Mme la présidente. L’amendement n° 376, présenté par Mmes Blandin, Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du patrimoine est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa de l’article L. 131-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les livres édités sous une forme numérique font l’objet d’une obligation de dépôt légal. » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 132-1 est complété par les mots : « , ou pour les livres édités sous forme numérique, à la transmission d’un fichier » ;
3° Après le i de l’article L. 132-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …) Celles qui éditent des livres sous forme numérique. »
La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Si le dépôt légal des livres numériques est réalisé par la BNF, il ne s’agit pas d’un archivage complet de l’ensemble de la production tel que le prévoit le code du patrimoine. L’élargissement « officiel » du dépôt légal aux livres numériques est donc bienvenu. Il pourrait néanmoins conduire à augmenter sensiblement le coût des procédures de dépôt et de stockage pour l’établissement public. La commission aimerait donc connaître l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. Cet amendement tend à créer un dépôt légal obligatoire des livres numériques, sur l’initiative des éditeurs.
Aujourd’hui, le dépôt légal des livres numériques est assuré dans le cadre du dépôt légal du web, qui a été instauré par loi du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, dite « loi DADVSI ».
Le principe du dépôt légal du web est de permettre aux organismes dépositaires de sélectionner et de collecter eux-mêmes tous les contenus numériques relevant du patrimoine national, et non les seuls livres numériques, comme le prévoit l’amendement qui nous est présenté. Ce mode de collecte se révèle particulièrement adapté, compte tenu de la variété des formes prises aujourd’hui par les documents numériques. Sur le web, le nombre d’acteurs numériques se revendiquant auteurs ou auditeurs est infiniment plus élevé et ne cesse de croître avec les progrès techniques. Le livre numérique revêt ainsi des formes multiples, qui associent de plus en plus souvent d’autres médias. Dans le cas des livres numériques, ce mode de collecte est actuellement testé par la BNF, avec différents partenaires, notamment des éditeurs au travers d’expérimentations évoquées dans le présent amendement.
Par ailleurs, dans la mesure où la BNF est à l’initiative du processus, la solution du dépôt légal du web permet également de mieux maîtriser les coûts de collecte et de conservation, ce qui est important pour les finances publiques.
Pour cette raison, la piste de la collecte des livres numériques via le dépôt légal du web, plus large et plus souple, est aujourd’hui privilégiée. La mise en œuvre et les résultats de ce processus nouveau de dépôt légal devront, bien entendu, être évalués avec le secteur de l’édition. Je suis par conséquent défavorable à l’instauration d’un dépôt légal obligatoire des livres numériques sur l’initiative des éditeurs.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 13.
Article 13 bis
L’article L. 132-27 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Le producteur est tenu de rechercher une exploitation suivie de l’œuvre audiovisuelle, conforme aux usages de la profession. » ;
2° Le second alinéa est ainsi rédigé :
« Les conditions de mise en œuvre de cette obligation sont définies par voie d’accord professionnel conclu entre, d’une part, les organismes professionnels d’auteurs ou les sociétés de perception et de répartition des droits mentionnées au titre II du livre III de la présente partie et, d’autre part, les organisations représentatives des producteurs d’œuvres audiovisuelles, les organisations représentatives des éditeurs de services de communication audiovisuelle ou un ensemble d’éditeurs de services de communication audiovisuelle représentatifs et, le cas échéant, un ensemble d’éditeurs de services de communication au public en ligne représentatifs. L’accord peut être rendu obligatoire à l’ensemble des intéressés du secteur d’activité concerné, par arrêté du ministre chargé de la culture. À défaut d’accord professionnel rendu obligatoire dans le délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi n° … du … relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, les conditions de mise en œuvre de cette obligation sont fixées par décret en Conseil d’État. »
Mme la présidente. L'amendement n° 501, présenté par M. Leleux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 5, première phrase
1° Au début, insérer les mots :
Le champ et
2° Remplacer le mot :
définies
par le mot :
définis
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que l'accord professionnel relatif à l'obligation de recherche, par les producteurs, d'une exploitation suivie des œuvres audiovisuelles définit non seulement les conditions de sa mise en œuvre, mais également son champ d'application.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 13 bis, modifié.
(L'article 13 bis est adopté.)
Article 13 ter (nouveau)
I. – L’article L. 331-3 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé :
« Art. L.331-3. - Le Centre national du cinéma et de l’image animée peut porter plainte et se constituer partie civile devant le juge d’instruction à raison des faits constitutifs du délit de contrefaçon, au sens de l’article L. 335-3 du présent code, d’œuvres audiovisuelles qui emportent pour lui un préjudice quant aux ressources qui lui sont affectées en vertu des articles L. 115-1 à L. 116-5 du code du cinéma et de l’image animée pour l’accomplissement de ses missions prévues à l’article L. 111-2 du même code. La condition de recevabilité prévue au deuxième alinéa de l’article 85 du code de procédure pénale n’est pas requise.
Il peut également exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne le délit de contrefaçon, au sens de l’article L. 335-3 du présent code, d’œuvres audiovisuelles et le délit prévu à l’article L. 335-4 s’agissant des droits des artistes-interprètes d’œuvres audiovisuelles et des producteurs de vidéogrammes, lorsque l’action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée. »
II. – L’article L. 442-1 du code du cinéma et de l’image animée est ainsi rédigé :
« Art. L. 442-1. – Le Centre national du cinéma et de l’image animée peut porter plainte et se constituer partie civile dans les conditions prévues à l’article L. 331-3 du code de la propriété intellectuelle. » – (Adopté.)
Article 13 quater (nouveau)
I. – L’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La demande peut également être effectuée par le Centre national du cinéma et de l’image animée. »
II. – Le Titre IV du livre IV du code du cinéma et de l’image animée, est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« CHAPITRE III
« Atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin par un service de communication au public en ligne
« Art. L. 443-1. – Le Centre national du cinéma et de l’image animée peut saisir le tribunal de grande instance dans les conditions prévues à l’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle. » – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 13 quater
Mme la présidente. L'amendement n° 107 rectifié bis, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 13 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les personnes exerçant l’une des activités définies à l’article L. 7122-2 du code du travail sont soumises aux dispositions de l’article L. 430-2 du code de commerce, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. L’objectif de cet amendement est avant tout d’attirer l’attention sur l’écosystème du spectacle vivant, qui, vous le savez, connaît de profondes mutations depuis plusieurs années. En dix ans, le marché a progressé de plus de 70 %. Aujourd’hui, le spectacle vivant de variétés et de musiques actuelles représente environ 600 millions d’euros de billetterie.
Cette croissance est allée de pair avec l’arrivée de nouveaux acteurs, à la fois nationaux et internationaux, internes et externes au secteur culturel. Un réel phénomène de concentration est actuellement à l’œuvre, sur un plan tant horizontal que vertical. Il convient donc d’en mesurer l’impact sur le secteur du spectacle vivant. Est-ce, comme je le pense, un facteur de déstabilisation ? C’est en tout cas un véritable danger pour la diversité culturelle, dont nous avons déjà parlé.
Une distorsion croissante entre les spectacles à fort et à faible budget s’opère. Ces derniers ont de plus en plus de difficultés à trouver une salle où se produire et, partant, à rencontrer leur public. À terme, le risque est de voir se créer un marché à plusieurs vitesses, avec au sommet quelques entreprises qui détiendraient des moyens financiers colossaux, mais qui contrôleraient aussi, comme c'est déjà le cas, une majeure partie de la chaîne, de la production à la diffusion en passant par la vente.
Il est impératif, et je pense que nous partageons tous cette volonté, mes chers collègues, que la concentration à l’œuvre dans le spectacle vivant ne se traduise pas par une uniformisation culturelle. Il s’agit d’éviter que cette intégration ne conduise les acteurs à prendre moins de risques, à moins se porter vers la création et l’innovation, et qu’elle aille à l’encontre de l’objectif de diversité culturelle.
Enfin, pour ce qui est de la dernière question posée, la finalité n’est en aucun cas d’entraver la liberté de concurrence ou d’entreprendre, mais plutôt de réfléchir aux conditions de régulation qui permettraient un partage équitable de la valeur ajoutée et garantiraient une diversité. À titre d’exemple, aux États-Unis, l’explosion du phénomène de concentration a abouti à une multiplication par deux du prix des billets.
Poux toutes ces raisons, il me semble qu’il nous faut prendre la mesure de cet enjeu et élaborer, ensemble, un projet de réponse. Tel est l’objet de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Cet amendement vise à rendre applicable le dispositif anti-concentration au-dessous des seuils actuellement prévus par le code de commerce.
Je comprends tout à fait l’objectif. Il faut toutefois se demander si un tel dispositif est ou non opérant. Aujourd’hui, les entreprises de spectacles, comme toutes les autres entreprises, peuvent être soumises aux dispositions de l’article L. 430-2 du code de commerce à condition que les seuils prévus soient atteints.
Cet amendement me paraît appeler plusieurs observations.
D’abord, le contrôle des concentrations a toujours concerné les grosses opérations. On peut s’interroger sur la pertinence d’une remise en cause des seuils actuels. Précisons que les seuils concernent aujourd’hui toutes les activités économiques, y compris la culture.
Ensuite, il faut se demander si la rédaction de cet amendement ne pourrait pas être sanctionnée au titre de l’incompétence négative : ses auteurs se contentent de renvoyer à un décret en Conseil d’État, alors que la loi doit clairement fixer les critères.
Enfin, la législation actuelle offre d’autres outils, qui peuvent s’appliquer au cas visé par le présent amendement, pour sanctionner les comportements qui ont pour effet de fausser la concurrence. On peut penser, par exemple, au dispositif de sanction des abus de position dominante, en cas de maîtrise par une entreprise de spectacles d’une chaîne verticale comprenant à la fois des activités d’exploitation, de production et de diffusion.
Selon les chiffres qui m’ont été communiqués, en France, nous en sommes à peu près à 50 millions d’euros, ce qui est en dessous du seuil. Je ne vois donc pas l’intérêt de modifier les seuils globaux pour adopter un dispositif qui serait finalement inopérant, et ce alors même que d’autres outils permettent de lutter contre ces concentrations.
En l’état, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. La préservation de la diversité artistique et culturelle constitue pour moi, comme pour vous, madame la sénatrice, un objectif central des politiques publiques en matière de culture.
Je comprends tout à fait l’inquiétude des professionnels du spectacle vivant devant un certain nombre de mutations qui sont à l’œuvre dans le secteur, avec le développement d’entreprises sur l’ensemble de la chaîne des métiers liés au spectacle ou la concentration de la détention de lieux de spectacle au sein d’entreprises qui sont de plus en plus oligopolistiques. Je le répète, ces phénomènes de concentration à la fois verticale et horizontale font naître des craintes que je comprends tout à fait.
Un risque majeur à mes yeux serait de perdre, à la suite de cette évolution, une diversité artistique absolument essentielle à la vitalité culturelle de notre pays, à la diversité des pratiques culturelles et à l’émergence et au renouvellement des créateurs de façon plus générale. Je suis donc très sensible à la question que vous soulevez et attentive aux propositions contenues dans votre amendement.
Cela étant, l’Autorité de la concurrence exerce déjà un contrôle anticapitalistique sur l’ensemble des activités économiques en France, dont, par conséquent, les entreprises du spectacle vivant. Le droit de la concurrence s’applique à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public, en vertu de l’article L. 410-1 du code de commerce. L’Autorité de la concurrence veille à son respect.
En outre, lorsque les acteurs économiques enfreignent le droit de la concurrence, l’Autorité de la concurrence peut être saisie du dossier ou s’en saisir d’office. Votre amendement est donc déjà satisfait.
Reste que je crois très important que nous parvenions à réaliser une observation des risques et une mesure de l’impact des évolutions à l’œuvre pour pouvoir envisager une réponse qui serait, le cas échéant, législative. J’ai souhaité que mon ministère réalise une étude qui permette de mesurer ces évolutions sur les salles de grande capacité, de manière à disposer d’éléments d’évaluation économique sur les risques associés au phénomène de concentration du marché. Le ministère a entrepris ce travail dans le secteur musical en lien avec le CNV, avec lequel a été lancée une campagne de collecte d’informations auprès d’un échantillon significatif d’exploitants de salles de musiques – Zénith, Arena, et autres – ainsi que de théâtres privés.
Je suis, vous le savez, très attachée à la préservation d’un modèle économique garantissant le pluralisme de l’offre culturelle et l’écosystème des entreprises du spectacle vivant. Je crois indispensable de disposer de ces éléments précis, objectifs qui, seuls, nous permettront d’identifier les contours d’un éventuel dispositif anti-concentration. Cette étude sera finalisée avant la deuxième lecture du projet de loi de manière à pouvoir tirer des conclusions sur les éventuelles dispositions à prendre.
Je vous laisse, mesdames, messieurs les sénateurs, tirer les conclusions des éléments de précision que je viens de vous apporter. C’est pourquoi je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Le sujet aura été mis sur la table.
Il n’est pas anodin que le secteur culturel se heurte aux règles économiques générales. On assiste à quelque chose dont on sent le danger puisque ces concentrations touchent tout le champ de la culture, et on a bien vu que cela posait problème.
On peut donc, de plus en plus souvent, produire un spectacle, tout en possédant les salles et la billetterie. C'est une chaîne à la fois verticale et horizontale qui est détenue par les mêmes. Il est évident qu’une telle situation peut nuire à l’offre et à sa diversité et conduire à mettre de côté un certain nombre d’artistes et de productions.
C’est la tendance que l’on constate. Est-ce que l’on peut imposer des règles dans ce domaine qui ne soient pas celles qui sont applicables au reste de l’économie ? L’économie de marché le permet-elle ? En tout cas, il faut un contrôle plus fort, une visibilité et une transparence accrues.
Je crois que les propos tenus par Mme la ministre nous permettront de travailler. Nous voulions absolument mettre le sujet sur la table, et nous avons obtenu un avis de sagesse. Mme Robert dira si elle souhaite maintenir ou non cet amendement, après les explications qui ont été apportées. Pour ma part, j’estime que les propos et les engagements de Mme la ministre sont une réponse au débat que nous voulions soulever.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je souhaite attirer l’attention de M. le rapporteur, de Mme la présidente de la commission et de Mme la ministre sur les difficultés rencontrées par les troupes de théâtre amateur lorsqu’elles sont à la recherche d’un local pour la production de leurs spectacles, tout du moins à Paris et en région parisienne.
Je m’éloigne peut-être quelque peu de l’esprit de l’amendement déposé par nos collègues, mais, comme Mme la ministre a annoncé qu’elle ferait procéder à une étude et qu’elle allait s’inquiéter des difficultés que pouvait provoquer ce phénomène de concentration, je pense qu’il serait bon de s’intéresser également aux difficultés que je viens de mentionner.
Quand les petites troupes de théâtre amateur trouvent des salles à des prix supportables, celles-ci sont souvent situées en sous-sol et ne remplissent pas toutes les conditions de sécurité. On leur donne vraiment ce qui reste. Si on veut que l’activité théâtrale et culturelle puisse se développer, il faut les aider.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Par cet amendement, je souhaitais attirer l’attention sur ce phénomène. On l’a vu lors de l’examen de cette première partie du projet de loi, le fil rouge est la question de la diversité : nous devons faire en sorte que la diversité soit à l’œuvre aujourd’hui en matière artistique et culturelle.
Pour autant, j’ai entendu les propos du rapporteur et, bien sûr, ceux de la ministre. Je retire donc mon amendement en espérant que ce constat partagé nous permette d’obtenir les moyens et leviers nécessaires pour remédier à ce problème au niveau tant européen que national.
Mme la présidente. L'amendement n° 107 rectifié bis est retiré.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures trente, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
7
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.
Au nom du bureau du Sénat et en mon nom personnel, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours des échanges, qui doivent être directs, l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres. (Applaudissements.)
J’informe également le Sénat que la mission d’information sur le dispositif d’accueil des réfugiés est ce jour, à titre exceptionnel, en mission en Grèce, sur le hotspot de Lesbos.
réunion à rome des pays fondateurs de l’union européenne
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC.)
M. François Fortassin. Ma question s’adressait à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international, mais je crois savoir que, en son absence, c’est le secrétaire d’État chargé des affaires européennes qui me répondra.
La proposition faite au Parlement par le Président de la République de nommer M. Fabius à la présidence du Conseil constitutionnel a quelque peu occulté son déplacement de mardi à Rome. C’est pourquoi nous souhaiterions avoir des précisions sur ce qui s’est dit et décidé à cette occasion entre les ministres des affaires étrangères des six pays fondateurs de la Communauté européenne, à savoir l’Allemagne, la Belgique, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et la France.
Ce que nous savons, à la lecture de la déclaration commune rendue publique à l’issue de cette rencontre, c’est que les six pays fondateurs se déclarent « préoccupés par l’état du projet européen » et qu’ils souhaitent « lancer une réflexion commune sur comment renforcer l’Union européenne » avant d’ajouter que l’Union européenne reste « la meilleure réponse » aux défis que doit relever notre continent. Ils déclarent ainsi être « résolus à continuer le processus de création d’une union toujours plus étroite entre les peuples d’Europe », mais, dans le même temps, ils reconnaissent que l’Union « permet différents » chemins d’intégration.
Il semble donc que l’idée d’une Europe à plusieurs vitesses, permettant à ceux qui le souhaitent de continuer à avancer, n’est plus un tabou. Comment vingt-huit pays pourraient-ils tous suivre le même mouvement à la même vitesse ? Les sénateurs du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, très attachés à l’idée européenne, pensent en effet que le moment est venu d’ouvrir un débat sur le fonctionnement de l’Union, car toutes les solutions aux crises qui nous frappent passent bien par plus d’Europe et surtout par « mieux d’Europe ». Ce n’est pas parce que l’Union est à bout de souffle et dysfonctionne parfois qu’il faut se replier sur soi et tourner le dos à l’idée européenne. Bien au contraire, il faut la relancer, la réactiver.
Monsieur le secrétaire d’État, alors que l’Europe fêtera l’année prochaine les soixante ans du traité de Rome signé par notre ami regretté Maurice Faure, comment la France entend-elle œuvrer à cette relance du processus d’intégration ? Quelles sont les suites à attendre de cette rencontre entre les six pays fondateurs ? Des pistes ou des formes concrètes d’une Europe à géométrie variable ont-elles été évoquées mardi soir à Rome ? (Applaudissements sur les travées du RDSE. – Mme Frédérique Espagnac applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
M. Harlem Désir, secrétaire d’État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Face à une accumulation de crises sans précédent, nous ne pouvons laisser l’Europe se déconstruire. Les menaces régressives, les tentations de retrait, celles du repli sur soi ne peuvent l’emporter. Voilà ce que les ministres des affaires étrangères des six pays fondateurs ont affirmé lors d’une réunion à laquelle participait Laurent Fabius à Rome, mardi dernier.
Il existe beaucoup d’autres formats de rencontres entre les États membres, mais celui-ci a évidemment une portée symbolique très forte. Parce que nous avons été ensemble à l’origine de la construction européenne, nous avons aujourd’hui une responsabilité particulière. Parce que nous sommes les héritiers des pères fondateurs, nous devons être les architectes de la relance du projet européen. Parce que nous sommes, comme vous, monsieur le sénateur, convaincus qu’il n’y a pas de solution nationale aux grands défis auxquels nos pays sont confrontés, nous voulons établir et mettre en œuvre ensemble des réponses européennes.
Aujourd’hui, l’Europe fait face à des crises qui, au fond, révèlent qu’elle est inachevée dans bien des domaines. Nous avons bâti une union monétaire, mais il nous faut bâtir une véritable union économique ; nous avons construit un marché intérieur, mais, sans harmonisation fiscale et sociale, cela n’est pas possible ; nous avons créé un espace de libre circulation –l’espace Schengen –, mais il nous faut assurer le contrôle effectif des frontières extérieures communes.
Enfin, l’Europe est aujourd’hui le continent entouré par les crises internationales les plus graves et elle doit répondre à la menace terroriste. Elle doit donc renforcer sa politique étrangère et de sécurité commune. Il est par conséquent non seulement légitime, mais également nécessaire que ceux qui sont les plus attachés au projet européen prennent des initiatives. L’Europe doit être renforcée par son cœur, la zone euro, tout en continuant à porter une ambition pour l’Europe à vingt-huit.
Tels sont le rôle et la responsabilité de la France, avec l’Allemagne, les autres pays fondateurs et tous ceux qui veulent aller de l’avant : construire une Europe plus forte, plus unie et qui réponde aux défis de notre époque. Nous nous rejoignons autour de cette ambition. Nous pensons que c’est aussi comme cela que l’on doit relancer le projet européen, au-delà de ce que sera le résultat du référendum en Grande-Bretagne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour la réplique ; vous disposez de dix secondes, mon cher collègue.
M. François Fortassin. Je n’aurai pas besoin de plus, monsieur le président : je partage pour l’essentiel ce qu’a dit M. le secrétaire d’État. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je profite de l’occasion pour souhaiter à Laurent Fabius un plein succès dans ses nouvelles fonctions ; il a démontré qu’il était un véritable homme d’État et que la France pouvait être respectée dans le monde. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC.)
situation à alep