I. - La sous-section 1 de la section 1 du chapitre III du livre II du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 243-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 243-1-1. - L'employeur dont l'entreprise ne comporte pas d'établissement en France remplit ses obligations relatives aux déclarations et versements des contributions et cotisations sociales d'origine légale ou conventionnelle auxquelles il est tenu au titre de l'emploi de personnel salarié auprès d'un organisme de recouvrement unique, désigné par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale. Pour remplir ses obligations, l'employeur peut désigner un représentant résidant en France qui est personnellement responsable des opérations déclaratives et du versement des sommes dues. Les modalités d'application du présent article sont, en tant que de besoin, déterminées par décret en Conseil d'Etat. »
II. - Il est inséré, dans le code rural, après l'article L. 741-1, un article L. 741-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 741-1-1. - L'employeur dont l'entreprise ne comporte pas d'établissement en France remplit ses obligations relatives aux déclarations et versements des contributions et cotisations sociales d'origine légale ou conventionnelle auxquelles il est tenu au titre de l'emploi de personnel salarié auprès d'un organisme de recouvrement unique, désigné par arrêté du ministre chargé de l'agriculture. Pour remplir ses obligations, l'employeur peut désigner un représentant résidant en France qui est personnellement responsable des opérations déclaratives et du versement des sommes dues. Les modalités d'application du présent article sont, en tant que de besoin, déterminées par décret en Conseil d'Etat. »
M. le président. L'amendement n° 246, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du I et au début du second alinéa du I de cet article, remplacer la référence : "L. 243-1-1" par la référence : "L. 243-1-2". »
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei, ministre. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 246.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 57, modifié.
(L'article 57 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 57
M. le président. L'amendement n° 44, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« Après l'article 57, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Avant la section 4 du chapitre III du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale, il est inséré une section 3 bis intitulée "Droits des cotisants" comprenant l'article L. 243-6-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 243-6-1. _ Tout cotisant, confronté à des interprétations contradictoires concernant plusieurs de ses établissements dans la même situation au regard de la législation relative aux cotisations et aux contributions de sécurité sociale, a la possibilité, sans préjudice des autres recours, de solliciter l'intervention de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale en ce qui concerne l'appréciation portée sur sa situation par les organismes de recouvrement visés aux articles L. 213-1 et L. 752-4.
« A la suite de l'analyse du litige, l'agence centrale peut demander aux organismes d'adopter une position dans un délai d'un mois. A l'expiration de ce délai, s'ils ne se sont pas conformés à cette instruction, l'agence centrale peut se substituer aux organismes pour prendre les mesures nécessaires. »
« II. - L'article L. 225-1-1 du même code est ainsi modifié :
« A. - Le 2° est ainsi rédigé :
« 2° De définir ses orientations en matière de contrôle et de recouvrement des cotisations et des contributions de sécurité sociale ainsi que de coordonner et de vérifier leur mise en oeuvre par les organismes locaux ; ».
« B. - Après le 3°, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« 3 bis. D'assurer l'application homogène des lois et des règlements relatifs aux cotisations et aux contributions de sécurité sociale recouvrées par les organismes de recouvrement visés aux articles L. 213-1 et L. 752-4 ;
« 3 ter. D'autoriser lesdits organismes à porter les litiges devant la Cour de cassation ;
« 3 quater. D'harmoniser les positions prises par les organismes de recouvrement en application des dispositions de l'article L. 243-6-1 ;
« 3 quinquies. D'initier et de coordonner des actions concertées de contrôle et de recouvrement menées par les organismes de recouvrement. L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale peut requérir la participation des organismes de recouvrement à ces actions ; ».
« III. - Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat. »
La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cet amendement a pour objet d'améliorer le statut du cotisant. Des problèmes de coordination entre les URSSAF aboutissent à une interprétation divergente du droit. L'amendement de la commission vise donc à renforcer les pouvoirs de l'ACOSS à l'égard de l'URSSAF afin d'éviter des divergences d'attitude d'une URSSAF à l'autre.
C'est l'une des conséquences de l'amendement qui avait été défendu lors de la loi Borloo. Nous le reprenons aujourd'hui sous une autre forme, ce qui devrait être de nature à donner satisfaction à ceux qui nous ont interpellés sur ce point.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 57.
L'amendement n° 92, présenté par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Après l'article 57, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Avant la section 4 du chapitre 3 du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale, il est inséré une section III bis intitulée : "Droits des cotisants" qui comprend un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Les interprétations de la législation relative aux cotisations et aux contributions de sécurité sociale faites par les organismes de recouvrement visés aux articles L. 213-1 et L. 752-4 leur sont opposables par tout cotisant.
« Il ne sera procédé à aucun rehaussement de cotisations ou de contributions antérieures si ledit rehaussement effectué par ces organismes est dû à un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte légal ou réglementaire et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'organisme concerné.
« Lorsque le redevable a appliqué un texte relatif aux cotisations et contributions de sécurité sociale selon l'interprétation que les organismes de recouvrement avaient fait connaître par leurs instructions publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut effectuer aucun rehaussement de cotisations en soutenant une interprétation différente. »
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Les cotisations et contributions de sécurité sociale constituent une part importante de la masse des prélèvements obligatoires. Il existe aujourd'hui une différence frappante entre contribuables et cotisants : tandis que les premiers bénéficient de règles écrites et d'une jurisprudence très protectrice, les droits des seconds, face aux institutions de recouvrement, ne sont pas garantis. L'article L. 80 A du livre des procédures fiscales interdit à l'administration de revenir de façon rétroactive sur l'interprétation officielle qu'elle a fait d'un texte légal ou réglementaire relatif à la fiscalité.
Or aucune disposition similaire n'existe actuellement dans le code de la sécurité sociale. Ce vide juridique est d'autant plus grave que les litiges qui peuvent apparaître entre cotisants et organismes de recouvrement peuvent porter sur des sommes considérables. Le vide juridique actuel est porteur d'insécurité juridique. Cette insécurité est susceptible de peser lourdement sur l'ensemble de l'économie. Afin de garantir le droit des cotisants face à des revirements éventuels et intempestifs des organismes de recouvrement, le présent amendement a pour objet de transposer l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales au code de la sécurité sociale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous demandons à notre collègue de bien vouloir retirer cet amendement car la disposition proposée devrait être satisfaite dans le courant de cette session.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Je partage l'avis de la commission. Le Gouvernement est bien sûr très attaché à voir rapidement prises en compte les préoccupations exprimées dans l'amendement n° 92. Mais, comme vient de le dire M. le rapporteur, le Parlement examinera prochainement un texte qui introduira le rescrit social, reconnaîtra le rôle de la doctrine ministérielle publiée en la rendant opposable, précisera le statut des décisions explicites prises par les organismes qui seront ainsi créatrices de droits pour les cotisants.
Sous le bénéfice de ces informations, le Gouvernement vous serait reconnaissant de bien vouloir retirer cet amendement, madame la sénatrice.
M. le président. Madame Payet, l'amendement n° 92 est-il maintenu ?
Mme Anne-Marie Payet. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 92 est retiré.
I. - Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les procès-verbaux mentionnés aux articles L. 243-7 du code de la sécurité sociale et L. 324-12 du code du travail, les mises en demeure prévues par l'article L. 244-2 et les contraintes prévues par l'article L. 244-9 du même code, les ordres de recettes mentionnés à l'article 163 et les états exécutoires mentionnés à l'article 164 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique pris par les agents chargés du contrôle de l'application de la législation de sécurité sociale relative aux cotisations et aux contributions sociales et aux contributions recouvrées en application du troisième alinéa de l'article L. 225-1-1, mentionnés à l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale, par les organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 du même code et par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale dans les conditions prévues à l'article L. 225-1-1 à la suite des actions de contrôle menées en application des articles L. 225-1-1 (3°) et L. 243-7 du code de la sécurité sociale et de l'article L. 324-12 du code du travail sont réputés réguliers en tant qu'ils seraient contestés par le moyen tiré de l'illégalité de l'agrément du ou des agents ayant procédé aux opérations de contrôle ou par le moyen tiré de l'incompétence de leur auteur.
II. - La deuxième phrase de l'article L. 243-9 du code de la sécurité sociale est supprimée ainsi que l'avant-dernière phrase du dernier alinéa du V de l'article 126 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. - (Adopté.)
Article additionnel après l'article 57 bis
M. le président. L'amendement n° 255, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« Après l'article 57 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le deuxième alinéa de l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Le contrôle de l'application de la législation de sécurité sociale au titre des cotisations et contributions sociales dont les services déconcentrés de l'Etat sont redevables auprès du régime général est assuré par les organismes visés aux articles L. 213-1 et L. 752-4 qui reçoivent leurs déclarations et paiements. »
« II. - Le même article est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« La Cour des comptes est compétente pour contrôler les administrations centrales de l'Etat. Elle peut demander l'assistance des organismes mentionnés à l'alinéa précédent et notamment requérir la mise à disposition d'inspecteurs du recouvrement.
« Il est fait état du résultat des contrôles mentionnés aux deux alinéas précédents dans le rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale prévu à l'article LO 132-3 du code des juridictions financières. »
« III. - L'article L. 111-6 du code des juridictions financières est ainsi rédigé :
« Art. L. 111-6. - La Cour des comptes fait état des résultats des contrôles prévus aux deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale, dans le rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale prévu par l'article LO 132-3 du code des juridictions financières. »
La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cet amendement vise à instaurer une meilleure clarté dans les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale. Dans le cadre des obligations de l'Etat employeur, nous proposons, d'une part, de donner aux URSSAF compétence sur toutes les administrations déconcentrées de l'Etat et, d'autre part, d'autoriser la Cour des comptes à effectuer le contrôle sur l'administration centrale, la Cour ayant la possibilité de faire appel, en tant que de besoin, aux URSSAF.
Cet amendement irait donc dans le sens de la clarification et répondrait au souci du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 255.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 57 bis.
Est ratifié le décret n° 2003-921 du 26 septembre 2003 portant relèvement du plafond des avances de trésorerie au régime général de sécurité sociale. - (Adopté.)
Article 59
Les besoins de trésorerie des régimes obligatoires de base comptant plus de vingt mille cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres et des organismes ayant pour mission de concourir à leur financement peuvent être couverts par des ressources non permanentes dans les limites suivantes (en millions d'euros) :
Régime général 33 000
Régime des exploitants agricoles 4 100
Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales 500
Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines 200
Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat 50
Les autres régimes obligatoires de base comptant plus de vingt mille cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres, lorsqu'ils disposent d'une trésorerie autonome, ne sont pas autorisés à recourir à des ressources non permanentes. - (Adopté.)
Article additionnel après l'article 59
M. le président. L'amendement n° 93, présenté par MM. Natali et Leclerc, est ainsi libellé :
« Après l'article 59, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le I de l'article 52 de la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse est ainsi rédigé :
« I. - Les débiteurs de cotisations patronales, dues au régime de base obligatoire de sécurité sociale des salariés agricoles pour des périodes antérieures au 1er janvier 2003, installés en Corse au 23 janvier 2002 ou au moment de la promulgation de la présente loi, peuvent bénéficier d'une aide de l'Etat, dans la limite de 50 % de la totalité des cotisations patronales dues.
« Les débiteurs dont l'exploitation ou l'entreprise agricole est issue d'une reprise, fusion, absorption, dans le cadre familial, ou qui a connu une évolution de son statut juridique avec persistance de dettes antérieures de cotisations sociales pour l'emploi de main-d'oeuvre salariée agricole, peuvent bénéficier des présentes dispositions pour ces dettes antérieures, sous réserve qu'ils s'engagent personnellement à reprendre à leur compte lesdites dettes. »
« II. - Dans le troisième alinéa du II de l'article 52 de la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 précitée, les mots : "au 31 décembre 1998" sont remplacés par les mots : "au 31 décembre 2002".
« III. - Dans le cinquième alinéa du II de l'article 52 de la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 précitée, les mots : "au 1er janvier 1999" sont remplacés par les mots : "au 1er janvier 2003".
« IV. - Le septième alinéa du II de l'article 52 de la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 précitée est complété par les mots : ", pour les seules parts salariales non visées par les dispositions de l'article L. 725-21 du code rural ;".
« V. - Le III de l'article 52 de la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 précitée est supprimé.
« VI. - La demande d'aide prévue au I de l'article 52 de la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 précitée doit être présentée à l'autorité administrative de l'Etat dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi. »
La parole est à M. Dominique Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Cet amendement a été retiré en commission hier soir. Je ne peux donc le présenter.
M. le président. L'amendement n° 93 est retiré.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à seize heures.)
M. le président. La séance est reprise.
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour un rappel au règlement.
M. Roland Muzeau. Le syndicat CGT de la société d'études et de confection de moteurs d'aviation, la SNECMA, dont une usine est située à Gennevilliers dans les Hauts-de-Seine, vient de révéler, documents à l'appui, une opération de fichage des salariés. Chacun sait que ce type de fichier est passible de sanctions.
Dans les annotations suivant les noms des salariés figurent des appréciations telles que : « persécuté », « déchiré », « irréductible », « inconditionnel », et quelques autres du même acabit.
Ce n'est pas la première fois que de telles atteintes aux libertés sont commises dans des entreprises. General Electric, Sodétaire, quiq une filiale d'Air France, IBM,Alstom, Aventis Pharma, Renault avaient établi des listes.
Les atteintes aux libertés individuelles et syndicales sont inacceptables. Elles viennent appuyer les pressions déjà énormes que subissent les salariés. Elles sont, dans ce cas précis, dans le droit-fil de l'objectif de privatisation en cours.
Je tiens, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, à les condamner avec la plus grande vigueur.
Je vous demande, monsieur le ministre, que l'Etat, actionnaire majoritaire, prenne ses responsabilités, fasse immédiatement mettre un terme à ces pratiques et crée les conditions d'une information complète des organisations syndicales. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Monsieur Muzeau, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
POUR 2004
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, adopté par l'Assemblée nationale.
Nous en sommes parvenus au débat sur l'assurance maladie.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous ai présenté hier la situation financière de la sécurité sociale ainsi que les grandes lignes de la politique du Gouvernement.
Clarifier les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale, engager la modernisation de l'hôpital, stabiliser les déficits de l'assurance maladie, tels sont les objectifs que s'est fixé le Gouvernement. C'est un choix cohérent avec le chantier de la modernisation de l'assurance maladie que nous avons lancé et dont je vous ai rappelé, également hier, la méthode et le calendrier.
Cette ligne d'action du Gouvernement ne pouvait cependant pas nous conduire à l'immobilisme, c'était évidemment hors de question. C'est la raison pour laquelle ce projet de loi contient, d'abord, des outils permettant la mise en oeuvre de la maîtrise médicalisée. Il permet, ensuite, de poursuivre dans la voie d'une politique du médicament au service de l'innovation. Je parlerai également des autres mesures qui, ne figurant pas directement dans ce projet de loi, contribueront cependant à la stabilisation du déficit de l'assurance maladie.
Ce projet de loi prévoit, tout d'abord, un nombre important d'outils pour que la maîtrise médicalisée prenne véritablement effet et que 2004 soit une année d'inflexion réelle de la progression des dépenses d'assurance maladie, amplifiant une tendance perceptible dans les derniers mois.
Les résultats des accords de 2002 entre les caisses et les professionnels de santé, que je vous ai rappelés hier, montrent que les professionnels et les caisses y sont prêts et que la maîtrise médicalisée peut réussir.
Je pense, notamment, aux mesures suivantes ; premièrement, la possibilité pour les unions régionales des caisses d'assurance maladie, les URCAM, de passer des contrats avec des groupements de professionnels de santé aux termes desquels ceux-ci s'engageraient sur des améliorations de leurs pratiques ; deuxièmement, la simplification des dispositifs d'incitation aux bonnes pratiques pour que ces contrats puissent être conclus plus rapidement entre les partenaires, sachant qu'il est aussi important que ces accords soient validés par une instance scientifique ; troisièmement, l'amélioration du contenu du protocole inter-régimes d'examen spécial, le PIRES, qui fonde les exonérations des malades en affections de longue durée ; quatrièmement, la précision des règles de non-remboursement pour les actes dont l'objet est extérieur au système de santé ; cinquièmement, l'expérimentation du dossier médical partagé.
Le Gouvernement a également présenté un amendement sur les indemnités journalières. Préoccupé par le rythme très élevé de l'augmentation des dépenses liées aux arrêts de travail, j'avais demandé à l'inspection générale des affaires sanitaires et sociales et à l'inspection générale des finances un rapport sur ce sujet. A partir des constats et des propositions dans ce rapport et des propositions, le Gouvernement vous proposera des dispositions qui vont dans le sens d'une lutte efficace contre les dérives et les abus.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Jean-François Mattei, ministre. C'est une première étape dans cette remise en ordre.
D'autres mesures suivront, qui traduiront notre souci de réduire les dépenses injustifiées. C'est, aujourd'hui plus que jamais, nécessaire.
La nouvelle convention d'objectifs et de gestion que je signerai avec la Caisse nationale d'assurance maladie au tout début de l'année 2004 permettra justement à celle-ci de progresser dans son rôle de régulateur et de contrôle, mais également dans son rôle de conseil et de services aux professionnels de santé.
Deuxième axe d'action du Gouvernement : une politique du médicament tournée vers l'innovation. Nous allons poursuivre et amplifier la politique menée depuis maintenant près de dix-huit mois. Elle vise à permettre aux patients d'avoir accès aux nouveaux traitements dont ils ont besoin, tout en recherchant une évolution de la dépense globale compatible avec l'équilibre des comptes sociaux.
Nous poursuivrons donc, en 2004, la politique que nous avons menée en 2003 avec le déremboursement de la deuxième vague de médicaments à services médicaux rendus insuffisants, l'alignement du remboursement de l'homéopathie sur celui des médicaments à service médical rendu faible ou modéré. Nous accroîtrons également le nombre des groupes génériques sous tarif forfaitaire de responsabilité. Enfin, nous mènerons le réexamen des conditions de vente et de remboursement de certains médicaments ou dispositifs médicaux dont le service médical rendu paraît moindre aujourd'hui qu'au moment où ils ont été mis sur le marché.
Le comité économique des produits de santé sera mandaté pour détecter ces produits et pour me faire des propositions.
Parallèlement, nous poursuivrons nos efforts de 2003 qui à travers l'accord-cadre conclu avec les hôpitaux ont réellement permis d'améliorer l'accès de tous à de nouveaux médicaments.
Dans le cadre de la tarification à l'activité, nous favoriserons l'utilisation à l'hôpital des médicaments les plus innovants.
Par ailleurs, une hausse de la taxe sur la promotion pharmaceutique permettra de réduire la promotion excessive de certains produits.
Les visiteurs médicaux jouent un rôle souvent utile pour diffuser de l'information aux médecins, mais l'excès de visites médicales est un facteur inflationniste reconnu internationalement. Or nous sommes le pays recordman du monde pour la consommation de médicaments par habitant. Ainsi, environ 400 000 de nos concitoyens en consomment plus d'une boîte par jour.
Bien évidemment, les médicaments sont un bienfait et les antibiotiques ont sauvé des millions de vies humaines. Ce sont encore les médicaments innovants qui, aujourd'hui, guérissent de nombreux cancers. Mais une surconsommation de médicaments a aussi des effets pervers en termes de santé tels que des effets iatrogènes, une accoutumance des patients, un développement des résistances, par exemple.
Les députés ont souhaité limiter la hausse de cette taxe à 50 millions d'euros en la complétant par une contribution exceptionnelle sur le chiffre d'affaires de l'industrie pharmaceutique de 100 millions d'euros. Cela nous permet d'aboutir au rendement escompté de 150 millions d'euros. En commission mixte paritaire, sénateurs et députés régleront le système, conformément aux attentes du Gouvernement, si ce n'est pas trop leur demander.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
M. Jean-François Mattei, ministre. Je veux mentionner deux mesures importantes qui ne figurent pas dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale car elles sont de nature réglementaire. Je souhaite vous les présenter pour ne pas donner le sentiment d'agir sans vous tenir informés.
Il s'agit, tout d'abord, d'une clarification dans les règles d'exonération du ticket modérateur. Les actes qui en sont exonérés croissent très rapidement. Leur progression a été de 11,2 % en 2002. Or certaines exonérations totales de ticket modérateur liées à un acte coté en K 50 et davantage ont donné lieu, au fil des années, à des interprétations extensives très coûteuses et d'ailleurs très inégales par les caisses puisqu'elles ne sont pas réglementées.
Il faut dire que les bases juridiques étaient très floues : elles reposaient sur un arrêté de 1955, qu'un décret prévu par les ordonnances de 1967 devait abroger. Or ce décret en Conseil d'Etat n'a jamais été pris. Il sortira donc dans les tout prochains jours.
Ce décret ne reviendra pas sur l'exonération totale de l'acte lui-même, cela va de soi. Il clarifiera simplement le champ des exonérations totales des autres actes, qui sont aujourd'hui, dans une totale obscurité, liés à l'acte exonérant. Les exonérations seront, comme c'était l'esprit de l'ordonnance de 1967, limitées aux actes les plus coûteux ; les autres actes seront remboursés selon le droit commun.
Enfin, le forfait hospitalier n'a pas été réévalué depuis 1996, alors même que les coûts de l'hôpital ont fortement progressé. Le Gouvernement a donc décidé une hausse du forfait journalier de 10,67 euros à 13 euros. Cette hausse ne pénalisera pas les plus pauvres pris en charge par la CMU.
Par ailleurs - et, c'est étonnant, je ne l'ai pas encore entendu mentionné une seule fois - dans le même temps, nous procédons à une réduction à 9 euros pour les séjours psychiatriques afin d'éviter de pénaliser les malades qui alternent hospitalisation et intégration sociale en ville. Cette mesure est très attendue.
Avant de conclure, je souhaite évoquer un sujet qui constitue un motif d'inquiétude pour de nombreux professionnels de santé, celui de la responsabilité civile médicale.
Nous sommes en relation avec les représentants des assureurs, et je suis aujourd'hui en mesure de vous garantir que les professionnels comme les établissements seront correctement assurés l'année prochaine.
Telles sont, mesdames et messieurs les sénateurs, les principales mesures de ce projet de loi s'agissant de l'assurance maladie. Elles sont cohérentes avec le calendrier que s'est fixé le Gouvernement ainsi qu'avec ses objectifs. Elles préparent l'avenir sans en restreindre les contours. Il faut évidemment que, sur le terrain, les acteurs se saisissent des instruments qui leur sont donnés par la loi pour en faire une réalité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie. Monsieur le ministre, en arrivant aux commandes, vous avez trouvé un système de santé profondément en crise, des professionnels désemparés, démotivés, des établissements de santé fragilisés, une assurance maladie privée de pilote et des déficits croissants. (M. Roland Muzeau s'exclame.)
Nous prenons toutes les mesures pour que cela aille mieux, monsieur Muzeau !
M. Gilbert Chabroux. On voit le résultat !
M. Alain Vasselle, rapporteur. A l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, vous vous étiez attaché, monsieur le ministre, à renouer le dialogue avec les professions de santé, de manière à contraster sensiblement avec le comportement de vos prédécesseurs et à ébaucher les pistes susceptibles d'être suivies pour réformer et pérenniser notre système de santé.
Douze mois plus tard, l'ONDAM de 2003, que vous aviez qualifié à l'époque de crédible, connaît un dépassement de 1,2 milliard d'euros - seulement, serais-je tenté de dire ! - par rapport à l'objectif initial. Ce résultat, je le dis à l'intention de nos collègues de l'opposition, en fait l'ONDAM le mieux exécuté depuis 1997.
M. Gilbert Chabroux. On est parti de 5,3 milliards d'euros et on arrive à 6,4 milliards d'euros !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous étiez au double !
M. Alain Vasselle, rapporteur. L'ONDAM de 1997 fut le premier à être respecté. Ensuite, il n'a cessé de déraper avec une ampleur accrue chaque année.
L'effet positif de cette exécution, qui devrait vous valoir un satisfecit, est toutefois gâché par la dégradation des comptes du régime général dans son ensemble, et par celle de la branche maladie en particulier.
M. Gilbert Chabroux. C'est catastrophique !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Pourtant, monsieur le ministre, ce sont les mesures de maîtrise médicalisée des dépenses de santé que vous avez mises en oeuvre qui ont rendu possible cette diminution du taux d'évolution des dépenses de santé tandis que la faiblesse des recettes, qui explique largement la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, a creusé le déficit et n'est que le reflet d'une situation économique que l'on peut qualifier de morose.
M. Roland Muzeau. Vous n'y êtes pas pour rien !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Aujourd'hui, monsieur le ministre, dans l'attente du texte portant sur la modernisation de l'assurance maladie, vous nous présentez, pour 2004, un projet de loi de financement de la sécurité sociale de stabilisation qui, par petites touches, prolonge et approfondit les mesures arrêtées l'année dernière et indique les pistes qui pourraient être suivies pour la réforme de l'assurance maladie.
Ce projet réaffirme votre choix pour un mode de régulation fondé sur la confiance partagée, la qualité des soins et l'optimisation médicalisée des dépenses. Il contient plusieurs dispositions relatives au développement de la maîtrise médicalisée des dépenses avec l'ambition de moderniser les outils mis à la disposition des professionnels et de faire évoluer les pratiques médicales.
La voie que vous avez choisie, monsieur le ministre, passe par un aménagement substantiel des dispositifs conventionnels tels qu'ils résultent de la loi du 6 mars 2002, notamment des ACBUS, les accords de bon usage des soins, des contrats de bonne pratique et des contrats de santé publique.
Pour atteindre cet objectif, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui prévoit que l'ensemble des accords et des contrats devront avoir reçu l'aval de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES, tandis que la Caisse nationale d'assurance maladie se verrait reconnaître un pouvoir de mise en oeuvre directe des dispositifs qui pourront faire l'objet de déclinaisons et d'adaptations à l'échelon régional, vous l'avez souligné vous-même.
Sur ce sujet, mes chers collègues, je vous proposerai des amendements tendant à alléger la procédure d'approbation des dispositifs régionaux.
Parallèlement à ces mesures qui concernent les professionnels de santé, le Gouvernement propose de rationaliser un certain nombre de dépenses exécutées au détriment de l'assurance maladie.
Il s'agit d'abord d'exclure du remboursement effectué par les caisses les actes réalisés en dehors de toute justification médicale...
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Très bien ! Il le fallait.
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... ce qui ne paraît pas illégitime, comme les certificats médicaux d'aptitude sportive.
M. Gilbert Chabroux. C'est très bien pour les jeunes !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ensuite, pour tenir compte du fait que les dépenses remboursées aux patients atteints d'une affection de longue durée représentent désormais plus de la moitié des remboursements, le Gouvernement a décidé de donner une base légale au protocole de soins sur la base duquel est accordée l'exonération du ticket modérateur.
M. Guy Fischer. Cela promet !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Deux mesures sont prévues à cet effet.
La première consiste à renforcer le contrôle médical assuré par les caisses au moment de l'admission, ce qui revient à responsabiliser à la fois le médecin traitant et le patient.
La seconde tend à rendre opposables les recommandations actuellement élaborées par le Haut Comité médical de la sécurité sociale, c'est-à-dire à médicaliser la procédure en réaffirmant la nécessité de satisfaire à certains critères médicaux.
Le récent rapport, dont a parlé M. le ministre à l'instant même, de l'inspection générale des affaires sanitaires et sociales et de l'inspection générale des finances incite également à la réflexion sur les mesures nécessaires à une meilleure maîtrise médicalisée des dépenses induites par les arrêts de travail, dont la fréquence s'est traduite par une hausse de 46 % des dépenses d'indemnités journalières entre 1997 et 2002. C'est un point sur lequel il y a lieu de s'attarder pour réfléchir à des mesures susceptibles d'arrêter cette croissance exponentielle.
M. Roland Muzeau. Il faut voir les conditions de travail !
M. Paul Blanc. C'est faux !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Là encore, le principe de rationalisation des procédures et de responsabilisation des assurés sociaux pourrait être appliqué. Nous en reparlerons.
Ces mesures de médicalisation et de rationalisation ne s'arrêtent pas à la pratique des professionnels de santé, elles s'étendent également à la politique du médicament. Monsieur le ministre, vous avez à plusieurs reprises rappelé votre attachement à la promotion des molécules les plus innovantes et à une diffusion plus importante des médicaments génériques.
Votre politique du médicament s'enrichit d'un élément supplémentaire avec les mesures de rationalisation de l'acquisition, de l'usage et de la rétrocession des médicaments à l'hôpital. C'est l'un des points importants prévus par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.
Mais la disposition centrale de ce projet de loi, qui concentre les mesures les plus importantes pour le secteur de l'assurance maladie en 2004, est incontestablement la mise en place de la tarification à l'activité, la fameuse T2A.
Cette réforme constitue la déclinaison d'une des grandes orientations du plan Hôpital 2007. Son objectif repose sur un constat, celui de la différence de financement entre, d'une part, les établissements de soins publics et les établissements privés sans but lucratif, qui sont soumis au régime de la dotation globale, et, d'autre part, les cliniques à but lucratif, qui sont financées en proportion des actes et des journées réalisées.
Cette distinction, mes chers collègues, est porteuse d'effets pervers et rend impossible toute tentative de comparaison de l'efficacité respective des uns et des autres. Le projet de tarification à l'activité est donc, d'abord et avant tout, un projet d'unification des modes de rémunération de ces deux secteurs, un projet de convergence et un projet de coopération.
Pour entamer cette réforme, le Gouvernement a choisi de viser les établissements titulaires d'autorisation de médecine, de chirurgie et d'obstétrique, car l'activité réelle y est plus facilement identifiable.
Si nous comprenons le pragmatisme du Gouvernement et son souci d'agir rapidement, nous souhaiterions cependant savoir si, à terme, il est prévu que d'autres secteurs d'activité comme les soins de suite et de réadaptation soient placés à leur tour sous un régime de tarification à l'activité.
En effet, plusieurs bénéfices sont attendus de cette nouvelle tarification : une meilleure médicalisation du financement, c'est-à-dire l'identification des dépenses, une responsabilisation accrue des acteurs les incitant à s'adapter, une égalité de traitement entre les secteurs public et privé, le développement d'outils de pilotage médicaux économiques au sein des hôpitaux publics et privés.
L'esprit de la réforme est d'établir un financement adapté en fonction des différentes missions, en distinguant, d'un côté, les missions de soins, qui seront financées directement selon leur niveau d'activité et, de l'autre, les missions d'intérêt général, qui continueront à être financées par dotation.
Mes chers collègues, la commission des affaires sociales se félicite de ce choix. Elle vous fera des propositions dont l'objet est de prévoir un rythme régulier de mise en oeuvre, de garantir les meilleures conditions possibles à l'exécution de cette réforme ambitieuse et de crédibiliser son application.
Les différents amendements qu'elle propose portent, d'abord, sur l'adaptation de la procédure budgétaire des hôpitaux parisiens pour favoriser leur basculement vers la T2A, car il serait, à notre sens, difficilement compréhensible que ces hôpitaux soient tenus à l'écart de la réforme.
Rien ne s'oppose, dans le projet de loi, à ce que ces établissements entrent dans la réforme,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... mais un problème d'harmonisation se posait en ce qui concerne la procédure budgétaire et l'assistance publique aurait pu en prendre argument pour estimer que le délai qui lui était imposé pour basculer était trop bref.
La commission proposera, ensuite, la détermination d'un objectif de mi-parcours. Il nous paraît en effet nécessaire d'assigner une obligation de mise en oeuvre à 50 % en 2008.
Au-delà de ces propositions, je souhaiterais attirer votre attention, monsieur le ministre, sur les craintes que font naître votre projet.
Certes, la lecture du dispositif, quoique aride, laisse apparaître le soin avec lequel ont été élaborés les mécanismes de la réforme. Vous y avez apporté une attention soutenue pour éviter des effets pervers majeurs.
Pourtant, les interlocuteurs que j'ai eu l'occasion de rencontrer pour préparer notre débat, s'ils ne se sont jamais opposés frontalement à la T2A, m'ont souvent fait part des effets pervers potentiels et des difficultés que pourrait rencontrer la réforme si elle ne faisait pas l'objet d'une appropriation par les personnels hospitaliers, et notamment par les professions de santé.
Ces craintes traduisent en fait le sentiment de précarité qu'éprouvent les professions de santé à l'hôpital. Peu ou prou, elles étaient déjà exprimées dans le rapport qu'Angel Piquemal vous a remis le 7 novembre 2002.
Ce rapport soulignait combien la réduction du temps de travail avait accentué « la crise du système hospitalier et de ses missions », confirmant en cela le diagnostic posé par la commission des affaires sociales lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.
Poursuivant l'analyse, M. Piquemal estimait que la réduction du temps de travail avait servi de « révélateur d'une crise du fonctionnement interne des établissements » et, de surcroît, était intervenue dans un contexte démographique défavorable. Les hôpitaux manquent de médecins, notamment dans les disciplines à gardes et astreintes - c'est le cas de la chirurgie, de l'anesthésie, de l'obstétrique et de la pédiatrie -, mais ils manquent aussi d'infirmières.
Ce constat ne peut pas être écarté si facilement, d'autant qu'une réglementation européenne vient encore de poser de nouvelles contraintes pour l'organisation du temps de travail des médecins.
Or, si la réforme a pour ambition de dynamiser l'hôpital, elle reste muette sur la situation des personnels, ce qui fait surgir de nouvelles inquiétudes.
Il vous sera sans doute possible, monsieur le ministre, de nous indiquer comment, par l'intermédiaire de la nouvelle gouvernance et par des mesures ponctuelles, vous envisagez d'apaiser les craintes des professionnels de santé exerçant à l'hôpital. Je sais que vous êtes attentif à leur situation depuis que vous êtes à la tête de ce ministère.
Pouvez-vous nous indiquer également quelles mesures seront arrêtées à l'encontre des hôpitaux qui ne seraient pas en mesure d'adapter leur activité aux nouvelles règles d'allocation des ressources et nous dire si la T2A a vocation à jouer un rôle dans la recomposition de l'offre de soins ?
Il est en effet bien évident, vous l'avez dit vous-même après l'analyse des simulations que vous avez effectuées, qu'il y aura des gagnants et des perdants. Quid des perdants ?
Enfin, pour terminer ce bref panorama des mesures consacrées à l'assurance maladie, je souhaite, mes chers collègues, attirer votre attention sur deux points.
Le premier concerne l'article 42 du projet de loi, qui prévoit que la caisse nationale d'assurance maladie participe, à concurrence de plus de 155 milions d'euros pour 2003, au fonds de concours créé par l'Etat dans le cadre du plan Biotox consacré à la lutte contre le bioterrorisme.
Je m'étonne de la confusion résultant ainsi du partage des missions de santé publique entre le budget de l'Etat et celui de la sécurité sociale. Je vous rappelle qu'une disposition du même ordre avait déjà été votée en 2001 - ce n'est donc pas une nouveauté - et que nous nous étions montrés à l'époque plus que réservés sur le mélange des genres qu'elle organisait.
Le Conseil constitutionnel, saisi à ce sujet, avait d'ailleurs jugé qu'il n'acceptait de valider cette mesure qu'en raison de son caractère « exceptionnel ».
Or cette mesure se retrouve dans le présent projet de loi. Nous pouvons légitimement considérer qu'une dépense qui se répète ne revêt plus de caractère « exceptionnel ». En conséquence, nous vous proposons de supprimer la participation de la Caisse nationale d'assurance maladie au financement du plan Biotox, en renvoyant à l'Etat le soin de financer ce dispositif. Cela va dans le sens de la clarification des flux financiers, sur laquelle je me suis exprimé à maintes reprises.
Cette mesure conservatoire n'a d'autre justification que de surseoir à l'ajout de nouvelles missions de santé publique - et même, en l'occurrence, de sécurité sanitaire - à la charge de la Caisse nationale d'assurance maladie jusqu'à ce que le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie se soit prononcé sur une juste répartition des charges. A un moment donné, il faudra bien définir le périmètre de la santé publique, celui des dépenses qui doivent rester à la charge de la solidarité nationale ou d'un certain nombre de fonds créés spécifiquement à cet effet et celui des dépenses qui sont du ressort de l'assurance.
Par ailleurs, et dans le même esprit, je considère que le partage des rôles entre la couverture maladie de base et la couverture complémentaire constitue également l'un des points centraux du travail de réflexion entamé par le Haut Conseil. C'est la réforme de l'assurance maladie qui devra elle-même mettre au point le dispositif général de réforme de la couverture maladie universelle. Au nom de ce principe, la commission proposera de supprimer la disposition prévoyant de modifier les règles de remboursements des dépenses qu'occasionne, à la Caisse nationale d'assurance maladie, la prise en charge des bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire, soit 140 millions d'euros. En fait, on fait supporter au régime obligatoire une dépense qui devrait être à la charge du régime complémentaire. Il y a là un mélange des genres qui ne m'apparaît pas souhaitable et qui pourrait faire l'objet de contestations.
Tels sont, mes chers collègues, les éléments sur lesquels je souhaitais attirer votre attention, avant que nous n'ayons l'occasion d'aborder plus au fond ces questions lors de l'examen des articles.
Le débat que nous avons eu hier sur les tabacs, celui auquel je vous invite sur le plan Biotox et la CMUC illustrent parfaitement le besoin qui se fait sentir d'une loi organique clarifiant les relations entre, d'une part, les dépenses et les recettes qui sont liées à la loi de financement de la sécurité sociale et, d'autre part, celles qui doivent être rattachées à la loi de finances, comme M. le président de la commission l'a fait remarquer avec une grande pertinence. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il faut bien rappeler, en commençant ce débat sur l'assurance maladie, que la dérive que connaît la dépense interdit à l'évidence tout retour spontané à l'équilibre.
Vous avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre, que votre intention était de stabiliser la dépense, marquant ainsi, à la fois, votre ambition et ses limites.
Lorsque l'on considère l'évolution du déficit, qui s'est élevé à 10,6 milliards d'euros en 2002 et qui atteindra tendanciellement, si rien n'est fait, plus de 14 milliards d'euros en 2004, on se dit qu'il est impossible de continuer ainsi.
Je crois que tous les Français, du moins les Français de bon sens, le reconnaissent.
Je me réjouis donc, monsieur le ministre, au nom de la commission des finances, des efforts qui sont faits, à travers ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour tendre vers cette difficile stabilisation des dépenses.
On sait que les dépenses entrant dans le champ de l'ONDAM ont augmenté d'année en année de manière tout à fait considérable, en prévision, mais encore plus en réalisation.
Par conséquent, l'intervention du pouvoir politique est absolument nécessaire si l'on veut sauver l'assurance maladie.
Après l'intervention d'Alain Vasselle, qui a balayé l'ensemble des mesures envisagées pour l'assurance maladie, je me bornerai à vous poser quelques questions, monsieur le ministre. Ces questions n'auront d'autre but que de vous permettre de préciser un certain nombre de points ; pour ce qui me concerne, j'ai besoin de quelques éclaircissements.
J'en reviens à l'ONDAM, dont je parlais à l'instant. Le Gouvernement en a fixé la progression à 4 % par rapport à 2003. Vous avez fait savoir à l'Assemblée nationale que cette progression se décomposait ainsi : 3,15 % pour les soins de ville et 4,45 % pour les établissements de santé. Ces prévisions paraissent raisonnables.
Je souhaiterais toutefois connaître la progression de l'objectif de dépense des établissements médico-sociaux pour personnes âgées. Cette progression, si ma mémoire est bonne, a été de 10,3 % en 2003, ce qui était significatif.
Comment voyez-vous la situation cette année, monsieur le ministre ? Je sais bien qu'il y a un partage des responsabilités, mais vous, vous avez la responsabilité de l'ensemble du dossier des dépenses d'assurance maladie et je pense que vous pourrez me répondre.
Ce point est important, car les responsables d'établissement et les personnels de ces établissements se posent des questions. Je vous remercie par avance des informations que vous me donnerez sur ce point.
Vous avez longuement insisté, comme notre rapporteur Alain Vasselle, sur la tarification à l'activité. Cela me dispensera de longs développements. Je dirai simplement que je suis, comme le rapporteur de la commission des affaires sociales, favorable à ce que le cheminement vers cette tarification soit jalonné, et qu'en particulier soit fixée une étape à mi-parcours. Je crains sinon, compte tenu de la difficulté, que l'on ne traîne un peu et qu'au terme de l'année prévue on ne soit obligé de constater qu'on n'a pas suffisamment avancé.
Sur cette tarification à l'activité, je tiens à dire, après Alain Vasselle, que les professionnels de santé que j'ai reçus, certains d'entre eux du moins, après avoir exprimé leur adhésion au système, ont manifesté quelques craintes, voire quelques réserves.
Il ne faut peut-être pas exagérer la difficulté, car nous ne sommes pas les premiers à passer à la tarification à l'activité. Elle est déjà appliquée dans un bon nombre de pays européens. Je ne vois donc pas pourquoi nous n'y arriverions pas en France.
Cette tarification permettra de rationaliser les dotations, de comparer l'activité des établissements privés et des établissements publics et même des établissements entre eux. C'est une mesure moderne, qui favorisera une véritable mobilisation de tous les professionnels engagés dans la vie des établissements.
Monsieur le ministre, j'aimerais aussi vous interroger au sujet de votre politique du médicament, non pas pour la critiquer, puisque à l'instar de M. le rapporteur de la commission des affaires sociales, j'y adhère.
On a relevé à juste titre le développement des médicaments génériques, de la prescription en dénomination commune. Dans ce domaine, vous avez montré votre volonté de manière très forte. On ne peut que s'en réjouir. Ce matin, au cours de l'une de vos interventions, vous avez signalé qu'un nombre très important de molécules allaient tomber dans le domaine public. Cela devrait permettre à la caisse d'assurance maladie de réaliser des économies supplémentaires. En tout cas, la prescription en dénomination commune devrait connaître un développement encore plus rapide.
A ce propos, je me pose plusieurs questions, monsieur le ministre.
La première concerne la mesure importante que vous prenez pour accélérer la mise sur le marché des génériques.
Je voudrais être assuré qu'elle ne nuira pas à la propriété intellectuelle et que les brevets protégeant certaines molécules garderont, même en fin de parcours, toute leur valeur. Je crains en effet que le dispositif n'affaiblisse la protection de ces brevets, ce qui, vous en conviendrez avec moi, serait fâcheux.
Ma deuxième question porte sur l'innovation.
Au cours de votre intervention, vous avez souligné qu'il fallait permettre aux patients dont l'état le justifie l'accès aux médicaments innovants. Comment comptez-vous faire pour traduire dans les faits cette excellente intention ? Cela me paraît important au regard de l'égalité entre les patients ; il convient en effet que tous les citoyens, et pas seulement ceux qui sont informés et bien entourés, puissent bénéficier des médications innovantes.
Ma troisième question est relative à la recherche dans le domaine pharmaceutique.
Puisqu'un certain nombre de molécules - et parmi les plus prescrites - vont tomber dans le domaine public, il faut absolument que les entreprises pharmaceutiques demeurent en situation de mener des recherches afin de découvrir de nouveaux protocoles de soins. Ce soutien à la recherche est absolument indispensable.
Vous me direz peut-être, monsieur le ministre, que ce n'est pas votre affaire. Eh bien, je pense que : si en tant que ministre de la santé vous ne pouvez pas ne pas vous y intéresser !
S'agissant des affections de longue durée, vous avez insisté sur les dispositifs que vous allez mettre en place pour éviter la dérive constatée durant les dernières années. L'augmentation annuelle est évaluée à 6 % en 2001 en 2002. L'importance de ce chiffre doit évidemment être mise en rapport avec la durée des soins, elle-même nécessairement très longue.
Puis-je exprimer la crainte, monsieur le ministre, que certains ne soient éloignés des soins dont ils ont besoin ? Ce n'est évidemment pas votre intention, mais il faut prendre beaucoup de précautions. Les critères que vous allez élaborer doivent être suffisamment solides et sains pour éviter cet écueil que je viens de signaler. Je suis persuadé que vous partagez ma préoccupation.
Je vous poserai, à ce stade de notre débat, une dernière question. Elle concerne la rétrocession hospitalière, qui a été dénoncée, me semble-t-il, par la Cour des comptes et qui consiste, pour les hôpitaux, à mettre hors enveloppe les ventes de médicaments à des personnes extérieures à l'établissement. On constate que la dépense correspondante croît de manière considérable depuis quelques années.
J'aimerais en savoir un peu plus, monsieur le ministre, sur le dispositif que vous envisagez de mettre en place pour éviter ces dérives.
Sauver l'assurance maladie exigera, à l'avenir, sûrement beaucoup de courage et des mesures de fond pour que soient préservés des principes auxquels nous sommes attachés.
Pour l'immédiat, cela a exigé de votre part, monsieur le ministre, des mesures ciblées tendant toutes à stabiliser la dépense. Vous comprendrez que quelques questions vous soient posées. En tout cas, vous avez la confiance de la commission des finances, et celle-ci vous soutiendra. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si liberté, égalité, fraternité sont des mots inscrits au fronton de la République et ancrés dans le coeur de nos concitoyens, ils sont également, aujourd'hui plus encore qu'hier, au centre de notre système de santé.
La sécurité sociale est née en 1945 sur l'idée selon laquelle chaque salarié devait pouvoir compter sur la solidarité des autres en cas de problème grave. Les grands aléas de la vie que constituent la maladie ou l'accident ne devaient plus être synonymes de misère et d'exclusion sociale.
Les résultats du système mis en place ont dépassé tous les espoirs des pères fondateurs. Avec la création de la couverture maladie universelle, tous les membres de la collectivité nationale peuvent avoir aujourd'hui accès aux soins essentiels.
Le niveau de couverture pour la plupart des risques est, par ailleurs, en France, l'un des plus élevés du monde.
Notre système a su également concilier ce haut niveau de solidarité avec une très grande liberté pour chacun, celle de choisir son médecin, de vérifier un avis auprès d'un autre ou même de « s'auto-médiquer ».
Enfin, grâce à la solidité des formations initiales, à l'organisation de l'offre, à l'excellence de nos équipes de recherche - notre pays enregistre des premières mondiales dans plusieurs domaines -, la médecine française offre à tous des soins de qualité.
Ce n'est pas sans raisons que notre système de santé a été reconnu parmi les meilleurs par l'Organisation mondiale de la santé, et les Français, qui ont un attachement quasi oedipien à leur « sécu », partagent largement ce sentiment.
M. René-Pierre Signé. La « sécu », c'est Jocaste ?
M. Gilbert Barbier. Toutefois, ce succès a fini par engendrer des effets pervers qui menacent lourdement l'assurance maladie si toutes choses restent égales par ailleurs.
La première menace, c'est le déficit. De 6,4 milliards d'euros en 2002, ce qui est familièrement appelé le « trou de la sécu » devrait atteindre un montant record de 11 milliards d'euros en 2003. En l'absence de mesures correctrices, il est condamné à s'accroître encore : la commission des comptes de la sécurité sociale avance déjà un chiffre de 14,1 milliards d'euros en 2004. A ce stade, ce n'est plus un trou, c'est un gouffre abyssal qui donnerait le vertige aux plus blasés des spécialistes.
Comment expliquer cette détérioration du régime ?
Elle est, certes, d'abord conjoncturelle. Le ralentissement des hausses de salaires et l'atonie de l'emploi ont, en effet, entraîné un fléchissement des recettes.
Mais cette détérioration est aussi structurelle. Depuis 1990, la dépense courante de santé par habitant est passée de 1 578 à 2 579 euros. En 2004, elle devrait être proche de 3 000 euros, ce qui constitue un quasi-doublement en quatorze ans. Cette hausse continue, observée à des degrés divers dans l'ensemble des pays industrialisés, s'explique en grande partie par le vieillissement de la population, l'innovation technologique, le développement des maladies chroniques et l'évolution des comportements vers la sphère du bien-être.
Toutefois, au-delà de ces causes, et d'autres, exogènes - par exemple, la mise en oeuvre des 35 heures à l'hôpital -, restent les dérives d'un système qui permet de dépenser sans compter. Telle est la deuxième menace : la déresponsabilisation des uns et des autres.
Depuis des années, on dénonce ce qu'il faut bien appeler des gaspillages comme l'une des principales raisons des difficultés de la sécurité sociale. Nous sommes tous concernés, pour ne pas dire tous coupables : assurés, professionnels, gestionnaires des caisses, Etat. Nous ne nous comportons pas avec l'argent de la sécurité sociale comme avec notre propre argent.
Subissant de moins en moins de décalages de trésorerie et de formalités administratives grâce à la généralisation progressive du tiers payant, les assurés, en majorité les plus favorisés et les mieux informés, usent sans modération des bienfaits de la médecine moderne. Ils consultent indifféremment généraliste ou spécialiste, hôpital public ou privé, prennent rendez-vous autant de fois qu'ils le souhaitent, ont des comportements à risques, tels que la consommation d'alcool ou de tabac, la vitesse au volant, avec l'illusion que la médecine pourra réparer tous les dégâts.
Rémunérés à l'acte, les médecins libéraux ne peuvent bénéficier d'un droit de tirage illimité ; la sécurité sociale, remboursant consultations et ordonnances, doit pouvoir contrôler efficacement les abus de certains.
Faute d'une restructuration de la carte hospitalière conduite avec suffisamment de détermination, l'enveloppe budgétaire est éparpillée entre un trop grand nombre de services et d'établissements. La dilution des responsabilités entre l'Etat et les partenaires sociaux qui cogèrent l'assurance maladie n'arrange rien. L'absence de clarification joue un rôle clé dans l'inertie du système et son pilotage à vue. Souvent, plus que des services rendus, l'assurance maladie finance des structures dont le coût est mal évalué.
Sans s'en rendre compte, notre pays s'est habitué au « trou de la sécu ». Il s'offre sa santé à crédit. Ce n'est pas une solution. Le niveau de nos déficits sociaux n'est ni compatible avec l'équilibre de nos finances publiques ni responsable vis-à-vis des générations futures, qui paieront nos dettes.
Enfin, nous devons aussi nous préoccuper du profond malaise du « monde de la santé », malaise qui constitue, à mon sens, la troisième menace. Que constate-t-on en effet ? Que des mécanismes conventionnels grippés peinent à trouver les bons points d'équilibre entre les intérêts des professionnels et ceux des caisses ; que des établissements sont en proie à la désorganisation et au doute ; qu'il est difficile de trouver des candidats quand il faut recruter des médecins et des infirmières, alors même qu'il n'existe guère de plus beaux métiers. Trop de signes de découragement dans le monde médical et paramédical ! Il nous faut redonner aux professionnels de la santé le goût de l'avenir et le sens de la responsabilité.
Devant ces menaces, il y a urgence à réorganiser, à réformer en profondeur le système, car, lorsqu'une maison menace de s'effondrer, il ne suffit pas de ravaler la façade !
Le déficit ne peut plus être comblé par la hausse incessante des cotisations. Dans son rapport de 2003, la Cour des comptes pointe également les limites des différents outils de régulation mis en oeuvre :
« Le dispositif institutionnel et financier autour de la loi de financement de la sécurité sociale et du vote de l'ONDAM n'a pas réellement fonctionné.
« Aucun des instruments directs de régulation n'est aujourd'hui réellement opérant, ni l'action sur les prix payés par les assurés, ni la gestion du risque par les caisses, ni la modulation du remboursement des médicaments, pas plus que la politique conventionnelle avec les professions de santé.
« Les instruments d'action à moyen terme sur la structure de l'offre médicale et la rationalisation des comportements des professionnels et des patients n'ont pas été efficacement mis en oeuvre. »
Alors, que devons-nous faire ? La chasse aux gaspillages et aux abus ? C'est probablement un vaste champ d'investigations, monsieur le ministre.
La vive croissance des indemnités journalières, qui a atteint 11 % en 2002, contre 4,7 % par an pendant les années 90, suscite, par exemple, quelques interrogations. Dans un des pays occidentaux où la durée de travail est la plus faible, l'absentéisme pour maladie connaît des taux à deux chiffres qui ne sont pas justifiés par un état de santé de la population plus mauvais qu'ailleurs.
Tout le monde sait, et la CNAM au premier chef, que certains membres du corps médical, certes peu nombreux, délivrent facilement l'arrêt de travail de complaisance, que certaines entreprises utilisent le régime d'indemnités journalières pour mettre en préretraite des salariés âgés, que les salariés plus jeunes y ont parfois recours pour arrondir leurs vacances ou s'occuper d'un enfant malade.
L'assurance maladie ne peut plus, ne doit plus, cautionner tous ces dévoiements !
Des interrogations similaires se posent face à l'accroissement de la prise en charge au titre d'une affection de longue durée - 5,7 millions de personnes en bénéficient désormais, dont 900 000 nouveaux bénéficiaires en 2001 -, face à l'augmentation des prescriptions hospitalières, notamment des actes de biologie ou de transport sanitaire, dont le remboursement est imputé sur l'enveloppe des soins de ville, ou encore face au poids des médicaments dans l'ensemble des dépenses de remboursement.
Oui, il y a des gaspillages et des abus. Il faut donc les combattre et donner aux médecins les moyens d'agir, de s'autocontrôler, voire de se sanctionner.
Mais cela ne sera pas suffisant. Il faut conduire une nouvelle politique, qui continue de garantir l'égal accès de tous à des soins de qualité, mais dans de meilleures conditions d'efficience et d'optimisation des dépenses. Sinon, la tentation de la privatisation de la santé gagnera, laissant sur le chemin les citoyens les plus démunis.
Une telle politique implique d'abord d'évaluer les besoins et d'adapter l'offre de soins en fonction de ces besoins. Cela implique la mise en place des outils de régulation de la cartographie médicale.
Il convient aussi de dire clairement que la garantie d'accès offerte à tous les résidents en France ne peut couvrir tous les types de soins. L'augmentation du niveau de vie et les mutations de la santé, laquelle se confond désormais pour partie avec une notion de bien-être très éloignée des préoccupations vitales d'il y a un demi-siècle, ne le justifient plus. Il importe donc de définir avec précision et clarté quels soins relèvent de la solidarité nationale et quels sont ceux qui relèvent de choix individuels, pouvant être laissés à la charge des ménages, sans dommage pour la santé publique et la justice sociale.
Peut-être faudra-t-il s'interroger aussi sur la nécessité d'édicter des critères explicites de prise en charge. La gratuité, le tiers-payant sont inévitablement cause d'inflation de consommation.
M. René-Pierre Signé. Voilà un discours vraiment très social !
M. Gilbert Barbier. Il arrive un moment où il faut dire la vérité, mon cher collègue !
Enfin, il faut replacer la qualité au coeur de la politique de santé. Les référentiels professionnels sont en déshérence, l'obligation de formation continue des médecins n'est pas appliquée, l'accréditation des hôpitaux et l'évaluation des pratiques médicales n'ont guère progressé. Ce sont pourtant, avec la coordination des acteurs de soins, des éléments indispensables pour atteindre un objectif de qualité.
Certes, une telle évolution ne peut se faire rapidement. Monsieur le ministre, vous nous avez présenté un calendrier et des méthodes lors de l'installation du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. Après une première phase de diagnostic et une seconde de concertation avec l'ensemble des partenaires sociaux et des acteurs du monde la santé, des solutions seront présentées avant l'été 2004.
Nous approuvons bien entendu cet engagement fort et nous vous faisons confiance pour que le gouvernement Raffarin ne soit pas à la santé ce que le gouvernement Jospin a été aux retraites : ayant constaté l'étendue des dégâts et la nécessité d'une réforme d'envergure, il a finalement renoncé à tout changement devant l'ampleur de la contestation. (Protestations sur les travées socialistes.)
Cependant, les citoyens, a priori réfractaires, auront besoin pour adhérer d'être convaincus que le projet qui leur est proposé est non seulement nécessaire mais aussi équitable et conforme à leur intérêt. Il faudra pour cela une pédagogie, il faudra poser le problème franchement, en avançant des arguments concrets et objectifs. Le débat sera certes difficile, mais les citoyens sont capables d'entendre un tel discours, dont ils sentent intuitivement qu'il est justifié.
Il est encore temps de sauver l'assurance maladie et donc de préserver la possibilité pour chaque Français de se bien soigner et à un coût supportable. Nous y croyons et nous ne sommes heureusement pas les seuls. Il faudra toutefois, pour y parvenir, que chacun fasse son autocritique.
Au bout de la route, en fonction de l'attitude des financeurs, des soignants et des citoyens, il y aura une solidarité refondée ou une médecine à deux vitesses. C'est donc bien, aujourd'hui, plus à un choix de société qu'à une réforme technique que nous sommes confrontés. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur celles de l'UMP et de l'Union centriste.)