compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Pierre Caffet
vice-président
Secrétaires :
M. François Fortassin,
Mme Colette Mélot.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Renvoi pour avis unique
M. le président. J’informe le Sénat que la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour l’économie bleue (n° 370, 2015-2016), dont la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable est saisie au fond, est envoyée pour avis, à sa demande, à la commission des affaires économiques.
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Souhaits de bienvenue à un nouveau ministre
M. le président. Madame la ministre de la culture et de la communication, je vous souhaite la bienvenue dans cet hémicycle et forme des vœux pour la réussite de votre action dans les nouvelles responsabilités qui vous ont été confiées.
La parole est à Mme la présidente de la commission de la culture.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la ministre, chère Audrey Azoulay, au nom des membres de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, je vous adresse nos salutations républicaines à l’occasion de votre nomination et vous souhaite la bienvenue au Sénat pour la reprise de nos travaux sur le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.
Nous avons déjà effectué un travail très important sur ce texte, maintes fois annoncé, maintes fois différé, et enfin inscrit à l’ordre du jour. Je ne vous cache pas que nous avons été quelque peu désorientés, hier, à l’annonce du changement intervenu à la tête du ministère de la culture et de la communication.
Néanmoins, sachez que nous sommes dans un état d’esprit constructif, comme il est de tradition au Sénat. Nous nous engageons donc avec confiance dans la poursuite de nos travaux.
Certains d’entre nous ont la chance de vous connaître et savent que nous allons pouvoir travailler de manière fructueuse avec vous.
Madame la ministre, au nom de tous les membres de la commission de la culture, soyez la bienvenue !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, madame la présidente de la commission de la culture, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous faire part de l’émotion qui est la mienne au moment de prendre la parole devant la Haute Assemblée. Je mesure la responsabilité qui m’a été confiée par le Président de la République.
Je voudrais tout particulièrement saluer certains sénateurs que je connais bien, que j’apprécie et avec lesquels je me réjouis de pouvoir œuvrer.
Je ne suis pas sans savoir qu’un travail important a déjà été réalisé sur ce texte, tant en commission qu’en séance publique. Le Gouvernement a d’ailleurs été amené à faire évoluer ses positions, ce dont je me réjouis, car j’ai pu constater dans d’autres fonctions, avec beaucoup de bonheur, que les apports du Sénat étaient toujours constructifs.
M. le président. Merci, madame la ministre.
4
Liberté de création, architecture et patrimoine
Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (projet n° 15, texte de la commission n° 341, rapport n° 340).
Madame la ministre, mes chers collègues, je vous informe que nous siégerons jusqu’à vingt heures ce soir. Pour l’organisation de la suite de nos travaux, il faudra très probablement que la conférence des présidents se réunisse mardi.
Dans la discussion de texte de la commission, nous poursuivons, au sein du chapitre III du titre Ier, l’examen des amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 13 quater.
TITRE Ier (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES À LA LIBERTÉ DE CRÉATION ET À LA CRÉATION ARTISTIQUE
Chapitre III (suite)
Promouvoir la diversité culturelle et élargir l’accès à l’offre culturelle
Articles additionnels après l'article 13 quater (suite)
M. le président. L'amendement n° 249 rectifié, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 13 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Afin de préserver la diversité culturelle et artistique du spectacle vivant au plan national, les sociétés commerciales ayant :
- pour filiale au sens de l’article L. 233-1 du code de commerce une personne morale ayant pour objet ou exerçant les activités d’entrepreneur de spectacles, ou la possession d’un titre d’effet équivalent pour une entreprise ressortissante d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ;
- une participation dans le capital de cette personne morale au sens de l’article L. 233-2 du même code ;
- ou la contrôlant au sens de l’article L. 233-3 dudit code, ainsi que les sociétés commerciales ayant pour objet ou exerçant les activités pour lesquelles la ou les licences d’entrepreneur de spectacle, ou la possession d’un titre d’effet équivalent à la licence dans le cas d’une entreprise ressortissante d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, sont nécessaires, et qui sont filiales, bénéficient de participation dans leur capital ou sont contrôlées au sens des articles précités du code de commerce ;
ne peuvent se trouver dans plus de deux situations suivantes, lorsque le chiffre d’affaires de leurs activités à ce titre dépasse un seuil fixé par voie réglementaire :
- exercer l’activité d’exploitation de lieux de spectacles ;
- exercer l’activité de production de spectacles ;
- exercer l’activité de diffusion de spectacles ;
- exercer l’activité de distribution ou de sous-distribution de billets de spectacles, à l’exclusion des sociétés exploitant une salle dont elles assurent en tout ou partie la distribution des billets ;
- exercer l’activité d’édition de production ou de distribution phonographique.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. À mon tour, je souhaite la bienvenue à Mme la ministre. J’espère que nous conduirons ensemble dans cet hémicycle de fructueux travaux en faveur des arts et de la culture.
J’adresse également mes amitiés à Mme Fleur Pellerin, que nous n’avons pas eu l’occasion de saluer avant son départ.
Cet amendement vise à défendre encore la diversité culturelle, à partir d’un constat relativement simple : la concentration d’activités identiques mais liées entre quelques mains conduit bien souvent à une uniformisation des contenus et, partant, à une mise à mal de la diversité culturelle. Notre position, vous le savez, est constante, sur cette question comme sur celle de la presse.
Nous souhaitons limiter le cumul d’activités par quelques personnes, qui, bien souvent, se disent qu’en contrôlant à la fois la création, la conception, la distribution et la promotion, elles pourront la façonner. N’est-ce pas là, au fond, la définition même de la concentration culturelle et artistique ?
L’enjeu n’est pas tant d’empêcher les sociétés commerciales de pratiquer une activité pour laquelle elles ont des compétences reconnues, mais bien de limiter le cumul d’activités en tant que phénomène nuisible à la diversité culturelle.
L’amendement a donc pour objet d’empêcher les sociétés commerciales, lorsque leur chiffre d’affaires dépasse un seuil fixé par voie réglementaire, de cumuler plus de deux activités parmi les suivantes : l’exploitation de lieux de spectacles ; la production et la diffusion de spectacles ; la distribution de billets de spectacles ; l’édition de production ou de distribution photographique.
À titre d’exemple, il nous apparaît aujourd’hui dangereux qu’une même personne puisse à la fois produire un spectacle, gérer sa promotion ou encore louer la salle dans laquelle il se joue, et ce pour une raison très simple : comment s’assurer que cette personne n’utilisera pas, pour ses seuls spectacles, une salle parfois publique, mais qui serait sous gestion privée ?
Madame la ministre, je pense que vous aurez saisi l’intention qui est la nôtre avec cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la ministre, je m’associe bien entendu aux vœux de bienvenue de Mme la présidente de la commission de la culture. Vous arrivez non seulement au beau milieu de la discussion d’un texte, mais également entre deux amendements portant sur le même sujet : l’un qui a été débattu hier et l’autre qui vient d’être présenté. C’est un peu compliqué !
Cet amendement vise, comme celui d’hier, à encadrer les concentrations excessives dans le domaine du spectacle vivant. Nous avons déjà développé hier les arguments nous conduisant à émettre un avis défavorable à l’adoption de cet amendement, en l’état, en tout cas, même si l’on comprend bien l’objectif visé.
Je le répète, la législation actuelle comporte déjà des outils de contrôle et de régulation pour les grosses opérations de concentration.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication. Je comprends la préoccupation exprimée au sujet d’une possible concentration des salles dédiées au spectacle vivant. Nous devons bien entendu faire en sorte de préserver la diversité artistique qui s’exprime dans ces lieux, mais, aujourd’hui, compte tenu de la législation existante, je vous propose, de retirer cet amendement, faute de quoi, à l’instar de M. le rapporteur, j’émettrai un avis défavorable. J’ajoute, mais j’imagine que cela a été évoqué hier, qu’une étude est en cours au ministère de la culture pour permettre de mieux préciser les choses.
M. le président. Madame Gonthier-Maurin, maintenez-vous votre amendement ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous avons eu à plusieurs reprises l’occasion de porter cette préoccupation, mais, en guise de cadeau de bienvenue à Mme la ministre, je retire l’amendement. (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 249 rectifié est retiré.
Chapitre IV
Développer et pérenniser l’emploi et l’activité professionnelle
Article 14 A
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 109 rectifié, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport sur la situation du dialogue social et de la représentativité des négociateurs professionnels du secteur du spectacle vivant et enregistré.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Madame la ministre, je vous souhaite à mon tour la bienvenue au Sénat !
Cet amendement vise à réintégrer le dispositif supprimé lors de l’examen en commission par notre rapporteur, qui, nous le savons, n’aime pas beaucoup les rapports. (Sourires.)
Cependant, le rapport dont il s’agit ici est essentiel, dans la mesure où il porterait sur la situation du dialogue social et sur la représentativité des négociateurs professionnels du secteur du spectacle vivant et enregistré.
Nous connaissons les difficultés des employés du secteur, nombre d’entre eux subissant les affres du régime de l’intermittence. Nous savons également qu’un certain nombre de menaces permanentes pèsent sur les annexes VIII et X de la convention UNEDIC.
Le secteur est le seul qui ne soit pas représenté au niveau multiprofessionnel, bien que la FESAC, qui regroupe plus de trente organisations, dispose pleinement des compétences pour négocier à ce niveau. J’y reviendrai d’ailleurs en présentant un amendement visant à soutenir le quatrième champ multiprofessionnel.
À mon sens, il est important que nous disposions de ce rapport d’expertise, qui nous donnerait des éléments pour continuer à analyser le spectacle vivant. J’espère donc, monsieur le rapporteur, que vous serez plus diligent à l’égard de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Vous avez ma réponse dans votre commentaire, ma chère collègue…
Notre commission a supprimé cet article, comme elle a supprimé les huit autres demandes de rapport contenues dans ce texte. Nous avons également émis un avis défavorable sur les nombreuses autres demandes de rapport présentées par amendement. Au Sénat, depuis quelque temps, nous essayons d’éviter d’introduire dans la loi des dispositions n’ayant pas de caractère normatif.
Sur la forme, donc, je ne puis qu’être défavorable à cet amendement.
Sur le fond, maintenant, car c’est l’objet de votre préoccupation, la rédaction d’un rapport sur ce sujet ne me paraît pas constituer une réponse suffisante au problème soulevé par la représentativité des négociateurs professionnels dans le domaine du spectacle vivant, compte tenu de l’imminence de l’ouverture des négociations sur la nouvelle convention d’assurance chômage.
Mieux vaudrait déterminer directement les parties qui seront autorisées à prendre place autour de la table des négociations, par exemple par le biais d’un décret, comme l’avait proposé la commission des affaires sociales du Sénat lors de l’examen du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, au printemps dernier.
Pour ces deux raisons, de forme et de fond, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Nous sommes favorables à cet amendement, qui s’inscrit dans la dynamique que vous avez rappelée, madame la sénatrice. Je rappelle en effet que les partenaires sociaux du domaine du spectacle se sont vu confier des responsabilités nouvelles, notamment dans le cadre de la discussion sur le régime de l’assurance chômage.
À notre sens, il est important que cette étude, qui est très attendue par les partenaires sociaux, puisse être faite.
M. le président. En conséquence, l'article 14 A est rétabli dans cette rédaction.
Articles additionnels après l'article 14 A
M. le président. L'amendement n° 113 rectifié, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 14 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1254-24 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il ne peut être conclu de contrat de portage salarial pour l’emploi d’un travailleur des professions de la production cinématographique, de l’audiovisuel ou du spectacle pour lequel il est d’usage de recourir à un contrat de travail à durée déterminée, en application du 3° de l’article L. 1242-2. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Madame Azoulay, à mon tour, je voudrais vous souhaiter bonne chance. Je forme le vœu que nous puissions travailler du mieux possible sur ce texte important. Je tiens également à saluer le travail fourni par Mme Fleur Pellerin.
Madame la ministre, nous nous connaissons. Vous êtes compétente, je le sais, et vous êtes une femme de culture. Je sais à quel point vous aimez la culture, ce qui est très important pour nous qui travaillons sur ces sujets et percevons cet attachement à la culture comme un vrai supplément d’âme. Aujourd'hui plus que jamais, la culture, c’est notre âme, et il faut des ministres qui aiment la culture.
Cet amendement est surtout un appel pour obtenir des précisions sur des pratiques abusives, rendues possibles par les imprécisions de la loi, qui inquiètent les intermittents du spectacle. Je sais que notre collègue Maryvonne Blandin, qui ne peut malheureusement pas être aujourd'hui en séance, tenait beaucoup à cet amendement.
Je l’ai maintenu dans un premier temps, au moins pour entendre la ministre sur ce sujet, mais si les réponses du Gouvernement sont satisfaisantes, il va de soi que je le retirerai.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Cet amendement vise à interdire le portage salarial dans les domaines du cinéma, de l’audiovisuel et du spectacle.
Les textes formulent déjà les choses assez clairement puisqu’une ordonnance du 2 avril 2015 est venue encadrer strictement l’activité de portage et les modalités de recours au portage salarial. Ainsi, une entreprise ne peut faire appel à un salarié « porté » que pour « l’exécution d’une tâche occasionnelle, ne relevant pas de son activité normale et permanente ou pour une prestation ponctuelle nécessitant une expertise dont elle ne dispose pas ».
Par ailleurs, les entreprises de portage ne peuvent strictement faire que du portage et elles sont les seules à pouvoir en faire. Par conséquent, il nous semble que la législation empêche d’ores et déjà que des entreprises du spectacle vivant puissent faire elles-mêmes du portage.
Une mission commune au ministère de la culture et au ministère des affaires sociales est chargée d’examiner en ce moment le dispositif de la licence d’entrepreneur du spectacle vivant et la question du portage salarial fait partie de la lettre de mission actuelle. Je pense donc, mon cher collègue, qu’il faut lui laisser le temps de rendre ses conclusions.
Pour ces raisons, et parce que la situation est en cours d’évolution, la commission vous demande, mon cher collègue, de retirer votre amendement, comme vous l’avez proposé. À défaut, j’émettrais, au nom de la commission, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. La position du Gouvernement est la même que celle de la commission. En effet, depuis l’ordonnance de 2015, nous disposons des moyens juridiques qui nous permettent de parer au risque que vous pointez légitimement. De plus, comme vient de le dire M. le rapporteur, une mission est en cours. Le travail qu’elle réalise actuellement permettra de répondre à votre légitime préoccupation.
J’émettrais, au nom du Gouvernement, un avis défavorable si l’amendement était maintenu.
M. le président. Monsieur Assouline, l'amendement n° 113 rectifié est-il maintenu ?
M. David Assouline. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 113 rectifié est retiré.
L'amendement n° 110 rectifié, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 14 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 2° de l’article L. 2152-2 du code du travail, après les mots : « économie sociale et solidaire, », sont insérés les mots : « soit du secteur du spectacle vivant et enregistré, ».
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Cet amendement, qui prévoit la création d’un quatrième champ multiprofessionnel du spectacle, est important à plusieurs titres.
Le champ du spectacle est aujourd'hui un niveau de négociation hybride, car le législateur ne connaît que trois niveaux de représentativité : la branche professionnelle, le niveau multiprofessionnel et le niveau interprofessionnel. Le secteur de la culture est le seul des secteurs professionnels à demeurer hors champ. Il n’est représenté ni dans le champ multiprofessionnel ni dans le champ interprofessionnelle.
Cette proposition permet donc de régler la question de la représentativité patronale au niveau du champ du spectacle en lui conférant un niveau de représentativité déjà existant, mais juridiquement non sécurisé aujourd'hui. Non seulement elle ne remet pas en cause le principe de délégation des négociations des annexes VIII et X, mais elle vient, au contraire, la compléter en rendant la consultation obligatoire en cas d’échec des négociations du secteur.
Je rappelle que l’organisme qui représente les employeurs du spectacle vivant, la Fédération des syndicats patronaux des entreprises du spectacle vivant, de l’audiovisuel et du cinéma, la FESAC, gère les questions sociales communes aux neuf branches du secteur du spectacle. Outre qu’il négocie les accords, il est compétent sur la question de l’assurance chômage, mais aussi sur l’ensemble des autres questions sociales. Je pense, bien sûr, à la sécurisation des parcours professionnels, à la médecine du travail, à la pénibilité…
À ce jour, il est hors champ et les organismes représentatifs du secteur n’ont jamais pu être associés à la préparation des accords nationaux interprofessionnels qui sont transposés en l’état dans la loi. Les conséquences peuvent en être lourdes pour le secteur.
À ce titre et compte tenu des spécificités d’emploi dans le spectacle, il paraît vraiment essentiel que le secteur soit consulté par les organisations interprofessionnelles, comme le sont les secteurs de l’économie sociale et solidaire, de l’agriculture et des professions libérales, qui constituent les trois champs multiprofessionnels déjà définis par le code du travail.
La création de ce quatrième champ permettra aussi aux organisations du secteur d’être associées aux discussions sur la question du financement du paritarisme et, ainsi, sur le niveau du financement que pourra obtenir le secteur - et même chacune des branches du spectacle. Cela garantirait en outre de ne pas mettre en péril les équilibres financiers des partenaires sociaux du spectacle.
L’adoption de notre amendement octroyant une reconnaissance légale à un champ multiprofessionnel du spectacle vivant et enregistré permettrait véritablement d’asseoir des modalités d’association plus poussées des partenaires sociaux représentatifs de l’ensemble du spectacle, d’une part, à la négociation des règles d’assurance chômage des artistes et techniciens, d’autre part, plus largement, à l’ensemble des questions sociales qui les concernent.
Ce quatrième champ est très attendu par les professionnels. J’espère que la commission et le Gouvernement émettront un avis favorable sur cette proposition.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. À plusieurs reprises, depuis le mois de novembre, pendant les auditions et en réunion de commission, nous nous sommes demandé si toutes les demandes formulées auprès de nous sur les aspects sociaux ou les relations syndicales – les sujets sont infinis ! - avaient vraiment leur place dans ce texte dont je le rappelle qu’il est « relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine ». En 2014, le Parlement a largement débattu de la loi relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale. Ce cadre était probablement le mieux adapté pour régler ces problèmes que vous soulevez tout à fait légitimement.
En l’état, cet amendement a déjà été rejeté par la commission. Vous revenez avec la même proposition, ce que je comprends, connaissant votre opiniâtreté et votre souci d’aboutir, que je respecte profondément.
Cette question relève principalement du champ de la commission des affaires sociales, que nous avons consultée sur le sujet. Ce mécanisme a été créé par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale. Le Sénat a donc déjà eu l’occasion de s’exprimer sur le sujet, et il s’est prononcé contre : lors de l’examen de la loi précitée, l’amendement avait reçu deux avis défavorables, l’un de la commission des affaires sociales, l’autre du Gouvernement.
On ne peut pas parler d’organisations multiprofessionnelles pour le spectacle vivant et enregistré comme on le fait pour les activités agricoles, les professions libérales ou l’économie sociale et solidaire ne relevant pas du champ couvert par des organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel, c'est-à-dire la FNSEA, l’UNAPL, et l’UDS.
Sans remettre en cause, sur le fond, vos propositions, j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. Monsieur le rapporteur, vous venez d’indiquer que la commission des affaires sociales du Sénat avait émis un avis défavorable sur le sujet. Il en va de même du ministère des affaires sociales.
Cela étant, je comprends votre position, madame la sénatrice. Aujourd'hui, dans le dispositif instauré pour la négociation sur l’assurance chômage, il est déjà prévu un mécanisme d’articulation au niveau interprofessionnel. C’est un premier élément de réponse.
Second élément de réponse, le rapport vient d’être rétabli dans le texte. Il va permettre de faire un état des avancées et difficultés potentielles sur la représentativité dans le secteur du spectacle.
M. le président. Madame Robert, l'amendement n° 110 rectifié est-il maintenu ?
Mme Sylvie Robert. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 14 A.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 53 rectifié ter, présenté par MM. Kern, Bonnecarrère et Lasserre, Mme Gatel, M. L. Hervé, Mmes Joissains et Billon et MM. Médevielle, Guerriau, Luche et Cigolotti, n'est pas soutenu.
L'amendement n° 112 rectifié, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 14 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 4622-6 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au deuxième alinéa, dans le cas des dépenses effectuées pour les journalistes rémunérés à la pige relevant de l’article L. 7111-3, pour les salariés relevant des professions mentionnées à l’article L. 5424-22 et pour ceux définis à l’article L. 7123-2 ces frais sont répartis proportionnellement à la masse salariale. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. L’article L.4622-6 du code du travail soulève des difficultés d’ordre pratique. Il dispose que « les dépenses afférentes aux services de santé au travail sont à la charge des employeurs. Dans le cas de services communs à plusieurs entreprises, ces frais sont répartis proportionnellement au nombre des salariés. »
Beaucoup d’entreprises emploient des artistes et des techniciens du spectacle, des journalistes rémunérés à la pige et des mannequins. Les personnes qui emploient ce type de personnel sont, par définition, des multiemployeurs.
Sur la base des dispositions du code du travail, chaque employeur devrait verser une cotisation pour chaque contrat d’engagement, alors même qu’une seule visite médicale serait effectuée. Cette situation remettrait en cause tous les efforts entrepris depuis des décennies afin de favoriser la surveillance médicale de ces populations parfois fragilisées.
En outre, la proportionnalité des frais assise sur l’effectif semble peu en adéquation avec les missions des services de santé au travail telles qu’elles ont été consacrées par la réforme de 2011, laquelle leur a octroyé un caractère de plus en plus collectif.
Nous proposons donc de définir une assiette centrée sur la masse salariale, ce qui permettrait de prendre en considération les spécificités des personnels visés. Cette solution répondrait à une logique économique plus claire et plus pertinente.