M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à mon tour, je me réjouis qu’après un an de débat parlementaire nous ayons pu, députés, députées, sénatrices et sénateurs de la commission mixte paritaire, aboutir à un accord à l’unanimité sur ce texte créant de nouveaux droits pour les personnes en fin de vie.
À cet égard, je salue le travail des parlementaires de la commission mixte paritaire, à laquelle j’ai pris part. Ils ont laissé de côté leurs a priori, voire leurs divergences, et ont ainsi pu aboutir à une rédaction consensuelle qui n’en rabat pas sur l’intérêt des malades.
Je salue en particulier le rôle positif joué par Gérard Dériot et Michel Amiel, corapporteurs pour le Sénat, et par Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Nous sommes parvenus à nous extraire du débat réducteur « pour ou contre l’euthanasie », pour aboutir à un accord sur cette proposition de loi cosignée par Alain Claeys et Jean Leonetti, qui ont tous deux joué un rôle très constructif.
J’apprécie que, sur une question éthique qui renvoie les élus à leur histoire personnelle, à leurs convictions les plus intimes, nous soyons parvenus à proposer un texte respectant les personnes en fin de vie. Certains parmi nous auraient sans doute préféré que le présent texte s’engage plus loin, mais les progrès accomplis sont manifestes.
En cet instant, permettez-moi d’avoir une pensée pour Guy Fischer, qui s’était largement impliqué dans ce débat, notamment en faveur de l’euthanasie active.
M. François Pillet. Tout à fait !
Mme Laurence Cohen. J’en viens à la présente proposition de loi, qui contient des avancées quant au caractère contraignant des directives anticipées et quant au droit à la sédation profonde et continue.
L’article 8 du texte issu de la commission mixte paritaire permettra d’imposer les directives anticipées au médecin, sauf dérogations, qui sont précisées. Il s’agit là d’un progrès : désormais, les personnes pourront rédiger librement ou via un formulaire leurs directives anticipées, qui s’imposeront aux praticiens dans la plupart des cas.
Avec ma collègue Annie David, qui suit ce dossier depuis longtemps, nous étions intervenues pour que la volonté du patient prime celle du médecin. À ce titre, la nouvelle rédaction de l’article 8 est un bon compromis entre volonté du patient et respect de la compétence du médecin.
Pour ce qui concerne la sédation en phase terminale, l’article 3, tel qu’il est rédigé à l’issue des travaux de la commission mixte paritaire, semble également un bon équilibre entre les différentes positions exprimées.
La sédation ne concernera que les patients atteints d’une affection grave et incurable qui décideraient l’arrêt d’un traitement engageant leur pronostic vital à court terme, ce uniquement lorsque cette décision serait susceptible d’entraîner une souffrance insupportable.
En d’autres termes, il n’est pas question de légiférer sur le suicide assisté. Pour ma part, je le regrette. Je souhaite que des évolutions se produisent, dans un futur texte de loi tenant compte des « bougers » qui se produisent au sein de notre société.
À ces points de blocage s’ajoutait la question de l’hydratation et de l’alimentation artificielles.
À l’origine, le texte de l’Assemblée nationale prévoyait que l’hydratation et l’alimentation artificielles constituaient un traitement et que, de ce fait, elles pouvaient être interrompues.
Les élus du groupe CRC sont de celles et ceux pour qui l’hydratation ne doit pas être arrêtée en cas de sédation profonde.
En définitive, la commission mixte paritaire a retenu que l’alimentation et l’hydratation artificielles étaient bien des traitements, mais qu’elles ne pourraient plus être interrompues de matière automatique en même temps que les autres traitements.
Le compromis atteint est donc bel et bien satisfaisant, l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation étant décidé au cas par cas.
À cela s’ajoute un autre point positif : cette proposition de loi n’envisage pas la fin de vie dans les seuls établissements de santé. Elle la prévoit également à domicile.
Au-delà des questions que je viens d’évoquer, et qui font l’objet d’une rédaction équilibrée à l’issue des travaux de la commission mixte paritaire, le présent projet de loi contient des mesures qui amélioreront l’accompagnement des patients en fin de vie.
Je fais ici référence aux formations des étudiants en médecine, des médecins, des infirmiers, des aides-soignants et des aides à domicile à la mise en place des soins palliatifs ; à la rédaction par chaque agence régionale de santé d’un rapport annuel dédié à la prise en charge des soins palliatifs des patients ; à l’obligation, pour le médecin, de respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité ; enfin, à la création d’un véritable statut de la personne de confiance. Désormais, un patient majeur pourra désigner une personne de confiance qui assistera, à ses côtés, aux entretiens médicaux et qui l’aidera dans ses décisions.
Maintenant qu’un accord politique a été dégagé, qui, je l’espère, sera conforté par le vote du Sénat, il reste encore à donner au présent texte les moyens d’être appliqué. En effet, des moyens humains et financiers sont nécessaires pour informer les professionnels et les patients et rendre les établissements de santé à même d’accueillir les patients en fin de vie.
À ce titre, je rends hommage à nos équipes médicales, qui accomplissent un travail remarquable malgré la faiblesse des moyens dont, trop souvent, elles disposent.
Je rappelle que seulement 20 % des personnes qui ont besoin aujourd’hui de soins palliatifs peuvent en bénéficier, et que 45 % des départements n’ont pas d’unité de soins palliatifs à proposer aux patients.
La volonté politique devra donc s’accompagner de financements supplémentaires réels.
Madame la ministre, vous avez déclaré avoir dégagé 40 millions d’euros supplémentaires pour réduire les inégalités d’accès aux soins palliatifs sur le territoire national, ce qui a permis de créer trente équipes mobiles et six unités de soins palliatifs à compter de 2016. Cet effort mérite d’être salué, mais, à mon sens, il ne peut être analysé qu’à la lumière des réalités.
En effet, on ne peut oublier le terrible déficit dont souffre, dans notre pays, l’offre de soins palliatifs, qui n’est que de 1,5 lit pour 100 000 habitants.
Nous resterons donc très attentifs à la poursuite et à l’amplification des moyens mobilisés pour garantir des soins palliatifs de qualité dans l’ensemble de nos territoires.
Mes chers collègues, ces remarques étant faites, je vous annonce que les membres du groupe CRC voteront cette proposition de loi. Le présent texte crée de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie, autrement dit pour celles et ceux qui vont mourir, et non pour celles et ceux qui émettent le souhait de mourir. Mais c’est une autre histoire, que nous nous écrirons peut-être ensemble ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC. – MM. les corapporteurs et M. le président de la commission des affaires sociales applaudissent également, ainsi que M. Michel Savin.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.
Mme Catherine Génisson. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les corapporteurs, mes chers collègues, c’est avec émotion que je prends la parole aujourd’hui, devant vous, au nom du groupe des sénateurs socialistes et républicains, pour approuver les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.
Le débat que nous avons, depuis de longs mois, sur cette proposition de loi, est à l’honneur du Parlement. Au demeurant, je souligne avec plaisir que cette nouvelle législation est le fruit d’une initiative parlementaire.
Cette discussion, qui dure depuis près d’un an, fait suite à de nombreux travaux préparatoires, dont le rapport du professeur Sicard, remis au Président de la République, et celui de nos collègues députés, MM. Alain Claeys et Jean Leonetti, remis au Premier ministre.
Le Président de la République a souhaité que, dans ce domaine, une solution largement partagée soit trouvée. En effet, la fin de vie est un sujet qui nous concerne tous. Nous avons tous été confrontés à la mort de proches, et nous devrons tous, tôt ou tard, affronter notre propre mort. Face à ce sujet, le plus intime qui soit, les clivages traditionnels s’effacent, et il ne saurait être question de juger les positions de chacun sur ces enjeux fondamentaux.
Je salue le très grand travail accompli par la commission mixte paritaire. Cette dernière a abouti à un texte de compromis le mardi 19 janvier dernier. Ses conclusions ont été adoptées à l’unanimité de ses membres, sénateurs et députés, qui ont travaillé dans un esprit de responsabilité et de concorde sans nier les différences qui pouvaient exister.
Le Sénat a, c’est incontestable, apporté une contribution décisive à ce texte.
Depuis de nombreuses années, les différents groupes politiques de la Haute Assemblée sont mobilisés sur cet enjeu crucial.
Pour le groupe socialiste et républicain, je veux citer Jean-Pierre Godefroy, en soulignant la qualité et la constance de la réflexion qu’il a développée sur ce sujet, même s’il peut considérer, comme d’autres, que la législation que nous nous apprêtons à adopter ne va pas suffisamment loin.
Je tiens également à remercier le président de la commission, Alain Milon, de la très grande sérénité avec laquelle il a conduit les débats. Son sens du dialogue et de l’écoute nous a incontestablement permis d’aboutir à ce compromis satisfaisant. (Bravo ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Nos corapporteurs, MM. Amiel et Dériot, ainsi que le rapporteur pour avis de la commission des lois, M. Pillet, ont également pris, par la qualité de leurs travaux, une part importante dans ce débat.
Enfin, madame la ministre, je veux rendre hommage à votre qualité d’écoute, à votre sens du dialogue et à votre force de conviction, lesquels ont parfaitement illustré la volonté présidentielle et gouvernementale que soit écrit un texte largement partagé.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, je précise, à la suite de beaucoup d’autres, que cette proposition de loi n’ouvre pas le droit à l’euthanasie ou au suicide assisté. Ce texte, si nous l’adoptons, reste dans l’esprit de la loi Leonetti de 2005, qui s’appuyait elle-même sur la loi Kouchner de 2002.
Par ailleurs, le Président de la République et le Gouvernement se sont engagés à développer les soins palliatifs et la formation des soignants avant toute avancée législative.
Madame la ministre, je vous remercie d’avoir présenté, le 3 décembre, un plan allant dans ce sens. Je le sais, vous êtes très attachée à ce sujet.
Oui, il faut encore renforcer les soins palliatifs, tant en hospitalisation qu’en équipes mobiles. De même, vous l’avez souligné, il est très important de s’attacher à la formation des acteurs de santé du monde libéral. Vivre sa fin de vie dans son propre univers, c’est une fréquente revendication de nos concitoyens. Dès lors, il faut reconnaître la valeur de ces actes à domicile qui, aujourd’hui, restent d’ailleurs insuffisamment rémunérés, quand la technique s’efface devant l’accompagnement humaniste.
Encore merci, madame la ministre, de votre engagement, auquel, bien entendu, nous resterons très attentifs.
Les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie ouvrent un droit à la sédation profonde et continue jusqu’au décès, lorsque le patient atteint d’une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme subit une souffrance insupportable et réfractaire à tout traitement.
La reconnaissance de ce droit à une sédation profonde et continue répond à une attente incontestable de nos concitoyens. Elle s’inscrit dans le respect des soins palliatifs et des droits des malades. Pour y avoir recours, il faut que la mort soit imminente et la souffrance ressentie par le malade réfractaire aux traitements.
Ces conditions, inscrites dans la présente proposition de loi, préviendront toute dérive. Les sénateurs ont joué un rôle décisif dans la mise en place de ces nécessaires garde-fous.
Mme la ministre l’a dit et répété : le but du présent texte, c’est de mettre le citoyen, le malade au cœur du dispositif, avec l’équipe médicale. Il s’agit là d’un véritable renversement de situation par rapport aux textes en vigueur jusqu’à présent.
D’importants échanges entre le Sénat et l’Assemblée nationale ont concerné l’hydratation et la nutrition artificielles. Ces débats, qui sont à l’honneur du Parlement, durent depuis de nombreuses années, puisque l’hydratation et l’alimentation artificielles étaient déjà des sujets en discussion lors de l’examen de la loi Leonetti, en 2005.
Lors de la commission mixte paritaire, les députés et les sénateurs ont trouvé un compromis satisfaisant sur ces sujets. Nous avons ainsi admis, comme le Conseil d’État et la Commission européenne des droits de l’homme, que l’hydratation et la nutrition artificielles sont des traitements, qui peuvent être arrêtés. L’arrêt de l’hydratation et de l’alimentation artificielles est une possibilité et non une obligation. La décision se fera donc au cas par cas, en fonction du patient. La rédaction de la commission mixte paritaire me paraît donc satisfaisante.
Le rôle du législateur est ici particulièrement difficile, comme souvent pour les textes qui concernent la santé : on légifère toujours plus sur des critères médicaux, alors même que la médecine est une science humaine empreinte de questionnements légitimes.
Les directives anticipées par lesquelles chacun pourra stipuler son refus d’un acharnement thérapeutique ont également donné lieu à de longs et fructueux débats au sein de la commission mixte paritaire. Fructueux, car, sur ce point crucial, nous sommes également arrivés à un compromis satisfaisant entre sénateurs et députés.
Ainsi, les directives anticipées s’imposent au médecin dans un cadre très précis ; elles sont révisables et révocables à tout moment et par tout moyen. Ce point est très important, car une situation d’abord perçue comme désespérée peut évoluer favorablement. Il faut pouvoir continuer à traiter le patient tant que sa vie n’est pas en danger absolu.
Les directives anticipées s’imposent donc au médecin, mais elles ne sont pas opposables. Le médecin pourra y déroger en cas d’urgence vitale s’il les juge manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale.
Là encore, j’exprime la satisfaction de mon groupe politique devant le compromis satisfaisant trouvé entre sénateurs et députés.
En conclusion de mon propos, je veux insister sur l’importance de cette nouvelle législation. Elle est satisfaisante dans la mesure où elle répond selon moi le plus justement possible à une demande très forte de nos concitoyens. Madame la ministre, vous l’avez dit, ce texte est historique.
Chacun d’entre nous est concerné par cette question, chacun d’entre nous a été confronté à la mort de proches et sera concerné par sa propre fin.
Il est très difficile de légiférer sur la fin de vie, mais je suis persuadée que nous y sommes parvenus, à la demande du Président de la République et du Gouvernement,…
M. Alain Fouché. La proposition du Président de la République allait bien plus loin !
Mme Catherine Génisson. … en nous appuyant sur les compétences issues de toutes les travées.
Certains d’entre nous voient cette législation comme une étape.
En tout état de cause, mon groupe politique se satisfait pleinement de ce nouveau dispositif législatif qui vise à mettre le patient au cœur de la décision, en lien, bien sûr, avec l’équipe médicale.
Le groupe socialiste et républicain se félicite également de la qualité de la coproduction législative entre le Sénat et l’Assemblée nationale. Il faut plus particulièrement insister sur l’importance du travail des sénateurs sur cette question, au moment où certains remettent en cause l’existence même de notre Haute Assemblée.
Au début de mon propos, j’insistais sur l’émotion que je ressens aujourd’hui, prenant la parole à l’occasion de la présentation des conclusions de la commission mixte paritaire sur cette proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. Oui, mon émotion est réelle, tant il est rare dans une vie politique de débattre de sujets si cruciaux.
Comme vous l’avez certainement tous compris, le groupe socialiste et républicain du Sénat honorera ce rendez-vous très important de notre vie démocratique et votera donc avec détermination les conclusions de la commission mixte paritaire sur cette proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains. – M. Gérard Roche applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, cher François Pillet, mes chers collègues, je souhaite d’abord rendre hommage à tous ceux qui ont travaillé sur ce sujet, ceux qui sont présents, ceux qui sont absents, ceux qui nous ont quittés, ceux qui sont encore de ce monde, et remercier Jean Desessard et Marie-Christine Blandin d’avoir passé le témoin sur cette question difficile.
Après trois ans de travaux marqués par la succession de nombreux rapports et consultations - le rapport Sicard, l’avis 121 du Comité national consultatif d’éthique, le jury citoyen, la consultation des députés Alain Claeys et Jean Leonetti -, nous voici devant le texte qui constitue une réponse à l’engagement 21 du candidat François Hollande.
M. Philippe Mouiller. C’est bien le seul !
Mme Corinne Bouchoux. Après deux lectures parfois mouvementées au Sénat, les députés et les sénateurs se sont accordés en commission mixte paritaire sur une version commune. Je tiens ici à saluer leur travail.
L’équilibre sur ce texte a été très malmené tout au long des discussions. Reconnaissons qu’il n’était sans doute pas facile de parvenir à un consensus.
Pour autant, le texte ne nous donne pas entièrement satisfaction. Il s’agit pour nous d’une étape. Nous avons cru comprendre, dans vos propos, qu’il en allait de même pour vous, madame la ministre. Nous nous félicitons, cependant, qu’il ne constitue pas un recul sur la loi Leonetti de 2005.
La sédation profonde et continue jusqu’au décès est le point essentiel du texte, et il fut le plus contesté, de chaque côté. La sédation profonde et continue ne sera jamais la réponse à une demande d’assistance médicalisée active à mourir, mes collègues l’ont dit. Elle ne saurait être le seul moyen pour assurer le droit à une fin de vie digne.
Certains continueront donc à partir à l’étranger pour y trouver la possibilité d’une assistance active à mourir que ce texte ne permet pas, mais ce n’était pas son objectif. Cette assistance active à mourir sera toujours réservée à ceux qui ont les moyens de s’expatrier pour en bénéficier.
En ce qui concerne la sédation profonde et continue, son champ d’application demeure restreint. Pour rassurer les plus réticents, au-delà de la seule volonté du patient, une disposition limitera les cas où cette sédation sera mise en œuvre. Le droit à une sédation sera ouvert aux patients en toute fin de vie, uniquement si l’arrêt des traitements provoque une souffrance insupportable.
Cependant, si la proposition de loi affirme créer de nouveaux droits, elle ne place pas toujours, selon nous, le patient au cœur de la décision.
Le groupe écologiste comprend la recherche du compromis, elle est nécessaire, mais celui auquel la commission mixte paritaire est parvenue nous semble encore insuffisant.
Fort heureusement, il arrive que la recherche de l’équilibre permette de retomber dans le bon sens. C’est le cas en ce qui concerne les directives anticipées, qui deviennent contraignantes. Il s’agit d’une avancée, que nous saluons.
Les modifications introduites par les sénateurs ont cependant été conservées. Elles limitent le caractère contraignant des directives, puisque le médecin de fait peut s’en affranchir quand elles ne sont pas « conformes à la situation médicale ».
Une autre notion impose également une forme de restriction : les directives ne s’imposent pas au médecin s’il les juge « manifestement inappropriées ». Le terme est flou et fait craindre des blocages.
Madame la ministre, votre annonce concernant la campagne de communication sur ces directives va dans le bon sens. Il faut conforter cette communication. Mais, si informer est une bonne chose, il sera également nécessaire de veiller à la bonne application des textes afin d’éviter une mauvaise interprétation. Nous comptons également sur le renforcement des moyens alloués aux soins palliatifs.
Nous souhaitons qu’il soit possible un jour d’aller plus loin, et peut-être pas dans un avenir trop lointain. N’attendons pas encore dix ans pour changer la législation en la matière ! Nos concitoyens et nos concitoyennes souhaitent obtenir rapidement des réponses nouvelles afin de choisir leur fin de vie, ce que ce texte ne permet pas, car il s’adresse à ceux qui vont mourir et non à ceux qui souhaitent abréger leurs souffrances.
Le Sénat a une responsabilité : prendre en compte les attentes et entendre ce que réclame une très grande majorité de la population.
Nous ne souscrivons pas à la prudence de la proposition de loi, nous sommes réservés sur un certain nombre de points, je l’ai dit, mais le texte qui nous a été soumis est politiquement équilibré, juste, sensé et, dans son énoncé, en tout cas, respectueux des malades.
De ce fait, les membres du groupe écologiste le voteront presque tous, à l’exception d’une abstention. Nous exprimons ainsi notre satisfaction d’avoir collectivement trouvé l’équilibre intelligent sur ce sujet.
M. Alain Fouché. Je suis bien d’accord avec vous !
Mme Corinne Bouchoux. Ce n’est pas le texte dont rêve l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, et j’en suis sincèrement désolée. Toutefois, on ne recule pas et, en ce moment, ne pas reculer, c’est déjà avancer ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel.
M. Michel Amiel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est présenté ce soir, issu des discussions de la commission mixte paritaire, s’inscrit dans la lignée directe de la loi Leonetti de 2005, mais permet aussi de revenir aux fondamentaux des lois de 1999 sur les soins palliatifs, et de 2002 sur les droits du patient.
Ce texte place la personne malade en fin de vie au cœur de la décision, qu’elle soit en mesure de l’exprimer directement ou qu’elle ait pris ses dispositions en rédigeant des directives anticipées.
Ainsi, il s’agit bien, comme le rappelle le titre de cette proposition de loi, de « nouveaux droits ». Ce texte consacre donc, pour ces patients, la possibilité de demander et de bénéficier d’une sédation profonde et continue dans certaines conditions, quand leur souffrance ne peut plus être prise en charge autrement. M. Leonetti décrit cette disposition comme « un droit de dormir, pour ne pas souffrir, avant de mourir. »
Concernant la question épineuse de l’alimentation et de l’hydratation artificielles, si le texte précise bien qu’il s’agit de traitements, comme l’avait d’ailleurs exprimé le Conseil d’État, il précise néanmoins qu’ils peuvent être arrêtés.
Autres points tout aussi importants, la place faite à la procédure collégiale et à la personne de confiance. Je dis bien « procédure collégiale », et non « décision collégiale ». Elle permettra non seulement de vérifier les conditions de mise en œuvre de la sédation, mais aussi d’analyser l’applicabilité des directives anticipées, constituant donc une aide, précieuse, à la décision médicale, si ces directives n’existaient pas ou bien si elles apparaissaient « manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale. »
Sur la forme des directives anticipées, il a été décidé d’adopter un modèle émanant de la Haute Autorité de santé, mais qui ne sera pas obligatoire. Ces directives pourront ainsi être écrites sur papier libre. Cette volonté d’une moindre rigidité dans la rédaction se retrouve dans la possibilité de réviser ou de révoquer ces directives sans formalisme particulier.
Enfin, une distinction est prévue entre les directives écrites, selon que leur auteur se sait malade ou non. La personne de confiance sera habilitée, elle, à faire connaître le témoignage d’un patient hors état de s’exprimer. Le texte dispose que « son témoignage prévaut sur tout autre témoignage. »
Trente-cinq ans d’exercice de la médecine générale m’ont convaincu que la fin de vie peut être accompagnée à domicile ou en EHPAD, et pas seulement à l’hôpital.
M. Pierre Médevielle. Oui !
M. Bruno Retailleau. Absolument !
M. Michel Savin. En effet !
M. Michel Amiel. Dès le premier article, le texte précise bien le droit de bénéficier en fin de vie du « meilleur apaisement possible de la souffrance. » Cela sous-entend, et ce n’est pas le moindre mérite de ce texte, que l’État doit enfin prendre la dimension des progrès à réaliser dans le domaine des soins palliatifs, de la prise en charge de la douleur, et cela sur l’ensemble du territoire. Madame la ministre, vous venez de prendre des engagements à ce sujet en rappelant les décisions prises en décembre dernier.
Je l’affirme, ce texte sera vain s’il n’est pas accompagné d’un plan d’envergure sur les soins palliatifs !
M. Alain Fouché. C’est indispensable !
M. Charles Revet. C’est tout à fait vrai !
M. Michel Amiel. Cela nécessite des moyens pour la formation d’un personnel qualifié ainsi que la création de structures spécialisées et d’unités mobiles.
Le texte élaboré et validé par la commission mixte paritaire n’est pas un texte de consensus mou, comme certains ont déjà pu le dire, mais un texte de convergence. Disons-le clairement, il ne satisfera pas ceux qui souhaitent la légalisation du suicide assisté ou de l’euthanasie.
Ce texte « colle » aussi au plus près de la réalité clinique. Derrière les mots et l’apparente froideur d’un texte juridique se cachent la souffrance en général – je dis bien « souffrance », et pas seulement « douleur » ou « inconfort » –, le désarroi de la famille, mais aussi la solitude du soignant, et pas seulement celle du médecin.
En tant que corapporteur du texte avec Gérard Dériot, je peux vous dire que les très nombreuses auditions auxquelles nous avons procédé ont enrichi nos réflexions. Ce texte n’est par écrit par ou pour les philosophes ni par ou pour les médecins, il est écrit pour nous tous !
Une fois de plus, comme j’ai eu tant de fois l’occasion de le dire, en commission, en séance ou lors d’interventions publiques, cette loi est faite pour ceux qui vont mourir et non pour ceux qui veulent mourir.
Voilà tout ce que nous avons essayé de prendre en compte afin d’élaborer un texte juste : c’est un texte d’humanité, qui fait honneur à la devise républicaine de liberté – de poursuivre ou non un traitement –, d’égalité – dans le droit au meilleur apaisement de la souffrance –, de fraternité, enfin, quand la partie est perdue et que la vie nous quitte.
Seule la vie est belle, la bonne mort n’existe pas, je le dis contre Sénèque, qui affirmait qu’une belle mort est plus à souhaiter qu’une longue vie.
Le groupe du RDSE, dans sa grande majorité, votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)