Mme Annie David. La loi du 12 mars 2012 précise les conditions de continuité entre contrats qui peuvent donner accès à un recrutement en CDI.
Elle prévoit notamment qu’une période de quatre mois entre deux contrats n’est pas interruptive. Pourtant, de nombreux agents contractuels restent encore en dehors de la période de référence – relativement complexe – inscrite dans la loi, parce que la période qui sépare leurs contrats est jugée trop importante.
C’est pourquoi le présent amendement vise à étendre la période de référence en reprenant les dispositions de la loi du 3 janvier 2001, dite « loi Sapin », et à ouvrir l’accès à la fonction publique aux agents ayant effectué un contrat d’une durée d’au moins deux mois au cours de l’année précédant le 31 mars 2011.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, parce qu’il est contraire à l’économie de la loi Sauvadet de 2012.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 117, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article 4 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les agents recrutés en application du 2° le sont par contrat à durée déterminée. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Cet amendement tend à stabiliser le cadre juridique applicable aux contractuels. Son adoption permettrait d’éviter de modifier de nombreux textes réglementaires. Elle n’aurait aucune incidence sur le fond, mais permettrait de mieux encadrer ce type d’embauches.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission des lois émet un avis défavorable sur cet amendement.
En effet, elle a transféré à l’article 18 ter du présent projet de loi la disposition figurant précédemment à l’article 17 : celle-ci figurera ainsi au sein de l’article 6 bis de la loi du 11 janvier 1984, qui régit la durée des contrats dans la fonction publique. Sont désormais regroupées des dispositions de même nature
Par ailleurs, la contrainte invoquée par le Gouvernement dans l’objet de l’amendement pour justifier le rétablissement de l’article 17, à savoir la nécessité d’ouvrir un « nouveau chantier normatif », est excessive dans la mesure où le texte de la commission des lois se borne tout simplement à regrouper au sein d’un article dédié les dispositions qui figuraient dans cet article supprimé.
M. le président. En conséquence, l’article 17 demeure supprimé.
7
Nomination de membres d’une commission mixte paritaire
M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée.
La liste des candidats établie par la commission des affaires sociales a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : M. Alain Milon, Mme Anne Emery-Dumas, MM. Michel Forissier, Philippe Mouiller, Jean-Marie Vanlerenberghe, Éric Jeansannetas et Mme Annie David ;
Suppléants : Mme Catherine Deroche, MM. Jérôme Durain, Jean Marc Gabouty, Mmes Catherine Génisson, Pascale Gruny, Hermeline Malherbe et M. Jean Marie Morisset.
8
Commission mixte paritaire
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’information de l’administration par l’autorité judiciaire et à la protection des mineurs.
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.
9
Modification de l’ordre du jour
M. le président. Mes chers collègues, je vous propose de prendre acte de l’impossibilité d’entamer avant demain matin l’examen de la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
10
Nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie
Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie (texte de la commission n° 307, rapport n° 306).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Dériot, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le 19 janvier dernier, la commission mixte paritaire réunie pour élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la fin de vie est parvenue à trouver un accord à l’unanimité.
Après plus d’un an de débats publics et parlementaires, on peut se réjouir qu’une convergence de vues se soit ainsi dégagée entre nos deux assemblées. Sur un sujet aussi important pour nos concitoyens, il aurait été regrettable, me semble-t-il, que le dernier mot revienne à l’Assemblée nationale sans prise en compte des préoccupations et des apports du Sénat.
Le texte issu de la commission mixte paritaire répond aux exigences du Sénat pour clarifier et sécuriser les dispositions du texte, telles que nous les avions défendues avec Michel Amiel, au nom de la commission des affaires sociales.
À l’article 1er, nous avons maintenu la précision voulue par la majorité sénatoriale pour garantir l’accès aux soins palliatifs sur l’ensemble du territoire, et nous avons inscrit dans la loi que chacun a le droit à une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance. Cette formulation traduit mieux l’obligation de moyens, et non de résultat, qui incombe aux professionnels de santé.
Comme le souhaitait également le Sénat, l’article 1er étend l’obligation de formation des professionnels aux pharmaciens et aux psychologues cliniciens et englobe désormais la formation initiale et continue.
À l’article 2, relatif à l’obstination déraisonnable, l’Assemblée nationale a reconnu qu’il n’était pas acceptable de prévoir une automaticité de l’arrêt des traitements et que la volonté du patient devait primer. Conformément à ce principe, le texte précise que la nutrition et l’hydratation artificielles peuvent être arrêtées ou maintenues selon le souhait du malade. Le fait d’inscrire dans la loi qu’il s’agit d’une possibilité, et non d’une obligation, laisse une marge d’appréciation nécessaire.
En cohérence avec l’exigence du Sénat de garantir la prise en compte de la volonté du patient, la commission mixte paritaire a supprimé, à l’article 3, l’expression de l’Assemblée nationale mentionnant la prolongation inutile de la vie. Cette expression était, pour nous tous, inacceptable.
La commission mixte paritaire a acté que le malade en fin de vie demandant une sédation profonde et continue peut s’opposer à ce que sa mise en œuvre soit associée à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie, ce qui inclut donc la nutrition et l’hydratation artificielles.
Il convient d’insister sur un point fondamental : les conditions de mise en œuvre de la sédation profonde et continue ont été encadrées dans le sens que souhaitait notre assemblée.
Le texte distingue donc trois cas.
Premier cas, pour les patients malades en fin de vie, la sédation profonde et continue sera possible en cas de souffrance réfractaire aux traitements.
Deuxième cas, si c’est le patient qui décide d’arrêter ses traitements, comme le droit lui en est reconnu depuis la loi de 2002, cette sédation n’est possible qu’en cas de souffrance insupportable, et non pas, comme le proposaient les députés, en cas d’inconfort majeur. Je rappelle que le texte initial de l’Assemblée nationale ne prévoyait aucune condition. Cela nous avait paru ouvrir la voie vers le suicide assisté, un risque que la rédaction issue de la commission mixte paritaire permet désormais d’écarter.
Enfin, troisième cas, s’agissant des patients malades en fin de vie mais hors d’état d’exprimer leur volonté et n’ayant pas laissé de directives anticipées, les discussions au sein de la commission mixte paritaire ont abouti à une rédaction permettant l’application des bonnes pratiques codifiées par la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs.
Dans tous les cas, la sédation profonde et continue ne sera qu’un ultime recours après échec des autres prises en charge palliatives.
Sur l’initiative du Sénat, il a été précisé qu’à la demande du patient la sédation profonde et continue peut être mise en œuvre à son domicile ou dans un établissement médico-social.
À l’article 4 bis, la commission mixte paritaire a suivi le Sénat pour supprimer le registre tenu par chaque établissement de santé en vue de référencer chaque cas de sédation profonde et continue. Il n’y avait, de toute évidence, aucune raison de distinguer cette pratique des autres soins palliatifs.
J’en viens maintenant aux directives anticipées, qui font l’objet de l’article 8 et à propos desquelles le Sénat avait formulé un certain nombre d’exigences. Ici aussi, le texte du Sénat visait à garantir la liberté du patient.
S’agissant tout d’abord du contenu des directives, la commission mixte paritaire a retenu la rédaction souhaitée par le Sénat, afin qu’il soit aussi possible d’indiquer, dans ces documents, la volonté de poursuivre les traitements. Le texte initial mentionnait exclusivement un souhait d’arrêt ou de limitation des traitements.
Dans le même esprit, à l’initiative du Sénat, le texte de la commission mixte paritaire précise que les directives peuvent être révisées et révoquées par tout moyen. C’est, pour moi, l’occasion de saluer l’important travail de la commission des lois et de son rapporteur, François Pillet, qui s’est également beaucoup investi sur la proposition de loi.
Plusieurs autres dispositions souhaitées par notre assemblée ont été intégrées.
La commission mixte paritaire a acté le caractère facultatif du recours au modèle de rédaction des directives anticipées, afin de ne pas empêcher ceux qui le souhaitent de rédiger leurs directives sur papier libre.
Le texte prévoit également désormais qu’un rappel régulier de l’existence des directives est adressé à leur auteur, lorsque celles-ci sont conservées dans le registre créé à cet effet.
La rédaction proposée par notre commission des lois s’agissant des droits des personnes faisant l’objet d’une mesure de protection juridique a été retenue. La nécessité d’une autorisation du juge ou du conseil de famille pour rédiger des directives anticipées ou désigner une personne de confiance est ainsi limitée aux personnes sous tutelle.
À l’article 9, la commission mixte paritaire a conservé l’obligation de faire cosigner par la personne concernée le document la désignant comme personne de confiance.
Enfin, à l’article 13, les conditions d’application du texte en outre-mer ont été prévues et, à l’article 14, l’objet et la périodicité du rapport annuel sur les conditions d’application du texte et le développement des soins palliatifs sont précisés.
Fort de toutes ces clarifications, le texte préserve l’équilibre entre droits du malade et obligations de prise en charge par les équipes soignantes.
En 2005, pour avancer au plus vite, le Sénat avait adopté sans modification le texte de la proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie, devenue la loi Leonetti. Sur le texte qui nous est aujourd’hui soumis, il fallait prendre tout le temps parlementaire nécessaire aux clarifications et aux garanties que nos concitoyens sont en droit d’exiger.
Le dialogue au sein de la commission mixte paritaire a été constructif, puisque nos collègues députés ont admis la nécessité de modifier leur texte initial sur plusieurs points fondamentaux et que les exigences du Sénat ont été traduites dans le texte.
Avant de conclure, je voudrais remercier notre collègue Michel Amiel, qui, en qualité de corapporteur, s’est beaucoup impliqué dans l’étude de cette proposition de loi et a su apporter à nos travaux toute sa connaissance professionnelle.
Je voudrais également remercier François Pillet qui, en qualité de rapporteur pour avis de la commission des lois, a très utilement complété le texte, ainsi que, vous-même, monsieur le président de la commission des affaires sociales, cher Alain Milon, pour nous avoir toujours soutenus et apporté vos conseils avisés.
Enfin, je voudrais remercier ceux de nos collègues qui ont siégé à la commission mixte paritaire : Mmes Françoise Gatel, Laurence Cohen, Catherine Génisson, Chantal Deseyne et MM. Georges Labazée, Jean-Pierre Godefroy, François Pillet, Michel Amiel, qui se sont impliqués pour défendre les volontés du Sénat et ont permis d’aboutir à un vote unanime. Ils ont constitué une véritable équipe de défense du Sénat et de ses volontés !
C’est pourquoi, mes chers collègues, la commission des affaires sociales vous demande aujourd'hui d’adopter les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, l’Assemblée nationale vient d’adopter, voilà quelques heures, le rapport de la commission mixte paritaire sur cette proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. Si, à votre tour, dans quelques instants, vous adoptez ce texte, nous parviendrons ainsi au terme du parcours législatif que nous avons entamé voilà près d’un an, à l’issue de longs mois de discussions dans le pays et au sein des assemblées.
Le débat a été long, il a été participatif. C’est normal, et je veux le dire à ceux qui s’étonnent parfois de ce que nous ayons consacré des mois, des années en réalité, à proposer cette nouvelle avancée. C’est normal, parce qu’il a fallu consulter. Tel fut l’objet de rapports successifs remis par des personnalités ou des institutions remarquables. Le premier d’entre eux a été porté par le professeur Sicard, et le second par le Comité consultatif national d’éthique, qui a organisé des débats en régions et une conférence citoyenne. Chacun a pu s’exprimer : associations, professionnels de santé, grandes familles de pensée ou grandes familles religieuses.
Ce travail était nécessaire, parce que, lorsque nous évoquons la fin de vie, lorsque nous voulons modifier les textes qui la régissent, nous définissons les valeurs qui sont les nôtres, la manière dont la société tout entière se projette dans l’avenir, fait une place à l’expression de la liberté, de l’autonomie. Au fond, c’est bien à cela que nous devons répondre.
Les Français, nous le savons tous, expriment une exigence forte : celle de la dignité. Ce mot, qui ne s’était pas invité dans les débats au cours des années précédentes, s’est véritablement imposé. Cette exigence de dignité rejoint l’aspiration à la liberté, à l’expression de l’autonomie de la personne.
Ces attentes, ces demandes sont fortes. C’est pour y répondre que le Président de la République avait pris lors de sa campagne l’engagement de permettre à toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable et ne pouvant être apaisée, de demander, dans des conditions strictes et précises, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, certains d’entre nous sont, par nature, par conviction politique, plus attentifs à cela que d’autres, mais cet engagement pris par le Président de la République est tenu. D’aucuns considèrent, et je l’entends parfaitement, qu’il aurait pu donner lieu à d’autres orientations. Il y avait assurément d’autres manières de le concrétiser, mais nul ne peut dire que ce n’est pas le cas.
Le texte tel qu’il est issu de vos débats est au rendez-vous de cette exigence. Je vous le dis très sincèrement, en votant cette loi, vous consacrerez une avancée historique, parce que, pour la première fois, c’est le malade qui est au cœur de la décision relative à la fin de sa vie. Jusque-là, les décisions, les règles qui existaient, la loi qui avait été votée, étaient consacrées aux médecins, à la définition de leurs droits et de leurs devoirs.
Pour la première fois, la loi se place du point de vue du malade et de l’expression de sa liberté et de sa volonté.
Il s’agit d’abord pour le malade de voir sa souffrance apaisée. Ce devrait être une évidence, pourtant, ce n’est pas encore le cas aujourd’hui. Comme vous l’avez dit unanimement sur ces travées, il est insupportable et inacceptable que, en ce début de XXIe siècle, dans un pays développé comme le nôtre, l’accès aux soins palliatifs reste à ce point aléatoire et inégal sur notre territoire.
C’est la raison pour laquelle le texte de loi que vous examinez sans doute pour la dernière fois consacre un droit à accéder aux soins palliatifs sur l’ensemble du territoire.
Sans attendre votre vote, j’ai présenté le 3 décembre dernier un plan national pour les soins palliatifs et l’accompagnement en fin de vie qui se mettent en place de manière résolue. Je le disais, l’objectif est de garantir l’égal accès de tous à ces soins. Ce plan, pour lequel nous mobiliserons 190 millions d’euros sur trois ans, s’articule autour de quatre axes.
Le premier axe est l’information des patients sur leurs droits. C’est pour atteindre cet objectif que, d’ici un an, nous mettrons en place une grande campagne nationale de communication qui portera en particulier sur les directives anticipées ; j’y reviendrai.
Le deuxième axe est le développement des prises en charge au domicile des personnes malades, y compris dans les établissements sociaux et médico-sociaux, puisque le domicile, ce peut être une maison de retraite.
Dès 2016, 30 nouvelles équipes mobiles de soins palliatifs seront déployées sur l’ensemble du territoire. Un financement spécifique sera accordé aux projets territoriaux innovants. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 a d’ailleurs inscrit les budgets nécessaires.
Le troisième axe consiste à accroître les compétences des professionnels et des acteurs concernés. Il s’agit ici de structurer et de décloisonner la formation aux soins palliatifs, parce que l’ensemble des professionnels de santé nous l’ont dit, ils ne se sentaient pas nécessairement préparés, en tout cas ils l’étaient inégalement, et ils avaient besoin de formation. Nous allons, pour cela, à la demande de ceux que l’on appelle les « palliativistes », créer une filière universitaire dédiée.
Enfin, quatrième axe, pour réduire les inégalités d’accès, nous créerons dès cette année au moins six nouvelles unités de soins palliatifs, avec pour objectif que l’ensemble du territoire soit équitablement desservi.
Cet engagement en faveur du développement des soins palliatifs est important, il est nécessaire – c’est une exigence –, mais il ne suffit pas à répondre à toutes les attentes.
Nous savons bien que, par-delà l’accès aux soins palliatifs, des souhaits s’expriment pour que la fin de vie se déroule dans un contexte de dignité correspondant aux attentes des malades. Les progrès de la médecine à cet égard sont, si j’ose dire, ambigus pour certains. Ils sont une chance indéniable, puisqu’ils permettent à tous ceux de nos concitoyens qui sont malades de vivre plus longtemps. Toutefois, ils génèrent aussi des fins de vie plus longues, plus difficiles, plus douloureuses pour les malades et leurs familles. Parfois, on voit bien que ce sont les assistances techniques qui maintiennent en vie, alors même que la capacité du corps, la capacité de la personne à vivre sont elles-mêmes fortement atteintes.
Les malades veulent donc pouvoir décider. Or, en l’état actuel, notre droit ne répond qu’imparfaitement à cette attente, puisque seul le médecin aujourd’hui est en mesure de décider d’arrêter les traitements et d’accompagner le malade dans cette ultime étape.
La grande force de ce texte, ce qui en fait une avancée historique, est de renverser la logique de la décision. Concrètement, ce n’est plus le médecin qui est placé en première ligne. C’est bien la personne, et elle seule, dès lors que la maladie dont elle souffre est incurable et que son pronostic vital est engagé à court terme, qui pourra demander une sédation continue jusqu’au décès.
Pour que ce choix puisse être respecté, encore faut-il qu’il ait été formulé, si la personne malade en fin de vie ne peut pas ou ne peut plus l’exprimer. Les directives anticipées existent, mais restent très peu utilisées ; seuls 2,5 % des Français en ont rédigé. Il convient de se demander pourquoi : sans doute parce que ce droit est mal connu ; ensuite parce qu’on ne sait pas toujours comment le mettre en œuvre concrètement. Rédiger une directive anticipée, c’est écrire quoi, comment ? Et à qui la confier ?
On ne sait pas non plus qu’aujourd’hui la durée de vie d’une directive anticipée est de trois ans, ce qui n’encourage pas une personne encore jeune à en rédiger.
Enfin, nous ne sommes pas assurés, en rédigeant une telle directive, qu’elle sera respectée, dans la mesure où ces directives anticipées ne sont actuellement que l’un des éléments pris en compte dans la décision médicale.
Le texte sur lequel vous allez vous prononcer, mesdames, messieurs les sénateurs, donne un caractère contraignant aux directives anticipées, qui s’imposeront à tous dès lors qu’elles expriment évidemment la volonté du patient. Elles seront valables sans limites de temps. En outre, les Français seront mieux informés de leur existence ; c’est la raison pour laquelle je disais que ce serait l’un des enjeux de la campagne de communication. Nous ferons en sorte que l’accès à ces directives soit rendu plus simple, pour les professionnels comme pour les patients.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les débats parlementaires qui se sont tenus tout au long de l’année écoulée, au-delà des convictions de chacune et de chacun d’entre vous, nous ont permis de nous rassembler autour de ce texte. Il est d’ailleurs positif que la commission mixte paritaire ait adopté une version consensuelle à l’unanimité de ses membres.
Ces débats nous ont permis, vous ont permis notamment de vous exprimer, chacune, chacun, dans la diversité de vos positions. Certains ont estimé qu’il fallait dès à présent aller plus loin, sans que ce « plus loin » ait nécessairement le même sens pour tous. D’autres, au contraire, auraient voulu en rester à l’état actuel du droit, inquiets de voir reconnue l’autonomie du malade dans la prise de décision le concernant.
Le débat est par définition toujours légitime, mais il est surtout toujours utile. L’un des articles du texte prévoit que le Parlement évaluera l’application de la loi.
Je me réjouis du rassemblement qui s’opère, parce que se rassembler, c’est donner de la force à cette avancée historique. Se rassembler, c’est montrer que nous sommes en mouvement, collectivement, à l’écoute d’une société qui a besoin de réponses nouvelles à ses préoccupations.
Se rassembler, c’est aussi décliner concrètement les valeurs de notre République : la liberté, celle de pouvoir choisir et décider pour soi-même ; l’égalité, celle de l’accès de tous les Français à ce droit nouveau ; la fraternité, surtout, qui nous permet à la fois humanité, bienveillance et respect à l’égard des malades.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous franchissons une étape historique dans le respect de la volonté des personnes malades. Je sais que certains auraient voulu que nous allions plus vite, plus loin, mais personne ne peut décréter la fin de l’histoire, puisque, par définition, la société est en mouvement. Il appartient à ceux qui sont ou seront un jour à votre place, à notre place, de voir collectivement comment ils se saisiront de ces débats.
La société est en constante évolution et réflexion. Je salue à cet égard le rôle et le travail des associations, fortement mobilisées.
Quelles que soient les positions des uns et des autres, quelles que soient leurs attentes, ma conviction est que cette loi marquera une avancée très significative pour les Français et pour les patients. Sous-estimer une telle avancée ne serait pas rendre hommage à leurs attentes et répondre à leurs préoccupations. Je vous remercie donc par avance du vote que vous allez émettre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel.
Mme Françoise Gatel. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous avons ici longuement et démocratiquement débattu du texte sur la fin de vie, texte qui contenait, vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, madame la ministre, deux évolutions importantes par rapport à la loi Leonetti : la sédation profonde et continue pour des personnes atteintes d’une maladie incurable, réfractaire à tout traitement et dont le pronostic vital est engagé à court terme ; le caractère contraignant des directives anticipées. En devenant contraignantes, celles-ci sécuriseront la décision du médecin et assureront au malade le respect légitime de sa volonté.
Ce texte a effectivement donné lieu à des débats, nourris par nos convictions les plus profondes et nos valeurs les plus personnelles. Vole-t-on leur mort à ceux qui n’ont plus que quelques moments à vivre ? Vole-t-on des moments de partage et d’affection avec les proches quand la science est devenue impuissante à guérir ? Porte-t-on atteinte à la vie en accordant, au dernier instant de cette vie, le repos qui apaise et allège les souffrances ? Notre société peut-elle condamner ceux qui ont atteint la fin du chemin de leur vie à mourir dans la souffrance et l’angoisse, quand le médecin est confronté à son impuissance et à ses limites ?
Nous avons débattu comme nous aurions avancé sur un chemin de crête, en recherche constante d’un équilibre fragile, et nous avons, je le crois, trouvé la voie.
Nous pouvons en effet nous réjouir d’avoir su travailler ensemble à l’élaboration d’un texte mesuré et modéré dans l’objectif du bien commun, un texte qui représente une véritable avancée pour les patients, un texte équilibré qui permet de répondre à l’exigence d’une fin de vie apaisée, sans pour autant banaliser des actes pouvant conduire à la mort.
Je tiens à saluer, avec une très grande sincérité, la qualité du travail accompli par le président de la commission des affaires sociales, M. Alain Milon, et par nos deux corapporteurs, MM. Michel Amiel et Gérard Dériot. À l’instar de M. Dériot, je souligne la part prise par les membres de la commission mixte paritaire et par M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois, qui nous a accompagnés.
À mon sens, ce travail de la commission mixte paritaire est un bel exemple de la qualité de l’action législative, respectueuse de nos deux assemblées. Preuve en est le vote unanime de ses membres.
Certes, la nutrition et l’hydratation artificielles ont été définies non comme des soins, ainsi que nous le souhaitions, mais comme des traitements, ce pour tenir compte des lois précédentes. Toutefois, est clairement énoncée la possibilité donnée aux médecins d’apprécier leur poursuite ou leur arrêt, en accord avec le malade ou la personne de confiance.
Au reste – M. Dériot l’a rappelé –, le texte définitif que nous examinons ce soir est conforme aux attentes du Sénat, dont certains apports ont d’ailleurs été pris en compte par la commission mixte paritaire.
Tout d’abord, je veux évoquer le respect de la volonté affirmée par plus de 70 % des Français de mourir chez eux, entouré des siens : le présent texte garantit que la sédation puisse être assurée non seulement au sein d’un établissement de santé ou d’un EHPAD, mais aussi au domicile du patient, lorsque les conditions le permettent.
Ensuite, je pense au développement des soins palliatifs sur l’ensemble du territoire. Madame la ministre, vous avez insisté sur cet enjeu. La Haute Assemblée en a fait une exigence. Soyez assurée qu’elle sera, à cet égard, extrêmement vigilante.
Enfin, au nombre des apports du Sénat qu’a respectés la commission mixte paritaire, je tiens à citer la prévalence du témoignage de la personne de confiance.
Mes chers collègues, dans quelques instants, nous serons appelés à nous prononcer sur la présente proposition de loi. Nous l’avons dit à plusieurs reprises : ce texte est fait pour ceux qui vont mourir, et non pour ceux qui veulent mourir.
La fin de vie dérange, dans une société qui a chassé la mort du réel. Elle soulève des questions philosophiques, morales, éthiques et religieuses extrêmement personnelles. Mais nous légiférons ici au nom de la République.
Ce texte représente un juste engagement de la société à ne pas abandonner les siens à l’heure ultime.
Aussi, les membres du groupe UDI-UC voteront, à la quasi-unanimité, cette proposition de loi, convaincus de concourir à l’accomplissement d’un devoir d’humanité et de bienveillance envers les plus vulnérables d’entre nous, ceux qui vont mourir. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)