compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Michelle Demessine,
M. François Fortassin.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Demande d'un avis sur un projet de nomination
M. le président. Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010, relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, M. le Premier ministre, par lettre en date du 30 novembre 2010, a demandé au président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente en matière de libertés publiques, sur le projet de nomination par M. le Président de la République de M. Éric Molinié à la présidence de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité.
Cette demande d’avis a été transmise à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
Acte est donné de cette communication.
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Dépôt d'un avenant
M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, l’avenant n° 1 à la convention « santé et biotechnologies » publiée au Journal officiel le 20 juillet 2010.
Acte est donné du dépôt de ce document.
Il a été transmis à la commission des finances ainsi qu’à la commission des affaires sociales et à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Il est disponible au bureau de la distribution.
4
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mardi 30 novembre, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2010-96 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
5
Loi de finances pour 2011
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 110 rectifié, rapport n° 111).
Outre-mer
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Outre-mer » (et articles 77 à 77 quinquies).
La parole est à M. Marc Massion, rapporteur spécial.
M. Marc Massion, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre présentation des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2011 s’articule en deux parties.
Tout d’abord, je vous exposerai le cadrage global du budget de la mission et son premier programme. Puis, Éric Doligé vous présentera de manière plus détaillée l’évolution des crédits du second programme et, rapidement, les articles rattachés à la mission.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, je souhaiterais faire un point sur l’état d’application de la loi pour le développement économique des outre-mer, la LODEOM, votée le 27 mai 2009.
Si la grande majorité des décrets d’application sont aujourd’hui parus, dix-huit mois après l’adoption de la LODEOM, trois mesures restent toutefois encore inapplicables, faute de décrets d’application : l’aide au fret pour les entreprises, le groupement d’intérêt public censé régler le problème de l’indivision et le dispositif de transparence des prix pratiqués par les transporteurs aériens. Outre ces mesures, de nombreux décrets d’application ne sont parus que dans le courant de l’année 2010, ce qui explique que les dispositifs concernés ne produisent pas encore leur plein effet.
Venons-en au projet de budget pour 2011. Il constitue une rupture par rapport aux budgets des trois années précédentes.
En effet, pour la première fois depuis la stabilisation de sa maquette, en 2008, la mission « Outre-mer » voit ses crédits diminuer dans le projet de loi de finances pour 2011 par rapport aux crédits votés dans la loi de finances initiale pour 2010. La baisse reste toutefois limitée puisqu’elle s’élève à 0,5 % en autorisations d’engagement et à 2,3 % en crédits de paiement. Cette contraction des dotations porte exclusivement sur les crédits du programme Conditions de vie outre-mer et sera détaillée par Éric Doligé.
En dépit de ce constat, le sort de la mission « Outre-mer » reste enviable au sein du budget général de l’État. En effet, entre 2008 et 2011, le montant des autorisations d’engagement de la mission aura globalement augmenté de 22,9 % et celui des crédits de paiement de 15 %.
Une rupture peut également être relevée en matière de dépenses fiscales rattachées à la mission « Outre-mer ». En effet, depuis 2008, le montant des niches fiscales rattachées à la mission n’a cessé de progresser. À cet égard, la LODEOM a conduit à une augmentation globale de ce montant, puisque les niches créées ont coûté légèrement plus que les niches supprimées ou réduites.
Les mesures que nous avons votées la semaine dernière dans la première partie du projet de loi de finances pour 2011 et celles que nous examinerons la semaine prochaine dans sa seconde partie devraient conduire, pour la première fois, à la diminution de ces niches. Celle-ci ne pourra être constatée qu’en 2012 puisque la réduction des niches fiscales portera sur les revenus de l’année 2011.
En 2011, la dépense fiscale outre-mer continue donc d’augmenter, quoique à un rythme ralenti. Elle progressera de 1,9 % entre 2010 et 2011 pour s’établir à 3,24 milliards d’euros.
Venons-en au premier des deux programmes de la mission, consacré à l’emploi outre-mer. Deux éléments majeurs se dégagent de son analyse.
Premièrement, comme d’habitude, les crédits consacrés au remboursement à la sécurité sociale des exonérations de charges spécifiques à l’outre-mer sont sous-budgétisés. Il devrait manquer, d’après les besoins identifiés par les organismes de sécurité sociale, 63 millions d’euros en 2011. Il est donc à craindre, comme c’est arrivé en 2007, en 2008 et en 2009, que le Gouvernement ne soit amené à ouvrir, en cours de gestion ou par loi de finances rectificative, les crédits nécessaires.
La commission des finances vous présentera donc un amendement pour remédier partiellement à cette sous-budgétisation. Cet amendement tend à transférer les crédits consacrés à l’agence de santé du territoire des îles de Wallis et Futuna vers les exonérations de charges sociales.
Je vous rassure, mes chers collègues, et je m’adresse notamment à M. le sénateur de Wallis-et-Futuna : l’objectif est non pas du tout de remettre en cause cet établissement, mais de soulever le problème de sa gestion par le ministère de l’outre-mer, lequel n’est pas en mesure de l’assurer de manière satisfaisante. Il nous semble que cette gestion devrait être assumée par le ministère en charge de la santé, mais je développerai ce point lors de la présentation de l’amendement.
Deuxièmement, concernant le programme Emploi outre-mer, on constate que, si les crédits augmentent, c’est en raison de la montée en puissance du service militaire adapté, le SMA. Ce dispositif d’intégration des jeunes ultramarins non diplômés, à travers une formation citoyenne, militaire et professionnelle, a fait ses preuves par le passé, de sorte que le Président de la République a annoncé en 2009 le doublement du nombre de jeunes bénéficiaires. Nous avions formulé des inquiétudes sur ce point en constatant que le budget consacré au SMA ne connaissait pas, parallèlement, un doublement.
Le projet de loi de finances pour 2011 est de nature à apaiser nos inquiétudes.
D’une part, les crédits consacrés au SMA augmentent fortement : ils progressent ainsi de 40,5 % en autorisations d’engagement et de 37,1 % en crédits de paiement, pour s’élever à 201 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 181 millions d’euros en crédits de paiement.
D’autre part, nous savons désormais que les nouveaux publics du SMA seront non plus seulement des jeunes non diplômés, mais aussi des personnes, parfois diplômées, en situation de chômage de longue durée. Elles recevront des formations d’une durée plus courte que les actuels volontaires du SMA, ce qui permet de doubler le nombre de bénéficiaires du dispositif sans doubler les moyens qui lui sont affectés. Il faudra toutefois, dans nos contrôles à venir, vérifier que le dispositif du nouveau SMA est aussi efficace que l’ancien.
Je cède maintenant la parole à Éric Doligé pour présenter au Sénat les autres orientations de ce projet de budget.
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, rapporteur spécial.
M. Éric Doligé, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je prends la suite de Marc Massion, qui vous a présenté le cadrage global du budget de la mission et de son premier programme.
J’en viens au second programme de la mission, intitulé « Conditions de vie outre-mer » et composé en réalité d’actions très disparates. Je me concentrerai sur les points les plus marquants.
Les crédits de ce programme diminuent assez fortement en 2011 : ils baissent ainsi de 6 % en autorisations d’engagement et de 10,4 % en crédits de paiement. Deux raisons expliquent principalement cette baisse.
Tout d’abord, les crédits consacrés au fonds exceptionnel d’investissement, le FEI, créé par la LODEOM pour participer aux investissements des collectivités territoriales d’outre-mer, passent de 40 à 10 millions d’euros. Le Gouvernement justifie cette baisse par la sortie du plan de relance. Je relève toutefois que la création du FEI a précédé le plan de relance et qu’il était alors, dès sa création, doté de 40 millions d’euros.
Ensuite, la seconde raison qui explique la diminution des crédits est la fin des versements au titre de l’ex-fonds pour la reconversion de l’économie de Polynésie française, prévue par la convention du 25 juillet 1996 dans le cadre de l’arrêt des essais nucléaires. Cette fin était programmée pour 2011 et conduit à une baisse des crédits de 30 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 46 millions d’euros en crédits de paiement.
En matière de logement, les effets de la LODEOM ne se font pas encore sentir. Seuls 6 200 logements neufs ont été construits en 2009, pour des besoins estimés depuis fort longtemps à 45 000 logements par an.
Outre la crise économique, deux raisons expliquent ce retard. D’une part, les décrets d’application de la LODEOM pour le recentrage de la défiscalisation sur le logement social ne sont parus qu’au début de l’année 2010. Les opérateurs ont donc attendu la mise en place du nouveau dispositif, qui devrait monter en charge progressivement. D’autre part, la nouvelle possibilité de cumul de la défiscalisation et des crédits de la ligne budgétaire unique, ou LBU, pour le financement des opérations de logement nécessite un temps d’adaptation des procédures. Beaucoup d’informations remontent du terrain pour nous signaler des difficultés de mise en œuvre de la nouvelle réglementation issue de la LODEOM tant au niveau local qu’au niveau du ministère des finances.
Nous avons besoin d’être rassurés sur ce point, madame la ministre, et nous proposerons des amendements en la matière.
D’après les informations que vous nous avez transmises, les premiers chiffres disponibles pour 2010 indiquent un décollage par rapport à 2009. Espérons-le !
Le dernier élément de ce programme est la réforme du dispositif de continuité territoriale, qui regroupe 51,6 millions d’euros de crédits. Cette réforme n’a pas encore pu entrer pleinement en vigueur, les décrets d’application de la LODEOM n’étant parus qu’il y a une dizaine de jours. Vous pourrez probablement, madame la ministre, nous donner des informations plus détaillées sur ce point.
Le nouveau fonds de continuité territoriale doit par ailleurs être géré par l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité, l’ADOM, seul opérateur de la mission, dont le nom et les compétences ont été modifiés et dont les crédits vont quadrupler pour cela en 2011. Or nous avons très peu d’informations sur cette agence, dont la performance était jusqu’à aujourd’hui assez limitée. C’est pourquoi la commission a confié à la Cour des comptes une mission de contrôle sur l’ADOM, en application de l’article 58-2 de la loi organique relative aux lois de finances.
J’en viens aux articles rattachés.
L’article 77 réforme la dotation globale de développement économique, la DGDE, versée chaque année par l’État à la Polynésie française. Cette dotation, d’un montant fixe de 151 millions d’euros par an, fonctionne mal. Elle n’existe qu’en vertu d’une convention passée entre l’État et le territoire et, malgré cinq avenants en sept ans – presque autant que de changements de gouvernement durant cette période –, le contrôle de l’utilisation des fonds s’est révélé très difficile.
L’article 77 tend donc à une réforme bienvenue en créant, à la place de la DGDE, trois dotations distinctes, dont le montant total sera égal au montant actuel versé au territoire : tout d’abord, une dotation globale d’autonomie, attribuée à la collectivité de la Polynésie française pour financer son fonctionnement, sur le modèle de la dotation globale de financement, la DGF, qui évoluera d’ailleurs au même rythme que cette dernière ; ensuite, une dotation d’investissement versée directement par l’État aux communes polynésiennes – c’est là la nouveauté –, car, comme l’avaient relevé nos collègues Christian Cointat et Bernard Frimat, dans un rapport fait au nom de la commission des lois, le financement des communes par la collectivité polynésienne engendre actuellement effets pervers et clientélisme ; enfin, un concours financier, dont les modalités resteront fixées par une convention, servira uniquement à financer les investissements structurants de la Polynésie française.
Cette réforme me paraît aller dans le bon sens. Elle doit permettre de pérenniser l’effort de l’État envers la Polynésie, de l’inscrire dans la loi et non dans une convention sujette à interprétation, de distinguer les fonds versés pour le fonctionnement et pour l’investissement et, enfin, de remédier aux problèmes de financement des communes polynésiennes.
La commission des finances vous proposera toutefois d’adopter deux amendements qui précisent et stabilisent le dispositif présenté par le Gouvernement.
Quatre autres articles, sur lesquels la commission des finances ne propose pas de modification, ont été ajoutés à l’Assemblée nationale.
L’article 77 bis doit permettre à l’État de céder à titre gratuit des terrains de son domaine privé pour la réalisation d’opérations de logement ou d’aménagements publics. Je ne suis pas certain que ce dispositif, qui existe déjà en Guyane, soit à même de résoudre les problèmes de disponibilité du foncier que l’outre-mer rencontre mais il constitue toutefois un sérieux pas en avant.
L’article 77 ter doit permettre de faciliter la mise en œuvre du dispositif d’aide à la rénovation des hôtels que nous avons voté dans la LODEOM.
L’article 77 quater, quant à lui, met en œuvre un plan d’apurement des dettes sociales des entreprises hôtelières dans les Antilles. La commission des finances a validé ce dispositif, mais souhaite toutefois que ne soit pas multiplié ce type d’apurements et que le paiement des cotisations sociales par les entreprises d’outre-mer reste le droit commun.
Enfin, l’article 77 quinquies doit permettre le déploiement en outre-mer de la télévision numérique terrestre, la TNT, tout en préservant la diversité culturelle des petites chaînes de télévision.
Sous le bénéfice de ces diverses observations et des amendements qu’elle vous présentera, la commission des finances vous propose d’adopter les crédits de la mission « Outre-mer » ainsi que les cinq articles rattachés à cette mission.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2011 ont été excellemment présentés par Eric Doligé et Marc Massion, rapporteurs spéciaux, et je les en remercie. La commission des affaires sociales a donné un avis favorable à leur adoption. Je n’évoquerai aujourd’hui que quelques-uns des sujets qui la concernent plus directement.
La santé est le premier sujet sur lequel je m’attarderai. Le Gouvernement a annoncé, il y a deux ans et demi, un plan santé pour l’outre-mer, et le comité interministériel de l’outre-mer, ou CIOM, a parlé de « faire de la santé une activité de pointe outre-mer ». Certes, le déploiement des études médicales est en cours et le numerus clausus a été très légèrement augmenté, mais les actions mettent du temps à se concrétiser sur le terrain.
Ainsi, que l’on prenne l’exemple de la télémédecine, des réseaux de téléenseignement et de visioconférences, de la mise aux normes sismiques des hôpitaux, de la révision des coefficients géographiques et de la valorisation des surcoûts relatifs aux activités déséquilibrées, ou encore de la lutte contre la drépanocytose, on nous indique soit qu’ils seront instruits ultérieurement, soit, dans le meilleur des cas, qu’ils feront l’objet d’un état des lieux, d’un bilan général ou d’études.
Sur ce point, justement, 20 000 euros, ce qui est dérisoire, étaient prévus en 2010 pour financer une étude afin de caractériser les décès infantiles des départements d’outre-mer et les comparer à ceux de la métropole. Est-il besoin de rappeler que les taux de mortalité infantile et maternelle sont dramatiquement élevés outre-mer ? En est-on vraiment encore à devoir « caractériser ces décès » ?
Plus largement, la première tranche du plan Hôpital 2012 n’est destinée qu’à hauteur de 2,2 % à l’outre-mer, ce qui me semble loin d’être suffisant au regard des besoins.
Ma première question, madame la ministre, est donc la suivante : quelles actions concrètes seront menées en 2011 sur le terrain pour améliorer la santé publique outre-mer ? Nous examinerons tout à l’heure un amendement sur la vente de tabac dans les départements d’outre-mer, qui va, me semble-t-il, en ce sens.
Le logement est le second sujet que je souhaite aborder. Je ne reviendrai pas sur le diagnostic et sur l’état des lieux que tout le monde connaît et partage. Quelques éléments sont certes positifs : le décret sur la surcharge foncière a été adopté récemment et les crédits destinés au Fonds régional d’aménagement foncier urbain, le FRAFU, sont en nette augmentation en 2011.
Toutefois, deux problèmes majeurs subsistent. Tout d’abord, les engagements de la LBU sont stables en 2011 mais les crédits de paiement sont en baisse de 10 %. Le Gouvernement assure que la programmation sera respectée. On peut s’en étonner, alors que les crédits pour 2010 sont presque entièrement consommés. Comment, dans ces conditions, résoudre la crise aiguë du logement avec des crédits en baisse ?
Le nouveau dispositif de défiscalisation du logement social pose encore de nombreux problèmes d’application concrète, qui risquent de retarder les opérations, que ce soit en termes d’agrément, de procédure ou de cumul avec la LBU. Le rapport de nos collègues députés Gaël Yanno et Claude Bartolone du 29 septembre 2010 sur l’application de la LODEOM est très éclairant à cet égard.
La commission des affaires sociales a déposé plusieurs amendements pour fluidifier les procédures. Ils constituent un premier pas, un signal, et j’espère qu’ils pourront être largement adoptés.
Nos territoires connaissent des contraintes fortes, liées au climat, à la géographie, parfois à l’histoire, si bien que l’action publique est déterminante pour permettre à tous de se loger.
Madame la ministre, vous avez rencontré, le 12 novembre 2010, des représentants des bailleurs sociaux. J’ai également auditionné certains d’entre eux : ils sont très inquiets. Pouvez-vous nous indiquer les conclusions que vous avez tirées de cette réunion et les mesures que le Gouvernement compte adopter pour améliorer la situation ?
Avant de conclure, je dirai quelques mots sur le revenu de solidarité active, le RSA : il va enfin entrer en vigueur le 1er janvier 2011 et doit coexister, durant une certaine période, avec le revenu supplémentaire temporaire d’activité, le RSTA, qui avait été créé à la suite de la crise sociale du printemps 2009.
Madame la ministre, il ne me semble pas que le décret prolongeant le RSTA ait été publié : quand comptez-vous le faire et quelles dispositions contiendra-t-il exactement ? Il serait tout de même préférable que les bénéficiaires, qui devront choisir de manière irréversible entre les deux prestations, d’une part, et les gestionnaires, caisse d’allocations familiales et caisse générale de sécurité sociale, d’autre part, soient au courant suffisamment longtemps à l’avance.
En conclusion, madame la ministre, je vous poserai une dernière question. La répartition des crédits du fonds exceptionnel d’investissement, du plan Hôpital 2012, de l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, ou encore de l’ancienne dotation de continuité territoriale ne tient pas compte de l’importance démographique de chacun des départements d’outre-mer. Comment expliquer que la Réunion, avec ses 800 000 mille habitants, reçoivent parfois moins, voire nettement moins, que d’autres départements ?
L’outre-mer a besoin de politiques stables et durables. D’importantes annonces ont été faites par le CIOM, voilà maintenant un an. J’espère que l’année 2011 permettra d’avancer avec courage sur la voie des réformes. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Claude Lise, rapporteur pour avis.
M. Claude Lise, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en réponse à la grave crise qu’ont connue nos outre-mer au début de l’année 2009, le Gouvernement a fait des annonces nombreuses et importantes, dans le cadre de la LODEOM et du CIOM. Ces annonces ont suscité des espoirs importants dans nos outre-mer, cela a été dit. Elles tardent cependant vraiment à porter les effets attendus à cause des retards ou de l’absence de mise en œuvre effective des mesures correspondantes.
Au vu de l’évolution non seulement des crédits de la mission outre-mer, mais aussi de l’effort budgétaire global prévu pour 2011, je ne peux que faire part d’une certaine déception.
La déception est encore plus grande quand on analyse les autres mesures du projet de loi de finances qui concernent l’outre-mer, notamment l’article 13 que la Haute Assemblée a adopté la semaine dernière et qui supprime le dispositif de défiscalisation dans le secteur du photovoltaïque, qui est pourtant l’un des secteurs les plus prometteurs pour le développement endogène de nos outre-mer.
Au lieu du développement endogène, tant évoqué lors des débats sur la LODEOM, j’ai le sentiment, madame la ministre, que la logique actuelle est celle d’un « mal-développement » endogène.
Je ne m’attarderai pas sur les crédits de la mission « Outre-mer » inscrits au projet de loi de finances pour 2011, dont l’évolution a déjà été présentée par nos rapporteurs spéciaux. Je relève cependant qu’ils diminuent de 0,5 % en autorisations d’engagement et de 2,3 % en crédits de paiement. Il s’agit de la première diminution réellement affichée depuis trois ans.
Les outre-mer participent donc à la politique de rigueur. Cela n’est pas anormal, j’en conviens. Je considère cependant que, en toute équité, l’effort qui leur est demandé devrait davantage tenir compte de leur « mal-développement » et de la situation économique et sociale très préoccupante qui est la leur.
Je souhaite évoquer plus longuement une problématique essentielle dans nos outre-mer : le logement. Près de 60 000 demandes de logements sociaux sont aujourd’hui en attente dans les quatre départements d’outre-mer. Rapporté à la population de l’hexagone, ce chiffre correspond à près de deux millions de demandes en attente ! C’est dire l’ampleur de l’enjeu !
Le CIOM avait annoncé que le niveau de la LBU serait maintenu. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011, il est bien conservé en autorisations d’engagement, ce dont je me réjouis. Les crédits de paiement sont, en revanche, en recul de près de 10 %. En matière de logement social, ils reculent même de près de 34 %. Cette diminution serait justifiée par la sous-consommation chronique des crédits de la LBU, nous dit-on. Je m’étonne de cet argument. On constate en effet, dans le département de la Martinique, que les crédits prévus en 2010 sont déjà consommés à hauteur de 99 % en ce moment !
Par ailleurs, le dispositif de défiscalisation dans le logement social mis en place par la LODEOM n’a pas fait, pour l’heure, la preuve de son efficacité. À ce jour, il n’a permis la construction effective d’aucun logement social. Seuls 829 logements ont été agréés au titre de ce dispositif entre la fin de l’année 2009 et le 30 septembre 2010. Ce bilan est notamment lié à des difficultés d’application. D’une part, les modalités d’instruction des dossiers diffèrent entre LBU et défiscalisation. D’autre part, et surtout, les modalités de cumul entre LBU et défiscalisation posent aujourd’hui problème. Cela a été dit.
Alors que la possibilité de cumul avait été clairement évoquée par votre prédécesseur lors des débats sur la LODEOM, vous avez publié, madame la ministre, une circulaire le 1er juin 2010 qui s’éloigne de l’esprit de la loi. Je ne peux que le regretter car cela freine la réalisation de certaines opérations. Je précise que je ne souhaite pas pour autant que le cumul prenne un caractère systématique.
Je sais que vous avez reçu le 12 novembre 2010 les bailleurs sociaux. À mon tour, je vous demande quelles initiatives vous comptez prendre au cours des prochaines semaines afin que ce dispositif se révèle réellement efficace. Plus généralement, quelles mesures prendrez-vous dans les prochains mois afin d’opérer une réelle relance de la politique du logement social pour répondre à l’ampleur des besoins, tant sur le plan social que sur le plan économique ?
En conclusion, la commission de l’économie a, malgré mes réserves, émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2011.
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, rapporteur pour avis.
M. Christian Cointat, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Albert Einstein nous a appris les charmes de la relativité ; aussi devons-nous être conscients que, dans un monde de disette financière où le budget ne cesse de se contracter par phases successives, tel un cycle sans fin, le statu quo peut apparaître comme une forme de progression. Tel est le cas, du moins pour l’essentiel, du budget destiné à l’outre-mer, tant au niveau de la mission « Outre-mer» qu’à l’échelon global. Cela souligne une nouvelle fois la volonté manifeste de l’État d’assurer un effort soutenu pour l’ensemble des collectivités ultramarines. Nous pouvons donc manifester une certaine satisfaction ou plutôt, pour être plus exact, une satisfaction relative !
La notion d’« économie », dont on nous rebat en permanence les oreilles au point de perdre de vue la finalité du budget – il s’agit de financer du mieux possible des dépenses jugées utiles qui sont l’expression de choix politiques – comporte des effets pervers, masquant souvent, par une lecture immédiate, les résultats à moyen et à long terme.
Pour « gagner » quelques sous, entend-on dire, alors qu’il s’agit non pas de gain, mais d’un renoncement à agir, on peut, par de malencontreux coups de rabot financiers, se priver de l’atteinte des objectifs retenus.
Alphonse Allais disait, sous forme de boutade : « II faut demander plus à l’impôt et moins au contribuable » ! En réalité, ce n’est pas une boutade. Il faut sortir du carcan dogmatique qui nous étouffe et empêche une utilisation optimale des crédits. Alors, on pourra dépenser moins tout en agissant plus.
Je n’entrerai pas dans le détail des crédits prévus pour la mission « Outre-mer » qui ont été excellemment présentés par les rapporteurs spéciaux. Je concentrerai simplement mon intervention sur deux points auxquels la commission des lois est attachée, à savoir les instruments de la dépense et la gestion de celle-ci.
En effet, il ne suffit pas de disposer des moyens de l’action, encore faut-il les utiliser au mieux des besoins et de la façon la plus adaptée à ces nécessités. Or, dans ces domaines, il semble que des progrès substantiels pourraient être réalisés.
Le premier point que j’aborderai concerne les indicateurs de performance. Ces derniers se révèlent rudimentaires ou parcellaires au point de ne pouvoir remplir pleinement leur fonction d’information et d’évaluation.
Compte tenu de l’ampleur de l’effort budgétaire et fiscal déployé, en particulier en matière de défiscalisation et d’allégement des charges sociales, il serait opportun que l’État s’assure de manière beaucoup plus approfondie de l’efficacité économique et sociale des différents instruments financiers utilisés, comme de l’emploi des crédits attribués. Or des interrogations subsistent à ce sujet.
Certes, une évaluation est présentée, mais elle n’est ni suffisante ni très significative à cet égard et ne permet pas au Parlement de mesurer clairement le rendement global et relatif des choix effectués, ni de connaître leur impact réel par rapport aux objectifs poursuivis.
En définitive, cette question est liée à celle de la réorganisation de l’administration centrale chargée de l’outre-mer, qui constitue le deuxième point que je souhaite soulever dans cette brève intervention.
Interministérielle par nature, la politique de l’État en faveur des populations et des collectivités d’outre-mer requiert impérativement une forte coordination et une autorité de pilotage capable d’exercer cette dernière et de veiller à l’intégration correcte de la dimension ultramarine dans toutes les politiques publiques et par tous les départements ministériels. Alors que, trop souvent, l’outre-mer est encore insuffisamment pris en compte, tout semble démontrer que le ministère chargé de l’outre-mer et la délégation générale à l’outre-mer ne disposent pas réellement de cette autorité au sein du Gouvernement pour jouer pleinement ce rôle de coordination et pouvoir peser suffisamment dans les arbitrages interministériels.
Or l’outre-mer a besoin d’une administration centrale solide, qui puisse l’accompagner vers son avenir, une administration qui dispose de véritables capacités d’évaluation et de prospective, une administration qui soit à même d’effectuer l’analyse, évoquée précédemment, de l’efficacité des dispositifs spécifiques en faveur de l’outre-mer.
La réforme déjà effectuée de la délégation générale à l’outre-mer n’est pas satisfaisante et n’a pas atteint ses objectifs. Rattachée au ministère de l’intérieur, cette délégation n’a pas l’autorité suffisante pour assurer sa mission de coordination interministérielle. De plus, ses effectifs ne paraissent pas adaptés aux missions qui devraient être les siennes en termes de conception, de pilotage, d’évaluation et de coordination. Il faut aller plus loin. Je veux en cet instant rendre hommage à notre collègue Marc Massion, dont le rapport traite excellemment de cette question.
La commission des lois plaide donc pour le rattachement direct au Premier ministre de l’administration centrale de l’outre-mer, sous forme d’une délégation interministérielle, d’une mission interministérielle, ou mieux encore d’un secrétariat général à l’outre-mer, à l’instar du secrétariat général aux affaires européennes.
Cette remise à niveau est particulièrement urgente pour accompagner les profondes évolutions en cours outre-mer.
On ne le dira jamais assez, l’outre-mer est une chance pour la France.