I. - A l'article L. 5121-16 du code de la santé publique, la somme : « 23 000 EUR » est remplacée par la somme : « 25 400 EUR ».
II. - L'article L. 5121-17 du même code est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, la somme : « 3 050 EUR » est remplacée par la somme : « 17 000 EUR » ;
2° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« L'assiette de la taxe est constituée par le montant des ventes de chaque médicament ou produit réalisées au cours de l'année civile précédente, à l'exclusion des ventes à l'exportation. Le barème de la taxe comporte au moins cinq tranches. »
III. - A l'article L. 5122-5 du même code, la somme : « 460 EUR » est remplacée par la somme : « 510 EUR » et le mot : « redevance » est remplacé, par deux fois, par le mot : « taxe ».
IV. - L'article L. 5123-5 du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après les mots : « Toute demande d'inscription », sont insérés les mots : « , de renouvellement d'inscription » ;
2° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le montant de la taxe perçue à l'occasion d'une demande de renouvellement d'inscription ou de modification d'inscription est fixé dans les mêmes conditions, dans les limites respectives de 60 % et 20 % de la taxe perçue pour une demande d'inscription. » ;
3° Dans l'ensemble de l'article, le mot : « redevance » est remplacé par le mot : « taxe ».
V. - Au deuxième alinéa de l'article L. 5211-5-2 du même code, le taux : « 0,15 % » est remplacé par le taux : « 0,28 % ».
VI. - Les dispositions des I à V s'appliquent au 1er janvier 2004. En outre, les dispositions du II et du V sont applicables aux taxes dues au titre de l'année 2003 et exigibles en 2004.
M. le président. L'amendement n° II-13, présenté par M. Gouteyron, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le troisième alinéa (2°) du IV de cet article :
« 2° La dernière phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée : »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud, en remplacement de M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Cet amendement vise simplement à clarifier la rédaction de cet article.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-13.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-24, présenté par MM. Mercier, J. Boyer, Moinard et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« I. - Supprimer le V de cet article.
« II. - En conséquence, rédiger ainsi le paragraphe VI :
« VI. - Les dispositions des I à IV s'appliquent au 1er janvier 2004. En outre, les dispositions du II sont applicables aux taxes dues au titre de l'année 2003 et exigibles en 2004. »
L'amendement n° II-38, présenté par MM. Vasselle, Leclerc, Carle et Thiollière, est ainsi libellé :
« A la fin du V de cet article, remplacer le taux : "0,28 %" par le taux : "0,24 %". »
La parole est à M. Jean Boyer, pour présenter l'amendement n° II-24.
M. Jean Boyer. Il s'agit de revenir sur la hausse du taux de la taxe sur le chiffre d'affaires des dispositifs médicaux.
La mesure consistant à faire passer la taxe de 0,15 % à 0,28 % du chiffre d'affaires des dispositifs médicaux représente un coût trop important pour les fabricants, en particulier pour les entreprises de l'industrie du textile, secteur économiquement sensible, chacun le sait.
En outre, je note une incohérence : les dispositifs médicaux étant très divers, pourquoi certains seraient-ils seuls à payer ?
Je me permets de souligner que cet amendement a reçu un soutien de qualité, le vôtre, monsieur le président : j'ai cru en effet comprendre ce matin, alors que vous vous exprimiez en tant que rapporteur spécial, que vous le jugiez digne d'intérêt.
M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc, pour présenter l'amendement n° II-38.
M. Dominique Leclerc. C'est un amendement qui a le même objet que l'amendement n° II-24. Pour les mêmes raisons, il s'agit d'abaisser le taux de la taxe sur le chiffre d'affaires des dispositifs médicaux de 0,28 % à 0,24 % - il était à l'origine de 0,15 % - et ainsi de mettre à la hauteur le rendement des dépenses de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé en la matière.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. La commission est défavorable à l'amendement n° II-24 et en demande le retrait.
En revanche, elle est favorable à l'amendement n° II-38 à la suite de nouveaux calculs effectués sur le rendement de cette majoration de taxe.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Le Gouvernement est du même avis que la commission et serait reconnaissant à M. Jean Boyer de bien vouloir retirer l'amendement n° II-24, le fond du problème étant beaucoup mieux réglé par l'amendement n° II-38, qui tend à réduire la hausse de la taxe sur le chiffre d'affaires sur les dispositifs médicaux de 0,28 % à 0,24 %.
M. le président. Monsieur Jean Boyer, l'amendement n° II-24 est-il maintenu ?
M. Jean Boyer. A la suite de l'avis que vient de donner M. le ministre, je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° II-24 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° II-38.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 81, modifié.
(L'article 81 est adopté.)
Article additionnel après l'article 81
M. le président. L'amendement n° II-5 rectifié, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 81, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le premier alinéa de l'article L. 262-9 du code de l'action sociale et des familles est ainsi rédigé :
« Les étrangers titulaires de la carte de résident ou du titre de séjour prévu au cinquième alinéa de l'article 12 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, ou encore d'un titre de même durée que ce dernier et conférant des droits équivalents, ainsi que les étrangers titulaires d'un titre de séjour prévu par les traités ou accords internationaux et conférant des droits équivalents à ceux de la carte de résident, peuvent prétendre au revenu minimum d'insertion. »
« II. - L'augmentation des charges découlant de l'application du I ci-dessus est compensée à due-concurrence par le relèvement des taux fixés au III bis de l'article 125 A du code général des impôts. »
La parole est à M Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. En conséquence de la modification de l'article 14 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, un étranger régulièrement installé en France ne pourrait plus désormais bénéficier du RMI que s'il justifie de cinq ans de résidence minimum en France, contre trois ans auparavant.
Une telle disposition apparaît en contradiction avec le onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 qui rappelle que la nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle ».
Elle heurte singulièrement le principe d'égalité et de non-discrimination entre nationaux et étrangers, posé notamment par l'article 4 de la Convention n° 118 de l'Organisation internationale du travail, l'OIT, qui édicte que « l'égalité de traitement doit être assurée sans condition de résidence », par le paragraphe 30, partie I, de la Charte sociale européenne selon lequel « toute personne a droit à une protection contre la pauvreté et l'exclusion sociale » et, enfin, par l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, combiné avec l'article 1er du protocole n° 1.
Le Conseil constitutionnel a rappelé, dans sa décision du 20 janvier 1990, que si le législateur peut prévoir des dispositions spécifiques applicables aux étrangers, c'est à condition de respecter les engagements internationaux de la France. En conséquence, le législateur de 1998 a supprimé toute disposition discriminatoire de notre droit fondée sur la nationalité.
La seule condition qui subsiste aujourd'hui est celle de la régularité du séjour : les articles L. 816-1 et L. 821-9 du code de la sécurité sociale indiquent clairement que les prestations sociales sont applicables « aux personnes de nationalité étrangère titulaires d'un des titres de séjour ou documents justifiant la régularité de leur séjour en France ».
Le revenu minimum d'insertion, en vertu de l'article 8 de la loi du 1er décembre 1988, soumet les étrangers à la nécessité de présenter un titre de séjour régulier et, par référence à l'article 14 de l'ordonnance de 1945, à une condition de résidence en France de trois ans, jusqu'à la révision du 26 novembre 2003.
Nous avions, dès 1988, souligné combien cette disposition contrevenait au principe d'égalité qui fonde le droit à la protection sociale, alors que les étrangers cotisent à même hauteur que les nationaux. Ma collègue Danielle Bidard-Reydet avait défendu un amendement en ce sens.
Le Conseil constitutionnel a rappelé, dans sa décision du 13 août 1993, que « les étrangers jouissent des droits à la protection sociale dès lors qu'ils résident de manière stable et régulière sur le territoire français ». Or il n'est pas du tout certain que l'allongement à cinq ans de la durée de résidence pour obtenir un titre de résident doive valider un allongement corrélatif de la durée nécessaire pour bénéficier du RMI.
Je rappelle notamment pour mémoire les observations formulées en 1987 par M. Prétot à propos de la décision du Conseil constitutionnel du 23 janvier 1987 : si la condition de résidence n'est pas en elle-même génératrice d'inégalité, « il appartient au pouvoir réglementaire de fixer la durée de la condition de résidence de façon à ne pas aboutir à mettre en cause les dispositions précitées du préambule en tenant compte à cet effet des diverses prestations d'assistance dont sont susceptibles de bénéficier les intéressés. » Or l'allongement à cinq ans de la condition de résidence apparaît singulièrement excessif.
En tout état de cause, le Sénat s'honorerait de voter et le Gouvernement de soutenir une disposition qui réaffirme la volonté de traiter sans discrimination les étrangers régulièrement installés en France. A l'heure où un certain parti se fait le maître d'oeuvre d'une politique d'exclusion à l'égard des étrangers, notamment s'agissant des prestations sociales - on se souvient des pratiques de certaines mairies -, la majorité sénatoriale serait bien inspirée de marquer ainsi sa différence et de réaffirmer son attachement aux principes républicains, en corrigeant un « effet collatéral », que personne n'avait mesuré, de la loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Monsieur le président, je suis contraint d'opposer l'article 40 de la Constitution à cet amendement qui augmente les charges publiques.
M. le président. L'article 40 de la Constitution étant applicable, l'amendement n° II-5 rectifié n'est pas recevable.
I. - Le a de l'article L. 862-2 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« a) Par le versement aux organismes de sécurité sociale, au titre de chaque trimestre, d'un montant égal au produit de la somme prévue au III de l'article L. 862-4 par le nombre de personnes bénéficiant, le dernier jour du deuxième mois du trimestre civil au titre duquel le versement est effectué, de la prise en charge des dépenses mentionnées à l'article L. 861-3 au titre des dispositions du a de l'article L. 861-4 ; ».
II. - Au III de l'article L. 862-4 du même code, la somme : « 70,75 EUR » est remplacée par la somme : « 75 EUR ».
III. - Les dispositions du I entrent en vigueur à compter du versement dû au titre du premier trimestre 2004. Les dispositions du II entrent en vigueur pour la contribution définie à l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale versée au titre du premier trimestre 2004.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l'article.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 82 amorce le désengagement de l'Etat du dispositif de la CMU, la couverture maladie universelle, et donc, à notre avis, le démantèlement de la loi sur la CMU.
Il s'agit de la mise en place d'un forfait unifié de prise en charge des dépenses de couverture maladie universelle complémentaire, ou CMUC, relevant d'une caisse d'assurance maladie ou d'un organisme complémentaire.
Sous couvert d'une unification des conditions de prise en charge des dépenses de couverture maladie universelle complémentaire entre les régimes obligatoires d'assurance maladie et les organismes complémentaires, l'article 82 du projet de loi de finances pour 2004 conduit à supprimer la participation du budget de l'Etat au bouclage du financement de la couverture maladie universelle complémentaire.
La Caisse nationale d'assurance maladie, la CNAM, qui a l'obligation de prendre en charge, dans le cadre de sa mission de service public et pour le compte de l'Etat, la couverture complémentaire des bénéficiaires de la CMU qui lui en font la demande, est sommée de gérer le risque CMU, comme n'importe quel assureur privé, qui conserve quant à lui la faculté de participer au dispositif ou de s'en retirer.
C'est donc un transfert de charges du budget de l'Etat vers les régimes sociaux qui, actuellement, n'en ont pas besoin.
Or, cette disposition a été unanimement rejetée par le conseil de surveillance de la CNAM réuni en séance le 25 novembre 2003. La CNAM, par la voix de son président, M. Spaeth, l'ensemble des organismes mutualistes, des organismes d'assurances et institutions de prévoyance, la mutualité sociale agricole, la MSA, et l'organisation humanitaire Médecins sans frontières ont exprimé leur opposition totale à cette disposition.
En outre, rappelons que le Conseil constitutionnel, par sa décision 99-416 DC du 23 juillet 1999 sur la loi portant création d'une CMU, avait justifié la différence de traitement entre organismes complémentaires et caisses d'assurance maladie, par la nécessité faite à la Caisse de garantir un accès aux soins des plus démunis. Je rappelle que la CMU est une prestation de solidarité et non pas seulement une prestation d'assurance qui sélectionne les bons et les mauvais risques.
C'est pourquoi, en l'état, nous voterons contre cet article.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements présentés par M. J. Boyer.
L'amendement n° II-25 est ainsi libellé :
« Supprimer le I de cet article. »
L'amendement n° II-26 est ainsi libellé :
« Supprimer la première phrase du III de cet article. »
La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. L'amendement n° II-25 a pour objet de conserver le système actuel de prise en charge des dépenses de couverture de maladie universelle complémentaire, par un remboursement total, lorsque les dépenses sont couvertes par l'assurance maladie, et par un remboursement au forfait pour les dépenses couvertes par les organismes d'assurance complémentaire.
L'Etat rembourse aux caisses primaires d'assurance maladie l'intégralité des dépenses à supporter, les autres organismes bénéficiant d'un forfait qui, cela ne nous a pas échappé, a été actualisé cette année. Nous le considérons toutefois insuffisant.
L'amendement n° II-26 tire les conséquences de l'amendement n° II-25.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Monsieur Boyer, je vous rappelle qu'un amendement de même portée a été examiné lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004. Cet amendement n'avait pas alors été adopté.
S'il entraîne effectivement un risque supplémentaire, il constitue aussi une incitation à une meilleure gestion et à un meilleur contrôle des coûts de la CMU.
Toutefois, à ce stade du débat du projet de loi de finances, la commission souhaite que vous retiriez cet amendement. A défaut, elle exprimera un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° II-25 est-il maintenu, monsieur Jean Boyer ?
M. Jean Boyer. Compte tenu de l'effort qui a été fait dans ce projet de budget et de la multitude des besoins, c'est à contrecoeur, mais sans hésitation, que je retire l'amendement n° II-25. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. L'amendement n° II-25 est retiré.
M. Roland Muzeau. Je le reprends, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° II-25 rectifié.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Nous avons bien compris le sens de cet amendement puisque, comme l'a dit M. le rapporteur, nous avons déjà exposé tous les arguments au cours de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le PLFSS.
Sur le fond, cette mesure vise à maîtriser l'augmentation continue des dépenses de CMU complémentaire en responsabilisant les gestionnaires des régimes obligatoires, comme le sont déjà ceux des organismes de protection sociale complémentaire.
Il n'y a pas de raison que les malades qui bénéficient de la CMU soient soumis à deux régimes différents. Le forfait a été fixé à 300 euros, soit une progression de 17 euros par rapport à 2003, parce qu'il correspond au coût effectif moyen de la CMU complémentaire pour un organisme de protection complémentaire.
Je rappelle d'ailleurs que le Gouvernement a revalorisé pour la première fois en 2002 le montant du forfait de près de 25 %, passant de 228 euros à 283 euros l'année dernière. Ce n'est donc ni un forfait au rabais ni un forfait irréaliste.
C'est la raison pour laquelle je remercie M. Boyer d'avoir retiré son amendement. J'ai bien compris qu'il le faisait à contrecoeur après avoir exprimé les souhaits de son groupe, mais qu'il en revenait à la logique du PLFSS.
Je vous rappelle que le Gouvernement et la commission auraient très bien pu invoquer l'article 40 de la Constitution dans la mesure où le PLFSS a été voté et où il y a un amendement miroir aux termes duquel désormais nous sommes très exactement tenus dans le cadre du projet de loi de finances de nous conformer aux dispositions du PLFSS qui ont été votées.
Je n'invoquerai pas l'article 40 pour que la discussion et les explications de vote aient lieu et pour que la Haute Assemblée se prononce.
J'émets donc un avis défavorable, comme la commission.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Je tiens à préciser que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen avaient prévu de voter cet amendement de suppression tel qu'il avait été déposé par notre collègue. Comme il a été retiré, je l'ai repris avec plaisir parce que son objet est juste et je trouve intéressante la position de M. le ministre permettant que la discussion ait lieu. Par les temps qui courent, cela devient rare dans cet hémicycle !
Le Gouvernement tente d'imposer une mesure d'économie supplémentaire de 117 millions d'euros sur le dos des personnes les plus éloignées de l'accès aux soins, faute de moyens, mais également parce que la fin du système actuel de prise en charge par l'Etat via le fonds de financement de la CMU complémentaire de l'intégralité des dépenses engagées par les organismes d'assurance maladie est une mesure structurante pour la sécurité sociale et pour les caisses d'assurance maladie.
Le Gouvernement s'abritait derrière le paravent de la revalorisation du forfait de déduction pour les assurances complémentaires volontaires dans le cadre du dispositif de la CMU complémentaire.
Cette revalorisation est nécessaire, dans la mesure où nous savons que le panier de soins de la CMUC a un coût supérieur pour les mutuelles au forfait de déductibilité, pour tenter de mettre un terme au remboursement au franc le franc des prestations gérées par les organismes d'assurance maladie pour le compte de l'Etat.
Sous couvert de rétablir l'égalité entre les organismes complémentaires et les caisses de sécurité sociale qui gèrent plus de 85 % des situations de CMUC, le forfait unifié est présenté.
C'est oublier bien vite que cette différence de traitement entre les caisses de sécurité sociale, dont les dépenses sont compensées intégralement, et les organismes complémentaires, se justifie, comme le Conseil constitutionnel l'a rappelé dans sa décision du 23 juillet 1999, précisément par la différence de situation de ces derniers au regard de l'objet de la loi.
Le rôle des caisses de sécurité sociale est sans conteste différent de celui des organismes complémentaires, les premières ayant obligation de prendre en charge les dépenses de CMUC dans le cadre de leur mission de service public.
Nous n'acceptons pas que l'on change ainsi la nature des missions des caisses de sécurité sociale et ce d'autant moins que cette transformation se fait dans un contexte particulier, marqué par la volonté du Gouvernement d'avancer vers la privatisation de la sécurité sociale.
Nous n'acceptons pas non plus que, sous couvert de rééquilibrer le dispositif, l'Etat se désengage de la solidarité nationale.
Pourquoi l'assurance maladie supporterait-elle les 10 % du coût réel de la CMUC ? Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, notre collègue Alain Vasselle a tenté de soustraire de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie les sommes prévues pour assurer les dépenses supplémentaires au titre de la CMUC. Démarche vaine, malheureusement !
Aujourd'hui, en votant cet amendement, nous entendons nous opposer au transfert de charges du budget de l'Etat vers celui de la CNAM, au titre de la CMUC, mais, surtout, nous marquons notre refus de voir les caisses de sécurité sociale se transformer en assureur complémentaire, porteur d'un risque financier, alors que ce n'est ni leur métier ni leur vocation.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. M. Muzeau a très bien complété mon intervention précédente. Je m'associe à ses propos et je soutiens l'amendement qu'il a repris.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-25 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° II-26 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 82.
(L'article 82 est adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la santé, la famille, les personnes handicapées et la solidarité.
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les affaires étrangères.
La parole est à M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les affaires étrangères. Ce budget est tout à fait surréaliste, puisque, aussitôt voté par le Parlement, il sera régulé, gelé, mis en pièces et, dans ce contexte, je me laisse à penser que, cet après-midi, monsieur le ministre, nous interprétons Dada contre la gargouille !
Pour revenir à une approche plus classique, je soulignerai que, depuis dix années, alors que les autres ministères régaliens ont été épargnés, le ministère des affaires étrangères a été frappé durement par les mesures de régulation budgétaire.
Monsieur le ministre, lors de la discussion de votre projet de budget à l'Assemblée nationale, vous avez déclaré : « Cette régulation à répétition a remis en cause, au moment où bien des opérations étaient déjà lancées, plusieurs de nos programmations, notamment en matière immobilière et, bien entendu, en termes d'aide publique au développement et de coopération. » Vous ajoutiez : « Dès lors que notre politique étrangère s'inscrit dans les priorités voulues par le Président de la République et le Gouvernement et qu'elle est approuvée par la représentation nationale, nous devons tout faire pour la soustraire aux aléas de la régulation budgétaire, car c'est le crédit même de notre pays qui est remis en cause face à nos partenaires étrangers ».
Aujourd'hui, à côté des problèmes légitimes de rémunération, cette journée de protestation, sans précédent dans l'histoire de ce ministère, témoigne aussi de l'exaspération qui résulte des mesures de régulation de crédits et des conditions de travail qu'elles engendrent. Ainsi, il arrive que nos ambassades fassent effectuer par des entreprises des travaux qu'elles ne peuvent pas payer, ou que nos agents, après avoir réalisé un important travail de programmation visant à définir des actions utiles au rayonnement de la France, soient obligés de les annuler parce que les crédits dont on pensait pouvoir disposer ont été gelés ou annulés.
Il me semble donc indispensable que n'intervienne, pour 2004, aucune régulation, car le budget ne le permettra pas. En effet, si les crédits augmentent de 2,5 %, cette progression est uniquement due à la hausse de l'aide publique au développement, qui voit ses crédits progresser de plus de 100 millions d'euros, et à notre contribution à la francophonie, qui augmente de 20 millions d'euros. Les autres dotations diminuent : par conséquent, toutes les mesures nouvelles, hors aide publique au développement, ne peuvent être financées que par redéploiements de crédits.
Je constate que, malgré toutes ces difficultés, le ministère contribue à l'effort de rigueur budgétaire qu'a souhaité M. le Premier ministre. Cela mérite d'être souligné.
Cet effort se traduit notamment par la suppression de 116 emplois, soit le non-renouvellement de la moitié des départs en retraite, et par une réduction sensible des dépenses de fonctionnement.
Vous avez d'ailleurs engagé une rationalisation du dispositif à l'étranger. Elle s'articule autour de deux objectifs : d'une part, la fermeture de consulats au sein de l'Union européenne et le transfert d'une partie de leurs tâches ; d'autre part, la suppression des alliances françaises ou des centres culturels à l'étranger lorsqu'ils font double emploi et génèrent une concurrence inutile.
Cette rationalisation du réseau me semble tout à fait judicieuse. En effet, j'ai souvent indiqué que notre réseau consulaire en Europe, en particulier en Allemagne, était surdimensionné : l'approfondissement de l'Union européenne justifie pleinement que l'on y ferme la plupart de nos consulats, en dehors des capitales, avec quelques exceptions qui confirment la règle, comme la Catalogne ou l'Ecosse. Mais les moyens ainsi dégagés devraient pouvoir être affectés à d'autres régions du monde et à certaines grandes puissances en devenir, comme la Chine et l'Inde.
L'effort de rigueur que vous avez engagé se traduit également par un ajustement des indemnités de résidence versées aux agents en poste à l'étranger. C'est une question très sensible et il conviendra d'analyser, pays par pays, le coût de la vie, l'éloignement, les conditions de sécurité mais aussi les charges de famille.
A l'occasion de l'assemblée générale des Nations unies, j'ai constaté que nos diplomates en poste aux Etats-Unis connaissaient de véritables difficultés pour vivre convenablement : si l'on ajoute au niveau élevé des loyers celui des frais de scolarité - ils atteignent 17 000 dollars par an pour les classes terminales du lycée français de New York - on mesure les difficultés auxquelles sont confrontés les personnels expatriés et les personnels locaux.
Il me semble donc indispensable de mieux prendre en compte, dans le calcul de l'indemnité de résidence, les charges de famille, les frais de scolarité et le coût plus important des logements dès lors que l'on a des enfants. Ne pas tenir compte de cette réalité impliquerait de ne plus envoyer aux Etats-Unis que des agents célibataires ou sans enfant.
Le ministère s'est engagé dans une stratégie de réforme qui constitue un véritable plan d'action pour les années à venir et qui vise les mêmes objectifs que la loi organique relative aux lois de finances, la fameuse LOLF.
Plusieurs orientations se dégagent de cette stratégie ministérielle de réforme.
D'abord, il existe une volonté très nette de développer la prise en compte de la dimension interministérielle de l'action extérieure de la France. Elle implique une très grande ouverture du ministère vers l'extérieur, la mise en place de « budgets-pays » permettant à l'ambassadeur de disposer d'une vision d'ensemble des crédits de la France dans son pays de résidence, ainsi que la création d'un service administratif unique pour l'ensemble des services qui relèvent de l'action des différents ministères. Ces projets vont tous dans le bon sens.
J'ajoute - mais c'est un point qui concerne plus directement mon excellent collègue Michel Charasse - que la cotutelle du ministère des affaires étrangères et du ministère de l'équipement doit s'exercer enfin pleinement sur l'Agence française de développement et qu'il faut aussi veiller à ce que les contrats de développement-désendettement ne soient pas uniquement axés sur le désendettement pour faire plaisir à la direction du Trésor et au FMI, mais que l'accent soit mis aussi sur le développement pour que ces actions puissent profiter aux plus pauvres et aux plus démunis.
Un contrôle de gestion se mettra en place pour accompagner la déconcentration des moyens vers les postes, déconcentration qui est engagée depuis plusieurs années. J'ai déjà eu l'occasion de souligner ce point par le passé.
Après la fusion du ministère des affaires étrangères et de celui de la coopération, la mise en oeuvre de la LOLF constitue la deuxième étape d'une véritable révolution culturelle. J'ai le sentiment que, à travers les réflexions qui sont menées, la gestion est enfin entrée dans le champ des priorités du ministère des affaires étrangères et que souplesse, imagination, pragmatisme, mobilisation, choix des priorités, décisions, actions - pour citer un philosophe chinois apocryphe (Sourires) - sont désormais, monsieur le ministre, au coeur de votre gestion.
S'agissant du patrimoine immobilier, vous avez indiqué que des regroupements seront recherchés et qu'une politique active de cession sera engagée. Il s'agit là d'intentions extrêmement louables, mais les crédits du titre V sont depuis plusieurs années en diminution constante et ne sont pas épargnés par la régulation. Dans certains pays, alors que des immeubles sont dans un scandaleux état de délabrement avancé, de nombreux projets sont bloqués depuis plusieurs années. Les solutions provisoires durent beaucoup plus longtemps que prévu.
Est-il raisonnable que, faute de financement, la construction de nos ambassades à Pékin et à Tokyo ainsi que le transfert des archives diplomatiques à la Courneuve soient bloqués ? Le ministère n'a pas été en mesure de payer, en 2003, de nombreuses entreprises avec lesquelles il avait contracté. Il s'est endetté, à ce titre, de plus d'une dizaine de millions d'euros.
Cette situation n'est pas admissible, car, outre qu'une mauvaise gestion entraîne des pénalités de retard, elle expose le ministère à des contentieux. Cela donne de notre pays une image désastreuse, car notre impécuniosité est souvent interprétée politiquement, comme le président de la commission, M. Dulait, et moi-même l'avons constaté en Turquie.
Comment changer cette situation ? Il existe peu de solutions : il faut soit revaloriser les crédits d'équipement, soit procéder à la vente des bâtiments qui ne pourront être rénovés avant plusieurs années. Par ailleurs, il serait peut-être sage de cesser de construire des ambassades conçues comme des pavillons français pour des expositions universelles et qui occasionnent ensuite des dépenses de fonctionnement considérables.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Bravo !
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. La mise en oeuvre de la LOLF sera l'occasion de pallier une partie de ces difficultés, en permettant le redéploiement, en cours de gestion, des crédits entre les différents titres de dépense, et de mieux répartir les effets de la régulation budgétaire. J'espère que l'on pourra, grâce à cette globalisation des crédits, répondre aux besoins, mais aussi aux opportunités qui se présentent en cours d'année dans le secteur de l'immobilier. En effet, actuellement, nous n'avons aucune réactivité, et il serait judicieux de vendre des résidences qui ne servent plus à grand-chose, dans la mesure où elles sont tellement éloignées du centre-ville que l'on ne peut pas les utiliser pour des réceptions. Mais il faudrait trouver des solutions, par exemple, pour le centre culturel Victor-Hugo à Tachkent.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. C'est notre seul centre culturel dans toute l'Asie centrale. Le propriétaire est disposé à le céder à un prix raisonnable, mais nous ne sommes même pas capables de lui faire une offre !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Il demande cent cinquante-cinq mille euros !
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. On veut rationaliser le réseau : il est le deuxième du monde, mais on ne dispose pas des moyens nécessaires à la traduction de cette volonté.
Avant de conclure, monsieur le ministre, j'évoquerai rapidement quelques sujets d'actualité.
Comme chaque année, je déplore la faiblesse de nos contributions volontaires aux grandes organisations internationales, de l'UNICEF, le fonds des Nations unies pour l'enfance, au CNUD, le programme des Nations unies pour le développement. Je tiens à souligner l'effort très important que vous avez consenti pour l'OFPRA, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, auquel j'ai consacré une partie importante de mon rapport écrit.
S'agissant de l'audiovisuel extérieur, TV 5 s'est très bien redressée et continue, cette année, de se développer. C'est maintenant un vecteur apprécié de la francophonie, et sa couverture du conflit irakien a accru sa crédibilité.
En ce qui concerne la chaîne française d'information internationale, souhaitée par le Président de la République, il semble que l'on s'oriente vers une chaîne associant TF 1 et France Télévisions, qui émettrait vers la zone méditerranéenne, l'Afrique et le Moyen-Orient.
Mais une difficulté considérable a trait à son financement qui est évalué à plus de 70 millions, voire 80 millions d'euros par an. Je ne vois pas comment une telle somme pourrait être prise sur les crédits du ministère des affaires étrangères.
L'AEFE, l'Agence française pour l'enseignement du français à l'étranger, a connu une situation financière très difficile à la fin de 2002. Elle a engagé une réflexion approfondie sur ses missions et son organisation. Les relations entre l'agence et les établissements scolaires français à l'étranger devraient être revues, et des réformes devraient leur permettre de mieux remplir leur rôle à l'avenir, notamment en développant l'intégration des établissements scolaires dans les réseaux éducatifs étrangers.
Dernier point : l'accueil des étudiants étrangers en France. Les bourses sont en trop faible nombre. Mais ce problème est accentué par l'insuffisante prise en compte de l'accueil des étudiants étrangers en France. La création d'Edufrance n'a pas vraiment changé la donne. Au contraire, depuis quelques années, même les enfants des élites de pays de tradition francophone, comme le Sénégal, privilégient les études aux Etats-Unis ou dans les pays anglo-saxons au détriment de la France. Il est urgent de prendre en considération cette situation.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des finances propose au Sénat d'adopter ce projet de budget. En effet, malgré nos réserves, il marque l'engagement du ministère des affaires étrangères de financer les priorités énoncées par le Président de la République, tout en participant à l'effort de rigueur budgétaire et de réforme que nous appelons de nos voeux et « tout en chassant sur les terres d'élection l'imagination, le courage, l'humilité, l'éthique et l'action », pour citer le même philosophe chinois. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, rapporteur spécial.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour l'aide au développement. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, après une décennie de mise à l'écart, l'aide au développement revient au tout premier plan de la scène internationale et des préoccupations budgétaires de notre pays. L'appauvrissement de nombreux pays et les liens entre sous-développement et terrorisme ont fait prendre conscience à la communauté internationale que des engagements concrets devaient intervenir et que de nouvelles initiatives conjointes de bailleurs de fonds étaient nécessaires.
A ce titre, l'année 2003 marquera peut-être un réel progrès, à moins que ce ne soit le début des illusions. Dans la continuité des conférences qui se sont tenues en 2002, les propositions internationales ne manquent pas : présentation au forum de Kyoto du rapport de M. Camdessus sur le financement des infrastructures de l'eau, engagements financiers en faveur du Fonds mondial de lutte contre le sida, proposition franco-britannique d'une « facilité financière internationale », nouveau traitement de la dette des pays pauvres dans le cadre du sommet du G8 à Evian, etc. Mais toutes ces nobles intentions tardent à se concrétiser sur le terrain, et les huit « objectifs du millénaire » assignés à l'horizon 2015 se révèlent, pour l'instant en tout cas, bien difficiles à remplir.
Il faut donc se féliciter que la France s'attache à respecter les engagements précis qu'elle a pris en matière d'aide publique au développement, notamment lors de l'élection présidentielle, par la voix de Jacques Chirac, pour revenir cette année au quatrième rang, en volume, des contributeurs bilatéraux.
Ces engagements sont toutefois quelque peu mis à mal par la régulation budgétaire, dont je ne conteste évidemment pas - surtout pas moi ! - la nécessité, mais dont les modalités peuvent parfois être critiquées. Je mentionnerai ici les gels de reports intervenus sans préavis en mars dernier et les grandes difficultés de gestion, de plus en plus précoces chaque année, que connaît le fonds de solidarité prioritaire.
Avant de vous présenter mes principales observations, que la commission des finances a fait siennes, je vais à présent rappeler les grandes caractéristiques budgétaires de l'aide française au développement.
L'aide au développement est une politique publique fondamentalement interministérielle qui implique pas moins de douze ministères. Celui des affaires étrangères en est toutefois le chef de file, suivi par le ministère de l'économie. Les crédits budgétaires de coopération des affaires étrangères s'élèveront ainsi à un peu plus de 2 milliards d'euros en 2004, soit une hausse de 7,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2003. Au total, les dépenses budgétaires augmentent de 3,1 %, pour atteindre près de 3,25 milliards d'euros.
Les dépenses d'aide au développement, telles qu'elles sont communiquées à l'OCDE, s'élèvent toutefois à près de 6,9 milliards d'euros.
Je vous rappelle en effet, mes chers collègues, qu'il existe des différences importantes entre la comptabilisation budgétaire, l'ensemble des crédits concourant à la coopération, qui incluent les dotations extra-budgétaires transitant par les comptes spéciaux du Trésor, et le périmètre pris en compte par l'OCDE. Les écarts entre la comptabilisation de l'OCDE et la comptabilisation budgétaire portent notamment sur les annulations de dette, la coopération militaire ou la part du prélèvement européen affectée aux dépenses communautaires de coopération.
En outre, ces périmètres disjoints, tout comme la dispersion des crédits, ne facilitent vraiment pas la lecture budgétaire de la politique française d'aide au développement.
A ce titre, quelles mesures comptez-vous prendre, messieurs les ministres, avec votre collègue en charge du budget, pour améliorer l'harmonisation entre les données d'aide publique au développement au sens de l'OCDE et les crédits de coopération au strict sens budgétaire ?
Nous avons, bien entendu, pour l'intérêt du contrôle parlementaire, beaucoup de demandes pressantes à formuler dans ce domaine. Et si nous, parlementaires, souhaitons y voir clair, c'est avant tout pour qu'à l'extérieur on y voie clair aussi et que, par la lecture d'un document regroupant l'ensemble des données, on puisse aisément prendre connaissance de l'effort global que consent la France.
La hausse de l'aide française au développement se poursuit donc. Je me réjouis qu'elle continue de privilégier l'aide bilatérale et l'Afrique subsaharienne.
Un examen plus attentif de la ventilation des crédits révèle cependant que cette augmentation repose plus particulièrement sur certains postes de dépenses.
Elle repose, tout d'abord, sur une augmentation des concours financiers et des allégements de dette, notamment par l'intermédiaire de la nouvelle procédure des contrats de désendettement-développement, dits C2D, que Jacques Chaumont et moi-même connaissons bien, puisque l'on en traite au conseil de l'Agence française de développement, l'AFD. Les annulations de dette représentent désormais près du tiers de l'aide au développement.
Ensuite, elle repose sur une hausse de 14 % des versements au fonds européen de développement. Il semblerait donc que cette quasi-« caisse d'épargne » fonctionne un peu moins mal. J'y reviendrai ultérieurement.
Il faut également relever une augmentation soutenue et très bienvenue des crédits de paiement des deux opérateurs majeurs que sont le fonds de solidarité prioritaire et l'Agence française de développement. Les inscriptions budgétaires se montrent plus réalistes et la réduction sensible de l'écart entre autorisations de programme et crédits de paiement permettra évidemment une meilleure gestion de leurs interventions.
Citons enfin l'augmentation de 27 % de la dotation du fonds multilatéral unique dédié à la francophonie.
En revanche, la coopération technique et la coopération décentralisée s'inscrivent en baisse, et la coopération militaire comme les subventions aux opérateurs audiovisuels sont stables.
Ces évolutions budgétaires traduisent des choix stratégiques que je ne partage pas totalement, et j'en viens dès maintenant à mes principales observations.
Je constate, tout d'abord, quatre mutations dans la stratégie d'aide française.
En premier lieu, de nombreux indices, que ce soit dans le plan d'action stratégique du ministère ou l'importance donnée aux fonds multilatéraux ad hoc, maintiennent une réelle ambiguité sur la pérennité de l'aide-projet. Les craintes que j'exprimais l'année dernière quant à sa possible marginalisation au profit de l'aide-programme ne sont donc pas dissipées.
Certes, l'aide-programme a une utilité et peut contribuer à financer des réformes de structure dans les pays bénéficiaires, mais l'aide-projet conserve de nombreux atouts : elle implique une présence effective sur place, elle est plus visible pour les populations et contribue concrètement à l'amélioration de leurs conditions de vie. L'aide-programme, quant à elle, fait courir le risque d'une dilution de l'excellence française dans une vaste « boîte noire » au sein de laquelle l'aide devient apatride et où le péquin de base, si je puis dire, sur le terrain, ne retrouve jamais l'aide française, quand il sait même qu'il y en a une !
Aussi, je vous pose les questions suivantes, messieurs les ministres : qui est l'opérateur privilégié de l'aide-projet, le Fonds de solidarité prioritaire ou l'Agence française de développement ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour assurer une réelle visibilité et une meilleure communication de l'apport français dans des programmes multibailleurs ? C'est bien d'aider nos partenaires, mais encore faut-il que les populations le sachent !
En deuxième lieu, l'impact budgétaire des annulations de dette est très important, mais ses résultats sont incertains, en particulier dans le cadre de l'initiative pour les pays pauvres très endettés. En effet, ces annulations ne garantissent absolument pas la durabilité d'un endettement soutenable, les résultats en termes de développement ne sont pas encore réellement visibles et la croissance des recettes d'exportations des pays bénéficiaires est bien moindre qu'escomptée. Ce n'est donc pas seulement le service de la dette qu'il faut réduire, c'est aussi et surtout les recettes fiscales et commerciales qu'il faut accroître, c'est-à-dire le numérateur du ratio d'endettement.
Il importe donc, mes chers collègues, de renforcer l'insertion des pays pauvres dans le commerce international, ainsi que l'efficacité de leurs administrations, notamment financières, fiscales et douanières.
Messieurs les ministres, j'en viens à ma troisième question : comment remédier aux imperfections actuelles des mécanismes d'allégement de dette et faire en sorte qu'ils n'apportent pas seulement un soulagement temporaire pour les pays pauvres et coûteux pour les bailleurs ?
En troisième lieu, les risques que comporte la stratégie actuelle d'externalisation croissante des capacités d'intervention de la France et de recentrage sur la seule ingénierie financière doivent être soulignés. Il est vrai que la concertation avec les autres bailleurs et la recherche de la taille critique de l'aide sont importantes. Mais la coopération française ne doit pas pour autant se « dépouiller » au profit d'expertises extérieures, qu'elles émanent de l'Europe, d'institutions internationales ou de cabinets privés qui, soit dit en passant, ont parfois fait la preuve de leur moindre efficacité et surtout de leur coût astronomique.
En ce qui concerne le Fonds européen de développement, le FED, vous connaissez, messieurs les ministres, les critiques que la commission des finances formule depuis longtemps sur cet instrument européen qui thésaurise abusivement les promesses d'aide. Nous nous réjouissons donc que le Président de la République, alerté à de fréquentes reprises par la commission des finances et même à titre personnel, ait récemment accentué la pression sur le FED.
Ce fonds reçoit beaucoup, particulièrement de la France qui en est le premier contributeur, mais décaisse peu du fait d'un processus décisionnel particulièrement lourd, et je suis plutôt aimable cet après-midi ! Les restes à liquider s'accumulent et le taux de décaissement est insuffisant, puisqu'il s'élève à 38 %, par exemple, pour le huitième FED.
La situation a certes progressé grâce à la déconcentration de la Commission européenne, à laquelle la commission des finances n'est d'ailleurs pas étrangère, à la réforme du comité du FED et à des contributions exceptionnelles effectuées au profit de fonds multilatéraux. Mais comment peut-on accepter que les restes à liquider représentent encore plus de trois années et demie de paiements ?
Mes chers collègues, j'ai moi-même pu constater, à l'occasion d'un contrôle sur place et sur pièces au Kosovo, que, quand on veut aller vite, qu'il s'agisse de crédits bilatéraux français ou européens, on peut réaliser des opérations en trois ou six mois, alors que des opérations analogues mettent trois ans, six ans, parfois plus ou même ne voient jamais le jour lorsqu'il s'agit de crédits européens - ces durées sont généralement moindres pour les crédits nationaux. Donc, quand on veut, on peut et on sait faire. C'est donc une espèce de manie ou de maladie intellectuelle de ne pas faire !
En outre, le FED n'a pas vocation à devenir une sorte de « sas » budgétaire vers l'abondement de programmes multilatéraux. Cette externalisation constitue en effet une solution de facilité. C'est pourquoi je cautionne largement l'initiative française, aujourd'hui relayée par la Commission, tendant à la budgétisation du FED, c'est-à-dire à l'inclusion du FED, qui est une ligne particulière aux charges communes, dans le budget européen, donc dans le prélèvement européen.
L'intégration de ce fonds dans le budget européen permettrait de le soumettre au droit commun de la gestion et du contrôle budgétaire sans faire obstacle à sa dimension partenariale. La charge du financement serait également mieux partagée et la France verrait sa clef de contribution ramenée à des proportions plus raisonnables. En effet, notre contribution normale à l'Europe tourne autour de 17 % - le président de la commission des affaires étrangères ne me démentira pas - alors que, pour le FED, elle s'établit à 24,5 %. La situation serait ainsi replacée « dans les clous ».
Le dernier point de mon intervention portera sur les réformes de structure que le ministère des affaires étrangères met actuellement en place, et qui ont été très largement évoquées par mon collègue Jacques Chaumont.
Tout d'abord, la nouvelle loi organique relative aux lois de finances est un outil sans précédent de réforme de l'Etat, et nous serons tous responsables, croyez-le bien, de son succès ou de son échec. C'est pourquoi, messieurs les ministres, votre projet m'apparaît perfectible.
Au sein de la nouvelle nomenclature en trois programmes que vous proposez, je suis en effet plutôt circonspect sur le contenu du programme de coopération et d'action culturelle. Ce programme ne représenterait en effet qu'un peu plus de la moitié des actions d'aide au développement du ministère, le reste étant disséminé dans les autres programmes.
La nouvelle nomenclature ne serait donc guère plus lisible et rationnelle que l'actuelle, et je plains à cet égard les administrateurs de la commission des finances qui devront continuer à faire de l'équilibrisme pour retrouver laborieusement et à la loupe des crédits dispersés partout, sur toutes les lignes, dans tous les coins, dans des tiroirs et des vieux placards ! Je ne vois pas de progrès déterminants par rapport aux agrégats que comporte aujourd'hui le « bleu » budgétaire. De plus, les intitulés de certaines actions sont peu opérationnels ou explicites, trop littéraires, parfois même assez « fumeux ».
Enfin, nous savons que deux visions s'opposent sur le périmètre de la mission interministérielle, et que la vôtre se réfère à une mission « action extérieure de la France ». Je ne suis pas résolument opposé au principe d'une telle mission, mais j'ai une préférence pour le projet de mission « aide publique au développement », qui correspond vraiment aux exigences de lisibilité et de définition d'une politique publique telle que la pose la nouvelle loi organique. Permettez-moi de vous dire, messieurs les ministres, que c'est votre intérêt d'avoir une mission de cette nature parce que vous aurez plus facilement un oeil sur l'ensemble des programmes qu'elle comporte que si vous vous limitiez à des programmes « riquiqui » qui seraient rattachés chez vous.
Messieurs les ministres, vous avez également impulsé une vaste réflexion interne sur la stratégie, les missions et les moyens du ministère des affaires étrangères. La stratégie ministérielle de réforme demandée par le Premier ministre vient s'inscrire dans ce nouveau plan stratégique pour la période 2004-2007. Ce document est ambitieux et témoigne d'une réflexion approfondie et opérationnelle sur vos objectifs. Nombre d'orientations semblent intéressantes, telles la modernisation du réseau des établissements culturels, l'augmentation du nombre d'assistants techniques et la diversification de leurs parcours ou la création d'un réseau d'experts en recherche sur le développement.
Il est cependant un sujet qui me tient plus particulièrement à coeur, en tant que suppléant de notre collègue Jacques Chaumont au conseil de surveillance de l'Agence française de développement. Comme Jacques Chaumont l'a dit tout à l'heure, il s'agit de la double tutelle exercée sur cet organisme par le ministère des affaires étrangères et celui de l'économie et des finances. Messieurs les ministres, cette double tutelle est mal exercée et ne fonctionne pas bien, la technique financière de l'Agence prend trop souvent le pas sur les intérêts diplomatiques et même sur les orientations de votre ministère.
En tant que représentants du Parlement au sein de ce conseil, nous sommes obligés de nous battre pour soutenir les représentants du ministère des affaires étrangères contre les représentants du ministère des finances, alors que la France a pris des engagements de financement de certaines opérations et qu'un sous-chef de bureau du Trésor se permet de « la ramener » en expliquant que ce n'est pas bien, pour des raisons d'opportunité plus ou moins maladives qui ne le regardent pas ! En effet, jusqu'à nouvel ordre, la politique extérieure relève du Président de la République, du Premier ministre, des ministres chargés des affaires étrangères et de personne d'autre. Nous avons de temps en temps le sentiment que la politique extérieure est éclatée un peu partout et que personne n'y comprend plus rien, en tout cas, que tout est fait pour que l'on ne puisse pas mettre en oeuvre les engagements de la France.
M. Xavier de Villepin. Bravo !
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, et Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Messieurs les ministres, je vous demande donc quelles mesures concrètes seront prises pour améliorer l'exercice de la double tutelle sur l'AFD. Il faudrait, permettez-moi de le dire, une information un peu plus claire des malheureux sénateurs qui siègent au conseil de surveillance. Je n'insiste pas, mais vous connaissez l'incident grave que nous avons eu cet été en raison d'un cafouillage dans la transmission des dossiers.
Je souhaiterais également connaître l'état d'avancement de la démarche de certification et de qualité, dont vous nous avez dit, monsieur le ministre, lors de votre audition le 10 juin dernier par la commission des finances, qu'elle en était encore à la phase de définition des moyens et des méthodes.
Pour conclure, nous devons nous réjouir du fait que la France respecte les engagements qu'elle a souscrits en matière de hausse de son aide aux pays les plus pauvres, mais nous devons veiller à ce que ces crédits contribuent tant au développement des pays récipiendaires qu'au renforcement de l'influence et du rayonnement français. C'était essentiellement le but de mon intervention.
Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des finances vous propose, à l'unanimité, mes chers collègues, de voter le budget de l'aide publique au développement pour 2004. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, de l'Union centriste, de l'UMP et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis.
M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour les affaires étrangères. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les interventions très précises des éminents rapporteurs spéciaux de la commission des finances me permettront d'être plus bref.
Le projet de budget pour 2004 est marqué par la contrainte financière. J'aurais souhaité, comme beaucoup de mes collègues de la commission des affaires étrangères, que plusieurs dotations soient meilleures ; je citerai simplement les contributions volontaires aux organisations internationales. Elles seront, en 2004, inférieures de moitié à celles que la France versait dix ans plus tôt, nous amenant à n'être que le treizième contributeur volontaire aux institutions de l'ONU alors que nous sommes le quatrième contributeur obligatoire. Je crois donc qu'un effort est souhaitable en la matière, en nous donnant pour objectif d'être parmi les dix premiers contributeurs dans les principales organisations internationales.
Cela étant, la conjoncture économique est difficile. Chaque ministère doit donc faire des économies et le ministère des affaires étrangères y participe pleinement par la réduction de ses effectifs et de ses crédits d'investissement. Plus encore, le ministère des affaires étrangères, par un important effort de redéploiement, parvient à dégager les moyens nécessaires au financement de ses priorités en matière d'aide au développement, de francophonie, de réforme du droit d'asile ou de sécurité des Français à l'étranger. Cet effort financier et de gestion est suffisamment peu commun pour être salué solennellement.
Le projet de budget pour 2004 prévoit en outre la mise en oeuvre de la première phase de la réforme des rémunérations à l'étranger. Je crois que chacun s'accorde à reconnaître le bien-fondé d'une démarche visant à corriger des incohérences entre les pays et à ajuster les différentes indemnités aux besoins réellement constatés. J'en avais défendu le principe l'année dernière. Je m'interroge toutefois sur les modalités de sa mise en oeuvre.
Ne croyez-vous pas, monsieur le ministre, qu'une application graduelle tenant compte des dates de prise de fonction, des grades et des situations familiales serait de nature à rendre son application plus aisée ? Comme un grand nombre de mes collègues de la commission, il me paraît en effet assez légitime que les personnels déjà en poste, qui ont pris des engagements financiers pour leur logement et la scolarité de leurs enfants à partir de leur rémunération globale, acceptent difficilement la remise en cause d'une part significative de leur revenu.
Je voudrais ensuite, monsieur le ministre, apporter mon entier soutien à la mise en place d'une mission interministérielle regroupant l'ensemble des moyens de l'Etat à l'étranger, dans le cadre de la loi organique sur les lois de finances. Je la crois absolument indispensable. On ne peut plus faire l'économie d'une réelle coordination de nos moyens à l'étranger. Leur dispersion est préjudiciable à notre influence et l'ambassadeur - je le dis très fortement - doit être confirmé dans son rôle de chef de poste, à même d'animer et d'arbitrer. Certes, il s'agit de rassembler plusieurs politiques distinctes, mais toutes tournées vers le même objectif : l'influence de la France à l'étranger.
Cependant, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous précisiez les raisons qui vous ont conduit à proposer un programme unique regroupant coopération culturelle et développement. Il apparaît en effet comme la simple transposition des structures administratives et rassemble deux objectifs distincts : le rayonnement culturel et l'aide au développement.
En conclusion, ce projet de budget marque à la fois la volonté du Gouvernement de gérer au plus juste les finances publiques et son souci de dégager des moyens pour financer ses priorités, tout en poursuivant la réforme de l'Etat. C'est pourquoi la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées émet un avis favorable sur le projet de budget pour 2004. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour les relations culturelles extérieures et la francophonie. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'action culturelle extérieure de la France ne cesse de voir ses moyens financiers réduits depuis une quinzaine d'années, en particulier pour ses actions traditionnelles, tels les centres culturels. A titre personnel, je déplore cet état de fait, mais il me semble conforme à l'orientation de la majorité de la commission des affaires étrangères de proposer des pistes pour adapter notre réseau culturel aux contraintes financières qui s'aggravent.
Tout d'abord, il faudrait peut-être admettre que ce réseau est excessivement dense : la France compte près de 600 implantations culturelles diverses dans le monde entier, constituées par les centres culturels, leurs antennes et leurs annexes, et par les Alliances françaises.
Contrairement à ce que l'on pourrait penser de prime abord, cette densité nuit à l'image de notre pays, car elle se traduit par un manque de personnels et de moyens financiers dont souffrent ces établissements. Vous en étiez conscient, monsieur le ministre, puisque vous aviez annoncé un plan de restructuration qui aurait dû s'étaler de 2003 à 2006.
Je souhaiterais donc savoir si cette annonce s'est déjà concrétisée dans les faits, quelles sont les perspectives en ce domaine et comment les intérêts des personnels qui travaillent de longue date au rayonnement de la France seront sauvegardés.
Ayant consacré mon intervention de l'an passé aux difficultés de tous ordres que l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, doit surmonter, je n'y reviendrai pas, sauf pour rappeler que la commission des affaires étrangères compte sur la volonté que vous avez toujours manifestée, monsieur le ministre, pour soutenir l'agence. Cette dernière a besoin de notre appui pour continuer à défendre pied à pied un budget qui a été sous-dimensionné dès sa création.
Je voudrais savoir si la dizaine de déconventionnements d'établissements constatée en 2003 résulte d'une coïncidence ou si c'est le début de la réalisation d'un plan de réduction du périmètre de l'AEFE.
Les réussites de notre réseau audiovisuel extérieur méritent d'être soulignées. Radio France internationale, RFI, est désormais captée par 45 millions d'auditeurs réguliers répartis sur tout le globe, ce qui place ce réseau radiophonique au troisième ou quatrième rang mondial, à peu de distance de la Deutsche Welle. Je salue, sur ce point, la possibilité enfin offerte aux auditeurs français, qui contribuent au financement de RFI par leur redevance, de capter cette station dans tout l'Hexagone s'ils disposent de postes de radio permettant la réception en mode numérique. Je souhaite également souligner la qualité du site internet de la chaîne, dont la consultation enregistre d'ailleurs une croissance continue.
J'en arrive maintenant à la chaîne francophone TV5 Monde, qui aura vingt ans en 2004, et qui a considérablement développé son attractivité et son audience durant cette période.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. C'est vrai !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis. Pour la seule année 2003, TV5 a accru son audience de 20 %, avec près de cent cinquante millions de foyers qui reçoivent cette chaîne à travers le monde. Le dernier exemple en date de cette audience en expansion est l'accord signé lors de la récente visite du président Thabo Mbeki en France, qui va permettre à TV5 d'être diffusée en Afrique du Sud à partir du mois de janvier 2004 sur l'offre de base du satellite sud-africain Multichoice.
L'extension de l'audience de TV5 passe à l'avenir par une politique, certes coûteuse, mais nécessaire, de sous-titrage.
Je me poserai maintenant la même question que M. Chaumont, rapporteur spécial ; c'est une identité de vue sarthoise (Sourires) : en l'absence d'une ligne de crédit, dévolue au financement de la chaîne télévisée d'information internationale, dont les grandes lignes sont esquissées dans le premier rapport Brochand, je m'interroge.
Un consensus règne, semble-t-il, sur l'utilité pour la France d'une telle création. Mais avec quels financements, sachant, d'une part, qu'un tel type de chaîne coûte beaucoup plus cher que les 80 millions d'euros annoncés par M. Brochand et que, d'autre part, elle ne peut être que déficitaire et que, même si l'un des opérateurs est privé, le service devra être payé par le contribuable ?
Enfin, je conclurai en me félicitant du retour en France des étudiants étrangers : 221 660 en 2002, pour 122 200 en 1986. Il reste beaucoup à faire pour les accueillir, surtout en matière de logement. Certaines universités ont mis en place un « guichet unique » pour faciliter leurs démarches administratives. C'est un exemple à suivre. Mais il faut aussi que les programmes de bourses Major et Eiffel se développent et continuent à attirer en France les meilleurs étudiants étrangers. A cet égard, monsieur le ministre, j'exprimerai quelques inquiétudes sur la montée en puissance de ces programmes. En effet, si les crédits ne continuent pas à augmenter régulièrement d'année en année, il faudra progressivement les restreindre.
En conclusion, je vous précise que la commission vous recommande l'adoption des crédits des relations culturelles extérieures pour 2004. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur le banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis.
Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour l'aide au développement. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'aide au développement a été placée par le Président de la République au nombre des priorités françaises.
Le projet de budget pour 2004 traduit cet engagement et garde le cap, en dépit d'une conjoncture difficile : en 2004, la part consacrée à l'aide au développement devrait atteindre 0,43 % du PIB. L'aide française progresse de 387 millions d'euros et de près de 6 %.
Le redressement de notre aide s'accompagne nécessairement d'une réflexion sur ses modalités, et son pilotage doit reposer sur des choix clairs : des choix géographiques, d'abord, pour une zone de solidarité véritablement prioritaire où puisse s'exercer une réelle programmation ; des choix clairs, ensuite, quant aux moyens d'intervention.
Je salue le redressement de notre aide bilatérale, qui atteint, en 2004, 69 % du total. Cette manifestation de l'engagement français est indispensable si nous voulons influer sur l'action des bailleurs multilatéraux. Elle signifie tout simplement le redressement de notre aide.
Les crédits destinés au fonds de solidarité prioritaire, le FSP, et aux dons-projets de l'Agence française de développement enregistrent un redressement notable. Le FSP se trouve cependant sollicité de multiples façons et l'augmentation annoncée lui permettra difficilement de faire face à ces sollicitations si la pratique est maintenue de financer sur ses crédits des interventions hors zone de solidarité prioritaire.
Le traitement de la dette, qui occupe une place prépondérante avec 30 % de l'aide totale et 43 % de l'aide bilatérale, doit appeler notre vigilance.
Notre pays ne doit pas céder à la tentation du « chèque » et de la « sous-traitance » du développement. C'est tout l'enjeu de la réussite des contrats de désendettement et de développement.
Je considère, par ailleurs, qu'au nombre des objectifs prioritaires de ce dispositif figure la restauration de la confiance dans le cadre juridique des Etats destinataires. Cela implique notamment le financement, sur les annulations de dettes, des mécanismes d'indemnisation des investisseurs privés victimes de spoliations et l'affectation de crédits aux caisses locales de sécurité sociale, sous la réserve formelle qu'elles honorent leurs engagements à l'égard de tous leurs affiliés, au nombre desquels figurent de nombreux compatriotes. L'enjeu est ici la crédibilité même de notre aide et la responsabilité des destinataires.
Ce précompte des sommes dues aux personnes spoliées constitueraient un signe fort en matière de respect des règles. C'est un point extrêmement important, monsieur le ministre, d'abord pour nous-mêmes, notre dignité, notre crédibilité ; ensuite pour nos compatriotes, dont on comprend l'amertume en voyant leur pays consentir, sans condition, des remises de dettes et des prêts extrêmement importants à des Etats où eux-mêmes ont été spoliés, soit dans leurs biens, soit dans leurs émoluments, soit dans leurs retraites, et qui finissent parfois leur vie ruinés, sans aide, pratiquement dans la misère ; enfin, pour les pays eux-mêmes que nous aidons, avec lesquels s'instaure alors un véritable partenariat et qui sortiront enfin de l'assistanat, situation qui, lorsqu'elle dure trop longtemps, n'est valable ni pour l'un ni pour l'autre.
J'ai évoqué ce problème à plusieurs reprises et j'aimerais savoir, messieurs les ministres, où nous en sommes à cet égard.
Ce volet de notre aide a pour corollaire l'augmentation de l'aide programme, qui représente désormais 2 % du total de l'aide. L'aide programme est justement conforme à notre volonté de bâtir de réels partenariats. Elle appelle cependant l'instauration d'un équilibre, difficile à obtenir, entre rapidité des décaissements et contrôle de l'affectation des moyens, faute de quoi elle s'expose aux mêmes travers que l'aide communautaire, souvent dénoncés à cette tribune.
Les choix qui président à la définition de notre politique d'aide au développement doivent être plus lisibles et plus transparents. La présentation actuelle des crédits ne répond pas encore à cet impératif, ni à l'exigence d'un pilotage réel de cette politique.
Sur tous ces points, la réforme bugétaire en cours nous fournit une occasion que nous n'avons pas le droit de laisser passer.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères vous demande, mes chers collègues, d'adopter les crédits du ministère des affaires étrangères pour 2004. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Danièle Pourtaud, rapporteur pour avis.
Mme Danièle Pourtaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour les relations culturelles extérieures. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, compte tenu du peu de temps qui m'est imparti, je n'aborderai que deux des principales incertitudes qui caractérisent le projet de budget des relations culturelles extérieures pour 2004.
La première d'entre elles trouve aujourd'hui un écho dans le monde entier, et jusque devant le Sénat, avec la grève des personnels expatriés. En effet, la situation de notre réseau d'établissements scolaires et culturels à l'étranger est très préoccupante.
Force est de constater que le ministère des affaires étrangères n'a, semble-t-il, plus les moyens de financer correctement cet élément pourtant essentiel de la présence française et de la francophonie.
Ainsi, alors que l'AEFE peine à financer la réforme de la rémunération des personnels résidents et que le niveau de son fonds de roulement reste extrêmement faible, les subventions de fonctionnement qui lui sont allouées diminuent de près de 6 millions d'euros en 2004.
De même, alors que la vétusté de certains établissements scolaires devient inquiétante, les dotations d'investissement consacrées à la construction et à la rénovation des établissements en gestion directe sont réduites, de façon drastique, de 36 %.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, comment comptez-vous garantir la pérennité et l'attractivité d'un réseau qui accueille un nombre sans cesse grandissant d'élèves ? Est-il acceptable de demander aux familles françaises établies hors de France de concourir, de manière sans cesse croissante, au financement de la scolarité de leurs enfants ? Est-il acceptable, face à un désir de France, heureusement grandissant dans de nombreux pays, de rejeter un nombre croissant d'étrangers voulant s'inscrire dans nos établissements ?
La seconde incertitude tient à la future composition du paysage audiovisuel extérieur français.
Dans ce domaine, monsieur le ministre, les années se suivent et se ressemblent. En effet, comme l'an passé, vous nous proposez d'adopter un budget de transition caractérisé par la reconduction des moyens mobilisés en 2003, soit 165 millions d'euros.
Ce budget comporte, certes, quelques points positifs, mais il n'est pas à la hauteur d'une véritable diplomatie d'influence. Je me félicite néanmoins du processus de rationalisation des structures, engagé par votre prédécesseur, que vous avez courageusement poursuivi.
La cession des actifs de la Société financière de radiodiffusion, la SOFIRAD, la suppression de la subvention allouée aux bouquets satellitaires, mais aussi l'arrêt de la diffusion de CFI-TV devraient ainsi permettre de donner une certaine cohérence à un paysage audiovisuel extérieur qui en manquait jusqu'alors sérieusement.
Toutefois, j'estime, à titre personnel, que ce budget se caractérise surtout par un certain manque d'ambition. J'en veux pour preuve l'augmentation insuffisante des crédits alloués à TV5, véritable porte-parole de la francophonie, et, de plus en plus, de la France à travers le monde, désormais présente sur près de six mille réseaux câblés et trente réseaux satellitaires, reçue par cent cinquante-trois millions de foyers et regardée quotidiennement par douze millions de téléspectateurs à travers le monde.
Le travail accompli par Serge Adda et ses équipes a porté ses fruits et TV5 bénéficie désormais d'une véritable renommée internationale et d'une crédibilité accrue en matière d'information.
L'information est devenue la véritable épine dorsale de la nouvelle grille. En témoigne la diffusion, seize fois par jour, des journaux télévisés à heures rondes et la suppression des tunnels d'information grâce à la programmation d'un journal par signal, par pays et par jour.
TV5 a su, par ailleurs, faire preuve de réactivité pour couvrir les principaux événements de politique internationale. Elle est, à ce titre - cela mérite d'être souligné -, la seule chaîne généraliste à s'être transformée pendant six semaines en chaîne d'information continue non seulement pour relater et analyser le déroulement du conflit irakien, mais aussi pour donner le point de vue de la France. Cette heureuse initiative a d'ailleurs eu un effet non négligeable sur son audience. Pour ne prendre qu'un exemple, l'audience moyenne de la chaîne en Suisse a plus que doublé sur cette période.
Mais cette période a aussi vu exploser l'audience aux Etats-Unis. En effet, plus de cent soixante trois mille foyers américains sont désormais abonnés au service payant proposé par la chaîne, pour un chiffre d'affaires annuel supérieur à 3 millions de dollars.
Je tiens donc à souligner que le « petit » million d'euros de crédits supplémentaires accordé à la chaîne est insuffisant pour financer deux des priorités du plan stratégique 2002-2005. En effet, 10 millions d'euros par an seraient nécessaires pour financer l'augmentation du volume de programmes sous-titrés et introduire de nouvelles langues telles que le russe et le chinois. De même, 5 millions d'euros supplémentaires permettraient de faire de l'information de TV5 une référence mondiale.
Dans ces conditions, et alors que le Gouvernement semble décidé à financer deux chaînes d'information complémentaires, je suggère qu'il soit prioritairement donné à TV5 les moyens financiers pour poursuivre son développement mondial.
Enfin, je ne peux conclure sans évoquer la création de la future chaîne d'information internationale que le projet de loi de finances qui nous est présenté se garde bien de mentionner.
Alors que les ordres de grandeur financiers sont désormais connus - M. Bernard Brochand avance un coût de fonctionnement en année pleine de 70 millions d'euros -, chacun d'entre nous, monsieur le ministre, aurait aimé connaître la nature des ressources appelées à financer un projet dont le coût représente tout de même plus du tiers des crédits consacrés chaque année à l'action audiovisuelle extérieure française.
Par-delà cet aspect financier, pour conclure, je souhaiterais faire part, à titre personnel, de mon scepticisme quant au choix d'associer TF1 et France Télévisions pour mener à bien ce projet.
Il aurait été plus raisonnable, s'agissant d'un projet sur fonds publics, de choisir le projet rassemblant France Télévisions et RFI et d'exploiter ainsi les complémentarités des différents organismes de l'audiovisuel public.
Sous réserve de ces observations, la commission des affaires culturelles a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des relations culturelles extérieures pour 2004. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis.
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la francophonie. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme chaque année, la discussion du projet de budget du ministère des affaires étrangères nous permet d'évoquer les crédits consacrés par le service des affaires francophones au financement de la francophonie multilatérale et, à travers lui, de débattre de l'action conduite par les pouvoirs publics en faveur de la langue française.
Je relève avec satisfaction, messieurs les ministres, que les crédits inscrits au projet de budget pour 2004 du ministère des affaires étrangères en faveur de la francophonie reflètent bien les engagements pris par la France au sommet de Beyrouth.
Au cours de cette conférence des chefs d'Etat et de gouvernement ayant le français en partage, qui s'est tenue en octobre 2002, le Président de la République avait annoncé que la France accomplirait un effort supplémentaire en faveur de la francophonie. Celui-ci s'est traduit, avant même la fin de l'année, par le vote, dans la loi de finances rectificative pour 2002, d'une enveloppe de 20 millions d'euros supplémentaires au profit de la francophonie multilatérale.
Le projet de loi de finances pour 2004 prévoit, à son tour, 20 millions d'euros de mesures nouvelles : la moitié de ces nouveaux crédits - 10 millions d'euros - bénéficiera, à travers le fonds multilatéral unique, aux opérateurs de la francophonie. La subvention que leur versera, en 2004, le ministère des affaires étrangères sera ainsi portée de 36,7 millions d'euros à 46,7 millions d'euros, soit une hausse de 27 %, ce qui constitue, dans le contexte actuel, la marque d'une véritable priorité.
Les 10 autres millions d'euros devraient contribuer au renforcement du programme de bourses dans le cadre de la francophonie, programme ô combien nécessaire ! C'est une bonne chose, car un effort me paraît nécessaire en ce domaine, si nous voulons mettre notre système universitaire en situation d'attirer les meilleurs étudiants de nos partenaires francophones.
J'ai relevé, monsieur le ministre, dans la présentation de cette mesure nouvelle dans le bleu budgétaire, une ambiguïté, qui n'est, je l'espère, qu'apparente, sur le montant effectif de cette mesure nouvelle. Je souhaiterais donc que vous me confirmiez qu'elle portera bien sur 10 millions d'euros, et non sur 6,3 millions d'euros, comme pourrait, sans doute à tort, le faire penser l'examen du chapitre 42-15, article 20.
Nous souhaitons que tous les crédits dont vous pouvez disposer soient effectivement mis à votre disposition. C'est pourquoi vous me permettrez d'y être particulièrement attentif.
La commission des affaires culturelles - vous le savez, monsieur le ministre - est par principe hostile aux gels de crédits dont est régulièrement victime votre ministère, quels que soient d'ailleurs les gouvernements en place.
Nous nous sommes donc alarmés des mesures de gel ou d'annulation qui ont touché certains des crédits inscrits en loi de finances rectificative pour 2002 et en loi de finances pour 2003 : avez-vous quelque espoir d'obtenir, avant la fin de l'année, un déblocage de certains de ces crédits ? Nous le souhaitons ardemment !
La participation du ministère au fonds multilatéral unique et l'enveloppe de 580 000 euros dont il disposera en 2004, comme les années précédentes, pour subventionner des associations conduisant des actions multilatérales en faveur de la langue française ne représentent toutefois qu'une partie de l'effort global consenti par notre pays en faveur de la langue française et de la francophonie. Celui-ci fait l'objet, depuis 1987, d'un état annexé au projet de loi de finances, qui répond à une demande formulée jadis par Maurice Schumann, alors président de la commission des affaires culturelles.
Ce document, dont nous regrettons, cette année encore, la publication trop tardive, évalue à 882,6 millions d'euros en 2004 le montant de cette contribution globale. C'est évidemment une somme importante, mais, messieurs les ministres, il s'agit de donner à la francophonie la possibilité d'être véritablement, au xxie siècle, une expression du rayonnement de la langue et de la culture française.
Je souhaite par ailleurs insister sur deux points.
Il faut nous pencher particulièrement sur l'aide à porter aux Africains pour sauver leurs systèmes éducatifs.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Très bien !
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. Comment espérer un avenir pour la francophonie africaine si les systèmes éducatifs africains s'effondrent ? Comment imaginer que ces pays, où vivent tant de francophones virtuels, soient un jour des pays de francophonie réelle, si nous ne les aidons pas à mettre sur pied un système éducatif qui permette un apprentissage du français dans de bonnes conditions ?
Mais il est une autre chance pour que le français reste l'une des grandes langues internationales : qu'il prenne toute sa place dans l'Europe en construction.
M. Aymeri de Montesquiou. C'est vrai !
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. La langue française a été, au début de la construction européenne, la langue de l'Europe. Elle n'est plus maintenant que l'une des langues de l'Europe - mais de moins en moins - et l'anglais, de plus en plus, apparaît comme la seule langue des relations extérieures de l'Europe. Sans doute cela tient-il à la force des choses, mais sans doute aussi à la légèreté dont font preuve certains de nos représentants au sein des institutions européennes, ce qui n'est pas admissible !
M. Philippe Marini. Tout à fait !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Les diplomates pourraient parler français systématiquement !
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. Voilà pourquoi, messieurs les ministres, je souhaiterais que, au-delà de la considération des crédits que la France consacre à cette action, qui sont importants, nous soyons assurés, quand nous pensons « francophonie », qu'il y a bien une volonté française d'en faire l'une des expressions de la présence internationale de notre pays au xxie siècle.
Sous ces réserves, messieurs les ministres, la commission des affaires culturelles a émis un avis favorable à l'adoption de vos crédits. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. André Dulait, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Messieurs les ministres, les rapporteurs qui viennent de s'exprimer ayant très précisément détaillé les grandes lignes du budget de votre ministère, je ne reviendrai donc pas sur leurs analyses financières et me concentrerai sur certains aspects de ce budget, avant d'évoquer quelques questions de politique étrangère.
La rigueur a effectivement lourdement affecté l'exécution 2003 du budget du ministère, à hauteur de quelque 250 millions d'euros, soit plus encore que l'année dernière. Ces gels et annulations en cours d'exercice participent, bien sûr, de l'effort partagé, dans un cadre budgétaire difficile, en vue d'une meilleure maîtrise de la dépense, mais, par nature, ces régulations qui touchent le ministère des affaires étrangères remettent en cause des actions sensibles pour nos partenaires, actions qui traduisent concrètement nos orientations politiques, notamment dans les domaines de la coopération et du développement : si la gestion budgétaire y gagne à court terme, notre crédibilité extérieure y perd.
Le budget 2004 est aussi un budget d'économies et de redéploiement. Le Quai dégage en effet des économies sur les effectifs et sur ce qu'il est convenu d'appeler « le train de vie du ministère ». Ces économies permettront - si elles sont effectivement recyclées dans votre administration - d'augmenter les crédits d'intervention, qui sont au coeur de notre diplomatie, notamment pour la coopération au développement.
De fait, les priorités en la matière seront substantiellement dotées l'an prochain, qu'il s'agisse des dotations au FED, des concours financiers ou des crédits d'investissement.
Par ailleurs, le ministère des affaires étrangères a préparé, sous votre impulsion, sa stratégie ministérielle de réforme, notamment à l'occasion de la mise en oeuvre prochaine de la loi organique relative aux lois de finances. J'en retiens tout spécialement la recherche d'une cohérence interministérielle accrue de notre action extérieure. Il s'agit là d'une préoccupation ancienne du Parlement, tout d'abord, parce qu'elle relève du bon sens comme source d'une efficacité et d'une rationalité financière accrues ; ensuite, parce que, pour nous, parlementaires, elle permettra, enfin, d'appréhender clairement les actions de toute nature conduites hors de nos frontières.
Si nous sommes nombreux, dans cette enceinte, à partager les objectifs de cette ambitieuse réforme - meilleure définition des priorités, rénovation des méthodes, valorisation des compétences -, nous sommes aussi convaincus qu'elle nécessitera un financement crédible. Cela fait en effet plus de dix ans que le Quai est engagé dans un effort continu de réduction de ses moyens, réduction à laquelle il faudra bien mettre un terme un jour, faute de quoi cette gestion vertueuse finira par asphyxier une administration chargée de mettre en oeuvre l'une des priorités politiques majeures de tout gouvernement.
Car c'est bien d'une action prioritaire qu'il s'agit pour la France lorsque notre diplomatie s'implique, comme elle le fait, au coeur des crises qui sont le quotidien de notre environnement international. Elle le fait avec des principes et une vision de l'avenir qui ont renforcé son rôle et son audience sur la scène internationale. Avec votre équipe, monsieur le ministre, vous n'avez pas ménagé vos efforts pour cela. Soyez-en ici remercié.
C'est, en effet, peu dire qu'au cours de l'année écoulée notre diplomatie s'est résolument impliquée dans les diverses crises qui ont fait l'actualité du monde.
Tout d'abord, la crise en Côte-d'Ivoire a démontré la fragilité politique et institutionnelle du pays, dès lors qu'a pris fin la relative prospérité qu'il avait connue, laissant libre cours aux intérêts de clans, à des comportements politiques souvent irresponsables et à l'incursion de forces extérieures incontrôlées.
La détermination française à proposer et à mettre en oeuvre un règlement à ce conflit, comportant un volet politique et un volet militaire, est tout à l'honneur de notre pays. Personnellement, j'y vois d'ailleurs plus qu'une stratégie de gestion de crise. En effet, en s'efforçant de prévenir le pire en Côte-d'Ivoire, et donc dans l'ensemble de la région, la France concourt à la nécessaire sollicitude pour un continent en danger. Ce type d'engagement de la part de notre pays est aussi, à mon sens, une contribution majeure contre le sous-développement, même s'il n'est pas comptabilisé dans les statistiques de l'aide publique en la matière.
Malheureusement, la tension dans le pays est permanente - nous l'avons vu encore hier - et la mise en oeuvre des accords de Marcoussis rencontre de nombreuses difficultés qui font craindre la reprise des combats, voire la pérennisation de l'actuelle division du pays.
Monsieur le ministre, vous avez récemment rencontré le président ivoirien et débattu de ces questions ; peut-on espérer une évolution qui remette clairement le processus de réconciliation sur les rails ?
Vous vous en doutez, les préoccupations de la commission des affaires étrangères du Sénat portent également sur la situation au Proche-Orient et au Moyen-Orient, sur l'évolution de la situation en Irak, mais aussi sur le blocage du processus de la « feuille de route ». Je pourrais y ajouter le risque de prolifération nucléaire entretenu par l'Iran : la gestion, par vos deux collègues britannique et allemand, et par vous-même, monsieur le ministre, a permis de réduire la différence d'approche entre les Etats-Unis et les Européens pour aboutir à un compromis. Ces foyers de crises ou de tensions ont beau avoir leurs ressorts spécifiques, ils sont cependant un défi commun à la communauté internationale, qui apparaît trop souvent comme démunie ou désunie pour y apporter une réponse efficace.
Tout d'abord, sur le conflit israélo-palestinien, le vote à l'unanimité du Conseil de sécurité de la résolution endossant la feuille de route est un événement important. Par ailleurs, dans son récent discours, à Londres, le président américain a fait montre d'une vigueur inhabituelle pour inciter le Gouvernement israélien à respecter ses engagements. Enfin, la constitution du nouveau gouvernement palestinien et la perspective d'une reprise des contacts directs, parallèlement à l'arrêt indispensable des actions terroristes, pourraient contribuer à recréer une confiance aujourd'hui détruite.
Mais il faut surtout saluer cette « initiative de Genève », officiellement lancée aujourd'hui même, qui, même si elle n'a pas de valeur officielle, démontre que, pour répondre aux aspirations des deux peuples pour la paix, des solutions sont possibles, et que des sujets tabous comme, entre autres, le statut de Jérusalem ou le droit au retour, peuvent être mis sur la table et faire l'objet d'accords. Il y a là un complément, une concurrence stimulante à une feuille de route dont les échéances sont déjà dépassées.
Il reste sur cette question - nous le savons d'expérience - que la préparation des élections américaines conduit toujours à une paralysie des initiatives extérieures qui, seules, peuvent dépasser le statu quo de la violence. Dès lors, pour ne pas perdre une année de plus, est-il concevable que les autres membres du Quartet, dont l'Union européenne, finalement assez unie sur ce sujet, prennent le relais des frémissements que l'on perçoit aujourd'hui ?
Dernière observation : l'évolution de la situation en Irak a conforté - j'oserai dire « malheureusement » ! - les analyses formulées par vous-même et notre diplomatie au début de l'année. Mais il faut désormais regarder devant nous pour gérer au mieux une instabilité néfaste pour tout le monde, d'abord pour les Irakiens eux-mêmes.
La violence persistante et son extension régionale ont conduit la coalition et le conseil de gouvernement à un accord sur une restauration de la souveraineté irakienne et la désignation d'un gouvernement transitoire d'ici six mois, en vue de l'élection d'une Constituante avant deux ans.
Cet accord, dicté par le réalisme, est positif, mais il ne change rien à une logique qui laisse encore l'ONU de côté. Par ailleurs, qui seront les participants au gouvernement transitoire ? Ne devra-t-il pas, pour marquer sa différence, s'ouvrir à d'autres acteurs politiques que les membres des actuelles instances irakiennes ? Faudra-t-il garder aux forces étrangères leur actuel statut de forces d'occupation ou imaginer une autre solution ? En d'autres termes, ne conviendrait-il pas, pour entériner, voire ajuster la nouvelle démarche proposée, de prévoir une résolution du Conseil de sécurité qui placerait, clairement, cette fois, l'ensemble du processus de reconstruction politique, économique et sécuritaire sous la responsabilité d'une communauté internationale enfin réunie ?
Dans toutes ces turbulences, monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la diplomatie française est présente pour analyser, proposer et agir. Afin que notre diplomatie soit dans la meilleure situation possible pour continuer sur cette voie, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous invite à voter les crédits du ministère des affaires étrangères pour 2004. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 85 minutes ;
Groupe socialiste, 47 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 23 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 20 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi une intrusion rapide dans ce débat sur un sujet peut-être plus diplomatique que budgétaire. Je suis en effet frappé de constater combien le différend entre la France et les Etats-Unis, né de la crise irakienne survenue au premier semestre 2003, pèse aujourd'hui lourdement sur les relations internationales dans leur ensemble.
Aux divergences d'hier sur l'opportunité de la guerre en Irak ont en effet succédé des désaccords nouveaux sur la façon de sortir de la crise - rôle de l'ONU, présence des forces militaires en Irak, transfert de souveraineté aux Irakiens -, et sur le conflit israélo-palestinien. Plus grave peut-être, un divorce durable semble s'être installé au niveau des opinions publiques, des deux côtés de l'Atlantique.
Côté Amérique, l'attitude française dans la crise irakienne n'a pas été oubliée. Au contraire, témoigne l'ancien ambassadeur des Etats-Unis en France, Félix Rohatyn, elle « plane sur toute la panoplie de nos relations, même si elle pèse davantage du côté diplomatique que du côté des entreprises ».
A cela, il y a une raison principale : la France n'a pas seulement eu une interprétation différente de celle des Etats-Unis, elle a été aussi un élément moteur et actif du front du refus à la position américaine : évocation a priori du veto français au Conseil de sécurité ; tournée militante auprès des Etats indécis, intonations aux accents jugés neutralistes ou tiers-mondistes des interventions françaises à l'ONU.
Cette attitude a été incontestablement perçue comme une sorte de trahison de la part du premier allié historique de l'Amérique, de surcroît redevable d'une lourde dette de sang contractée en 1917, puis en 1944. Il en est résulté un fort mouvement francophobe dans les cercles du pouvoir américain, qu'ils soient républicains ou démocrates, mais aussi au sein du peuple américain.
Un dégel semble aujourd'hui se faire jour. La presse populaire ne tire plus à boulets rouges sur tout ce qui est français. The National Report, magazine politique réputé à Washington pour son sérieux et son objectivité, affirmait même voilà deux semaines à propos de l'Irak « The French were right ». Les consignes de boycott des produits français, qui circulaient au printemps, n'ont par ailleurs pas provoqué les ravages redoutés.
Un groupe d'amitié franco-américaine, composé de « poids lourds » démocrates, mais aussi de républicains, a récemment été créé à Capitol Hill.
Mais, selon M. Rohatyn, « il y a toujours une grande brèche » dans l'opinion publique. Et de déplorer qu'il n'y ait pas eu de progrès sur le fond !
Côté Europe, les Français, qui ont brandi le haut-parleur le plus sonore dans le concert de condamnations prononcées à l'encontre des Etats-Unis, ne sont plus que 31 % à avoir une opinion favorable à l'Amérique.
Après la « coca-colonisation » du monde dans les années cinquante, on dénonce aujourd'hui volontiers l'arrogance, l'unilatéralisme, voire l'impérialisme des Etats-Unis, leur ambivalence entre la pureté des principes invoqués et la prégnance des intérêts. Nous pouvons, certes, nous demander si ce puissant hegemon veut des partenaires et des alliés, ou seulement des affidés. Mais la sentence flétrit également la société américaine dans son fonctionnement interne, dans son identité de valeurs.
Je pense qu'il est urgent de désamorcer cet anti-américanisme ambiant, exprimé par beaucoup de jeunes notamment, en rappelant la réalité de la communauté d'intérêts qui constitue le ciment de l'alliance entre la France et les Etats-Unis.
Nos deux pays ont d'abord deux siècles d'histoire commune, faite d'entraides et d'apports réciproques. Ils ont, en outre, une communauté, active et forte, de références et d'idéal démocratiques. Ils ont des convergences essentielles face aux risques du terrorisme international et face à ceux qui contestent radicalement le modèle occidental. Une France, une Europe hostile aux Etats-Unis, ce n'est ni réaliste ni souhaitable.
La France n'a pas à battre sa coulpe ; sa position dans la crise irakienne a pu être d'une logique implacable. Mais, maintenant que la guerre a eu lieu, rien ne sert de pleurer sur le lait répandu ! Aucun Français ne peut souhaiter un échec américain dans la région. Que l'espérance d'une reconstruction d'un Irak libre et démocratique s'évanouisse, et ce sera alors la mort annoncée de tous les régimes musulmans modérés qui s'efforcent de résister à la déferlante islamiste. Que la plus grande puissance militaire du monde soit défaite, et un signal dévastateur sera envoyé à tous les Ben Laden du Proche-Orient, du Maghreb.
La France dispose tout à la fois de l'expérience historique, de l'audience dans le monde arabe et de moyens non négligeables pour peser sur l'issue de cette crise. A condition cependant de ne pas se cantonner dans le rôle de conseiller extérieur, voire de donneur de leçons.
L'heure est peut-être venue de tourner la page sur les désaccords politiques d'hier et de rétablir des relations de confiance avec nos alliés américains. Je sais que vous vous y attelez, monsieur le ministre, et que la contradiction dans laquelle l'administration Bush s'est enfermée rend difficile cet objectif.
En tant que puissance dominante à l'échelle mondiale, les Etats-Unis ont la responsabilité de faire preuve de ce que leur déclaration d'indépendance appelle « le respect dû à l'opinion de l'humanité ». Leur plus grand défi consiste à renforcer les mécanismes, peut-être défectueux, mais pourtant nécessaires, de la gouvernance mondiale. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. « De grandes ambitions pour la France sur la scène internationale », voilà votre propos, monsieur le ministre.
Grandes ambitions qui se sont concrétisées dans l'action de la France à l'ONU à propos de l'Irak et du Proche-Orient, mais aussi à propos de l'élargissement de l'Union européenne et de la mise en place d'institutions qui permettraient, nous l'espérons, le fonctionnement à 25.
Mes collègues du groupe socialiste s'exprimeront sur ces sujets. Mais nous apprécierions que l'action soit le plus souvent possible en adéquation avec la proclamation.
Ainsi en est-il de notre partenariat avec les pays du Maghreb, en principe orienté tout autant vers le progrès politique que vers la croissance économique.
Habitants des pays riverains de la Méditerranée occidentale, membres d'une même communauté de destin, aucune indifférence ne nous est possible envers les peuples du Maghreb.
Aussi, à la veille de la visite d'Etat du Président Chirac en Tunisie et du sommet 5+5, je me permets d'attirer votre attention et de vous interroger, monsieur le ministre, sur la situation de Mme Radhia Nasraoui, avocate, qui fait la grève de la faim à Tunis depuis le 13 octobre dernier pour dénoncer le harcèlement dont elle-même, sa famille, ses clients, sont victimes, harcèlement qui l'empêche d'exercer normalement son métier.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Très bien !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Radhia Nasraoui met sa vie en danger parce que les faits sont graves. Elle est l'un des symboles de la vocation démocratique de son pays, qui pourra fêter en 2007 le centenaire de son premier parti politique moderne.
Non, la Tunisie n'est pas un pays arriéré dont le peuple ne serait pas mûr pour l'Etat de droit : je voudrais que la diplomatie française en soit consciente.
Mme Josette Durrieu. Très bien !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Venons-en à votre projet de budget, monsieur le ministre, objet central du débat de ce soir. Quel écart entre les ambitions proclamées et la réalité des moyens déployés pour les services publics à l'étranger !
Cette année encore, le Quai d'Orsay va perdre 116 agents. Nous arrivons ainsi à une réduction de 10 % des effectifs en dix ans.
La baisse des crédits est de 16,2 % pour la rémunération des personnels en poste à l'étranger et de 9,3 % pour ceux qui sont affectés dans les établissements culturels et de coopération, soit une diminution de 4,2 % de la masse salariale et de 2 % des frais de fonctionnement.
Je rappelle que les effectifs du ministère ont déjà diminué de près de 6 % entre 1995 et 2003, alors que les autres ministères bénéficiaient de créations de postes. Monsieur le ministre, le malade était maigre ; il devient cachectique !
Aujourd'hui même, et pour la première fois, la totalité des syndicats du ministère ont appelé à la grève pour dénoncer la baisse des crédits de fonctionnement, qui porte un coup très dur à l'efficacité de leur travail. C'est bien là la première chose qu'ils mettent en avant !
A la diminution des effectifs s'ajoute maintenant la réforme de l'indemnité de résidence à l'étranger, pour une économie globale de 34 millions d'euros, c'est-à-dire de 6 %. Cette réduction, destinée à réaliser une économie à court terme, est ressentie comme une injustice et comme un camouflet par les personnels.
La double vocation, élargie à tous les grades, est mal acceptée, parce qu'elle réduit les revenus sur la durée de la carrière. C'est particulièrement dur pour la catégorie C. Que propose-t-on aux agents, en contrepartie, alors que la mobilité est une lourde contrainte familiale, qu'elle prive leur conjoint - le plus souvent leur conjointe ! - de la possibilité de travailler, d'apporter un revenu supplémentaire et de se constituer une retraite propre ? Que leur propose-t-on ? Pour l'instant, rien de précis, à quinze jours de la publication du décret, à un mois de son application !
Comment se répartiront les baisses de l'indemnité de résidence ? Mystère ! En principe, l'abattement pourrait atteindre jusqu'à 12 %, selon les pays.
On parle d'une hausse de 40 euros mensuels pour la catégorie C quand les agents seront en administration centrale, mais on ne sait pas très bien de quelles indemnités il s'agit. Pour les agents de catégorie B - le chiffre varie -, ce seraient 80 euros mensuels : un pactole ! Et pour les personnels d'encadrement, la catégorie A, la prime bondirait de 200 euros à 400 euros. C'est l'égalité républicaine revue et corrigée selon les normes « Quai d'Orsay » !
M. Philippe Marini. C'est un peu facile !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Oui, le ministère des affaires étrangères n'a pas encore tout à fait digéré les révolutions successives du xixe siècle. Mais nous sommes au xxie siècle !
M. Philippe Marini. Surprenant propos !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Avec une famille à loger, des enfants étudiants, un conjoint qui ne retrouve pas d'emploi, comment vos agents vivent-ils, à Paris et à Nantes ? Quant à la vieillesse, comment la préparer dignement, sur la base d'un seul salaire, si les primes restent exclues du calcul de la pension ?
Une meilleure répartition des rémunérations des agents entre les périodes d'expatriation et celles de service en France aurait pu assainir le climat social dans votre ministère et améliorer la gestion financière individuelle des contraintes imposées par le va-et-vient entre l'étranger et la France. Alors même que les agents de chancellerie, qui étaient entrés aux affaires étrangères pour travailler à l'étranger, vivent très mal la fusion des corps, comment l'ensemble des agents supporteraient-ils la baisse de rémunération, très inégalitaire de surcroît, que vous voulez leur imposer ?
Pour la première fois dans l'histoire de votre ministère, ils sont dans la rue, tous, tous les syndicats, et même des associations telles que celle du cadre d'Orient ou celle des anciens élèves de l'ENA. Monsieur le ministre, tous se révoltent ! Lorsque, comme nous, sénateurs des Français de l'étranger, on connaît leur dévouement, les heures de travail sans compter en poste, les nuits passées bénévolement à Paris, en cellule de crise, à chaque catastrophe qui se produit dans le monde, on les comprend !
C'est pourquoi je suis allée leur témoigner ma sympathie, et nous sommes nombreux dans cet hémicycle à le dire plus ou moins fort. Mais moi, monsieur le ministre, je l'ai toujours dit, quel que soit le gouvernement au pouvoir !
M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères. Moi aussi !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. C'est pourquoi je vous demande instamment de cesser de mettre leur tête sur le billot de Bercy en même temps que la vôtre. C'est votre choix politique, ce n'est pas le leur !
Monsieur le ministre, revenez sur ce projet, négociez avec ceux sans qui la France ne peut plus mener d'action effective à l'étranger !
Votre ministère, c'est de l'énergie, et c'est de la matière grise. Si vous ne donnez pas de récompense à vos personnels, si vous ne les dynamisez pas, vous n'aurez rien ! Défendez-les ! Ne les sacrifiez pas : vous n'avez pas de chars, vous n'avez que des êtres humains en chair et en os, il est très important que vous gardiez cela présent à l'esprit.
Les Français de l'étranger ne sont pas oubliés dans les mesures d'austérité.
Les crédits affectés à l'action sociale baissent de 0,6 %, et la conception de l'aide sociale apportée à nos compatriotes les plus démunis a radicalement changé. Pour les personnes âgées et handicapées, l'aide sociale avait pour référence les minima sociaux français, garanties de dignité de vie. Aujourd'hui, la consigne est de s'aligner sur le plus petit salaire local, dérisoire dans les pays pauvres.
Il est bien fini le temps où le gouvernement Jospin, soucieux de l'insertion de ses compatriotes, lançait des programmes d'allocation locale d'insertion sociale, déployait des assistantes sociales et mettait en place des centres de formation professionnelle à l'étranger !
Parmi les 107 propositions figure la création d'associations d'entraide dans toutes les circonscriptions consulaires. Excusez-moi, monsieur le ministre, mais elles existent déjà depuis le xixe siècle et sont pour la plupart le bras séculier des organisations politiques de droite à l'étranger, un instrument de clientélisme électoral que vos amis politiques gèrent comme leur propriété privée ! Je rencontrerai d'ailleurs mes amis de Tunis à ce sujet dans deux jours.
M. Philippe Marini. C'est la liberté d'association !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. De plus, cette année, nombre de sociétés d'entraide sont exsangues pour n'avoir pas reçu leur subvention. Toutes vivotent, faute de généreux donateurs : les entreprises françaises s'implantent à l'étranger pour dégager des bénéfices, non pour faire de l'aide sociale !
Au-delà des restrictions de crédits, ce qui m'inquiète davantage encore, c'est l'idéologie libérale qui tend à remettre en cause l'idée même de solidarité nationale pour nos compatriotes résidant à l'étranger. Les comités consulaires pour la protection et l'action sociale, les CCPAS, créés en 1982, expriment la solidarité nationale, principe qui figure dans le préambule de notre Constitution et qui n'a rien de comparable avec la charité publique que vous voulez restaurer.
Le sabordement des CCPAS serait-il à l'ordre du jour, monsieur le ministre ? Je vous demande des garanties concrètes sur l'aide sociale consulaire républicaine qui est en place depuis 1982, sur la formation professionnelle à l'étranger et sur l'aide au rapatriement pour indigence.
Je poursuivrai mon propos en évoquant les écoles françaises à l'étranger.
Les crédits qui leur sont affectés diminuent, ce qui est très difficile à supporter. Cette baisse est rendue possible par une réduction sans précédent du nombre d'enseignants expatriés et par la rupture des contrats avec une dizaine d'écoles. Ce sont des choix politiques qui conduisent inévitablement à transférer la charge financière sur les familles, qui paient toujours davantage les enseignants, ces derniers étant de plus en plus recrutés localement - qu'ils soient ou non titulaires de l'éducation nationale.
En cinq ans, la part des familles dans le budget du réseau est passée de 50 % à 60 % parce que l'AEFE doit autofinancer l'amélioration de la rémunération des résidents, souvent recrutés en France et plus mobiles que les expatriés. C'est un choix politique contre lequel je m'étais élevée du temps de votre prédécesseur : je continue à le faire, monsieur le ministre !
Il est inacceptable que l'Etat ne restitue pas à l'AEFE les efforts consentis par les familles pour diminuer les coûts de scolarisation, efforts dont bénéficie l'Etat. C'est une perte de substance pour l'Agence, un déni de justice pour les familles et, à terme, une menace de dégradation pédagogique.
A quand une participation financière du ministère de l'éducation nationale au fonctionnement du réseau proportionnée au nombre d'élèves français scolarisés ?
Mme Danièle Pourtaud. Tout à fait !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Quelles garanties pouvons-nous attendre sur l'avenir du réseau et sur sa qualité ?
Avant de conclure, j'ajouterai un mot sur l'aide publique au développement, l'APD.
Compte tenu des difficultés apparues au cours de l'exercice budgétaire 2003 - gels, annulations et retards de mise en oeuvre de certains crédits -, compte tenu des faibles données disponibles permettant l'identification claire des fonds affectés à l'allégement de la dette, quels efforts de rénovation et de transparence des instruments de la coopération prévoyez-vous, monsieur le ministre, d'engager pour l'exercice 2004 ?
Je ne voterai pas ce budget, insuffisant à tous égards.
M. Philippe Marini. Quelle surprise !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Mais je forme surtout le voeu que les crédits que votre majorité votera soient pour le moins dépensés, et non annulés.
Je rappelle que 250 millions d'euros ont été gelés sur l'ensemble des crédits pour 2003 et que, à ce jour, 98,4 millions d'euros sont encore réservés : autant dire qu'ils ne seront pas dépensés !
Jamais l'écart entre les crédits votés et les paiements n'a été aussi important ! C'est une question grave : il y va de la sincérité du budget voté ; il y va - et c'est encore plus grave à mes yeux - de la confiance que nos concitoyens placent dans le Parlement, dans leurs institutions et dans notre système politique en général. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la discussion du budget du ministère des affaires étrangères s'effectue cette année dans un contexte pour le moins « peu banal », pour reprendre l'expression que vous avez, monsieur le ministre, utilisée la semaine dernière pour décrire le mouvement de grève d'aujourd'hui.
Le deuxième réseau diplomatique du monde tourne aujourd'hui au ralenti. Aux quatre coins du monde, la voix de la France, en ce 1er décembre 2003, est bien difficile à entendre.
Notre débat ne pouvait ignorer cette mobilisation sans précédent. A Paris, à Nantes et dans les postes, les agents du ministère des affaires étrangères expriment la même crainte : celle que notre pays n'ait plus la même capacité à traduire son ambition internationale en termes concrets.
En vous adressant à eux, jeudi dernier, vous avez rappelé, monsieur le ministre, que « rien de ce qui a été fait au cours des dernières années par notre pays sur la scène internationale n'aurait été possible sans l'engagement de chacun des agents du ministère des affaires étrangères ».
Monsieur le ministre, vous avez eu bien raison de leur adresser ce message de reconnaissance, car il suffit de parcourir le monde et de constater la position particulière que la France a reconquise sur la scène internationale pour mesurer combien cet engagement a été déterminant.
Le contexte budgétaire, extrêmement difficile, nous impose des choix. L'augmentation de 2,5 % du budget du ministère des affaires étrangères pourrait apparaître comme une première réponse à l'ambition internationale fixée au Gouvernement par le Président de la République et le Premier ministre.
Cette progression résulte d'une augmentation de plus de 6 % des crédits consacrés à l'aide publique au développement, l'APD.
Cet effort doit être souligné : il poursuit le mouvement d'augmentation de la part de notre produit intérieur brut consacrée à l'APD, conformément aux objectifs affichés par le Président de la République. Il est d'autant plus remarquable lorsqu'on sait que le déficit public excède 4 % du PIB.
Pour être encore plus exemplaire dans ses actions, notamment dans ses actions internationales, la France doit disposer de marges financières que seule la réforme de l'Etat lui donnera.
Cet effort ne serait pas possible sans la volonté de poursuivre parallèlement l'effort de rationalisation du fonctionnement du réseau diplomatique français, tant à Paris et à Nantes que dans les postes. Le Quai d'Orsay s'est ainsi porté à la pointe de la modernisation de l'administration d'Etat. De cela encore, tous ses agents doivent être félicités.
Pour autant, la rationalisation des moyens de fonctionnement, pour être acceptée, doit se dérouler dans la plus grande transparence. C'est l'engagement que vous avez pris devant les agents de votre département ministériel.
La réforme doit en effet s'efforcer sans cesse de rendre complémentaires, et non contradictoires, les impératifs d'efficacité et de justice. C'est ce qu'attendent, je crois, les agents qui se sont mobilisés aujourd'hui.
Pour beaucoup, l'année 2003 a été difficile. Les gels et les annulations de crédits ont considérablement altéré la visibilité de l'action internationale de la France. Les mesures de régulation de crédits n'ont pas seulement représenté une économie de 284 millions d'euros : elles ont aussi mis à mal le travail et la crédibilité, sur le terrain, de dizaines de postes.
Les économies sont à trouver ailleurs. Je sais que notre réseau consulaire en Europe est en voie de restructuration. Dans la mesure où les citoyens français seront bientôt des concitoyens européens dans vingt-cinq pays, nous vous encourageons, monsieur le ministre, à poursuivre dans cette voie.
De même l'effort diplomatique français mériterait-il sans doute d'être partagé dans certaines régions du monde par l'établissement de représentations communes rassemblant plusieurs Etats membres de l'Union européenne.
M. Pierre Fauchon. Très juste !
Mme Jacqueline Gourault. Tel est, en quelques mots, monsieur le ministre, le message que, au nom du groupe de l'Union centriste, je souhaitais vous adresser.
Nous savons combien vous êtes personnellement attaché à la modernisation de votre département ministériel. Pour entreprendre une réforme juste et, par là même, durable, pour répondre aux craintes exprimées aujourd'hui par les agents du ministère des affaires étrangères, nous serons à vos côtés. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Robert Del Picchia.
M. Robert Del Picchia. Monsieur le ministre, nous connaissons votre action et votre engagement pour la France, qui suscitent très souvent l'admiration. Je veux vous en féliciter au nom des Français de l'étranger. Nous félicitons aussi votre équipe : Mme Lenoir, M. Wiltzer et M. Renaud Muselier, qui a notamment en charge les Français établis hors de France et assume cette tâche avec compétence et passion.
Le président de la commission des affaires étrangères, M. Dulait, a parfaitement résumé la présence de notre diplomatie dans le monde. Je n'y reviens pas.
Monsieur le ministre, votre budget doit s'adapter à la rigueur budgétaire imposée par une conjoncture économique internationale peu favorable. Il vous a donc fallu rationaliser et faire des économies tant sur les emplois que sur les frais de fonctionnement.
Dans ce contexte, monsieur le ministre, le coût de la modernisation du ministère implique la réforme du régime des indemnités de résidence des agents du ministère, et même des professeurs en poste à l'étranger, réforme qui fait la une de l'actualité en ce 1er décembre.
Elle devrait permettre une économie importante sur les crédits de rémunération. La baisse, disons-le, assez brutale des indemnités de résidence, il est vrai, est très mal perçue sur le terrain. On peut comprendre, sur le plan humain, ces agents qui se sont engagés dans des dépenses parfois coûteuses. Outre les loyers élevés auxquels ils doivent faire face, je vous rappelle par exemple que, au lycée français de New York, les frais de scolarité peuvent s'élever jusqu'à 16 000 euros, voire 17 000 euros par an et par enfant.
Il y a donc une grève aujourd'hui, je n'y reviens pas. Quelle réponse apportez-vous, monsieur le ministre, aux personnels en poste à l'étranger qui manifestent leur inquiétude et leur désapprobation ? Pouvez-vous les rassurer ? Car, trop souvent, c'est le manque d'information qui est à l'origine de l'incompréhension et des craintes !
Vous avez déjà fort bien rassuré les agents réunis au ministère, et vous avez même pris devant eux des engagements très clairs. Je tiens d'ailleurs à la disposition de ma collègue Monique Cerisier-ben Guiga un résumé des mesures que vous avez prises, monsieur le ministre. Vous avez évoqué un système transparent, la prise en compte du coût de la vie, et même du logement, vous avez mentionné les majorations familiales... Je ne reviens pas sur les détails. Vous avez même envisagé un « solde de tout compte », et vous avez donné une certaine assurance sur l'avenir.
Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas qu'il serait peut-être utile que le Premier ministre voire peut-être le Président de la République adressent un message solennel aux fonctionnaires des affaires étrangères pour leur expliquer ces restrictions budgétaires, dont vous n'êtes en rien responsable, mais qui les pénalisent tous, eux dont la qualité est reconnue de tous ? Je tiens d'ailleurs à les féliciter, au nom de mes collègues : leur engagement et leur dévouement aux intérêts de la France est indiscutable et indiscuté.
Monsieur le ministre, vous vous êtes attaché à maintenir les subventions aux opérateurs de l'audiovisuel extérieur. Nous attendons les arbitrages sur les propositions qui vous seront faites dans les semaines à venir et qui porteront notamment sur le financement de la chaîne d'information internationale, que, je tiens à le souligner, nous souhaitons voir totalement liée à votre ministère. Mais j'aimerais aussi obtenir quelques précisions sur cette affaire dont on a parlé : l'arrêt de la diffusion de France 2 en Italie depuis le mois d'octobre.
Les restrictions budgétaires imposées par Bercy, bien sûr, n'ont pas épargné les Français de l'étranger. Les secteurs essentiels sont toutefois préservés, au premier rang desquels la sécurité, qui voit même son enveloppe augmenter de 18,3 %. Nous en sommes satisfaits en cette époque de terrorisme aveugle et de mondialisation de l'insécurité.
Les restrictions n'ont pas épargné non plus le budget de l'AEFE, dont les crédits s'élèvent pour 2004 à 332 millions d'euros, on le sait.
Il faut souligner que, malgré les crises, la gestion rigoureuse de l'Agence a permis cette année de dégager des marges qui vont être réinvesties dans les priorités. L'Agence devrait ainsi augmenter les crédits destinés aux bourses pour faire face à la croissance des effectifs.
Face aux difficultés financières de l'AEFE, il faut donc, mes chers collègues, explorer de nouvelles possibilités de financements privés hors les frais de scolarité, déjà trop élevés, payés par les parents. L'Etat ne pouvant pas non plus payer toujours plus, c'est ailleurs qu'il faut trouver l'argent.
Dans le plan de stratégie 2007 de l'Agence, conçu en concertation avec les parents, les syndicats, l'administration et même des parlementaires, il est proposé de faire appel à des fonds privés en créant à Paris une fondation pour les écoles françaises à l'étranger.
La loi relative au mécénat du 1er août 2003, qui permet une défiscalisation partielle, est une piste intéressante. Elle pourrait s'appliquer au financement par cette fondation de certains programmes immobiliers de l'Agence, comme le ministre délégué au budget vient de me le confirmer dans une réponse à une question écrite.
Pour pallier ces problèmes financiers, que l'on retrouve tous les ans depuis que l'Agence existe, il y aurait aussi, bien sûr, la possibilité, évoquée depuis des années, d'une cotutelle de l'AEFE avec l'éducation nationale.
Vous vous êtes déclaré, monsieur le ministre, « évidemment ouvert » à la cotutelle et prêt à engager une réflexion avec Luc Ferry. Cette réflexion devrait porter sur le partage de la charge financière et sur un projet éducatif international. Honnêtement, monsieur le ministre, il y a eu tellement de tentatives depuis que l'AEFE existe que nous sommes assez sceptiques quant à l'aboutissement de cette réflexion. Toutefois, je ne demande qu'à me tromper.
La pérennité même de notre réseau exige l'évolution vers un enseignement trilingue débouchant sur un bac reconnu en premier lieu en Europe, mais notre ambition ne doit pas se limiter à l'Europe.
Monsieur le ministre, nous devons avoir un véritable bac international, diplôme identifiable mondialement qui servira de passeport pour tous les systèmes universitaires à travers le monde.
Par ailleurs, vous proposez une réforme de l'action culturelle et je vous approuve pleinement. Il faut bien avouer que des économies importantes pourraient être réalisées dans ce domaine.
J'évoquerai, monsieur le ministre, une petite anecdote : je me rendais, il y a quelques années, dans un centre culturel français à l'étranger où l'on m'avait convié à voir une pièce de théâtre. C'était une pièce d'un auteur turc, jouée en allemand !
M. Philippe Marini. Intéressant !
M. Robert Del Picchia. Elle est restée programmée pendant trois semaines et a reçu le succès qu'elle méritait, c'est-à-dire aucun.
Le secrétaire général du ministère de ce pays, invité lui aussi, a manifesté auprès de moi sa déception : il était venu pour entendre du bon français et il n'a entendu que du mauvais allemand !
Quelques mois plus tard, je retourne dans ce même centre culturel : la pièce était toujours au programme...
M. André Dulait, président de la commission des affaires étrangères. Quelle obstination !
M. Robert Del Picchia. ... et toujours en allemand ! Je m'insurge. On me répond : « Ce n'est pas la même pièce, c'est la suite ! » (Sourires.)
Cela n'existe certainement plus aujourd'hui, monsieur le ministre, mais il est bon de rappeler, de temps en temps, qu'on ne peut pas utiliser les centres culturels français à l'étranger au profit d'une poignée de personnes qui se font plaisir. Il s'agit de l'image de la France et de ses crédits !
M. Philippe Marini. Très bien !
M. Robert Del Picchia. Les coûts de fonctionnement des centres culturels devraient d'ailleurs être évalués plus précisément à l'aune des résultats. J'estime, comme vous, que, s'il le fallait, nous devrions fermer les centres culturels inutiles.
Vous prenez également des mesures pour la rationalisation du réseau consulaire. C'est en effet nécessaire.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des précisions sur les dévolutions de compétences qui seront faites aux pays d'accueil et sur leur mise en oeuvre, qui ne sera sans doute pas toujours facile dans l'Europe des Vingt-Cinq ?
Vous proposez, par ailleurs, une régionalisation de la structure diplomatique et consulaire. A cet égard, je crois, il ne faut pas limiter la possibilité d'effectuer les démarches administratives aux frontières d'un pays.
Je vais vous donner un exemple, dont j'ai été saisi par un Français qui réside à Seattle et qui doit dorénavant se rendre à San Francisco pour renouveler son passeport, donc prendre l'avion, passer une nuit à l'hôtel, ce qui entraîne une perte de temps et d'argent. Or le consulat de Vancouver est à deux heures de voiture, mais de l'autre côté de la frontière canadienne.
Or - chacun le sait - tous les passeports sont maintenant établis à Nantes, où tout l'état civil de cette personne est sur ordinateur. Il me semble donc que la frontière canadienne ne devrait pas être un obstacle et que ce Français devrait pouvoir déposer sa demande à Vancouver.
Monsieur le ministre, la régionalisation induit, en effet, la mondialisation de la transmission des données administratives. Il est donc indispensable d'accorder une place prépondérante au financement des moyens informatiques des postes et du système Intranet, ou de tout autre réseau mondial de transmission sécurisée des données.
Permettez-moi encore, monsieur le ministre, de remercier en quelques mots les services de la DFAE et le secrétariat général du CSFE pour l'aide qu'ils apportent aux Français établis hors de France, concernant la réforme des immatriculations et la fusion des listes électorales.
Ainsi, une réponse positive est apportée à deux des demandes de la commission de la réforme du CSFE, qui se réunira bientôt pour une deuxième assemblée plénière. Nous espérons tous que l'année 2004 verra la modification en ce sens de la loi de 1982.
La conjoncture économique internationale tendant vers la reprise, nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour que le projet de budget que vous nous présentez pour l'année 2004 échappe aux régulations budgétaires des années antérieures.
Monsieur le ministre, le budget n'est certes pas à la hauteur de la mission qui vous incombe, mais c'est un défi de la réussir tout de même, et nous savons que vous relevez les défis avec brio, panache et conviction du succès.
Voilà pourquoi je vous apporte mon entier soutien et voterai avec confiance votre projet de budget.
Je vous prie, par avance, de bien vouloir m'excuser : je serai absent au moment de vos réponses. Je dois partir en effet pour Naples, où nous avons, vous le savez, une réunion de préparation pour l'assemblée parlementaire euro-méditerranéenne, qui vous remettra ses propositions demain ou après-demain. Mais, je lirai vos réponses avec intérêt dans le Journal officiel. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Danielle Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, afin de respecter le temps qui m'est imparti, je privilégierai deux questions éclairées par l'actualité. En effet, ce lundi 1er décembre n'est pas un jour ordinaire.
Pour la première fois, l'ensemble des syndicats du ministère des affaires étrangères a déposé un préavis de grève et décidé de cesser le travail. Leur unanimité souligne le caractère exceptionnel de leur action et révèle le grand malaise social de tous les personnels, puisque seront vraisemblablement touchés l'administration centrale, le réseau diplomatique et consulaire, mais aussi les établissements français à l'étranger.
La revendication porte sur « une mission action extérieure de l'Etat avec des moyens financiers et humains à la hauteur des ambitions affichées ». Nous la partageons pleinement, et j'ai d'ailleurs eu l'occasion de formuler cette même revendication lors d'une de vos autiditons devant la commission des affaires étrangères, monsieur le ministre.
Compte tenu de la complexité, de l'instabilité et des dangers du monde d'aujourd'hui, votre budget devrait bénéficier d'une attention toute particulière et de moyens importants. C'est indispensable si la diplomatie française veut continuer à jouer un rôle positif et constructif.
Les positions françaises ont, ces derniers mois, été appréciées et partagées par les Etats et par les peuples qui veulent construire un monde fondé sur la justice et le droit, un monde multipolaire où les conflits seraient réglés autrement que par la force.
Notre réseau diplomatique est l'héritier de notre histoire et des liens politiques, économiques et culturels que nous avons tissés. La densité de son maillage est une vraie richesse pour notre pays et ne se résume pas à un simple coût, ou à un surcoût, comme le prétendent certains.
Ce réseau nous permet d'établir et de multiplier nos relations, d'apprécier la complexité de certaines crises et d'aider à leur règlement. Il permet à bon nombre de nos compatriotes expatriés d'entretenir des contacts avec notre pays.
Qu'il faille procéder à des réajustements et à des remises en perspective est tout à fait concevable et parfois nécessaire pour conserver la qualité de nos interventions. Mais cette qualité est menacée si l'on touche à l'essentiel. Or l'essentiel repose sur le professionnalisme et la stabilité des hommes et des femmes qui y travaillent et ce sont eux qui, aujourd'hui, sont les plus touchés par les mesures annoncées.
Hormis l'aide publique au développement, qui augmente sensiblement, ce dont nous nous réjouissons pour l'avoir souvent demandé, nous déplorons que votre budget soit en recul de 1,26 % et que toutes les lignes budgétaires baissent ou stagnent. Deux exemples : les crédits de rémunération et de fonctionnement baissent de 2,37 %, représentant désormais 35,6 % du total des crédits du ministère contre 37,4 % en 2003 et 41,2 % en 2002 ; les effectifs diminuent de 116 postes et les rémunérations passent de 773 à 740 millions d'euros.
Ces choix imposés ne peuvent que susciter amertume et contestations. Entraînant une baisse des effectifs comme des indemnités de résidence à l'étranger et une réduction de certains crédits de fonctionnement, ils s'ajoutent aux mesures de régulation - réserves, gel ou annulation - ayant marqué le budget précédent, amputations que nous dénonçons régulièrement.
Ces mesures de rigueur anticipent d'ailleurs le plan d'économie et de réforme 2004-2007. En abaissant les indemnités de résidence à l'étranger pour augmenter certains personnels de l'administration centrale, elles renforcent les inégalités salariales. Les agents expatriés, notamment aux Etats-Unis, dénoncent ces incohérences, le non-respect des engagements et le mépris des personnels.
L'accroissement du recours au recrutement local, basé sur des contrats de droit privé étranger, souvent précaires et mal rétribués, on le sait, confirme la volonté de remettre en cause le service public et de désengager progressivement l'Etat.
Enfin, il faut signaler le blocage des carrières et les retards dans les règles d'avancement automatique. Ils sont vécus comme une non-reconnaissance du travail accompli et risquent de favoriser les départs de personnels jeunes, actifs, compétents, mais sans perspective de carrière. Cela pourrait également freiner la venue de jeunes fonctionnaires permettant un renouvellement et un enrichissement pour le ministère. Tout cela ne pourrait qu'entraîner une baisse de motivation et de dynamisme.
Ma deuxième question porte sur l'initiative de Genève. Aujourd'hui, 1er décembre, après plusieurs mois de rencontres et de travail, plusieurs personnalités israéliennes et palestiniennes ayant occupé des postes ministériels présenteront ce qu'il est convenu d'appeler le « plan de Genève ». Celui-ci, s'inspirant des négociations de Taba, apporte des propositions très détaillées pour aboutir directement à une solution politique mettant fin à cinquante ans de conflit.
Ce document peut faire renaître l'espoir, mais il suscite beaucoup d'interrogations et déjà des oppositions. Dès son annonce, il a été fortement combattu par Ariel Sharon. Il faut cependant souligner ses points positifs. Tout d'abord, c'est la première fois qu'une solution politique d'ensemble est présentée depuis l'arrivée d'Ariel Sharon au gouvernement. Ce document contredit tous ceux qui ne cessent de déclarer qu'il n'existe aucun interlocuteur chez les Palestiniens. Ensuite, il s'adresse à l'ensemble des citoyens israéliens et palestiniens pour permettre ainsi à chacun de se déterminer personnellement, en pleine connaissance et en pleine transparence. Enfin, il interpelle les milieux politiques, qui, depuis de longs mois, sont particulièrement silencieux.
Cette nouvelle initiative, qui peut redonner courage et confiance à tous ceux qui pensent que la paix est possible et qu'il est temps de sortir de ce conflit historique, doit être soutenue.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré que ce document était complémentaire de la feuille de route ; confortons cette complémentarité par un engagement significatif de la France, de l'Europe et du quartet. Ne serait-il pas possible de sortir la feuille de route de l'impasse ?
J'aborderai maintenant quelques autres questions.
Après l'échec du sommet de l'OMC à Cancún, où les pays pauvres, refusant les choix des pays riches, ont proposé des alternatives, de nouvelles règles doivent être établies. La très forte mobilisation des altermondialistes au Forum social européen qui vient d'avoir lieu à Paris, Saint-Denis, Bobigny et Ivry, a conforté, s'il en était besoin, la nécessité de développer d'autres rapports humains, politiques, économiques et culturels avec les pays du Sud. La France et l'Union européenne doivent s'impliquer avec encore plus de vigueur dans cette direction, notamment en Afrique.
L'Europe en construction doit prendre en compte les aspirations des citoyens européens qui s'opposent à une marchandisation et à une concurrence effreinées, et qui réclament plus de démocratie, plus de solidarité et de justice sociale. Ils demandent à être entendus et consultés, d'où la nécessité d'organiser un référendum dans notre pays. Nous aurons à reparler de ce sujet ultérieurement.
Le dernier point que j'évoquerai concerne la situation en Irak. L'an dernier, tous nos efforts consistaient à soutenir le travail des observateurs de l'ONU et à éviter une guerre dont nous savions qu'elle aurait des conséquences incontrôlables et funestes. L'enlisement des forces de la coalition américano-britannique en Irak prouve combien la position française était justifiée.
Alors qu'aucune trace d'armes de destruction massive n'a été décelée, ce conflit s'enfonce dans une crise majeure et le bilan des pertes humaines s'alourdit chaque jour. Dans le même temps, le peuple irakien attend des mesures concrètes pour l'amélioration de sa vie quotidienne et aspire à retrouver une véritable souveraineté sur les plans politique et économique, notamment pour l'exploitation de ses ressources pétrolifères. La position française comme celle de l'ONU que nous soutenons répondent à ces aspirations. Elles permettraient d'éviter une totale déstabilisation de l'Irak et de toute la région.
Le sens de l'engagement de la France est positif et doit être poursuivi. Il donne une image particulièrement belle de notre pays. Mais, pour ce faire, le ministre doit pouvoir s'appuyer sur des moyens à la hauteur de nos ambitions et sur des personnels motivés parce que respectés. Ce projet de budget ne le permet pas. Au contraire, il traduit une sous-estimation de la place que la France doit tenir. Il démontre, une fois de plus, que les priorités et les choix du Gouvernement ne sont pas ceux que l'on a comme ambition pour notre pays.
Nous espérons que la mobilisation des personnels et que votre action, monsieur le ministre, permettront d'améliorer ce projet de budget, mais, en l'état, le groupe CRC a décidé de ne pas le voter.
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, notre diplomatie a prouvé sa qualité et cette année en particulier, son dynamisme et sa sérénité par une analyse pertinente de la situation irakienne en même temps que sa volonté de défendre la légalité internationale.
Cette diplomatie ambitieuse a été servie par un outil fortement sollicité. Le moins qu'on puisse dire est qu'il n'est pas celui d'une puissance dite moyenne ! Nous en éprouvons une réelle fierté. Nous la devons au Président de la République et à vous aussi, monsieur le ministre, qui défendez avec brio son message.
Quels seront vos moyens financiers au regard des enjeux internationaux dans le contexte d'un exercice qualifié à juste titre par M. le rapporteur général de « budget des temps difficiles » ?
Rappelons tout d'abord que les 4,22 milliards d'euros du budget des affaires étrangères représentent 44 % des crédits affectés à l'action extérieure de la France. Les affaires étrangères en gèrent une part croissante depuis plusieurs années. Cette croissance traduit un retrait des autres ministères. Elle n'en demeure pas moins en trompe-l'oeil, car elle a bénéficié des effets de structures, telle l'intégration du fonds européen de développement.
Ne pourrait-on pas poursuivre cet indispensable mouvement de restructuration de l'action extérieure par une part plus importante encore du ministère des affaires étrangères ? Efficacité, économies, rationalisation justifient l'émergence d'un ministère moderne.
Trois priorités définies par le Président de la République, l'aide publique au développement, le soutien à la francophonie et la politique envers les demandeurs d'asile, font l'objet d'augmentation de crédits.
Mon collègue Jacques Pelletier approfondira ce volet. Réjouissons-nous de l'augmentation de ces crédits pour des raisons humanitaires, la sous-nutrition mondiale ne reculant plus, pour des raisons politiques, la misère conduisant légitimement à un sentiment de révolte, lit du terrorisme.
Les 0,5 % du produit intérieur brut consacré en 2007 à l'aide publique au développement sont un objectif louable, mais sans doute encore insuffisant. L'aide publique au développement, l'APD me semble la seule réponse concrète aux difficultés considérables de l'intégration, de l'immigration clandestine et aux potentiels d'affrontements ethniques et religieux auxquels sera confrontée l'Europe. Il s'agit non pas de limiter le malheur des peuples hors de leurs frontières, mais de favoriser leur bonheur là où leurs cultures s'épanouissent. La profondeur du fossé qui nous sépare des pays en voie développement souffre d'une aide trop faible, parfois détournée ou mal utilisée.
Le soutien à la francophonie est indispensable en raison de ses retombées politiques et économiques, tant au niveau tant des institutions internationales, et notamment communautaires, que dans la formation des élites étrangères.
Le renforcement de la politique d'aide aux réfugiés et apatrides, avec un budget qui augmente de plus de 33 % et un transfert de cinquante emplois, permettra de traiter plus efficacement et avec plus d'humanité le nombre croissant de dossiers de demandeurs d'asile, qui a plus que doublé depuis 1998 !
Ces augmentations de crédits devront être financées par des économies, notamment par une rationalisation de notre réseau diplomatique et consulaire. Monsieur le ministre, le contexte budgétaire général vous conduit sans doute à réformer plus rapidement que prévu votre administration.
Le ministère des affaires étrangères ayant déjà largement participé à l'effort de rigueur, seule une réorganisation fondée sur une réelle stratégie à destination de pays à fortes potentialités sera efficace, telle est la dynamique souhaitable.
Votre ministère a ainsi procédé à la réorganisation de ses services. Depuis 1995, les effectifs budgétaires civils ont crû de 2,5 %, alors que ceux du Quai d'Orsay ont diminué de plus de 5,8 %. Pour 2004, il est encore prévu 116 emplois budgétaires de moins qu'en 2003. Cette année, ce ministère a subi de plein fouet la rigueur budgétaire, M. le rapporteur en a précisé le détail.
Il faut mesurer ce que cela représente pour l'ensemble des actions des agents du ministère ! Une diminution du personnel et de moindres crédits : monsieur le ministre, je suis persuadé que vous estimez les risques d'une trop grande réduction des effectifs et des moyens lorsque cette réduction atteint le fonctionnement courant de l'administration. L'exemple de la cessation de paiement de la valise diplomatique a été tristement emblématique. De même, au mois d'octobre, l'administration centrale a été privée de papier pendant trois jours,...
M. Philippe Marini. Est-ce bien vrai ?
M. Aymeri de Montesquiou. ... les fournisseurs n'ayant pas été payés. Connaît-on d'autres ministères dans cette situation ?
Quelle décision prendre dans ce contexte ? Monsieur le ministre, peu de temps après votre nomination, vous aviez souhaité adapter la carte diplomatique et consulaire aux nouvelles réalités internationales. La nécessaire rationalisation engagée a pour corollaire une modification de la rémunération des agents et, surtout, une restructuration de notre représentation.
La réforme des indemnités de résidence à l'étranger est un sujet complexe. Au-delà d'une économie modeste, cette réforme peut avoir du sens : les pays seront reclassés en fonction d'un coefficient « coût de la vie » pondéré par un coefficient « difficulté de la vie ». L'objectif est équitable, car il existe aujourd'hui des injustices, à la hausse comme à la baisse, dues aux évolutions des pays d'accueil. Les agents de l'administration centrale semblent bien moins traités que dans d'autres ministères. Monsieur le ministre, vous aurez certainement à coeur de prendre les moyens financiers permettant de fidéliser les meilleurs éléments de votre administration.
La rationalisation du réseau consulaire engagée en Europe s'accompagne d'une volonté de mieux responsabiliser les chefs de poste en leur confiant la gestion d'une enveloppe globale de gestion de l'ambassade mais également des consulats. Parmi les cinq pays choisis pour cette expérimentation, quatre font partie de l'Union européenne. Monsieur le ministre, ce choix signifie-t-il que vous confiez à l'ambassadeur la responsabilité de modifier éventuellement le périmètre de certains postes ?
Je ne sous-estime pas la qualité des travaux menés depuis l'année 2000 par le groupe de coopération consulaire : s'il a confirmé que certaines formalités pouvaient être effectuées par nos ressortissants auprès des autorités locales, et non plus auprès des consulats, il a mis en lumière les obstacles juridiques rendant, pour l'instant, impossible un transfert intégral. Des solutions imaginatives résident sans doute dans une étroite coopération avec les administrations locales. Le choix de la Belgique comme laboratoire de la réorganisation des services consulaires dans l'Union est évidemment judicieux en raison de sa francophonie et de sa petite taille, et l'objectif de concentration des fonctions administratives à Bruxelles est réaliste. Les consulats généraux de Liège et d'Anvers se concentreront sur les missions d'information. Mais leur existence est-elle désormais justifiée ?
Dans une vision prospective, monsieur le ministre, ne faudrait-il pas opter pour un choix « radical » : la fermeture de l'ensemble des consulats français dans l'Union européenne à l'heure de la mise en oeuvre de la citoyenneté européenne ? Cet objectif est porteur de sens et d'économies !
Dans le même esprit, la logique ultime voudrait que les services du commerce extérieur, et donc leur budget, soient rattachés à votre ministère. Monsieur le ministre, quelle est votre position sur ce sujet ?
La suppression des représentations des missions économiques dans les pays de l'Union traduirait une recherche d'efficacité. En effet, les régions françaises possèdent des correspondants qui travaillent fort bien avec nos ambassades : un exemple parmi d'autres, en Espagne, quarante fonctionnaires sont présents au titre de l'action économique ; est-ce justifié ?
La réorganisation du réseau pourrait être utilement aidée par l'appui des coopérants techniques et les volontaires internationaux.
Le nombre des coopérants techniques rémunérés sur le titre relatif aux « interventions publiques » a considérablement chuté depuis 1999. Monsieur le ministre, quel avenir envisagez-vous pour ces personnels ?
Depuis la fin du service national à l'étranger et la création du volontariat international, le nombre de volontaires internationaux affectés dans nos services à l'étranger est constant. Depuis trois ans, 40 000 candidatures ont été dénombrées : pensez-vous favoriser la vocation de ces jeunes Français ?
La rationalisation permettrait un redéploiement de personnels et de crédits dans de nouvelles zones, qui, à mon sens, mériteraient un investissement budgétaire et humain supérieur, pour des raisons humanitaires, de stratégie économique, mais aussi d'équité salariale. Ne peut-on, inversement regrouper certaines ambassades en une représentation régionale ?
La politique française à l'égard de l'Irak constitue un réel investissement dans toute la région. Quels moyens le département engagera-t-il pour y affirmer notre présence et défendre les intérêts économiques de la France ?
De nouvelles orientations semblent se dessiner en Iran et en Arabie saoudite. Cette dernière a engagé des démarches envers la Russie, ce qui modifiera ses relations avec les Etats-Unis. N'y a-t-il pas là une opportunité pour notre diplomatie, et donc pour nos entreprises ?
Notre poids démographique et budgétaire est bien celui d'une puissance moyenne. Pourtant, notre diplomatie, qui est le deuxième réseau mondial, s'affirme comme le fleuron de notre administration. Les choix politiques et les réformes en cours, particulièrement nécessaires dans un domaine qui est, par définition, confronté en permanence aux évolutions du monde, devraient permettre à notre outil diplomatique d'être encore plus performant. Les chantiers que vous avez engagés vont dans le sens d'une meilleure adaptation de cet outil, sous réserve, je le répète, qu'il ne soit pas touché dans son fonctionnement.
Monsieur le ministre, vous avez donné un souffle à notre diplomatie. Aussi, la majorité du groupe du Rassemblement démocratique et social européen vous soutient et vous accordera les moyens que vous souhaitez, même si elle ne les juge pas suffisants, pour travailler à l'action et au rayonnement de la France dans le monde. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu.
Mme Josette Durrieu. Monsieur le ministre, cette rigueur est sévère. A la suite d'un concours de circonstances, j'ai eu l'occasion de visiter cinq pays, donc cinq ambassades, du Proche-Orient puis, quelques jours plus tard, les ambassades des pays baltes. La crainte et l'angoisse sont immenses ! Je ne vais pas vous livrer des anecdotes, mais on économise sur tout, y compris sur le chauffage, et, dans certains de ces pays, on fait de grands feux...
Je regrette que le président du Sénat, qui ira dans l'un de ces pays en janvier, ne puisse inaugurer le centre culturel français faute d'avoir pu meubler le bâtiment qui est achevé.
Ces problèmes concrets, matériels et humains, ont un effet cumulatif qui, selon moi, portera atteinte à l'enthousiasme des personnels concernés et nuira sans doute aux services qu'ils rendront à notre pays. Je suis sûr, monsieur le ministre, que vous serez vigilant sur les mesures que vous prenez et qui génèrent ces problèmes, car, à l'évidence, elles sont trop sévères.
J'ai effectué une mission au Proche-Orient pour l'Assemblée parlementaire de l'Union de l'Europe occidentale. J'assumais seule cette mission, ce qui m'a permis de nouer des contacts directs et intéressants en Israël, en Palestine, en Jordanie, en Syrie et au Liban.
Aujourd'hui, chacun a fait référence à l'initiative de Genève. J'ai, moi aussi, nourri un espoir et, à cette heure, je regrette une occasion manquée : il ne sortira rien de Genève, et c'est dommage. Personne n'a « dynamisé la situation » pour reprendre votre expression. Or tout le monde attendait que nous le fassions, en tout cas que l'Europe le fasse. Chaque fois que l'on parle de l'Europe, cela fait mal car il n'y a pas que la feuille de route à être en panne. Au niveau du Quartet, je ne sais pas exactement quelle place nous occupons.
S'agissant du conflit au Proche-Orient, j'ai envie de dire ce que chacun sait et, surtout, ce que j'ai vécu et comment je l'ai ressenti. Il tourne mal : les murs à Qalqilya et à Tulkarem, c'est insoutenable ! Que Sharon qualifie les initiateurs de Genève de traîtres ne surprend pas. Mais nous, que répondons-nous à Sharon et aux autres ?
Le travail qui m'était confié portait sur le thème « stabilité au Proche-Orient et sécurité en Europe ». L'Europe est là. En effet, la Grèce, Chypre et Malte sont tout près du Proche-Orient. Par conséquent, ce conflit, qui nous intéresse à plusieurs titres, nous concerne directement et concerne la paix en Europe. Certes, les opinions publiques, qu'elles soient arabes ou européennes, s'opposent à la politique de Sharon, mais je crains que le conflit ne change irrémédiablement de nature, ce qui est peut-être le vrai problème aujourd'hui.
N'oublions pas non plus que, dans les pays du Proche-Orient, il faut le dire et le répéter, les problèmes économiques deviennent majeurs, ce qui n'arrange pas les choses. Certes, on parle des 60 % de Palestiniens qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, soit 2 dollars par jour. Mais on ne dit pas suffisamment qu'en Israël, 21 % de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté, qui est de 540 euros par couple.
Quatre millions de Palestiniens sont réfugiés ; 1,3 million sont dans des camps ! Ce sont des chiffres qu'il faut répéter, mais ce sont surtout des situations qu'il faut regarder de près. Il vaut mieux être réfugié en Jordanie qu'en Syrie, mais mieux vaut être réfugié en Syrie qu'au Liban, car, au Liban, c'est totalement insupportable : on n'a aucun droit, on n'a même pas la possibilité d'exercer un métier qualifié ou de devenir propriétaire de quoi que ce soit.
La France fait des efforts, au même titre que les autres, en faveur de ces réfugiés, y compris au Liban, sans doute pour assurer une certaine stabilité. J'ai rencontré les Français de la FINUL, la force intérimaire des Nations unies au Liban.
Je suis allée sur la « ligne bleue ». Nous avons encore 200 militaires français là-bas, qui font certainement du bon travail. Quelqu'un représente-t-il officiellement la France à Genève ? En effet, beaucoup de Français sont présents.
Monsieur le ministre, je voudrais vous entendre dire qu'il existe une perspective de paix, à laquelle vous croyez. Les bases, on les connaît : ce sera obligatoirement ce qui est dans ce pacte de Genève. Bien sûr, les limites seront celles de 1967 ; bien sûr, s'il n'y a pas le retour de réfugiés, il y aura les compensations, quel qu'en soit le prix, et celui-ci a été estimé, à un certain moment, à 20 milliards ou 30 milliards de dollars ; bien sûr la question de Jérusalem sera réglée. Mais quand ? En effet, la situation actuelle ne peut perdurer. Vous avez dit vous-même, à un certain moment, que ce pouvait être l'enclenchement de la dynamique d'une dynamique.
Monsieur le ministre, j'ai rencontré, comme vous-même, les initiateurs de ce plan de paix, et ils y croyaient. J'ai rencontré longuement le président Arafat et le Premier ministre Abou Alaa. Sharon ne veut pas réellement la paix. Il ne veut pas un Etat palestinien. Il veut une entité qu'il est en train de fabriquer avec notre complaisance, voire notre complicité : 40 % de la Cisjordanie, trois îlots, la « bantoustanisation » de la Palestine. En face, Arafat veut-il la paix ? Je ne suis pas sûre. Abou Alaa, peut-être. La semaine dernière, Arafat a prononcé une phrase, qui a été reprise par Abou Alaa : « Genève, nous le soutenons, ce n'est pas une démarche officielle, mais c'est une bénédiction. » Qu'a-t-on fait de ces mots qui, à mon avis, ont dû se répandre comme une onde. En Syrie, le chef d'état-major des armées a dit : c'est peut-être une perspective au bout du tunnel. Tous attendaient que l'on embraye sur cette initiative, mais de façon plus significative.
Chaque fois, quand on nous dit que c'est l'Europe qui doit prendre les initiatives et, à l'intérieur de l'Europe, la France, on y croit, peut-être grâce au Président de la République, à vous-même, monsieur le ministre, et à tous ceux qui, dans notre pays, ont mené une politique qui générait une certaine confiance. Aussi, qu'avons-nous fait à Genève aujourd'hui ?
Je suis convaincue que l'on attendait beaucoup de nous. J'ai hâte de savoir comment cela finira ce soir, mais je crains que cela ne finisse comme on s'y attendait. Nous n'avons pas le droit de laisser passer toutes les occasions.
Quelles initiatives seront prises après ? Quelles nouvelles chances ? Le pacte de Genève est un outil. Il a généré un espoir. Or, à force de décevoir en permanence les espérances, on risque, y compris dans notre pays, de voir une partie de l'opinion publique basculer redoutablement. (Applaudissents sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, avant d'aborder le budget de ce ministère, plus particulièrement le chapitre budgétaire consacré à l'assistance à nos compatriotes expatriés, je souhaite vous dire quelques mots de la mission sénatoriale que je viens de conduire au Gabon, en Guinée équatoriale et à São Tomé. Le groupe France-Afrique centrale France-Gabon, sur l'initiative du président du Sénat de la République gabonaise, s'est rendu, du 29 octobre au 6 novembre, dans le golfe de Guinée. Il a pu s'entretenir au Gabon avec le Président de la République, M. El Hadj Omar Bongo, ainsi qu'avec ses homologues sénateurs réunis en bureau sous la présidence de M. Rawiri. Il s'est également rendu dans le moyen Ogoué, à Lambaréné.
Ces contacts ont été particulièrement fructueux.
Permettez-moi de rappeler, messieurs les ministres, que les liens sont forts entre notre Haute Assemblée et le Sénat de la République du Gabon puisque nous avons aidé ce dernier, lors de son installation, à mettre en place ses institutions par l'envoi de fonctionnaires qualifiés de notre Sénat.
L'accueil fut donc exceptionnel, les entretiens avec le président Bongo furent d'une grande densité. Ce dernier est un élément incontournable de l'Afrique centrale et, plus largement, par l'ancienneté de son mandat, de l'Afrique tout court.
Ce n'est pas le fruit du hasard si, quelques jours après notre visite, le Président de la République du Gabon et son pays ont accueilli le Président de la République de Côte d'Ivoire, M. Laurent Gbagbo, et vous-même, monsieur le ministre.
La politique pétrolière de son pays, le différend pétrolier qui oppose le Gabon à la Guinée équatoriale, la dette gabonaise et ses relations avec le Fonds monétaire international, la coopération décentralisée ainsi que quelques actions ponctuelles ont été au coeur du débat.
Les conversations furent riches au sein du Sénat gabonais et le dialogue franc et ouvert entre les sénateurs.
Le voyage s'est poursuivi en Guinée équatoriale et à São Tomé et Príncipe.
Ces deux Etats issus de la colonisation espagnole et portugaise n'avaient jamais reçu de délégation parlementaire de la France. L'accueil fut donc exceptionnel et nous avons pu constater combien, dans ces pays riches en pétrole, on s'étonnait qu'au cours des dernières années la France et ses groupes pétroliers aient été étrangement absents de propositions d'extractions qui, dans un premier stade, sont pratiquement assurées par des compagnies américaines.
Ces pays très ouverts à notre langue sont demandeurs d'une présence économique, culturelle et politique de notre pays. La Guinée équatoriale fait partie de la zone franc CFA, donc de la zone euro.
São Tomé et Príncipe y réfléchit et je me réjouis donc que notre ministre de la coopération et M. de Bonnecorse, le conseiller des affaires africaines et malgaches, effectuent un voyage dans ces pays demandeurs de relations plus étroites avec la France.
J'en reviens maintenant, monsieur le ministre, au budget que vous nous soumettez pour 2004. Comme l'an passé, son contexte est celui de la rigueur économique et de la maîtrise des dépenses, tout en respectant les engagements et les priorités définis par le Président de la République.
Néanmoins, avec un montant global de 4,22 milliards d'euros pour 2004, il progresse de 2,61 % par rapport à celui de 2003.
Dans les grandes orientations et les actions prévues pour 2004, j'ai noté avec satisfaction votre volonté d'apporter une assistance aux Français de l'étranger les plus démunis et de mettre en oeuvre un certain nombre de mesures en vue de renforcer la sécurité de nos compatriotes vivant à l'étranger, à l'heure où nombre d'entre eux résident dans des pays en crise ou sujets à la menace terroriste. Toutefois, cette satisfaction doit être nuancée.
C'est ainsi que, au sein du chapitre 46-94 consacré à l'assistance aux Français de l'étranger, la ligne budgétaire consacrée à la sécurité des Français de l'étranger est la seule qui connaisse une hausse substantielle, ce qui est compréhensible compte tenu de la situation internationale. En revanche, les crédits de ce chapitre subissent une baisse de 150 000 euros pour 2004 et s'établissent à 24 millions d'euros.
Il a donc nécessairement fallu procéder à un redéploiement des dépenses, notamment en diminuant la contribution à la couverture santé des personnes à faible revenu dans le cadre de la Caisse des Français de l'étranger, c'est-à-dire l'aide à la troisième catégorie aidée de la CFE.
Certes, nous constatons qu'un peu plus d'un an après sa mise en oeuvre les résultats de la création de la troisième catégorie aidée s'avèrent contrastés et que nous sommes loin des prévisions du gouvernement et du ministère des affaires étrangères de l'époque, mais vous comprendrez que je sois particulièrement attentif à ce point en tant que président du conseil d'administration de la caisse des Français de l'étranger.
S'agissant du fonds d'assistance de votre ministère, qui permet d'attribuer des allocations de solidarité aux handicapés à l'étranger, vous savez que l'une de mes demandes constantes est que tous les allocataires de ce fonds d'assistance, qui ne bénéficient ni des minima sociaux ni de la couverture maladie universelle qui leur est attachée, puissent un jour bénéficier de la couverture maladie de la CFE. Pour cela, il est nécessaire que la ligne budgétaire correspondante progresse de façon importante.
Or je constate que les crédits qui lui sont consacrés stagnent, puisque la somme qui lui est attribuée pour 2004 est identique à celle de 2003, soit un peu plus de 17,8 millions d'euros.
Déjà, lors de la réunion de la commission permanente pour la protection sociale des Français de l'étranger du 25 février 2003 - commission qui est, en principe, appelée à déterminer le montant de ces aides versées dans chaque pays à nos compatriotes âgés ou handicapés à faibles ressources - nous n'avons pu qu'entériner les propositions des services administratifs, aucune marge de manoeuvre n'étant possible.
Il serait souhaitable que la même situation ne se reproduise pas cette année, mais la reconduction pure et simple des crédits de 2003 me fait redouter qu'il en soit de même et qu'on limite encore plus certaines de ces aides, les allocations à durée déterminée, par exemple, ou les subventions aux sociétés françaises de bienfaisance, ce qui serait mal ressenti par nos compatriotes, tant l'action de ces dernières à leur égard est devenue indispensable au fil des années afin de compléter ou de se substituer à l'action sociale de nos consulats et de répondre aux demandes urgentes ou insatisfaites.
Alors qu'en France les personnes âgées, dépendantes ou non, mais aussi les handicapés, font l'objet de réformes prioritaires et de la mise en place de deux programmes d'action sur la période 2003-2007, conformément aux engagements pris par le Président de la République pendant la campagne électorale, il serait paradoxal que les Français de l'étranger se trouvant dans des situations similaires en soient exclus du fait de la restriction du budget et, par conséquent, des aides consulaires, déjà peu nombreuses et moins élevées qu'en France.
C'est dans ce cadre, monsieur le ministre, que j'émets le souhait que nous n'ayons pas, comme l'an dernier, à faire face à de nouveaux gels budgétaires, gels qui avaient obligé l'ensemble des sénateurs des Français de l'étranger à réagir fortement afin que ces mesures ne s'appliquent pas à la solidarité des Français de l'étranger. Du fait de leur annonce intempestive par certains personnels de votre ministère, elles avaient provoqué des désordres dans plusieurs de nos postes consulaires, entraînant mesures et contre-mesures.
Il est indispensable que, quel que soit le contexte économique auquel la France doit faire face, les crédits du fonds d'action sociale de votre ministère - en fait des crédits de solidarité - soient systématiquement exclus de toute mesure de gel ou de rigueur budgétaire, et que, au contraire, ils connaissent des augmentations réelles et consistantes qui permettent de répondre de façon satisfaisante aux besoins des Français de l'étranger. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, aborder la question de la coopération et du développement, c'est aborder la question du monde dans sa globalité, la question des femmes, des enfants, des hommes qui peuplent notre belle planète.
En ce début du troisième millénaire, les inégalités mondiales n'ont jamais été aussi importantes entre le Nord et le Sud : 50 % des habitants de la planète vivent avec moins de 2 euros par jour ; chaque jour, 30 000 enfants meurent de maladie, 2 millions de personnes décèdent de la tuberculose, plus de 1 million du paludisme et 40 millions sont atteintes du sida, dont 90 % dans les pays en voie de développement. De plus, 1,1 milliard de personnes n'ont toujours pas accès à l'eau potable et 815 millions sont victimes de la faim. Enfin, 113 millions d'enfants, dont 60 % de filles, ne fréquentent pas l'école. Ces chiffres terribles sont l'expression du drame que vit l'humanité aujourd'hui.
C'est ainsi que quarante des quarante-quatre pays d'Afrique noire sont plus pauvres aujourd'hui qu'en 1990.
C'est dans ce cadre général que la France apporte sa contribution tout en menant dans le cadre de l'ONU une action audacieuse, persévérante, une action qu'elle devrait mener avec encore plus de vigueur, comme elle l'a fait pour l'Irak, où la situation est aggravée par la guerre.
Il y a un an de cela, je m'inquiétais, monsieur le ministre, des suppressions possibles de crédits. En effet, celles-ci sont intervenues dès janvier 2003.
Sur l'initiative d'une centaine d'organisations non gouvernementales et d'associations, un appel a alors été lancé en juillet dernier - un appel que j'avais soutenu - pour vous exprimer notre inquiétude face aux dysfonctionnements engendrés par cette situation et face aux conséquences sur la politique française de coopération au niveau mondial.
Le budget qui nous est présenté est loin de répondre aux attentes. La grogne grandissante au sein du ministère des affaires étrangères en est la preuve. Les personnels sont dans la rue pour dénoncer les suppressions de postes qui se multiplient. Les conséquences en sont désastreuses pour le ministère dans sa globalité. Ainsi, par exemple, cette situation empêchera dorénavant notre pays de tisser et de garder un réseau de lycées et d'Alliances françaises de haut niveau.
Lors des missions que nous effectuons souvent à l'étranger, nous sommes tous interpellés par le manque de moyens du ministère des affaires étrangères.
J'ai rencontré aujourd'hui l'intersyndicale des personnels du ministère et des établissements scolaires français à l'étranger, qui réclame un accroissement de ces moyens financiers et humains. Je m'associe pleinement à leurs revendications.
L'augmentation du budget de la coopération résulte essentiellement des annulations de dette des pays pauvres les plus endettés et des contrats de développement-désendettement.
A l'instar de certaines ONG et associations, je m'interroge à la fois sur l'extrême opacité qui entoure ces allégements et sur la surévaluation de leur impact.
Les pays qui en ont bénéficié n'auraient certes pas pu rembourser leur dette. Mais cette forme d'aide ne doit pas se substituer aux autres et être la seule variable d'ajustement.
Messieurs les ministres, la discussion du budget de la coopération est la seule occasion pour le Parlement de discuter réellement des questions inhérentes aux inégalités dans le monde et à l'action de la France pour les réduire. C'est pourquoi j'ai suggéré à la commission des affaires étrangères que nous disposions d'un rapport annuel du Gouvernement sur l'évolution de l'aide publique au développement en France, accompagné d'une mission parlementaire.
Il faut s'attacher aux objectifs du millénaire fixés par l'ONU, caractérisant les grands axes de réflexion que nous devons tenir. Pour y parvenir, il faudrait que l'aide publique au développement atteigne 0,7 % du PIB d'ici à 2005. Je rappelle que cette demande est loin d'être nouvelle puisqu'elle date de 1969. Plus de trente ans après, nous faisons le constat d'une trop lente avancée. Le contrat est loin d'être rempli.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous souhaitons que soit déposée une loi de programmation en matière de coopération pour atteindre les objectifs du millénaire.
La question des femmes constitue à mon sens un problème charnière de la coopération. Je reste convaincue qu'un effort particulier doit être fait à leur égard.
Les femmes sont dans de nombreuses sociétés le moteur, le ciment et le centre de la famille. Elles ont un rôle stratégique incontestable, mais elles sont aussi les premières victimes des inégalités, des guerres et subissent régulièrement brimades, souffrances et violences.
Il faut constater avec regret que l'évolution actuelle ne permettra pas d'atteindre l'objectif du millénaire de réduire les inégalités entre les sexes et qu'il faudra au minimum vingt ans supplémentaires.
Le récent rapport du PNUD, le programme des Nations unies pour le développement, a insisté sur le rôle des femmes en matière tant d'éducation que de santé. Selon ce rapport, « dans la quasi-totalité des sociétés, les femmes sont les premières à s'occuper des autres. Leur éducation contribue donc davantage à la santé et à l'éducation de la génération suivante [...]. Lorsque les femmes sont plus instruites et en meilleure santé elles favorisent aussi la productivité. »
Ainsi, nous devons absolument prendre des mesures dans ce sens en aidant à la construction d'écoles près des habitations dans les pays pauvres, mais aussi en permettant de réduire les coûts de l'éducation et de recruter de nombreuses enseignantes. Aujourd'hui encore, le taux d'alphabétisation des jeunes femmes dans les pays en voie de développement est de 60 %, contre 80 % chez les hommes. La disparité est trop importante.
Le sida est un autre grand sujet de préoccupation, dont l'importance ne peut être négligée.
En cette journée d'action contre cette pandémie, gardons en mémoire la phrase lancée hier par Nelson Mandela : « Le sida n'est plus une maladie, c'est une question de droits humains ! »
Les faits sont là, le monde meurt encore et toujours des ravages du sida. Trois millions de personnes atteintes du sida sont mortes cette annnée et plus de 40 millions sont infectées. Les jeunes sont particulièrement touchés. Un jeune est infecté toutes les quatorze secondes, et cette population représente près de la moitié de tous les nouveaux cas d'infection.
Nos sociétés riches ne doivent plus se masquer derrière des considérations purement financières pour gêner l'accès aux médicaments.
L'ONUSIDA a alerté la communauté internationale, relevant l'insuffisance dramatique de l'aide des pays les plus riches aux pays africains. L'avancée opérée à l'OMC par rapport à l'accès aux médicaments ne saurait nous satisfaire ; il faut faire encore plus.
Les pays pauvres doivent, eux, engager des politiques de sensibilisation plus poussées. Nous nous en sommes aperçus lorsque nous nous sommes rendus au Soudan. Je me félicite ainsi que l'Afrique du Sud ait enfin décidé d'adopter un plan gouvernemental de distribution gratuite d'antirétroviraux.
Je me félicite aussi, monsieur le ministre, que vous ayez nommé un ambassadeur sur le problème du sida.
En ce qui concerne le problème de l'eau, je citais précédemment le rapport du PNUD, et je veux dénoncer la volonté de certains de justifier une coexistence entre le secteur public et le secteur privé dans la politique de gestion. L'eau est un bien commun qui est du ressort de l'humanité. Ce n'est pas une marchandise, elle constitue un droit. La réunion du Fonds social européen, qui vient de se tenir en France, l'a rappelé avec force. Les dérives de la privatisation de l'eau dans les pays pauvres sont inacceptables alors même que l'on connaît l'extrême difficulté qu'ont ces derniers pour y avoir accès. L'eau est un enjeu majeur de la vie et non du profit !
Monsieur le ministre, j'en viens à la faim et à la pauvreté.
Une personne meurt de faim toutes les quatre secondes dans le monde, soit 24 000 personnes par jour. C'est intolérable ! Dans quelques jours, nous allons discuter du budget de la défense. Faut-il se surarmer ou faut-il sauver des vies et réduire les inégalités ? Pour moi, la réponse ne fait aucun doute. La montée du terrorisme, qu'il faut dénoncer et combattre fermement, ne doit pas faire oublier ses sources profondes et le malaise qui le nourrissent. L'aide à la démocratisation des pays, à leur essor, la lutte contre la pauvreté et contre les inégalités doivent être le seul objectif de la France, et cela doit se faire au sein de l'ONU.
En conclusion, j'évoquerai la coopération décentralisée.
De nombreuses collectivités territoriales prennent conscience de leurs responsabilités en matière d'aide au développement et effectuent un énorme travail avec leurs homologues des pays du Sud.
Cette coopération doit continuer à se développer, car elle apporte une aide concrète aux pays en voie de développement, parallèlement à l'action du ministère des affaires étrangères puisqu'elle ne doit pas se substituer à l'Etat.
Monsieur le ministre, les crédits du budget du ministère des affaires étrangères ne sont pas à la hauteur des ambitions de la France, de son rayonnement et de son action dans le monde.
C'est dans un esprit offensif, et pour faire en sorte que votre ministère ne subisse plus les coupes budgétaires qu'il connaît depuis de longues années, pour qu'enfin il obtienne les moyens financiers et humains indispensables à sa mission, que nous exprimons notre désaccord sur l'insuffisance des crédits. Ainsi, tout en reconnaissant l'action que vous menez à la tête de votre ministère, particulièrement en ce qui concerne l'Irak et la question palestinienne, nous voterons contre votre budget en raison de cette insuffisance. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Mes chers collègues, à la demande de M. le ministre, je vais interrompre la séance pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.