DÉSIGNATION D'UN SÉNATEUR EN MISSION
M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre une lettre en date du 1er décembre 2003 par laquelle il a fait part au Sénat de sa décision de placer en mission temporaire auprès du ministre délégué au commerce extérieur M. Jean Bizet, sénateur de la Manche.
Acte est donné de cette communication.
LOI DE FINANCES POUR 2004
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2004, adopté par l'Assemblée nationale.
M. le président. Dans la suite de l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les affaires étrangères, la parole est à M. Guy Penne.
M. Guy Penne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après tous les collègues qui m'ont précédé à cette tribune, je répète que le budget présenté cette année pour le ministère des affaires étrangères est tout à fait insuffisant.
Nous savons tous ici la responsabilité qui est la vôtre, monsieur le ministre, dans votre action diplomatique. Mais, pour un secteur aussi vital que la capacité de la France à s'exprimer dans le monde, on ne peut pas évoquer de « restrictions budgétaires ». Il est plus que jamais vrai qu'on ne peut pas faire une bonne politique ou une bonne diplomatie quand on n'a pas de bonnes finances.
Ne pourriez-vous demander l'arbitrage du Président de la République, dont l'omniprésence sur la scène internationale montre ses priorités d'intervention politique ? Il est urgent qu'il sache combien l'action extérieure de la France dépend aussi du budget alloué au ministère des affaires étrangères.
La hausse des crédits accordés à l'aide au développement donne l'illusion d'un secteur en progrès dans votre budget. Et, sur ce point également, vous le savez bien, il y a beaucoup à dire : on peut s'interroger, par exemple, sur le choix de centrer l'augmentation de l'APD, l'aide publique au développement, sur les contrats de désendettement-développement, les C2D, qui sont gérés dans la plus grande opacité.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Bravo !
M. Guy Penne. Qui plus est, sur les 141 millions d'euros supplémentaires annoncés, 90 millions résultent des gels de crédits de l'an passé. Ce n'est pas sérieux !
Parallèlement à la hausse consentie, on observe une diminution inquiétante des effectifs, déjà évoquée plusieurs fois : 116 emplois ne seront pas renouvelés. Les efforts toujours plus importants demandés aux personnels du ministère s'accompagnent de coupes sur les primes.
De plus, cette diminution révèle une disproportion entre les discours sur le rôle de la France dans le monde et les moyens dont dispose la diplomatie française pour s'exprimer et développer son action.
Pour s'en convaincre, il suffit de penser à la grève historique des personnels du ministère des affaires étrangères, contraints de travailler dans des conditions de plus en plus étriquées.
Ne vous y trompez pas, la manifestation d'aujourd'hui devant le Sénat n'est que la preuve de l'attachement de tous les agents à leur métier et à leur mission, qu'ils estiment mis en cause par ce budget. Si le dévouement des agents ne fait aucun doute, la politique d'attrition imposée au ministère a déjà des effets nocifs.
Par ailleurs, au vu des annulations et gels de crédits intervenus au cours de l'année, nous ne pouvons que douter de l'intangibilité de ce qui nous est proposé aujourd'hui.
Plus que jamais, cependant, la France a besoin de pouvoir s'exprimer comme elle le doit.
L'année écoulée a été malheureusement riche en conflits. La diversification des menaces requiert de la France une capacité de réaction accrue, mais la crise irakienne et les lacunes de la politique américaine ont également mis en lumière la nécessité de développer une diplomatie préventive.
La plus inquiétante des menaces actuelles, c'est le développement de l'islamisme radical avec sa conséquence sanglante, le terrorisme. Ces dernières semaines, le péril s'est précisé. La France doit continuer à protester contre la violence aveugle, continuer à soutenir les hommes de bonne volonté qui luttent contre le fanatisme. Car le terrorisme n'est jamais seulement l'affaire des autres.
On peut d'ores et déjà affirmer qu'il ne sert à rien de frapper en force, au hasard et au mépris de toutes les règles internationales, fût-ce pour éliminer la plus abjecte des dictatures.
Il faut mettre au crédit de la diplomatie que vous conduisez, monsieur le ministre, un certain courage dans la fermeté opposée à nos amis américains lors de la crise irakienne. Cette position nous a valu leur incompréhension, mais beaucoup d'entre eux commencent à reconnaître que la France avait raison.
Vos interventions à l'ONU ont attiré à la France de nombreuses sympathies dans le monde. Quelques semaines plus tard, notre pays a cependant voté la résolution 1511 qui entérine la politique américaine en Irak.
Les Nations unies retrouvent certes une place, à travers le rôle qui leur est reconnu dans le domaine humanitaire. Sur le plan politique, il est indiqué en termes vagues que l'ONU doit concourir « aux efforts visant à créer et rétablir les institutions nationales et locales nécessaires à un gouvernement représentatif ». Mais ces orientations, dictées par l'incapacité des Etats-Unis à rétablir la paix et la sécurité, restent en l'état actuel des choses purement théoriques.
Faut-il voir dans cette acceptation de la résolution 1511 une tentative de conciliation, d'apaisement ? Et, si oui, jusqu'où cela peut-il aller ? Peut-on espérer voir évoluer la politique de George Bush, ce qui serait évidemment souhaitable ?
Au chapitre de l'islamisme, on lit une longue suite de noms de pays qui sont autant de menaces, c'est-à-dire de défis lancés à notre diplomatie. Pour chacun de ces pays, monsieur le ministre, que propose la France ?
Je m'arrêterai un instant sur l'Iran et l'Afghanistan.
En Iran, on ne peut que saluer les résultats de l'action que vous avez engagée en octobre dernier avec vos homologues allemand et britannique pour faire la lumière sur les programmes nucléaires du régime fondamentaliste. L'inquiétude demeure cependant, avec ce jugement formulé récemment par Colin Powell : selon lui, l'Iran ne collabore pas assez avec les inspecteurs de l'ONU.
De telles phrases en rappellent malheureusement d'autres, entendues voilà quelques mois à propos de la dictature de Saddam Hussein. Quelles initiatives la France entend-elle prendre dès maintenant pour éviter une nouvelle guerre préventive ?
En Afghanistan, les suites de l'intervention internationale montrent, là encore, que les difficultés avaient été sous-estimées. Les talibans ont été chassés du pouvoir, mais ne lâchent pas prise ; la guérilla qu'ils mènent interdit près du tiers du pays aux organisations internationales.
L'assassinat de l'une de nos compatriotes, membre du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le HCR, témoigne une nouvelle fois de l'insécurité, pour ne pas parler de la terreur, qui subsiste dans ce pays. La loi islamique la plus dure n'a pas cédé.
Le trafic de drogue, qui se fait au vu et au su de tout le monde, prend des proportions alarmantes. Quelles sont, monsieur le ministre, les actions, et surtout les intentions de la France concernant l'Afghanistan ?
Que deviennent, d'autre part, les prisonniers français détenus sur la base américaine de Guantanamo ?
Formés pour beaucoup en Afghanistan, les islamistes tchétchènes constituent un autre facteur de déstabilisation régionale. Il est inutile de préciser que je n'avalise pas l'analyse de la situation faite par Vladimir Poutine. La Tchétchénie est un drame épouvantable, et c'est vraisemblablement la répression barbare des Russes qui est à l'origine du terrorisme brutal auquel ils sont confrontés.
Comment pouvons-nous encore supporter les massacres de femmes, d'enfants et d'adolescents, cette parodie de consultation populaire qu'a été l'élection d'un président fantoche dirigé par Moscou ? Une fois encore, monsieur le ministre, la France va-t-elle accepter longtemps cette situation ?
Que dire encore de ce qui constitue, à travers le monde, l'un des prétextes de l'intégrisme islamiste, à savoir le conflit israélo-palestinien ? La situation au Proche-Orient est aujourd'hui dans une impasse : l'autorité palestinienne est trop affaiblie et déconsidérée pour contenir le terrorisme, tandis que le gouvernement israélien a trop souvent pour seule ligne d'action la force militaire. Le Quartet et la « feuille de route » sont à bout de souffle.
Deux idées surnagent pourtant dans ce chaos : la proposition d'une conférence internationale et la mise en place d'une force d'interposition. Vous vous êtes fait le promoteur de ces deux idées, monsieur le ministre ; tous, dans cette enceinte, nous vous en donnons acte et vous encourageons. Mais il faut aller plus loin, avec toujours plus de détermination. Quelles mesures comptez-vous prendre pour faire avancer ces deux idées ?
La France doit entraîner l'Union européenne dans une synergie positive susceptible de conduire à la fin du conflit. Sinon, monsieur le ministre, nous aurons à payer comptant les conséquences de notre passivité.
L'une de ces conséquences est déjà la crispation communautaire, mais aussi la montée de l'intolérance envers les Juifs et les Arabes en France depuis le début de la seconde Intifada.
Certes, le terrorisme n'a pas de justification ; il n'a pas, non plus, besoin de prétexte. Mais il est tout aussi vrai que le terrorisme se nourrit de l'injustice, du sentiment d'abandon et de l'humiliation constante.
Dans cette perspective, le « plan de Genève » proposé par MM. Beilin, Burg et Rabbo pourrait constituer un motif d'espoir.
Vous avez reçu ces hommes de paix, monsieur le ministre, et nous nous en félicitons. Il faut maintenant beaucoup de courage et d'énergie pour faire « prendre » cette initiative. Le plan de Genève a été présenté aujourd'hui ; nous devrions nous y associer, malgré l'opposition des « faucons » dans les deux camps.
Il est temps d'encourager cette initiative ambitieuse qui constitue le plan de paix le plus complet proposé depuis longtemps.
A cet égard, je soumets à la sagesse du président de la commission des affaires étrangères, M. Dulait, l'idée d'une mission parlementaire, qui serait chargée d'une mission de bons offices auprès des parlementaires israéliens et palestiniens. En prenant comme base le plan de paix de Genève et la « feuille de route », ils pourraient établir d'utiles contacts avec leurs homologues isréaliens et palestiniens.
Vous le savez, les contacts personnels directs permettent souvent de débloquer des situations désespérées. Il ne s'agirait pas de créer un énième groupe d'études, mais, en quelque sorte, une force de frappe, de travail, de contact, dynamique ramassée et cherchant à concrétiser des accords.
Je conclurai, monsieur le ministre, en évoquant l'Afrique, ce continent qui m'est cher.
L'année 2003 a été marquée par de nombreux troubles. Nous avons salué la promesse de paix que furent pour la Côte d'Ivoire les accords de Marcoussis. Rien n'est cependant réglé, comme le prouve l'irruption de quelques militaires à la télévision, à la suite d'accrochages dans la zone de sécurité. La situation reste tendue et précaire, la violence toujours prête à ressurgir, y compris envers nos compatriotes, comme le prouve aussi l'assassinat odieux d'un journaliste de RFI.
J'ai passé quarante-huit heures en Côte d'Ivoire la semaine dernière. J'y ai rencontré de nombreux représentants des forces en présence, ainsi que le Premier ministre, dont je salue la détermination. Je poursuivrai les rencontres à Paris, cette semaine.
J'approuve votre démarche auprès du président Gbagbo lors de votre rencontre à Libreville. Il faut surtout que la France rappelle qu'elle n'encourage pas en Afrique la remise en cause des frontières issues de l'époque coloniale. Il faut tout faire pour que la méfiance entre toutes les tendances, qui suscite les drames, soit réduite. Il faut que l'opération « Licorne », presque unanimement appréciée, soit maintenue et renforcée par l'arrivée des Casques bleus. Il faut, dans un contexte de difficultés économiques, soutenir les cours intérieurs du cacao et faire en sorte que les ministères puissent payer les soldes de leurs fonctionnaires. Il faut aider à la recomposition de l'armée nationale. Il faut, au regard des revendications des personnels de santé, soutenir les efforts de ceux qui sont responsables de ces secteurs. Les cas de victimes d'épidémies variées, dont le sida, se développent. Il n'y a en Côte d'Ivoire ni personnels ni équipements pour faire face à cette dramatique évolution.
Monsieur le ministre, en conclusion, si, à titre personnel, j'approuve votre style, votre volonté et votre action personnelle, je regrette que votre budget soit aussi mauvais et je crois que le meilleur service que je puisse vous rendre pour vous prouver mon soutien et mon affection, c'est de ne pas le voter !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. D'un ancien de l'Elysée à un autre...
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Ils sont forts, les jésuites !
M. le président. La parole est à M. Serge Mathieu.
M. Serge Mathieu. Messieurs les ministres, l'examen des crédits de votre département ministériel me fournit l'occasion de vous poser plusieurs questions concernant la diplomatie française au Proche-Orient et au Moyen-Orient.
La première a trait à l'Irak et, avant toute chose, je voudrais rappeler ici combien la position arrêtée par vous-même et les plus hautes autorités de l'Etat concernant la non-intervention de la France dans les opérations du mois de mars m'est apparue comme une mesure sage et intelligente.
La difficile maîtrise - c'est le moins que l'on puisse dire - que connaissent aujourd'hui les forces de la coalition anglo-américaine, en Irak, n'est pas la seule justification a posteriori de notre non-intervention, car celle-ci reposait sur des considérations d'équilibre général du Moyen-Orient et l'observation des principes fondamentaux régissant les relations internationales, comme celui du primat des décisions de l'ONU dans le domaine de la belligérance des Etats.
S'agissant de la situation actuelle, je souhaiterais revenir sur les principes arrêtés lors de la récente conférence de Madrid consacrée à la reconstruction de l'Irak, au cours de laquelle l'Union européenne a proposé une contribution de 200 millions d'euros.
Lors des échanges, la position française a été précisée de la façon suivante : la France ne participera à cette reconstruction qu'après la restauration de la souveraineté irakienne et seulement dans le cadre d'une aide multilatérale.
Or, en cet automne 2003, indépendamment de la situation sécuritaire, les conditions de vie, pour ne pas dire de survie, économiques et sociales demeurent très préoccupantes. A cet égard, ne serait-il pas possible, d'ores et déjà, de dégager des crédits d'urgence pour aider les populations irakiennes et les empêcher de sombrer dans un désespoir qui ne fera qu'alimenter les extrémismes ?
Il y aurait là une façon d'exprimer la continuité de la présence de la France qui ne manquerait pas d'être porteuse de promesses pour l'avenir de la coopération économique, politique et culturelle avec le nouvel Irak qui est en train de naître.
Ces mesures me paraissent d'autant plus s'imposer que la disparition de l'Etat irakien et la difficile reconstruction d'une administration rendent les aides alimentaires et sanitaires urgentes.
Sans remettre en cause les principes avancés à Madrid, ne peut-on pas aider ce peuple, qui a déjà beaucoup souffert, à passer le cap difficile de l'hiver 2003-2004 ?
L'Irak finira, à moyen terme, par se stabiliser et, ce jour-là, les éléments francophiles et francophones, qui sont importants, pourront nous aider à densifier notre future présence, dans le domaine tant économique que culturel.
La reconstruction de l'Irak sera fondée sur des investissements, qui doivent être préparés d'ores et déjà par des aides. Si je comprends la position qui consiste à écarter le bilatéralisme au bénéfice d'une action concertée multilatérale, en attendant il faut tout de même consolider nos aides alimentaires et sanitaires à ce pays.
De même, concernant l'Afghanistan, qui a été pendant des décennies un pôle actif de francophonie dans la région, il ne faudrait pas que les futures élites en cours de formation abandonnent cet héritage culturel. Comment réimplanter dans la société afghane des éléments durables d'intérêt de coopération culturelle à Kaboul ?
Depuis vingt ans, sous différentes formes, Paris a été proche et solidaire de l'Afghanistan. Ne pourrait-on pas dans la continuité de cette sollicitude multiplier le nombre de bourses dont peuvent disposer les Afghans pour venir étudier ?
Ne pourrait-on pas non plus développer une coopération avec les autorités de sécurité afghanes pour les aider à contrôler les flux de drogue qui, à partir des plantations de pavots, via Kaboul, se déversent vers l'Asie et vers l'Europe ? Concernant l'Afghanistan, il y a de nombreux plans possibles de coopération durable et consolidée, dans un cadre bilatéral.
En dernier lieu, en tant que président du groupe d'amitié France-Albanie au Sénat, j'observe depuis plusieurs années le comportement diplomatique de ce pays et je pense qu'il faudrait accélérer son intégration à l'Union européenne. Ayant su se tenir à l'écart des troubles qui ont affecté la péninsule balkanique ces quinze dernières années, l'Albanie, qui démarre au plan économique, mérite d'être encouragée dans un cadre européen.
Là aussi, il existe une tradition ancienne de francophonie qui remonte à l'entre-deux-guerres et il ne faudrait pas que ces sillons tracés disparaissent aujourd'hui sous l'effet d'autres attractions culturelles et politiques. Ayant subi une longue et terrible dictature qui a complètement gelé la vie économique et culturelle de ce pays, l'Albanie est en train de sortir de cette glaciation et de devenir une démocratie. Celle-ci doit être encouragée et je pense qu'un effort particulier mériterait d'être fait.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de l'attention que vous porterez à mes demandes, et je tiens à dire qu'à l'instar de mon groupe je voterai votre budget, car je considère que votre diplomatie oeuvre d'une façon particulièrement efficace au rayonnement de la France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Paul Dubrule.
M. Paul Dubrule. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues. « Oui, j'ai une patrie : la langue française ! », disait Albert Camus.
Face à la mondialisation, le besoin de lien, de signes de reconnaissance est encore plus grand. Le respect de la diversité culturelle et linguistique est au coeur de ce défi. C'est toute la raison d'être de la francophonie.
Ce qui frappe lorsqu'on s'intéresse à votre budget, monsieur le ministre, c'est l'absence de chiffre global permettant de se faire une idée des moyens mis à disposition de la francophonie. Il faut en effet une connaissance pointue des rouages de la « diplomatie d'influence », comme la qualifie Mme Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Je ne me hasarderai donc pas à entrer dans des détails qui ne sont maîtrisés que par quelques spécialistes.
C'est sans doute cette situation d'éparpillement - huit ministères consacrent des crédits à l'action culturelle extérieure - qui a permis la prolifération d'organismes, d'agences, de directions, de sous-directions ayant quasiment tous leurs objectifs, leurs règles, leurs colloques, leurs rapports, leurs bonnes volontés et leurs gaspillages propres. C'est aussi cette situation qui permet quelques dérapages relevés par les différents rapporteurs. Vous avez, semble-t-il, commencé à rationaliser cette situation. Nous ne pouvons que vous encourager à accélérer le mouvement.
J'ai approuvé au cours de cette discussion, avec quelques-uns de mes collègues, la diminution de certains budgets. Elle était nécessaire tant la reconduction aveugle et arithmétique de certaines dépenses frise le gâchis et le mépris de l'argent des contribuables.
Je n'aurai pas le même jugement pour le budget affecté à la francophonie.
Nul ne peut calculer la rentabilité d'un euro investi pour apprendre, diffuser et maintenir le français dans le monde.
Le travail, à cet égard, des alliances françaises et des centres culturels est primordial. Cependant, là encore, l'addition ou la coordination des forces serait plus efficace.
Mme Cerisier-ben Guiga préconise la fermeture de certaines alliances françaises. Pourquoi pas ? Mais a-t-on exploré toutes les pistes, en particulier l'appel aux fonds privés ? Dans ce domaine comme dans d'autres, l'Etat doit accepter de ne plus être le seul à apporter les moyens. Dans ce domaine également, le mécénat doit être libéré.
J'ai insisté auprès du ministre de la culture pour qu'il aille plus loin dans l'ouverture au mécénat. Le réalisme finira par faire son chemin. Bien sûr, quelques fonctionnaires perdront de leur pouvoir d'attribution de la manne étatique. Mais, au final, tout le monde y gagnera !
Je reviens un instant sur les fermetures de certaines alliances. Les quatre dernières ont eu lieu en Allemagne. Attention, la défense de la place du français en Europe est une lutte quotidienne ! Si nous n'y prenons garde, la langue unique guette le continent.
Pourtant le maintien du plurilinguisme est nécessaire. Le projet de traité constitutionnel, que prépare la convention sur l'avenir de l'Europe, réaffirme la diversité linguistique comme l'un des fondements de la construction européenne.
A ce sujet, la lecture du rapport du député Michel Herbillon est très instructive.
En 1986, 58 % des documents de la Commission étaient rédigés en français ; aujourd'hui, nous sommes à 30 %. Ce rapport rappelle au passage que le multilinguisme partagé est un choix politique au Parlement européen.
Dans ces conditions, on ne peut que soutenir le plan pluriannuel pour le français signé avec le Luxembourg et la communauté française de Belgique.
L'avenir de la France dans le monde passe aussi par notre capacité à attirer les étudiants étrangers, et les meilleurs !
Là aussi, le « marché » est devenu mondial. Heureusement, la politique, dans ce domaine, s'est inversée, et le nombre des étudiants étrangers a presque doublé en quatre ans.
Ce qui évolue aussi, et nous devons nous en féliciter, c'est, d'une part, la provenance des étudiants étrangers - Asie et Amérique latine, Europe centrale et orientale - et, d'autre part, l'orientation vers des filières d'économistes, d'ingénieurs, de juristes, de scientifiques, qui formeront les futurs décideurs dans leurs pays. Les bourses « Eiffel » et « Major » portent leurs fruits.
A ce sujet, je souhaite, tout comme le rapporteur pour avis Jacques Legendre, que vous confirmiez, monsieur le ministre, que le programme de bourses au soutien de la francophonie bénéficie bien, en pratique, des 10 millions d'euros supplémentaires promis lors du sommet de Beyrouth, en octobre 2002, par le Président de la République.
Cependant, le bât blesse. Accueillir des étudiants étrangers n'est pas qu'un mot. Il faut leur donner les moyens matériels de vivre décemment en France.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Très bien !
M. Paul Dubrule. Il convient, tout d'abord, de les loger. Les cités universitaires affichent complet et leur vétusté n'est pas à l'honneur de notre pays. Il y a urgence à trouver des relais. Compte tenu des contraintes budgétaires, que j'approuve, il conviendrait de mettre en place de nouvelles formules de financement faisant appel au privé.
J'attire votre attention sur la remarque de M. Jacques Legendre concernant un double handicap pour le « recrutement » des étudiants étrangers, notamment de haut niveau.
Le fait que l'enseignement supérieur public français soit totalement gratuit n'est pas perçu dans certains pays comme un atout, et peut même être considéré comme dévalorisant. Ajoutez des conditions d'obtention de visas difficiles, un accès au logement impossible, et vous comprendrez que le choix soit fait dans de nombreux cas au profit d'universités étrangères qui font peut-être payer leurs cours, mais qui ont une qualité matérielle d'accueil certaine. (M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, acquiesce.)
Là encore, monsieur le ministre, n'hésitez pas à développer la piste du mécénat. L'Etat ne peut et ne doit pas tout faire.
Je peux vous assurer qu'aujourd'hui des chefs d'entreprise seraient prêts à s'investir et à investir pour le rayonnement de la France à l'étranger, car ils considèrent que c'est un capital et un investissement sur l'avenir. Investir dans le développement du savoir et de l'intelligence est une nécessité pour l'avenir de notre pays en France comme à l'étranger. Ne décourageons pas les bonnes intentions ! Votre ministère a récemment refusé une subvention de fonctionnement à une école financée par un chef d'entreprise dans un pays du tiers monde au motif que ledit chef d'entreprise n'était pas indigent ou avait suffisamment de moyens.
Hâtons-nous de faire tomber ces barrières de séparation encore trop présentes dans les actions qui doivent être menées conjointement, au bénéfice de tous, par le public et par le privé.
Pour terminer, j'évoquerai trois points qui me tiennent à coeur.
Le premier concerne l'augmentation des crédits relatifs au droit d'asile. Comme je l'ai souligné dans un rapport que j'ai eu l'honneur de présenter à notre assemblée, il ne peut y avoir de dignité dans l'exercice de ce droit, sans un minimum de moyens. Pour l'année 2003, comme le confirme le rapporteur spécial, M. Chaumont, on note une hausse de 50 % par rapport à 2002 et, surtout, la prise en compte réaliste du règlement de ce problème.
Le deuxième point vise l'engagement de la francophonie en faveur du développement durable : en effet, la promotion de l'éducation et de la formation est prioritaire et « l'éducation de base pour tous » est la première pierre des futures démocraties.
Le troisième point, enfin, concerne la coopération décentralisée. Le colloque organisé au Sénat au mois d'octobre dernier sur l'initiative du président Christian Poncelet, dont vous me permettrez de citer les propos, a montré combien « dans tous les cas, la coopération décentralisée contribue à soutenir nos échanges économiques, sociaux et culturels, à renforcer nos liens d'amitié, et donc à favoriser le rapprochement entre les peuples ».
J'adhère tout à fait aux grandes lignes du plan sénatorial de coopération décentralisée, en particulier au fait que le partenariat doit s'inscrire dans la durée et qu'il doit privilégier les types d'actions porteurs de développement durable, en insistant sur la formation des hommes et sur l'équipement des territoires.
Courage, détermination, obstination : telles sont les qualités qu'il vous faudra, monsieur le ministre, pour poursuivre, pour réorganiser et pour rationaliser ce vaste domaine de la francophonie. Soyez assuré de notre vigilant, mais amical soutien. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. André Ferrand.
M. André Ferrand. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, après les exposés très complets de nos rapporteurs, après et avant ceux de mes collègues sénateurs des Français établis hors de France, je voudrais essayer de limiter les redondances et, tout en m'associant aux préoccupations exprimées par les orateurs de la majorité, évoquer un certain nombre de points auxquels je suis particulièrement sensible. Mais avant de les présenter, je tiens à vous donner mon sentiment sur deux questions d'actualité ; je veux parler de la Côte d'Ivoire et du mouvement social qui affecte aujourd'hui le ministère des affaires étrangères.
En Côte d'Ivoire, d'abord, nos compatriotes ont désigné hier leurs représentants au Conseil supérieur des Français à l'étranger. Il faut féliciter les élus, se réjouir qu'aucun événement fâcheux n'ait entravé cette journée et, bien sûr, regretter que le taux de participation, encore une fois, n'ait pas été plus important.
Mais cet événement doit surtout nous rappeler la réalité : malgré l'engagement déterminé et les efforts de la France, la situation sur le terrain n'évolue pas dans le sens que nous souhaitons. Plus que jamais, il nous faut demeurer attentifs au sort de nos compatriotes, qui paraît aujourd'hui particulièrement aléatoire. Il convient de rester très vigilants quant à leur sécurité, certes, mais, au-delà, il nous faudra, je le crains, réfléchir à la manière de faciliter la reconversion de ceux pour qui elle deviendrait nécessaire.
A cet instant je tiens à saluer nos troupes engagées dans l'opération Licorne, dont tous les témoignages qui nous arrivent quant à leur comportement sur le terrain montrent à quel point elles sont porteuses de valeurs et des traditions militaires dont nous sommes fiers.
Ensuite, j'évoquerai le mouvement social qui touche aujourd'hui le ministère des affaires étrangères.
Nous connaissons les contraintes budgétaires du moment, l'exigence de rigueur qui s'impose partout, la nécessité de moderniser, de réformer, la pression liée aux conséquences de la loi organique relative aux lois de finances et nous ne pouvons, monsieur le ministre, que saluer votre détermination à y prendre votre part et vous encourager à jouer le jeu de la solidarité gouvernementale.
Certes, le chemin que vous êtes ainsi contraint de prendre ne peut pas être populaire. Mais, comme tous mes collègues qui représentent les Français établis hors de France, je suis amené à rencontrer souvent les agents de votre ministère, à tous les niveaux de responsabilités, et à les voir à l'oeuvre dans leurs postes sur le terrain, où ils travaillent parfois dans des conditions difficiles.
Cette observation m'a amené à les tenir en haute estime. Comme vous l'avez vous-même exprimé, monsieur le ministre, cette grève, « qui n'est pas une affaire banale », ne peut pas être prise à la légère. J'espère donc très vivement qu'une solution sera trouvée, qui, malgré la trop grande modicité du budget des affaires étrangères, vous donnera les moyens à la fois de poursuivre une politique extérieure ambitieuse et, en rassurant, de mettre fin à un malaise qui, à terme, risque de démotiver un corps de grande qualité, dont le rôle est essentiel, ainsi que les enseignants, qui sont l'âme de nos écoles. Nous serons à vos côtés dans cette démarche.
J'en viens maintenant aux points sur lesquels je voudrais attirer votre attention. Ils sont de natures diverses et leur seul lien réside dans le fait qu'ils relèvent tous de votre ministère.
Permettez-moi, d'abord, de vous dire que je soutiens votre ambition d'obtenir que notre action extérieure soit mieux coordonnée au niveau interministériel sous la houlette de l'ambassadeur ou, selon le cas, du consul général. Efficacité et lisibilité en sont les enjeux. Nous serons, là encore, à vos côtés, le long du chemin qui doit, d'ici à 2007, conduire à des résultats concrets grâce à la mission interministérielle « action extérieure de l'Etat », que vous appelez de vos voeux. Je pense, en effet, que le Parlement, la LOLF aidant, doit ici jouer un rôle important.
Restant dans l'interministériel, je vous parlerai ensuite de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger. C'est, pour nous, un grand sujet, et, après m'être contenté de souligner à quel point il est important que nous trouvions les moyens de répondre à la grande demande qui s'exprime de par le monde, je l'aborderai sous deux aspects.
S'agissant de l'interministériel, précisément, sans dire a priori quel devrait être le degré et les formes de la contribution du ministère de l'éducation nationale, ni son degré d'implication dans la gestion de l'Agence, il est évident qu'il ne saurait en être absent. C'est là, vous le savez, un sujet de débat récurrent. La question a été abordée ici même, vendredi dernier, lors de l'examen du budget du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, et votre collègue, M. Luc Ferry, s'est montré particulièrement ouvert. Il a déclaré ceci : « Il serait bon que nous nous en expliquions dans une réunion tripartite - les affaires étrangères, l'éducation nationale et vous-mêmes » - il voulait parler des élus représentants les Français de l'étranger - « afin de dresser une liste des priorités. Si nous ne nous réunissons pas à trois pour travailler ainsi, chaque ministère sera tenté de se défausser sur son voisin ; il faut organiser cette réunion avec M. de Villepin. »
J'aimerais beaucoup, monsieur le ministre, connaître votre réaction à cette invitation, qui est en quelque sorte une réponse à l'ouverture dont vous avez vous-même fait preuve dans votre récente intervention devant le Conseil économique et social.
Je serai bref quant à mon deuxième point concernant l'AEFE. Il a trait à la nécessité de prendre, maintenant, des initiatives concrètes concernant de nouvelles formes de financement telles que celles qui ont été évoquées en particulier dans le rapport du Conseil économique et social, ce qui vous a donné, monsieur le ministre, l'occasion de nous faire part de votre vision sur ce sujet.
Le temps qui m'est imparti passe vite et je ne ferai que lister rapidement les autres points sur lesquels je souhaite attirer votre attention.
Le maillage, la nécessaire couverture du terrain dans un contexte de strict contrôle des moyens budgétaires représente presque une gageure. Or il existe, à travers le monde, des consuls honoraires, des chambres de commerce françaises à l'étranger, des conseillers du commerce extérieur, des acteurs de l'Alliance française, des compatriotes et amis de la France prêts à se mobiliser pour constituer des pôles de rayonnement à vocation économique et culturelle et assurer la présence de la France. Regardons, par exemple, du côté de Calgary !
Une action organisée et déterminée, en interministériel avec Bercy - décidement, on y revient toujours ! -, devrait permettre d'obtenir des résultats intéressants à coûts nuls ou modiques.
Pour ce qui est de la francophonie, j'ai pu remarquer, lors d'une réunion interparlementaire qui s'est tenue à Genève dans le cadre de l'OMC, combien nos partenaires francophones, en particulier les moins avancés, bien sûr, manquaient de moyens et souvent d'expérience pour tenir utilement leur place dans ce genre d'organisations internationales où l'Association parlementaire du Commonwealth est en revanche très présente.
Notre représentation à Genève en est bien consciente et elle apporte son aide aux représentants gouvernementaux de ces pays. Mais je voudrais attirer spécialement l'attention de M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie sur ces occasions de montrer à nos amis parlementaires le sens de la solidarité francophone.
J'en viens au FED. A mon tour, messieurs les ministres, après les débats de l'an dernier, après les déclarations du chef de l'Etat au Niger, j'aimerais savoir quelle ligne de conduite nous avons adoptée en ce qui concerne les crédits non décaissés. Nous avons en effet bien besoin de toutes les ressources disponibles pour tenter de faire décoller cette Afrique à qui nous voulons tant de bien.
L'attractivité de nos universités et de nos écoles représente un enjeu majeur. Monsieur le ministre, vous avez, il y a peu, installé avec votre collègue M. Luc Ferry le Conseil national pour le développement de la mobilité internationale des étudiants. Or, vous le savez, le problème du logement constitue l'une des faiblesses principales de notre système et, là aussi, la puissance publique, malgré les efforts entrepris, ne parviendra pas seule avant longtemps à nous mettre à niveau. C'est pourquoi M. Dubrule et moi-même avons proposé à M. Luc Ferry de réfléchir à la possibilité d'associer des entreprises spécialisées à la construction et, éventuellement, à la gestion de résidences universitaires. Cela a été réalisé avec succès dans d'autres secteurs.
Nous souhaiterions obtenir votre appui pour progresser rapidement dans cette direction. En effet, être capable d'accueillir beaucoup de jeunes dans nos écoles à l'étranger et recevoir, en France, de nombreux étudiants venus des cinq continents, c'est, vous le savez, monsieur le ministre, l'un des meilleurs moyens de promouvoir notre culture et notre langue, de développer notre économie et de conforter notre influence. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les affaires étrangères.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget pour 2004 concernant les affaires étrangères s'inscrit dans la perspective de l'objectif fixé par le chef de l'Etat d'une aide publique au développement représentant 0,5 % de notre PIB en 2007. C'est une bonne chose, car la décennie quatre-vingt-dix a été peu propice à l'APD, dont le montant a diminué durant dix ans. Son montant est passé de 0,32 % en 2001, à 0,41 % cette année, et devrait atteindre 0,43 % l'an prochain.
La part de notre aide bilatérale poursuit sa progression en 2004, puisque, de 62 % du total de l'aide en 2001, elle en représentera 72 % en 2004, malgré l'augmentation de notre contribution au fonds européen de développement.
Au-delà du soutien apporté à l'Afrique dans les enceintes multilatérales, notre aide bilatérale lui a été destinée à hauteur de 72 % l'an dernier, et cette proportion devrait augmenter au cours des prochains exercices, ce dont je me félicite.
Une part importante de l'APD est affectée aux opérations d'allégement de la dette : 2 milliards d'euros y seront consacrés en 2004, contre seulement 470 millions d'euros en 2001.
Notre aide est aussi prioritairement utilisée dans le cadre de l'initiative pour les pays pauvres très endettés et les contrats de désendettement-développement, qui permettent de conjuguer un effort exceptionnel des créanciers avec la mise en oeuvre, par les pays bénéficiaires, d'une stratégie de lutte contre la pauvreté.
Ainsi, les organisations de solidarité internationale se réjouissent des efforts engagés pour augmenter l'aide publique au développement. Dans un contexte budgétaire contraignant, cet effort financier traduit une réelle volonté politique d'inscrire l'APD parmi les priorités du Gouvernement.
Cependant, au-delà de ces chiffres encourageants, l'évolution globale de l'APD française depuis 2002 suscite toute une série d'interrogations, notamment en ce qui concerne le poids croissant des allégements de dettes. Ces annulations de dettes sont par ailleurs indispensables au développement des pays que nous voulons aider.
Les méthodes actuelles de comptabilisation de ces annulations de dettes conduisent à une nette surévaluation de leur effet en termes de financement du développement.
Par ailleurs, se pose le problème de l'opacité qui entoure ces allégements de dette, notamment en ce qui concerne l'affectation des dépenses et les méthodes de comptabilisation.
La majeure partie de ces allégements transite par un compte spécial du Trésor, ou même sur un compte hors du budget de l'Etat pour les créances commerciales. Les données disponibles ne permettent pas d'identifier clairement l'affectation des fonds dégagés par ces allégements, ni le détail de la nature des créances annulées.
Ce manque de transparence de l'APD française pose un réel problème, car le Parlement ne peut exercer pleinement son droit de contrôle de la mise en oeuvre de cette politique. Je suggère que les parlementaires soient plus étroitement associés à la mise en oeuvre et au suivi de cette politique publique. Une information ciblée devrait également permettre aux citoyens de mieux comprendre l'effort national de coopération.
Par ailleurs, on peut noter que les crédits de coopération du ministère des affaires étrangères progressent de 141 millions d'euros en 2004, ce qui traduit une priorité politique claire.
Il est vrai que l'exercice 2003 a été marqué par des régulations qui ont entraîné un report de charges d'environ 90 millions d'euros. Notre contribution au FED augmente de près de 14 %, les crédits de paiement alloués à l'Agence française de développement progressent de plus de 15 %, ceux du fonds de solidarité prioritaire de 25 % et les concours financiers de 29 %.
Des opérations de développement plus immédiates et plus visibles que les annulations de dettes pourront ainsi être menées par notre pays.
Les régulations budgétaires ont par ailleurs entravé la mise en oeuvre du plan de relance de la francophonie annoncé par le Président de la République lors du sommet de Beyrouth.
La situation pour 2004 devrait être meilleure en raison de l'augmentation de 20 millions d'euros des crédits du titre IV et du fonds multilatéral unique. L'importance qu'attache notre pays à son rayonnement culturel est ainsi clairement exprimée, et je m'en réjouis.
Concernant les emplois, la baisse constatée depuis dix ans est très importante, puisqu'elle atteint près de 10 %. L'effort fourni en 2004 relève de la contribution du ministère des affaires étrangères à l'effort global revendiqué par le Gouvernement et consistant à ne remplacer que la moitié des fonctionnaires partant à la retraite. Je pense, monsieur le ministre, qu'il n'est plus possible de continuer dans cette voie. A l'avenir, les rationalisations devront concerner l'ensemble des réseaux de l'Etat à l'étranger : il faudra pouvoir apprécier dans chaque pays le nombre d'agents nécessaires pour chaque ministère, dans une vision d'ensemble de l'action extérieure de l'Etat.
La mise en place de la polyvalence des agents est nécessaire afin de mettre fin aux cloisonnements entre ministères possédant un réseau à l'étranger. De plus, afin de prendre en compte les évolutions du monde, par exemple celles qui sont liées à l'élargissement de l'Europe, la présence française à l'étranger doit pouvoir s'adapter.
Je pense, enfin, que le capital politique dont dispose la France est insuffisamment utilisé dans la coopération multilatérale, si bien que notre pays ne semble plus jouer dans les institutions multilatérales et européennes un rôle aussi important qu'auparavant.
On constate en effet que certains pays, malgré des efforts financiers moindres que les nôtres, sont capables d'exercer une influence plus grande que la France dans les institutions internationales. Cela semble tenir au fait que la coopération française, dans l'ensemble de ses composantes, n'est capable ni d'établir des complémentarités et des synergies entre les activités bilatérales et multilatérales, ni de « satelliser », en quelque sorte, les institutions multilatérales, voire d'autres partenaires bilatéraux, autour de nos objectifs et de nos priorités stratégiques.
L'articulation entre le bilatéral, l'Europe et le multilatéral n'est pas pleinement assurée. Des complémentarités ont parfois pu être établies dans certains domaines, par exemple dans la lutte contre le sida, contre la tuberculose ou contre le paludisme. Mais, dans nombre de domaines de la coopération au développement, les divers aspects semblent déconnectés les uns des autres : aspects multilatéraux, aspects européens et aspect bilatéral.
Cela est singulièrement vrai dans les domaines du social, de l'éducation et de la santé, terrains privilégiés de la lutte contre la pauvreté, où il ne semble pas que l'on ait cherché ni réussi à faire prévaloir à l'échelon multilatéral les concepts et les méthodes de la coopération française.
Je ferai un dernier constat : le moteur à idées de la France doit être relancé. Les institutions multilatérales, et c'est d'ailleurs plus vrai encore des institutions financières onusiennes que des institutions européennes, fonctionnent à partir d'une combinaison relativement efficace de structures de recherche qui s'appuient sur des laboratoires universitaires de haut niveau et de structures opérationnelles alimentées par les premières. Le débat d'idées occupe donc une place importante.
Or la coopération française paraît mal positionnée dans les débats d'idées sur les questions de développement, d'abord parce qu'elle a du mal à mobiliser ses ressources intellectuelles et expérimentales, ensuite, parce qu'elle éprouve des difficultés à capitaliser sa propre expérience et à la confronter à d'autres.
Le Haut Conseil de la coopération internationale essaie d'oeuvrer au mieux pour permettre une concertation régulière des différents acteurs de la coopération internationale pour le développement afin de trouver des idées et de « relancer la machine ». Il est également chargé, et c'est important, de sensibiliser l'opinion publique aux enjeux de cette coopération.
En conclusion, monsieur le ministre, je féliciterai le Gouvernement d'avoir maintenu l'aide publique au développement parmi ses quatre priorités budgétaires. Cependant, le volume de l'APD française s'explique essentiellement par les allégements de dettes accordés dans le cadre de l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés, les PPTE.
Une autre amélioration envisageable serait de remédier à l'opacité de l'APD française. En effet, notre politique de coopération au développement n'est pas assez lisible, car plus d'une dizaine de ministères disposent en la matière de crédits dont la mise en oeuvre implique à son tour toute une série d'organismes publics.
Enfin, le dernier point contre lequel je tiens à m'élever est la réduction du nombre d'assistants techniques, qui font pourtant l'image de la France à l'étranger et qui sont très précieux sur le terrain pour nos relations avec les pays du monde entier. Nous avons aujourd'hui un peu plus de 2 000 assistants techniques en activité ; lorsque j'étais aux affaires, voilà maintenant assez longtemps, ils étaient au nombre de 12 000 ou 13 000. Ce chiffre était sans doute trop élevé, car nous faisions de la formation directe, alors que le bon type de coopération consiste certainement dans la formation de formateurs, Cependant, en passant de 12 000 ou 13 00 à 2 000, on atteint, me semble-t-il, un « étiage » limite. Ces suppressions d'emplois au sein du ministère des affaires étrangères ne me paraissent pas opportunes : il y va du rayonnement et de l'influence de la France, qui doit tenir toute sa place, notamment face aux Etats-Unis, qui, vous le savez, sont de plus en plus présents sur le continent africain. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, un budget, des crédits : c'est le sort d'êtres humains qui se joue. Ce sont des visages et non de simples statistiques, des montants vivants et non des chiffres morts. C'est « une politique » qui s'exprime.
Le sort très concret de deux millions de Français à l'étranger doit y trouver sa place. Une simple gestion de crédits ne répond pas à notre ambition. Nous attendons davantage : imagination et esprit d'invention.
Une question grave mérite d'abord d'être soulevée, celle du gel dit « républicain », mais qui est fondamentalement antidémocratique.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Bravo !
M. Christian Cointat. A quoi sert-il de voter le budget, acte fondamental visant à soutenir une politique, si, quelques mois après, Bercy remet unilatéralement tout en cause par un blocage des crédits et donc de la politique définie, sans saisine du Parlement ?
M. André Dulait, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !
M. Christian Cointat. Nos « spécialistes » - bien grand mot ! - du ministère des finances ont failli gravement mettre à mal cette année la politique sociale et la politique de l'enseignement des Français de l'étranger. Une véritable catastrophe ! Je remercie chaleureusement le Président de la République et le Gouvernement d'avoir pris courageusement la position qui s'imposait pour sauver cette expression de la solidarité nationale, malgré la situation difficile de nos finances.
La politique des Français de l'étranger ne doit pas se faire à Bercy, dans le confort d'une haute administration certes talentueuse, mais éloignée des réalités. Les orientations générales de votre politique, monsieur le ministre, doivent être tenues, les engagements pris, respectés.
L'une des missions premières du Conseil supérieur des Français de l'étranger est de servir de courroie de transmission entre les pouvoirs publics et nos compatriotes expatriés. Peut-être mieux que d'autres - car ils sont confrontés aux réalités du monde -, ces derniers savent comprendre les difficultés et en accepter les conséquences, pour autant que celles-ci soient justes, équilibrées et partagées.
Faites donc travailler le Conseil supérieur, monsieur le ministre, puisque vous en êtes le président et que la loi vous en donne le pouvoir ! Cela permettra au Gouvernement d'être mieux éclairé.
A cet égard, la réforme introduite par la loi organique de 2001 sur les lois de finances - je me refuse à prononcer cet horrible mot de « LOLF » ! - devrait renforcer cette approche plus politique du budget, cette logique de projets et d'actions, de préférence à une approche purement comptable.
Cela soulève une question d'importance : comment le Gouvernement entend-il conduire la réforme budgétaire à l'égard des Français de l'étranger ? Dans quels programmes, dans quelles missions figureront les moyens financiers et logistiques en faveur de nos compatriotes expatriés et ceux qui sont nécessaires au fonctionnement du Conseil supérieur des Français de l'étranger ? Celui-ci pourra-t-il bénéficier, comme nous l'avons toujours demandé, de l'individualisation qui sied à toute assemblée d'élus, instance représentative et non simple administration ?
Cela m'amène, monsieur le ministre, à vous interroger sur un deuxième point : la réforme de la représentation des Français de l'étranger.
Une commission spéciale du Conseil supérieur a beaucoup travaillé, pendant de nombreux mois. Le Gouvernement et vous-même, en votre qualité de président dudit Conseil, en avez très largement accepté les conclusions, et vous avez pris les premières mesures par voie réglementaire. On ne peut que s'en féliciter et vous en remercier. Mais il faut aller au bout de la démarche et présenter le projet de loi qui s'impose ! Où en est-on, monsieur le ministre ?
A l'heure où la décentralisation est en marche, les élus des Français de l'étranger demandent à être associés à ce mouvement vers plus de proximité. Sur mon initiative, et grâce à l'appui de mes collègues, nos compatriotes expatriés ont été pris en compte par la réforme de notre Constitution, qui prévoit désormais que les projets de loi relatifs aux instances représentatives des Français établis hors de France sont déposés en premier lieu au Sénat. Il faut donc qu'en soient tirées au plus vite les conséquences pour que les dispositions nouvelles soient pleinement opérationnelles.
Lors de la discussion de cette réforme constitutionnelle devant le Sénat, le Gouvernement a promis pour le printemps dernier - nous sommes déjà à l'automne ! - le vote d'une loi organique à cet effet. J'ai engagé auprès de votre cabinet comme auprès des administrations compétentes et des autres ministères concernés, monsieur le ministre, un dialogue républicain tendant à l'exécution par le Gouvernement de cette promesse faite solennellement devant le pouvoir constituant. J'ai même déposé, pour faciliter les discussions, une proposition de loi organique.
L'expertise engagée dans ce domaine ne peut être limitée à une approche purement juridique, de surcroît contestable, qui, drapée du manteau et du renom de Thémis, néglige les facteurs politiques. La décision ne peut être circonscrite aux craintes et aux peurs que suscite malheureusement tout projet nouveau. Que peut nous dire le Gouvernement dans ce domaine ?
Les élus des Français de l'étranger, vous le savez fort bien, ont déjà été assimilés sur des points essentiels aux élus locaux. La présentation des candidatures à la Présidence de la République en est un exemple parmi d'autres. Comme les élus locaux, ils souhaitent que les règles d'organisation et de fonctionnement de leurs instances représentatives soient fixées par cet instrument éminemment politique et démocratique qu'est la loi. Allez-vous répondre, monsieur le ministre, à la fois à l'engagement pris par le Gouvernement et aux aspirations de nos compatriotes sur ce point ?
Enfin, je voudrais évoquer la décentralisation. Elle nous préoccupe beaucoup, car elle aura des conséquences sur la vie quotidienne de nos compatriotes expatriés : ils ont peur d'être laissés sur le bord du chemin.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis. Ils ont raison !
M. Christian Cointat. Les transferts de compétences de l'Etat aux collectivités territoriales ne doivent pas se traduire pour eux par la perte de leurs droits.
Grâce à vous, monsieur le ministre, le Conseil supérieur a créé une commission temporaire pour examiner ces questions. Nous allons y travailler sérieusement, mais nous aurons besoin de vous pour convaincre le Gouvernement de la République d'apporter à nos problèmes les solutions qu'ils méritent. Etes-vous prêt, monsieur le ministre, à répondre à cet appel ?
Lors du récent débat sur le projet de loi relatif aux responsabilités locales, je me suis efforcé d'apporter ma contribution à la recherche de solutions. J'ai pu mesurer à quel point il était difficile de faire prendre réellement conscience que la France, grâce à ses ressortissants vivant hors de ses frontières, ne se limitait pas au territoire national.
Le Gouvernement a fait un pas important, et je l'en remercie, tant en acceptant mes amendements sur les questions scolaires et universitaires qu'en prenant l'engagement de faire procéder à une étude exhaustive pour déterminer comment faciliter l'inscription des enfants français de l'étranger dans les établissements des communes frontalières de notre pays. C'est une première étape.
Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour soutenir activement ces mesures concrètes qui tendent à un mieux-être dans l'existence quotidienne de nos compatriotes expatriés et pour leur apporter le prolongement qui s'impose.
Nos compatriotes établis hors de France vibrent au rythme des grands projets internationaux que vous portez avec tant de talent, monsieur le ministre, de cette grande politique que vous savez si bien initier. Mais ils espèrent aussi beaucoup de la politique ordinaire - des « mains dans le cambouis », si j'ose dire -, celle qui s'adresse non pas à des chefs d'Etat, mais à des hommes et à des femmes, autrement dit à des visages, à des âmes et à des coeurs.
Cela étant, même s'il ne répond pas à mon attente, je voterai votre projet de budget, car je fais confiance à la qualité de votre engagement et de votre action. Je vous fais confiance, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Yves Dauge.
M. Yves Dauge. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, voilà deux ans, j'ai eu le plaisir de travailler sur le réseau culturel français à l'étranger, action que j'ai d'ailleurs menée en étroite collaboration avec les fonctionnaires du ministère des affaires étrangères. Je dois reconnaître que j'y ai pris un grand plaisir et que j'ai beaucoup apprécié la qualité des services, tant à l'échelon national qu'à l'échelon local.
J'ai axé ma réflexion sur les centres culturels, mais je me suis également intéressé aux Alliances. Depuis cette époque, je suis resté en contact étroit avec nombre de responsables de ces établissements, ce qui m'a permis, ces derniers jours, de mener ma petite enquête pour savoir ce qu'ils pensaient de la situation budgétaire : il est normal d'aller voir la situation sur le terrain !
J'imagine, monsieur le ministre, que vous êtes vous-même bien informé. Pourtant, je m'interroge parfois. Permettez-moi de vous le dire, il faut réellement prendre conscience des conséquences qu'ont eues les budgets votés pour les années 2002 et 2003 - les perspectives pour 2004 sont fort semblables -, mais surtout les régulations et les gels de crédits, qui ont fortement déstabilisé le réseau en cours d'année. Imaginez que vous soyez en train de monter des actions en partenariat avec des acteurs locaux et que l'on vous indique que vous n'aurez pas les sommes prévues ! Bien évidemment, cela vous place dans une situation délicate, et vous perdez une partie de votre autorité et de votre réputation vis-à-vis des partenaires étrangers. C'est grave !
Lorsqu'il a installé le Haut Conseil à la coopération internationale, dont je suis membre en tant que représentant du Sénat, le Premier ministre s'était d'ailleurs explicitement engagé à ne procéder à aucune régulation budgétaire sur les crédits de la coopération, précisément pour éviter - monsieur le ministre de la coopération, vous connaissez parfaitement ces questions-là - de mettre nos agents, nos Instituts et les Alliances dans la situation absolument déplorable d'être contraints d'interrompre des partenariats en cours d'année.
Malheureusement, l'enquête que j'ai menée montre que les crédits pour 2004 connaîtront une baisse comprise, selon les centres, entre 20 % et 30 %. Il faut bien comprendre que l'impact sera bien plus fort que les chiffres que j'annonce, parce que, en fin de compte, nos institutions vont fonctionner avec les postes. Certes, tant qu'on ne les supprime pas, ils sont encore là !
Encore faut-il noter - vous me permettrez une parenthèse sur la coopération - que l'assistance technique est, elle aussi, en baisse régulière. On ne sait pas où cela s'arrêtera, d'ailleurs, car la question n'a jamais été clarifiée : quel est le rôle de l'assistance technique ? Quel est le nombre de postes que l'on veut en définitive garder ?
Pour en revenir aux centres culturels, ils en sont réduits à être des instruments sans plus de crédits d'intervention, des institutions qui ne peuvent plus répondre à leurs missions. La situation est véritablement critique, monsieur le ministre !
Ce matin m'est parvenue une dernière information en provenance d'une Alliance qui fait aussi fonction de centre culturel, en Irlande exactement. D'après les chiffres que l'on m'a annoncés et que je suis allé chercher à la source - on pourra les vérifier -, l'Alliance verrait ses crédits baisser de 40 % et se demande comment elle fonctionnera en 2004.
J'ai également contacté le réseau des Alliances à Paris. Alors que, l'an passé, cette institution avait reçu 520 000 euros de subventions de votre ministère, elle en aura 420 000 en 2004. Avec cette somme, elle devra faire le même travail, et même un peu plus, puisqu'on lui a demandé de se substituer aux centres qui vont fermer en Allemagne.
Je vous le dis sincèrement, monsieur le ministre, nous en sommes arrivés à un point où les gens perdent confiance. Certes, on peut accepter une certaine rigueur budgétaire, car tout le monde connaît la situation budgétaire actuelle, mais cela ne doit pas mettre en péril ce véritable trésor que constitue le réseau des centres culturels. Nous sommes en voie de passer un cap au-delà duquel nous entrerons dans une phase de déstructuration d'un instrument qui permet de donner sa portée à une politique que le Président de la République promeut d'ailleurs avec talent. Ainsi, je garde présent à la mémoire le discours sur la diversité culturelle qu'il a prononcé à l'UNESCO. On insiste à juste titre sur le thème de la coopération, de la dimension culturelle du développement. Il nous semble essentiel de chercher à conserver à notre pays une place importante dans le monde sur ce plan.
On vous reconnaît également beaucoup de talent, monsieur le ministre. Je compte sur ce talent pour qu'il soit mis un terme à cette déstructuration que j'évoquais à l'instant. Votre relation avec le chef de l'Etat, qui est particulièrement étroite, devrait vous permettre de l'alerter sur cette situation et de porter un coup d'arrêt au démantèlement d'un outil exceptionnel, qui a fait ses preuves mais qui est en train de dégrader. Je rencontre en effet bien des promoteurs de la culture française à l'étranger qui n'y croient plus et veulent quitter leurs fonctions. Dans ces conditions, comment voulez-vous que nos interlocuteurs étrangers y croient ? La confiance que la France doit susciter à l'extérieur doit reposer sur une confiance interne.
Outre la question budgétaire, il y a le problème de la ligne politique suivie. Quelle est la ligne politique de la France et quelle doctrine développons-nous au travers de notre réseau de centres culturels et de l'Alliance française ? Je vous le dis franchement, tout cela est flou. Cela ne date pas de votre arrivée aux responsabilités, puisque j'avais tenu les mêmes propos à l'adresse de votre prédécesseur.
Certes, je sais bien que les ministres des affaires étrangères sont pris par un emploi du temps terrifiant et sont absorbés dans des tâches immenses, mais il faut absolument que nous mettions en place un dispositif interministériel. J'ai d'ailleurs toujours plaidé pour que le ministère de l'éducation nationale et le ministère de la culture s'impliquent davantage dans la gestion de notre politique culturelle extérieure et y consacrent eux aussi des moyens. Après tout, le budget de l'éducation nationale, qui représente quelque 100 milliards d'euros, pourrait bien être sollicité pour contribuer à la défense de la pensée française et de la diversité culturelle dans le monde. Il est inadmissible que votre ministère assume seul les dépenses de cet ordre ! J'ai d'ailleurs lu des textes tout à fait remarquables de M. Aillagon sur ce sujet. Nous devons regrouper nos forces et sans doute, à cette fin, procéder à une réforme institutionnelle, comme je le préconisais dans un rapport, pour que la tête de réseau soit mieux identifiée, plus opérationnelle, et que le message politique passe mieux.
Pour en revenir à la situation budgétaire, je rappellerai que j'avais émis une proposition pour la mise à niveau du réseau culturel français à l'étranger. Le coût de sa mise en oeuvre était de 500 millions de francs sur cinq ans, soit environ 80 millions d'euros. L'année suivante, on a consenti un petit geste, à hauteur de 20 millions de francs. C'était toujours cela de pris, mais l'effort restait très insuffisant. Depuis, monsieur le ministre, à cause des régulations budgétaires, nous régressons. J'estime qu'il faut réagir et mettre un terme à cette évolution.
C'est là une question essentielle pour l'identité de la France dans le monde. Nous devons sans doute être forts militairement, je n'en discute pas, mais nous devons aussi être forts sur le plan culturel, être présents dans le combat pour la diversité culturelle.
Or la défense de cette dernière passe par la création d'industries locales, et l'UNESCO, qui lance actuellement un grand programme sur ce thème, reproche à la France, qui a fait de la diversité culturelle son cheval de bataille dans les négociations commerciales multilatérales, de rester en retrait. Pourquoi en est-il ainsi ? Parce que nous sommes noyés dans un magma d'idées générales, sans disposer d'une ligne directrice ni de moyens suffisants.
Nos moyens étant ce qu'ils sont, il serait du moins nécessaire de savoir qui pilote l'action culturelle française à l'étranger et selon quel axe de pensée. Monsieur le ministre, sans vouloir vous faire porter la responsabilité d'une situation qui perdure depuis de longues années, je vous le dis solennellement ce soir : nous sommes en situation de crise, non pas seulement financière, mais aussi intellectuelle. Il s'agit de définir le positionnement de la France par rapport aux autres pays. Notre discours généreux est en trop profond décalage avec la réalité, et l'on constate une perte de confiance, tant à l'intérieur du dispositif que parmi nos partenaires étrangers. Je n'ai nullement la volonté de vous agresser ou de créer une polémique en disant cela ; c'est ma conviction profonde, fondée sur ma connaissance du terrain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Louis Duvernois.
M. Louis Duvernois. « Voulons-nous être une grande puissance dans la nouvelle organisation du monde ? Telle est la question essentielle à se poser pour que la France puisse peser sur les enjeux identitaires qui refont surface avec une brutalité dont les attentats du 11 septembre 2001 ont illustré l'effroyable noirceur. »
Ces propos sont de vous, monsieur le ministre, et nous les faisons nôtres. Les enjeux culturels, dans un monde en quête d'identité et dans lequel les cultures constituent le nouvel élément clé de notre destin, représentent le défi véritable de cette troisième mondialisation, après celles de la Déclaration des droits de l'homme et de la globalisation économique renforcée par l'affaiblissement de la tension Est-Ouest.
Que veut maintenant la France, fidèle à son riche passé et qui doit néanmoins s'exprimer sur les changements de l'avenir, dans ce combat engageant son existence ? Le futur est plein de ressources, à la condition de sortir de la dictature de la non-décision.
J'évoquerai trois des principaux secteurs de cette action qui nourrit nos préoccupations : la modernisation du ministère des affaires étrangères, la gestion de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger et la configuration de la chaîne française d'information internationale.
Concernant en premier lieu la modernisation du ministère des affaires étrangères, la réflexion engagée par le Quai d'Orsay conduit à proposer un plan d'action stratégique pour les quatre prochaines années. Il comporte un grand nombre de propositions, cent sept au total, mais il faut regretter que seules dix-sept d'entre elles concernent directement le « culturel et le développement ».
Cette troublante constatation chiffrée ne peut que préoccuper celles et ceux qui attachent un intérêt majeur à l'action extérieure de la France.
Le contexte de rigueur budgétaire exige des arbitrages politiques, certes douloureux. Cependant, est-il légitime, étant donné l'intérêt national en cause, de s'interroger sur les modalités d'une démarche menée uniquement par l'administration et qui donnera vraisemblablement comme résultat la rédaction d'un énième plan de reconfiguration du dispositif culturel, sous-tendu d'abord et avant tout par des mesures d'économies budgétaires, imposées et nécessaires ?
La réflexion sur l'action extérieure de la France doit être conduite de manière plus large que celle qui a été entreprise par l'administration. Des enjeux aussi essentiels ne méritent-ils pas que l'on associe la classe politique à la réflexion et que l'on consulte également la société civile ?
L'Etat doit apprendre un rôle plus modeste et aussi plus difficile, à savoir celui de mettre en place des services publics plus performants.
Désespérément arc-boutées sur une vision unique tirée d'un modèle unitaire, autoritaire et tutélaire aujourd'hui dépassé, les administrations centrales, de moins en moins réactives, aspirent encore à jouer le rôle d'opérateur, à l'encontre de l'affirmation du Président de la République, M. Jacques Chirac, qui considère qu'elles doivent dorénavant se consacrer à leurs missions principales de conception, d'animation des politiques et de contrôle de l'application de celles-ci.
Une articulation durable et cohérente entre la langue et le message culturel français a d'abord façonné la physionomie de l'action internationale de la France. La langue et les questions d'enseignement du français à l'étranger ont, ensuite, toujours été les vecteurs essentiels du rayonnement national, et elles demeurent aujourd'hui l'un des enjeux de la compétition mondiale pour la conquête politique ou la quête de nouveaux marchés.
Veillons donc à ne pas détruire tant d'années d'efforts ! Trouvons des solutions modernes, innovantes et, en tout cas, adaptées aux contraintes budgétaires.
A cet égard, évitons de nous appesantir sur le projet de budget pour 2004 du ministère des affaires étrangères, car la progression officielle de 2,52 % du montant de ses crédits est en trompe-l'oeil.
En effet, le ministère a mis en oeuvre en 2003 de sévères mesures de régulation budgétaire, pour plus de 250 millions d'euros. Le budget voté par le Parlement ne correspond guère à la réalité des crédits disponibles, ce qui est inadmissible.
L'interruption de l'activité de la valise diplomatique ou l'annulation de concours de recrutement, faute de crédits pour louer des salles, conduisent à des situations totalement absurdes. Que dire, par ailleurs, et cela est encore plus grave, du versement de salaires à des agents expatriés que l'on prive de moyens d'action ?
Combien de temps pourrons-nous tenir dans ces conditions ? Les mesures de régulation portaient jusqu'à présent sur les crédits d'intervention qui permettent d'animer cet incomparable réseau d'aide et d'influence dont la France s'est dotée à l'extérieur de son territoire. Ces mesures affectent, aujourd'hui et pour la première fois, les rémunérations et autres indemnisations des agents expatriés, qui mènent une grève suivie, selon les dernières informations recueillies. Une telle situation n'est pas acceptable : conséquence du mauvais héritage d'une vision à court terme entraînant une gestion au coup par coup des moyens financiers et des ressources humaines, elle nuit à l'image de notre pays à l'étranger.
La loi organique de 2001 relative aux lois de finances devrait permettre, cependant, de passer d'un budget de moyens à un budget orienté vers les missions et les résultats. Soyons confiants dans cette gestion nouvelle. Nous verrons bien à l'usage !
Le budget des affaires étrangères regroupe 44 % des crédits consacrés à l'action extérieure de la France. Ces crédits devraient être affectés, en tout ou partie, à une mission interministérielle portant sur l'action de la France à l'étranger. Cela présenterait l'avantage de permettre au ministre des affaires étrangères de mieux affirmer le rôle de coordination et de synthèse qu'il revendique légitimement.
En deuxième lieu, j'évoquerai la gestion de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.
Depuis plusieurs années, le principe d'une participation du ministère de l'éducation nationale à la gestion de l'AEFE a été avancé, avec le très fort soutien du Conseil supérieur des Français de l'étranger, que vous présidez de droit, monsieur le ministre.
L'an passé, à l'occasion de l'examen des crédits de votre département ministériel, vous nous aviez dit avoir trouvé l'AEFE au bord de l'asphyxie financière. De 1997 à 2002, on a noté une augmentation sensible, à hauteur de 6 %, du nombre d'enfants français scolarisés dans ce réseau, et, pour 2004, la subvention à verser à l'AEFE, sous tutelle unique du ministère des affaires étrangères, sera de 332 millions d'euros, soit une diminution de 1,8 %. Aucune académie en France ne pourrait fonctionner avec des effectifs scolarisés en hausse et des crédits de fonctionnement en baisse !
A la progression des bourses scolaires s'ajoute la hausse constante de la charge financière supportée par les parents d'élèves, qui assument désormais 60,3 % du coût total de fonctionnement des établissements français à l'étranger. La spirale inflationniste devient ingérable, et la situation actuelle de l'AEFE implique de prendre des décisions courageuses et claires.
La recherche des économies demandées requiert, au préalable, la définition de priorités, car un « bricolage » sans perspective ni ambition réalistes serait désastreux pour l'avenir de l'agence.
Le 28 octobre dernier, devant le Conseil économique et social, vous vous êtes déclaré « évidemment ouvert », selon vos propres termes, à une cotutelle du Quai d'Orsay et du ministère de l'éducation nationale sur l'enseignement français à l'étranger. Il faut maintenant, monsieur le ministre, engager rapidement une réflexion sur ce thème avec votre collègue Luc Ferry, ministre de l'éducation nationale, qui se montre a priori favorable à une plus grande synergie interministérielle.
Nous entendons bien qu'un tel partenariat ne saurait être une fin en soi et reposer sur le partage de la seule charge financière. Nous devons, et c'est notre souhait commun, lui donner un sens et des objectifs, autour d'un véritable projet éducatif international. Votre idée d'un baccalauréat international est, à cet égard, une bonne idée.
Il devient dès lors indispensable que l'Etat conclue un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens, comportant, à partir d'un état des lieux détaillé, un engagement de l'agence sur des résultats.
Nous devons, parallèlement, explorer d'autres possibilités de financement de l'agence, par le biais d'associations ou de fondations qui défiscalisent les dons versés par des entreprises oeuvrant à l'échelon internationnal à des organismes d'intérêt général concourant à la diffusion de la langue et de la culture françaises. C'est juridiquement possible, faisons-le !
Par ailleurs, ne serait-il pas normal que le ministère de l'éducation nationale participe à l'attribution de bourses scolaires aux enfants français, comme c'était le cas voilà quelques années ?
Ne serait-il pas également normal que ce même ministère soit davantage associé à la gestion financière des personnels enseignants titulaires, expatriés et résidents, qui contribuent fortement au rayonnement culturel de la France ?
La transformation de la délégation aux relations internationales et à la coopération en direction ministérielle ne souligne-t-elle pas le renforcement de la dimension internationale de l'action du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche ?
En matière de coopération, nous souhaiterions, en outre, connaître les intentions de votre département ministériel. La suppression d'un grand nombre de postes d'assistant technique ne conforte pas, à l'évidence, la présence de la France dans les pays en voie de développement, spécialement en Afrique. Entre 1993 et 2002, les effectifs sont passés de 4 877 à 1 307, soit une baisse de 73 %. Et que dire de l'arrêt et de la suppression brutale de programmes, comme au Sénégal ou au Niger, faute des crédits nécessaires ? Nous le savons, le désengagement de la France signifie l'implication croissante d'autres pays.
En troisième et dernier lieu, je traiterai de la configuration d'une chaîne d'information audiovisuelle extérieure.
La création d'une chaîne française d'information internationale constitue une ambition forte portée par le Président de la République. Chacun s'accorde à reconnaître les progrès accomplis par Radio France internationale, qui pâtit cependant de la double tutelle du ministère des affaires étrangères et de celui de la culture et de la communication, dont les objectifs souvent ne concordent pas. Citons également TV5, qui a amélioré de manière significative la qualité de ses programmes.
On constate, toutefois, l'absence d'une grande chaîne d'information internationale en français et plurilingue, capable de rivaliser avec la BBC ou CNN. Le ministère des affaires étrangères, qui avait, en 2003, reporté l'inscription de crédits à cette fin à l'année suivante, reste timide à l'égard de ce grand projet audiovisuel extérieur. Il est incompréhensible de se placer, une fois de plus, dans l'attente de décisions à venir en ce qui concerne le lancement de cette chaîne.
Le rapport Brochand au Premier ministre préconise de retenir une solution associant un opérateur public, Francetélévisions, et un opérateur privé, TF1, soit deux actionnaires de référence aux intérêts contrastés et qui cantonneront à un second rôle tant RFI que l'AFP, deux entreprises de presse mondiales oeuvrant depuis longtemps à la pratique d'une nécessaire diversité culturelle, avec un savoir-faire professionnel exceptionnel. A l'heure d'un partenariat renforcé entre la France et l'Allemagne, le rapport Brochand n'explore pas, en outre, les potentialités audiovisuelles extérieures de notre premier partenaire dans l'Union européenne. Je pense ici à la complémentarité qui pourrait être trouvée avec la Deutsche Welle.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Louis Duvernois. J'en termine, monsieur le président.
Dans l'attente du rapport de synthèse au Premier ministre, dont la remise, prévue en décembre, est reportée, semble-t-il, à 2004, on peut douter de la force et de la viabilité du processus en cours, qui aurait certainement exigé, en amont, une « remise à plat » d'un paysage audiovisuel français éclaté en chapelles concurrentes.
Nous croyons qu'il est temps, pour votre ministère, de s'engager pleinement dans la création d'une chaîne de télévision internationale « tout-info », après avoir considéré les années 2002 et 2003 comme une période de transition.
Devant la stagnation des crédits affectés à l'action culturelle extérieure de la France et de ceux qui sont consacrés à la promotion de la langue française, il convient, monsieur le ministre, d'améliorer, par le redéploiement des ressources financières et humaines, les moyens d'intervention des centres culturels et de coopération scientifique.
Insatisfait du projet de budget présenté pour le ministère des affaires étrangères, solidaire néanmoins des réformes engagées par le Gouvernement, je suis, malgré tout, favorable à l'adoption des crédits proposés.
M. le président. La parole est à M. Hubert Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'examen du projet de budget des affaires étrangères pour 2004 intervient dans un contexte davantage marqué par la réforme que par la rigueur, puisqu'il s'agit d'un budget prioritaire, qui bénéficie d'une hausse de crédits de 2,5 %, essentiellement dédiée à l'aide publique au développement.
Le paradoxe de cette situation est qu'elle mécontente un peu tout le monde, par l'effet des restrictions de crédits inévitables dans certains secteurs, ou par celui de la modification des structures, mouvement qui doit se poursuivre dans le droit-fil de la politique de réforme définie par le Président de la République, le Premier ministre et vous-même, monsieur le ministre. La grève inédite que connaît aujourd'hui le ministère et la manifestation qui se déroule devant le Sénat à l'appel des syndicats des personnels des affaires étrangères montrent la difficulté de l'exercice.
Si l'action extérieure de la France exige des moyens pour s'affirmer, elle requiert aussi du volontarisme politique et de la continuité dans le message dispensé au monde. Sur ce point, on ne peut que se réjouir, messieurs les ministres, de votre action à la tête de la diplomatie française, concernant non seulement la crise en Irak, qui fut le point d'orgue de l'expression de notre souveraineté dans le concert des nations, mais aussi d'autres dossiers brûlants, comme la menace nucléaire en Iran, l'application de la feuille de route pour la paix au Moyen-Orient ou les fractures graves en Afrique. Du reste, c'est quand la France s'associe à d'autres volontés européennes que son influence est le plus manifeste. Messieurs les ministres, la France a-t-elle une réelle capacité d'entraînement en Europe, et sa vision du monde vous paraît-elle partagée par l'ensemble des Etats membres, y compris par les nouveaux entrants dans l'Union ?
La politique étrangère dépend aussi du réseau de diffusion qu'elle se forge pour la mener à bien. Or votre cadre budgétaire toujours restreint, qui représente 1,25 % du budget de la nation, constitue un handicap. On peut regretter que, face aux enjeux de la mondialisation, les crédits de l'action extérieure de la France n'aient pas été regroupés au sein de votre seul ministère, ou dans un comité interministériel placé sous votre autorité, afin de donner une cohérence à 100 % des dépenses de l'Etat pour son action extérieure, au lieu de 44 % actuellement.
Les contributions aux organismes internationaux grèvent une partie des crédits, sans que nos apports volontaires soient portés à la hauteur des attentes. En 2004, seule la francophonie verra notre contribution s'accroître de 11,5 %, après trois années de stagnation. Cette insuffisance nuit à l'influence et la crédibilité françaises dans les instances internationales, en particulier à notre langue. La France recule au cinquième rang des pays contributeurs au budget de l'ONU, qui vient de décider de regrouper à Bruxelles les activités de ses centres d'information en Europe, à l'exception de Genève et de Vienne. Or, sur les six langues officielles de l'ONU, seuls l'anglais et le français sont les langues de travail. L'abandon de Paris par les Nations unies est un sérieux revers pour la francophonie. La langue est, en effet, une dimension du patriotisme et, en ce sens, nous devons soutenir le projet de l'UNESCO d'instaurer une convention prônant la défense de l'identité culturelle.
La France s'appuie, pour la diffusion de sa langue et de sa culture à l'extérieur, sur un très vaste réseau d'établissements scolaires, d'instituts et d'alliances françaises, très prestigieux, qui font encore sa renommée aujourd'hui. De nombreux pays comptent, en effet, sur le réseau éducatif français, comme cela a été le cas du lycée technologique de Mexico accepté par le Général de Gaulle en 1964 sur la demande expresse du président de la République mexicaine Adolfo López Mateos. S'agissant des écoles françaises à l'étranger, les crédits stagnent ou diminuent en 2004, situation jugée préoccupante par le Conseil économique et social, qui s'est interrogé dans un rapport publié récemmment sur l'avenir de l'enseignement français à l'étranger.
L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, qui scolarise près de 160 000 élèves français et étrangers, voit, pour 2004, ses crédits baisser de plus de 6 millions d'euros, pour atteindre 332 millions d'euros. Même si cette dimunution est, pour l'essentiel, imputable à des éléments extérieurs au fonctionnement de l'Agence - l'effet de change par exemple -, aucune marge de manoeuvre ne lui sera permise. La participation de l'Etat s'est réduite d'année en année et ne représente aujourd'hui que 38 % du coût total de l'enseignement français à l'étranger. Heureusement, les crédits de bourses scolaires s'accroissent de 1 million d'euros, ce qui permettra la continuité du soutien à la scolarisation en faveur de nos ressortissants à l'étranger.
Dans vos efforts de rationalisation du réseau, monsieur le ministre, envisagez-vous de maintenir et même, si la situation le nécessite, d'accroître les crédits de bourses pour nos expatriés ?
La dépendance des établissements français à l'étranger à la seule aide budgétaire du ministère des affaires étrangères leur confère un caractère de précarité. Certains ont donc pensé à faire appel au ministère de l'éducation nationale et de la recherche, pour résoudre ce problème financier. Mais une cotutelle peut-elle être justifiée par le seul transfert de charges ? Sans sous-estimer le rôle de l'éducation nationale, qui fournit d'excellents professeurs et veille à la bonne pédagogie, je pense que le ministère des affaires étrangères et l'AEFE se sont fort bien acquittés de leurs responsabilités à l'égard de nos établissements à l'étranger. La cotutelle ne risque-t-elle pas de créer plus de problèmes qu'elle n'en résoudrait ? En effet, l'éducation nationale est essentiellement centrée sur l'Hexagone et les départements et territoires d'outre-mer. Or c'est dans le cadre de l'Union européenne qu'il faut imaginer d'autres formules comme les regroupements de nos écoles avec celles d'autres pays européens ; c'est déjà le cas à Taïwan avec les Anglais et les Allemands, aux Philippines avec les Allemands et les Hollandais, ainsi qu'à Shanghai avec les Allemands.
Il convient aussi de développer les sections françaises à l'intérieur des établissements étrangers dans des pays où l'enseignement est d'une qualité comparable à la nôtre, à l'instar de Canberra en Australie. De même, il faut développer tout système de coopération débouchant sur la délivrance de diplômes internationaux, reconnus d'abord dans toute l'Union européenne.
Les savoir-faire du ministère des affaires étrangères et du ministère de l'éducation nationale doivent être mis en synergie, mais la formule de la cotutelle est-elle la mieux adaptée ? Votre avis sur ce point nous intéresse, monsieur le ministre.
Il faudra, par ailleurs, résoudre la question de l'acquisition de nos implantations à l'étranger, pour lesquelles les crédits du titre V sont notoirement insuffisants. J'ai cru comprendre, monsieur le ministre, que Bercy autorisait désormais le recours aux dispositions de la loi du 2 juillet 1966 sur le crédit-bail, ou une formule analogue. Cette information est-elle exacte ?
En conclusion, le budget du ministère des affaires étrangères, bien que difficile, doit permettre de poursuivre l'action engagée voilà dix-huit mois. Me félicitant du renforcement des crédits pour la sécurité des Français à l'étranger, du maintien du budget de la coopération militaire et de défense, de l'effort en faveur de l'aide au développement, tous ces éléments concourant à l'influence de notre pays dans le monde, je voterai votre projet de budget pour 2004, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Goulet.
M. Daniel Goulet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je n'ai pu assister cet après-midi au débat sur le projet de budget du ministère des affaires étrangères, puisque j'étais à Genève où j'ai assisté, avec d'autres invités, au lancement du pacte de Genève. Mais nous aurons l'occasion d'en reparler. N'ayant donc pas assisté aux interventions de mes collègues, vous voudrez bien me pardonner si je reviens sur un certain nombre de thèmes qu'ils ont déjà évoqués.
Monsieur le ministre, je considère, pour ma part, que votre budget n'est pas un budget comme les autres. Votre administration n'est pas une administration comme les autres. Vous représentez en effet la France dans le monde, à l'extérieur de nos frontières. Vos diplomates en poste dans le monde entier sont les relais de votre politique et le reflet de la grandeur de la France en tant que puissance mondiale.
Peut-on, dès lors, parler de grandeur sans avoir les moyens financiers pour asseoir des actions multiples qui m'apparaissent, quant à moi, de plus en plus importantes et par conséquent prioritaires ?
Comme le disait le philosophe Otto Marquard : « Avec l'âge vient la faculté de théoriser, c'est-à-dire de dire les choses commes elles sont et non pas comme on voudrait qu'elles soient. Le discours alors ne s'illusionne plus. L'âge permet en quelque sorte de dire la vérité puisqu'il ne s'agit plus de ménager son propre avenir, qui est par définition derrière soi. » Alors, je vous le dis franchement, monsieur le ministre, nous avons le devoir impératif de soutenir votre action, mais comment faire avec le document budgétaire qui nous est proposé et qui, à de rares exceptions près, n'est qu'une douloureuse litanie d'annulations de crédits et de modestes reconductions.
Comprenez-moi bien, monsieur le ministre, il est indéniable que, dans votre administration comme dans toutes les autres, des économies sont possibles et même souhaitables, que chacun a pu constater certaines gabegies de papier, de documentations diffusées sans considération du destinataire.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Et les missions inutiles !
M. Daniel Goulet. Votre ministère n'est pas le seul concerné. Voilà quelques mois, j'avais d'ailleurs demandé au ministre de la réforme administrative de bien vouloir limiter, pour l'ensemble des ministères, les publications et les kilos de documents que nous recevons tous chaque jour, alors que leur contenu est intégralement accessible sur internet.
C'est un point d'économies qui peut certes paraître ridicule à cette heure, mais qui n'en existe pas moins ! J'attends encore que les promesses en ce sens soient suivies d'effets : les habitudes ont la vie dure.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Et les imprimeurs sont importants !
M. Daniel Goulet. Mais revenons à notre sujet, monsieur le ministre.
Les économies que vous engagez sont louables. Vous jouez, bien entendu, la solidarité gouvernementale. En effet, toutes les économies réalisées vont dans le meilleur des sens. Toutefois celles qui concernent votre ministère ne sont malheureusement pas d'égale valeur. Une économie de 100 euros d'électricité ou de papeterie ou d'entretien d'ascenseur n'a pas la même valeur que 100 euros de suppression de crédits dans le fonctionnement d'une ambassade. Je m'explique à la lumière de quelques exemples.
Récemment, j'ai rencontré certains de vos agents, comme ceux des autres ministères, notamment du ministère de l'économie et des finances et du ministère du commerce extérieur, qui voyagent, ce qui est peut-être normal pour eux, en première classe, alors qu'ils sont chargés à travers le monde des contrôles budgétaires de nos ambassades. C'est un comble ! Qu'ils commencent par faire eux-mêmes des économies ! Dans le même temps, vos ambassadeurs doivent, à travers le monde, faire signer un registre pour leurs invités afin que leurs dépenses de réception soient contrôlées. Cette mesure de défiance à l'égard de nos ambassadeurs porte atteinte au prestige de la France à l'étranger. Jugée humiliante pour les invités, surtout dans certains pays asiatiques ou arabes dans lesquels la notion d'hospitalité répond à des critères très stricts, cette démarche, sans doute cogitée par des énarques parisiens, me paraît vexatoire. Alors, monsieur le ministre, interdisez à vos fonctionnaires l'usage de la classe « affaires », qui doit être réservée aux ambassadeurs et aux consuls, et abandonnez la pratique ridicule et sans impact budgétaire de ce livre de présence des invités de la France à travers son réseau diplomatique.
Autre exemple, à la page vingt-deux du rapport de l'Assemblée nationale, le rapporteur M. Eric Woerth mentionne une innovation : des crédits de 3,37 millions d'euros non reconductibles permettront d'abonder en gestion les moyens de fonctionnement des services si - le « si » a son importance - les recettes provenant des délivrances des visas dépassent de 10 millions d'euros celles qu'ont été enregistrées pour 2002. Je ne sais pas très bien de quoi il s'agit, mais peut-être allez-vous nous éclairer. Si cette disposition conditionne un crédit à une obligation de résultat des services des visas, je ne comprends pas très bien. Il ne s'agit pas d'une obligation de bonne exécution du travail consistant à recevoir les usagers dans de bonnes conditions, ne pas les faire trop attendre aux guichets et les aider à comprendre les formulaires. Non, rien de tout cela, me semble-t-il. Il s'agit d'une obligation de résultat appréciée au nombre de visas délivrés. Alors là, je dis non, franchement non ! J'aimerais avoir en face de nous le fonctionnaire de Bercy qui a eu cette lumineuse idée, sans doute après consultation du ministère de l'intérieur, pour qu'il nous en expose les motivations et, surtout, les effets.
La délivrance d'un visa est un acte politique et de sécurité, notamment en cette période de mondialisation du terrorisme. Conditionner une subvention comme cela est décidé constitue, à mon avis, un non-sens du point de vue de la gestion financière et de la sécurité du territoire.
Puisque nous parlons de rationaliser les actions et de faire des économies, parlons maintenant, une nouvelle fois - d'autres ont évoqué ce point avant moi, mais je tiens à apporter ma contribution au débat -, de tous les problèmes liés à la francophonie, qui rime si souvent avec cacophonie. Je n'ai rien inventé puisque cela a déjà été dit à cette tribune.
Il s'agit d'un sujet que je connais pour avoir présidé, avant notre collègue M. Louis Duvernois, une association importante qui envoyait plus de six millions de livres dans plus de cent pays, livres qui provenaient effectivement des grandes sociétés d'édition, ce qui évitait un gâchis puisqu'ils échappaient ainsi au pilon.
Pour cela, combien d'efforts et combien de temps passé pour rechercher des subventions !
Depuis des années, et déjà avec votre prédécesseur et ses services qui, j'imagine, sont devenus les vôtres, j'ai tenté d'engager une grande réforme de la francophonie, d'engager ou en tout cas d'y contribuer modestement. Monsieur le ministre, il y a trop d'associations - j'en ai relevé un certain nombre que je connais bien -, d'agences, de forums et ainsi trop de subventions attribuées, et pas toujours après évaluation. Chaque association organise son colloque ici ou là selon les circonstances, pour la plus grande gloire, bien éphémère d'ailleurs, de son président, mais quelle cohérence et quel résultat global ?
Il faudrait, monsieur le ministre, commander un état des lieux de toutes ces organisations chargées de la francophonie. Vous feriez ainsi oeuvre utile.
Par ailleurs, c'est le domaine de prédilection où doit se développer un partenariat public-privé. Nous allons, avec M. Louis Duvernois, l'imaginer, et je pense que cet exemple pourrait être suivi. Il est plus normal de faire financer ou cofinancer une opération de francophonie par une grande marque de voitures française que de lui demander de contribuer à payer des petits fours de la réception du 14 Juillet dans telle ou telle de nos ambassades !
Au sujet de la cohérence, j'ai relevé à la page trente-deux du rapport pour avis de notre collègue Mme Monique Cerisier-ben Guiga que cent quarante et un enseignants étaient détachés à Monaco. Je rappelle que treize seulement sont détachés en Chine, vingt-cinq au Japon et six au Brésil. Là encore, je ne comprends pas très bien. Peut-être pourriez-vous nous expliquer les raisons de cette situation. Je ne pense pas que les Monégasques aient besoin d'un soutien logistique de la part du ministère des affaires étrangères ; peut-être cela pourrait-il relever du ministère de l'éducation nationale. Un tel poste, monsieur le ministre, à le supposer fondé, dépend-il vraiment de votre budget ?
Pourriez-vous satisfaire ma curiosité ? Elle est certes anecdotique, mais dans la situation budgétaire qui vous est faite et par conséquent qui est faite à la diplomatie française, il me serait agréable d'avoir des précisions sur la question des enseignants détachés à l'étranger.
Je pourrais aussi vous parler, monsieur le ministre, de la place de la France dans un certain nombre d'organisations dites internationales. Il serait, là aussi, nécessaire de débattre plus longtemps, mais le temps nous est compté. Je citerai seulement l'Union de l'Europe occidentale, l'UEO. Avec votre collègue de la défense, il faudrait envisager une consultation très sérieuse en vue, peut-être, de dissoudre cette assemblée dont les missions ont, depuis longtemps, été transférées à l'Union européenne. Cette assemblée aurait déjà dû être dissoute. Malheureusement, la pression des personnels et des hauts cadres de cette noble assemblée a été la plus forte. Nous sommes ici dans un cas d'acharnement thérapeutique diplomatique, mais pour un coût exorbitant et des budgets qui trouveraient certainement une meilleure utilisation. Par exemple, je vous suggère d'aider à la réfection du lycée français d'Abu Dhabi, mais nos collègues représentant les Français établis hors de France vous en ont sans doute déjà parlé.
En conclusion, monsieur le ministre, vous en conviendrez, il n'est pas anormal que nous nous interrogions - et je suis de ceux-là - sur le véritable contenu de ce budget, qui, en réalité, relève plus de difficultés comptables et financières qui sont imposées par Bercy. Néanmoins, vous pouvez compter sur mon soutien dans toutes les actions difficiles qui sont les vôtres et que vous menez si bien à la tête de ce département ministériel. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Mme Monique Cerisier-ben Guiga applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord saluer la grande qualité des contributions de vos commissions et de vos rapporteurs et remercier tous les orateurs de leurs interventions, en particulier le président André Dulait, ses appréciations sur notre gestion budgétaire et sur notre action en Côte d'Ivoire et au Moyen-Orient étant autant d'encouragements. Votre travail de fond, lucide et attentif, mesdames, messieurs les sénateurs, sur nos missions et nos moyens, a souligné les efforts de rigueur du ministère des affaires étrangères, dans un contexte budgétaire difficile.
De même, vous avez mis en évidence le respect des priorités assignées par le Président de la République, notamment pour l'aide publique au développement - M. Pierre-André Wiltzer en exposera le contenu tout à l'heure -, la qualité du service rendu à nos compatriotes à l'étranger et la réforme du droit d'asile.
Vous avez tous relevé enfin notre volonté de poursuivre résolument la réforme de l'action extérieure de l'Etat.
Alors que le Quai d'Orsay, fait sans précédent, est en grève aujourd'hui, j'y reviendrai dans un instant, nous sommes particulièrement sensibles à votre soutien à notre action, mesdames, messieurs les sénateurs, ainsi qu'aux orientations de ce projet de budget pour 2004, certes marqué par la rigueur, mais surtout par la ferme volonté d'adapter notre outil diplomatique aux défis qui se présentent à nous.
Pour tenter d'être synthétique et le plus précis possible dans mes réponses, je les regrouperai autour de trois thèmes. Tout d'abord, les perspectives de réforme du ministère sont-elles conformes aux objectifs du Gouvernement ? Ensuite, les crédits ouverts sont-ils à la hauteur de nos ambitions ? Enfin, où en est notre diplomatie sur plusieurs dossiers d'actualité ?
Nos efforts de modernisation sont-ils à la hauteur des ambitions de la réforme de l'Etat ?
Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, les organisations syndicales du ministère des affaires étrangères ont appelé à la grève aujourd'hui. Ce mouvement est très suivi, avec un taux de participation à la mi-journée de plus de 50 % dans nos postes à l'étranger, d'un tiers à Paris, d'un quart à Nantes. Il doit être pris au sérieux.
Car cette mobilisation traduit l'incertitude, le doute, la crainte même des agents du ministère devant la détérioration de leurs conditions de travail et de rémunération. Ces hommes et ces femmes ont conscience des efforts, des sacrifices même, auxquels ce ministère a consenti depuis des années. Ils souscrivent, dans l'esprit de responsabilité qui est le leur, à la volonté de réforme que j'ai constamment exprimée depuis dix-huit mois. S'ils sont convaincus qu'il faut aller de l'avant pour maximiser les atouts de notre diplomatie, ils sont tout autant persuadés que cet effort ne peut reposer sur le seul ministère des affaires étrangères.
C'est un message de justice, de volonté et d'ambition que je veux vous transmettre aujourd'hui, parce que je crois à la modernisation de notre Etat, et à celle de notre action extérieure. Je sais pouvoir compter sur les agents du Quai d'Orsay dans cette entreprise nécessaire. Mais eux-mêmes veulent être assurés que leur engagement dans cette réforme se fera sous le signe de l'équité et que les autres acteurs de l'action internationale de la France prendront leur part dans la vaste rénovation en cours.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons entendre cet appel et avancer dans la voie de la réforme avec encore plus de détermination.
Détermination pour ne pas décevoir leurs attentes légitimes, bien sûr. Détermination aussi, car chacun mesure combien, au-delà de nos frontières, partout dans le monde, c'est bien le destin des Français et des Européens qui se joue. Le ministère des affaires étrangères a la responsabilité particulière d'éclairer l'avenir, et cette responsabilité le place nécessairement au coeur de l'action extérieure de l'Etat.
Cette fonction stratégique nous impose le devoir de nous réformer. S'il veut pleinement remplir sa mission, ce ministère doit être à la pointe de la modernisation de l'Etat. C'est tout le sens de l'action que je mène avec trois objectifs prioritaires : tout d'abord renforcer la capacité stratégique du Quai d'Orsay pour mieux définir les priorités de l'action extérieure de la France ; ensuite, assurer la cohérence interministérielle de notre action diplomatique ; enfin, rénover les méthodes et les outils, en valorisant davantage les compétences de notre ministère.
Avec ces objectifs, mon ambition est bien de mettre en cohérence l'action extérieure de l'Etat pour qu'elle soit à la hauteur de la place de la France dans le monde.
Il faut donc fédérer toutes les énergies qui y concourent. Voilà pourquoi, dans le cadre de la nouvelle constitution financière de l'Etat, je plaide pour une mission interministérielle « action extérieure de l'Etat ». Elle devra permettre d'avoir, enfin, une vue d'ensemble de l'action des différents départements ministériels qui agissent à l'étranger et, bien évidemment, de mieux hiérarchiser et rationaliser nos priorités.
Comme le dit le président André Dulait, nous sommes à la recherche d'une « cohérence interministérielle accrue pour notre action extérieure ». Une mise en cohérence que Jacqueline Gourault, Jacques Chaumont et Daniel Goulet ont légitimement appelée de leurs voeux.
C'est tout l'objet de la stratégie ministérielle de réforme que j'ai soumise au Premier ministre, à l'issue d'une consultation approfondie de l'ensemble des agents de mon ministère.
Cette stratégie passe par trois étapes : une étape politique et parlementaire d'abord. En rassemblant, au-delà du « jaune budgétaire », dont le caractère lacunaire et tardif souligné par Guy Branger dans son rapport, tous les moyens de l'Etat au sein d'une mission interministérielle « action extérieure », vous aurez enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, une vision consolidée des actions de la France en dehors de ses frontières en même temps qu'une meilleure maîtrise des crédits qu'elle y consacre. Plusieurs d'entre vous - notamment MM. Branger, Durand-Chastel ou de Montesquiou - l'ont dit avec force.
Quand je défends devant vous les crédits de mon ministère, il ne s'agit que de 45 % environ des crédits de l'action extérieure de l'Etat. Il manque tout le reste et nous voyons bien, dès lors, que la stratégie d'ensemble est peu lisible et ne permet pas de faire dans la clarté les choix nécessaires. Si chacun des ministres concernés contribuait à ce débat, la représentation nationale et nos concitoyens n'en seraient-ils pas mieux informés ? N'est-ce pas là que résident aussi les disparités et les redondances que vos missions à l'étranger décrivent avec constance ? N'est-ce pas ainsi que devient possible la réforme du réseau procédant de la réflexion interministérielle que Jacques Chaumont appelle de ses voeux ?
C'est donc bien à travers la validation politique, par le Parlement, des finalités et des moyens de notre politique étrangère que nous pourrons lui donner sa pleine cohérence. A défaut, le risque est bien que chaque administration cherche à atteindre ses objectifs propres sans aucune vision d'ensemble.
La deuxième étape, qui vient en appui à cette démarche interministérielle, c'est une réforme en profondeur du ministère des affaires étrangères. Car, pour emporter la conviction, il faut être exemplaire.
Il s'agit d'abord de renforcer notre capacité stratégique pour mieux définir les priorités de notre action extérieure. J'en prendrai trois exemples : rendre tout leur rôle aux directions géographiques qui incarnent la fonction de synthèse politique qui nous incombe ; faire de chaque ambassade une équipe réellement pluridisciplinaire et dont l'unité d'action s'incarnera dans un plan triennal ; enfin, redonner vie au comité interministériel des moyens extérieurs de l'Etat, comme le préconise fort justement André Ferrand, pour mieux coordonner l'ensemble des crédits de personnel, de fonctionnement et d'intervention de l'action extérieure.
Il s'agit ensuite de valoriser les compétences et motiver les agents des affaires étrangères. Comment ? Monique Cerisier-ben Guiga et Danielle Bidard-Reydet s'en sont inquiété. En favorisant avant tout la promotion interne, y compris d'un corps à l'autre, mais aussi en donnant une véritable impulsion à l'exigence d'évaluation, elle sera généralisée à tous les niveaux, d'abord aux ambassadeurs, et inclura les jugements des collaborateurs selon la méthode dite d'évaluation à « 360 degrés ». Les nominations aux emplois supérieurs seront désormais préparées par un comité diplomatique et consulaire réunissant des représentants du ministère chargés de proposer, sur la base des évaluations, des choix en toute transparence.
Il faut enfin, je l'ai dit, rénover les méthodes et les outils du ministère. En réorganisant l'administration centrale pour mieux identifier et encadrer les grandes fonctions stratégiques ; en développant parallèlement une gestion par objectifs, fondée sur un vrai contrôle de gestion et sur l'évaluation des résultats.
Enfin, c'est la troisième étape, cette réforme trouvera sa traduction au niveau local à travers le choix résolu d'une approche interministérielle et déconcentrée. Les instruments de cette démarche commencent déjà à se mettre en place : conférences d'orientation budgétaire au niveau local autour de la pratique des budgets-pays, globalisation des crédits, création de services administatifs unifiés... Il s'agit d'amener l'ensemble des ministères à mettre en place une gestion concertée des crédits de l'action extérieure. Le document cadre que j'ai signé au mois de juin dernier avec Francis Mer en a jeté les bases.
Je suggérerai au Premier ministre d'aller plus loin, en lui proposant d'instaurer un mandat de gestion, par pays, des crédits et des effectifs de tous les services de l'Etat, mandat qui sera confié aux ambassadeurs. Cela devrait répondre aux attentes de Michel Charasse, qui a souhaité davantage d'interministérialité au niveau local.
Vos rapporteurs ont fait une large place au thème de la loi organique relative aux lois de finances. Ce chantier va incontestablement contribuer à la modernisation du ministère, comme le souhaite Louis Duvernois. Jacques Chaumont nous l'a dit : il conduit à une véritable « révolution culturelle » et doit mettre la gestion au coeur des priorités du ministère.
Je viens d'évoquer la mission interministérielle et je me réjouis du consensus qui nous réunit sur ce point. Messieurs Branger, Charasse et Durand-Chastel se sont interrogés sur son périmètre : doit-elle regrouper l'ensemble des crédits de l'action extérieure de l'Etat ou uniquement les crédits d'aide publique au développement ?
L'objectif, selon la LOLF, d'une mission interministérielle est d'apporter aux parlementaires une vision transversale et consolidée d'une politique publique. Il paraît donc nécessaire que la mission « action extérieure de l'Etat » soit la plus large possible et qu'elle regroupe tous les programmes à composante internationale et pas uniquement ceux de l'aide publique au développement. Dois-je rappeler que les coûts de fonctionnement et de structure de l'ensemble de notre action extérieure engloutissent un peu plus de 20 % du montant total des crédits ? Quelle organisation moderne peut souffrir de tels coûts indirects ?
Enfin si, comme certains l'ont souligné, cette mission ne pouvait regrouper la totalité des crédits internationaux, du fait de leur dispersion et de l'impossibilité pour certains ministères de définir des programmes à dimension internationale, la mission pourrait s'accompagner d'un ou de plusieurs projets coordonnés de politique interministérielle permettant d'harmoniser, dans le cadre des finalités politiques décidées par le Parlement, les objectifs de nos interventions extérieures.
La structuration en programmes du budget du ministère des affaires étrangères a suscité, c'est naturel, des interrogations, notamment de MM. Branger, Charasse et Cointat. Paulette Brisepierre a même demandé que cette réforme ne soit pas une « occasion manquée ».
Plusieurs schémas ont été envisagés. La version dont vous avez fait état demeure susceptible de modifications, d'abord parce que le Parlement tient de la LOLF elle-même le pouvoir d'amender les programmes, ensuite parce que nous voulons prendre en compte l'avis du comité interministériel d'audit des programmes, qui analyse en ce moment même nos propositions et, enfin, parce que le Premier ministre aura également à rendre son arbitrage.
Nous avons à ce stade retenu trois programmes correspondant aux trois principaux métiers de notre ministère tels qu'ils apparaissent en particulier, de manière claire, dans les activités de nos postes à l'étranger : un programme « rayonnement et influence de la France », qui réunit les crédits de l'action diplomatique proprement dite ; un programme « coopération et action culturelle », qui regroupe l'essentiel de nos crédits d'action culturelle, scientifique et technique, ceux de l'audiovisuel extérieur et enfin ceux de l'aide publique au développement, y compris le Fonds européen de développement ; un programme, enfin, « réseaux et services publics à l'étranger », où figureront les crédits consulaires ou dédiés aux Français de l'étranger et au CSFE - cela répond à une question de Christian Cointat -, les crédits consacrés aux activités de direction et de gestion du ministère et, à titre provisoire, les crédits de personnel et de fonctionnement des services extérieurs.
Messieurs Charasse et Branger, notamment, s'interrogent sur la pertinence du regroupement des crédits culturels et de l'aide publique au développement dans un même programme.
Ce choix reflète une réalité profonde de communauté de métiers et de complémentarité des actions. Ces politiques ne se détachent pas l'une de l'autre, elles sont menées par les mêmes structures administratives. Ainsi, la politique de coopération universitaire est menée par la même direction, qu'elle concerne des pays de l'OCDE ou des pays en voie de développement.
En outre, la structuration du programme « coopération et action culturelle » en budgets opérationnels de programme répondra au souhait, exprimé notamment par Michel Charasse et que je comprends tout à fait, d'identifier clairement les moyens alloués à ces deux politiques.
Les dépenses de personnels de l'administration centrale sont ventilées entre les trois programmes. Comme je vous l'indiquais à l'instant, les crédits de rémunération des agents expatriés le seront également, une fois que nous aurons tiré tous les enseignements de notre expérimentation des « budgets - pays LOLF » et que la rationalisation en cours de nos réseaux aura porté ses fruits. Répartir les effectifs entre les trois programmes avant d'avoir redistribué les emplois des réseaux compliquerait singulièrement cette tâche déjà délicate.
A cet égard, vous avez tous montré un grand intérêt pour la nécessaire évolution des réseaux du ministère.
Au cas par cas, vous le savez bien, les décisions sont difficiles à prendre. Mmes Gouraud et Cerisier-ben Guiga, MM. Chaumont, Del Picchia et de Montesquiou estiment que les réseaux consulaire et culturel sont surdimensionnés, notamment en Europe. Ces interrogations sont légitimes. Le contexte international a évolué : nous avons le devoir de nous y adapter et cela a été trop longtemps différé.
C'est pourquoi j'ai demandé que l'ensemble des paramètres de notre présence soient examinés, dans un esprit d'innovation. Les chefs de poste ont été consultés afin que les propositions retenues soient au plus près des réalités du terrain et de l'évolution des enjeux. Mais cet exercice n'a de sens que s'il s'incrit dans une démarche d'ensemble, commune à toutes les administrations présentes à l'étranger.
A ce propos, je voudrais rassurer le président André Dulait, qui s'est interrogé sur notre capacité à financer le plan de modernisation du ministère. S'il n'est pas question, sauf exception, de fermetures sèches, nous allons en revanche supprimer les doubles emplois, rassembler les sites, promouvoir la polyvalence de l'encadrement. Telle a été l'inspiration des postes mixtes, alliant fonction consulaire et commerciale, expérience à laquelle je sais qu'André Ferrand est très attaché et qui a donné de bons résultats.
De cet effort devraient émerger des marges de manoeuvres budgétaires, peut-être quelques dizaines de millions d'euros - ce n'est à ce stade qu'une évaluation sommaire - qui seront affectés notamment au financement des dépenses de formation, d'équipements de sécurité, de communication, de rénovation de locaux ou de promotions internes, qu'implique le plan de modernisation.
Notre présence dans une Union européenne élargie à vingt-cinq au coeur de notre réflexion stratégique. M. de Montesquiou a raison de s'interroger sur l'utilité de maintenir en l'état notre administration consulaire alors que des solutions européennes ou innovantes existent déjà. Mais soyons lucides : dans une Europe où les pouvoirs locaux auront de plus en plus d'influence - voyez l'Allemagne, l'Espagne ou encore l'Italie - nous devons conserver au niveau régional un réseau d'observation et d'influence politique et culturelle, sans doute sous des formes nouvelles.
Pour ce qui est du réseau consulaire, nous allons élargir l'expérimentation lancée en Belgique et dont Robert Del Picchia s'est fait l'écho. En Belgique, depuis le 1er juin 2003, les Français résidant à Liège ou à Anvers peuvent s'adresser indifféremment aux consultats de ces villes ou de Bruxelles pour les opérations administratives courantes.
En regroupant les compétences consulaires sur un seul poste pour un pays ou un groupe de pays, nous allons nous appuyer sur des équipes spécialisées, tout en maintenant une fonction d'accueil dans les autres postes. Ainsi, le traitement de l'état civil dans chaque pays de l'Union européenne va être réorganisé selon ce modèle puisque les opérations seront centralisées à Bruxelles dès le 1er janvier 2004, et la télé-administration permettra de travailler plus efficacement et d'offrir à nos compatriotes des informations et des services plus professionnels.
Vous savez le rôle primordial, dans notre effort pour promouvoir la diversité culturelle, du vaste réseau de nos établissements dans le monde : instituts, centres culturels et alliances françaises. Monique Cerisier-ben Guiga a rappelé tout l'intérêt de ce réseau. Son déploiement sur les cinq continents et le travail minutieux de coopération ou d'influence accompli au quotidien sont plus que jamais nécessaires dans un monde où le dialogue, l'écoute et le respect de l'autre sont des éléments essentiels dans l'action extérieure de notre pays.
La France a la chance de pouvoir s'appuyer sur un dispositif que lui a légué l'histoire. Comme vous l'avez prôné, monsieur Dauge, et sachez que j'ai entendu votre appel, elle entend le préserver mais dans une perspective d'évolution constante, puisque la carte du monde change et qu'il nous faut en permanence adapter nos outils de coopération à des nécessités nouvelles. Nous avons ouvert, ou sommes sur le point d'ouvrir, de nouveaux centres à Kaboul, en Asie centrale à Achkhabad, par ailleurs en Algérie à Constantine ou Tlemcen. Nous poursuivons le déploiement d'alliances françaises en Russie et, surtout, en Chine, à raison de deux ouvertures par an.
A l'inverse, nous réfléchissons à des formules alternatives en Europe, où il n'est sans doute pas nécessaire de conserver une présence permanente, du moins sous la forme d'un établissement, dans des villes de moyenne importance. Il est donc capital que nous réussissions à dégager des marges de manoeuvre et à faire respirer notre réseau culturel. Dans le même temps, notre effort de modernisation se poursuit : les personnels recrutés locaux de ces établissements bénéficieront de près de 2 millions d'euros pour améliorer leurs grilles salariales, ce qui répond, je crois, aux préoccupations de Monique Cerisier-ben Guiga.
Le deuxième thème de vos préoccupations porte sur les dotations du ministère des affaires étrangères : sont-elles à la hauteur de nos ambitions diplomatiques ?
Tous vos rapporteurs ont tenu à rappeler les difficultés de l'exécution du budget en 2003 et leurs conséquences sur nos engagements internationaux ou sur notre coopération : Michel Charasse pour souligner que le principe de régulation est légitime et inévitable en période de situation budgétaire très tendue, Jacques Chaumont pour estimer que l'autorisation votée par le Parlement est bafouée par la régulation budgétaire qui a frappé le ministère des affaires étrangères en 2003.
Il est vrai que cette régulation a été massive, puisque les annulations et les gels ont amputé de 15 % les crédits hors rémunérations et les engagements internationaux. Elle a affecté, fait sans précédent, les crédits de reports, alors même que mon ministère s'était vu imposer 103 millions d'euros de reports obligatoires dans le cadre de la régulation budgétaire en 2002. Elle a aussi été tardive puisque ses derniers avatars ont été notifiés en avril, alors que bien des actions avaient déjà été engagées ou des promesses données.
Cette régulation à répétition a d'abord porté sur le fonctionnement du ministère à des niveaux sans égal, ce qui a provoqué de sérieuses perturbations dans l'activité quotidienne de notre maison. Compte tenu de son ampleur, elle n'a pas permis d'exonérer totalement l'aide publique au développement. Comme l'ont relevé Monique Cerisier-ben Guiga, Jacques Chaumont et Michel Charasse, les crédits de l'ADP n'ont pu être sanctuarisés, pas plus que n'ont été épargnés les crédits de la francophonie, comme l'a regretté Jacques Legendre.
J'ajoute que les organisations de solidarité internationales, le fonds de solidarité prioritaire ainsi que notre assistance technique - 200 recrutements ont dû être suspendus jusqu'à l'année prochaine - ont eu également à subir les conséquences de cette régulation.
C'est là un sujet de réflexion pour l'avenir : dès lors que notre politique étrangère s'inscrit dans les priorités voulues par le Président de la République et le Gouvernement et approuvées par la représentation nationale, nous devons tout faire pour lui épargner les aléas de la régulation budgétaire. Car c'est le crédit même de notre pays qui risque d'être mise en cause aux yeux de nos partenaires étrangers. Il est clair en tout cas qu'il ne sera pas possible de continuer ainsi à appliquer, sans nuances, à notre ministère des régulations qui bouleversent profondément nos actions de coopération et font douter de la parole de la France. Je le dis ici avec beaucoup de sérieux : nous ne pourrons pas en 2004 subir des gels et des annulations, comme cela a été le cas cette année, sous peine de devoir renoncer, de manière définitive, à certaines de nos activités. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
A ce propos, Christian Cointat a formulé le souhait d'une plus grande concertation entre l'Etat et le Conseil supérieur des Français de l'étranger avant toute décision de gel budgétaire. Je n'ai pas d'objection, pour ma part, à un tel dialogue, bien au contraire, et je vous confirme la volonté des autorités françaises de tenir régulièrement informées les instances représentatives de nos compatriotes à l'étranger.
Dans ce contexte difficile, quelles sont les priorités de ce budget ? Je salue l'unanimité avec laquelle vos rapporteurs ont relevé la continuité dans ce budget des priorités engagées en 2003, d'abord la poursuite de notre aide au développement tel que l'a voulu le Président de la République, pour permettre de porter l'effort de la France à 0,5 % du PIB d'ici à 2007. Cet engagement sera tenu.
Cette augmentation ne résultera pas de nos seuls engagements communautaires ou d'annulations de dettes. Je tiens à répondre aux inquiétudes exprimées par Mme Paulette Brisepierre devant la commission des affaires étrangères : nous ne céderons ni à « la tentation du chèque » ni à celle de « la sous-traitance » généralisée. Je suis déterminé à mettre en avant nos atouts et notre savoir-faire.
Pierre-André Wiltzer évoquera tout cela plus complètement tout à l'heure. Il répondra notamment à la question de Robert Del Picchia sur la budgétisation du Fonds européen de développement.
Ce budget reflète ensuite la priorité maintenue à la francophonie, conformément aux engagements pris lors du sommet de Beyrouth en octobre 2002. Les crédits alloués au Fonds multilatéral unique vont donc augmenter de 10 millions d'euros, et les synergies entre notre coopération et les interventions des institutions de la francophonie seront davantage exploitées.
Par ailleurs - c'est la troisième priorité - dans le cadre de la réforme du droit d'asile, les crédits destinés à l'office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA et à la Commission de recours des réfugiés augmentent de près de 10 millions d'euros, soit une croissance de 35 % environ par rapport à 2003. Grâce à ces efforts, l'OFPRA aura ramené le délai de traitement des demandes de dix à quatre mois d'ici à la fin de l'année et devrait atteindre l'objectif de deux mois assigné par le Président de la République avant l'été prochain.
MM. les rapporteurs ont bien voulu relever que le ministère a pris toute sa part dans l'effort de rigueur du Gouvernement cette année : à 4,2 milliards d'euros, nos crédits sont en progression de 2,6 % par rapport à la loi de finances initiale de 2003 mais, hors crédits dédiés à l'aide publique au développement, ils baissent de 1,26 %.
M. Jacques Chaumont a souligné, à juste titre, l'importace de cet effort. Les effectifs sont de nouveau réduits, de 116 emplois exactement, soit le non-remplacement de 46 % des départs à la retraite. Au total, cela représente une réduction de près de 10 % des effectifs en moins de dix ans.
Par ailleurs, une économie de 20 millions d'euros nous a été demandée sur les indemnités de résidence. Nous y avons vu un motif supplémentaire de procéder à la réforme trop longtemps différée de ces indemnités, afin de corriger les incohérences géographiques qui aboutissaient à des écarts de rémunération inéquitables.
Une partie de cette économie, à savoir 3,8 millions d'euros, servira à revaloriser les primes de l'administration centrale, à travers une augmentation linéaire de 11 %. Une autre partie, s'élevant à 4,2 milions d'euros, financera l'amélioration de la rémunération et de la protection sociale des recrutés locaux.
Pour répondre aux préocupations exprimées par Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Robert Del Picchia, Jacques Chaumont et Jean-Guy Branger, je précise qu'il sera tenu le plus grand compte du coût de la vie dans les différents pays mais aussi de la situation hiérarchique des agents : les indemnités des agents de catégorie C et de la plupart des personnels enseignants diminueront moins que celles de leurs collègues des catégories A et B.
A cet égard, je souligne que le ministère des affaires étrangères a eu une politique volontariste pour préserver et améliorer le revenu des agents des catégories C et B.
Depuis 1998, date de la fusion avec le ministère de la coopération, qui pratiquait des taux de primes plus élevés pour ses agents de catégories C et B, l'effort de rattrapage concernant les catégories C et le premier grade de la catégorie B a permis, en moyenne, un doublement de ces primes sur six ans, alors que les catégories B supérieures progressaient de 40 % à 50 % et les catégories A de 20 % à 50 % pour les A types.
Ainsi, l'éventail des primes à l'intérieur du ministère a bien été resserré alors que le différentiel des catégories A avec celles d'autres ministères s'est accru.
La réforme des indemnités de résidence ne s'arrêtera pas, au demeurant, à un exercice de mise en cohérence. Des modifications des textes réglementaires sont en cours d'étude pour rendre plus juste le régime des congés de maladie à l'étranger ainsi que le système des majorations familiales. La nature des responsabilités exercées, et non plus leur corps ou leur grade, déterminera le groupe dans lequel les agents seront classés. Un système de classement des ambassades, inspiré du modèle existant dans les préfectures, permettra également de remettre de l'ordre dans la gestion des crédits et des carrières.
Je suis bien conscient que ce reformatage des indemnités de résidence constitue un effort exceptionnel demandé aux agents de l'Etat en poste à l'étranger. Je m'en suis expliqué directement avec les agents du ministère et avec les organisations syndicales. J'ai marqué la nécessité que cet effort soit pour solde de tout compte.
Autre effort significatif d'économies, les frais de fonctionnement de l'administration centrale et de nos réseaux à l'étranger vont baisser de 2 % par rapport à 2003 ; les crédits immobiliers, de 10,3 % en crédits de paiement et de 23,5 % en autorisations de programme.
Au-delà de ces baisses, mesdames et messieurs les sénateurs, certaines dotations, clairement insuffisantes, n'ont pu être augmentées. Au moins sommes-nous parvenus à les stabiliser.
Il s'agit, d'abord, des contributions volontaires aux organismes internationaux, hors francophonie, contributions qui, comme l'a souligné M. Branger, jouent un rôle déterminant dans la crédibilité de la France au sein des organisations internationales.
Il y a une divergence évidente entre notre engagement politique en faveur des institutions multilatérales et le niveau de nos contributions volontaires. Je reste convaincu que, à moyen terme, l'objectif que nous nous sommes fixé d'une augmentation de notre aide publique au développement conduira à accroître ces contributions qui, je le rappelle, constituent plus de 90 % de l'APD.
Les subventions aux opérateurs de l'audiovisuel demeureront également stables et permettront à Radio France internationale, RFI, et à TV 5 d'assurer leurs missions. Enfin, l'érosion des crédits de la coopération militaire et de défense a été stoppée, même si ces dotations demeurent à l'évidence insuffisantes.
Dans une conjoncture budgétaire difficile, nous nous sommes donc organisés pour préserver l'essentiel.
A propos des moyens du ministère, je voudrais à présent revenir sur quatre sujets que vous avez été nombreux à évoquer : l'enseignement français à l'étranger, l'audiovisuel extérieur, nos investissements immobiliers et nos concitoyens à l'étranger.
Tous les sénateurs représentant les Français de l'étranger se sont inquiétés du niveau des crédits alloués à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et des déconventionnements qui sont intervenus cette année.
Mais vous avez également noté que la gestion rigoureuse de l'Agence, aidée, il est vrai, par le redressement de l'euro par rapport au dollar, a contribué à l'amélioration sensible de sa situation financière et de sa capacité à financer ses priorités.
Vous m'interrogez sur le déconventionnement de nos établissements scolaires. Pour des raisons très diverses, qui peuvent tenir au souci d'indépendance des comités de gestion, aux avantages offerts par la législation locale ou encore - c'est le cas aux Etats-Unis - à une incompatibilité entre le statut de résident et des dispositions réglementaires ou légales, il peut arriver, en effet, que l'Agence décide de substituer au lien contractuel qu'elle entretient avec des associations gestionnaires un simple appui pédagogique et financier.
A vrai dire, il ne s'est guère passé une année dans la vie de l'Agence sans qu'elle ait été amenée à « déconventionner ». Ce mouvement se poursuivra en fonction de besoins soigneusement identifiés et, bien entendu, avec l'accord de tous les partenaires de la communauté scolaire.
Mais - et je le dis solennellement - il n'y a aucune politique de déconventionnement systématique, menée par l'Agence ou par le ministère des affaires étrangères. C'est même tout le contraire : des conventions sont en cours d'élaboration avec un certain nombre d'établissements - Saint-Pétersbourg, bientôt Ljubljana et Bratislava, à terme Vilnius - pour accompagner le mouvement vers l'est de l'Europe des communautés françaises expatriées. Et gardons en mémoire la forte montée en puissance de notre réseau en Chine.
Quant à l'effort demandé aux familles pour participer à ces développements, un rapport récent de l'inspection générale des finances a montré que les droits de scolarité ont augmenté à un rythme inférieur à l'inflation.
Comme j'ai eu l'occasion de le souligner devant le Conseil économique et social, la principale difficulté de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger réside dans la gestion du parc immobilier de nos écoles et lycées à l'étranger. L'état de ces bâtiments est loin d'être partout satisfaisant, et des ressources aléatoires ne permettent pas toujours de répondre aux besoins d'entretien et aux impératifs de sécurité. Ce dernier point est pour moi une priorité absolue.
Pour prolonger la proposition d'André Ferrand, ce ne sont pas un, mais deux fonds d'investissement qu'il est prévu de mettre en place au terme du plan d'orientation stratégique en cours d'élaboration avec les partenaires de l'AEFE.
Le premier serait constitué par le transfert à l'Agence des crédits du titre V que le ministère des affaires étrangères destine aux établissements en gestion directe, complétés par les contributions des établissements eux-mêmes, et surtout par l'émission d'emprunts auxquels la loi autorise l'agence à procéder.
Le second serait destiné aux établissements conventionnés, sous la forme d'un fonds alimenté soit par les loyers versés, lorsqu'il s'agit d'immeubles appartenant à l'Etat, soit par des dons d'entreprises - je sais qu'André Ferrand y est très attentif - ou des autorités publiques des pays d'accueil, soit par des cotisations des établissements scolaires.
Vous le savez, une nouvelle loi relative au mécénat, aux associations et aux fondations a été adoptée le 1er août dernier, sur l'initiative de M. le ministre de la culture et de la communication. Elle prévoit notamment de porter à 60 % les déductions d'impôt dont pourraient désormais bénéficier les entreprises mécènes. En réponse à une question de M. Robert Del Picchia, M. le ministre du budget a clairement indiqué que nos établissements scolaires à l'étranger pourraient en bénéficier, à condition que les associations ou les fondations concernées aient leur siège en France.
Robert Del Picchia a également soulevé la question du baccalauréat international. Comme vous le savez, les lycées français à l'étranger, pourtant considérés comme des établissements d'excellence, éprouvent aujourd'hui des difficultés à garder les meilleurs élèves du dernier cycle du secondaire, car le baccalauréat français n'est pas toujours reconnu par les autorités locales, notamment aux Etats-Unis. Dans le même temps, le baccalauréat international, dit de Genève, se développe rapidement, mais n'offre pas les mêmes garanties pédagogiques que le bac français.
Aussi a-t-il paru utile d'envisager la mise au point d'une certification de fin d'études secondaires à caractère international. Le ministère de l'éducation nationale étudie à cette fin les modalités d'un baccalauréat accessible à tous les élèves qui le souhaiteraient, et reposant, pour partie, sur les épreuves du baccalauréat français et, pour le reste, sur les certifications proposées dans le pays d'accueil.
Voilà une nouvelle illustration de la collaboration étroite que nous poursuivons avec le ministère de l'éducation nationale en faveur du réseau de l'AEFE. Qu'il s'agisse de l'homologation des établissements, de l'affectation du personnel expatrié ou résident, ou encore des conditions de retour des enfants d'expatriés, nos liens avec l'éducation nationale sont nombreux et confiants.
Faut-il aller plus loin et prévoir un cofinancement de l'AEFE par l'éducation nationale, par exemple pour les bourses scolaires ou les salaires indiciaires des enseignants ? J'ai noté les suggestions d'André Ferrand et de Hubert Durand-Chastel sur ce point, et j'entends charger l'agence et la DGCID - la direction générale de la coopération internationale et du développement - d'une mission exploratoire sur ces différents sujets.
J'en viens maintenant à l'audiovisuel extérieur.
S'agissant de la chaîne d'information internationale, évoquée par plusieurs orateurs et à propos de laquelle Mme Cerisier-ben Guiga s'est inquiétée des conséquences de son financement sur celui de RFI et de TV 5, je ne reviendrai pas sur la nécessité de mieux faire entendre notre voix et diffuser nos images.
M. Bernard Brochand a rendu son rapport au Premier ministre. C'est une première étape qui définit, de façon générale, le dispositif proposé : une chaîne indépendante, fondée sur un partenariat TF 1-France Télévisions, diffusant en français, arabe, anglais pour commencer, le Maghreb, l'Afrique, le Proche et le Moyen-Orient étant naturellement les zones prioritaires pour la diffusion de cette future entreprise.
Comme vous le savez, le Premier ministre a demandé à M. Brochand de poursuivre sa mission pendant trois mois. Beaucoup de questions se posent, en effet, pour préciser le projet : la définition du cahier des charges ; l'analyse d'impact sur le dispositif existant de l'audiovisuel extérieur ; la clarification de ce que seront les relations de cette chaîne indépendante avec l'Etat ; naturellement, les questions de financement.
Nous attendons les conclusions de ce nouveau rapport, étant entendu que le choix a été fait de ne pas remettre en cause le dispositif autour de RFI et de TV 5.
D'ailleurs, je vous rappelle que TV 5 est une entreprise internationale et que nous sommes tenus à une concertation régulière et préalable avec nos partenaires concernés.
Robert Del Picchia a appelé mon attention sur l'arrêt de la diffusion hertzienne de France 2 en Italie.
Je suis, comme vous, attaché à la défense de la francophonie et du rayonnement culturel de notre pays dans le monde. La situation que vous évoquez est, malheureusement, la conséquence d'une récente évolution de la législation italienne qui contraint à court terme tous les opérateurs hertziens de télévision à numériser leur réseau d'émetteurs, sauf à renoncer définitivement à être présents.
Face à cette obligation, nous avons fait le choix de céder une partie du réseau de France 2 en Italie du nord et du centre pour dégager une capacité de financement et préparer l'avenir. Il s'agira, en effet, de tirer parti de la généralisation de la réception numérique pour accroître les capacités de diffusion terrestre en Italie. A ce moment-là, tout sera mis en oeuvre pour réinstaller une chaîne française sur l'un de ces réseaux, avec l'objectif de couvrir la plus grande partie possible du territoire italien.
Dans l'immédiat, je vous confirme qu'il n'a jamais été question d'interrompre la diffusion de France 2 à Rome et que l'investissement nécessaire à la numérisation de l'émetteur sera fait. Par ailleurs, l'ensemble des téléspectateurs italiens de France 2 ont été informés qu'ils pouvaient continuer à recevoir cette chaîne, moyennant l'installation d'une parabole et l'emploi d'un décodeur. Il est probable qu'une bonne partie d'entre eux feront cet effort financier modeste, comme l'ont d'ailleurs fait, avant eux, des millions d'Algériens ou de Tunisiens.
Je formulerai maintenant quelques commentaires sur notre politique immobilière.
M. Durand-Chastel et M. Chaumont, qui a effectué une mission en Turquie en septembre dernier, ont estimé qu'il fallait tirer au plus vite les enseignements des réelles difficultés que connaît le ministère des affaires étrangères en matière d'investissement.
Vous avez raison, nos difficultés en matière d'investissement immobilier ont été aggravées par la régulation budgétaire. Nous avons dû notamment différer des paiements dus à certaines entreprises. Comme l'a souligné M. Jean-Guy Branger dans son rapport, ces difficultés ont amené à surseoir à la construction du bâtiment des archives à La Courneuve et des nouvelles ambassades de Tokyo et de Pékin.
Si des solutions innovantes en matière de financement sont toujours recherchées, notamment à Tokyo, la loi ne nous permet pas actuellement de financer des bâtiments d'archives en partenariat public-privé.
Il faut donc poursuivre nos réflexions et probablement faire des choix. A cet égard, nous devrons vendre davantage pour pouvoir, progressivement, redonner au ministère sa capacité d'investissement en matière immobilière. Cela ne peut cependant se faire dans la précipitation et doit s'inscrire dans le cadre plus global de la rationalisation de nos réseaux à l'étranger que j'évoquais précédemment.
M. Durand-Chastel a suggéré le recours à la formule du crédit-bail pour l'acquisition d'immeubles destinés à une mission de service public. Nous examinons, en effet, des solutions de ce type, mais cela implique une modification de la réglementation actuelle qui est à l'étude.
Je terminerai cette partie de mon intervention par notre action en faveur des Français de l'étranger.
Je voudrais d'abord évoquer la proposition de loi organique déposée par le sénateur Christian Cointat, qui vise à intégrer, dans le domaine législatif, les règles concernant les instances représentatives des Français de l'étranger.
Le Gouvernement souhaite effectivement associer davantage les Français de l'étranger à la gestion de leurs affaires, conformément à la politique de décentralisation. Il compte, en particulier, donner davantage de pouvoirs et de responsabilités aux représentants élus des Français de l'étranger, essentiellement au niveau local, pour tout ce qui touche aux affaires sociales, à l'enseignement et à l'emploi de nos compatriotes.
En revanche, je suis moins certain qu'il soit possible d'assimiler ces « instances » à des collectivités territoriales proprement dites. Les Français de l'étranger constituent-ils réellement une collectivité au sens propre ? Ce sont des communautés diverses et nombreuses, le plus souvent bien intégrées dans leur pays d'accueil, mais, évidemment, très dispersées sur le plan géographique. Enfin, pour s'administrer librement, comme le prévoit la Constitution, cette collectivité nouvelle devrait pouvoir disposer de ressources propres.
La proposition de M. Cointat a le mérite de poser les bonnes questions et d'aller dans la bonne direction. Le Gouvernement en partage l'esprit. Reste que la réflexion approfondie engagée dans ce sens doit être poursuivie, notamment au sein du CSFE.
L'inscription des Français établis hors de France sur les listes électorales de nos communes est également une préoccupation de Christian Cointat.
Le projet d'ordonnance portant simplification administrative en matière électorale vient d'être soumis au Conseil d'Etat. Son article 1er concerne directement les Français établis hors de France, qui pourront désormais demander leur inscription dans la « commune sur la liste électorale de laquelle est inscrit ou a été inscrit un de leurs parents jusqu'au quatrième degré ». Cette ordonnance devrait être soumise au prochain conseil des ministres et publiée très rapidement.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga et M. Cantegrit se sont préoccupés de l'assistance aux Français de l'étranger.
Le fonds d'action sociale du ministère des affaires étrangères a bénéficié d'une revalorisation régulière, de près de 19 % au cours des six dernières années. Près de 18 millions d'euros sont consacrés à l'aide sociale aux Français en difficulté à l'étranger, principalement en faveur de nos compatriotes âgés ou handicapés.
Votre mobilisation a permis de préserver ces crédits du gel budgétaire. Ils sont intégralement maintenus en 2004, malgré un contexte budgétaire particulièrement tendu, et apporteront ainsi une aide sociale permanente à plus de 5 000 de nos compatriotes les plus démunis.
Je souligne l'effort fait en faveur des personnes handicapées : le nombre de bénéficiaires de l'allocation « handicapé » a augmenté de 3 %. De même, les allocations versées aux enfants handicapés et les aides complémentaires ont été revalorisées de 3 %.
Je voudrais, pour terminer, répondre aux questions ayant trait à notre action dans plusieurs régions du monde.
Je commencerai par les questions portant sur le Proche-Orient et l'Irak.
Je souscris totalement à l'approche volontariste du président Dulait : l'inaction au Proche-Orient n'est pas une option.
La résolution du conflit israélo-palestinien répond à une exigence de justice, elle est aussi dans l'intérêt de tous : la situation en Irak, les progrès politiques et économiques du Moyen-Orient, la lutte contre le terrorisme sont indissociables du règlement de ce conflit.
Face à cela, il y a une contradiction que nous avons le devoir de surmonter. Le monde entier s'accorde, d'une part, sur l'objectif à atteindre - il faut que les deux Etats vivent côte à côte en paix et en sécurité - et, d'autre part, sur la méthode pour y parvenir : la feuille de route du Quartet, désormais endossée par le Conseil de sécurité à l'unanimité dans le cadre de la résolution 1515. Mais ce consensus est sans effet face à la situation sur le terrain, qui s'aggrave ; Mme Danielle Bidard-Reydet nous a dit son indignation sur ce point.
Pourtant, une nouvelle dynamique, timide et fragile, s'esquisse aujourd'hui : le niveau de violence a fortement baissé ; le gouvernement d'Abou Alaa a été formé ; il y a, en perspective, l'espoir d'une reprise des contacts officiels ; enfin, les sociétés civiles se mobilisent.
La France, avec l'Europe, soutient ce mouvement en relançant la feuille de route par une action diplomatique volontariste ; d'où notre soutien à Abou Alaa, qui s'efforce d'obtenir un nouveau cessez-le-feu ; d'où également notre insistance pour qu'Israël allège concrètement les effets de l'occupation et gèle l'extension des colonies et la construction du mur de séparation édifié en partie sur le territoire palestinien.
Une action internationale plus audacieuse est nécessaire pour surmonter les obstacles. A cette fin, notre pays a avancé une double proposition : une conférence internationale pour marquer l'engagement de la communauté internationale ; une présence internationale sur le terrain pour garantir la sécurité et remettre sur pied l'Autorité palestinienne.
Sur l'initiative de Genève, à propos de laquelle m'ont interrogé Mmes Durrieu et Bidard-Reydet, ainsi que M. Penne, je rappelle que la France a exprimé à plusieurs reprises son intérêt pour ce projet porteur d'espoir. Il fixe l'horizon et décrit ce que pourrait être le contenu d'un accord définitif. Il est complémentaire de la feuille de route. J'ai moi-même rencontré, le 22 octobre dernier, les initiateurs de l'accord de Genève, MM. Beilin et Rabbo. Leur initiative témoigne qu'il existe au sein des deux peuples au Proche-Orient les ressorts d'un dialogue et le souci d'une espérance commune.
En Irak, pays sur lequel MM. Dulait, de Montesquiou, Mathieu et Penne ont bien voulu m'interroger, nous restons confrontés à l'urgence, à la montée des périls et à l'extension de la violence.
Les attaques terroristes ont de nouveau démontré qu'une logique seulement sécuritaire est insuffisante et qu'il faut privilégier en Irak une approche politique et concertée.
Un processus politique s'est engagé le 15 novembre à Bagdad.
La France a salué, avec ses partenaires de l'Union européenne, l'accord signé par le président du Conseil de gouvernement intérimaire et l'Autorité de la coalition, car cette nouvelle approche représente un pas vers la restauration de la souveraineté irakienne, comporte un calendrier précis de transition politique et prévoit un gouvernement de transition avant l'achèvement du calendrier constitutionnel.
Mais l'urgence en Irak doit conduire à une approche collective à la mesure de l'enjeu. Voilà pourquoi la France plaide pour l'accélération et l'élargissement du processus politique, seule réponse efficace pour briser la spirale du terrorisme. Les discussions en cours montrent d'ailleurs que l'accord de Bagdad n'est pas figé et que les Irakiens souhaitent s'approprier le processus.
Il faut également associer et responsabiliser tous les Etats de la région. A cet égard, la France se félicite de l'annonce par le secrétaire général de l'ONU de la mise en place d'un groupe de contact avec les Etats voisins de l'Irak.
Il faut enfin mettre l'ONU en mesure de soutenir efficacement la transition en Irak à chacune de ses étapes. La France a avancé l'idée d'un envoyé spécial du secrétaire général qui pourrait contribuer à engager les Irakiens et les pays de la région dans le processus.
La France veut, en même temps, répondre à l'exigence de solidarité à l'égard du peuple irakien. Le dialogue politique est engagé. Je poursuivrai prochainement les contacts noués avec les membres du Conseil de gouvernement. En outre, une assistance humanitaire de l'ordre de 7 millions d'euros et des actions de coopération de près de 1 million d'euros sont mises en oeuvre, dans l'environnement difficile que l'on connaît. Je vous le confirme bien volontiers, monsieur de Montesquiou, la France est prête à participer plus largement au développement de ce pays dès lors que les conditions seront réunies.
Mme Cerisier-ben Guiga a posé plusieurs questions sur la situation en Tunisie.
La France est attachée à la défense des droits de l'homme et à l'Etat de droit, en Tunisie comme partout dans le monde. Ces questions sont évoquées régulièrement avec les autorités tunisiennes dans le cadre de notre dialogue politique étroit et confiant. Elles seront abordées, sans esprit d'ingérence, lors de la visite d'Etat du Président de la République en Tunisie du 3 au 5 décembre prochain.
Dans ce contexte, nous suivons avec attention, depuis le début de sa grève de la faim, la situation de maître Radhia Nasraoui, personnalité tunisienne bien connue en Europe. Nous sommes en contact régulier avec les autorités tunisiennes sur ce sujet. Nous espérons que cette affaire trouvera rapidement une issue positive.
M. Gilbert Barbier a bien voulu m'interroger sur l'état des relations franco-américaines.
Dans sa relation bilatérale avec les Etats-Unis, la France est restée fidèle à ses principes et elle a constamment veillé à privilégier le pragmatisme. Elle a agi en parfaite loyauté, indiquant à chaque étape quelle serait son attitude. Nous avons eu un désaccord, ce qui peut parfaitement survenir même entre amis, et nous l'assumons.
Nous n'avons donc rien à retirer à nos choix ni à nos actes. L'évolution de la situation montre à quel point le recours aux Nations unies et la nécessité d'un transfert de souveraineté rapide au peuple irakien demeurent prioritaires.
Nos objectifs se rejoignent : nous n'avons pas plus intérêt que les Etats-Unis à ce que la situation au Moyen-Orient se dégrade encore davantage. C'est cette crainte qui motivait nos réticences face aux projets d'intervention militaire. A présent, il convient d'organiser le redressement de l'Irak et de promouvoir une paix régionale. Je crois profondément qu'elle ne pourra voir le jour sans un règlement du conflit israélo-palestinien, ce qui implique un engagement plus fort et plus équilibré des Etats-Unis.
Notre différend sur la gestion du dossier irakien continue sans doute à marquer l'atmosphère de nos relations. Mais je note que cette situation n'a eu guère d'effets sur nos échanges commerciaux qui se sont poursuivis normalement, en dépit des quelques appels au boycott. Nos relations économiques demeurent excellentes et elles font preuve surtout depuis dix ans d'un dynamisme inégalé.
Sur le plan politique, l'ambiance est loin d'être aussi sombre que certains se complaisent à la décrire. Le lancement en octobre d'un groupe d'amitié sur la France au Congrès en est l'illustration. Je saisis d'ailleurs cette occasion pour souligner tout l'intérêt d'un dialogue entre notre Parlement et le Congrès américain, complément indispensable à la concertation entre nos deux gouvernements.
Ce dialogue, et cette amitié, doivent sans cesse être renforcés. L'anti-américanisme me semble être en France le fait d'une infime minorité, et ce n'est évidemment pas ce qui a inspiré notre action ces derniers mois, est-il besoin de le préciser.
La large majorité de nos concitoyens aiment l'Amérique et savent ce que la France et l'Europe lui doivent. Nous sommes toujours unis en temps de crise. Le Président Jacques Chirac était le premier à se rendre à New York après le 11 septembre et la France demeure un allié actif en Afghanistan, aux côtés des Etats-Unis.
Il est donc temps de mettre fin aux procès d'intention : nous sommes les plus vieux alliés des Etats-Unis et nous comptons le rester. Cette amitié ne saurait pourtant être réduite à un alignement systématique sur les choix américains, qui peuvent de manière parfaitement légitime ne pas correspondre ni à nos principes ni à nos intérêts. C'est quelque chose que nous devons accepter, en liaison avec nos partenaires européens, dans ce monde multipolaire de l'après-guerre froide.
J'ai bien entendu la question de M. Guy Penne sur la Tchétchénie : la situation dans cette république est grave, sur le plan politique comme sur le plan humanitaire, et la France, comme ses partenaires européens, condamne la violence sous toutes ses formes.
Cela étant, il n'y a pas de solution toute faite : ni l'indépendance autoproclamée en 1991, ni les accords de paix de 1996, qui la reconnaissent de fait, n'ont réglé le problème.
Moscou a lancé un processus politique, avec une nouvelle Constitution, des élections présidentielles et bientôt législatives. Ne le condamnons pas par principe. Mais conservons vigilance et fermeté, et continuons de demander un retour sur le terrain des ONG et organisations internationales afin d'aider à ce processus dans la transparence.
Vous m'avez interrogé, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, sur l'évolution de la situation en Côte d'Ivoire, et fait part de vos inquiétudes sur la mise en oeuvre des accords de Marcoussis.
Certes, depuis l'origine, le processus qui doit nous conduire à la tenue, fin 2005, d'élections libres, transparentes et ouvertes à tous, a connu des hésitations et des blocages. Il en connaîtra peut-être d'autres. Je considère toutefois que, moins d'un an après Marcoussis, les responsables ivoiriens sont parvenus à franchir plusieurs étapes importantes. Prenons acte de l'engagement déterminé du président Gbagbo à « faire taire les armes pour toujours » et à passer, sans plus tarder, à la phase de mise en oeuvre des accords de Marcoussis. Notons aussi qu'après sa déclaration de jeudi soir, le chef de l'Etat a tenu, hier, à se rendre personnellement sur le terrain à M'Bahiakro pour faire part de ce message d'apaisement. Différentes réunions sont envisagées cette semaine pour évoquer le retour des forces nouvelles au gouvernement, l'examen des principaux textes d'application de Marcoussis, la mise en oeuvre des opérations de regroupement, puis de désarmement. Elles témoigneront, je veux l'espérer, de l'engagement concret de l'ensemble des acteurs de la crise à prendre toute leur part à la poursuite du processus et de leur volonté de sortir définitivement de l'état de guerre.
Cette évolution souligne aussi la mobilisation de l'ensemble de la communauté régionale et internationale pour laquelle nous n'avons cessé de plaider depuis le début de la crise. Depuis quinze jours, ce mouvement s'est accéléré : les chefs d'Etat de la région, la communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest, la CEDEAO, l'Union européenne, les Nations unies enfin, se sont engagés avec détermination pour rétablir les fils d'un dialogue encore fragile, mais incontournable.
C'est le passage à la phase concrète de mise en oeuvre des accords de Marcoussis, marqué par le début de l'examen des textes législatifs et le regroupement de toutes les forces en présence, qui ouvrira la voie au retour progressif de l'administration et des services publics sur l'ensemble du territoire, au désarmement, à la préparation sereine des échéances électorales et aux nécessaires mesures de reconstruction. Tous ces éléments seront mis en oeuvre avec l'appui de la communauté des bailleurs, tous mobilisés depuis le sommet de Kléber.
Je tiens enfin à rassurer le président Jean-Pierre Cantegrit et à lui confirmer que les élections au CSFE se sont déroulées hier sans incident.
Vous avez plus généralement, monsieur Cantegrit, salué l'engagement déterminé de la France au service des sorties de conflit, et je vous en remercie.
Depuis un an, nous avons effectivement progressé de façon constructive sur plusieurs théâtres : en République démocratique du Congo, l'intervention européenne sous égide française dans le cadre de l'opération Artemis a permis de conforter le processus de transition politique. Nous sommes désormais en mesure de préparer la tenue d'une conférence sur les Grands Lacs l'été prochain. En Centrafrique, où nous sommes fortement présents, la mobilisation de nos partenaires européens a permis d'aboutir, voilà quelques jours, à la reprise des relations avec l'Union européenne, prélude, nous y travaillons, à une reprise des relations avec le FMI. Au Soudan, où notre envoyé spécial suit les négociations en permanence depuis un an, un accord de paix pourrait intervenir en début d'année prochaine après plus de vingt années de guerre.
Certes, d'autres points restent fragiles ou vulnérables. Nous les suivons avec la plus grande vigilance. Soyons en effet conscients de cette réalité : il n'y aura pas d'effort efficace en faveur du développement du continent africain s'il n'y a pas, au préalable, un engagement déterminé au profit de la solution rapide des conflits qui le secouent.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les remarques et les observations que je voulais faire en réponse à vos interventions. J'espère qu'elles seront de nature à vous convaincre que le projet de budget que j'ai l'honneur de vous soumettre mérite votre approbation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, après Dominique de Villepin et en complément de ses propos, je veux d'abord remercier et féliciter vos rapporteurs pour la qualité de la réflexion qu'ils ont développée sur la coopération et la francophonie. Dans le temps limité dont je dispose, je ne pourrai répondre qu'aux principales questions que les rapporteurs et les orateurs ont soulevées, me réservant le droit de répondre aux autres questions personnellement ou en commission.
Je ne reviendrai pas sur la croissance de notre aide publique au développement, qui rompt avec la période précédente, vos rapporteurs ayant donné les précisions nécessaires sur ce point.
Ce qu'il faut retenir principalement de cette évolution, c'est la volonté politique du Gouvernement de tenir ses engagements au regard de l'aide au développement et de la coopération, en dépit des circonstances très difficiles que nous connaissons sur le plan budgétaire.
Au risque de vous paraître en décalage par rapport à l'appréciation souvent quelque peu morose portée au cours de ce débat sur les mesures d'économie contenues dans ce projet de budget et sur leurs conséquences sur le budget du ministère des affaires étrangères, je mettrai l'accent sur les trois points forts, trois bonnes nouvelles, de ce projet de budget.
Pour la francophonie, une contribution supplémentaire de 20 millions d'euros est versée au fonds multilatéral de la francophonie. Pour la coopération, il faut noter une augmentation de 25 % des crédits de paiement du fonds de solidarité prioritaire, ainsi qu'une majoration de 15,3 % des crédits de paiement consacrés à l'Agence française de développement au titre de sa vocation de donateur.
Ces points méritent d'être relevés et sont susceptibles de donner confiance grâce aux moyens renforcés, malgré les difficultés rencontrées et les rattrapages à faire sur 2003 qui a été une année difficile. Il n'est donc pas interdit de s'en montrer satisfait et je me réjouis de constater que cela a été le cas sur toutes les travées de votre assemblée.
S'agissant de l'aide au développement, qui devrait atteindre 0,43 % de notre produit intérieur brut en 2004, deux priorités ont été choisies : le renforcement de l'aide bilatérale et la fidélité à nos partenaires traditionnels, notamment africains, qui sont les plus nécessiteux. Tels sont les axes majeurs de notre politique, qui rejoignent les préoccupations exprimées notamment par Mme Brisepierre et par M. Charasse.
Notre aide bilatérale poursuivra donc sa progression en 2004 : partant de 62 % du total en 2001, sa part prévisionnelle devrait s'établir à 72 % dans le projet de budget tel qu'il vous est soumis.
L'Afrique verra sa part confortée puisqu'elle devrait sans doute augmenter quelque peu encore.
Je formulerai quelques remarques sur les priorités géographiques de notre coopération. J'indiquais, voilà quelques instants, que notre effort d'aide au développement allait continuer de se renforcer en faveur de nos partenaires traditionnels, principalement africains. Vous savez que notre politique de coopération se concentre à cet égard sur la zone de solidarité prioritaire, la ZSP. Mme Paulette Brisepierre a exprimé quelques réserves à ce sujet. Pour ma part, je crois que nous avons tout intérêt à conserver cette zone de solidarité prioritaire.
Elle nous préserve en effet du danger de saupoudrage tout en nous permettant de cibler nos efforts sur les pays qui ont le plus besoin d'aide. Cela concerne avant tout le continent africain, comme le démontre la simple composition de cette zone. L'utilisation des outils qui sont affectés à la zone de solidarité prioritaire, à savoir le fonds de solidarité prioritaire et les dons de l'Agence française de développement en dehors du périmètre de la zone, reste possible au cas par cas, mais elle demeure limitée. A titre d'exemple, en 2003, 1,4 % seulement des autorisations de programme du fonds de solidarité prioritaire ont été affectés à des projets en dehors de la ZSP. Ce pourcentage est donc tout à fait marginal et il est destiné à le rester.
La signification de la ZSP a pu s'affaiblir au cours des dernières années, parce que notre aide n'était plus suffisante pour assurer une couverture raisonnable des pays concernés, qui sont assez nombreux. Ce n'est pas au moment où notre aide reprend de façon durable et où la priorité est accordée à l'action bilatérale au sein de la ZSP que nous devons faire disparaître celle-ci. Tous nos partenaires y sont attachés et sa suppression serait mal perçue.
Je pense donc que les réserves exprimées par Mme Brisepierre deviendront sans fondement.
J'en viens maintenant au traitement de la dette.
Comme cela a été relevé par vos rapporteurs et par plusieurs intervenants, l'augmentation de notre aide publique au développement provient pour une large part actuellement, et ce sera certainement encore le cas l'année prochaine, de nos opérations d'allégement de dette, en particulier dans le cadre de l'initiative pour les pays pauvres très endettés, les PPTE, et de son complément bilatéral français, les contrats de désendettement- développement, ou C2D.
Je voudrais à cet égard m'élever contre l'idée selon laquelle la réduction ou l'annulation de la dette des pays pauvres n'est pas une aide au développement. Tous ceux qui plaidaient pour alléger le poids de la dette ne font plus, et je m'en étonne, valoir ce thème qui était depuis trente ans au coeur de leurs revendications.
Je crois au contraire que l'importance des efforts engagés pour l'allégement de la dette répond à une situation tout à fait réelle : les pays les plus pauvres ne peuvent pas décoller, après avoir remis de l'ordre dans leur gestion financière, tant qu'ils restent soumis à la pression d'une telle dette.
Je rappelle que ramener la dette à un niveau dit supportable est d'ailleurs l'un des objectifs du Millénaire pour le développement fixé par l'assemblée générale des Nations unies en septembre 2000. Sans être évidemment une réponse à tous les problèmes de développement, l'allégement du fardeau de la dette permettra aux pays qui en bénéficient d'accroître leur capacité à dépenser intelligemment pour lutter contre la pauvreté.
A cet effet, un cadre est employé maintenant de manière systématique et le sera en particulier pour tous les contrats de désendettement-développement : il s'agit des programmes stratégiques de lutte contre la pauvreté qui sont élaborés par les pays bénéficiaires en partenariat avec les bailleurs de fonds.
C'est donc réellement une aide au développement et, par conséquent, il n'est pas illégitime de la comptabiliser comme telle.
L'importance de la dimension de cette aide à l'heure actuelle est en revanche un problème réel qu'il convient d'étudier. Elle impose tout d'abord une meilleure transparence de notre action. Je reconnais avec M. Pelletier que les circuits budgétaires utilisés par les allégements de dette ne sont pas de la plus grande simplicité actuellement.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Mais le Trésor adore cela !
M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué. Je fais d'ailleurs la même observation à propos de la question soulevée par le rapporteur spécial, Michel Charasse, sur la nécessité d'une plus grande cohérence entre la comptabilisation de l'aide publique au développement telle qu'elle est effectuée par l'OCDE et nos nomenclatures budgétaires. Des progrès doivent être réalisés dans ce domaine. Je suis, pour ma part, tout à fait disposé à y contribuer en concertation avec les techniciens, les services du ministère des affaires étrangères, ainsi que les commissions compétentes des deux assemblées.
Plusieurs intervenants se sont interrogés sur l'utilisation des fonds dégagés par les annulations de dette. Je suis d'accord avec eux sur la nécessité d'une totale clarté et, plus encore, d'une évaluation de la mise en oeuvre des projets.
J'ajoute que, dans cet esprit, la procédure des C2D prévoit une association des sociétés civiles des pays du Nord comme des pays du Sud à la réalisation et au suivi de ces contrats. Mais ne condamnons pas d'avance cette nouvelle procédure qui commence tout juste à être expérimentée et dont le principe me paraît bon.
Certes, comme le souligne M. Charasse dans son rapport, les efforts consentis par la France et par l'ensemble des créanciers dans le cadre de l'initiative en faveur des PPTE pour l'allégement de la dette ne sont pas un remède miracle qui réglerait à lui seul tous les problèmes du sous-développement.
Ramener aujourd'hui l'endettement à un niveau soutenable ne garantit pas que les bénéficiaires ne se réendetteront pas ultérieurement et seront définitivement immunisés contre le surendettement.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. C'est ce qu'ils ont toujours fait !
M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué. En définitive, l'idéal est non pas de limiter le poids de la dette mais de construire des économies capables de supporter la charge d'emprunts finançant les indispensables investissements.
Mais si le traitement de la dette n'est pas une conditions suffisante du décollage économique, il en est certainement une condition nécessaire dans de nombreux cas. J'ajoute que le contexte dans lequel l'aide au développement est accordée a profondément évolué au cours des dernières années. La discipline parfois féroce imposée par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international y sont certainement pour quelque chose, de même - soyons plus optimistes ! - que la prise de conscience par les gouvernements des pays sous-développés de la nécessité, pour eux, de définir des politiques rigoureuses et de respecter des engagements précis et contrôlés. L'esprit dans lequel a été conçu par les Africains eux-mêmes le NEPAD, le nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique, en témoigne et constitue une évolution très positive des mentalités.
C'est ainsi que les annulations de dette peuvent avoir un effet positif direct sur le développement lorsqu'elles sont liées à des politiques sociales, notamment dans les domaines de l'éducation et de la santé. C'est le cas des initiatives PPTE et C 2 D, qui ont, comme le note d'ailleurs M. Charasse dans son rapport, entraîné une hausse plus que proportionnelle des dépenses sociales des bénéficiaires. Il est encore un peu tôt pour tirer un bilan de ces initiatives, mais ce serait un beau résultat que d'aboutir à une lutte contre la pauvreté pilotée et prise en charge plus directement par les gouvernements des pays concernés !
Un autre aspect, également relevé par Mme Brisepierre et M. Charasse, a trait à la forme que prennent généralement ces annulations de dette : l'aide programme. Cette question dépasse d'ailleurs le cadre du seul traitement de la dette et concerne d'autres instruments de notre coopération.
Je ferai quelques réflexions sur ce thème de l'aide programme et de l'aide projet.
En poussant à l'extrême les conclusions de vos rapporteurs, je pourrais dire que l'aide programme peut être la meilleure ou la pire des choses selon l'application qui en est faite aux situations concrètes, très différentes, que l'on rencontre.
L'aide programme a de nombreuses qualités : bonne efficacité, harmonisation de nos actions avec celles d'autres bailleurs, approche partenariale avec les bénéficiaires, etc.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Il y a eu d'énormes cafouillages !
M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué. Elle suppose en revanche un niveau minimum assez élevé des capacités administratives chez le pays récipiendaire, ainsi qu'un accompagnement renforcé, en termes d'expertise, par le donateur. Elle ne peut donc pas s'appliquer dans tous les pays et pour tout type d'objectifs.
Il est exact que sa part dans notre dispositif d'aide au développement et de coopération s'accroît mécaniquement en raison de la montée en puissance des C 2 D : nous avons en effet choisi ce nouvel instrument comme élément de rénovation de notre dispositif en le spécialisant dans l'aide programme. De même, le fonds de solidarité prioritaire peut être amené à soutenir certaines politiques sectorielles, même si sa vocation principale demeure l'aide bilatérale.
Cela ne signifie nullement que nous allons abandonner l'aide projet : je peux rassurer Mme Brisepierre et M. Charasse, il n'y a pas d'ambiguïté à ce sujet. Tant par le titre IV que par le titre VI, notre politique de coopération continuera à soutenir des projets, et je partage pleinement le jugement des rapporteurs et de plusieurs intervenants sur les qualités irremplaçables d'opérations qui sont bien identifiées, visibles par les bénéficiaires comme par nos concitoyens - contribuables, et directement utiles.
Par ailleurs, je suis conscient des capacités techniques et administratives que supposent les aides programmes chez les bénéficiaires, et toute opération de ce type d'une envergure notable doit être accompagnée d'un effort particulier d'assistance technique pour aider les autorités locales dans la conception et la mise en oeuvre de leurs politiques sectorielles. Il nous faut donc renforcer nos moyens dans ce domaine de l'expertise et de l'assistance technique. Je regrette que nous n'ayons pas pu le faire dans le projet de loi de finances pour 2004, l'accroissement de notre aide ayant porté en priorité cette année sur le financement des projets.
Le renforcement de notre expertise est un point important ; il fait partie, vous le savez, des priorités que nous nous sommes fixées. Après la très forte, sans doute trop forte, diminution des effectifs qu'a connue notre assistance technique ces dernières années - je fais mienne la remarque de M. Pelletier -, la baisse a été presque enrayée en 2003 et les effectifs devraient connaître une légère progression en 2004. Ce n'est que par notre expérience du terrain que nous pourrons développer, en effet, une action bilatérale efficace et influer, indirectement ou directement, sur les politiques des grands bailleurs multilatéraux. Il n'est donc nullement question d'« externaliser » notre expertise au profit d'institutions étrangères. L'approche bilatérale est l'une des priorités de notre politique, je le rappelais au début de mon propos. Il n'est donc pas dans nos intentions de nous en remettre à d'autres pour définir les modalités de notre action.
En témoigne, s'il en était besoin, la création du groupement d'intérêt public « France coopération internationale ». Cette structure légère a été mise en place par le ministère des affaires étrangères pour mobiliser l'expertise publique de courte et de moyenne durée, organiser des partenariats entre le public et le privé, et gérer des missions d'assistance technique, notamment en situation de post-crise, et pour aider l'expertise française, qu'elle soit publique ou privée d'ailleurs, à se positionner sur le marché international et à utiliser les appels d'offres qui sont lancés sur le plan international. Il n'y a aucune raison, comme nous participons à un certain nombre de financements de ces appels d'offres - je pense à l'Union européenne -, que d'autres experts que les nôtres concourent à la réalisation de ces opérations.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Très bien !
M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué. Ce groupement d'intérêt public renforcera notre expertise et nous permettra d'être davantage présents sur ce terrain.
Cet organisme est encore trop jeune pour qu'un bilan de son action puisse déjà être tiré, mais ses premiers pas sont prometteurs.
M. Del Picchia a évoqué la budgétisation du Fonds européen de développement. Vous le savez, la France y est favorable, car cela permettra de mieux intégrer, sous le contrôle du Parlement et selon les règles communes de gestion, une des dimensions essentielles des politiques de l'Union européenne, celle de l'aide au développement. Nous conditionnons toutefois cette évolution à un élément tout à fait essentiel à nos yeux : le maintien du volume global des crédits européens en faveur des pays Afrique, Caraïbe et Pacifique.
Si la budgétisation se traduit par l'effondrement de l'aide aux pays ACP, ce sera en contradiction avec les options majeures qui sont les nôtres en matière d'aide au développement, en particulier de l'Afrique.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. On aura du mal à s'en apercevoir puisque le FED ne fait rien !
M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué. La Commission européenne est favorable à cette démarche de budgétisation. Elle invoque comme avantage l'harmonisation des règles de gestion, l'accélération des décaissements, cela fait écho à un certain nombre de critiques qui ont été portées dans cette enceinte et ailleurs, sur la lenteur des décaissements, malgré les améliorations qui ont été apportées récemment.
Soyons cependant conscients du fait que la plupart de nos partenaires dans l'Union européenne manifestent pour le moment de sérieuses réserves à l'égard de ce projet, qui a pour effet de bouleverser la répartition de la charge financière en matière d'aide au développement.
Il nous faudra donc faire preuve de pédagogie et, en même temps, obtenir des garanties sur le maintien de l'effort européen en faveur du développement des pays ACP, mais aussi au plan national, sur la réaffectation au profit de nos autres instruments de coopération des sommes qui seraient dégagées par la baisse de notre contribution au Fonds européen de développement.
J'évoquerai en quelques mots l'Agence française de développement,...
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Quelques mots suffisent !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Elle n'en vaut pas plus !
M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué. ... qui a suscité quelques interrogations.
L'Agence française de développement est le principal opérateur de notre politique de coopération en dehors du ministère lui-même, qui gère le fonds de solidarité prioritaire. Il est tout à fait essentiel, comme l'ont indiqué MM. Chaumont et Charasse en particulier, que les actions menées par l'agence s'inscrivent totalement dans la politique étrangère de notre pays. Le ministère des affaires étrangères doit donc exercer pleinement la cotutelle dont il dispose sur l'agence, à côté et en complément de la tutelle financière du ministère des finances.
Je tiens à vous assurer, monsieur Charasse, de notre volonté de faire en sorte que cette cotutelle soit effective...
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Ah !
M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué. ... ou en tout cas plus effective. Je mentionne à titre d'exemple les discussions qui ont commencé ces derniers jours, dont je me suis moi-même occupé, entre le ministère et la direction générale de l'AFD pour examiner de très près le plan d'affaires pour 2004, avant qu'il soit soumis au conseil de surveillance de l'institution au mois de janvier, et pour veiller à la cohérence des choix qui seront faits avec les politiques menées par le ministère des affaires étrangères lui-même.
S'agissant des interrogations qui ont été formulées par Mme Luc sur le rôle des femmes dans le développement, nous approuvons tout à fait l'analyse qu'elle a présentée à cet égard. Elle a rappelé les engagements qui ont été pris sur le plan international dans ce domaine pour faire évoluer les droits des femmes, en prenant acte de leur rôle dans le développement.
Le ministère s'est doté d'un certain nombre de moyens pour promouvoir, dans les projets de développement, le rôle de la femme, l'égalité des sexes et je ne parle pas, comme dans le jargon international habituel, d'intégration transversale du genre !
S'agissant du sida, il faut noter que ce débat budgétaire se déroule précisément pendant la journée mondiale contre le sida.
La lutte contre le sida est l'une des principales priorités de notre aide au développement, les autres étant l'accès à l'eau potable, l'éducation de base des enfants, garçons et filles, et le développement rural pour prévenir les famines.
C'est donc l'occasion d'appeler à la mobilisation générale contre cette maladie qui continue de progresser, particulièrement en Afrique, puisque les trois quarts des malades recensés dans le monde sont africains.
Comme vous le savez, la France s'est portée aux avant-postes de la bataille engagée sur le plan international. A l'occasion de la conférence des donateurs, organisée à Paris sur son initiative, le Président Jacques Chirac a confirmé que notre pays allait tripler le montant de sa contribution au fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme en la portant à 150 millions d'euros par an.
Parallèlement à cette contribution, notre pays consacre une part importante - environ le tiers - de ses dépenses de coopération en matière de santé à la lutte contre ces maladies. Le ministère est donc un opérateur majeur de cette mobilisation sur le plan international.
En ce qui concerne la francophonie, je voudrais rassurer M. Legendre : évoquer la francophonie vers la fin de mon propos ne signifie nullement qu'il s'agit, dans notre esprit, d'un sujet secondaire, je ne fais que respecter l'ordre dans lequel les différents rapporteurs ont successivement pris la parole à cette tribune. De même, si, dans l'énumération des dix points de la feuille de route que j'ai annoncés, cette question arrive à la fin, cela ne veut pas dire qu'elle est moins importante que d'autres thèmes de l'action gouvernementale. D'ailleurs, le Président de la République comme le Premier ministre et le ministre des affaires étrangères veillent personnellement à ce qu'elle demeure une priorité.
A ce sujet, notre organisation administrative nécessite certainement, en termes d'actions francophones, d'être regroupée et renforcée dans sa cohérence. Je m'y emploie avec le soutien de Dominique de Villepin. Ce qui compte et ce qui permet de juger, me semble-t-il, de l'efficacité du travail et de l'organisation gouvernementale en la matière, ce sont les faits. J'en citerai quatre parmi les plus importants.
En premier lieu, le sommet de la francophonie a décidé l'accroissement dans des proportions inédites des contributions françaises au fonds multilatéral de la francophonie. Comme je l'ai signalé, sont inscrits dans le projet de budget 20 millions d'euros supplémentaires - je le confirme à M. Legendre comme à M. Dubrule -, et ce malgré l'ambiguïté apparente du bleu budgétaire.
En deuxième lieu, l'université Senghor d'Alexandrie a surmonté la crise qui la minait et qui la menaçait de disparition. Cela ne s'est pas fait tout seul. Le Président Abdou Diouf et moi-même y avons consacré de considérables efforts et nous sommes heureux d'avoir pu surmonter cette difficulté.
En troisième lieu, la bataille pour la diversité culturelle et linguistique a été engagée sur une vaste échelle, en mobilisant tout notre appareil diplomatique et en partenariat étroit avec l'OIF, l'Organisation internationale de la francophonie.
Sur le front de l'UNESCO, une première victoire a été remportée avec la mission confiée à son directeur général, M. Matsura, et visant à lancer la préparation d'une convention internationale destinée à protéger les biens culturels et les langues des effets mécaniques de la libéralisation des échanges commerciaux.
Sur le front de l'Union européenne, la Convention a prévu, comme la France le demandait instamment, d'inscrire à l'article 3 du projet de Constitution le respect de la diversité culturelle et linguistique, base juridique fondamentale qui nous manquait jusqu'à présent pour asseoir notre politique linguistique en Europe.
En quatrième lieu, s'agissant de la place du français dans les institutions européennes, un plan d'action global a été défini et mis en application pour relever le défi de l'élargissement de l'Union européenne à dix nouveaux Etats membres et résoudre les problèmes linguistiques épineux que cela entraîne. Je ne dispose pas, ce soir, du temps nécessaire pour décrire les éléments qui composent ce plan, mais je suis à la disposition de la commission des affaires culturelles du Sénat et de son rapporteur pour revenir devant elle afin d'en détailler le dispositif.
Je n'oublie pas non plus un volet important de la politique francophone, évoqué à juste titre par M. Dubrule : celui du domaine économique. Bien entendu, cela relève avant tout de l'initiative privée. A cet égard, je souligne l'action très positive du Forum francophone des affaires. Il n'en reste pas moins que les pouvoirs publics doivent accompagner les initiatives privées, celles des entreprises, des fondations, du mécénat et des ONG. Il faut faire évoluer les mentalités et les pratiques dans l'esprit d'un partenariat où chacun - pouvoirs publics ou initiative privée - joue son rôle dans son registre, mais au service d'intérêts nationaux communs à l'extérieur de notre territoire.
En conclusion, je dirai que, dans plusieurs domaines, nous avons continué de subir des contraintes. Je ne m'appesantirai pas sur ce sujet qui a été suffisamment développé.
Il est par exemple regrettable que les crédits de coopération culturelle et technique du chapitre 42-15 soient en diminution de 3 % par rapport au budget initial de 2003, même si les crédits qui vous sont proposés restent cependant supérieurs à ceux qui ont été effectivement disponibles cette année du fait des mesures de régulation.
Nous aurions également souhaité - M. le ministre des affaires étrangères l'a dit - augmenter d'autres lignes budgétaires : les contributions volontaires au système des Nations unies, l'aide alimentaire, le soutien aux organisations de solidarité internationale, la coopération militaire, la coopération décentralisée, sujets sur lesquels Mme Brisepierre comme MM. Chaumont, Branger et Durand-Chastel ont attiré l'attention à juste titre. Cette année, dans le contexte budgétaire que l'on sait, nous avons pu maintenir les crédits tels qu'ils étaient inscrits dans la loi de finances initiale de 2003, c'est-à-dire avant les régulations intervenues en cours d'année. Nous espérons pouvoir faire mieux l'année prochaine.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, tels sont les quelques points que je souhaitais développer devant vous en réponse aux principales questions qui ont été soulevées. J'ai conscience de ne pas avoir tout traité.
Ainsi, je n'ai pas parlé de l'accueil des étudiants étrangers, en forte hausse, qui présente, certes, un caractère interministériel mais sur lequel, avec M. Chaumont et Mme Cerisier-ben Guiga, nous pourrons échanger un certain nombre d'idées.
Je n'ai pas parlé non plus de l'amélioration de la visibilité de l'aide française dans les programmes regroupant plusieurs bailleurs de fonds et de notre influence sur les politiques de ces donateurs, question soulevée par MM. Pelletier et Charasse, qui mérite d'être approfondie. Je ne partage pas la vision pessimiste exprimée par M. Pelletier. J'aurais beaucoup de choses à lui dire à ce propos et je préciserai notamment que la France apparaît, dans ces domaines - je peux en témoigner -, comme un moteur, une force de proposition en matière de développement à l'égard des bailleurs de fonds internationaux et de nos partenaires.
Enfin, je n'ai pas pu parler suffisamment de la cohérence plus grande à apporter aux réseaux extérieurs de nos organismes de recherche.
Sur tous ces sujets, et sur d'autres encore, je reste bien sûr à la disposition du Sénat pour améliorer la transparence de notre politique de coopération à l'égard de la représentation nationale et pour poursuivre cette réflexion commune. (Applaudissements.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant les affaires étrangères.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : moins 12 234 465 euros. »
La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. C'est un fait exceptionnel ! Alors que la France est le deuxième réseau diplomatique, consulaire et culturel, les agents et employés du ministère des affaires étrangères sont en grève et descendent dans la rue. La mobilisation est grande, tant en France qu'à l'étranger. Parmi ces derniers se trouvent six mille professeurs des lycées français à l'étranger et les personnels des établissements scolaires et culturels en proie à de nombreux doutes sur l'avenir de l'enseignement du français à l'étranger.
Tous protestent contre les coupes drastiques en personnels et en moyens financiers que subissent le ministère et ses délégations à l'étranger depuis trop longtemps. En dix ans, le ministère a perdu 10 % de ses effectifs.
Le 28 octobre 2003, devant le Conseil économique et social, vous avez déclaré, monsieur le ministre : « C'est sur le réseau historique de nos écoles, collèges et lycées que repose au premier chef la présence culturelle française à l'étranger (...) Si la question qui nous réunit aujourd'hui éveille en moi un écho singulier, c'est parce qu'elle touche à l'essentiel. »
Effectivement, la présence de l'enseignement français dans le monde, au travers de l'AEFE, mais aussi du réseau d'écoles, collèges et lycées, est la vitrine culturelle de la France. Elle représente son rayonnement historique, qu'il convient de continuer à entretenir avec fierté. Ce qui est pourtant essentiel, comme vous le reconnaissez, est en passe aujourd'hui d'être durement et durablement affaibli.
Le plan d'orientation stratégique pour 2007 de l'AEFE soulève de nombreuses inquiétudes. Cette année encore, l'AEFE subit une diminution de budget de 1,48 %, alors même que ses besoins sont croissants. Le désengagement de l'Etat doit être dénoncé et la garantie de la mission d'établissement public clairement affirmée.
De nombreuses mesures vont porter atteinte à la mission même des établissements scolaires français basés à l'étranger, parmi lesquelles figurent la diminution des indemnités d'expatriation, dont les indemnités spécifiques de vie locale, l'absence de revalorisation de la situation des recrutés locaux, les déconventionnements d'établissements, ou encore la disparition du statut de résident et d'expatrié. Des négociations doivent ainsi être rapidement engagées. C'est ce que vous avez dit ce soir, me semble-t-il, monsieur le ministre.
L'AEFE est aujourd'hui présente dans quelque cent trente pays, et elle incarne un exemple structuré unique d'enseignement sur le plan international. Sa force est de fournir un enseignement de qualité pour les Français expatriés, qui ont la garantie de suivre les programmes français, mais également pour les habitants des pays qui ont accès à notre savoir et à nos compétences.
Malheureusement, sans un accroissement des moyens financiers et humains, monsieur le ministre, l'AEFE ne pourra pas assurer ses missions d'établissement public.
Pourtant, je sais que la France est très attachée, comme vous l'êtes vous-même, à l'éducation et à l'apprentissage du savoir dans le monde. Je me rappelle qu'après la guerre en Afghanistan l'une des premières et des plus grandes actions françaises dans ce pays a été de rouvrir les deux lycées franco-afghans de Malalaï et d'Estiqlal. Ici même, tous les groupes se sont associés pour organiser une rencontre de sensibilisation et d'action. La réponse positive de toutes les composantes politiques de la Haute Assemblée démontre combien la culture et le savoir ne sont pas des vains mots. C'est grâce à ces derniers que le monde pourra nourrir l'espoir d'être un jour meilleur.
Je pense également à la mission de la France dans des pays aujourd'hui très déstabilisés comme l'Irak. Mais le moment viendra où nous pourrons travailler aussi à la réouverture du centre culturel français. Ces pays ont besoin et réclament une présence culturelle et scolaire que la France peut apporter. Il s'agit d'un atout majeur pour contribuer à leur essor, que nous ne devons pas négliger.
Parce que les crédits du titre III sur les moyens de services sont très en deçà du minimum des crédits dont le ministère a besoin pour son fonctionnement, nous voterons contre.
M. le président. Je mets aux voix les crédits du titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 30 792 053 euros. »
Je mets aux voix les crédits du titre IV
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 45 000 000 euros ;
« Crédits de paiement : 18 852 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 344 566 000 euros ;
« Crédits de paiement : 52 942 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. En accord avec la commission des finances, j'appelle en discussion les amendements n° II-43 et II-44, qui tendent à insérer un article additionnel avant l'article 72.