Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mmes Frédérique Espagnac, Valérie Létard.
2. Accidents de transports scolaires
3. Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault
4. Traité de coopération en matière de défense avec le Mali. – Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Claude Nougein, rapporteur de la commission des affaires étrangères
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l’article unique du projet de loi dans le texte de la commission.
5. Conventions internationales. – Adoption en procédure d’examen simplifié de trois projets de loi dans les textes de la commission
Accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Nouvelle-Zélande concernant le statut des forces en visite et la coopération en matière de défense. – Adoption du projet de loi dans le texte de la commission.
Accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie relatif à la coopération dans le domaine de la défense et de la sécurité. – Adoption du projet de loi dans le texte de la commission.
Accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Croatie relatif à la coopération dans le domaine de la défense. – Adoption du projet de loi dans le texte de la commission
6. Liberté de création, architecture et patrimoine. – Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
Article additionnel après l'article 11 A
Amendement n° 437 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 206 rectifié de M. Philippe Bonnecarrère. – Non soutenu.
Amendement n° 207 rectifié de M. Philippe Bonnecarrère. – Non soutenu.
Suspension et reprise de la séance
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 13
Amendement n° 501 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles 13 ter et 13 quater (nouveaux) – Adoption.
Articles additionnels après l’article 13 quater
Amendement n° 107 rectifié bis de M. David Assouline. – Retrait.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
7. Questions d’actualité au Gouvernement
réunion à rome des pays fondateurs de l’union européenne
M. François Fortassin ; M. Harlem Désir, secrétaire d’État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes ; M. François Fortassin.
Mme Leila Aïchi ; M. Harlem Désir, secrétaire d’État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes ; Mme Leila Aïchi.
financement de la prime d’activité
M. Éric Bocquet ; Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Éric Bocquet.
versement du rsa dans le haut-rhin
Mme Patricia Schillinger ; Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
M. Michel Canevet ; M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement ; M. Michel Canevet.
M. Michel Vaspart ; M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement ; M. Michel Vaspart.
M. Maurice Vincent ; M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.
formation des imams étrangers lors du ramadan
Mme Nathalie Goulet ; M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur ; Mme Nathalie Goulet.
M. André Reichardt ; Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire ; M. André Reichardt.
situation de l'entreprise vallourec
M. Gaëtan Gorce ; M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.
M. Hugues Portelli ; Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification.
M. Philippe Dominati ; M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur ; M. Philippe Dominati.
régime des cultes en alsace-moselle
M. Jean Louis Masson ; M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur ; M. Jean Louis Masson.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Frédérique Espagnac,
Mme Valérie Létard.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Accidents de transports scolaires
M. le président. Mes chers collègues, nous venons d’apprendre une nouvelle terrible : six personnes ont été tuées ce matin dans un accident entre un bus scolaire et un poids lourd à Rochefort, en Charente-Maritime.
Hier, deux adolescents avaient trouvé la mort dans le Doubs au cours d’un accident frappant aussi un car scolaire.
Mes pensées vont aux victimes, et j’adresse les sincères condoléances du Sénat tout entier aux familles, aux proches des victimes ainsi qu’à la communauté scolaire.
3
Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes
M. le président. L’ordre du jour appelle le dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes.
Huissiers, veuillez faire entrer M. le Premier président et M. le rapporteur général de la Cour des comptes.
(M. le Premier président et M. le rapporteur général de la Cour des comptes sont introduits dans l’hémicycle selon le cérémonial d’usage.)
M. le président. Monsieur le Premier président, monsieur le rapporteur général, c’est avec un grand plaisir que nous vous accueillons ce matin pour la présentation du rapport annuel de la Cour des comptes.
Les liens à la fois anciens et étroits entre le Sénat et la Cour des comptes ont été renforcés par la révision constitutionnelle de 2008, qui a consacré la mission d’assistance qu’exerce votre institution auprès du Parlement.
Au nom de tous mes collègues, notamment des présidents de commission, je tiens à vous dire combien nous nous félicitons de pouvoir bénéficier de votre expertise pour exercer les missions de contrôle et d’évaluation des politiques publiques qui sont les nôtres.
Hier soir, en conférence des présidents, nous avons examiné, avec les présidents des délégations et des commissions permanentes, le bilan de cette mission de contrôle.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
M. le président. Cette mission est particulièrement importante pour le Sénat : elle s’inscrit génétiquement dans ses attributions.
Monsieur le Premier président, je connais toute l’attention que vous portez au Parlement, je sais votre attachement à répondre à nos préoccupations et je me réjouis des relations que nous entretenons.
Jamais l’intensité de ces relations entre nos deux institutions n’aura été aussi forte. La Cour des comptes est très régulièrement sollicitée par nos commissions permanentes et nos délégations.
Elle l’est, bien sûr, d’abord, par la commission des finances - cinquante-cinq opérations de contrôle, comme l’a souligné hier soir sa présidente, Michèle André – et par la commission des affaires sociales, comme l’a relevé son président, Alain Milon.
En 2015, la commission des finances a bénéficié de l’éclairage de la Cour sur des sujets aussi variés que le Crédit immobilier de France, les aides personnelles au logement, les enjeux et les leviers de la maîtrise de la masse salariale de l’État, le bilan de l’autonomie financière des universités ou encore l’ensemble des soutiens à la filière forêt-bois.
Le rapport que vous avez établi, à la demande de la commission des affaires sociales, sur la situation des maternités en France, a donné lieu à un riche débat au sein de cet hémicycle.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. C’est exact !
M. le président. Les autres instances sénatoriales sollicitent également la Cour des comptes dans le cadre de leurs travaux législatifs et de contrôle.
Monsieur le Premier président, vous avez ainsi été entendu par notre commission des lois dans le cadre de l’examen du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Des magistrats de la Cour ont été auditionnés par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable à la suite du rapport public thématique sur la grande vitesse ferroviaire. (M. le président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable opine.) Parallèlement, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a bénéficié de l’éclairage de la juridiction que vous présidez, notamment au sujet des finances des communes.
Toutes ces sollicitations illustrent l’attention que porte le Sénat à vos observations, aux constats et recommandations que vous formulez et, naturellement, aux suites qui leur sont réservées.
La remise du rapport annuel de la Cour des comptes est attendue, à un moment où la situation de nos finances publiques demeure une réelle et insistante préoccupation.
M. Charles Revet. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. le président. Les circonstances que nous vivons rappellent la nécessité de disposer de tous les moyens pour affronter les nombreuses menaces qui nous entourent et pour y répondre.
Nous devons, chacun le sait, accélérer la réduction des déficits, qui alimentent la dette à l’excès et annihilent notre capacité à agir souverainement, et engager un certain nombre de réformes pour créer la croissance dont notre pays a besoin.
C’est donc avec le plus grand intérêt que nous allons à présent vous écouter présenter le rapport public annuel de la Cour des comptes. Mme la présidente de la commission des finances et M. le président de la commission des affaires sociales interviendront ensuite.
Monsieur le Premier président, vous avez la parole.
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Monsieur le président, en application de l’article L. 143-6 du code des juridictions financières, j’ai l’honneur de vous remettre le rapport public annuel de la Cour des comptes. (M. le Premier président remet à M. le président du Sénat le rapport public annuel de la Cour des comptes.)
Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, la présentation du rapport public annuel de la Cour des comptes est un moment important pour les juridictions financières et, nous en sommes convaincus, pour le débat relatif à la bonne gestion publique.
Ce rapport n’est pas, tant s’en faut, une collection d’anecdotes ou un florilège d’observations circonstancielles. Il est guidé et structuré par une préoccupation centrale : tracer des pistes de réforme, contribuer à la modernisation des services publics, en expliquant ce qui fonctionne bien et ce qui pourrait progresser, et encourager les décideurs à s’intéresser davantage au résultat de l’action publique.
Les messages portés par le rapport de la Cour sont au nombre de trois.
Premièrement, la situation des finances publiques s’améliore, mais cette amélioration est encore lente, limitée et fragile. En conséquence, la situation reste source de préoccupations, voire d’inquiétudes.
Deuxièmement, l’urgence de moderniser les services publics appelle des choix déterminés et une mise en œuvre méthodique.
Troisièmement, enfin, nos contrôles mettent en lumière la nécessité d’une plus grande clarté, d’une plus grande sélectivité, d’une plus grande efficacité et d’une plus grande efficience de l’action publique pour répondre aux attentes de nos concitoyens, mais aussi pour atteindre les objectifs que vous définissez.
Avant de détailler ces trois messages, je consacrerai un bref propos liminaire à la manière dont la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes s’efforcent de contribuer, par leur action, à l’amélioration de la gestion publique.
Tout d’abord, je tiens à insister sur l’unité et la cohérence de ce rapport public annuel.
Le premier tome a trait à la situation d’ensemble des finances publiques, au vu des dernières données disponibles, ainsi qu’à plusieurs politiques publiques et à différentes problématiques de gestion publique. Il fournit des exemples de réformes que les pouvoirs publics pourraient choisir de conduire.
Le second tome met sur la table le bilan de l’activité de la Cour et des chambres régionales, ainsi que les suites données par les pouvoirs publics aux recommandations qu’elles émettent. Les codes couleur employés au sein des chapitres sont désormais bien connus : lorsque la couleur est verte, « la Cour constate des progrès » ; lorsqu’elle est orange, « la Cour insiste » ; enfin, lorsqu’elle est rouge, « la Cour alerte ».
Certains progrès sont très directement liés aux recommandations que la Cour des comptes a pu formuler par le passé, et qui ont ensuite été reprises par les pouvoirs publics.
En premier lieu, je pense à la politique française d’incorporation des biocarburants dans les carburants. Le Parlement a récemment procédé à des ajustements utiles, conformément à nos recommandations, comme la fin des mesures de défiscalisation incohérentes ou l’inclusion du gazole non routier dans l’assiette de la taxe générale sur les activités polluantes.
En deuxième lieu, je pense au financement de la défense nationale par des ressources exceptionnelles, malgré les risques identifiés par la Cour. Ainsi, vous avez souhaité substituer dans la loi relative à la programmation militaire des crédits budgétaires à la quasi-totalité des ressources exceptionnelles. Cette clarification bienvenue a été mise en œuvre dans la loi de finances pour 2016. Elle doit à présent être confirmée dans le temps et menée à son terme.
En troisième lieu, j’évoquerai la gestion de l’extinction de Dexia, un exemple bien connu.
Dans le cadre du projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, le Gouvernement a déposé un amendement directement inspiré de nos travaux, que le Sénat a bien voulu adopter. Cet amendement porte sur ce que l’on appelle « les parachutes dorés ». Un fonctionnaire ayant exercé des fonctions de dirigeant au sein d’un organisme public ou bénéficiant de concours publics ne pourra plus réintégrer son administration d’origine tout en percevant, de cet organisme, des indemnités liées à la cessation de ses fonctions.
M. Michel Bouvard. Très bien !
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Bien sûr, cette avancée ne vaut pas seulement en cas de sinistre et doit encore être confirmée dans le texte qui sera adopté définitivement.
Dans son rapport public annuel 2016, la Cour fait le point sur l’exercice de ses compétences, notamment l’évaluation des politiques publiques, ainsi que vous l’avez rappelé, monsieur le président. Nous avons répondu à un certain nombre de demandes émanant de l’Assemblée nationale et du Sénat, et je profite de l’occasion pour me réjouir de la qualité des relations entre la Cour et le Parlement, qui témoigne de l’intensité et de la portée de la mission d’assistance de la juridiction à la représentation nationale. Je pense tout particulièrement à la qualité de nos relations avec les commissions des finances et des affaires sociales du Sénat.
J’en viens au premier message de la Cour : la situation des finances publiques s’améliore, mais cette amélioration est encore lente, limitée et fragile. La situation reste, en conséquence, source de préoccupations, voire d’inquiétudes.
La Cour relève la difficulté rencontrée pour redresser cette situation plus nettement et plus durablement, malgré les efforts entrepris. Selon les dernières prévisions du Gouvernement, les objectifs de réduction des déficits publics auraient été tenus l’an dernier. Les résultats devraient même être meilleurs que prévu. Pour autant, cette baisse est restée lente et limitée.
La prévision gouvernementale de maîtrise des déficits pour 2016 est plus ambitieuse qu’en 2015. La réalisation de cet objectif reste malgré tout incertaine, et ce pour trois raisons.
Tout d’abord, les hypothèses d’inflation et de hausse de la masse salariale du secteur privé – les prévisions de recettes fiscales et sociales – paraissent surestimées. Les prévisions toutes récentes de la Commission européenne viennent d’ailleurs de confirmer ce risque.
Ensuite, le choix de sous-doter certaines dépenses de l’État dans la programmation budgétaire initiale fait peser des risques de dépassement. Des urgences prévisibles en cours d’année, comme le plan pour l’emploi et la formation annoncé par le Gouvernement ces dernières semaines, sont susceptibles d’accentuer ces risques.
Enfin, l’objectif retenu pour la croissance des dépenses sociales sera également difficile à tenir. Une partie des économies attendues en matière de régimes de retraite complémentaire et d’assurance chômage pourrait ne pas être au rendez-vous cette année.
La Cour se réjouit évidemment de la perspective d’un retour à des conditions économiques un peu plus favorables, mais la prudence reste de mise. En 2016, le déficit public devrait rester supérieur à 3 points de PIB. La dette publique approcherait 100 points de PIB. Cette situation n’autorise aucun relâchement des efforts.
La réduction des déficits publics ne peut en effet pas seulement reposer sur l’amélioration des recettes permise par une amélioration conjoncturelle. Elle doit aussi résulter d’une action résolue sur le besoin de financement structurel de toutes les administrations publiques : État, collectivités territoriales, sécurité sociale. Dans ce dernier cas, nous ne pouvons pas nous satisfaire, collectivement, d’un déficit durable des comptes sociaux, destiné uniquement à financer des dépenses courantes.
Une fois de plus, la question n’est pas, pour la Cour des comptes, de tenir une position dogmatique ni de recommander à toute force de réduire les crédits nécessaires à l’exercice de missions prioritaires. La question qui se pose est celle de l’efficacité et de l’efficience de la dépense publique, et de la pertinence de crédits alloués à des missions ou des structures dont l’utilité n’est plus aussi démontrée.
Il faut mettre en regard les moyens consacrés et les résultats effectivement obtenus, avant de décider d’un éventuel maintien, voire d’un abondement de ces moyens. L’augmentation des dépenses ne doit pas être la principale, voire la seule réponse, à chaque fois qu’un problème est identifié, au risque de perdre de vue l’exigence d’efficacité et d’efficience de l’action publique.
Au total, la maîtrise des déficits et du poids de la dette publique doit être poursuivie avec vigueur. Dans le cas contraire, la France risquerait d’être à l’avenir encore plus contrainte dans l’utilisation de l’instrument budgétaire.
Il y a un mois, lors de l’audience solennelle de la Cour, j’évoquais la capacité de la France à procéder à des choix souverains de politique publique, à dégager des marges de manœuvre pour faire face aux priorités du temps. Il faut reconnaître que cette capacité reste entravée par la situation des finances publiques.
Plusieurs insertions du rapport public annuel 2016 illustrent parfaitement la difficulté parfois rencontrée dans la répartition des moyens consacrés à des missions régaliennes. C’est notamment le cas du contrôle de légalité et du contrôle budgétaire des actes des collectivités territoriales. Notre rapport démontre que, sans modernisation de l’organisation et des modes de fonctionnement, la réduction uniforme des moyens est inefficace. Plus grave encore, elle peut fragiliser, voire remettre en cause, l’exercice de certaines missions pourtant essentielles.
J’en arrive au deuxième message de la Cour, fil rouge du rapport : l’urgence de moderniser les services publics appelle des choix déterminés et une mise en œuvre méthodique.
Cette méthode se fonde sur des principes de bon sens : une réforme réussie repose sur une bonne anticipation des besoins, une identification correcte des investissements pertinents, une conduite rigoureuse et un accompagnement du changement selon le calendrier approprié, c’est-à-dire sans précipitation, mais sans immobilisme.
Le cas des transports ferroviaires en Île-de-France et celui de la politique de maintenance des centrales nucléaires illustrent tout à fait la nécessité, pour les pouvoirs publics, de choisir avec rigueur et de hiérarchiser les investissements à consentir dans la durée.
Par ailleurs, je suis souvent amené, au nom des juridictions financières, à évoquer la question de la pertinence des dépenses d’investissements. Contrairement à une idée reçue, ces dernières ne sont pas vertueuses par principe. L’investissement est vertueux quand il répond à un besoin collectif, lorsqu’il est produit avec le souci de l’efficacité et de l’efficience, et dès lors que les dépenses de fonctionnement qu’il entraîne ont été correctement anticipées. Or le rapport public annuel 2016 offre de nouvelles illustrations d’investissements dont la pertinence n’est pas démontrée.
Vous l’avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, une mauvaise idée fait le plus souvent une mauvaise réforme, alors qu’une idée qui n’est pas mauvaise en soi ne fait pas nécessairement une bonne réforme.
La Cour analyse ainsi les raisons de l’échec du contrat de génération. Ce dispositif pouvait a priori apparaître comme une bonne idée. La multiplication des objectifs poursuivis et la complexité du dispositif finalement adopté lui ont toutefois porté préjudice : les entreprises l’ont perçu comme une contrainte supplémentaire, et ne l’ont pas vraiment adopté. Ainsi, alors que 220 000 contrats de génération étaient attendus en juillet 2015, seuls 40 300 d’entre eux ont été signés.
La fusion entre Transdev et Veolia Transport constitue une autre opération mal conçue. Son bilan est très négatif à court terme pour la Caisse des dépôts et consignations, dont le choix stratégique devra, bien sûr, être apprécié sur le long terme.
Les juridictions financières sont conduites, dans leurs travaux, à étudier la capacité des gestionnaires publics à mener les projets ambitieux décidés jusqu’au bout de la logique qui les sous-tend. Le cas du versement de la solde des militaires est illustratif de la difficulté parfois rencontrée pour mener une réforme à son terme, surtout lorsque celle-ci passe par la refonte d’un système d’information.
L’exemple des facteurs, dont la profession est confrontée à la baisse du volume de courrier, ou celui de l’archéologie préventive appellent à aller plus loin dans l’effort de modernisation et d’adaptation.
Autre enseignement de nos contrôles : une réforme, une fois décidée, gagne à être menée rapidement et résolument. Faute d’un bon calendrier et d’un bon rythme, le résultat est souvent éloigné de l’objectif fixé, et plus coûteux. Lorsque des réformes ont été engagées, leur conduite suppose que le cap soit maintenu. C’est notamment le cas de la réforme des organismes payeurs des aides agricoles, caractérisée par des retards.
La réforme de l’inspection du travail montre, par défaut, l’utilité des réflexes de bon sens que je viens d’énumérer. Il est sans doute regrettable que ce service ait connu depuis dix ans des réformes successives, dont les finalités n’ont été que progressivement définies. Le climat de travail et les résultats en ont été affectés. La Cour recommande que cette modernisation soit désormais menée à son terme rapidement.
Nos contrôles mettent en évidence la nécessité d’une plus grande clarté, d’une plus grande sélectivité, d’une plus grande efficacité et d’une plus grande efficience de l’action publique, afin de répondre aux attentes de nos concitoyens et d’atteindre les objectifs que vous fixez. C’est mon troisième et dernier message.
Pour répondre à ces attentes, les pouvoirs publics doivent envisager la suppression des structures qui ne démontrent plus leur utilité, clarifier les orientations des politiques publiques qu’ils lancent et s’y tenir, et susciter, enfin, un sursaut de responsabilité individuelle et collective.
Deux structures publiques font l’objet d’une analyse dans le rapport public annuel 2016, qui conclut à la nécessité de programmer très rapidement leur extinction.
Le premier est l’Institut français du cheval et de l’équitation ; le second est le Fonds de solidarité, dont les missions de collecte pourraient être confiées à un réseau de recouvrement tel que celui de la direction générale des finances publiques ou de l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale.
Qu’il n’y ait pas de malentendu : nous ne proposons pas de supprimer les prestations de solidarité, mais le Fonds de solidarité est un organisme de collecte dont les missions pourraient tout à fait être assurées par d’autres organismes de collecte existants.
Plusieurs politiques publiques pâtissent par ailleurs du manque de clarté des orientations retenues, voire de la difficulté à s’y tenir. Le rapport évoque les théâtres nationaux ou encore la politique de la ville.
La Cour revient aussi sur le Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, qui fonctionne comme un établissement public sans tutelle. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous pourriez être fondés à adapter le niveau de ses ressources en fonction de son activité et des conditions de leur emploi. En ce sens, la baisse du plafond de la cotisation, que vous avez incluse dans la loi de finances de 2016, est une incitation forte à améliorer l’efficience de cet organisme, eu égard aux marges de manœuvre dont il dispose. Tel est, en tout cas, notre sentiment.
L’esprit de réforme que les citoyens attendent des gestionnaires publics suppose un esprit de responsabilité individuel et collectif. Les services et les agents publics sont tenus à l’exemplarité. Le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires devrait accentuer davantage encore cette exigence.
Dans le même temps, deux chapitres du rapport rappellent chacune et chacun d’entre nous – citoyens, contribuables, usagers des services publics – à sa responsabilité individuelle, en tant que membre de la communauté nationale : le premier traite de la lutte contre la fraude dans les transports urbains en Île-de-France, où le taux de fraude est très supérieur à celui que l’on relève dans des réseaux comparables ; le second concerne la lutte contre la fraude fiscale. Certes, certaines améliorations législatives sont à noter sur ce sujet, mais les résultats ne sont pas encore à la hauteur des attentes.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, pour conclure, ce que le rapport de la Cour met en évidence peut se résumer en trois phrases, qui ne remplacent évidemment pas sa lecture !
Premièrement, des efforts de réforme structurelle sont encore nécessaires si l’on souhaite que la France garde la maîtrise de ses choix souverains.
Deuxièmement, ces efforts doivent s’appuyer sur des décisions assumées et mises en œuvre avec rigueur.
Troisièmement, des voies possibles de réforme existent, à la portée des décideurs publics, à condition de faire preuve de détermination dans la conduite du changement, d’accorder davantage d’attention aux résultats et de viser une plus grande efficience et une plus grande clarté de l’action publique.
Les ministres en conviennent eux-mêmes le plus souvent dans les réponses qu’ils nous adressent et qui figurent après chaque chapitre du rapport : ils contestent peu nos constats et nos recommandations.
Il vous appartient, ainsi qu’au Gouvernement, de vous inspirer, si vous le souhaitez bien évidemment, de nos contributions et de reprendre nos recommandations pour conduire les réformes que vous considérez comme prioritaires ou légitimes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, du RDSE, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. Monsieur le Premier président, le Sénat vous donne acte du dépôt du rapport public annuel de la Cour des comptes.
La parole est à Mme la présidente de la commission des finances.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le Premier président, mes chers collègues, cette séance de remise du rapport public annuel de la Cour des comptes est un moment symboliquement important, qui illustre l’assistance que la Cour des comptes apporte au Parlement, comme le prévoit la Constitution.
Elle offre l’occasion de faire le point sur les relations entre le Sénat et la Cour des comptes et nourrit ainsi de futurs échanges.
Le rapport public annuel commence, comme c’est désormais la tradition, par une insertion consacrée à la situation des finances publiques.
Alors que le semestre européen bat son plein – nous serons la semaine prochaine à Bruxelles avec le rapporteur général et François Marc –, nos travaux des prochaines semaines seront largement consacrés à l’analyse du programme de stabilité et à la programmation des finances publiques.
Nous devrons évaluer la politique du Gouvernement en matière de finances publiques. Selon mon appréciation, qui ne peut bien entendu engager la totalité des commissaires des finances, celle-ci se caractérise par une maîtrise sans précédent de l’évolution des dépenses afin, dans un contexte de croissance faible, de permettre des allégements fiscaux et sociaux substantiels en faveur des entreprises et des ménages, tout en respectant une trajectoire de réduction du déficit public.
Pour ce faire, la Cour des comptes présente des éléments techniques qui, souvent, complètent les travaux du rapporteur général et des rapporteurs spéciaux, par exemple concernant l’élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance, les aléas qui entourent le respect des objectifs de maîtrise des dépenses ou encore la trajectoire de solde structurel.
Cela nous est très utile, même si la politique budgétaire n’est que l’une des composantes de la politique économique, et que notre réflexion politique sur le bon dosage entre recettes, dépenses et réduction du déficit doit intégrer d’autres éléments, comme, par exemple, les conséquences sur la croissance et l’emploi. Mais tel n’est pas l’objet de la séance publique de ce matin.
Le rapport public annuel de la Cour des comptes, c’est, dans l’esprit de nos concitoyens, cette mosaïque annuelle d’insertions sur des sujets nombreux et variés qui nous plonge dans la diversité de notre vie économique et administrative ; nous ne pouvons pas les évoquer tous aujourd’hui.
En revanche, il nous appartient de nous en saisir, soit pour approfondir nos connaissances sur un sujet, soit pour donner des suites politiques aux constats ou recommandations de la Cour des comptes lorsque nous le jugeons utile.
Dès le 2 mars prochain, la commission des finances organisera des auditions sur le contrôle fiscal, sujet qui fait l’objet d’une insertion dans le rapport.
Nous avons constitué un groupe de travail sur le financement des infrastructures de transport, et notre commission entendait hier les dirigeants de la Société du Grand Paris. Je ne doute pas que ses membres tireront un grand profit des développements du rapport sur les transports ferroviaires en Île-de-France.
D’autres insertions recevront sans doute des suites sous une forme ou sous une autre. Je pense à celle qui porte sur Transdev et Veolia, car rien de ce qui touche à la Caisse des dépôts et consignations ne nous est indifférent ; à celle qui concerne les biocarburants, qui formule des propositions de nature fiscale, ou encore, dans le domaine de l’administration territoriale de l’État, un domaine qui m’est cher, à celle qui a trait au contrôle de légalité qui pourra nourrir les travaux de notre rapporteur spécial Hervé Marseille. À la suite du rapport d’information de Maurice Vincent sur la Société de financement local, la SFIL, l’insertion sur Dexia vient compléter notre information.
À cet égard, je veux justement insister cette année sur la complémentarité entre les travaux du Sénat et ceux de la Cour des comptes, ainsi que sur la bonne coordination de nos activités.
La commission des finances a adopté la semaine dernière son programme de contrôle budgétaire, qui a été rendu public et a été transmis à la Cour des comptes.
Comme chaque année, ce programme de contrôle comprend des enquêtes dont la réalisation est confiée à la Cour. Cette année, André Gattolin et Vincent Eblé vous ont demandé un travail sur les archives nationales, Éric Doligé sur l’enseignement français à l’étranger et Vincent Capo-Canellas sur la compétitivité du transport aérien.
Avant la prochaine loi de finances, vous transmettrez au rapporteur général une enquête sur les dépenses fiscales en faveur du développement durable et, dans un mois, Marc Laménie rendra public le rapport qu’il élabore sur la base d’une enquête sur la Journée défense et citoyenneté que vous lui avez remise.
En tant que présidente de la commission des finances, je veux dire ma satisfaction de constater que les rapporteurs de la commission des finances utilisent les enquêtes que nous vous demandons pour nourrir leurs propositions politiques, sans pour autant épouser systématiquement les recommandations de la Cour, et sans, bien entendu, vous le comprendrez, que j’y sois toujours favorable à titre personnel.
Je pense aux initiatives qu’a prises notre rapporteur général, Albéric de Montgolfier, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2016, lorsqu’il a présenté des amendements visant à réduire la masse salariale de l’État.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Je pense aussi à Philippe Dallier, qui a utilisé l’enquête sur les aides personnelles au logement pour préparer des amendements tendant à étudier les modalités de création d’une base de données dans le but de connaître la surface des logements des allocataires et de lutter contre la fraude, ou encore les conditions dans lesquelles les revenus des parents pourraient être pris en compte dans l’attribution de l’aide personnalisée au logement, l’APL.
Je pense également aux propositions de Francis Delattre sur l’aide à la complémentaire santé pour les personnes âgées ou au rapport d’information d’Alain Houpert et Yannick Botrel sur la filière forêt-bois, qui a suscité beaucoup de débats et de réflexions depuis sa publication au mois d’avril dernier.
La semaine dernière, le directeur général de l’Agence des participations de l’État évoquait devant la commission des finances les conséquences de la mise en œuvre des recommandations de l’enquête demandée par Philippe Dallier et Albéric de Montgolfier sur le recours par l’État aux consultants extérieurs.
Nous ne nous bornons pas à utiliser les enquêtes que nous vous demandons, mais nous essayons de tirer profit de l’ensemble des travaux produits par la Cour des comptes, dans nos travaux de contrôle ainsi que dans le cadre des discussions législatives.
Ainsi, le rapporteur général, lors de l’examen du dernier projet de loi de finances rectificative, s’est fondé sur des rapports de la Cour des comptes pour approuver les modifications proposées dans les règles de fonctionnement du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA, ou encore la réforme du compte de commerce « Régie industrielle des établissements pénitentiaires ».
J’en profite pour signaler que le calendrier des travaux de la Cour des comptes ne permet pas toujours de les exploiter au mieux. C’est ainsi que nous avons reçu le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur la TVA après le vote du projet de loi de finances et du collectif budgétaire.
Nous avons reçu cette semaine un référé consacré au dispositif ISF-PME, qui aurait sans doute été utile à notre rapporteur général lorsqu’il a présenté, en collectif budgétaire, un amendement qui n’a pas été retenu, mais qui va dans le même sens que ce que préconise la Cour des comptes. Aurait-il eu plus de succès si l’analyse de la Cour avait été disponible au mois de décembre ? Je ne sais pas !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Sans doute !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. L’évolution toujours plus positive des relations entre la Cour des comptes et le Parlement doit beaucoup à l’état d’esprit qui a été insufflé, il y aura quinze ans au mois d’août, par l’adoption de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.
Les enquêtes demandées en application de l’article 58-2 de la LOLF ont conduit les magistrats à travailler avec les rapporteurs spéciaux à l’origine de la saisine.
Les auditions publiques organisées à la suite de la remise de ces enquêtes ont transformé les présidents de chambre en habitués de nos salles de réunion. Monsieur le Premier président, permettez-moi de saluer l’ensemble de ceux qui, à vos côtés, travaillent dans cet état d’esprit.
Le rapport public annuel n’est plus l’unique grand rendez-vous entre la Cour des comptes et le Parlement. Chaque année, le Premier président vient désormais nous présenter le rapport sur l’exécution budgétaire de l’année précédente, celui sur la certification des comptes de l’État et celui sur la situation et les perspectives des finances publiques.
Pour toutes ces raisons, je me réjouis de l’initiative conjointe du président du Sénat et du Premier président de la Cour des comptes visant à « marquer le coup » et à organiser au Sénat, pour les quinze ans de la LOLF, une journée d’étude consacrée aux apports de la comptabilité générale en matière de contrôle parlementaire et de transparence des comptes publics.
Mes chers collègues, je sais que vous êtes impatients de vous plonger dans la lecture des 1 335 pages du rapport que le Premier président vient de déposer sur le bureau du Sénat. (Sourires.)
M. le président. Nous allons maîtriser… (Nouveaux sourires.)
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Aussi, je conclurai en remerciant de nouveau le Premier président de la Cour des comptes de sa grande disponibilité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. Permettez-moi de saluer Albéric de Montgolfier et Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteurs généraux respectivement de la commission des finances et de la commission des affaires sociales, qui vont se plonger immédiatement dans ce document. (Sourires.)
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, la présentation du rapport public annuel marque l’un des temps forts de l’assistance au Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement, mission confiée à la Cour des comptes par l’article 47-2 de notre Constitution.
Rythmée par les différentes publications de la Cour, cette mission s’effectue tout au long de l’année et revêt une importance majeure dans le contexte que nous connaissons. La ressource publique est devenue rare et les déficits sont élevés. Plus que jamais, il est nécessaire de tracer les voies d’une action publique plus économe.
La contribution de la Cour des comptes est, de ce point de vue, essentielle, en particulier pour la sphère sociale qui représente, je le rappelle, près de la moitié de nos finances publiques.
C’est pourquoi la commission des affaires sociales porte toujours un très grand intérêt aux analyses et propositions de la Cour, qu’elles figurent dans le rapport public annuel, le rapport annuel sur les lois de financement de la sécurité sociale, les rapports de certification, les rapports thématiques ou les enquêtes qui sont effectuées à notre demande.
Le rapport que vient de nous présenter le Premier président fait le point, au sortir de la période budgétaire, sur la situation des finances publiques.
Alors que nous constatons, sur ce sujet, une tendance du Gouvernement à se satisfaire de résultats limités, la Cour apporte quelques tempéraments bienvenus.
Le déficit ne s’est que faiblement réduit en 2015, alors que persistaient les « effets de traîne » du choc fiscal des années précédentes. La Cour constate que les baisses de prélèvement décidées pour 2015 représentaient 14 milliards d’euros, mais qu’elles ont, en partie, été neutralisées par 10 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires résultant de mesures décidées antérieurement.
Le premier bilan du pacte de responsabilité, en termes d’allégements des charges fiscales et sociales, apparaît donc encore bien mince, au moment où certains voudraient exiger des entreprises davantage de contreparties en termes d’emplois.
Car, au-delà des comptes publics, c’est bien la situation de l’emploi qui nous préoccupe tous, et c’est autour de cette problématique d’actualité que je centrerai mon intervention.
Sur ce terrain, notre pays est en situation d’échec majeur : 90 000 chômeurs de plus en 2015,…
M. Charles Revet. Oui !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. … et 475 000 depuis 2011.
Notre dynamisme démographique, dont il faut, par ailleurs, se réjouir, bien qu’il soit fragilisé lui aussi, n’est pas seul en cause, loin de là. La France se distingue surtout par une faiblesse préoccupante de la création d’emplois, puisque seulement 57 000 emplois ont été créés en deux ans dans le secteur privé.
Autre sujet d’inquiétude : alors que le chômage est massif, l’évolution des coûts salariaux semble déconnectée de cette situation, consacrant ainsi un dualisme, désormais bien ancré, du marché du travail.
Nos voisins, qui ont fait des choix différents, ont vu leur situation s’améliorer. Ainsi, sur la même période, l’Italie a créé près de 300 000 emplois, l’Allemagne plus de 480 000, et l’Espagne 650 000.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Comment ne pas faire le lien entre l’état des finances publiques, le choix d’une augmentation massive des prélèvements pour y répondre et la situation de l’emploi ?
Nous pouvons trouver matière à réflexion dans certaines analyses de ce rapport public annuel et dans d’autres travaux récents de la Cour.
La multiplication du nombre de contrats aidés et la création d’emplois publics ne sont que de piètres palliatifs, qui ont, de surcroît, pour effet d’alourdir encore les charges publiques.
Le montage de dispositifs complexes n’a pas davantage stimulé la création d’emplois. Je constate que la Cour partage, sur le contrat de génération, le diagnostic de la commission des affaires sociales, qui en déplore l’échec depuis deux ans. Souvenez-vous de cette phrase devenue célèbre : « Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup ! » (Mme Françoise Férat et M. Jacques Legendre opinent.)
En 2013, le Gouvernement s’était fixé comme objectif la création de 500 000 binômes pendant le quinquennat. Nous n’en sommes qu’à un peu plus de 50 000.
Les préconisations de la Cour qui appellent à une refonte du dispositif rejoignent donc pleinement les préoccupations de la commission des affaires sociales.
L’efficacité de l’action publique, ce n’est pas seulement celle des dispositifs, c’est aussi celle des organisations. Nous avons ainsi pris note du constat dressé par la Cour sur le Fonds de solidarité. Elle propose de transférer ses missions à une structure mieux à même de recouvrer de façon effective les montants dus par les fonctionnaires au titre du financement des allocations pour les chômeurs non indemnisés. Monsieur le Premier président, l’ACOSS nous semble aussi pouvoir remplir cette mission.
Évoquant l’exercice budgétaire 2016, la Cour des comptes indique que l’un des risques principaux d’écart à la prévision résulte de la « surestimation des économies attendues de la nouvelle convention d’assurance chômage ». Le Gouvernement a en effet intégré dans ses prévisions 800 millions d’euros au titre de la réforme de l’indemnisation du chômage.
Le rapporteur général de la commission des affaires sociales, Jean-Marie Vanlerenberghe, avait émis de fortes réserves sur les économies attendues des régimes à gestion paritaire, UNEDIC et retraites complémentaires, estimées à 4 milliards d’euros sur la période 2015-2017, en l’absence de toute disposition concrète permettant d’y parvenir.
Force est de reconnaître que les négociations sur les retraites complémentaires ont abouti à un accord qui porte une véritable réforme, ambitieuse et structurante. Les économies attendues à court terme dépendent d’un niveau d’inflation qui risque de ne pas être atteint, mais les fondements de la réforme à moyen terme ont été posés. Je rappelle que la Cour des comptes avait d’ailleurs établi un rapport particulièrement éclairant sur ce point l’an passé.
Les partenaires sociaux, même fortement incités par le Gouvernement, pourront-ils aboutir à une réforme comparable de l’assurance chômage, un sujet sur lequel la Cour des comptes s’est également prononcée très récemment ? Les négociations sur la nouvelle convention d’assurance chômage, qui s’ouvriront le 22 février prochain, seront à cet égard décisives.
Avec un déficit de 4,4 milliards d’euros et une dette de près de 26 milliards d’euros en 2015, la situation financière de l’assurance chômage n’est plus tenable. Une réforme est d’autant plus nécessaire que ce déficit comporte une part structurelle non négligeable, mise en lumière par les travaux de l’UNEDIC.
La commission des affaires sociales souscrit entièrement au constat du Gouvernement selon lequel, « en l’absence d’efforts raisonnables à court terme, la pérennité du régime pourrait être remise en cause ».
Les pistes tracées dans le rapport du Gouvernement sur la situation financière de l’assurance chômage sont claires : réduction de la durée d’indemnisation, dégressivité des allocations, baisse du ratio d’indemnisation par jour cotisé, baisse du plancher d’indemnisation et hausse des cotisations. Aucune de ces mesures prises isolément n’apportera, à l’évidence, de réponse durable à la situation financière de l’assurance chômage : comme pour les retraites complémentaires, c’est un panier de mesures qui devra être mis en place.
Cependant, une hausse des cotisations, qui alourdirait le coût du travail, serait contradictoire avec le renforcement des allégements décidé voilà deux ans. La commission des affaires sociales n’y est donc pas favorable.
Cette réforme devra surtout être mise au service du retour à l’emploi, au moyen d’une indemnisation à la fois protectrice et incitative.
Pour conclure, je voudrais souligner de nouveau l’apport des travaux de la Cour des comptes à la nécessaire analyse des liens étroits entre les finances publiques, la protection sociale et la situation de l’emploi. Au sein du Parlement, chacun y réagira selon sa sensibilité et en tirera ses propres conclusions. En tout cas, la Cour des comptes apporte à la réflexion et au débat une contribution que, au nom de la commission des affaires sociales, je tiens à saluer une nouvelle fois ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC, du groupe écologiste, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Monsieur le Premier président, monsieur le rapporteur général, je vous remercie pour ce rapport et, au-delà, pour les relations étroites que la Cour des comptes entretient avec le Sénat ; le concours de votre institution contribue notamment à éclairer les travaux de nos commissions et de nos délégations.
Huissiers, veuillez reconduire M. le Premier président et M. le rapporteur général de la Cour des comptes.
(M. le Premier président et M. le rapporteur général de la Cour des comptes sont reconduits selon le cérémonial d’usage. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quinze, est reprise à onze heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Jacqueline Gourault.)
PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Traité de coopération en matière de défense avec le Mali
Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République du Mali (projet n° 483 [2014-2015], texte de la commission n° 359, rapport n° 358).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée du développement et de la francophonie. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le traité de coopération en matière de défense entre la France et la République du Mali dont j’ai l’honneur de proposer la ratification à la Haute Assemblée a été signé à Bamako le 16 juillet 2014.
Conclu après l’intervention française et la tenue d’élections démocratiques dans ce pays, ce traité refonde le cadre juridique de notre coopération avec le Mali en matière de sécurité et de défense. Il s’inscrit dans le droit fil des huit autres accords renégociés avec autant de pays africains partenaires, qui sont aujourd’hui entrés en vigueur. Comme eux, il traduit l’évolution de nos relations avec un pays ami – en l’occurrence, le Mali – et le continent africain en général.
La sécurité de l’Afrique et la sécurité de l’Europe sont indissociables, à l’égard tant du terrorisme que du trafic d’êtres humains ou d’autres trafics.
L’attaque qui a visé, une semaine après le 13 novembre 2015, un hôtel international de Bamako, est venue nous le rappeler douloureusement.
Ce traité, qui concerne le domaine de la défense, participe d’un dessein, celui de notre avenir commun, et porte sur les intérêts stratégiques de long terme de la France et de son partenaire.
À l’instar des accords entrés en vigueur avec d’autres États africains, c’est un traité simple, transparent, et, surtout, global. Je le résumerai en quelques points.
Il s’agit d’un texte unique pour le nouveau cadre juridique de notre relation de défense.
Il ne comporte pas de « clause de sécurité » prévoyant l’intervention des forces armées françaises en vue du maintien de l’ordre intérieur. Ce type de clause ne correspond plus ni à la situation de l’Afrique d’aujourd’hui ni à la politique de la France.
Par ailleurs, aucune clause d’assistance « automatique » n’est prévue en cas d’agression extérieure. Notre politique affirme nettement la volonté de voir prédominer les systèmes de sécurité collective des Nations unies et de l’Union africaine.
En outre, c’est un accord global, afin que la coopération de défense puisse couvrir toute activité convenue d’un commun accord entre les parties en fonction de leurs intérêts communs, notamment pour la sécurisation des espaces frontaliers et la lutte contre le terrorisme.
Enfin, ce traité est rédigé sous une forme réciproque permettant de couvrir juridiquement et dans des conditions identiques aussi bien le statut et les activités des membres du personnel français au Mali que ceux des personnels maliens en France.
Ce traité est tourné vers le soutien au développement des capacités militaires africaines, dans le cadre du système de sécurité collective que le continent construit pas à pas. Il traduit une relation marquée du sceau de la confiance et du partenariat, afin que nos intérêts communs soient au mieux garantis et que nous puissions construire ensemble les conditions de la stabilité et de la paix en Afrique.
Tel est, madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le sens de ce traité en matière de défense avec le Mali, proposé aujourd’hui à votre approbation.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Nougein, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, ce matin, nous devons examiner un traité de coopération de défense avec le Mali, signé le 16 juillet 2014 à Bamako. Ce traité revêt une importance particulière : l’armée française joue toujours un rôle de premier plan dans ce pays au titre de l’opération Barkhane.
Quel est le contexte de cet accord ?
En premier lieu, je rappellerai très brièvement les événements ayant conduit à l’intervention française.
En avril 2012, le MNLA, le Mouvement national de libération de l’Azawad des Touaregs, allié à des groupes djihadistes, proclame l’« indépendance » du Nord-Mali. Le MNLA est bientôt débordé et vaincu par les groupes djihadistes. Entre-temps, à Bamako, un coup d’État entraîne le départ du président Amadou Toumani Touré.
La crise s’accélère au début du mois de janvier 2013, des groupes armés terroristes se mettant en mouvement vers le sud du pays. Dès lors, à la suite d’une demande d’aide formulée par le président du Mali, la France engage, avec le soutien de huit pays alliés, l’opération Serval, afin de stopper l’offensive des terroristes et de rétablir l’intégrité et la souveraineté du pays.
Cette opération a été un succès militaire, permettant de repousser les groupes djihadistes et de récupérer 200 tonnes d’armement et de munitions, ainsi que des explosifs dans l’Adrar des Ifoghas.
Mes chers collègues, en cet instant, j’ai à cœur de louer le professionnalisme, l’engagement et le courage de nos soldats. Permettez-moi, en tant qu’élu de la Corrèze, de saluer le 126e régiment d’infanterie de Brive, qui a participé à l’opération Serval.
MM. Charles Revet, Jean-Claude Requier et Jeanny Lorgeoux. Tout à fait !
M. Claude Nougein, rapporteur. Aujourd’hui, la situation au Mali s’est améliorée, même si elle reste fragile, comme les événements récents de Bamako l’ont tristement rappelé.
Sur le plan sécuritaire, l’opération Barkhane, qui a pris la relève de l’opération Serval, peut s’appuyer sur le G5 Sahel, c’est-à-dire une coopération étroite entre cinq pays du Sahel : Mauritanie, Mali, Niger, Tchad et Burkina Faso. L’opération Barkhane est ainsi totalement transfrontière, ce qui est la seule manière de lutter efficacement contre les groupes djihadistes.
Toutefois, cette opération ne peut à elle seule venir à bout des terroristes, comme l’a encore démontré la récente attaque contre un camp de la MINUSMA, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali, à Tombouctou. Elle n’emploie en effet que 3 000 à 3 500 hommes pour un territoire plus grand que l’Europe, et il est impossible de poursuivre les djihadistes dans les pays limitrophes du nord du Sahel. La situation en Libye est ainsi particulièrement préoccupante.
En outre, la MINUSMA, force de l’ONU établie par la résolution 2100 du Conseil de sécurité, est un acteur important dans la stabilisation du pays, avec plus de 8 000 militaires essentiellement africains et 1 050 policiers. Toutefois, on peut regretter qu’elle ne joue pas un rôle opérationnel fort, lequel est toujours assumé par les troupes françaises.
Enfin, les quelques centaines d’hommes de la Mission de formation de l’Union européenne au Mali, ou EUTM Mali, apportent également un soutien utile à la reconstruction des forces armées maliennes.
Si l’ensemble de ces forces militaires permet ainsi à l’État malien de subsister et de fonctionner, elles ne peuvent prétendre apporter une réponse à long terme aux problèmes qui touchent ce pays.
Le premier problème est d’ordre politique. Les accords d’Alger, signés entre la République du Mali et la Coordination des mouvements de l’Azawad, la CMA, le 20 juin 2015 à Bamako grâce à la médiation algérienne, commencent certes à se concrétiser avec la création effective de patrouilles mixtes et le début d’une fusion des cantonnements des soldats. Mais la faiblesse des avancées politiques depuis la signature de l’accord révèle sa grande fragilité et les ambiguïtés sur lesquelles il repose.
Le second problème réside dans la situation agricole et économique précaire d’une grande partie du Sahel, qui favorise le recrutement de jeunes par les groupes terroristes.
Une partie de la solution tient évidemment à l’efficacité de l’aide au développement. Lors de la conférence de Paris du 22 octobre 2015, 3,2 milliards de dollars ont été annoncés par les bailleurs du Mali pour les années 2015-2017. La France a promis 360 millions d’euros. Malheureusement, cet effort significatif n’est pas une garantie de réussite si ces crédits ne vont pas au bon endroit au bon moment, et, pourrait-on ajouter, dans de bonnes mains.
J’en viens maintenant au traité de défense lui-même.
Premier élément, ce traité n’a rien d’original dans son contenu. Inspiré du modèle des Status of Forces Agreement, ou SOFA, de l’OTAN, il est quasiment identique aux huit autres accords signés au cours des années 2008-2012 avec le Togo, le Cameroun, le Gabon, la République centrafricaine, l’Union des Comores, Djibouti, la Côte d’Ivoire et le Sénégal. Ces accords mettent en place une coopération de défense fondée sur le respect mutuel de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États. En particulier, ils ne comportent pas de clause publique ou secrète d’assistance automatique contre les menaces intérieures ou extérieures.
Dans le cas du Mali, le nouveau traité remplace un accord de coopération militaire du 6 mai 1985, dont l’objet est essentiellement limité à la mise à disposition de coopérants militaires techniques français. Cet accord est aujourd’hui obsolète, dans la mesure où il est rédigé de manière unilatérale et reflète ainsi un état des relations entre la France et les pays africains désormais révolu.
Deuxième élément, le nouveau traité ne se substitue pas à l’accord par échange de lettres des 7 et 8 mars 2013, conclu pour assurer la sécurité juridique de l’intervention française au Mali, dans le cadre de l’opération Serval. En vertu de l’article 25 du nouveau traité, les actions menées dans le cadre de l’opération Barkhane continueront ainsi à relever de l’accord de 2013, plus favorable aux troupes françaises sur le plan de la sécurité juridique.
Pour le reste, le nouveau traité précise les principes généraux sur lesquels se fonde le partenariat de défense et de sécurité, en prenant en considération deux dimensions nouvelles : la dimension régionale africaine de la mission de coopération militaire confiée aux forces françaises et la dimension européenne.
Les domaines de la coopération mise en œuvre dans ce cadre sont ensuite énumérés. Ils couvrent notamment les échanges d’informations entre les forces et la formation des soldats maliens dans des écoles françaises ou des écoles soutenues par la France. Je rappelle que la coopération de défense conduite au Mali par la direction de la coopération de sécurité et de défense du ministère des affaires étrangères et du développement international se décline actuellement en sept projets, dont une école à statut international à Bamako, et représente un budget de 4,6 millions d’euros. Je ne peux ici que souligner l’importance cruciale de cette coopération militaire structurelle et regretter la réduction continue des moyens qui lui sont affectés au sein du budget.
M. Hubert Falco. Hélas !
M. Claude Nougein, rapporteur. Le traité comporte ensuite des dispositions détaillées sur le statut des personnels engagés dans la coopération et fixe les règles de compétence juridictionnelle en cas d’infraction commise par un coopérant. Il précise notamment que, dans le cas où elle serait prévue par la loi, la peine de mort ne serait ni requise ni prononcée.
En conclusion, cet accord modernise et améliore notre coopération militaire avec le Mali. Il contribuera ainsi, modestement, mais de façon concrète, à la sécurité d’un pays et d’une région dont la stabilité est aujourd’hui un enjeu de premier ordre pour notre pays et le monde. C’est pourquoi la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées s’est prononcée en faveur de son approbation.
Le débat de ce matin est l’occasion de renouveler notre soutien à cette coopération, qui est un facteur de stabilisation et, à terme, de paix pour le pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC, du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous le reconnaissons, l’objectif affiché de cet accord, à savoir donner un cadre juridique à notre coopération militaire avec le Mali afin de l’aider à se reconstruire, est indéniablement positif.
Est, en revanche, sujet à caution le fait de savoir si ce traité se donne les moyens d’une telle ambition. En n’abrogeant aucune des dispositions de l’accord par échange de lettres des 7 et 8 mars 2013 qui régit l’opération Serval, cette convention n’engage aucune stratégie de redéfinition de notre action en cours au Mali.
Certes, j’entends bien que la présente convention traite uniquement de la coopération militaire, sujet distinct de l’opération Serval. Toutefois, dans l’optique qui est celle de cet accord, une consolidation des forces de défense maliennes, dans le cadre d’une articulation plus fine entre les deux textes, aurait été souhaitable. L’intervention française, même justifiée, n’a pas vocation à être pérenne.
M. Hubert Falco. Très bien !
Mme Leila Aïchi. Repenser dès maintenant les prérogatives et le rôle du détachement français aurait donc pu être cohérent et aurait permis d’engager une telle consolidation. D’une telle omission résulte une impression d’inachevé. Comme nous le répétons sans cesse, nous devons inscrire notre action dans une approche à long terme. À défaut, toute intervention militaire française est vouée à l’échec. En ce sens, nous ne pouvons pas nous affranchir de l’aide au développement et de la coopération.
S’agissant du texte lui-même, son article 15 suscite de fortes réserves de notre part. Il prévoit que la justice de l’État d’accueil est compétente pour certaines infractions commises sur son sol. Classique dans ce type d’accord et cohérente au regard du principe de territorialité de la loi pénale, cette stipulation n’en est pas moins problématique. La situation de déliquescence dans laquelle se trouve l’État malien fait en effet obstacle à ce que la justice y soit rendue dans le respect des droits de l’homme, et ce malgré les garanties de procédure visées dans cet article. Le fait que ces stipulations n’aient vocation à ne régir que de rares cas ne saurait nous dispenser de leur examen au vu des principes qui fondent notre conception de la justice, dans un état de droit respectueux des droits de la défense.
Plus largement, cet accord soulève la question de notre politique en Afrique.
Depuis 2008, la volonté affichée de sortir des vieux schémas afin de mettre un terme à une France « gendarme de l’Afrique », pour lui substituer un système de sécurité collective, n’est pas mise en œuvre de façon cohérente, faute de réflexion d’ensemble. La révision des accords de défense visant à mettre un terme aux pratiques d’antan, faites de clauses d’assistance, parfois secrètes, ne s’accompagne pas toujours d’un redéploiement adapté de nos forces en Afrique. La logique qui guide ce redéploiement hésite entre la défense d’intérêts bien compris et la lutte contre le terrorisme. Or, face à une menace terroriste qui essaime au Sahel et ailleurs en Afrique, l’hésitation est une impasse dangereuse.
Une stratégie d’ensemble, sans tabou ni déni, est plus que jamais nécessaire. Force est de l’admettre, le fait que les accords avec les pays africains nous soient soumis isolément, sans débat d’ensemble, est bien le reflet de ce manque de cohérence et d’ambition.
Vous l’aurez compris, l’objectif affiché de cet accord nous semble, certes, souhaitable, mais le groupe écologiste nourrit d’importantes réserves. Nous nous abstiendrons donc sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Hubert Falco applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en permettant la neutralisation des groupes islamistes armés et la conservation de l’intégrité territoriale du Mali, l’opération Serval a été un succès reconnu par la communauté internationale. La fragmentation du Mali aurait constitué une grave menace pour la région, mais également pour notre propre sécurité, comme le Gouvernement l’avait souligné, à l’époque, pour justifier l’intervention française, une intervention approuvée par le groupe du RDSE.
Sur le plan politique, les accords d’Alger de 2015 ont rétabli le dialogue intercommunautaire, jetant les bases d’une réconciliation nationale et d’une réorganisation du territoire. Mais comme l’a souligné le rapporteur, le volet de la décentralisation peine à se mettre en œuvre. C’est pourtant un point essentiel pour répondre au défi de la diversité de la population malienne.
C’est pourquoi toutes les parties doivent continuer à discuter pour un partage équitable et inclusif du pouvoir, de manière à garantir la cohésion territoriale.
Les accords d’Alger posent également les fondations d’une nouvelle armée malienne. C’est une urgence pour assurer la sécurité du pays, car le processus de paix ne signifie pas la fin des menaces, comme l’ont démontré les deux attentats perpétrés à Bamako, à la fin de l’année dernière.
M. Hubert Falco. Eh oui !
M. Jean-Claude Requier. Les terroristes, qui ont profité du chaos né en 2012 au Nord-Mali, sont toujours tapis dans l’ombre du Sahel, même si l’action combinée des forces du G5 du Sahel, de la MINUSMA et de l’opération Barkhane les tient à distance.
Dans ces conditions, la France doit continuer à apporter son aide au Mali en matière de défense, comme elle l’a toujours fait.
Cela a été rappelé, la coopération entre les deux pays est régie par deux accords : l’un datant de 1985 et l’autre spécifiquement destiné à sécuriser l’opération Serval. Aujourd’hui, nous devons renouveler cette coopération pour l’adapter au nouveau contexte.
Le groupe du RDSE est favorable au traité signé le 16 juillet 2014, pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, ce traité préserve l’accord garantissant la sécurité juridique de l’opération militaire Serval. Ensuite, il prend en compte les nouveaux enjeux de sécurité, en particulier ceux qui sont liés au terrorisme. Enfin, il ne comporte aucune clause d’intervention en cas d’agression extérieure et – cela va de soi ! – en cas de troubles intérieurs. Ce dernier point est important puisqu’il s’accorde avec l’un des nouveaux paradigmes de notre politique africaine, consistant à ne pas se poser en gendarme obligé.
Pour finir, j’ajouterai que le traité participe de la volonté de la France, et pas seulement, d’encourager l’Afrique à fonder son propre système de sécurité collective, qui doit à l’évidence reposer sur des échelons régionaux.
Si notre pays peut conserver des forces stationnées et s’impliquer au cas par cas, l’Afrique, souvent désignée comme continent de l’avenir, doit alors bâtir son propre futur en matière de défense. Pour cela, elle peut compter sur le soutien de la France et sur celui, plus modeste, du groupe du RDSE. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et républicain, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Bockel.
M. Jean-Marie Bockel. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les sénateurs du groupe UDI-UC voteront en faveur de la ratification de ce nouvel accord de partenariat entre la France et le Mali.
Profitons-en pour évaluer brièvement la situation actuelle au Mali et les perspectives de stabilisation politique.
Voilà à peine plus de quatre ans, les institutions du Mali et la liberté du peuple malien ont été directement menacées par le terrorisme djihadiste. La réaction de la communauté internationale, spécialement de la France, fut prompte et vigoureuse. L’opération Serval et l’opération Barkhane, qui en est le prolongement dans la bande sahélienne, ont permis de sauvegarder l’intégrité du territoire malien et de renverser la situation sur le plan militaire.
La France a ainsi rempli son rôle d’allié du Mali, cristallisé depuis 1985 dans une série d’accords de défense et de coopération, dont la présente convention est le dernier exemple en date.
La situation semble pacifiée sur place et, pourtant, le risque terroriste demeure, même s’il est de moindre intensité. Les attaques sporadiques, quasi quotidiennes, continuent de fragiliser l’équilibre du Mali.
Une réponse doit être apportée dans la durée. Mais si nécessaire soit-elle, une intervention armée ne suffit jamais à trouver des solutions pérennes. La cause à long terme de ce mal est évidemment, et avant tout, de nature politique.
Rappelons-nous que, voilà moins d’une dizaine d’années, alors que l’Afrique ne connaissait pas encore l’expansion économique observée aujourd’hui, le Mali faisait figure d’exemple.
M. Hubert Falco. Cela a bien changé !
M. Jean-Marie Bockel. Notre coopération décentralisée, notamment, fonctionnait très bien – le Mali comptait même la plus importante présence française ! – et a certainement contribué à renforcer les liens entre nos deux pays. Nous sommes nombreux, ici, à pouvoir en témoigner.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Jean-Marie Bockel. Dans mon cas, si je connais bien le Nord-Mali, c’est d’abord au travers de cette coopération !
Toutefois, malgré cette connaissance intime et mutuelle, il a fallu plusieurs semaines avant que nous – je veux dire : nous tous ! – n’appréhendions, côté français, l’urgence de la situation et la profondeur de la fracture.
Face à l’inexistence d’un État de droit en capacité de faire respecter son autorité, des groupuscules issus de minorités historiquement sous-représentées – nous pourrions passer beaucoup de temps à évoquer une longue histoire d’accords jamais respectés, sur fond de pauvreté du pays – se sont mutés en groupes terroristes, venant renforcer la démarche terroriste qui existait par ailleurs, le tout alimenté, on le sait, par des trafics en tous genres.
La clé de la sortie de crise est donc à trouver dans le dialogue politique : lui seul peut permettre de rétablir une saine gouvernance au Mali. C’est le sens des accords d’Alger du 20 juin 2015 et des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, sur lesquels je ne reviendrai pas.
Les conditions sont donc réunies, mais les clauses de l’accord trouvent encore difficilement des traductions en actes sur le terrain. L’État de droit peine à se consolider et la représentation des populations du nord du pays au sein des institutions nationales demeure toujours insuffisante, même si, je le sais, la situation est complexe.
La France a pris sa part dans ce processus d’aide au développement, en sus de son effort militaire. Mais elle ne saurait fondamentalement se substituer aux autorités maliennes, qui détiennent, seules, la clé de la stabilisation politique du pays.
Au demeurant, la France n’a pas vocation à maintenir un contingent de forces important pendant une trop longue durée en Afrique. C’est à l’Afrique d’assurer, parallèlement à son développement, sa sécurité à terme.
M. Hubert Falco. Absolument !
M. Charles Revet. Il faut l’aider !
M. Jean-Marie Bockel. À cet effet, elle doit prendre progressivement dès aujourd'hui ses responsabilités et se mettre en capacité d’assumer cette défense à l’échelle des pays et de l’Union africaine. C’est un objectif que nous devons partager, et auquel, à notre manière, nous devons contribuer, et nous pouvons le faire au travers des conventions.
Oui, comme cela a été souligné précédemment, l’état d’esprit n’est plus le même que celui qui prévalait dans les conventions d’autrefois. Les choses ont évolué, et nous devons évidemment nous inscrire dans cette démarche de montée en puissance de la responsabilité des Africains sur les enjeux sécuritaires.
Le présent accord de coopération semble être l’outil approprié pour permettre d’associer la France à la résolution de la crise malienne, tout en laissant le soin aux Maliens de définir eux-mêmes leur avenir commun. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme cela a déjà été relevé, le projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République du Mali doit être resitué dans une actualité et un contexte particuliers.
En effet, le Mali et ses voisins souffrent depuis de nombreuses années d’une situation économique, sociale et politique extrêmement fragile et dégradée, qui fait de l’ensemble de la région sahélo-saharienne une proie facile pour un certain nombre de groupes d’intérêts prospérant sur la misère, l’ignorance et le désespoir de populations entières.
Dernière manifestation de cette crise, tout récemment encore, les villes de Bamako, Tombouctou et Ouagadougou ont subi des attaques terroristes ayant fait plusieurs dizaines de morts.
Près d’un an après le déclenchement nécessaire de l’intervention militaire de notre pays, qui a permis d’éviter la disparition de l’État malien, et après la tenue d’élections démocratiques, il était devenu nécessaire, sur le plan juridique et au regard des relations internationales, de refonder et préciser le cadre de notre coopération de défense avec le Mali.
Ce traité actualise et régularise une situation de fait. Je ne conteste pas la nécessité de celui-ci, mais les membres du groupe CRC ont des réserves sur son contenu et sa signification.
Certes, ce traité est de même nature que d’autres accords de coopération ou de partenariat de défense conclus au cours des années précédentes avec des États africains. Mais je voudrais rappeler que nous nous sommes toujours prononcés sur ces accords, au cas par cas, en fonction de la situation particulière de chaque pays.
Dans le cas du Mali, avec cet accord strictement sécuritaire et uniquement axé sur la seule lutte contre les groupes terroristes, il manque une approche globale des problèmes posés, approche qui permettrait de comprendre que la réponse militaire est insuffisante dans le temps.
À ce propos, la stratégie de l’opération Barkhane contre les groupes armés terroristes au Mali et au Niger semble montrer ses limites. La situation politique et sécuritaire dans la région reste très fragile, en particulier au Mali, où l’on ne voit guère de progrès dans les régions du nord, principaux foyers d’instabilité.
D’autres critiques peuvent aussi porter sur les résultats difficilement perceptibles d’une opération militaire qui coûte 700 millions d’euros par an et dont on ne voit pas le terme.
Certes, les flux logistiques des groupes armés terroristes sont perturbés par l’action de nos forces, ce qui permet d’entraver leur liberté d’action et empêche la création de sanctuaires. Mais ces groupes s’adaptent eux-mêmes en pratiquant un terrorisme peu coûteux d’un point de vue militaire. En ce sens, on peut dire qu’ils conservent l’initiative en contournant nos 4 000 hommes et leur quarantaine d’aéronefs divers, y compris l’essentiel de nos drones.
L’exemple du Mali nous aurait permis de mesurer comment la politique menée par le gouvernement auquel vous appartenez, madame la secrétaire d’État, pourrait gagner en efficacité et réussir à stabiliser, sur le long terme, une région à ce point fragilisée par la pauvreté, le terrorisme et les trafics.
Ainsi, pour assurer la stabilité et la sécurité dans ce pays, il faudrait, en comparaison du coût de nos opérations militaires, consacrer beaucoup plus de moyens à l’aide publique au développement. Or ce n’est pas la politique que vous menez, puisque les crédits affectés aux infrastructures et aux investissements économiquement structurants pour le Mali sont scandaleusement insuffisants.
C’est pourquoi je regrette le temps très limité de la discussion consacrée à l’examen de ce traité.
Notre groupe avait demandé que cette demande de ratification soit mise à profit pour organiser un débat de fond sur notre coopération militaire et civile, sur la situation sécuritaire de l’Afrique en général, voire, plus largement encore, sur la façon strictement militaire dont est conduite la lutte contre le djihadisme, sans s’attaquer aux causes qui le nourrissent.
En effet, nous aurions formulé de nombreuses réserves et des critiques sur la pertinence et l’efficacité de la politique de coopération en matière de défense et de sécurité menée dans la région, sur la nature de nos relations avec les gouvernements en place ou bien encore sur l’articulation de ce type d’accords avec l’opération militaire Barkhane, qui couvre maintenant cinq pays dans la bande sahélo-saharienne.
Pour cet ensemble de raisons, notre groupe émettra une abstention critique sur ce projet de loi de ratification. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jeanny Lorgeoux.
M. Jeanny Lorgeoux. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est naturel que, entre pays amis, soudés par l’histoire, nos gouvernements, à intervalles réguliers, réaffirment solennellement dans un traité de coopération leur volonté de s’aider sur le long terme, alors que la menace extérieure peut, à tout moment, bousculer les frontières, desquamer l’État fragile, alors que l’ennemi, du dehors comme au-dedans, peut brutaliser une partie de la population et briser les joyaux de la culture et les fondements mêmes de la civilisation africaine. Nous pûmes le constater, avec une rage impuissante, lors de la sauvage et absurde destruction des mausolées de Tombouctou. (MM. Alain Gournac et Hubert Falco approuvent.)
Mme Christiane Hummel. Hélas !
M. Jeanny Lorgeoux. En disant cela, nous n’exhalons aucun relent d’ingérence néocolonialiste ; nous assumons simplement notre histoire commune.
Qu’on en juge : après avoir procédé, entre 2009 et 2012, à un toilettage des textes régissant la coopération bilatérale en matière de défense avec les États africains, nous avons établi un partenariat de défense rénové, accompagnant l’appropriation par les acteurs africains eux-mêmes – les États, l’Union africaine, les organisations sous-régionales – de leur sécurité collective.
M. Daniel Reiner. Exactement !
M. Jeanny Lorgeoux. Huit accords de défense ont été signés, avec le Togo, le Cameroun, le Gabon, la République centrafricaine, les Comores, Djibouti, la Côte d’Ivoire et le Sénégal.
Il était donc logique qu’un accord participant du même registre fût conclu à Bamako.
En effet, les relations de défense avec le Mali étaient régies jusqu’à maintenant par deux textes, devenus aujourd’hui insuffisants : d’une part, l’accord de coopération militaire technique du 6 mai 1985, limité à la mise à disposition de coopérants militaires techniques français et à la formation et au perfectionnement des cadres maliens dans nos écoles militaires ; d’autre part, l’accord sous forme d’échange de lettres des 7 et 8 mars 2013, conclu afin de garantir la sécurité juridique de l’opération Serval.
Et c’est précisément à la suite de l’intervention française, sous l’égide internationale, pour juguler le terrorisme djihadiste que le président Ibrahim Boubacar Keïta a appelé de ses vœux ce traité, le 16 octobre 2013, pour formaliser et pérenniser une relation de défense multiforme, qui contribue à conforter et sécuriser l’intégrité et la souveraineté du Mali.
Car, si le Mali veut faire cohabiter ses 14 millions de citoyens, égrenés sur plus de 1,24 million de kilomètres carrés, ventilés entre un groupe Mandé représentant la moitié de la population au sud-ouest – les Bambara, les Soninké et les Malinké –, les Peuls – 10 % de la population – dans le Macina, c'est-à-dire dans le delta intérieur du Niger, les Senoufo, d’origine voltaïque – 12 % de la population –, dans la région de Sikasso au sud-est, les Songhaï – 7 % de la population –, de part et d’autre de Tombouctou et de Gao, les Dogon – 5 % de la population –, en bordure du Burkina Faso et dont chacun connaît ici l’extraordinaire civilisation née des falaises de Bandiagara, et, enfin, les Touareg – 7 % de la population –, au nord du fleuve Niger, il lui faut alors créer ici, renforcer là, l’armature de l’État, et notamment au nord, livré trop souvent à lui-même, ouvert aux vents mauvais du trafic terroriste djihadiste islamiste et aux exactions de sectateurs hallucinés.
Il était donc indispensable que le traité, après avoir rappelé les principes généraux fondant le partenariat, englobant notamment les dimensions régionales et européennes, décrivît les actions à développer : échanges de renseignements, entraînement et formation des forces, organisation des transits ou des stationnements, exercices en commun, utilisation de l’espace aérien et, bien sûr, définition des statuts des personnels.
Cela s’ajoute à la coopération active au sein de l’École de maintien de la paix de Bamako et de l’École militaire d’administration de Koulikoro, à la formation de militaires maliens en France, à la cession de matériels.
Enfin, l’opération Barkhane, actuellement en cours, se superpose à ce canevas de fond. Mais, lorsque la paix reviendra – ce que nous souhaitons tous ! – et que les dispositifs de présence internationale autour de la MINUSMA seront levés, progressivement, en totalité ou en partie, la solidité de la coopération de défense aidera à la sécurisation des espaces frontaliers et à la lutte contre le terrorisme.
D’ailleurs, la réflexion se prolonge actuellement au forum de Dakar, qui se réunit chaque année, où nous partageons nos points de vue sur la sécurité du continent, mais qui est prise en main par les États africains eux-mêmes.
Nous saluons le rapport de notre collègue Claude Nougein pour sa clarté et sa précision,…
M. Daniel Reiner. Absolument !
M. Jeanny Lorgeoux. … et nous voterons donc, sans réserve aucune, le texte qui nous est proposé,…
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jeanny Lorgeoux. … car, comme nous l’écrivions naguère, Jean-Marie Bockel et moi-même, l’Afrique est l’avenir de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si l’accord de coopération militaire que nous examinons ce matin est un traité de coopération militaire « classique » dans sa rédaction, il revêt une importance particulière à la lumière d’un contexte sécuritaire fortement dégradé et au regard de la menace terroriste.
La guerre au Mali n’est pas terminée ; l’attaque de l’hôtel Radisson Blu à Bamako en novembre dernier en est la preuve.
Je souhaite rappeler qu’on ne peut comprendre ce traité sans prendre en compte tant les réalités que les défis immenses auxquels doit faire face le Mali.
L’examen de ce projet de loi est aussi l’occasion de rappeler l’appui, le soutien décisif apporté par la France et son armée trois années après le début de l’opération Serval en décembre 2012, devenue l’opération Barkhane depuis août 2013.
Qu’en serait-il aujourd’hui, mes chers collègues, si le drapeau de Daech ou d’Al-Qaïda flottait sur Bamako ? C’est toute l’Afrique de l’Ouest qui serait impactée, et nous en subirions les conséquences directement sur notre territoire.
En décembre 2012, la priorité était d’éviter l’effondrement de l’État malien. L’efficacité de l’opération française et de nos soldats a été saluée par les pays africains, l’Union africaine et la communauté internationale.
En 2016, la priorité est au renforcement de l’État, de ses structures et de ses moyens de gouvernance.
Si, ce matin, il n’est pas opportun de faire le bilan des OPEX Serval et Barkhane, permettez-moi, mes chers collègues, de regretter que l’article 4 de la loi de 2013 relative à la programmation militaire n’ait pas été respecté.
M. Jean-Marie Bockel. En effet !
M. Jacques Legendre. Il y est précisé que « les opérations extérieures en cours font, chaque année, l’objet d’un débat au Parlement » et que « le Gouvernement communique, préalablement à ce débat, aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat un bilan politique, opérationnel et financier des opérations extérieures en cours ». Il serait souhaitable que cet article soit respecté.
C’est très regrettable, car ce serait l’occasion de faire le bilan diplomatique et géopolitique de ces opérations militaires.
Par ailleurs, soyons conscients que bon nombre de pays sont menacés, y compris dans leur intégrité géographique, tant par la progression de l’État islamique que par la concurrence dans l’horreur entre AQMI et Daech. Dès lors, la coopération militaire est un moyen concret pour assurer la sécurité de cette région.
Aussi, mes chers collègues, je tiens à vous dire que ce traité ne porte aucune réminiscence de « néocolonialisme » ou d’une quelconque « Françafrique »…
Le traité qui nous est soumis tend précisément à remplacer un accord de 1985. Comme l’a très justement observé notre collègue Claude Nougein, que je remercie et dont je salue le travail, ce traité ne contient aucune clause pouvant laisser supposer – ou suspecter – une éventuelle ingérence politique de la part de la France.
On s’inquiète souvent de ce que peut faire la France en Afrique, mais, en même temps, on déplore qu’elle n’y soit pas assez présente !
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Jacques Legendre. Bien au contraire, il n’est pas inutile de le rappeler, ce traité est de la même nature que ceux qui ont été signés précédemment avec le Sénégal, le Togo, le Cameroun, le Gabon, Djibouti, la Côte d’Ivoire et d’autres pays. Les quinquennats se suivent et, sur ce point, se ressemblent !
Un autre point doit être mentionné : ce traité ne se substitue pas à l’accord sous forme d’échange de lettres des 7 et 8 mars 2013, qui permet de garantir la sécurité juridique de l’intervention militaire française au Mali, légitimée aussi par l’article 51 de la charte des Nations unies.
Toutefois, il nous apparaît important de dire ici que ni les OPEX ni la coopération militaire, aussi efficaces soient-elles, ne sauraient suffire à l’établissement d’une paix durable dans la région.
Le Mali, comme l’ensemble du continent africain, doit faire face à de profondes mutations. Celles d’ordre démographique sont cruciales, car l’augmentation de la population exige que le marché du travail puisse accueillir une main-d’œuvre jeune.
Dans le cas contraire, c’est toute une jeunesse désœuvrée qui trouvera un refuge dans l’économie du crime organisé, ses réseaux mafieux s’appuyant sur des tribus qui ne bénéficient pas des retombées d’une croissance atteignant certes 5 %, mais inégalement profitable et répartie sur le territoire.
N’oublions pas que la crise malienne trouve ses origines dans les inégalités entre les populations du nord et du sud du pays. Les Touaregs du Nord sont restés à l’écart du développement économique du Sud.
C’est pour cela que, plus que jamais, c’est une politique d’aide publique au développement inclusive qui doit être menée. En outre, l’aide publique au développement, l’APD, doit être renforcée et absolument évaluée ; son efficacité ne peut être une option.
À l’heure où les crises financières et économiques durent, c’est un impératif économique.
À l’heure où le terrorisme islamique menace le berceau africain de la civilisation, l’efficacité de l’APD est un impératif moral.
Enfin, nul ne peut ignorer que le défi démographique s’accompagnera d’un défi encore plus grand – je pense au défi alimentaire. Combiné aux conséquences des difficultés naturelles et climatiques, c’est un facteur immense de risques de déstabilisation politique et de guerre.
C’est pour cette raison que ce type d’accord mérite d’être soutenu ; il crée une condition supplémentaire de paix à long terme. La formation d’une armée nationale participe au renforcement de l’État malien.
Au regard de ces considérations juridiques et du contexte géopolitique complexe, le groupe Les Républicains votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC, du RDSE et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, cet accord, je le dis une nouvelle fois à l’attention de ceux qui s’interrogent encore, marque une différence entre une coopération structurelle – c’est son objet ! – et les différents accords portant sur des opérations ponctuelles telles les opérations Barkhane ou Sangaris.
Ce qu’il faut absolument retenir, c’est que nous adaptons en permanence nos dispositifs pour répondre aux situations spécifiques et aux nouveaux enjeux, non seulement la lutte contre le terrorisme, mais aussi la formation indispensable et l’accompagnement de l’armée malienne, qui doit effectivement prendre le relais dans la mission de sécurisation du territoire malien et de lutte contre le terrorisme.
Mais vous avez raison, il n’y aura pas de sécurité et de paix durable au Mali sans développement, sans une implication forte à ses côtés dans sa reconstruction de la France et, au-delà, de l’Union européenne.
Un orateur a qualifié le niveau de l’aide apportée au Mali de « scandaleusement insuffisant ». Le mot est un peu fort, d’autant que la France est le premier donateur bilatéral du Mali.
À cet égard, permettez-moi de rappeler quelques chiffres.
La conférence des donateurs pour le développement du Mali, sous l’impulsion de la France, a accordé à ce pays une assistance à hauteur de 3,3 milliards d’euros pour l’aider à se relever. Certes, c’est encore trop peu au regard des défis auxquels il doit faire face, mais ce montant est suffisamment important pour qu’il soit tout de même un peu fort, je le répète, de parler de niveau « scandaleusement insuffisant ».
Le 22 octobre dernier, lors de la dernière réunion de l’OCDE, le Président de la République, François Hollande, a annoncé l’attribution de plus de 300 millions d’euros de financements sur la période 2015-2017 en faveur de 80 projets situés essentiellement dans le nord du Mali.
Je suis d’accord avec vous, il faut de la transparence et une évaluation de cette aide. Aussi, je me réjouis que vos collègues Henri de Raincourt et Hélène Conway-Mouret aient entrepris la rédaction d’un rapport ayant précisément pour objet d’évaluer cette aide.
Par ailleurs, je prends bonne note de votre demande d’organiser un débat annuel,…
M. Charles Revet. C’est indispensable !
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. … tout en faisant remarquer que les chefs d’état-major des armées sont régulièrement entendus par les commissions compétentes, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale.
Je veux le redire ici, l’année 2015 a été historique : la France et l’ensemble des pays du monde ont pris des engagements forts sur les questions climatiques, sur les questions de développement durable – lors du sommet des Nations unies sur le développement durable qui s’est tenu dernièrement à New York – ou en matière de lutte contre le terrorisme.
Je crois honnêtement que nous serons encore davantage au rendez-vous des enjeux auxquels est confrontée l’Afrique : terrorisme, nécessaire développement, démographie explosive et climat.
L’Afrique est une chance pour la France, mais si nous soutenons et accompagnons insuffisamment nos partenaires, ce continent peut aussi être source de véritables difficultés.
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la république française et la république du mali
Article unique
Est autorisée la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République du Mali, signé à Bamako le 16 juillet 2014 et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Alain Gournac, pour explication de vote.
M. Alain Gournac. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je soutiens bien évidemment le projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense, car le Mali a toujours besoin de nous.
Simplement, sans s’immiscer aucunement dans la politique intérieure du Mali, qui est un pays ami, il faudrait diriger notre attention vers le Nord. Le Président de la République du Mali avec lequel j’ai été en contact nous a indiqué que le développement concernerait aussi bien l’administration que les routes et les écoles. Or, à l’instant même où nous nous apprêtons à adopter ce projet de loi de ratification, le développement du nord du pays n’est absolument pas d’actualité. Aucun ministre ne s’est déplacé sur place.
M. Alain Gournac. Je parle des ministres maliens, pas de vous, madame la secrétaire d’État ! (Sourires.)
On nous avait parlé d’une route, mais celle-ci n’existe toujours pas. On nous avait aussi promis des améliorations dans les écoles, où l’on compte un professeur pour six ou sept établissements. Sans s’immiscer dans la politique intérieure du Mali – ce n’est pas du tout ce que je veux, je le répète ! –, il faut insister sur le fait que l’équilibre du Mali passe par le développement du Nord. (Mme la secrétaire d’État opine.) Sachez que c’est à cause de cela que les Touaregs du Mali, les vrais – pas ceux qui sont venus de chez Kadhafi ! –, sont entrés dans cette rébellion. J’insiste beaucoup sur ce point, il s’agit là simplement de donner un conseil à un ami.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République du Mali.
(Le projet de loi est adopté.)
5
Conventions internationales
Adoption en procédure d’examen simplifié de trois projets de loi dans les textes de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen de trois projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.
Pour ces trois projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.
Je vais donc les mettre successivement aux voix.
projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la nouvelle-zélande concernant le statut des forces en visite et la coopération en matière de défense
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Nouvelle-Zélande concernant le statut des forces en visite et la coopération en matière de défense, signé à Singapour le 31 mai 2014, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Nouvelle-Zélande concernant le statut des forces en visite et la coopération en matière de défense (projet n° 340 [2014-2015], texte de la commission n° 361, rapport n° 360).
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté.)
projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république de lituanie relatif à la coopération dans le domaine de la défense et de la sécurité
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie relatif à la coopération dans le domaine de la défense et de la sécurité, signé à Paris le 12 juillet 2013, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie relatif à la coopération dans le domaine de la défense et de la sécurité (projet n° 74 [2014-2015], texte de la commission n° 364, rapport n° 362).
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté.)
projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république de croatie relatif à la coopération dans le domaine de la défense
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Croatie relatif à la coopération dans le domaine de la défense, signé à Paris le 14 juillet 2013.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Croatie relatif à la coopération dans le domaine de la défense (projet n° 803 [2013-2014], texte de la commission n° 363, rapport n° 362).
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté.)
6
Liberté de création, architecture et patrimoine
Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (projet n° 15, texte de la commission n° 341, rapport n° 340, tomes I et II).
Nous poursuivons la discussion du texte de la commission.
TITRE Ier (Suite)
DISPOSITIONS RELATIVES À LA LIBERTÉ DE CRÉATION ET À LA CRÉATION ARTISTIQUE
Chapitre III (suite)
Promouvoir la diversité culturelle et élargir l’accès à l’offre culturelle
Mme la présidente. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre III du titre Ier, à l’amendement n° 437 rectifié tendant à insérer un article additionnel après l’article 11 A.
Article additionnel après l'article 11 A
Mme la présidente. L'amendement n° 437 rectifié, présenté par Mmes Laborde et Jouve, MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mme Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 11 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois est autorisée la reproduction par le cinéma, la photographie, la peinture ou le dessin des œuvres de toute nature situées de manière permanente dans l’espace public, y compris à l’intérieur des bâtiments ouverts au public, ainsi que la distribution et la communication publique de telles copies. »
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Dans l’objectif de rendre l’art accessible à tous, cet amendement permet de diffuser et de reproduire en faveur du plus grand nombre, notamment sur internet, les œuvres du patrimoine culturel situées de manière permanente dans l’espace public, et ce, malgré l’existence de droits de propriété intellectuelle de l’architecte et de l’artiste.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Cet amendement prévoit une acceptation large de l’exception de panorama qui bénéficierait aux artistes.
Introduit par l’Assemblée nationale, l’article 18 ter du projet de loi pour une République numérique, que le Sénat sera prochainement amené à examiner, traite déjà du sujet, et ce de façon plus encadrée. Il limite en effet la liberté de panorama aux reproductions et représentations d’œuvres architecturales et de sculptures placées sur la voie publique, réalisées par des particuliers à des fins non lucratives.
Cette définition me semble préférable. Aussi, il conviendra d’engager ce débat, qui a été fort animé à l’Assemblée nationale, lors de l’examen de ce texte.
C’est pourquoi je vous invite, madame la sénatrice, à bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Cet amendement vise effectivement à créer une exception au droit d’auteur pour les reproductions d’œuvres situées dans l’espace public, y compris à l’intérieur des bâtiments publics et pour tous les usages.
Or, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, l’Assemblée nationale a adopté, dans le cadre du projet de loi pour une République numérique, un amendement tendant à consacrer cette exception dite « de panorama ».
J’attire également votre attention, madame la sénatrice, sur le fait que les contours de cette exception ont été définis de manière très stricte par les députés, afin de ne pas causer de préjudice injustifié aux auteurs. C’est pour cette raison qu’il a été prévu de limiter l’exception aux seules œuvres présentes dans l’espace public et aux exploitations réalisées par des particuliers à des fins non lucratives.
Or l’amendement que vous proposez, madame la sénatrice, vise à procéder à une extension très importante de cette exception : des professionnels pourraient exploiter à des fins commerciales les copies d’œuvres situées non seulement sur la voie publique, mais aussi dans les bâtiments publics. Les usages commerciaux qui garantissent la rémunération de ces auteurs se trouveraient donc directement concurrencés par les usages commerciaux réalisés par des tiers.
Cette extension serait susceptible de porter gravement préjudice aux intérêts, en particulier, des architectes et des auteurs des arts graphiques et plastiques, dont nous avons longuement discuté hier soir, ce qui ne serait pas souhaitable à l’heure actuelle.
Par ailleurs, je vous le rappelle, une discussion est en cours à l’échelon européen concernant des mesures de modernisation du droit d’auteur dans l’univers numérique, et, vous le savez, j’y apporte des propositions extrêmement concrètes et innovantes. La France est vraiment force de proposition dans le cadre de ce débat.
À cet égard, dans sa communication du 9 décembre dernier, la Commission européenne s’est engagée à évaluer l’opportunité de réduire l’incertitude juridique pour les internautes qui mettent en ligne leurs photos de bâtiments et d’œuvres d’art situés de manière permanente dans l’espace public.
Cette discussion doit également porter sur les bouleversements du partage de la valeur propres à l’environnement numérique de manière plus générale, me semble-t-il, et qui s’opèrent au bénéfice de ceux qui maîtrisent la distribution de contenus, et au détriment de ce que l’on appelle l’amont de la chaîne, c’est-à-dire essentiellement les artistes qui, eux, prennent le risque de la création.
La Commission européenne adopte une démarche prudente, puisqu’elle s’est engagée à évaluer dans quelle mesure l’utilisation en ligne des œuvres de l’esprit profite équitablement à toutes les parties concernées. C’est dans ce cadre communautaire que je vous invite donc à sécuriser ce régime juridique.
Madame la sénatrice, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement, dont l’adoption, je le redis, renforcerait, au lieu de le corriger, le bouleversement du partage de la valeur au détriment des auteurs des arts visuels.
Mme la présidente. L’amendement n° 437 rectifié est-il maintenu, madame Laborde ?
Mme Françoise Laborde. Je remercie Mme la ministre et M. le rapporteur de ces informations. Certes, j’aurais pu retirer cet amendement avant, car nous avons déjà longuement débattu de ce sujet, mais cela m’a permis d’obtenir des précisions.
Certains pays européens n’ayant pas la même législation, il est important d’asseoir l’exception culturelle française, tout en s’assurant qu’elle puisse être compatible avec les règles européennes.
Sous le bénéfice de ces observations, je retire mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 437 rectifié est retiré.
Article 11
I. – (Non modifié) L’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° Le 7° est ainsi rédigé :
« 7° Dans les conditions prévues aux articles L. 122-5-1 et L. 122-5-2, la reproduction et la représentation par des personnes morales et par les établissements ouverts au public, tels que les bibliothèques, les archives, les centres de documentation et les espaces culturels multimédia, en vue d’une consultation strictement personnelle de l’œuvre par des personnes atteintes d’une ou de plusieurs déficiences des fonctions motrices, physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques et empêchées, du fait de ces déficiences, d’accéder à l’œuvre dans la forme sous laquelle l’auteur la rend disponible au public ; »
2° Au dernier alinéa, les mots : « l’autorité administrative mentionnée au 7°, ainsi que les conditions de désignation des organismes dépositaires et d’accès aux fichiers numériques mentionnés au troisième alinéa du 7°, » sont supprimés.
II. – Après le même article L. 122-5, sont insérés des articles L. 122-5-1 et L. 122-5-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 122-5-1. – La reproduction et la représentation mentionnées au 7° de l’article L. 122-5 sont assurées, à des fins non lucratives et dans la mesure requise par le handicap, dans les conditions suivantes :
« 1° La reproduction et la représentation sont assurées par des personnes morales ou des établissements figurant sur une liste arrêtée conjointement par les ministres chargés de la culture et des personnes handicapées. La liste de ces personnes morales et de ces établissements est établie au vu de leur activité professionnelle effective de conception, de réalisation ou de communication de documents adaptés au bénéfice des personnes physiques mentionnées au 7° de l’article L. 122-5 et par référence à leur objet social, à l’importance des effectifs de leurs membres ou de leurs usagers, aux moyens matériels et humains dont ils disposent et aux services qu’ils rendent ;
« 2° La reproduction et la représentation peuvent également porter sur toute œuvre dont le fichier numérique est déposé par l’éditeur, dans un format facilitant la production de documents adaptés, auprès de la Bibliothèque nationale de France qui le met à la disposition des personnes morales et des établissements figurant sur la liste mentionnée au 1° du présent article et agréés à cet effet.
« Pour l’application du présent 2° :
« a) L’agrément est accordé conjointement par les ministres chargés de la culture et des personnes handicapées à ceux, parmi les personnes morales et établissements mentionnés au 1°, qui présentent des garanties et des capacités de sécurisation et de confidentialité des fichiers susceptibles d’être mis à leur disposition puis transmis par eux aux personnes bénéficiaires de la reproduction ou de la représentation ;
« b) Ce dépôt est obligatoire pour les éditeurs :
« – en ce qui concerne les livres scolaires, pour ceux dont le dépôt légal ou la publication sous forme de livre numérique, au sens de la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique, sont postérieurs au 1er janvier 2016, au plus tard le jour de leur mise à la disposition du public ;
« – pour les autres œuvres, sur demande d’une des personnes morales et des établissements mentionnés au 1° formulée dans les dix ans suivant le dépôt légal des œuvres imprimées quand celui-ci est postérieur au 4 août 2006 ou dès lors que des œuvres sont publiées sous forme de livre numérique, au sens de la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 précitée ;
« c) Le ministre chargé de la culture arrête la liste des formats mentionnés au premier alinéa du présent 2°, après avis de la Bibliothèque nationale de France, des personnes morales et des établissements mentionnés au présent 2° et des organisations représentatives des titulaires de droit d’auteur et des personnes handicapées concernées ;
« d) La Bibliothèque nationale de France conserve sans limitation de durée les fichiers déposés par les éditeurs. Elle garantit la confidentialité de ces fichiers et la sécurisation de leur accès ;
« e) Les personnes morales et les établissements agréés en application du premier alinéa du présent 2° détruisent les fichiers mis à leur disposition une fois effectué le travail de conception, de réalisation et de communication de documents adaptés au bénéfice des personnes physiques mentionnées au 7° de l’article L. 122-5 ;
« f) Les fichiers des documents adaptés sous forme numérique sont transmis à la Bibliothèque nationale de France par les personnes morales et les établissements mentionnés au 1° du présent article qui les ont réalisés. La Bibliothèque nationale de France les met à la disposition des autres personnes morales et établissements. Elle procède à une sélection des fichiers qu’elle conserve. Elle rend compte de cette activité de sélection et de conservation dans un rapport annuel rendu public ;
« g) La mise à disposition de documents adaptés est autorisée entre les personnes morales et les établissements mentionnés au 1°.
« Les modalités d’application du présent article, notamment les modalités d’établissement de la liste mentionnée au 1° et de l’agrément prévu au 2°, les caractéristiques des livres scolaires mentionnés au b du même 2°, les critères de la sélection prévue au f dudit 2° ainsi que les conditions d’accès aux fichiers numériques mentionnés au premier alinéa et au f du même 2° sont précisées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 122-5-2. – Les personnes morales et les établissements agréés en application du 2° de l’article L. 122-5-1 peuvent, en outre, être autorisés, conjointement par les ministres chargés de la culture et des personnes handicapées, à recevoir et à mettre les documents adaptés à la disposition d’un organisme sans but lucratif établi dans un autre État, en vue de leur consultation par des personnes atteintes d’une déficience qui les empêche de lire, si une exception au droit d’auteur autorisant une telle consultation et répondant aux conditions fixées à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 122-5 est consacrée par la législation de cet État.
« On entend par organisme, au sens du premier alinéa du présent article, toute personne morale ou tout établissement autorisé ou reconnu par un État pour exercer une activité professionnelle effective de conception, de réalisation et de communication de documents adaptés au bénéfice des personnes physiques atteintes d’une déficience qui les empêche de lire.
« Une convention entre ces organismes précise les conditions de mise à disposition des documents adaptés ainsi que les mesures prises par l’organisme sans but lucratif destinataire de ces documents afin de garantir que ceux-ci ne sont consultés que par les personnes physiques atteintes d’une déficience qui les empêche de lire.
« Les personnes morales et les établissements mentionnés autorisés en application du premier alinéa rendent compte chaque année, dans un rapport aux ministres chargés de la culture et des personnes handicapées, de la mise en œuvre des conventions conclues en application du troisième alinéa.
« Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. » – (Adopté.)
Article 11 bis
Après le troisième alinéa de l’article 18 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ce rapport rend également compte du respect par les éditeurs de services de radio des dispositions du 2° bis de l’article 28 et du 5° de l’article 33 relatives à la diffusion d’œuvres musicales d’expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France, de la variété des œuvres proposées au public et des mesures prises par le Conseil supérieur de l’audiovisuel pour mettre fin aux manquements constatés. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 247 est présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 334 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
, ainsi que des raisons pour lesquelles il n’a, le cas échéant, pas pris de telles mesures
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 247.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement vise simplement à compléter l’alinéa 2 de l’article 11 bis relatif au rapport annuel du Conseil supérieur de l’audiovisuel, alors que la première version de cet article prévoyait que le CSA, ayant constaté un non-respect, de la part des services radiophoniques, des règles de représentations des programmes d’expression française ou régionale et n’ayant pas pris de mesures de rétorsion, devait justifier cette indulgence.
La commission du Sénat a fait le choix de supprimer cette obligation de motivation et de justification. Il nous apparaît, au contraire, que c’est une question de responsabilité d’avoir un avis motivé du CSA.
En effet, sans remettre en cause l’indépendance de cette institution, il semble tout de même légitime de s’interroger sur les raisons qui ont poussé le gendarme de l’audiovisuel à ne pas faire respecter la loi, ce qui reste tout de même l’une de ses missions principales.
Tel est le sens de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 334.
Mme Fleur Pellerin, ministre. Cet amendement tend effectivement à revenir sur un amendement adopté par la commission de la culture visant à restreindre la portée du compte rendu demandé au Conseil supérieur de l’audiovisuel sur l’application des quotas de chansons francophones, en supprimant l’obligation de rendre compte dans son rapport annuel des mesures prises, ainsi que, le cas échéant, des raisons pour lesquelles il aurait décidé de ne pas sanctionner les manquements qu’il aurait pu relever.
Il me paraît tout à fait opportun de rétablir cette précision, puisque la question des quotas donne lieu à d’importantes tensions entre la filière musicale et les radios. La plus parfaite information serait de nature à apaiser ces tensions.
Je crois donc utile de donner au CSA l’occasion, non seulement de rendre compte du respect des quotas par les radios et des mesures qu’il a prises pour remédier aux manquements constatés, mais également d’expliquer pourquoi il peut lui arriver de ne pas sanctionner de tels manquements, conformément à l’esprit de la régulation qui s’oppose à l’automaticité des sanctions. Ces explications seront, à mon sens, très précieuses pour la filière musicale, les radios, mais également la représentation nationale à laquelle le rapport du CSA est tout d’abord destiné.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Chaque année, le CSA rend son rapport. L’article initial précisait que ce rapport devait faire état du respect de la règle des quotas, avec 40 % de chansons francophones, et des différentes applications de ces quotas par les différentes radios, ainsi que des raisons du refus de sanctionner. Cette dernière mesure nous a semblé quelque peu superfétatoire, et nous l’avons supprimée.
Cette affaire ne va pas faire tourner la planète dans le sens inverse ! (Sourires.) Nous souhaitons maintenir la rédaction de la commission. C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 247 et 334.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas les amendements.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 11 bis.
(L'article 11 bis est adopté.)
Article 11 ter
Le 2° bis de l’article 28 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans l’hypothèse où plus de la moitié du total des diffusions d’œuvres musicales d’expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France se concentre sur les dix œuvres musicales d’expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France les plus programmées par un service, les diffusions intervenant au-delà de ce seuil ne sont pas prises en compte pour le respect des proportions fixées par la convention pour l’application des quatre premiers alinéas du présent 2° bis. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut autoriser un service de radio à déroger à ce seuil, en contrepartie d’engagements en faveur de la diversité musicale ; ».
Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 248 est présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 352 est présenté par le Gouvernement.
L'amendement n° 450 rectifié est présenté par Mmes Laborde et Jouve, MM. Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mme Malherbe et MM. Requier et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Christine Prunaud, pour présenter l’amendement n° 248.
Mme Christine Prunaud. À notre sens, la question des quotas musicaux dans les services de radiodiffusion, loin d’être anecdotique, soulève une véritable problématique : quelle programmation pour quel public, et dans quel but ?
Les quotas musicaux, déjà imposés par la loi et renforcés par le présent texte, loin de contrevenir à la liberté de programmation, permettent au contraire de répondre aux missions de service public des stations de radio, qui, pour privées qu’elles soient, bénéficient de fréquences publiques. Mieux, ce dispositif est un atout pour toutes et tous : pour les artistes reconnus ; pour les artistes en devenir, qui peuvent bénéficier de plus d’audience ; pour les auditeurs, qui peuvent bénéficier d’un confort d’écoute et d’une réelle diversité musicale ; enfin, pour les stations de radio elles-mêmes, qui risquent moins l’exode d’auditeurs exaspérés d’entendre le même morceau à quarante-cinq minutes d’intervalle.
De fait, toute mesure qui viserait à affaiblir le dispositif recevrait un écho négatif de notre part. C’est pourquoi nous demandons que soit supprimée la possibilité accordée au Conseil supérieur de l’audiovisuel d’autoriser un service de radio à déroger au respect des quotas musicaux. Plusieurs raisons motivent notre position.
Tout d’abord, cette possibilité de dérogation couplée à une absence de motivation de la part du CSA ne peut qu’entraîner une généralisation des dérogations et une opacité du processus. De fait, l’exception deviendrait la règle.
Ensuite, les éléments de sécurisation que la commission a voulu apporter, à savoir l’obligation d’engagements en faveur de la diversité, nous semblent bien fragiles, faute de cadre et de définition précis.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 352.
Mme Fleur Pellerin, ministre. Cet amendement vise également à revenir sur l’amendement adopté par votre commission, sur lequel le Gouvernement avait émis un avis défavorable, et donc à rétablir l’article 11 ter dans sa rédaction initiale. Vous le savez, le seuil qui a été introduit dans cet article a pour objectif d’empêcher le contournement de la règle des quotas par certaines radios, qui diffusent chaque jour de très nombreuses fois quelques titres.
La faculté de dérogation accordée au CSA par l’amendement voté en commission n’est que très peu encadrée puisqu’elle a pour seule contrepartie le respect « d’engagements en faveur de la diversité musicale ». Une telle rédaction risque de priver la disposition de sa portée et de fragiliser considérablement les chances d’atteindre le but poursuivi, qui, je le répète, est de mettre en avant la diversité musicale et de favoriser l’émergence de jeunes talents.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n° 450 rectifié.
Mme Françoise Laborde. Je pense moi aussi que la suppression de la possibilité accordée au CSA d’autoriser un service de radio à déroger au respect des quotas musicaux permettra de redonner toute sa substance à la disposition introduisant un seuil, afin de promouvoir la diversité musicale et la création artistique française.
Mme la présidente. Les amendements nos 206 rectifié et 207 rectifié, présentés par MM. Bonnecarrère, Capo-Canellas, Laurey, Cadic, Détraigne et Cigolotti, Mme Goy-Chavent, MM. Marseille et Guerriau, Mme Gatel et M. Gabouty, ne sont pas soutenus.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 357 rectifié bis est présenté par M. Sueur.
L'amendement n° 382 est présenté par M. Gattolin, Mmes Blandin, Bouchoux et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par quatre alinéas ainsi rédigées :
« Pour les radios spécialisées dont le genre musical identitaire ne comprend de fait que peu de titres francophones, le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut accorder une dérogation spéciale à la proportion de titres francophones définie au présent 2° bis, en contrepartie d’engagements relatifs à la programmation et à sa diversité, pouvant notamment inclure, pour une période donnée :
« – la diffusion d’un nombre minimal d’artistes et de titres différents, avec un plafonnement du nombre de rediffusions pour les artistes et les titres les plus diffusés ;
« – le respect d’une part minimale de nouveaux talents ou de nouvelles productions dans l’ensemble de la programmation ainsi que parmi les titres les plus diffusés ;
« – la captation et la diffusion d’un nombre minimal de spectacles vivants. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 357 rectifié bis.
M. Jean-Pierre Sueur. Je veux dire mon très grand attachement aux termes de la loi du 30 septembre 1986 et, donc, à la nécessité que les conventions passées entre le CSA et les radios privées incluent une exigence de diffusion de quotas minimaux de titres francophones au sein des programmes dits de variétés. C’est très important, et nous avons raison de tenir bon là-dessus !
Il se trouve toutefois qu’existent des radios spécialisées qui ont pour vocation de diffuser du jazz, de la musique électronique, des musiques du monde, des musiques d’Amérique latine ou encore des musiques africaines. Des radios comme celles du groupe Nova, par exemple, diffusent une grande diversité de musiques.
Ces radios ont fait valoir – vous connaissez bien le problème, madame la ministre – qu’elles font face à une réelle difficulté pour respecter la règle des quotas. Le présent amendement prévoit donc que des dérogations puissent être accordées, dès lors que les radios concernées s’engagent à diffuser un nombre minimal d’artistes et de titres différents – avec un plafonnement du nombre de rediffusions –, à respecter une part minimale de nouveaux talents ou de nouvelles productions dans l’ensemble de leur programmation et à capter et à diffuser un nombre minimal de spectacles vivants.
Je n’ignore pas que ces dispositions ont donné lieu et donnent toujours lieu à des discussions avec votre ministère. Je serai donc très attentif à la réponse que vous pourrez apporter au problème véritable qui se pose à ces radios en raison de leur identité même.
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, pour présenter l'amendement n° 382.
M. André Gattolin. Les quotas de musique francophone, s’ils étaient réellement appliqués, menaceraient la survie d’un certain nombre de radios qui participent pourtant activement à la richesse et à la diversité de l’offre radiophonique dans notre pays.
Je souligne le fait que nous ne sommes pas hostiles au principe des quotas. Notre amendement vise simplement à prendre en compte certaines situations spécifiques dans lesquelles, en l’état actuel du droit, l’application de ces quotas peut poser – et pose – problème. Jean-Pierre Sueur a évoqué le cas des radios spécialisées, comme celles diffusant du jazz, de la musique électronique ou des musiques du monde, domaines dans lesquels il n’existe pas – ou très peu – de production francophone.
Faute de définition juridique de la « musique de variétés », à laquelle s’appliquent les quotas définis par la loi Léotard de 1986, ces situations ne sont aujourd’hui pas prises en compte. De fait, les quotas sont actuellement loin d’être toujours respectés. S’il advenait une volonté d’appliquer la lettre de la loi, cela conduirait à la disparition rapide de la spécialisation de certaines de ces radios et donc, à rebours de l’esprit de la loi, à une grande uniformisation de l’offre musicale radiophonique. Or nous sommes probablement tous d’accord ici pour souhaiter que l’offre radiophonique soit aussi diverse que possible et que l’on ne retrouve pas, d’une antenne à l’autre, les mêmes artistes et les mêmes titres.
L’objet du présent amendement est de prévenir cette situation. À cette fin, il vise à permettre au CSA d’accorder une dérogation à des radios dont le positionnement musical est très spécialisé. En contrepartie, ces radios s’engageraient à adopter un comportement très exigeant en matière de diversité de la programmation et de promotion du spectacle vivant et des jeunes talents.
J’en profite pour rappeler que la définition arrêtée par le CSA, en septembre 2000, des jeunes talents est particulièrement lâche : est considéré comme jeune talent tout artiste qui n’a pas obtenu, avant la sortie de son nouvel opus, deux albums disques d’or.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Nous sommes tous d’accord pour imposer aux stations de radio des quotas de chansons francophones ou interprétées dans une langue régionale en usage en France. Nous sommes également tous d’accord pour dire que ces quotas sont en quelque sorte contournés par certaines radios, qui concentrent l’ensemble de leur diffusion d’œuvres francophones sur quelques titres seulement. Nos collègues députés ont donc eu raison de promouvoir la déconcentration des diffusions et de favoriser une meilleure prise en compte des nouveaux talents francophones.
M. Charles Revet. Absolument !
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Cela étant, le dispositif des quotas représente déjà une belle usine à gaz, assez complexe à gérer, puisqu’il implique de tenir une comptabilité des temps de diffusion par catégorie musicale, ce qui est loin d’aller de soi. Les radios ont désormais l’habitude, mais gardons-nous d’aggraver la situation par l’introduction d’une réglementation supplémentaire,…
M. Charles Revet. Il y en a déjà trop !
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. … sans parler d’une différenciation des seuils. Les règles sont trop nombreuses ; c’est déjà assez difficile comme ça ! Faisons preuve, mes chers collègues, d’un peu plus de souplesse.
La commission a cherché à conserver l’esprit de l’amendement voté par l’Assemblée nationale ; nous constatons en effet que le respect des quotas peut aller de pair avec une trop forte concentration des diffusions. Toutefois, nous avons souhaité, en raison de la très grande diversité des stations de radio, donner au CSA la possibilité d’accorder à certaines d’entre elles une petite dérogation au seuil visé par l’article 11 ter. Cet assouplissement nous paraît utile : toutes les stations n’étant pas identiques, la même règle n’a pas nécessairement à s’appliquer partout de manière uniforme.
Nous proposons donc que le seuil des dix œuvres musicales francophones concentrant plus de la moitié du total des diffusions puisse être modulé par le CSA en contrepartie d’engagements spécifiques pris par la radio en faveur de la diversité musicale. Ces engagements peuvent d’ailleurs très bien ne pas concerner seulement la programmation, mais consister en un soutien à la chanson française dans les territoires ou en diverses autres mesures dont l’appréciation est laissée au CSA.
Je regretterais de ne pas voir inscrite dans le texte cette dose de souplesse. C’est pourquoi la commission est défavorable aux amendements qui tendent à la supprimer. En outre, leur adoption reviendrait à compliquer encore davantage la gestion des quotas.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 357 rectifié bis et 382 ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. Ces amendements répondent à un véritable enjeu : la défense de la diversité à la radio. Je ne partage donc pas tout à fait la position du rapporteur.
L’intention des signataires de ces deux amendements est de donner au CSA la faculté de prendre en considération la spécificité de certaines radios et donc d’autoriser, sous certaines conditions, les radios thématiques à déroger à leurs obligations en termes de quotas de diffusion de chansons francophones. Les radios visées sont « les radios spécialisées dont le genre musical identitaire ne comprend de fait que peu de titres francophones ».
Je suis très sensible à l’idée d’adapter nos outils de régulation aux différents formats. C’est, selon moi, une façon intelligente de prendre en compte la diversité. Le soutien et la promotion apportés à la diversité des esthétiques et des genres sont une condition indispensable à la diversité musicale. Je partage donc pleinement l’esprit de cette proposition. Néanmoins, la rédaction de ces amendements soulève quelques difficultés techniques, qui tiennent notamment à la délimitation du périmètre des radios éligibles et à l’ampleur des dérogations auxquelles elles pourraient prétendre.
Le respect de la diversité des formats doit, à mon sens, être concilié avec la préservation des mécanismes de promotion de la francophonie, qui ont fait leurs preuves et que le projet de loi vise à renforcer. C’est pourquoi je vous propose de travailler ensemble, d’ici à la seconde lecture, afin de trouver une solution juridiquement robuste permettant de prendre en compte les spécificités des radios thématiques et de répondre parfaitement à leur situation particulière. Pour ces raisons, je vous demande, messieurs les sénateurs, de bien vouloir retirer vos amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. Je suis d’accord avec nos collègues Sueur et Gattolin. J’aime de temps en temps à m’évader en écoutant des musiques différentes sur ces radios thématiques, qui, effectivement, ne peuvent pas respecter les quotas. Pour autant, je suivrai la position du rapporteur. J’ai bien conscience en effet que cette situation n’est pas simple à gérer.
Ce débat montre bien la difficulté d’instaurer des quotas. Voilà pourquoi on souhaite à présent introduire de la souplesse. Il sera d’ailleurs intéressant de voir avec le temps le degré de souplesse du CSA. Il pourra en effet être souple tout en étant quelque peu rigide ou être rigide tout en étant très souple… En fin de compte, tout dépendra de son appréciation. En outre, j’aimerais savoir comment cette notion de souplesse peut être traduite dans la loi.
Je profite de cette occasion pour exprimer les questions que je me pose quant à certains textes de chansons diffusées sur les radios, quoique j’ignore comment les transposer dans un texte de loi. Je pense en particulier au rap. Comme c’est de la musique, on passe tout ; néanmoins, quand on lit les textes sans la musique, on est un peu effaré par le contenu. Alors, je ne sais pas si une censure serait possible mais ce sujet mériterait, selon moi, une réelle analyse, surtout dans la période actuelle.
Après cette petite digression, je veux réitérer mon soutien à mes collègues Sueur et Gattolin, même s’il est préférable qu’ils retirent leurs amendements. Je pense en effet qu’il faut essayer de trouver une solution intermédiaire pour permettre la souplesse.
J’ajoute qu’il doit y avoir beaucoup de jeunes talents dans cet hémicycle : pour être un jeune talent, je rappelle qu’il faut simplement ne pas avoir reçu deux disques d’or. Beaucoup d’entre nous remplissent cette condition… (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. L’Assemblée nationale a cherché non pas à nuire aux radios spécialisées dans certains genres musicaux, comme le jazz ou les musiques tropicales, mais à imposer de la diversité aux grosses radios qui matraquent tout le temps les mêmes morceaux et laissent peu de place à la chanson française et aux nouveaux talents français. Je tenais à resituer le débat pour qu’on comprenne bien que le dispositif de nos collègues députés ne vise pas à ratiboiser toutes ces petites radios qui expriment la diversité en France. Au contraire, il s’agit d’empêcher l’uniformisation qui domine massivement le paysage radiophonique ou, du moins, les radios à forte audience.
Certains parmi nous reconnaissent que tel était bien le but de ces mesures, mais objectent que, en poursuivant cet objectif louable, on affecte certaines petites radios. Le problème est le suivant : personne n’a encore trouvé la solution pour que ces radios de la diversité puissent bénéficier de souplesse sans ouvrir la boîte de Pandore et offrir aux grosses radios la possibilité de s’engouffrer dans la brèche et d’utiliser cette souplesse pour contourner l’esprit de la loi et continuer leurs pratiques antérieures.
Aucune rédaction satisfaisante n’a été trouvée. M. Sueur et M. Gattolin s’en approchent dans leurs amendements, mais sans y parvenir. Je les invite donc, ainsi que M. le rapporteur, qui a lui aussi tenté de trouver la formule adéquate, à répondre au souhait de Mme la ministre : travaillons ensemble pour trouver, d’ici à la deuxième lecture, une rédaction permettant de répondre à tous nos soucis sans constituer un cheval de Troie pour les cibles de la régulation.
Je demande à mes collègues de retirer leurs amendements et j’appelle le rapporteur à accepter l’amendement du Gouvernement, dès lors que Mme la ministre s’est engagée à retravailler la formule utilisée.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Il est toujours délicat, dans un débat qui a été bien préparé par la commission et qui a fait l’objet d’un travail fourni de nos collègues, en particulier des rapporteurs, de prendre la parole pour défendre une position quelque peu différente. Je le ferai donc avec beaucoup d’humilité, simplement pour apporter au débat ma part de vérité.
La francophonie, selon moi, doit être défendue au mieux et tous les jours. On voit bien, en effet, combien il est difficile de perpétuer cette petite flamme, qui est parfois bien ténue. La rédaction proposée par la commission permet certes la souplesse ; je vois bien pourtant les problèmes qui peuvent se poser, et cela m’interpelle. En effet, s’il ne s’agit que de dix titres, comment une radio peut-elle échouer à atteindre ce quota ? Il est tout de même possible de trouver quatre, cinq et même dix titres musicaux français permettant de respecter ce quota : la diversité des talents en France le permet bien. D’ailleurs, l’exigence posée est l’expression francophone de ces talents ; or Dieu sait que ce monde francophone riche et divers couvre bien des pays. Sans vouloir ici faire de publicité, on pourrait sans doute mieux mettre en avant à la radio un groupe québécois comme les Cowboys fringants, une jeune artiste française telle que le Prince Miiaou ou encore un groupe corse comme A Filetta : cela irait dans le bon sens.
La navette parlementaire permettra sûrement d’affiner ce texte. C’est d’ailleurs l’appel qui a été lancé par certains d’entre nous. Il ne s’agit pas de parvenir dès aujourd’hui à une rédaction définitive ; j’espère plutôt que les connaisseurs réunis au banc sauront trouver un équilibre d’ici à la deuxième lecture. En attendant, à titre conservatoire, je me rallierai à l’amendement du Gouvernement, car j’estime que donner tout de suite le signal de la souplesse n’irait pas forcément dans le bon sens.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Nos collègues Sueur et Gattolin ont défendu leurs amendements avec passion. C’est naturel quand il est question de culture et de musique, domaines passionnants. Selon moi, les radios, en particulier les petites radios sont le fruit du travail de personnes de bonne volonté.
On entend souvent qu’il faut soutenir la musique française, même s’il faut respecter toutes les musiques. Je trouve donc ces amendements intéressants. En revanche, on peut comprendre la nécessité de ces quotas. La modification de la loi du 30 septembre 1986 opérée par cet article donne un pouvoir d’appréciation au CSA. Il faut faire confiance à cette autorité. On a parlé de souplesse ; j’en confirme l’importance, quand bien même M. le rapporteur évoquait aussi une potentielle « usine à gaz ».
On nous répète qu’il faut simplifier et adapter les dispositifs aux circonstances. Pour ma part, je fais confiance sur ce point à mes collègues, aux rapporteurs et à toutes celles et tous ceux qui travaillent sur ces sujets afin de trouver les bonnes solutions qui permettront d’assurer la promotion des jeunes talents et de la musique française.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Le texte de la commission n’est pas forcément la version définitive. Je suis évidemment prêt, cher David Assouline, à travailler avec le Gouvernement pour parvenir, d’ici à la deuxième lecture, à la rédaction la plus adaptée possible en essayant de rassembler les propositions contenues dans les amendements défendus par MM. Abate, Sueur et Bonnecarrère ainsi que par d’autres collègues.
Je vous demande tout de même, mes chers collègues, de ne pas voter l’amendement du Gouvernement. En effet, son adoption signifierait le vote conforme de cet article et donc l’impossibilité d’en retravailler la rédaction ultérieurement.
M. Olivier Cigolotti. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Afin de pouvoir poursuivre ce débat, je demande également à MM. Sueur et Gattolin de retirer leurs amendements, qui tendent à introduire une formulation encore différente.
Le texte issu des travaux de la commission permettra au débat de se poursuivre au cours de la navette parlementaire.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Nous aurons ainsi le temps de nous rassembler pour trouver, en collaboration avec le Gouvernement, une formulation qui, sans être trop compliquée, garantirait ce que nous souhaitons tous, à savoir une plus grande présence de la chanson française, en particulier sur ces grandes radios, même si, c’est vrai, celles-ci ne constituent pas l’ensemble du paysage radiophonique.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 248, 352 et 450 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte les amendements.)
Mme la présidente. Monsieur Sueur, l’amendement n° 357 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Sueur. J’ai bien compris quel état d’esprit présidait aux propos de M. le rapporteur, et je l’en remercie.
Par ailleurs, madame la ministre, j’ai beaucoup apprécié vos déclarations. J’en ai retenu qu’un travail approfondi serait conduit pour trouver la bonne rédaction, celle qui ne mettra pas en péril le principe des quotas, auquel nous sommes attachés, mais qui prendra en compte la spécificité de ces radios.
Je retire donc mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 357 rectifié bis est retiré.
Monsieur Gattolin, l’amendement n° 382 est-il maintenu ?
M. André Gattolin. Compte tenu de l’engagement pris par Mme la ministre de réfléchir à une nouvelle rédaction pour cet article, je vais retirer mon amendement.
J’ajoute que j’ai depuis longtemps le souci de protéger la langue française. Sur le fond, je n’irai toutefois pas dans le même sens que mon collègue Éric Doligé. Mais, sur la forme, je conviens que l’on voit des textes en français très mal écrits. La qualité n’est pas l’exclusivité de la production française ! Reste que nous avons la chance, en France, d’avoir des radios dont les programmations sont d’une grande diversité. Dans certains pays, comme l’Italie, l’uniformisation des programmes radiophoniques est extrême.
Quand on nous dit que le CSA ne peut mettre en œuvre des règles trop précises, je réponds qu’il existe des définitions normatives. Définir un « jeune talent » comme un artiste dont les précédentes productions n’ont pas encore obtenu deux disques d’or, cela ne va pas…
Un système de piges a été mis en place, d’abord par IPSOS Musique et aujourd’hui par Yacast, qui permet de connaître en temps réel ce qui est diffusé par les stations et donc de savoir quels sont les 10 % ou 20 % d’artistes qui sont le moins diffusés. Nous pourrions, à partir de là, élaborer des règles opérationnelles, évolutives et pragmatiques. Il ne faut pas croire que ce soit si compliqué à mettre en place.
Je retire l’amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance se poursuivra, ensuite, jusqu’à treize heures trente. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à treize heures cinq.)
M. David Assouline. Nous sommes tous tombés d’accord pour qu’un travail ait lieu au cours de la navette afin d’aboutir à une formulation qui réponde au problème posé par André Gattolin, Jean-Pierre Sueur et moi-même, ainsi que par notre groupe et par M. le rapporteur.
Or, en l’état actuel des choses, nous allons adopter conforme le texte de l’Assemblée nationale. La navette sur l’article 11 ter ne sera donc pas possible. Puisque je partage les problématiques posées par Jean-Pierre Sueur, je reprends donc son amendement.
M. Charles Revet. C’est exactement l’inverse de ce qui vient d’être voté !
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement nos 357 rectifié ter, présenté par M. David Assouline et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 357 rectifié bis.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Je regrette que la formulation que j’avais proposée n’ait pas été maintenue. Mais on peut comprendre que certains de nos collègues, à treize heures dix, soient partis déjeuner…
Nous nous retrouvons, après ce vote qui n’a pas été favorable à la commission, avec un texte identique à celui qu’a voté l’Assemblée nationale. Par conséquent, comme l’a dit David Assouline, il ne reviendra pas devant le Sénat. Nous n’aurons donc pas la possibilité de réfléchir à une meilleure rédaction.
M. Assouline reprend l’amendement n° 357 rectifié bis pour que nous puissions continuer à débattre. Pour autant, je ne soutiens pas cet amendement déposé initialement par Jean-Pierre Sueur, d’autant que deux aspects sont à envisager : d’une part, la régulation des quotas ; d’autre part, le changement des quotas, qui est l’objet de l’amendement. Cependant, c’est la seule solution technique et juridique dont nous disposons pour poursuivre cette discussion.
Après avoir consulté très rapidement les membres de la commission de la culture, je prends la responsabilité de proposer à mes collègues de s’abstenir sur l’amendement n° 357 rectifié ter. En effet, si nous ne sommes pas d’accord sur le fond, nous souhaitons tout de même que le débat puisse continuer.
Mme la présidente. Votre sagesse est exemplaire, monsieur le rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 11 ter, modifié.
(L'article 11 ter est adopté.)
Article 12
(Non modifié)
À la fin du 6° de l’article L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle, les références : « aux deux premiers alinéas du 7° de l’article L. 122-5 » sont remplacées par les références : « au 7° de l’article L. 122-5, au 1° de l’article L. 122-5-1 et à l’article L. 122-5-2 ». – (Adopté.)
Article 13
(Non modifié)
À la fin du 3° de l’article L. 342-3 du code de la propriété intellectuelle, les références : « aux deux premiers alinéas du 7° de l’article L. 122-5 » sont remplacées par les références : « au 7° de l’article L. 122-5, au 1° de l’article L. 122-5-1 et à l’article L. 122-5-2 ». – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 13
Mme la présidente. L’amendement n° 376, présenté par Mmes Blandin, Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du patrimoine est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa de l’article L. 131-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les livres édités sous une forme numérique font l’objet d’une obligation de dépôt légal. » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 132-1 est complété par les mots : « , ou pour les livres édités sous forme numérique, à la transmission d’un fichier » ;
3° Après le i de l’article L. 132-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …) Celles qui éditent des livres sous forme numérique. »
La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Si le dépôt légal des livres numériques est réalisé par la BNF, il ne s’agit pas d’un archivage complet de l’ensemble de la production tel que le prévoit le code du patrimoine. L’élargissement « officiel » du dépôt légal aux livres numériques est donc bienvenu. Il pourrait néanmoins conduire à augmenter sensiblement le coût des procédures de dépôt et de stockage pour l’établissement public. La commission aimerait donc connaître l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. Cet amendement tend à créer un dépôt légal obligatoire des livres numériques, sur l’initiative des éditeurs.
Aujourd’hui, le dépôt légal des livres numériques est assuré dans le cadre du dépôt légal du web, qui a été instauré par loi du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, dite « loi DADVSI ».
Le principe du dépôt légal du web est de permettre aux organismes dépositaires de sélectionner et de collecter eux-mêmes tous les contenus numériques relevant du patrimoine national, et non les seuls livres numériques, comme le prévoit l’amendement qui nous est présenté. Ce mode de collecte se révèle particulièrement adapté, compte tenu de la variété des formes prises aujourd’hui par les documents numériques. Sur le web, le nombre d’acteurs numériques se revendiquant auteurs ou auditeurs est infiniment plus élevé et ne cesse de croître avec les progrès techniques. Le livre numérique revêt ainsi des formes multiples, qui associent de plus en plus souvent d’autres médias. Dans le cas des livres numériques, ce mode de collecte est actuellement testé par la BNF, avec différents partenaires, notamment des éditeurs au travers d’expérimentations évoquées dans le présent amendement.
Par ailleurs, dans la mesure où la BNF est à l’initiative du processus, la solution du dépôt légal du web permet également de mieux maîtriser les coûts de collecte et de conservation, ce qui est important pour les finances publiques.
Pour cette raison, la piste de la collecte des livres numériques via le dépôt légal du web, plus large et plus souple, est aujourd’hui privilégiée. La mise en œuvre et les résultats de ce processus nouveau de dépôt légal devront, bien entendu, être évalués avec le secteur de l’édition. Je suis par conséquent défavorable à l’instauration d’un dépôt légal obligatoire des livres numériques sur l’initiative des éditeurs.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 13.
Article 13 bis
L’article L. 132-27 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Le producteur est tenu de rechercher une exploitation suivie de l’œuvre audiovisuelle, conforme aux usages de la profession. » ;
2° Le second alinéa est ainsi rédigé :
« Les conditions de mise en œuvre de cette obligation sont définies par voie d’accord professionnel conclu entre, d’une part, les organismes professionnels d’auteurs ou les sociétés de perception et de répartition des droits mentionnées au titre II du livre III de la présente partie et, d’autre part, les organisations représentatives des producteurs d’œuvres audiovisuelles, les organisations représentatives des éditeurs de services de communication audiovisuelle ou un ensemble d’éditeurs de services de communication audiovisuelle représentatifs et, le cas échéant, un ensemble d’éditeurs de services de communication au public en ligne représentatifs. L’accord peut être rendu obligatoire à l’ensemble des intéressés du secteur d’activité concerné, par arrêté du ministre chargé de la culture. À défaut d’accord professionnel rendu obligatoire dans le délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi n° … du … relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, les conditions de mise en œuvre de cette obligation sont fixées par décret en Conseil d’État. »
Mme la présidente. L'amendement n° 501, présenté par M. Leleux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 5, première phrase
1° Au début, insérer les mots :
Le champ et
2° Remplacer le mot :
définies
par le mot :
définis
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que l'accord professionnel relatif à l'obligation de recherche, par les producteurs, d'une exploitation suivie des œuvres audiovisuelles définit non seulement les conditions de sa mise en œuvre, mais également son champ d'application.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 13 bis, modifié.
(L'article 13 bis est adopté.)
Article 13 ter (nouveau)
I. – L’article L. 331-3 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé :
« Art. L.331-3. - Le Centre national du cinéma et de l’image animée peut porter plainte et se constituer partie civile devant le juge d’instruction à raison des faits constitutifs du délit de contrefaçon, au sens de l’article L. 335-3 du présent code, d’œuvres audiovisuelles qui emportent pour lui un préjudice quant aux ressources qui lui sont affectées en vertu des articles L. 115-1 à L. 116-5 du code du cinéma et de l’image animée pour l’accomplissement de ses missions prévues à l’article L. 111-2 du même code. La condition de recevabilité prévue au deuxième alinéa de l’article 85 du code de procédure pénale n’est pas requise.
Il peut également exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne le délit de contrefaçon, au sens de l’article L. 335-3 du présent code, d’œuvres audiovisuelles et le délit prévu à l’article L. 335-4 s’agissant des droits des artistes-interprètes d’œuvres audiovisuelles et des producteurs de vidéogrammes, lorsque l’action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée. »
II. – L’article L. 442-1 du code du cinéma et de l’image animée est ainsi rédigé :
« Art. L. 442-1. – Le Centre national du cinéma et de l’image animée peut porter plainte et se constituer partie civile dans les conditions prévues à l’article L. 331-3 du code de la propriété intellectuelle. » – (Adopté.)
Article 13 quater (nouveau)
I. – L’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La demande peut également être effectuée par le Centre national du cinéma et de l’image animée. »
II. – Le Titre IV du livre IV du code du cinéma et de l’image animée, est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« CHAPITRE III
« Atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin par un service de communication au public en ligne
« Art. L. 443-1. – Le Centre national du cinéma et de l’image animée peut saisir le tribunal de grande instance dans les conditions prévues à l’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle. » – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 13 quater
Mme la présidente. L'amendement n° 107 rectifié bis, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 13 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les personnes exerçant l’une des activités définies à l’article L. 7122-2 du code du travail sont soumises aux dispositions de l’article L. 430-2 du code de commerce, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. L’objectif de cet amendement est avant tout d’attirer l’attention sur l’écosystème du spectacle vivant, qui, vous le savez, connaît de profondes mutations depuis plusieurs années. En dix ans, le marché a progressé de plus de 70 %. Aujourd’hui, le spectacle vivant de variétés et de musiques actuelles représente environ 600 millions d’euros de billetterie.
Cette croissance est allée de pair avec l’arrivée de nouveaux acteurs, à la fois nationaux et internationaux, internes et externes au secteur culturel. Un réel phénomène de concentration est actuellement à l’œuvre, sur un plan tant horizontal que vertical. Il convient donc d’en mesurer l’impact sur le secteur du spectacle vivant. Est-ce, comme je le pense, un facteur de déstabilisation ? C’est en tout cas un véritable danger pour la diversité culturelle, dont nous avons déjà parlé.
Une distorsion croissante entre les spectacles à fort et à faible budget s’opère. Ces derniers ont de plus en plus de difficultés à trouver une salle où se produire et, partant, à rencontrer leur public. À terme, le risque est de voir se créer un marché à plusieurs vitesses, avec au sommet quelques entreprises qui détiendraient des moyens financiers colossaux, mais qui contrôleraient aussi, comme c'est déjà le cas, une majeure partie de la chaîne, de la production à la diffusion en passant par la vente.
Il est impératif, et je pense que nous partageons tous cette volonté, mes chers collègues, que la concentration à l’œuvre dans le spectacle vivant ne se traduise pas par une uniformisation culturelle. Il s’agit d’éviter que cette intégration ne conduise les acteurs à prendre moins de risques, à moins se porter vers la création et l’innovation, et qu’elle aille à l’encontre de l’objectif de diversité culturelle.
Enfin, pour ce qui est de la dernière question posée, la finalité n’est en aucun cas d’entraver la liberté de concurrence ou d’entreprendre, mais plutôt de réfléchir aux conditions de régulation qui permettraient un partage équitable de la valeur ajoutée et garantiraient une diversité. À titre d’exemple, aux États-Unis, l’explosion du phénomène de concentration a abouti à une multiplication par deux du prix des billets.
Poux toutes ces raisons, il me semble qu’il nous faut prendre la mesure de cet enjeu et élaborer, ensemble, un projet de réponse. Tel est l’objet de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Cet amendement vise à rendre applicable le dispositif anti-concentration au-dessous des seuils actuellement prévus par le code de commerce.
Je comprends tout à fait l’objectif. Il faut toutefois se demander si un tel dispositif est ou non opérant. Aujourd’hui, les entreprises de spectacles, comme toutes les autres entreprises, peuvent être soumises aux dispositions de l’article L. 430-2 du code de commerce à condition que les seuils prévus soient atteints.
Cet amendement me paraît appeler plusieurs observations.
D’abord, le contrôle des concentrations a toujours concerné les grosses opérations. On peut s’interroger sur la pertinence d’une remise en cause des seuils actuels. Précisons que les seuils concernent aujourd’hui toutes les activités économiques, y compris la culture.
Ensuite, il faut se demander si la rédaction de cet amendement ne pourrait pas être sanctionnée au titre de l’incompétence négative : ses auteurs se contentent de renvoyer à un décret en Conseil d’État, alors que la loi doit clairement fixer les critères.
Enfin, la législation actuelle offre d’autres outils, qui peuvent s’appliquer au cas visé par le présent amendement, pour sanctionner les comportements qui ont pour effet de fausser la concurrence. On peut penser, par exemple, au dispositif de sanction des abus de position dominante, en cas de maîtrise par une entreprise de spectacles d’une chaîne verticale comprenant à la fois des activités d’exploitation, de production et de diffusion.
Selon les chiffres qui m’ont été communiqués, en France, nous en sommes à peu près à 50 millions d’euros, ce qui est en dessous du seuil. Je ne vois donc pas l’intérêt de modifier les seuils globaux pour adopter un dispositif qui serait finalement inopérant, et ce alors même que d’autres outils permettent de lutter contre ces concentrations.
En l’état, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. La préservation de la diversité artistique et culturelle constitue pour moi, comme pour vous, madame la sénatrice, un objectif central des politiques publiques en matière de culture.
Je comprends tout à fait l’inquiétude des professionnels du spectacle vivant devant un certain nombre de mutations qui sont à l’œuvre dans le secteur, avec le développement d’entreprises sur l’ensemble de la chaîne des métiers liés au spectacle ou la concentration de la détention de lieux de spectacle au sein d’entreprises qui sont de plus en plus oligopolistiques. Je le répète, ces phénomènes de concentration à la fois verticale et horizontale font naître des craintes que je comprends tout à fait.
Un risque majeur à mes yeux serait de perdre, à la suite de cette évolution, une diversité artistique absolument essentielle à la vitalité culturelle de notre pays, à la diversité des pratiques culturelles et à l’émergence et au renouvellement des créateurs de façon plus générale. Je suis donc très sensible à la question que vous soulevez et attentive aux propositions contenues dans votre amendement.
Cela étant, l’Autorité de la concurrence exerce déjà un contrôle anticapitalistique sur l’ensemble des activités économiques en France, dont, par conséquent, les entreprises du spectacle vivant. Le droit de la concurrence s’applique à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public, en vertu de l’article L. 410-1 du code de commerce. L’Autorité de la concurrence veille à son respect.
En outre, lorsque les acteurs économiques enfreignent le droit de la concurrence, l’Autorité de la concurrence peut être saisie du dossier ou s’en saisir d’office. Votre amendement est donc déjà satisfait.
Reste que je crois très important que nous parvenions à réaliser une observation des risques et une mesure de l’impact des évolutions à l’œuvre pour pouvoir envisager une réponse qui serait, le cas échéant, législative. J’ai souhaité que mon ministère réalise une étude qui permette de mesurer ces évolutions sur les salles de grande capacité, de manière à disposer d’éléments d’évaluation économique sur les risques associés au phénomène de concentration du marché. Le ministère a entrepris ce travail dans le secteur musical en lien avec le CNV, avec lequel a été lancée une campagne de collecte d’informations auprès d’un échantillon significatif d’exploitants de salles de musiques – Zénith, Arena, et autres – ainsi que de théâtres privés.
Je suis, vous le savez, très attachée à la préservation d’un modèle économique garantissant le pluralisme de l’offre culturelle et l’écosystème des entreprises du spectacle vivant. Je crois indispensable de disposer de ces éléments précis, objectifs qui, seuls, nous permettront d’identifier les contours d’un éventuel dispositif anti-concentration. Cette étude sera finalisée avant la deuxième lecture du projet de loi de manière à pouvoir tirer des conclusions sur les éventuelles dispositions à prendre.
Je vous laisse, mesdames, messieurs les sénateurs, tirer les conclusions des éléments de précision que je viens de vous apporter. C’est pourquoi je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Le sujet aura été mis sur la table.
Il n’est pas anodin que le secteur culturel se heurte aux règles économiques générales. On assiste à quelque chose dont on sent le danger puisque ces concentrations touchent tout le champ de la culture, et on a bien vu que cela posait problème.
On peut donc, de plus en plus souvent, produire un spectacle, tout en possédant les salles et la billetterie. C'est une chaîne à la fois verticale et horizontale qui est détenue par les mêmes. Il est évident qu’une telle situation peut nuire à l’offre et à sa diversité et conduire à mettre de côté un certain nombre d’artistes et de productions.
C’est la tendance que l’on constate. Est-ce que l’on peut imposer des règles dans ce domaine qui ne soient pas celles qui sont applicables au reste de l’économie ? L’économie de marché le permet-elle ? En tout cas, il faut un contrôle plus fort, une visibilité et une transparence accrues.
Je crois que les propos tenus par Mme la ministre nous permettront de travailler. Nous voulions absolument mettre le sujet sur la table, et nous avons obtenu un avis de sagesse. Mme Robert dira si elle souhaite maintenir ou non cet amendement, après les explications qui ont été apportées. Pour ma part, j’estime que les propos et les engagements de Mme la ministre sont une réponse au débat que nous voulions soulever.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je souhaite attirer l’attention de M. le rapporteur, de Mme la présidente de la commission et de Mme la ministre sur les difficultés rencontrées par les troupes de théâtre amateur lorsqu’elles sont à la recherche d’un local pour la production de leurs spectacles, tout du moins à Paris et en région parisienne.
Je m’éloigne peut-être quelque peu de l’esprit de l’amendement déposé par nos collègues, mais, comme Mme la ministre a annoncé qu’elle ferait procéder à une étude et qu’elle allait s’inquiéter des difficultés que pouvait provoquer ce phénomène de concentration, je pense qu’il serait bon de s’intéresser également aux difficultés que je viens de mentionner.
Quand les petites troupes de théâtre amateur trouvent des salles à des prix supportables, celles-ci sont souvent situées en sous-sol et ne remplissent pas toutes les conditions de sécurité. On leur donne vraiment ce qui reste. Si on veut que l’activité théâtrale et culturelle puisse se développer, il faut les aider.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Par cet amendement, je souhaitais attirer l’attention sur ce phénomène. On l’a vu lors de l’examen de cette première partie du projet de loi, le fil rouge est la question de la diversité : nous devons faire en sorte que la diversité soit à l’œuvre aujourd’hui en matière artistique et culturelle.
Pour autant, j’ai entendu les propos du rapporteur et, bien sûr, ceux de la ministre. Je retire donc mon amendement en espérant que ce constat partagé nous permette d’obtenir les moyens et leviers nécessaires pour remédier à ce problème au niveau tant européen que national.
Mme la présidente. L'amendement n° 107 rectifié bis est retiré.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures trente, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
7
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.
Au nom du bureau du Sénat et en mon nom personnel, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours des échanges, qui doivent être directs, l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres. (Applaudissements.)
J’informe également le Sénat que la mission d’information sur le dispositif d’accueil des réfugiés est ce jour, à titre exceptionnel, en mission en Grèce, sur le hotspot de Lesbos.
réunion à rome des pays fondateurs de l’union européenne
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC.)
M. François Fortassin. Ma question s’adressait à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international, mais je crois savoir que, en son absence, c’est le secrétaire d’État chargé des affaires européennes qui me répondra.
La proposition faite au Parlement par le Président de la République de nommer M. Fabius à la présidence du Conseil constitutionnel a quelque peu occulté son déplacement de mardi à Rome. C’est pourquoi nous souhaiterions avoir des précisions sur ce qui s’est dit et décidé à cette occasion entre les ministres des affaires étrangères des six pays fondateurs de la Communauté européenne, à savoir l’Allemagne, la Belgique, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et la France.
Ce que nous savons, à la lecture de la déclaration commune rendue publique à l’issue de cette rencontre, c’est que les six pays fondateurs se déclarent « préoccupés par l’état du projet européen » et qu’ils souhaitent « lancer une réflexion commune sur comment renforcer l’Union européenne » avant d’ajouter que l’Union européenne reste « la meilleure réponse » aux défis que doit relever notre continent. Ils déclarent ainsi être « résolus à continuer le processus de création d’une union toujours plus étroite entre les peuples d’Europe », mais, dans le même temps, ils reconnaissent que l’Union « permet différents » chemins d’intégration.
Il semble donc que l’idée d’une Europe à plusieurs vitesses, permettant à ceux qui le souhaitent de continuer à avancer, n’est plus un tabou. Comment vingt-huit pays pourraient-ils tous suivre le même mouvement à la même vitesse ? Les sénateurs du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, très attachés à l’idée européenne, pensent en effet que le moment est venu d’ouvrir un débat sur le fonctionnement de l’Union, car toutes les solutions aux crises qui nous frappent passent bien par plus d’Europe et surtout par « mieux d’Europe ». Ce n’est pas parce que l’Union est à bout de souffle et dysfonctionne parfois qu’il faut se replier sur soi et tourner le dos à l’idée européenne. Bien au contraire, il faut la relancer, la réactiver.
Monsieur le secrétaire d’État, alors que l’Europe fêtera l’année prochaine les soixante ans du traité de Rome signé par notre ami regretté Maurice Faure, comment la France entend-elle œuvrer à cette relance du processus d’intégration ? Quelles sont les suites à attendre de cette rencontre entre les six pays fondateurs ? Des pistes ou des formes concrètes d’une Europe à géométrie variable ont-elles été évoquées mardi soir à Rome ? (Applaudissements sur les travées du RDSE. – Mme Frédérique Espagnac applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
M. Harlem Désir, secrétaire d’État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Face à une accumulation de crises sans précédent, nous ne pouvons laisser l’Europe se déconstruire. Les menaces régressives, les tentations de retrait, celles du repli sur soi ne peuvent l’emporter. Voilà ce que les ministres des affaires étrangères des six pays fondateurs ont affirmé lors d’une réunion à laquelle participait Laurent Fabius à Rome, mardi dernier.
Il existe beaucoup d’autres formats de rencontres entre les États membres, mais celui-ci a évidemment une portée symbolique très forte. Parce que nous avons été ensemble à l’origine de la construction européenne, nous avons aujourd’hui une responsabilité particulière. Parce que nous sommes les héritiers des pères fondateurs, nous devons être les architectes de la relance du projet européen. Parce que nous sommes, comme vous, monsieur le sénateur, convaincus qu’il n’y a pas de solution nationale aux grands défis auxquels nos pays sont confrontés, nous voulons établir et mettre en œuvre ensemble des réponses européennes.
Aujourd’hui, l’Europe fait face à des crises qui, au fond, révèlent qu’elle est inachevée dans bien des domaines. Nous avons bâti une union monétaire, mais il nous faut bâtir une véritable union économique ; nous avons construit un marché intérieur, mais, sans harmonisation fiscale et sociale, cela n’est pas possible ; nous avons créé un espace de libre circulation –l’espace Schengen –, mais il nous faut assurer le contrôle effectif des frontières extérieures communes.
Enfin, l’Europe est aujourd’hui le continent entouré par les crises internationales les plus graves et elle doit répondre à la menace terroriste. Elle doit donc renforcer sa politique étrangère et de sécurité commune. Il est par conséquent non seulement légitime, mais également nécessaire que ceux qui sont les plus attachés au projet européen prennent des initiatives. L’Europe doit être renforcée par son cœur, la zone euro, tout en continuant à porter une ambition pour l’Europe à vingt-huit.
Tels sont le rôle et la responsabilité de la France, avec l’Allemagne, les autres pays fondateurs et tous ceux qui veulent aller de l’avant : construire une Europe plus forte, plus unie et qui réponde aux défis de notre époque. Nous nous rejoignons autour de cette ambition. Nous pensons que c’est aussi comme cela que l’on doit relancer le projet européen, au-delà de ce que sera le résultat du référendum en Grande-Bretagne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour la réplique ; vous disposez de dix secondes, mon cher collègue.
M. François Fortassin. Je n’aurai pas besoin de plus, monsieur le président : je partage pour l’essentiel ce qu’a dit M. le secrétaire d’État. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je profite de l’occasion pour souhaiter à Laurent Fabius un plein succès dans ses nouvelles fonctions ; il a démontré qu’il était un véritable homme d’État et que la France pouvait être respectée dans le monde. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC.)
situation à alep
M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi, pour le groupe écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
Mme Leila Aïchi. Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
À l’heure où nous parlons, plus d’un million de Syriens subissent un état de siège. Ces hommes, ces femmes et ces enfants vivent l’enfer : l’enfer des bombardements, l’enfer des pénuries, l’enfer de la guerre. Il s’agit là d’une preuve de plus – d’une preuve douloureuse et cruelle – de l’impuissance de la communauté internationale à répondre à la crise syrienne.
Nous avons déjà perdu trop de temps. M. Fabius a parlé hier de la complicité de la Russie et de l’Iran envers le régime syrien, mais, une fois cela dit, que faisons-nous ? Quid de Daech ? Quid du front Al-Nosra ? Quid de la déliquescence du front démocratique ? Quid des pays du Golfe ? Quid de l’Iran ? Quid d’Israël ? Contrairement à vos objectifs affichés, force est de constater que nous nous retrouvons aujourd’hui face à un régime syrien en position de supériorité politique et militaire sur le terrain. Votre stratégie a-t-elle réduit à néant toute opportunité d’une résolution politique du conflit ?
Plus grave encore, en l’absence de relais solides et crédibles sur le terrain, à l’instar de la France, les États-Unis opèrent aujourd’hui un net recul. Il se murmure même qu’un accord américano-russe tacite ou secret serait en discussion. La Russie, intervenue bien des mois après nous, est en train d’imposer ses termes. La France est dépassée, décalée, débordée. C’est parce que nous avons d’emblée refusé de dialoguer avec l’ensemble des acteurs de la région que nous sommes aujourd’hui hors-jeu.
Monsieur le ministre, l’obsession française à l’égard de la personne de Bachar al-Assad nous a fait perdre de précieux mois et a décrédibilisé toute notre politique. À titre personnel, cela fait plus de trois mois que j’attire votre attention sur l’impérieuse nécessité d’entamer un dialogue élargi et de gérer la question libyenne. Or la diplomatie française s’est obstinée dans son aveuglement en Syrie. Pour qui ? Pour quoi ? Et pour quel résultat ? Un pays détruit, une région embrasée, une OTAN déboussolée, une Europe et des pays membres déstabilisés et fragilisés. Tout ça pour ça !
Alors, face aux centaines de milliers de victimes de Bachar al-Assad et de son régime totalitaire, face aux millions de réfugiés qui fuient l’horreur et les massacres de Daech, face aux centaines de vies détruites par le terrorisme en France et en Europe, que faisons-nous ? Ne sommes-nous pas revenus au point de départ ? Notre politique étrangère en Syrie n’est-elle pas un échec ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
M. Harlem Désir, secrétaire d’État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice, le ministre des affaires étrangères et du développement international, Laurent Fabius, est en ce moment même à Munich, pour une réunion sur la Syrie.
L’offensive lancée par le régime syrien, avec le soutien de la Russie et de l’Iran, a miné les discussions de Genève. Alep, vous l’avez rappelé, se trouve désormais sous la menace d’un siège atroce, contre lequel nous avons à de nombreuses reprises alerté la communauté internationale. Le haut-commissaire de l’ONU pour les droits de l’homme a rapporté ce matin que plus de 51 000 civils ont été déplacés, que 300 000 autres risquent de se retrouver en état de siège et que des dizaines de personnes ont déjà été tuées depuis le lancement de cette offensive.
On ne peut à la fois prétendre discuter à Genève et assassiner à Alep. Il s’agit d’une nouvelle manifestation du double langage de Damas et de Moscou, dont le soutien à ces pourparlers n’a été, jusqu’à présent, que de façade. C’est ce que Laurent Fabius a réaffirmé hier. C’est avec le soutien russe que le régime continue de bombarder les populations civiles de façon indiscriminée, d’affamer des villes entières et de refuser l’accès aux acteurs humanitaires. C’est également avec le soutien russe qu’il continue de violer toutes ses obligations humanitaires, y compris la résolution 2254 pourtant votée le 18 décembre dernier par la Russie.
Pour reprendre les pourparlers dans des conditions crédibles, le régime doit cesser cette politique de terreur : accès humanitaire, levée des sièges et arrêt des bombardements indiscriminés ne sont pas des préconditions, ce sont des obligations pour le régime. C’est le prélude indispensable à l’objectif d’un cessez-le-feu, que nous soutenons évidemment.
Cet objectif n’a de chance d’aboutir que si les discussions peuvent s’engager sur la transition et que si la lutte antiterroriste ne sert plus de prétexte au régime et à ses soutiens pour assassiner l’opposition assise à la table des négociations.
C’est cette approche que la France continue de défendre par la voix de Laurent Fabius à la réunion du groupe de Vienne qui se tient en ce moment même à Munich. Face à la politique de terreur, la France maintient son soutien à l’opposition, car, sans opposition, il n’y a aucune solution politique envisageable en Syrie ni aucune solution crédible et durable à la menace terroriste de Daech. C’est Daech qu’il faut bombarder en Syrie et non l’opposition ou la population civile ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi, pour la réplique.
Mme Leila Aïchi. Monsieur le secrétaire d’État, votre réponse est à l’image de la politique menée dans la région… (Marques d’approbation et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
financement de la prime d’activité
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain et citoyen.
M. Éric Bocquet. Depuis le 1er janvier, le nouveau dispositif dit de « prime d’activité » est en place ; c’est le produit de la fusion de la prime pour l’emploi et du revenu de solidarité active.
L’idée de cette prime est de soutenir le pouvoir d’achat des travailleurs modestes. En creux, elle souligne, de manière éclatante et dramatique à la fois, le faible niveau des salaires dans notre pays. En effet, d’année en année se confirme en France, grande puissance économique du monde, le constat de l’accroissement de la pauvreté et des inégalités. Plus que jamais, la question du partage des richesses produites se pose avec force.
Oui, la pauvreté progresse en France ! Selon le rapport de décembre 2015 de l’Observatoire des inégalités, entre 2004 et 2013, si l’on prend en compte le seuil de 60 % du revenu médian – 1 772 euros par mois –, le nombre de personnes pauvres atteint le total considérable de 8,5 millions. Sur la même période, dans le même pays, les inégalités de patrimoine ont augmenté de 30 %. Aujourd’hui, 10 % de nos concitoyens détiennent 50 % de la richesse globale. Cette donnée fait écho aux 62 personnes les plus riches du monde, qui possèdent autant de richesses que le reste de l’humanité.
M. Alain Fouché. Quelle solution ?
M. Éric Bocquet. La prime d’activité, selon les premières indications, semble être plus sollicitée que ne l’était le RSA activité.
Ma question est double.
Sur la forme, d’abord, la Cour des comptes vient de pointer le risque d’un sous-financement du dispositif. Souvenons-nous pourtant des débats en commission des finances et ici même, dans l’hémicycle, au cours desquels les uns et les autres spéculaient sur la persistance d’un taux de non-recours faible. La réalité de la précarité croissante vous rattrape. Quelles dispositions prendrez-vous pour assurer le financement de la prime d’activité afin d’éviter la double peine pour d’éventuels candidats au dispositif ?
Sur le fond, ensuite, n’est-il pas urgent de s’attaquer résolument à la pauvreté et aux inégalités en mettant en œuvre une politique ambitieuse visant à donner aux salariés de ce pays les moyens d’une vie décente ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, je vous demande tout d'abord de bien vouloir excuser Marisol Touraine, qui participe en ce moment même à la grande conférence de santé.
Vous soulignez, et je veux vous en remercier, le succès du dispositif de la prime d’activité, qui, effectivement, dès le premier mois de son existence, concerne déjà 2 millions de personnes en France. Personne n’aurait parié sur ce chiffre !
Mme Annie David. C’est beaucoup trop !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Chacun reconnaîtra que ce taux de recours est satisfaisant. Cela montre que le dispositif mis en place est accessible.
Comme vous le savez probablement, le Gouvernement fait de la lutte contre le non-recours aux droits une de ses priorités. Ainsi, c’est l’une des priorités du plan pauvreté, que vous n’avez pas évoqué dans votre question.
Cependant, si la prime d’activité est d'ores et déjà une réussite, le taux de recours à ce dispositif peut et doit encore progresser. D’ailleurs, si celui-ci devait dépasser nos prévisions initiales, ce serait une excellente nouvelle.
M. Albéric de Montgolfier. Pas sur le plan budgétaire !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Cela voudrait dire que le dispositif fonctionne.
Monsieur le sénateur, je veux vous rassurer complètement : nous ne modifierons pas les règles du jeu en cours d’année. L’enveloppe de 4 milliards d’euros a été établie sur la base d’une prévision, qui, en tant que telle – surtout lorsqu’il s’agit de la première année de mise en place d’un dispositif –, peut s’avérer inexacte. Nous ajusterons son montant si nécessaire.
Sachez aussi que cette enveloppe reposait sur un taux de recours, en masse financière, de 66 %. Nous en sommes encore relativement loin ! Imaginons tout de même que ce taux surpasse nos anticipations pour grimper jusqu’à 75 %, ce qui, je veux le souligner, serait totalement inédit pour une prestation de ce type. Le dépassement budgétaire risquerait alors de s’élever à 300 millions d’euros. Eh bien, sachez que ce risque, nous l’assumons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour la réplique.
M. Éric Bocquet. Madame la secrétaire d'État, vous semblez vouloir nous rassurer avec la « réussite » de la prime d’activité, mais, au fond, ce « succès » est d'abord et avant tout l’aveu cinglant de l’échec des politiques d’austérité menées dans notre pays alternativement par les uns et par les autres. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mesdames, messieurs les ministres, en changeant le casting du Gouvernement, pensez également à en réécrire le scénario ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
versement du rsa dans le haut-rhin
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Patricia Schillinger. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
Le transfert de la gestion du revenu de solidarité active de l’État aux départements représente, pour ces derniers, une charge de plus en plus importante.
Au-delà du débat légitime que suscite une telle répartition des compétences, des initiatives se multiplient pour durcir les conditions d’accès à l’allocation, au risque de rompre avec l’égalité d’accès à la solidarité nationale qui doit prévaloir sur l’ensemble du territoire. La dernière en date est celle du conseil départemental du Haut-Rhin, qui a décidé de conditionner le bénéfice du RSA à sept heures de bénévolat hebdomadaires. (Et alors ? sur les travées du groupe Les Républicains.)
Alors que les bénéficiaires du RSA se trouvent bien souvent dans une extrême précarité, cette mesure trahit une véritable méconnaissance de leur situation et de leurs besoins, de même qu’elle est révélatrice d’une méconnaissance du fonctionnement du monde associatif, pour qui accueillir et encadrer des bénéficiaires du RSA peut être davantage une charge qu’une aubaine.
Les auteurs de propositions de ce genre le savent très bien. Sous prétexte de vouloir favoriser l’insertion des bénéficiaires du RSA, ils engagent, en réalité, un bras de fer avec l’État, dont l’enjeu est la renationalisation du RSA. Ce procédé est déloyal et irresponsable. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Il est irresponsable, car, ce faisant, ses artisans n’hésitent pas à stigmatiser les allocataires du RSA, qui souffrent déjà de graves difficultés, à opposer encore une fois les Français les uns aux autres et à mettre à mal le principe d’égalité qui sous-tend le mécanisme de l’aide sociale.
Madame la secrétaire d'État, comment entendez-vous réagir face à de telles initiatives ? Comment entendez-vous continuer à garantir, sur l’ensemble du territoire, le droit fondamental de chacun à disposer de ressources suffisantes ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Joël Labbé applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur la position du Gouvernement concernant une délibération prise récemment par le conseil départemental du Haut-Rhin à propos des bénéficiaires du RSA, qui seraient désormais obligés d’effectuer sept heures de bénévolat par semaine.
Je veux vous répondre de façon extrêmement précise et, pour ce faire, vous citer la loi telle qu’elle existe. Aux termes de la loi, le bénéficiaire du revenu de solidarité active conclut avec le département un contrat librement débattu énumérant leurs engagements réciproques en matière d’insertion sociale ou professionnelle. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous voyez donc bien qu’il n’est pas possible de conditionner l’attribution du RSA à tel ou tel type d’activités !
En outre, qu’est-ce que le bénévolat ? Il faut aussi se poser cette question. Il n’en existe pas de définition dans le droit français. Toutefois, le Conseil économique et social en a donné, en 1993, une définition, qui n’est pas juridique, mais qui est devenue la définition communément admise : est bénévole « toute personne qui s’engage librement pour mener une action non salariée en direction d’autrui, en dehors de son temps professionnel et familial ».
Par définition, une action de bénévolat qui serait rendue obligatoire ne serait plus du bénévolat : cela ressemblerait à du travail obligatoire sans salaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Celles et ceux qui ont voté la délibération du conseil départemental du Haut-Rhin semblent ignorer que bon nombre de personnes vivant avec le RSA font déjà du bénévolat dans des associations.
M. le président. Il va falloir conclure, madame la secrétaire d’État…
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Il suffit de se rendre dans les locaux des associations caritatives pour s’en apercevoir. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Il faut conclure !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Pour conclure, monsieur le président, j’userai de trois adjectifs pour qualifier cette délibération : inefficace,…
M. Roger Karoutchi. Comme le Gouvernement !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. … illégitime, illégale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
crise agricole
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour le groupe Union des Démocrates et Indépendants-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Il n’est pas là !
M. Michel Canevet. En 2015, les responsables professionnels agricoles ont régulièrement saisi les pouvoirs publics, afin d’appeler à des réformes à même d’atténuer les conséquences désastreuses des écarts entre les prix de vente et les coûts de revient des productions agricoles, alors que, normalement, on ne peut pas vendre à perte.
Les agriculteurs ne réclament pas de subventions, mais veulent des conditions d’exploitation permettant de faire face à des situations de concurrence internationale dans un domaine aussi sensible que l’alimentation humaine, qui touche au bien-être de chacun.
Cette situation a été particulièrement marquée en Bretagne, pour ce qui concerne les productions porcine, laitière et bovine, après que la région eut été secouée dans le domaine avicole – crise que connaissent d’autres régions françaises aujourd'hui, avec les épizooties.
Le conseil régional de Bretagne n’a pas pris conscience du drame économique qui s’annonce. Sans doute son président est-il trop occupé par ailleurs… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Les propositions formulées par le ministre de l’agriculture n’ont contenté personne, ni les agriculteurs ni la représentation nationale, conduisant, en ce début d’année, à des réactions très vives des agriculteurs, en situation de désespérance profonde.
J’ai bien compris que le Premier ministre, comme sur le projet de révision constitutionnelle, avait dû reprendre la main sur ce dossier. De fait, il est plus que temps de prendre des mesures nouvelles… Aussi, je souhaite connaître les propositions que le Premier ministre formulera. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord d’excuser Stéphane Le Foll, qui, comme vous le savez peut-être, participe aujourd'hui à une réunion avec des représentants des professions agricoles.
Je veux vous rappeler l’ensemble des mesures d’urgence qui ont été prises par le Gouvernement.
Le premier plan de soutien a été adopté le 22 juillet 2015, puis complété le 3 septembre de la même année, et encore le 26 janvier dernier. Le Gouvernement prend ses responsabilités (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), bien au-delà de ce qui a été fait précédemment.
Comme vous devez le savoir, cette crise, plus que toute autre, n’est pas franco-française. C’est une crise des marchés, liée à une offre surabondante par rapport à la demande solvable, en particulier sur les marchés mondiaux du porc et du lait. À cet égard, le ministre de l’agriculture formulera des propositions de régulation sur les marchés, notamment laitiers, au Conseil européen qui se tiendra à Bruxelles la semaine prochaine.
Le plan de soutien à l’élevage que je viens d’évoquer a déjà permis de verser plus de 230 millions d’euros d’aides de trésorerie aux éleveurs en difficulté, à travers des baisses de cotisations sociales et des exonérations fiscales.
Une enveloppe complémentaire du Fonds d’allégement des charges, dotée de 50 millions d’euros, a été annoncée le 26 janvier dernier. Cette somme a d'ores et déjà été répartie entre les régions. Sachez que les éleveurs bretons, sur lesquels vous vous interrogez peut-être plus particulièrement, pourront bénéficier de près de 30 millions d’euros sur cette rallonge.
Le dispositif d’année blanche a été prorogé jusqu’au 30 juin 2016 et étendu aux céréaliers, aux producteurs de légumes et aux éleveurs de canards à foie gras.
Rappelons que, en 2009, les aides annoncées par le gouvernement de l’époque étaient arrivées un an après la crise. Monsieur le sénateur, vous devez vous en souvenir !
Il faut donc qu’aujourd'hui l’ensemble des acteurs de la filière alimentaire se mobilisent, grande distribution et producteurs comme coopératives.
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Le Gouvernement, lui, se bat pour les aides et pour les prix ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour la réplique.
M. Michel Canevet. Cette réponse confirme que le Gouvernement n’a pas pris la réelle mesure des difficultés du milieu rural et de leurs conséquences sur l’économie française. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Ce que nous appelons de nos vœux, ce sont des mesures structurelles fortes, c'est-à-dire des mesures de réduction des charges, pour que les agriculteurs puissent lutter à armes égales avec ceux des autres pays ; ce sont des mesures d’identification de l’origine des produits ; ce sont des mesures de simplification administrative. Il est temps que l’on prenne conscience de la réalité de la situation ! (Vifs applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
agriculture
M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart, pour le groupe Les Républicains.
M. Michel Vaspart. Ma question s'adressait à M. le ministre de l’agriculture, qui est malheureusement absent…
Hier encore, dans mon département, un jeune agriculteur de trente-neuf ans s’est donné la mort parce qu’il ne savait pas comment s’en sortir. Un collectif de trois cents élus, toutes sensibilités confondues, vient de se mettre en place dans les Côtes-d’Armor pour soutenir notre agriculture.
Le Premier ministre impute la crise agricole à l’Europe. Certes, l’Europe a une très lourde responsabilité, mais qui est chargé de défendre les intérêts de notre agriculture à Bruxelles ? C’est la responsabilité du Président de la République et du chef du Gouvernement que de faire entendre la voix de la France, pour défendre, avec force, les intérêts de nos agriculteurs ! En renvoyant la responsabilité à la Commission européenne, le Gouvernement a adressé un très mauvais message aux agriculteurs : la crise serait non plus son problème, mais celui de l’Europe. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
Quand nous aurons perdu entre 10 % et 30 % de nos producteurs, de qui la crise sera-t-elle le problème ? Ce sera, d’abord, le problème des agriculteurs et de leurs familles, qui sont dans une grande désespérance, mais aussi, bien sûr, le problème de la France.
Le Sénat a préparé, dès l’été 2015, dans un contexte déjà très tendu, une proposition de loi, qui a été votée à une large majorité. Ce texte avait le mérite d’être soutenu par la profession. Pourquoi le Gouvernement et sa majorité à l’Assemblée nationale ne lui ont-ils pas apporté leur soutien ?
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Michel Vaspart. Pourquoi l’avez-vous traité avec mépris et désinvolture ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Je ne vais pas revenir sur la raison de l’absence de Stéphane Le Foll : je l’ai déjà donnée.
Je vous rappelle que c’est votre majorité qui a fait en sorte de supprimer les quotas, qui est à l’origine de la loi LME et qui, lorsqu’il fallait aider les agriculteurs, leur allouait le tiers de ce que nous leur versons aujourd'hui ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Alors, vos leçons, vous pouvez les garder !
Si notre agriculture est aujourd'hui confrontée à des problèmes structurels, c’est bien parce que vous avez désorganisé la filière agricole pendant des années ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Guy-Dominique Kennel. Vous êtes là depuis cinq ans !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Si nous intervenons dans l’urgence, nous intervenons aussi à Bruxelles – oui, à Bruxelles ! –, parce que vous avez laissé les quotas se défaire et qu’il faut, aujourd'hui, des régulations.
Ainsi, pour ce qui concerne le lait, la France plaidera pour un relèvement des prix d’intervention publique et pour la mise en place d’un mécanisme de régulation des volumes produits.
Il faudra aussi mobiliser la Commission européenne pour obtenir de la Russie la levée de l’embargo sanitaire sur le porc. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous y contribuerez !
Il faudra en outre prolonger les mesures de stockage privé et faire en sorte que l’ensemble des acteurs se mobilise, ce qui n’est aujourd’hui ni le cas des coopératives ni celui de la grande distribution.
L’étiquetage de l’origine des viandes dans les plats transformés est un sujet important. Un projet de décret en Conseil d’État sera présenté dans les prochains jours et notifié à la Commission européenne. Ce projet vise à imposer l’étiquetage obligatoire de l’origine des viandes et du lait dans les produits transformés. Ce faisant, le ministre de l’agriculture associe l’ensemble des professionnels à sa démarche. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart, pour la réplique.
M. Michel Vaspart. Monsieur le secrétaire d’État, nous vous avons démontré avant-hier, en votant la reconduction de l’état d’urgence, que nous savions dépasser nos sensibilités politiques lorsque l’essentiel est en jeu. Or, pour notre agriculture, l’essentiel est en jeu ! Malheureusement, en ne soutenant pas nos propositions, vous démontrez une nouvelle fois que vous êtes en permanence dans la politique politicienne. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Alors que tout part à vau-l’eau en France, nous constatons, affligés, l’incapacité du Président de la République et du Gouvernement à résoudre les problèmes de notre pays. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
annonce du président de la république sur les moyens et l'action de la caisse des dépôts et consignations
M. le président. La parole est à M. Maurice Vincent, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Maurice Vincent. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé du budget.
Au moment où la croissance économique repart (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.),…
M. Didier Guillaume. Eh oui, c’est vrai !
M. Maurice Vincent. … il est important d’en assurer la solidité tout en répondant aux besoins sociaux en matière de développement durable et de logement.
Le 12 janvier dernier, à l’occasion de son intervention dans le cadre du bicentenaire de la Caisse des dépôts et consignations, le Président de la République a annoncé un ensemble de mesures mobilisant cette institution en faveur de la relance de la construction de logements sociaux et de la rénovation thermique du bâti. Cette mobilisation s’inscrit dans le prolongement du déploiement de 20 milliards d’euros de prêts des fonds d’épargne depuis 2013 pour soutenir durablement l’investissement public local, après la faillite, chacun s’en souvient, de Dexia. Elle place aujourd’hui encore la Caisse des dépôts au cœur des grands enjeux prioritaires pour notre pays.
Concrètement, François Hollande a demandé à la Caisse de mobiliser « 3 milliards d’euros de capacité d’investissement supplémentaire » d’ici à 2017. Ces financements seront dégagés sous forme de prêts à taux zéro, dont une moitié servira à consolider les fonds propres des organismes de logement social et l’autre moitié au financement, à 100 %, de la rénovation thermique des bâtiments publics, des collectivités, des universités, des hôpitaux…
En parallèle, le Président de la République a également annoncé la création d’une « société foncière publique » pour mettre à disposition des terrains en faveur de la construction de logements. (La question ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Enfin, il a appelé de ses vœux la création d’un « opérateur national de la rénovation thermique des bâtiments ». La filiale de la Caisse des dépôts, Exterimmo, remplira cette mission.
Pour permettre le financement de ces actions, le Président de la République a annoncé une augmentation des cessions d’actifs de la Caisse des dépôts et la diminution de son versement.
Un mois après cette annonce, ces mesures sont très attendues par les élus locaux et les acteurs du logement social. Elles soutiendront très concrètement l’investissement public local. (La question ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Pourriez-vous nous préciser, monsieur le secrétaire d’État, où en sont les déclinaisons concrètes et la mise en œuvre de leur échéance ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Le Président de la République a lancé le bicentenaire de la Caisse des dépôts et consignations avec un programme de travail exigeant : faire en sorte que cette institution dégage des marges de manœuvre afin de concentrer ses moyens sur les deux priorités que vous avez citées, monsieur le sénateur. L’État, comme vous l’avez souligné, va diminuer temporairement son prélèvement pour accélérer cette opération.
À la suite de récents échanges informels entre mes services et ceux de la Caisse des dépôts, le ministre des finances adressera dans les prochains jours un courrier à la commission de surveillance afin de solliciter son avis sur les modalités de mise en œuvre de cette baisse du prélèvement. Ce courrier a déjà recueilli l’accord de la direction générale de la Caisse. Ce sujet pourra donc être mis à l’ordre du jour de cette commission, dont je crois savoir que vous êtes membre, dès le 17 février prochain. Il revient désormais à la Caisse de procéder aux cessions auxquelles l’a invitée le Président de la République.
Le Gouvernement partage votre préoccupation : les sommes ainsi dégagées doivent être utilisées le plus rapidement possible. C’est déjà chose faite pour les prêts visant à financer la rénovation thermique des bâtiments publics : Michel Sapin a signé hier un courrier autorisant le fonds d’épargne à mettre en place ces prêts. Ce courrier a fait l’objet d’échanges et d’accords entre la Caisse et nos services. Ces prêts financeront toute opération de rénovation de bâtiments respectant la réglementation en vigueur et seront distribués par tous les opérateurs compétents.
Dans ce même état d’esprit, le Gouvernement et la Caisse travaillent main dans la main pour mettre en œuvre les autres dispositions. Notre souhait est que les discussions aboutissent rapidement afin de mobiliser les ressources – et il y en a – au service de nos priorités : le logement,…
M. le président. Veuillez conclure !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … en particulier le logement social, et la transition énergétique.
Tel est notre objectif commun. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
formation des imams étrangers lors du ramadan
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union des Démocrates et Indépendants-UC.
Mme Nathalie Goulet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Nous avons reconduit l’état d’urgence voilà quelques jours et nous sommes prêts à vivre dans un état de menace permanente.
Dans le cadre des différentes opérations que vous avez menées, plusieurs mosquées ont été fermées. Or, traditionnellement, à l’occasion du Ramadan, des dizaines d’imams en provenance du Maroc, d’Algérie, d’Arabie Saoudite et de Turquie arrivent en France pour renforcer les mosquées.
Votre ministère reçoit à cette occasion une liste de noms. Sachant que le Ramadan commence cette année au début du mois de juin, ma question est assez simple : avez-vous prévu des procédures particulières pour vous assurer de l’identité de ces personnes, de leur formation, de leur connaissance de la langue française et des principes fondamentaux de notre République ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, que disent les principes de droit en la matière et quelles sont les pratiques ?
L’article 1er de la loi de 1905 rappelle ce qu’est la laïcité : la liberté de croire ou de ne pas croire et, dès lors que l’on croit, la possibilité d’exercer librement son culte. Cela signifie que la liberté de conscience et le libre exercice des cultes ne sont pas négociables. C’est à l’aune de ces principes républicains que nous traitons du sujet que vous évoquez.
Pendant le Ramadan, des récitateurs déclinent sur un mode psalmodique, parfois tout au long de la nuit, des récits du Coran. Ces récitations s’appellent le tajwid.
Mme Bariza Khiari. Tout à fait !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Chaque année, nous faisons ainsi venir 299 psalmodieurs ou récitatrices dans le cadre d’accords bilatéraux passés notamment avec le royaume du Maroc et l’Algérie.
La liste de ces personnes nous est transmise un mois avant leur arrivée, ce qui permet de procéder au criblage. Ces personnes, qui sont des fonctionnaires des États avec lesquels nous avons signé ces accords, bénéficient d’un visa de court séjour dont l’expiration est fixée au dernier jour du Ramadan.
Les personnes venant de pays avec lesquels nous n’avons pas conclu d’accords bilatéraux disposent de visas de droit commun. Ils font l’objet de la même attention de la part de nos services au regard du risque sécuritaire.
Voilà très précisément la réponse que je voulais apporter à votre question, qui ne manquait pas de pertinence au regard du contexte actuel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE et quelques travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.
Mme Nathalie Goulet. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.
La khotba, le prêche, peut aussi se faire en français, ce qui serait une excellente chose !
situation des artisans
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour le groupe Les Républicains.
M. André Reichardt. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire.
Nous vivons à une époque faite de paradoxes : alors que le Gouvernement vante la nécessité de la formation et qu’il dit vouloir relancer l’apprentissage, il envisage, semble-t-il, de supprimer certaines qualifications professionnelles prérequises pour les artisans. Il envisage également de restreindre l’obligation des stages de préparation à l’installation, préalables à la création d’entreprise. Il estime ainsi que certains des métiers de l’artisanat n’exigeraient aucune qualification. Grave erreur s’il en est ! L’essence même d’un artisan est la pratique d’un savoir-faire, ce qui ne s’improvise pas !
L’artisanat, ce sont des centaines de milliers d’emplois hautement qualifiés, qui sont autant de gages de compétences, de qualité et de sérieux. Brader ces qualifications, voire les supprimer, ouvrirait la porte à une sorte de secteur informel, constitué non plus de chefs d’entreprise, mais de tâcherons. Le consommateur serait le premier à pâtir d’une telle situation où service a minima et de moindre qualité deviendrait la règle.
De même, en matière d’installation, les stages préparatoires n’ont plus à faire la preuve de leur nécessité. Revenir sur leur caractère obligatoire dans nombre de cas reviendrait à vouloir mettre la charrue devant les bœufs : malgré toute l’énergie dont une personne peut disposer au moment de la création de son entreprise, elle ne peut démarrer son activité sans disposer des informations et conseils nécessaires à la bonne gestion. De fait, ces stages obligatoires ont permis d’éviter beaucoup de catastrophes.
Dès lors, madame la secrétaire d’État, est-il exact que vous envisagiez de vous engager dans ces voies destructrices de tout un secteur économique de notre pays, alors que tous les représentants des activités concernées revendiquent au contraire toujours plus d’ambition depuis des années ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur, je ne peux à aucun moment vous laisser dire que nous souhaitons remettre en cause les qualifications et la formation des artisans.
M. Didier Guillaume. Très bien !
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Tous les jours, je suis en contact avec ces artisans ; je connais la qualité de leur travail.
Cependant, force est de constater que les dispositifs aujourd’hui applicables sont parfois d’une immense complexité et qu’ils s’éloignent de l’objectif premier qu’est la protection du consommateur.
Vous citez tous ceux qui veulent s’installer pour exercer de si beaux métiers. Je prendrai l’exemple des restaurateurs : ces derniers, pour pouvoir s’installer, n’ont pas nécessairement besoin d’une qualification – je parle bien de la création d’entreprise et de la création d’emploi –, …
M. André Reichardt. Je parlais des artisans !
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. … mais ont bien évidemment besoin d’une qualification pour exercer leur métier. Ne vous y trompez pas, monsieur le sénateur.
Vous m’interrogez également sur les stages préparatoires à l’installation. Vous le savez, au moment de décider de leur installation, nombre de nos concitoyens rencontrent des difficultés, notamment quant au délai qui peut leur être proposé pour effectuer ce stage d’installation et à son coût, souvent trop important. Là aussi, nous poursuivons nos discussions avec les organisations professionnelles pour avancer sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour la réplique.
M. André Reichardt. Je note que vous n’avez pas l’intention, a priori, de mettre en péril ces qualifications. Tant mieux !
Ce que nous voulons, c’est un artisanat fort et non un artisanat tiré vers le bas. Cela passe par de véritables entreprises qui mettent en œuvre des métiers que le chef d’entreprise et ses collaborateurs savent maîtriser. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
situation de l'entreprise vallourec
M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Gaëtan Gorce. Ma question, à laquelle je souhaite associer mes collègues Didier Marie, Catherine Génisson et François Patriat, s'adresse à M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.
L’entreprise Vallourec a annoncé plus de 1 000 suppressions d’emplois dans les prochains mois sur différents sites : Saint-Saulve, Déville-lès-Rouen, Montbard et Cosne-sur-Loire.
Tout d’abord, je voudrais exprimer ma solidarité à l’égard des personnels de l’entreprise, à commencer par ses ouvriers, qui sont non seulement les grandes victimes mais aussi les grands oubliés de la crise que nous traversons depuis 2008.
Ensuite, monsieur le ministre, je voudrais vous remercier des efforts consentis par l’État actionnaire pour éviter que les sites que je viens de citer ne soient fermés. Néanmoins, je me dois de vous indiquer – je pense que vous pouvez l’entendre – que cela ne sera pas suffisant.
Pour prendre l’exemple du site de Cosne-sur-Loire, qui se trouve dans un bassin ayant déjà perdu près de 1 000 emplois dans les secteurs de l’industrie et de la construction depuis 2008, ce sont 80 des 204 salariés qui vont perdre leur travail. Cela signifie que nous ne pouvons pas nous satisfaire de ce qui a été constamment entrepris jusqu’à présent dans le cadre des plans de revitalisation, de reconversion et des promesses de recréation d’activité. Nous avons besoin de faire plus et mieux !
Monsieur le ministre, vous qui défendez l’innovation économique, faites aussi progresser l’innovation sociale ! Faisons en sorte de trouver les solutions industrielles avant que le plan social ne soit mis en œuvre, que ces solutions prennent la forme d’une recréation d’activité au sein de Vallourec ou qu’elles se traduisent par la reconversion des salariés et l’implantation de nouvelles activités. Nous souhaitons avoir la garantie que l’activité continuera dans ces bassins d’emploi, que le pouvoir d’achat des salariés sera maintenu et que nous trouverons des solutions humaines à la crise.
En clair, imposons à Vallourec non pas une obligation de moyens, mais une obligation de résultat ! Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à prendre cet engagement ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur quelques travées du groupe CRC.)
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie.
M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Monsieur le sénateur, vous avez eu raison de rappeler la situation dans laquelle se trouvent les ouvriers du groupe Vallourec – c’est du reste la raison pour laquelle nous avons pris toutes nos responsabilités –…
Mme Nicole Bricq. Tout à fait !
M. Emmanuel Macron, ministre. … et la dignité avec laquelle ils ont réagi jusqu’à présent dans l’ensemble des sites industriels que vous avez cités.
À quelle crise sommes-nous confrontés ? Je voudrais tout de même en dire deux mots.
En premier lieu, il s’agit d’une crise du secteur pétrolier et parapétrolier : ce secteur, qui constitue l’essentiel des débouchés et 66 % du chiffre d’affaires du groupe Vallourec, s’est effondré au cours des dix-huit derniers mois et a entraîné une forte chute de l’activité.
En second lieu, la crise s’explique par une baisse très brutale du prix de l’acier, qui est due au dumping de la Chine, et contre laquelle nous avons commencé à nous battre et continuerons de le faire. Je vais amplifier notre action en la matière en me rendant à Bruxelles dès lundi prochain.
M. Jean-Pierre Raffarin. Vous restez à votre poste, alors ? (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Bonne nouvelle ! (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.)
M. Emmanuel Macron, ministre. Que faire sur ce sujet d’importance ?
Comme vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, nous avons recapitalisé le groupe Vallourec. Nous avons également demandé que les restructurations soient limitées et qu’aucun site productif ne soit fermé. Des efforts sont certes demandés pour deux sites, dont celui de Cosne-sur-Loire, ainsi que la fermeture de deux laminoirs, l’un à Saint-Saulve, l’autre à Déville-lès-Rouen, mais c’est la condition pour qu’aucun site productif ne soit fermé, alors que le taux d’occupation des sites du groupe n’est quasiment plus que de 50 % depuis six mois.
Face à cette situation, le Gouvernement formule plusieurs exigences.
Tout d’abord, Vallourec doit développer une stratégie offensive, consistant à se repositionner sur les activités à forte valeur ajoutée. C’est la raison pour laquelle nous avons recapitalisé le groupe et avons signé un partenariat avec un groupe japonais.
Ensuite, nous avons demandé que le groupe réalise des investissements complémentaires sur les sites touchés par la crise, afin que l’emploi productif se maintienne. C’est pourquoi j’ai demandé à Vallourec de proposer dans les prochaines semaines un plan d’investissement pour la revitalisation de ces sites, ce qui va dans le sens de ce que vous souhaitez.
En d’autres termes, Vallourec doit nous donner des garanties…
M. le président. Il faut conclure !
M. Emmanuel Macron, ministre. … en termes de création d’activités à la fois dans son cœur de métier et dans le secteur de la recherche et développement.
Enfin, toujours pour aller dans votre sens, monsieur le sénateur, nous allons accélérer notre action et lancer des appels à projets pour la revitalisation des sites avant que les restructurations ne touchent à leur terme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Hugues Portelli. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d'État chargée de la réforme de l'État et de la simplification.
L’État s’est lancé depuis plusieurs années, bien avant 2012, dans une politique de modernisation de ses services publics, qui emprunte la voie du resserrement des effectifs, d’une part, et du recours systématique à la dématérialisation, d’autre part. (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.) Cette politique a des conséquences sur le terrain. Je prendrai quelques exemples : aujourd’hui, quasiment toutes les caisses d’allocations familiales ferment leurs antennes et demandent aux services municipaux de créer des bornes d’accueil, qui sont souvent éloignées du lieu de résidence des usagers.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Et voilà !
M. Hugues Portelli. Les caisses primaires d’assurance maladie ferment leurs antennes à leur tour et sont remplacées par internet. Ainsi, les rendez-vous sont désormais pris en ligne, du moins pour les usagers qui bénéficient de ces moyens informatiques.
Pôle emploi vient quant à lui d’annoncer qu’il n’ouvrira plus qu’une demi-journée par jour, si bien que la moitié du temps consacré à l’accueil des personnes va disparaître…
M. Jean-Pierre Bosino. Merci la RGPP !
M. Hugues Portelli. … et que les rendez-vous devront également être pris sur internet.
Les services fiscaux se sont également lancés dans une politique de recours généralisé à la dématérialisation et n’accueilleront très bientôt plus aucun public.
Enfin, chacune et chacun d’entre nous sait d’expérience qu’il est devenu presque impossible de déposer une plainte dans un commissariat dans des délais raisonnables. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Laurence Cohen. C’est l’Hôpital qui se moque de la Charité !
M. Hugues Portelli. Quelles sont les conséquences de telles mutations ? Les changements touchent les personnes les plus démunies, les plus âgées, les moins mobiles. On transfère de facto aux communes la responsabilité d’accueillir les usagers et, bien entendu, le coût que cela représente.
M. Bruno Sido. Parfaitement !
M. Hugues Portelli. Cette politique peut même entraîner des conséquences d’ordre éthique,…
M. le président. Votre question !
M. Alain Fouché. La question, c’est celle du désengagement de l’État !
M. Hugues Portelli. … car elle aboutit au transfert de la gestion de certains dossiers personnels aux services municipaux.
Mme Éliane Assassi. C’est à cause de vous !
M. Hugues Portelli. Alors, le modèle de la modernisation est-il celui de la disparition des services publics, à l’exemple de ce qui se passe avec La Poste ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Dominique Bailly. C’est vous qui avez supprimé les services publics !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la réforme de l’État.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification. Monsieur le sénateur, je vous remercie d’avoir posé une question sur ce qui constitue l’une des priorités du Gouvernement, à savoir les services publics.
M. Alain Fouché. Ce n’est pas une réussite !
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Il s’agit en effet d’une priorité pour le Gouvernement, comme le montre le choix de retenir l’échelon départemental, échelon de proximité, pour l’organisation des services de l’État. C’est une priorité notamment pour le ministre de l’intérieur, qui déploie les maisons de l’État sur l’ensemble du territoire. Cette priorité s’exprime également au travers de la mise en place, avec le concours de La Poste, de 1 000 maisons de service public partout en France.
Le service public a vocation et, je dirai même, l’obligation de s’adapter aux usages. Aujourd’hui, à l’heure de la révolution numérique, nous construisons le service public du XXIe siècle : c’est un service public d’une qualité exceptionnelle, disponible vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, pour tous et partout !
M. Alain Fouché. Vous transférez la charge aux communes !
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Le numérique permet de disposer de points d’accès sur l’ensemble du territoire : c’est ce que nous cherchons, c’est ce que nous voulons et c’est ce que nous allons faire !
Pour autant, il n’est pas sérieux d’affirmer que les services publics étaient présents partout sur l’ensemble du territoire.
M. Alain Fouché. Ce n’est pas une raison pour supprimer ceux qui restent !
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. On ne peut pas cultiver la nostalgie d’une réalité qui n’a jamais existé !
En revanche, grâce au numérique, nous allons créer des points d’accès aux services publics sur l’ensemble du territoire et, cela, personne ne l’avait jamais fait !
Personne ne sera laissé au bord du chemin (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.),…
M. Alain Fouché. Nous n’en croyons pas un mot !
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. … puisque, à l’image de ce qui s’est passé pour les services des finances publiques,…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. … nous allons être en mesure de dégager des personnels (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)…
M. le président. Concluez, madame la secrétaire d’État !
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. … qui pourront prendre en charge les citoyens les plus fragiles et s’occuper des situations les plus complexes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
sécurité
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dominati. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Deux jours après les attentats du 13 novembre, une jeune femme courageuse, n’écoutant que sa conscience, a appelé le numéro de téléphone d’urgence anti-attentat, le 197. Grâce à ce geste, elle a probablement sauvé des vies, empêchant un triple attentat et permettant surtout à la police de neutraliser l’un des assassins du 13 novembre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Cette jeune femme attendait de la part de l’État un soutien, une reconnaissance, une assistance et surtout l’engagement de tout faire pour l’aider à réorganiser au mieux sa nouvelle vie.
Aujourd’hui, elle se sent abandonnée. Elle s’est trouvée dans la nécessité de courir un nouveau risque en contactant un certain nombre de médias, ainsi que le président de la Ligue des droits de l’homme, pour faire part de son isolement. Comment en est-on arrivé là ?
Monsieur le ministre, ma question est simple : comment l’État peut-il se déshonorer dans une situation pareille ? J’attends évidemment que vous me répondiez. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, pardonnez-moi, mais je vous le dis très franchement, créer des polémiques sur des sujets aussi graves (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), et ce en pleine crise terroriste, alors que les informations que vous avez communiquées à l’instant sont totalement fausses, ne me paraît pas être à la hauteur de ce que nous devons faire collectivement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Didier Guillaume. Voilà !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je vais même aller plus loin : sous l’autorité du procureur de la République, la police a procédé à l’interrogatoire de la personne dont vous parlez deux jours après les attentats. Elle ne l’a pas entendue sous X pour des raisons de droit. On ne peut entendre sous X qu’une personne dont on est convaincu au moment où on l’interroge qu’elle n’a aucun lien avec l’affaire en cours. Par conséquent, à la demande du procureur de la République, cette personne a été interrogée sous le régime de la garde à vue.
Par ailleurs, après qu’un certain nombre de journalistes informés de cette affaire ont pris contact avec mes services, nous avons mis en place un ensemble de dispositifs très sûrs pour protéger cette personne. Je me souviens de manière extrêmement précise de ce que nous avons fait à ce moment-là pour avoir été informé des détails de l’affaire et avoir moi-même demandé sa protection la plus absolue.
Certains journalistes l’ont toutefois interrogée. Nous leur avons indiqué qu’il nous semblait très imprudent d’agir ainsi, parce que la vie de cette personne risquait d’être mise en danger et que les informations qui étaient diffusées ne correspondaient pas à la réalité. Malgré tout, une interview a été diffusée. Le procureur de la République a alors décidé de déclencher l’action publique pour mise en danger de la vie d’autrui.
À ce moment-là, la personne ne pouvait pas se voir reconnaître…
M. le président. Il va falloir conclure ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Vincent Eblé. Incroyable !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. … le statut de témoin ni toutes les protections qui s’y attachent, tout simplement parce que le droit ne le prévoit pas.
Pour conclure, je vous indique avoir décidé d’adresser une lettre au procureur de la République dans laquelle je rappelle très précisément tout ce que l’État a fait pour protéger cette personne. Par conséquent, je considère que ces polémiques sont totalement indignes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour la réplique.
M. Philippe Dominati. Monsieur le ministre, je comprends votre gêne. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
On voit bien qu’employer le terme de polémique est parfaitement malvenu. Il est simplement question ici d’honneur et de respect de la parole donnée à une citoyenne qui a empêché que de nouveaux d’attentats ne soient commis.
À ma connaissance, les bons policiers comme les bons ministres de l’intérieur ont toujours protégé les citoyens…
M. Yannick Vaugrenard. C’est bien le cas !
M. Philippe Dominati. … qui contribuent à l’arrestation de criminels.
M. Claude Bérit-Débat. C’est indécent !
M. Philippe Dominati. J’espère que vous vous ferez un point d’honneur à tenir compte de cette interpellation…
M. Dominique Bailly. Il faut conclure !
M. Philippe Dominati. … et que vous agirez non seulement pour que ce dispositif puisse à l’avenir rester performant,…
M. le président. Il faut conclure !
M. Philippe Dominati. … mais également pour que cette personne soit protégée et considérée comme il se doit.
Enfin (Marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste et républicain.),…
M. Vincent Eblé. Il y a deux poids, deux mesures en matière de temps de parole !
M. Philippe Dominati. … je tiens à souhaiter, au nom de mon groupe, beaucoup de bonheur et de sérénité aux membres du Gouvernement qui ne seront peut-être plus en fonction dans quelques heures. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Le message est passé…
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Jean Louis Masson. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Monsieur le ministre, les habitants des trois départements d’Alsace-Moselle sont très attachés à la défense du droit local, en particulier à celle du régime des quatre cultes reconnus,…
M. Jean Louis Masson.… à savoir le culte catholique, deux cultes protestants et le culte israélite. Or ce régime est doublement menacé.
D’une part, à l’échelle nationale, il est la cible de ceux qui veulent voir la loi relative à la laïcité de 1905 s’appliquer en Alsace-Moselle.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Et alors ?
M. Jean Louis Masson. D’autre part, au plan local, il est victime d’une surenchère, menée par des élus qui instrumentalisent le communautarisme musulman afin d’en faire un fonds de commerce électoral.
Ainsi, après avoir préconisé le doublement du nombre des mosquées et s’être vanté dans la presse d’avoir construit une grande mosquée financée à 100 % par des fonds publics, un maire de Moselle propose aujourd’hui d’élargir au culte musulman le statut de religion historiquement reconnue. Cette démarche électoraliste est très dangereuse, car elle remet en cause la légitimité même du droit local.
M. David Assouline. Quel droit local ?
M. Jean Louis Masson. En effet, le régime local des cultes se fonde sur l’histoire. L’élargir à une religion dépourvue de toute racine locale reviendrait à le priver de sa raison d’être.
De plus, en l’absence de justification historique, on ne saurait opérer une discrimination entre telles et telles religions. On ne voit pas pourquoi, parmi les religions non reconnues, il faudrait favoriser un culte plutôt qu’un autre. Les chrétiens orthodoxes, les protestants évangélistes, les hindouistes ou les bouddhistes ne posent aucun problème de communautarisme ou de troubles à l’ordre public. (Marques d’exaspération sur plusieurs travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.) Il serait inacceptable qu’ils soient, de ce fait, moins bien traités que d’autres.
Monsieur le ministre, ma question est donc double. Premièrement, garantissez-vous le maintien du régime local appliqué aux quatre cultes reconnus en Alsace-Moselle ? Deuxièmement, si le champ du régime local était élargi, ne faudrait-il pas prendre en compte toutes les religions, et non une seule d’entre elles, que l’on chercherait à favoriser par démagogie électorale ? (Protestations sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Jean-Claude Lenoir. Ministre de l’intérieur et des cultes ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Puisque j’ai de nouveau la parole, je précise à l’intention de M. Dominati que, pour moi, le sens de l’honneur, c’est le respect de la vérité.
M. Philippe Dominati. Que sous-entendez-vous ? Que je ne dis pas la vérité ?...
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Or, en la matière, je connais la vérité, contrairement à vous, monsieur le sénateur. En conséquence, je n’ai aucune leçon à recevoir de votre part. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.) Des propos comme ceux que vous avez tenus abaissent la politique : permettez-moi de vous le dire, votre question puis votre réplique étaient totalement minables ! (Protestations indignées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Grosperrin. Quelles leçons de morale !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur Masson, je tiens à vous répondre très précisément. La modification des règles prévalant à l’heure actuelle quant aux cultes en Alsace-Moselle n’est absolument pas à l’ordre du jour. Le régime concordataire est profondément enraciné dans l’histoire de l’Alsace-Moselle, et il n’est pas question de le remettre en cause.
M. André Reichardt. Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Par deux décisions, l’une de 2011, l’autre de 2013, le Conseil constitutionnel a souligné que les dispositions dont il s’agit étaient parfaitement conformes à la Constitution.
M. André Reichardt. Tout à fait !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. En la matière, des réflexions, dont vous avez connaissance, sont actuellement menées par l’Institut du droit local alsacien-mosellan et par l’Observatoire de la laïcité. Elles portent sur le caractère de l’enseignement religieux et sur l’interdiction du blasphème.
Ainsi, les termes du débat sont connus. Ce sujet est encadré constitutionnellement et, je le répète, il n’est absolument pas question de modifier l’ordre du droit.
Trois cultes sont reconnus en Alsace-Moselle : le culte protestant, le culte catholique et le culte israélite. Dans le cadre du droit existant, il est tout à fait possible d’étendre l’enseignement du fait religieux à la religion musulmane. Il n’y a pas, à cet égard, à susciter des divisions ou des oppositions, à éveiller de mauvais débats, qui ne seraient conformes à l’esprit ni du législateur ni du Gouvernement.
Dans le contexte que nous connaissons, la République a besoin de rassemblement, d’apaisement et d’élévation ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réplique, en quatorze secondes...
M. Jean Louis Masson. Monsieur le ministre, je le répète, l’Alsace-Moselle compte quatre cultes reconnus, puisque les cultes protestants considérés à ce titre sont au nombre de deux. (Exclamations et marques d’impatience sur plusieurs travées.)
En outre, le fait d’élargir au culte musulman l’enseignement religieux à l’école pose un véritable problème : pourquoi ce culte, et pas les autres ?
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jean Louis Masson. Quatre cultes sont reconnus, d’autres ne le sont pas. (Protestations continues sur un grand nombre de travées.) Il me semble tout à fait incohérent que des cultes dont les fidèles ne font pas preuve de communautarisme, ne posent pas de problèmes de sécurité,… (M. le président coupe le micro de l’orateur.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Je rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu mardi prochain, de seize heures quarante-cinq à dix-sept heures trente, et qu’elles seront retransmises sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux. Nous les reprendrons à dix-sept heures. (Murmures et exclamations sur l’ensemble des travées.)
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.)
PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
8
Ordre du jour
Mme la présidente. Mes chers collègues, à la suite du remaniement ministériel auquel vient de procéder M. le Président de la République, et compte tenu du changement de ministre de la culture, je vous propose de lever la séance et de reprendre demain, à neuf heures trente, à quatorze heures trente et, éventuellement, le soir, la suite de la discussion du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.
Avant de lever la séance, je donne la parole à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de bien vouloir adapter l’ordre du jour de la Haute Assemblée aux contraintes de la vie gouvernementale.
Puisque l’occasion m’en est donnée, je veux exprimer en cet instant toute mon amitié et toute ma reconnaissance à Fleur Pellerin pour le travail qu’elle a effectué.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’imagine que, parmi ceux d’entre vous qui s’apprêtaient à poursuivre cet après-midi et ce soir l’examen du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, vous êtes plusieurs à considérer qu’il constitue une importante avancée dans le domaine de la culture.
Mais l’action gouvernementale se poursuit et les parlementaires que vous êtes auront dès demain matin la possibilité de continuer à apporter leurs contributions à ce texte auquel je sais que vous tenez tant.
Mme la présidente. Mes chers collègues, le calendrier de la fin de l’examen de ce texte sera précisé ultérieurement, étant entendu que nous n’aurons pas matériellement le temps d’achever la discussion demain soir.
La parole est à Mme la présidente de la commission de la culture.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous nous trouvons au milieu du gué. Nous saluons nous aussi le travail effectué avec la ministre sortante, Fleur Pellerin, et accueillerons demain Audrey Azoulay. Nous poursuivrons alors l’examen du projet de loi, conformément à ce qu’avait décidé la conférence des présidents.
J’émets le souhait, que je crois partagé par l’ensemble des membres de la commission de la culture, d’avoir une lisibilité sur le calendrier de la poursuite de nos travaux, en espérant que ceux-ci ne soient pas entrecoupés.
Nous avons vécu une semaine compliquée.
Mme Françoise Férat, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. C’est vrai !
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Cela a également été très difficile pour tous ceux de nos collègues qui, bien que n’appartenant pas à la commission de la culture, souhaitaient se mobiliser aussi.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. J’espère que la conférence des présidents et vous-même, monsieur le secrétaire d'État, tiendrez compte de ce souhait, afin que l’examen de ce texte se poursuive dans une sérénité qui nous permette d’être constructifs ! (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Madame la présidente, madame la présidente de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, bien évidemment, nous allons trouver ensemble très rapidement les conditions optimales pour la suite des travaux sur ce projet de loi. Il serait dommageable que le Gouvernement fasse des propositions de façon unilatérale aujourd'hui. Je préfère que nous réfléchissions ensemble au calendrier le plus opportun, calendrier que nous devrions connaître au plus tard demain, en fin de matinée.
Voilà la réponse que je peux vous donner, madame Morin-Desailly, en espérant qu’elle correspond à vos attentes.
M. Didier Guillaume. Absolument !
Mme la présidente. Dans tous les cas, madame la présidente de la commission, une concertation entre le Gouvernement, votre commission et le président du Sénat ainsi qu’une nouvelle conférence des présidents seront nécessaires pour fixer le calendrier.
Voici donc quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au vendredi 12 février 2016, à neuf heures trente, à quatorze heures trente et, éventuellement, le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (n° 15, 2015-2016) ;
Rapport de M. Jean-Pierre Leleux et Mme Françoise Férat, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 340 tomes I et II, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 341, 2015-2016).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures dix.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD