègues, et je ne parviens pas à comprendre les positions du Gouvernement.
Ce texte répond incontestablement à un désastre sanitaire. Non, nous ne pouvons pas attendre ! Les malades, et en premier lieu les agriculteurs, ne peuvent pas attendre, cela a été justement dit.
La situation des agriculteurs a déjà été décrite, et je ne parle même pas de ceux pour lesquels il est trop dur de faire reconnaître leur maladie, et qui n’osent pas. Ils se sont d’abord intoxiqués pour nous nourrir ! Les preuves sont là, il n’y a plus besoin d’en trouver d’autres. Il est maintenant clair qu’il faut changer de modèle et aller vers une agriculture plus respectueuse des femmes, des hommes, de nos sols, de notre planète. En attendant, il faut agir pour réparer nos erreurs et donc permettre cette indemnisation. J’espère que le Gouvernement saura l’entendre. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour explication de vote.
Mme Nicole Bonnefoy. Je remercie les membres de la commission des affaires sociales du Sénat, M. le rapporteur et vous tous, mes chers collègues, qui, au-delà de vos appartenances politiques, avez soutenu un texte dont la cause est juste. Vous avez montré le meilleur du Sénat ; c’est son honneur.
Cela me rappelle les travaux importants que nous avions réalisés en 2012, dans le cadre de la mission d’information sur les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement ; le rapport que nous avions alors remis, chacun l’a rappelé, avait été voté dans cette enceinte à l’unanimité.
Le sujet était extrêmement sensible, mais nous avions réussi, parce que nous avions été courageux, responsables et sérieux. Ce rapport a permis des avancées importantes, Joël Labbé l’a souligné. Le suivi postérieur aux autorisations de mise sur le marché, qui n’existait pas, en découle, de même que le dispositif de phytopharmacovigilance, financé par les industriels, qui instaure une veille sanitaire, l’arrêt des épandages aériens, la fin de l’utilisation des produits phytosanitaires dans les collectivités, etc.
Je forme le vœu que le présent texte, dont j’espère qu’il sera adopté dans les minutes qui viennent par le Sénat, soit amélioré à l’Assemblée nationale. Je vous demande, madame la ministre, de faire en sorte qu’il en soit ainsi, afin de faire avancer la reconnaissance des maladies et leur réparation intégrale. Nombreuses sont les personnes qui attendent cela depuis longtemps. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je veux m’associer aux paroles de Nicole Bonnefoy et de Joël Labbé. C’est une longue histoire que ce rapport que nous avons commis tous les trois, avec d’autres de nos collègues. Je pense ainsi à notre ami Henri Tandonnet, qui a quitté le Sénat, mais qui regarde ces débats, j’en suis certaine. Nous pouvons être satisfaits des suites données à ce travail.
Le sujet que nous abordons aujourd’hui est évidemment douloureux, puisqu’il y va de la santé d’un certain nombre de nos compatriotes malades. Je veux avoir un mot pour Paul François en cet instant – il est en Argentine, mais il suit nos débats, au moins par SMS. C’est un homme extrêmement courageux qui, contre ses penchants antérieurs, a eu la force de monter cette association et de se battre pour lui-même, mais aussi pour d’autres victimes, dont certaines sont ici.
Je pense également à l’outre-mer. Notre collègue Catherine Procaccia avait rendu un rapport très sérieux sur le chlordécone, lequel a également nourri le nôtre.
Bien sûr, il faut parvenir à créer ce fonds d’indemnisation. Le travail réalisé dans cette enceinte est sérieux et montre l’importance de l’expertise médicale et scientifique.
À ce titre, je veux rendre hommage à votre travail dans le cadre de vos missions précédentes, madame la ministre, à l’Institut national du cancer et dans d’autres organismes. Ceux-ci sont très précieux dès lors qu’il est nécessaire de disposer d’une vision scientifique sérieuse, en dehors de toute passion.
Je souhaite saluer l’ensemble de ces organisations, ainsi que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, qui travaille dans des conditions parfois compliquées par la pression des différents lobbies : celui de l’industrie, mais aussi celui de l’écologie, cela fonctionne dans les deux sens.
Cela étant, nous nous abstiendrons, mais vous avez compris qu’il s’agit, comme l’a dit notre amie Catherine Deroche, d’une abstention positive. À nos yeux, le Sénat joue son rôle aujourd’hui, mais il reste la partie du Gouvernement : c’est à vous, madame la ministre, d’aller chercher le financement nécessaire pour répondre aux objectifs qui sous-tendent ce texte. Les parlementaires doivent pouvoir placer des fonds en face d’une problématique, cette question n’est donc pas encore clôturée.
Nous en avons parlé avec M. le rapporteur, il vous revient de trouver ce financement. Le groupe Les Républicains souhaite que celui-ci ne soit pas à la charge des agriculteurs, par une augmentation des taxes et des tarifications. Il n’est pas possible de leur infliger la double peine de payer plus cher et d’être donc encore moins compétitifs en plus d’être malades.
Nous vous demandons d’être attentive à ce point. Nous sommes favorables à ce que ces mesures soient financées, à ce que les procédures soient simplifiées, peut-être en mutualisant les fonds d’indemnisation, comme l’a suggéré le rapporteur, peut-être en les organisant géographiquement.
Notre abstention est donc bien, je le répète, une abstention positive.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. À la fin de ce débat nous, en conscience, mais aussi ceux qui nous ont demandé de les représenter dans la Haute Assemblée ne comprendraient pas que nous ne votions pas ce texte à deux mains, à dix mains, à mille mains !
Je veux rendre hommage à ceux qui ont osé porter cette proposition de loi et qui ont longtemps attendu qu’elle vienne en débat. Je rends hommage, en particulier, à ma collègue Nicole Bonnefoy. Merci pour le travail extraordinaire et courageux qui a été fait.
Affronter ce genre de problématique est toujours extrêmement difficile. Où est le vrai, où est le faux, quel est le vrai toxique, quel est le faux ? Quelle est la cause et quels sont les effets ? Toutes ces questions sont compliquées à dénouer et permettent à beaucoup de maintenir le sujet dans l’indifférence, voire le silence, sinon l’omerta.
La Martinique, avec la Guadeloupe, rassemble 800 000 habitants. Ce sont les seuls territoires de la République qui ont utilisé, à côté des autres pesticides, un produit maudit, le chlordécone, qui est interdit depuis un peu plus de vingt ans, mais qui ne va jamais sortir du circuit d’intoxication de nos populations, pour des générations et des générations.
Le chlordécone est partout, dans l’eau douce, dans l’eau de mer, dans les poissons, dans l’alimentation, dans la terre. On découvre aujourd’hui que des œufs pondus par des poules élevées à la maison par une petite mamie et qui grattent la terre pour se nourrir, ces œufs tels qu’on les rêve, ces œufs bio, ces œufs du pays sont impropres à la consommation.
Pour ces populations, nous sommes très fiers, nous, Guadeloupéens et Martiniquais en particulier, citoyens les plus touchés de la République par les produits pesticides, de voter ce texte haut la main ! C’était une vraie fierté de le préparer, une vraie fierté de le porter, c’est une vraie fierté de le voter.
Le travail ne fait que commencer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)