M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Michelle Demessine, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. L'article 38 du règlement s'appliquera-t-il ? (Sourires.)
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de ces deux semaines de débat sur le projet de loi portant réforme des retraites, je constate avec regret, mais sans surprise, que le Gouvernement, après avoir négligé le mouvement social, s'est employé, une fois de plus, à malmener la démocratie parlementaire. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Braye. Si vous ne vous êtes pas exprimés, alors, chapeau !
Mme Michelle Demessine. S'agissant d'un sujet aussi structurant pour notre modèle social, les Français étaient en droit d'attendre que les adaptations nécessaires de nos régimes de retraite s'opèrent dans le respect du pacte républicain, du dialogue social.
Manifestement, tel n'est pas le cas. Contrairement à ce que vous vous plaisez à répéter pour mieux vous en convaincre, monsieur le ministre, il n'y a pas eu de véritable négociation avec les organisations syndicales.
Le Gouvernement est arrivé, sûr de lui, de ses choix, présentant un texte déjà ficelé, affirmant, sans toutefois le démontrer, qu'aucune autre voie n'était possible.
Les organisations syndicales, quant à elles, ont oeuvré utilement à l'information de nos concitoyens. Elles se sont montrées fermes et déterminées pour protéger le système français de protection sociale.
Les Français, eux, se sont approprié cette question qui les concerne directement dans leur vie quotidienne, qui engage leur avenir et celui de leurs enfants ou de leurs petits-enfants. Massivement, ils se sont mobilisés dans la rue ; ils ont exprimé, par le biais des sondages, leur refus de remettre en cause la garantie du droit à la retraite à 60 ans et celle, collective, d'un montant élevé de pension.
Cette réforme, censée sauver le régime de retraite par répartition, mais faisant le lit de la capitalisation, ciblant les efforts demandés sur les seuls salariés, les Français l'ont combattue, ils la combattent encore, dans la mesure où elle est constitutive d'un profond recul social.
Monsieur le ministre, vous êtes pourtant resté « droit dans vos bottes », méprisant la rue, érigeant la surdité en vertu politique (Exclamations sur les travées de l'UMP),...
M. Dominique Braye. Et vous, vous êtes des ringards et des conservateurs !
Mme Michelle Demessine. ... et prenant ainsi le risque, par une attitude de blocage, de laisser s'aggraver la fracture entre le monde politique et les citoyens.
Vous avez multiplié les contre-vérités, usé de démagogie, fait de la division des Français, en l'occurrence en opposant les salariés aux fonctionnaires, un principe de gouvernement. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Alors qu'il existait un réel besoin de débat sur les choix possibles, le Gouvernement a orchestré une campagne non pas d'information mais de propagande et a confisqué les termes du débat, en présentant aux Français comme inévitable l'augmentation de la durée de cotisation.
Pourquoi ne pas avoir permis à nos compatriotes de s'exprimer sur les différentes options de réforme envisageables, pourquoi avoir refusé qu'ils répondent par la voie du référendum au Premier ministre, qui pourtant s'était directement adressé à eux ?
Peut-être étiez-vous pleinement conscient, monsieur le ministre, qu'une telle remise en cause implicite des droits de chacun ne pouvait être acceptée...
La philosophie et les objectifs de cette réforme s'inscrivent parfaitement dans votre logique libérale et répondent aux impératifs européens. Il s'agit de demander aux salariés de mettre toujours davantage la main à la poche, en n'hésitant pas à jouer, à l'occasion, la carte de la culpabilisation. Cette réforme imposée aux agents de la fonction publique, nous la refusons.
Nous rejetons les choix politiques de ce gouvernement, qui privilégie les réponses individuelles au défi du vieillissement de la population.
M. Dominique Braye. C'est que nous sommes sur la bonne voie !
Mme Michelle Demessine. Les parlementaires du groupe communiste républicain et citoyen ont pris part à ce débat pour faire la preuve que votre réforme, monsieur le ministre, est contestable dans sa logique, inacceptable dans ses effets.
Nous avons présenté, au travers de quelque 600 amendements, des propositions de rechange, avec l'ambition d'enrayer la régression du pouvoir d'achat des retraités, d'une part, et de garantir le droit et les conditions d'un départ effectif à la retraite avec une pension à taux plein à 60 ans, d'autre part.
En calquant son attitude sur celle des députés de l'UMP, la majorité sénatoriale a confirmé qu'elle excellait dans son rôle de majorité silencieuse ! (Exclamations sur plusieurs travées de l'UMP.)
Le Gouvernement, lui, a usé et abusé des artifices de procédure qui étaient à sa disposition,...
M. Paul Loridant. L'article 40 !
Mme Michelle Demessine. ... demande de priorité, vote bloqué, pour contraindre la discussion, museler l'expression de solutions alternatives, confirmant ainsi, notamment, son manque d'ouverture d'esprit.
Le couperet de l'article 40 est tombé à plus de deux cents reprises, inlassablement,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais vous le saviez ! Vous l'avez fait exprès !
Mme Michelle Demessine. ... sur la majeure partie de nos propositions, privant, de fait, les parlementaires du groupe communiste républicain et citoyen du droit de présenter ces dernières, alors que toutes étaient financées.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non !
Mme Michelle Demessine. Que reste-t-il, dans ces conditions, du droit d'amendement ?
M. Alain Gournac. « Que reste-t-il... »
Mme Michèle Demessine. En conséquence, que dire de ce débat, si ce n'est qu'il est un leurre de plus ?
Pour conclure, je tiens à rappeler que, quels que soient vos propos rassurants sur les fondamentaux de notre système de protection sociale - l'avenir le montrera, malheureusement - l'allongement de la durée de cotisation, pour les fonctionnaires dans un premier temps, pour tous ensuite, l'indexation sur les prix des pensions et l'ouverture à la capitalisation concourront à baisser significativement le niveau de vie des retraités et à ouvrir largement aux institutions financières la manne des masses financières de la protection sociale. (Marques d'impatience sur plusieurs travées de l'UMP.)
En niant l'existence d'autres leviers, notamment macroéconomiques, pour faire face aux réalités démographiques, vous plombez votre réforme. D'autant que, parallèlement, vous ne vous inscrivez pas dans une démarche volontaire, active, pour lutter contre le chômage et résorber la précarité, pour assurer aux jeunes toute leur place dans la vie active et que, par ailleurs, aucune mesure d'envergure n'est prise pour responsabiliser, contraindre les employeurs à changer d'attitude à l'égard des salariés en fin de carrière et à repenser les conditions de travail. (Nouvelles marques d'impatience sur les mêmes travées.)
S'agissant de la pénibilité et de la formation professionnelle, grandes absentes du texte, vous vous en remettez exclusivement aux partenaires sociaux !
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, un monde sépare nos conceptions respectives...
M. Dominique Braye. Oui ! Heureusement !
M. Alain Gournac. C'est vrai !
Mme Michelle Demessine. ... de l'équité, de la solidarité. Nous regrettons profondément que le Gouvernement ait persisté à refuser d'aborder la question pourtant centrale de cette réforme : la répartition des richesses.
M. le président. Veuillez conclure, madame Demessine.
Mme Michelle Demessine. Je conclus, monsieur le président.
Cette réforme passera sûrement, puisque vous êtes majoritaires. Soyez tout de même conscients qu'elle n'emporte pas l'adhésion des Français. Soyez également sûrs que les choses n'en resteront pas là.
Mme Nelly Olin. Des menaces ?
Mme Michelle Demessine. Les Français seront sensibles aux dossiers sociaux à venir : disant cela, je pense notamment à la réforme de la sécurité sociale. Demain, à nouveau, ils refuseront l'insécurité sociale, que vous instillez au sein de notre société.
M. Dominique Braye. Aujourd'hui, vous faites 3,6 %, demain vous ferez 2 %, après-demain, 1 % !
Mme Michelle Demessine. Les parlementaires du groupe communiste républicain et citoyen voteront résolument contre votre projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Dominique Braye. C'est rassurant !
M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier, pour explication de vote.
M. Jacques Pelletier. Mes chers collègues, notre assemblée a montré, une fois encore, qu'elle était ce qu'on attend d'elle : un pouvoir équilibrant, une voix largement entendue, un forum d'idées et de contacts. La commission des affaires sociales, son président et notre excellent rapporteur me confortent dans cette opinion par leurs actes, leurs propos encourageants et leur écoute.
La réforme que vous nous avez proposée, monsieur le ministre, est courageuse. Vous avez le grand mérite de l'avoir engagée. Nous nous félicitons de l'avoir accompagnée avec succès. (M. Robert Del Picchia applaudit.)
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Jacques Pelletier. En effet, cette réforme aurait pu être le fait des précédents gouvernements, en place depuis quinze ans, voire plus.
Mme Brigitte Luypaert. C'est vrai !
M. Jacques Pelletier. Et je ne suis pas certain que, si les urnes avaient porté au pouvoir un gouvernement différent il y a un an, le projet présenté au Parlement eût été fondamentalement différent.
Ce dossier était en instance depuis trop longtemps.
Ces dernières années, nos voisins européens ont entamé de profondes réformes qui tendent à prendre en compte les évolutions démographiques mettant en péril les systèmes de retraite. Je pense à la Suède en 1999, à l'Allemagne en 2001, à l'Espagne en 2002, ou encore à l'Italie en 1992, voilà onze ans !
La France connaît ces mêmes évolutions démographiques. Nous n'avons rien osé entreprendre alors que de nombreux rapports insistaient sur l'urgence d'une réforme, devenue aujourd'hui inéluctable et cruciale pour l'avenir des Français.
Dès 1998, M. Lionel Jospin, dans sa lettre de mission à M. Jean-Michel Charpin, écrivait ceci : « Il est du devoir du Gouvernement d'attirer l'attention des partenaires sociaux et de l'ensemble des citoyens sur le caractère brutal de ce choc démographique inéluctable, et de les appeler à débattre des conséquences de cette évolution pour nos régimes de retraite. Ne pas l'anticiper conduirait à prendre, dans l'urgence, des mesures douloureuses. »
M. Dominique Braye. Qu'ont-ils fait ?
M. Jacques Pelletier. Dans une vingtaine d'années, le déficit annuel de l'ensemble des régimes de retraite, sous l'effet du vieillisement de la population, de l'allongement de l'espérance de vie et du départ à la retraite de la génération du baby-boom, serait d'environ 50 milliards d'euros. Il pourrait dépasser les 100 milliards d'euros en 2040. Les besoins de financement de plus en plus importants de l'ensemble des régimes rendent donc indispensables cette refonte de notre système ; ils appellent sans plus tarder l'union de l'ensemble de la classe politique.
Si rien n'était fait, c'est l'équilibre général de ce système qui serait menacé d'une explosion en plein vol. Nos concitoyens comprendraient-ils que nous n'ayons pas trouvé ni le temps ni les mots d'une réforme ?
M. Dominique Braye. Ni le courage !
M. Jacques Pelletier. Il était donc de notre devoir d'être lucides et responsables vis-à-vis de tous en garantissant l'avenir de leur retraite. C'est ce à quoi le Gouvernement s'est engagé. C'est pourquoi nous sommes nombreux à le soutenir.
Quelques inégalités subsistent encore entre les salariés du secteur public et les salariés du secteur privé. Votre réforme, monsieur le ministre, est cependant juste et équitable. Elle permet de garantir une retraite à ceux qui ont travaillé toute leur vie, de prendre en considération la pénibilité de certains métiers et d'aligner progressivement la durée de cotisation du secteur public sur la durée de cotisation du secteur privé. Elle permet surtout de sauvegarder notre système de retraite par répartition, auquel nous sommes tous très attachés.
Pour toutes ces raisons, la majorité du groupe du RDSE, approuvant la démarche du Gouvernement, votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Haute Assemblée arrive - enfin ! serais-je tenté de dire - au terme de la première lecture du projet de loi portant réforme de notre système de retraites. Nous pouvons d'autant plus nous en féliciter que nous n'y sommes pas parvenus sans mal...
Combien de contre-vérités a-t-on pu répandre dans l'opinion publique depuis quelques mois pour tromper nos concitoyens, pour les désinformer sur la réforme ?
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Yves Détraigne. On a tenté de faire croire aux Français, en particulier aux fonctionnaires, que leurs pensions allaient fondre comme neige au soleil et être réduites à la portion congrue. On leur a dit que la capitalisation allait remplacer la répartition. Bref, nous avons assisté à une désinformation systématique.
M. Dominique Braye. Effectivement !
M. Yves Détraigne. Au Sénat, tous les moyens ont été utilisés pour freiner le débat (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) et pour l'enfermer dans des considérations idéologiques surannées, pour faire de l'obstruction pure et simple, sans esprit constructif.
M. Serge Lagauche. L'article 40 !
M. Yves Détraigne. Motions de procédure inopportunes, rappels au règlement incessants, amendements sans objet ou déjà satisfaits : rien ne nous a été épargné !
M. François Trucy. Pas même le quorum !
M. Yves Détraigne. Mais le Gouvernement et la majorité sénatoriale ont tenu bon, et, aujourd'hui, l'essentiel est fait : face à un choc démographique sans précédent, nous venons de franchir une étape essentielle pour sauver la répartition et garantir le niveau des pensions.
Malgré ce climat délétère, vous avez su, monsieur le ministre, laisser place à la participation constructive. La Haute Assemblée a pu jouer son rôle en participant au perfectionnement du texte présenté. Le projet de loi initial était un texte ambitieux, équilibré, que nous soutenions pleinement. Le texte final est, me semble-t-il, plus équitable, plus social. (Mme Nicole Borvo s'esclaffe.)
Voilà pour ce qui est du présent. Mais il convient de ne pas nous endormir sur nos lauriers et de rester vigilants. Le mouvement de réforme engagé devra être complété. Les futurs chantiers sont ouverts, notamment la constitution d'un troisième étage de retraite - par capitalisation, n'en déplaise à certains de nos collègues ! - susceptible de donner à chacun les moyens de compléter le niveau de sa pension. Sur ce dernier sujet, l'élargissement à tous les assurés d'un dispositif comparable au système de la Préfon est une avancée, que je salue en tant qu'ancien fonctionnaire.
Un sénateur de l'UMP. Très bien !
M. Yves Détraigne. Il faudra également sans tarder se pencher sur les moyens permettant de compléter le comblement partiel du trou des retraites auquel nous venons de procéder et pour lequel les solutions toutes faites du type « taxations supplémentaires » risqueraient de faire plus de tort que de bien à notre économie. Il y a donc encore un vaste chantier à poursuivre. Nous comptons sur le Gouvernement, notamment sur vous-même, monsieur le ministre, pour s'y engager.
J'émettrai malgré tout, à titre personnel, un regret.
M. Paul Loridant. Ah ! tout de même !
M. Yves Détraigne. En effet, l'obstruction à laquelle s'est livrée de manière systématique une partie de l'opposition (Protestations sur les travées du groupe CRC)...
M. Dominique Braye. Eh oui !
M. Yves Détraigne. ... a contraint le Gouvernement à recourir un peu trop fréquemment à mon goût à l'article 40 ou au vote bloqué. Nous devons nous interroger sur ce point, car il ne faudrait pas que cela devienne une habitude, ce qui ferait du Sénat une chambre d'enregistrement.
MM. Gilbert Chabroux et Claude Domeizel. Effectivement !
M. Yves Détraigne. Vous l'aurez compris, malgré ce que je viens de dire, le groupe de l'Union centriste et moi-même voterons en faveur de ce texte, qui constitue un progrès que nous avons, hélas ! attendu depuis trop longtemps.
Il me reste à féliciter la commission des affaires sociales, son président, M. Nicolas About, et son rapporteur, M. Dominique Leclerc, pour l'excellent travail qu'ils ont réalisé avec M. le ministre et pour la patience dont ils ont fait preuve. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Claude Estier, pour explication de vote.
M. Claude Estier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme de ce long débat.
M. Gérard Longuet. Trop long !
M. Claude Estier. Long ? Il ne l'aura pas été trop compte tenu de l'importance, pour chaque Française et chaque Français, de ce projet de loi sur les retraites. Débat ? C'est une autre question, car un débat suppose des échanges et, tout au long de ces journées, il n'y en a guère eu. L'opposition s'est exprimée, mais, de l'autre côté de cet hémicycle, on n'a entendu que fort peu d'interventions, si ce n'est pour demander la clôture.
Vous avez dû être nombreux sur vos travées, chers collègues de la majorité, afin de pouvoir repousser les amendements de la gauche, mais à condition de rester muets, ce qui semble désormais être votre vocation. (M. Paul Loridant sourit.)
Soucieux de ne pas faire d'obstruction mais d'expliquer les raisons de son opposition à votre réforme et de présenter des propositions alternatives, le groupe socialiste n'a déposé, pour sa part, qu'un nombre très raisonnable d'amendements. Aucun d'eux, je dis bien « aucun », n'a trouvé grâce à vos yeux : soit parce qu'ils sont tombés sous le coup de l'article 40, soit ils ont été victimes de demandes de priorité et de votes bloqués, soit encore - et ce fut le cas le plus fréquent - le rapporteur et les deux ministres ont émis à l'unisson des avis défavorables.
M. Dominique Braye. Effectivement !
M. Claude Estier. Le texte qui résulte de ces deux semaines de discussion est donc, à peu de choses près, celui que nous avait tranmis l'Assemblée nationale. Les quelques modifications qui ont été introduites à la demande de la commission ou du Gouvernement ne feront sans doute pas obstacle à un accord en commission mixte paritaire, mercredi prochain, entre députés et sénateurs de la majorité.
Nous demeurons donc fondamentalement hostiles à votre projet de réforme, qui a le triple défaut d'être profondément injuste, d'accroître les inégalités entre les futurs retraités et de n'être pas sérieusement financé puisque vous vous fondez, pour l'essentiel de ce financement, sur l'idée selon laquelle d'ici à quelques années, le chômage aura diminué de moitié, ce qui tient largement du voeu pieux, d'autant que, jusqu'à présent, vous avez été incapables de mettre enoeuvre une véritable politique de l'emploi.
Contrairement à ce que vous avez voulu faire croire, nous n'avons jamais dit, pour notre part, qu'il ne faillait rien faire. Ne vous en déplaise, le gouvernement de Lionel Jospin avait déjà préparé le terrain (Vives exclamations sur les travées de l'UMP)...
M. Dominique Braye. Le rapport Teulade !
M. Claude Estier. ... en créant le Conseil d'orientation des retraites - vous vous êtes souvent référés aux analyses de cet organisme au cours des débats - et en mettant en place le Fonds de réserve pour les retraites, que vous semblez traiter aujourd'hui avec beaucoup de parcimonie.
Ce que nous vous reprochons, c'est, parmi les différentes solutions possibles, de n'en avoir choisi qu'une, à savoir l'allongement de la durée de cotisation. Vous vous justifiez en expliquant que les Français doivent changer de comportement, c'est-à-dire qu'au lieu d'une juste aspiration à travailler moins ils doivent désormais se résigner à travailler plus longtemps, avec toutes les conséquences négatives que cela peut avoir sur leur moral, sur leur santé, sur leur vie personnelle et familiale.
Par ailleurs, on n'a peut-être pas assez souligné qu'il est incohérent, en tout cas à nos yeux, de vouloir ainsi reculer l'âge de la retraite alors que notre pays souffre gravement du chômage des jeunes.
M. Dominique Braye. Cela n'a rien à voir !
M. Claude Estier. Ce choix de l'allongement de la durée de cotisation à l'exclusion d'autres solutions possibles, qui auraient notamment pu faire appel aux revenus du capital, fait peser cette réforme sur les seuls salariés. Vous l'avez décidé sans avoir engagé une véritable négociation avec les partenaires sociaux, qui aurait permis de mettre sur la table tous les éléments du problème, notamment le sort du droit à la retraite à 60 ans, la situation particulière des femmes qui, ayant plus rarement des carrières complètes, seront les premières victimes des diverses dispositions de cette réforme, les conditions de pénibilité des différents métiers, les divers moyens de financement. Vous avez à plusieurs reprises parlé de concertation. Mais une concertation n'est pas une négociation, qui aurait permis, en outre, une véritable information des Français.
Sur ce point capital de l'information, le Gouvernement a dépensé beaucoup d'argent - la lettre du Premier ministre à tous les citoyens, les encarts publicitaires dans toute la presse - sans avoir vraiment convaincu. Et le Président de la République l'a lui-même relevé, lors de son intervention du 14 juillet, en affirmant qu'une fois la loi votée il faudra mieux l'expliquer.
En fait, l'explication est difficile, car chacun a vite compris que la philosophie de cette réforme est qu'il faudra travailler plus longtemps en continuant à cotiser, pour toucher en fin de compte une retraite moindre.
En se référant à des cas concrets et à un éventail de situations différentes, les orateurs du groupe socialiste, notamment M. Gilbert Chabroux, ont montré qu'il en était bien ainsi, ce que le Gouvernement n'a pas vraiment démenti, notamment lorsque M. le ministre de la fonction publique a admis, lors de l'examen de l'article 45, que M. Claude Domeizel avait raison quand il parlait d'un taux de remplacement diminué.
Telle qu'elle va être votée par la majorité sénatoriale, cette réforme des retraites, qui comporte en outre beaucoup de trompe-l'oeil, est une nouvelle loi de régression sociale. C'est vrai en particulier dans le titre III, relatif aux régimes de la fonction publique, dont les dispositions contiennent de graves ruptures d'égalité qui feront l'objet de notre part, comme nous l'avons annoncé, d'un recours devant le Conseil constitutionnel.
Cette réforme est, je le répète, une loi de régression sociale, qui s'ajoute à celles que vous avez déjà mises en oeuvre depuis un an, qu'il s'agisse de la remise en cause des 35 heures, de la suspension de la loi de modernisation sociale, de la suppression des emplois-jeunes, des restrictions apportées à l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA.
Dans le même temps, les allégements de l'impôt sur le revenu ont bénéficié aux plus riches, sans avoir d'ailleurs aucun effet sur l'économie. L'impôt de solidarité sur la fortune a été allégé de 500 millions d'euros, les cotisations sociales patronales ont été diminuées de 18 milliards d'euros, pratiquement sans contre-partie en matière d'emplois.
Il est donc malvenu que vous parliez de solidarité. Cette réforme des retraites s'inscrit pleinement dans votre politique particulièrement injuste dont les Français commencent à prendre conscience. J'ajoute que, contrairement à ce que vous affirmez, vous n'avez pas réglé le problème, et il est clair pour nous que, le moment venu, il faudra tout remettre sur le métier.
Nous avons rappelé tout au long de cette discussion que nous sommes profondément attachés au système de retraite par répartition. Votre projet de loi en réaffirme le principe dans son article 1er, mais il n'en assure pas les moyens. En même temps, dans le titre V, il ouvre la porte à des formes de capitalisation, sources évidentes de nouvelles inégalités entre les retraités et de nouvelles insécurités qui, vous le savez bien, ne peuvent se développer qu'au détriment du régime par répartition.
En votant aujourd'hui contre ce texte, nous prenons date devant les Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.
M. Alain Gournac. Ça y est : c'est terminé !
On a essayé de nous expliquer que débat rimait avec lecture de pages et de pages. En fait, cela n'a fait que prolonger la discussion.
Nous avons assisté, jour et nuit, à la lecture de la même page, à deux reprises, parfois trois. Certains prétendent pourtant que nous avons empêché le débat !
Pour ce qui me concerne, je veux plutôt donner un coup de chapeau à ce gouvernement, qui a été particulièrement courageux. Je veux donner un coup de chapeau à ses ministres, à M. Delevoye et à vous-même, monsieur Fillon, car ils ont apporté des réponses intéressantes à chacune de nos questions.
M. Claude Domeizel. Vous n'avez pas posé de questions !
M. Paul Loridant. Vous n'avez rien dit !
M. Alain Gournac. A l'époque où Mmes Aubry et Guigou étaient au pouvoir, elles ne répondaient pas aux questions ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Aujourd'hui, c'est un changement, nous avons quelqu'un de courtois en face de nous ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Ce gouvernement n'est pas tombé dans le piège des livres blancs, des livres de toutes les couleurs, contrairement à la gauche qui avait été quelque peu ébranlée par le rapport Charpin puis endormie par le rapport Teulade. Relisez ce dernier, vous constaterez que, selon son auteur, il n'y avait aucune difficulté en matière de retraite dans notre pays. C'est incroyable !
Je veux aussi donner un coup de chapeau aux syndicats qui ont signé cet accord, en particulier à la CFDT (Protestations sur les travées du groupe CRC), syndicat moderne, réformateur, responsable. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. On va leur dire que vous les soutenez ! Vos compliments vont beaucoup leur plaire !
M. Alain Gournac. A contrario, je ne donnerai pas le moindre coup de chapeau à nos collègues de gauche, totalement décalés par rapport aux réalités de notre pays, par rapport aux Français. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Claude Domeizel. Vous vous trompez ! Il y a eu des centaines de milliers de Français dans la rue ! C'est cela le décalage !
M. Alain Gournac. Vous n'avez pas écouté M. Delors ! Vous n'avez pas écouté M. Rocard ! Vous n'avez pas écouté M. Attali ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
« Nous avons encore beaucoup de travail à faire pour que l'on puisse percevoir notre position. » Ces propos, que j'ai pu lire dans Le Parisien, sont du maire de Paris. Ce dernier est conscient de vos difficultés à faire passer votre message. Vous ne l'écoutez pas non plus !
Je ne donnerai aucun coup de chapeau à ceux qui n'ont fait que freiner le débat, ce qui n'est pas digne de la Haute Assemblée.
M. Gilbert Chabroux. Article 40 ! (Rires.)
M. Claude Domeizel. Article 38 ! (Nouveaux rires.)
M. Alain Gournac. Je terminerai, monsieur le président, en donnant un grand coup de chapeau à nos excellents rapporteurs et au président de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Leclerc - je le lui ai dit en privé et je le répète en public - a fait un magnifique travail ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
Mes chers collègues, je suis fier d'être dans le camp des défenseurs de la retraite par répartition. Oui, je voterai ce texte, parce que c'est un bon texte pour l'avenir de nos enfants. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. La clôture ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Philippe Nogrix. Il y a maintenant presque quinze jours, nous étions en attente d'un vrai débat, d'un débat nécessaire, d'un débat attendu, qui était reporté depuis trop longtemps.
Résultat : deux semaines de faux échanges, d'exposés parfois passionnés, mais trop souvent répétés, dont nous sortons lassés.
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Philippe Nogrix. J'en profite pour féliciter notre rapporteur qui a dû souvent ronger son frein. (Exclamations amusées sur de nombreuses travées.)
M. Alain Gournac. Oh là là ! oui !
M. Philippe Nogrix. Connaissant parfaitement le projet de loi, le portant avec talent, il ne pouvait qu'être défavorable à l'avalanche d'amendements de l'opposition...
M. Paul Loridant. C'est le droit constitutionnel !
Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est le droit parlementaire !
M. Philippe Nogrix. ... toujours et toujours inlassablement orientés dans le même sens.
On a vu ainsi dans notre hémicycle revenir la lutte des classes, la diabolisation des patrons, les méfaits du capital !
M. Dominique Braye. S'ils espèrent ressusciter comme cela !
M. Philippe Nogrix. Nous n'avons rien appris de nouveau. Et avons-nous vraiment vu la France de demain ?
Heureusement, monsieur le ministre, que votre projet de loi nous a projetés dans l'avenir. Les Français l'attendaient depuis longtemps. Ils auront enfin des réponses. Il était temps !
Mais il vous fallait du courage pour sortir de l'immobilisme. M. Juppé avait essayé, et la France fut bloquée. M. Jospin, plus candidat à l'Elysée que Premier ministre, a évité d'engager la réforme, vous, vous l'avez fait ! Merci !
Merci pour ceux qui peinent au travail et qui attendaient des décisions, plutôt que des discours et de la passivité. Les Français vous en sauront gré.
Habituellement, le Sénat fournit un travail en profondeur, présente une analyse complète, apporte des enrichissements nombreux aux textes qui lui sont présentés. Vu l'importance du texte examiné, on pouvait espérer respecter ces habitudes. Mais avec acharnement, article après article, des rafales d'amendements, de rappels au règlement, d'explications de vote nous ont égarés encore et toujours sur les mêmes pistes sans cesse rabâchées. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Gilbert Chabroux. Qu'avez-vous apporté ?
M. Philippe Nogrix. Il est normal que nos points de vue divergent, mais, une fois les choses dites, pourquoi toujours insister ? C'est complètement stérile ! (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Nous avons payé cher, très cher en temps perdu, notre respect de la démocratie. Etait-ce bien utile ? (Protestations sur les mêmes travées.)
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Philippe Nogrix. Et pourtant, monsieur le ministre, quel défi le Gouvernement et la majorité avaient à relever !
Il fallait réussir à assurer la pérennité du principe de la répartition, il fallait le sauver, le compléter ! C'est ce que vous avez proposé titre après titre, article après article. Nous sommes d'accord sur l'essentiel et nous voterons l'ensemble de votre texte.
Nous aurions, il est vrai, aimé que vous nous proposiez d'aller plus loin, notamment en incluant à votre projet de loi les régimes spéciaux. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Il faudra y revenir. Et qui en paiera le prix ? Comme toujours, ce seront ceux qui travaillent et ne peuvent se permettre de bloquer notre pays égoïstement et de façon irresponsable ! Est-ce cela la solidarité réclamée par l'opposition ?
Vous avez sauvé l'essentiel, monsieur le ministre : le principe de la répartition. Vous avez ouvert des pistes d'amélioration. Espérons que les entreprises et les salariés sauront tirer le meilleur parti du contenu de votre projet de loi que, comme l'a dit mon collègue Yves Détraigne, nous voterons. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Nelly Olin, pour explication de vote.
Mme Nelly Olin. Les quinze derniers jours de débat qui se sont déroulés au sein de notre Haute Assemblée ont révélé l'importance de la réforme que nous allons adopter.
Oui, il y a eu débat, et ceux qui ont voulu laisser croire le contraire se sont discrédités eux-mêmes.
Ces débats ont été l'occasion de réaffirmer que l'immobilisme sur le dossier des retraites aurait conduit mécaniquement à réduire de moitié les pensions ou à alourdir considérablement les cotisations. Nous ne pouvions pas l'accepter.
C'est donc bien l'absence de réforme, et non la réforme, qui conduirait à la remise en cause de la sécurité de notre système et à la drastique diminution des pensions.
En outre, les grands perdants du statu quo prôné par les auteurs des nombreux amendements de suppression déposés sur les articles du projet de loi seraient bien évidemment les salariés les plus modestes, qui ne peuvent se permettre de compléter le montant de leur pension.
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Nelly Olin. Cette réforme est donc juste et équitable. Elle ne dresse pas une catégorie contre une autre. Elle vise à sauver la retraite de tous par un effort partagé et à sauvegarder un haut niveau de pension...
M. Paul Loridant. Haut niveau en baisse !
Mme Nelly Olin. ... sans faire peser une charge excessive sur les actifs d'aujourd'hui et de demain.
On peut regretter que l'opposition n'ait pas su dépasser son dogmatisme et accepter de voter les dispositions de ce texte alors même qu'elles consacrent un progrès ou une nouvelle liberté, comme le rachat des périodes d'études.
En effet, cette réforme contient nombre de mesures qui améliorent les pensions de retraite : la retraite anticipée pour les longues carrières, l'amélioration de la situation des conjoints survivants, des dispositions spécifiques en faveur des parents d'enfants handicapés et des handicapés eux-mêmes, l'amélioration de la situation des polypensionnés, la prise en compte pour partie des primes pour les fonctionnaires, la diminution de la décote dans le régime général, l'instauration d'une surcote, la possibilité de racheter des années d'études, les engagements de négociation sur la prise en compte de la pénibilité - que n'avons-nous entendu à ce propos alors que c'est la première fois que ce sujet est évoqué ! -, des mesures favorisant l'emploi des seniors, de nouveaux instruments d'épargne retraite sécurisés pour l'ensemble des assurés et la retraite minimale pour les salariés ayant toujours travaillé au SMIC.
Mes chers collègues, permettez-moi de rappeler que le Gouvernement que nous soutenons a revalorisé d'une manière particulièrement significative le SMIC : 5,3 %. En revanche - je le rappelle pour mémoire puisque, de temps en temps, dans cette assemblée, d'un certain côté de l'hémicycle, il règne une certaine amnésie -, le précédent gouvernement, pour sa part, n'avait donné aucun coup de pouce en 1999 et 2000 et avait donné un coup de pouce dit « royal » de 0,29 % en 2001.
Mme Michelle Demessine. Vous trouviez que c'était trop !
Mme Nelly Olin. En outre, la Haute Assemblée a apporté des améliorations significatives à ce texte.
Nous avons ainsi réaffirmé notre choix de la retraite par répartition : elle est au coeur du pacte social qui unit les générations.
Nous avons renforcé les missions du Conseil d'orientation des retraites.
Nous avons choisi de garantir le bénéfice de la surcote aux personnes ayant accompli de longues carrières, qui pourraient partir avant 60 ans mais qui choisissent de poursuivre leur activité.
Alors que le débat sur la retraite des personnes handicapées devient de plus en plus aigu en raison de l'allongement de l'espérance de vie, ce dont nous nous réjouissons tous, nous avons marqué notre engagement en leur faveur. Désormais, les droits des personnes handicapées elles-mêmes sont améliorés puisqu'un dispositif spécifique de validation des années travaillées a été instauré.
S'agissant des professions indépendantes, libérales ou agricoles, plusieurs avancées ont été votées, dont l'alignement des règles de la caisse de retraite des avocats sur celles des autres professions libérales et la prise en compte des aides familiaux dans le régime agricole.
Les avantages familiaux, quant à eux ont, donné lieu à un débat qui permet de réaffirmer le caractère équilibré des mesures du projet de loi entre les exigences de la législation européenne et la nécessité d'une politique familiale dynamique pour financer les retraites de demain.
Je tiens à remercier M. le rapporteur et M. le président de la commission des affaires sociales, ainsi que M. le rapporteur pour avis de la commission des finances pour la qualité du travail qu'ils ont accompli.
Permettez-moi enfin de saluer ici la qualité d'écoute et de dialogue dont ont fait preuve les ministres, MM. François Fillon et Jean-Paul Delevoye, durant ces dernières semaines. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Nous nous félicitons que le Gouvernement et la majorité fassent ce que d'autres se sont contentés de dire.
Pour toutes ces raisons le groupe de l'UMP votera ce projet de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo. Quel dommage que nous n'ayons pas entendu vos arguments de façon plus précise durant tout ce débat, chers collègues de la majorité ! Mais il est tout à fait symptomatique que notre collègue Philippe Nogrix ait stigmatisé les intérêts égoïstes de ceux qui bénéficient de régimes spéciaux, par exemple les cheminots, alors que nous ne l'avons pas entendu souffler un mot des patrons dont les entreprises affichent des pertes, mais qui s'accordent pourtant des augmentations de rémunération de 25 %.
M. Dominique Braye. Et les pertes de la SNCF, qui les paient !
Mme Nicole Borvo. Monsieur Braye, laissez-moi parler !
Je veux citer encore une fois notre rapporteur à propos du titre V.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il a beaucoup travaillé !
Mme Nicole Borvo. Au nom de la majorité de la commission, il s'exprimait ainsi : « Depuis plus de dix ans maintenant, la création d'un dispositif d'épargne retraite accessible à tous en complément de nos régimes par répartition est considérée comme une exigence pour garantir aux futurs retraités un niveau de vie équivalent à celui des retraites d'aujourd'hui. »
Par qui cette création est-elle jugée nécessaire ? Certainement par les institutions financières, qui sont sur les rangs depuis belle lurette, qui mènent un combat acharné pour prendre pied, de façon massive, dans l'ensemble de la protection sociale, en France comme dans toute l'Europe. Ce combat est aujourd'hui payant, et elles peuvent vous en remercier !
Le problème des retraites peut être présenté d'une façon tout à fait différente de celle de M. le rapporteur.
Ainsi, les besoins de financement de notre système de retraite par répartition exigent une réforme de son financement. Nous avons fait des propositions dans ce sens. Elles consistent notamment à élargir l'assiette des cotisations, ce qui est possible après les bouleversements des trente dernières années, qui ont profondément modifié la répartition de la valeur ajoutée.
Ces propositions doivent s'inscrire dans des politiques réellement créatrices d'emploi et, bien entendu, dans une conception tout à fait différente de la vôtre en ce qui concerne la solidarité nationale et la répartition des richesses.
Le Gouvernement et sa majorité, qui l'approuve sans discussion, ont choisi une seule voie, celle qu'a choisie la majorité des gouvernements de l'Europe libérale, je vous l'accorde.
De ce point de vue, vous ne faites guère preuve d'originalité. Vous avez donc choisi une voie, une seule, avec deux objectifs : d'abord, limiter les dépenses publiques - c'est-à-dire les dépenses sociales, dont les retraites constituent un poste majeur -, en modifiant la répartition des richesses produites, c'est-à-dire en accordant toujours moins aux petits et toujours plus aux gros ; ensuite, celui d'ouvrir largement aux institutions financières, comme elles le demandent, la manne des énormes masses d'argent de la protection sociale.
Nous savons en effet très bien, et nous l'avons répété parce que vous semblez ne pas l'entendre, que la réduction du champ de l'intervention publique ouvre largement l'espace à des réponses individuelles, à savoir des retraites privées financées par la capitalisation.
Par conséquent, nous avons très bien compris votre réforme et avons eu tout à fait raison de la résumer ainsi : premièrement, allongement de la durée des cotisations ; deuxièmement, diminution du taux de remplacement des retraites ; troisièmement, instauration de la pension individualisée par capitalisation.
M. Laurent Béteille C'est faux ! Vous n'avez rien compris !
Mme Nicole Borvo. Aucun discours n'y peut rien changer, et le vôtre pas plus qu'un autre !
Tout au long de ces quinze jours de débat - mais peut-on parler de débat, puisque vous avez dit, les uns et les autres, que vous applaudissiez des deux mains le projet de loi et que vous ne voyiez aucune raison d'en discuter le moindre de ses aspects ! -,...
Mme Nelly Olin. Le Gouvernement a tellement bien travaillé !
Mme Nicole Borvo. ... nous avons tenté de montrer ce qu'il y avait derrière ce discours et nous avons fait des propositions.
De ce point de vue, vous avez raison : nos propositions relèvent d'une autre logique,...
M. Alain Gournac. Vous, vous avez tort !
Mme Nicole Borvo. ... celle de la solidarité interprofessionnelle et intergénérationnelle qui est celle de notre système de retraite par répartition.
Il faut que nos concitoyens sachent que votre projet, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les parlementaires, est en rupture avec cette logique.
M. Alain Gournac. Pas du tout !
Mme Nicole Borvo. Il faut que nos concitoyens le sachent !
M. Alain Gournac. Vous, vous avez échoué !
Mme Nicole Borvo. Vous avez essayé de tourner en dérision notre ténacité en refusant de répondre à nos arguments. Vous n'avez en rien développé des arguments susceptibles de convaincre.
M. Alain Gournac. Vous étiez trop mauvais !
Mme Nicole Borvo. Vous avez essayé de nous tourner en dérision !
M. Dominique Braye. A nous non plus, à une époque, on ne nous a pas répondu !
Mme Nicole Borvo. Comme le Gouvernement, vous avez refusé d'entendre les organisations syndicales majoritaires. Vous avez refusé d'entendre la majorité de nos concitoyens qui souhaitaient une renégociation.
M. Dominique Braye. 3,6 % aujourd'hui, 2 % demain, et 1 % après-demain !
Mme Nicole Borvo. Nous avons essayé de faire entendre, ici, au Parlement, la voix de ceux, majorité syndicale, majorité de nos concitoyens, qui critiquent votre réforme. Ce sera utile.
M. Dominique Braye. 3,6 % !
Mme Nicole Borvo. Vous êtes des représentants du peuple, nous aussi !
Chacun s'en expliquera devant les électeurs. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Bien entendu, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi remet notre pays dans le concert européen.
Mme Nicole Borvo. Ah !
M. Jean-Pierre Fourcade. On nous a dit que l'Europe est libérale. Que je sache, ni le gouvernement britannique ni le gouvernement allemand ne sont parfaitement libéraux. (Oh, ça ! sur les travées du groupe CRC.) Je crois même qu'ils se réfèrent à la social-démocratie.
Mais ces gouvernements ont compris que, dans la compétition internationale, compte tenu du développement de l'économie américaine, de l'apparition d'immenses pays comme la Chine et, demain, l'Inde, il faut qu'il y ait une solidarité non pas intergénérationnelle mais européenne pour tenter de conserver nos emplois, nos activités et nos possibilités de développement.
Monsieur le ministre, votre projet de réforme des retraites présente deux avantages.
En premier lieu, il est progressif. Vous partez de 2004, vous allez jusqu'à 2020. Vous tenez compte d'un aspect dont l'opposition n'a pas suffisamment fait état, à savoir le problème démographique.
Il est clair que, lorsque nous serons, dans quelques années, dans la situation que connaissent aujourd'hui nos amis britanniques, c'est-à-dire face à une diminution de la population active, les jeunes arrivant sur le marché du travail étant moins nombreux que les personnes âgées qui le quittent, le taux de chômage diminuera inéluctablement en dépit de toutes les cogitations, de tous les discours sur le sujet. Par conséquent, nous pourrons mieux équilibrer notre système de protection grâce au correctif que vous aurez mis en place.
M. Paul Loridant. Oh, toujours équilibrer !
M. Jean-Pierre Fourcade. En second lieu, vous n'avez pas cédé à la pression de tous ceux qui réclamaient de majorer les prélèvements alors que nos deux défauts majeurs sont, d'abord, un prélèvement extraordinairement élevé sur notre produit intérieur brut, puisqu'il dépasse d'au moins 5 % la moyenne de nos voisins, ensuite, un taux d'activité des plus de 50 ans le plus faible d'Europe.
Votre projet de loi essaie de corriger ces deux défauts. Il va donc dans le bon sens. Nous étions parmi les derniers, nous étions l'homme malade, nous n'avions fait aucune réforme, nous n'étions bons qu'à faire des discours, des rapports, le rapport Teulade entre autres, qui prétendaient que tout allait bien...
Grâce à la sagacité dont vous avez fait preuve, monsieur le ministre, avec votre collègue M. Delevoye, et avec M. le Premier ministre, que je tiens à associer à ce succès, car c'est lui qui a lancé la réforme devant le Conseil économique et social au début de la présente année, vous avez obtenu de la part des grandes centrales syndicales, telles que la CFDT et la CGC, un appui tout à fait important. Vous avez ouvert des perspectives de négociation sur l'épargne salariale, sur la pénibilité du travail, sur les problèmes de formation, et c'est tout à fait essentiel !
Nous rentrons dans une logique de pays développé, avec la promotion d'une bonne négociation sur de vrais sujets, avec la stabilisation des prélèvements et avec la remise en valeur du travail, dans une société à qui l'on avait expliqué qu'il était possible de travailler de moins en moins et d'avoir des retraites merveilleuses sans que cela pose aucun problème !
Vous êtes revenus à un langage de vérité. C'est pourquoi, nous tous, membres de la majorité sénatoriale, allons voter ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne vais pas rechercher les effets oratoires. Mon propos se bornera au commentaire de quelques chiffres, comme il se doit pour un rapporteur de la commission des finances.
Au préalable, je souhaiterais revenir sur certaines observations qui ont été formulées pour les faire miennes. J'ai apprécié les propos de nombre de mes collègues et particulièrement ceux que vient de tenir Jean-Pierre Fourcade sur la progressivité de cette réforme, sur la façon dont, avec le Gouvernement, monsieur le ministre - je joins mes compliments à ceux de Jean-Pierre Fourcade à l'égard du Premier ministre -, vous avez regardé loin, vous avez su regarder l'avenir.
Il s'agit d'un comportement tout à fait nouveau dans notre vie politique.
Nous avons suffisamment connu de gestions à court terme, qui ne se préoccupaient que de sauter les petits obstacles les uns après les autres,...
M. Claude Estier. Juppé !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. ... pour saluer cette volonté de regarder loin et de travailler pour l'avenir, ni uniquement pour l'avenir, même lointain d'ailleurs, ni uniquement pour le court terme.
Cette progressivité se traduit par la fixation d'étapes. Ne l'oublions pas, en effet, ces étapes seront ponctuées par des rapports, des comptes rendus, des avis qui seront l'occasion d'un véritable dialogue social. Celui-ci ne manquera pas de s'établir chaque fois que nous franchirons les dates que prévoit votre projet de loi, monsieur le ministre.
A propos du débat, je dirai que nous avons parfois été surpris, puis agacés par le fait que le dialogue avait quelque peine à s'établir, qu'il ressemblait souvent à un dialogue de sourds. Les arguments qui étaient opposés à vos propositions étaient souvent répétitifs, avancés une fois pour toutes sans que leurs auteurs les remettrent jamais en doute quelles que soient les explications que vous pouviez donner.
On ne peut pas dire, mes chers collègues, que le Gouvernement ne s'est pas efforcé d'engager le dialogue. Ce serait faux ! (Approbations sur les travées de l'UMP.) J'ai en tête un moment très fort de notre discussion, celui où M. François Fillon s'est levé pour annoncer à nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen : j'ai fait chiffrer vos propositions ; voici le résultat !
J'ai encore en tête la somme totale qu'il a avancée : 56 milliards d'euros supplémentaires. Ce n'est pas rien, et cela ne fait pas de ces propositions une politique alternative raisonnable.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Jean-Pierre Masseret. Cela n'a pas été perdu pour tout le monde !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. J'en viens maintenant à quelques rappels, puisqu'il faut bien, en effet, énoncer quelques chiffres.
On a parlé des raisons fondamentales qui ont rendu cette réforme incontournable. J'ai parlé, au début de ce débat, d'« affaissement démographique ». Je crois, en effet, que nous allons vivre très prochainement, à partir de 2005-2006, un retournement de notre situation démographique qui pourrait être dramatique si nous n'anticipions pas en prenant les dispositions nécessaires pour que notre pays l'affronte dans de bonnes conditions.
C'est l'objectif de ce projet de loi.
A l'appui de mon propos, je vais rappeler quelques-uns des chiffres qui imposaient les mesures que nous nous préparons à adopter.
En ce qui concerne les régimes de la fonction publique, toutes les dispositions que nous sommes sur le point de voter vont diminuer à peu près de moitié le besoin de financement estimé à 28 milliards d'euros à l'horizon 2020 : celui-ci va être réduit à environ 14 milliards d'euros. Ce n'est pas rien non plus, et cela demandera un effort substantiel de l'employeur public. Alors, qu'on ne nous dise pas que ce sont toujours les mêmes qui vont payer !
D'ailleurs, il faudra bien, mon cher collègue Fourcade, que l'on refléchisse à la répartition de cet effort entre les collectivités locales, les hôpitaux et, bien sûr, l'Etat. Il faudra bien en déterminer les grandes masses.
S'agissant du régime général, je rappelle que le besoin de financement, toujours à l'horizon 2020, s'établissait à quelque 15 milliards d'euros et qu'il devrait être ramené aux alentours de 9 milliards d'euros.
Cela dit, ces chiffres peuvent ne pas frapper beaucoup nos compatriotes parce qu'il arrive un moment où les sommes sont si énormes qu'on peut avoir quelque peine à les mesurer.
En revanche, il me semble nécessaire de rappeler, plus que cela n'a été fait, un certain nombre de mesures au caractère social fortement marqué. Tout à l'heure, notre collègue Nelly Olin l'a fait pour un certain nombre d'entre elles. A mon tour, j'en citerai quelques-unes, parce qu'il importe que cela soit dit et redit.
Je le ferai en indiquant leurs coûts approximatifs, ce qui permet d'apprécier la mesure de l'effort consenti.
Je mentionnerai, bien sûr, la possibilité de retraite anticipée pour ceux qui ont commencé à travailler très jeunes. Le coût de cette mesure, certes nécessaire au vu du problème social à résoudre, devrait s'élever à 1,2 milliard d'euros en 2005, augmentés de 300 millions d'euros supplémentaires à l'échéance 2020. C'est donc une dépense considérable que nous allons supporter pendant un certain nombre d'années, même si elle ira en s'amenuisant.
Je mentionnerai ensuite les avantages familiaux supplémentaires contenus dans le projet.
La mesure en faveur des femmes ayant perdu un enfant ou en ayant adopté coûtera quelque 80 millions d'euros.
La nouvelle majoration de durée d'assurance pour les parents d'enfants handicapés, mesure importante pour laquelle se sont mobilisés nombre de nos collègues, représentera quelque 60 millions d'euros.
Le coût de la meilleure prise en compte de la fonction de tierce personne auprès des adultes handicapés sera d'environ 70 millions d'euros. A cela, il faut ajouter le coût des mesures en faveur des pluripensionnés qui, jusqu'à présent, subissaient une situation inéquitable - cela mérite d'être souligné. Je mentionnerai enfin les garanties accordées aux retraites les plus faibles, dont le coût peut être estimé à quelque 600 millions d'euros à l'horizon 2020.
Au demeurant, mes chers collègues, le débat qui est sur le point de se terminer ne marque pas la fin de nos efforts. Il nous appartiendra de sensibiliser nos compatriotes à l'ampleur des mesures sociales que comporte ce projet de loi.
L'énumération de tous ces chiffres est certes un peu ennuyeuse mais elle permet de mesurer que ce projet de loi est équilibré. Ce terme est souvent utilisé, je le sais,...
M. Paul Loridant. Galvaudé !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. ... me semble ici bienvenu.
Je terminerai mon propos en saluant la détermination du Gouvernement. L'entreprise était difficile, elle était tellement difficile que nous nous demandions si vous parviendriez à la mener à bout, monsieur le ministre.
M. Claude Domeizel. Et vous n'y êtes pas arrivés !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. D'autres auparavant avaient reculé devant l'obstacle, n'est-ce pas, monsieur Domeizel ?
L'obstacle va donc être franchi et nous nous en réjouissons. Nous nous en réjouissons pour le devenir de la retraite par répartition, nous nous en réjouissons pour nos compatriotes et nous nous en réjouissons pour la France. Voilà qui démontre, une fois de plus - la phrase est bien connue mais je la reprends à mon compte - que « là où il y a une volonté, il y a un chemin » ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Mes chers collègues, au terme de ce débat, je voudrais vous dire l'honneur que j'ai ressenti d'être votre rapporteur. La tâche n'était pas facile, il est vrai, et je tiens à remercier mes collègues de la commission d'avoir fait confiance, en l'occurrence, au rapporteur des lois de financement de la sécurité sociale pour l'assurance vieillesse que je suis.
Je voudrais, moi aussi, me féliciter de l'aboutissement de ce projet de loi portant réforme des retraites ou, pour mieux dire, portant sauvegarde des retraites.
Ce projet, qui permet d'assurer dans l'équité le financement de nos régimes par répartition, et ce à l'horizon 2020, c'est d'abord au Gouvernement que nous le devons, au minutieux travail de concertation qu'il a entrepris, au courage qu'il a eu en prenant, avec les organisations syndicales qui l'ont suivi, la responsabilité d'agir, à la ténacité dont il a fait preuve quand il était ça et là contesté.
Mes remerciements vont d'abord à nos deux ministres, François Fillon et Jean-Paul Delevoye, et à leurs administrations respectives. Leur écoute, leur disponibilité furent constantes.
Après les excellents propos d'Adrien Gouteyron que je fais miens, je voudrais également me féliciter de l'intelligence de cette réforme. Comme nous avons eu l'occasion de le voir au cours de ces deux semaines, d'ici à l'horizon 2000-2040, des étapes, des rendez-vous ont été fixés régulièrement avec les uns et les autres, notamment avec des partenaires sociaux, afin de prendre en compte le contexte social et économique du moment pour déterminer comment nous pourrons poursuivre sur le chemin de la réforme.
Je voudrais maintenant, en apportant un témoignage, contester bien des propos qui ont été tenus au cours de ces derniers jours.
Dans le secret des auditions - nous en avons tenus plus d'une cinquantaine -, les représentants des partenaires sociaux nous ont fait part de leur étonnement d'abord, puis de leur satisfaction ensuite, d'avoir, au cours de ces six derniers mois, rencontré régulièrement les deux ministres et leurs collaborateurs. L'un d'eux dénombrait plus de vingt rencontres de quatre heures ! En outre, certaines de leurs propositions ont été reprises. Si ce n'est pas là de la concertation, si ce n'est pas de la négociation, qu'est-ce que c'est !
Faisant écho aux propos de M. Gouteyron, j'ai plaisir à souligner que, à l'occasion de cette réforme, nous pouvons être fiers d'avoir accompagné la volonté du gouvernement conduit par Jean-Pierre Raffarin.
Pour les ministres, engagés dans un marathon à l'Assemblée nationale, il n'était pas facile de se souvenir qu'il ne s'agissait que de la première étape et que, une fois celle-ci franchie, il leur faudrait, sans même prendre le temps d'une respiration, venir présenter le projet de loi devant le Sénat.
Je veux me féliciter des apports de notre assemblée. J'ai le sentiment profond que nous avons fait oeuvre utile. D'aucuns nous prédisaient un vote conforme ou quelque chose équivalent. Nous avons déjoué leurs pronostics.
M. Paul Loridant. Pas totalement !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Pouvait-il en être autrement sur un texte de cette importance ? Je ne le crois pas.
Notre ancien collègue Christian Bonnet aimait à répéter que le travail législatif au Sénat est un travail d'orfèvre. Nombre des amendements que nous avons adoptés relèvent de ce travail de précision. C'est la marque de notre assemblée.
Nous avons accompagné les articles clés de la réforme. Je pense notamment à l'article 5, relatif au partage entre temps de travail et temps de retraite, ou à l'article 8, relatif au point essentiel de l'information.
La commission des affaires sociales s'est attachée à clarifier les mécanismes entourant le financement de l'assurance vieillesse.
Tous les débats qui se sont déroulés sur la compensation, le Fonds de solidarité vieillesse pour les retraites, le FSV, le fonds de réserve pour les retraites ou la gestion des pensions de l'Etat soulignent l'importance de ces sujets, qui restent malgré tout méconnus des assurés.
Mais l'apport du Sénat se traduit avant tout par plusieurs grandes avancées qui induisent plus de justice, de souplesse, de solidarité pour nos concitoyens.
Sur l'initiative de la commission des affaires sociales, de Marcel-Pierre Cléach ou de Sylvie Desmarescaux, notamment, nous avons adopté des dispositions qui rétablissent l'équité en faveur des personnes handicapées. L'opposition, je dois lui en rendre justice, a pu formuler des propositions similaires. Ainsi, en quelques occasions, de manière très fugace, nous nous sommes retrouvés.
La commission a souhaité conforter la poursuite de l'activité des salariés expérimentés et leur permettre de faire leur choix dans des termes équitables. Soutenant sans réserve le mécanisme de la surcote, elle se devait de préciser, par cohérence, les contours de ce mécanisme au bénéfice des personnes justifiant d'une carrière longue et des salariés expérimentés.
Enfin, je rappelle que nous avons voté une disposition renforçant la solidarité envers ceux des salariés qui affrontent la douleur d'avoir un parent malade. Si nous n'avons pu aller aussi loin que Mme Michelle Demessine l'a suggéré, le congé de solidarité familial a tout de même été voté à l'unanimité : ce fait fut assez rare pour mériter d'être signalé.
Je dirai un mot à l'intention de l'opposition, que je remercie de son assiduité. Ses propositions, que je qualifierai d'« univoques », restent marquées par le refus de la réforme telle qu'elle nous était présentée. A l'issue de nos débats, je reste convaincu que le statu quo, voire le retour sur les conditions antérieures à 1993 ne constituent pas les termes d'une réforme crédible.
Pour notre part, nous avons pris M. Lionel Jospin au mot, lui qui estimait voilà deux ans que la nouvelle majorité devrait « prendre à bras le corps, et sans attendre, la question des retraites ».
Je tiens à remercier le rapporteur pour avis, M. Gouteyron, de l'éclairage global que son rapport a apporté à nos débats, ainsi que des avancées ciblées que les amendements de la commission des finances ont permis de réaliser.
Je voudrais également remercier le président de la commission des affaires sociales, qui, avec autorité et courtoisie, a conduit le débat.
Quant aux présidents de séance successifs, ils ont toujours permis, dans l'application rigoureuse de notre règlement, de préserver le caractère serein de nos débats.
Je n'oublie pas les administrateurs de la commission, qui, dans des conditions difficiles, ont assidûment mobilisé leurs compétences pour nous accompagner. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, deux semaines de débat méritent bien quelques mots.
Nos collègues de l'opposition tiennent rigueur à la majorité sénatoriale de la façon dont celle-ci a souhaité que la discussion se déroule. Il est vrai que la commission, et non le Gouvernement, a demandé un certain nombre de priorités et de réserves. Nous nous sommes aussi, avec la majorité, associés à un certain nombre de demandes de vote bloqué : six ont émané de M. Fillon, vingt-deux de M. Delevoye. Priorité, réserve, article 40 : ce sont des procédures d'une grande banalité, qui sont couramment mises en oeuvre dans nos débats législatifs. Elles n'avaient pas pour objet de raccourcir ou, pour reprendre l'expression du président Fischer, de « garrotter » nos débats.
Je crois qu'en l'absence de recours à de telles procédures nous en aurions été ce soir au même point, mais que notre crédibilité eût été différente.
J'ai le sentiment que l'opposition a pu pleinement s'exprimer à travers, tout d'abord, une longue discussion générale de six heures ; je vous rappelle que la discussion des projets de lois de financement de la sécurité sociale est traditionnellement fixée à quatre heures.
Elle s'est exprimée ensuite par l'exposé de trois motions, avant qu'un après-midi soit consacré aux articles additionnels avant l'article 1er. Nous avons eu ainsi, en quelque sorte, une seconde discussion générale réservée, cette fois, exclusivement à l'opposition.
Non, les procédures utilisées n'avaient pas pour fonction d'écourter nos débats ; elles avaient un seul but : nous permettre d'aborder le projet de loi transmis par l'Assemblée nationale et de procéder à son examen approfondi. Il m'a semblé que nous étions ainsi respectueux tant de l'article 42 de notre Constitution que de l'article 42 de notre règlement.
Autant l'opposition doit pouvoir pleinement s'exprimer, autant il me semblerait choquant que la minorité du Sénat puisse imposer à sa majorité l'ordre du jour de ses travaux, en l'espèce l'examen d'une sorte de longue motion déclarative en lieu et place du projet de loi inscrit à l'ordre du jour de la session extraordinaire.
Il n'est naturellement pas interdit à l'opposition de proposer un contre-projet.
La majorité de notre commission l'a fait par le passé sur des textes comme le projet de loi portant création de la couverture maladie universelle, par exemple,...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ça, c'est vrai !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. ... pour lequel elle avait proposé un dispositif alternatif, cohérent et opératoire.
Lorqu'on examine les amendements déposés par l'opposition sur le présent projet de loi, il est difficile d'y voir un contre-projet, fût-il aux antipodes du texte du Gouvernement.
Ces amendements traduisent, en revanche, une procédure parallèle.
Ainsi, le groupe CRC a-t-il déposé 650 amendements. J'observe qu'il n'y a là rien d'excessif, puisque cela représente environ six amendements par article de projet de loi.
Quant au groupe socialiste, il n'en a déposé que 200, faisant ainsi jeu égal avec la majorité du Sénat, commission comprise. Cela montre que, si nos collègues de la majorité on été quelque peu désemparés par la logorrhée de l'opposition, ils n'en ont pas moins entendu pleinement participer au débat.
Mais ce qui est significatif, c'est que, sur les 650 amendements déposés par le groupe CRC, 450 étaient des amendements portant articles additionnels ou supprimant les articles du projet de loi, en totalité ou par paragraphes ou par alinéas.
Il en va peu différemment des amendements du groupe socialiste. Sur 200 amendements déposés, 120 étaient des amendements de suppression ou portant articles additionnels.
Ainsi, le propos des groupes de l'opposition s'est croisé avec celui du projet de loi sans guère le rencontrer, ne serait-ce que pour en contester le dispositif.
M. Claude Estier. C'est le propre des propositions alternatives !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Dans ces conditions, nous avons seulement voulu faire en sorte que l'on examine le projet de loi.
De fait, je vous le rappelle, à l'issue de la première semaine, nous achevions l'examen de l'article 16, là où l'Assemblée nationale, dans la nuit du samedi de sa première semaine de discussion, en était encore à examiner les articles additionnels avant l'article 1er. En fin de deuxième semaine, l'Assemblée nationale avait voté l'article 9. Au cours des trois derniers jours de débat, du 30 juin au 2 juillet, l'Assemblée nationale a examiné autant d'articles qu'au cours des trois semaines précédentes. Etait-ce une bonne solution ?
Nous avons essayé de faire un peu mieux au Sénat en étant plus méthodiques.
Je voudrais, à ce stade, exprimer le regret que, sur un sujet de cette importance, les différents groupes parlementaires n'aient pu, sinon aboutir à un consensus, du moins se retrouver sur quelques vérités d'évidence, quitte à diverger sur les options lourdes.
Mais je ne suis pas, pour autant, pessimiste quant à l'avenir de la réforme.
De même que le gouvernement Jospin n'est pas revenu sur la réforme Balladur de 1993, alors même qu'elle relevait de mesures simplement réglementaires - Lionel Jospin l'a même qualifiée d'« absolue nécessité » -, de même, je le pense, quels que soient les gouvernements qui seront au pouvoir au cours des prochaines années, ils feront vivre la réforme que nous allons voter, quitte à utiliser les différents rendez-vous qu'elle comporte pour en infléchir le rythme au regard de la situation économique, sociale et financière qui sera alors celle de notre pays.
Le premier secrétaire du parti socialiste a pris, voilà quelques semaines, l'engagement, que vous avez renouvelé, monsieur Estier, de « retirer » la réforme dans l'hypothèse où la gauche reviendrait au pouvoir. Ainsi, après n'avoir rien fait, le parti socialiste promet en quelque sorte de défaire ce qui aura été fait par d'autres.
Néanmoins, mes chers collègues, je prends d'ores et déjà le pari que cet engagement ne sera pas tenu, quand bien même une alternance mettrait M. Hollande en situation de le réaliser.
M. Dominique Braye. Ce n'est pas possible !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je veux terminer mon propos en vous remerciant tous, mes chers collègues, de votre présence assidue tout au long de ce débat. Merci à tous ceux qui l'ont fait vivre, quelles que soient les travées où ils siègent dans cet hémicycle.
Merci à nos rapporteurs, Adrien Gouteyron et Dominique Leclerc, pour la qualité de leur travail.
Merci aussi aux ministres, François Fillon et Jean-Paul Delevoye, pour ce texte d'équilibre, ce texte progressif, mais néanmoins très dynamique, ce texte qu'attendent tous les Français.
Enfin, permettez-moi, après avoir salué le travail extraordinaire de nos présidents de séance, de remercier, comme l'a fait M. le rapporteur, nos collaborateurs qui ont accompli un lourd travail.
J'aurai, en particulier, une pensée reconnaissante - il en sera certainement fâché - pour le chef du secrétariat de la commission des affaires sociales, qui, après des années passées au service de celle-ci, va la quitter à l'issue de ce débat pour, s'il en existe, de plus hautes fonctions. (Sourires et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
n° 228
:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Pour | 204 |
Contre | 113 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de ce long débat, je souhaite adresser tous mes remerciements au Sénat.
Le débat a été dense. Il aura permis de constater que l'addition de centaines d'amendements ne constitue pas un projet alternatif. Il aura surtout permis de distinguer nos différences sur l'avenir de notre modèle social.
Selon le Gouvernement et sa majorité, ce modèle doit être adopté pour ne pas s'affaisser. Dans la perspective de cette rénovation, nous mettons l'accent sur le travail, sur l'effort et sur la responsabilité collective.
A gauche, l'urgence de cette adaptation n'est pas ressentie avec la même acuité. Face aux enjeux auxquels notre modèle social doit répondre, les solutions passent essentiellement à ses yeux par des prélèvements ou des taxes de toutes sortes. Cette option strictement fiscale n'est pas à la hauteur de l'enjeu et n'est pas, à nos yeux, raisonnable sur le plan économique. Ce n'est pas en handicapant notre économie que l'on améliorera le sort de notre contrat social.
L'équilibre entre la production de richesses, la compétitivité et la solidarité doit être subtilement maintenu parce que ce sont là, en vérité, des objectifs convergents.
Mais surtout, l'option défendue par l'opposition a pour principal défaut de détourner les Français des défis qui sont devant eux. A force de laisser croire qu'il n'y a qu'à trouver l'argent pour financer le statu quo, nous passons à côté de la nécessaire mutation des esprits et des pratiques que nous impose le xxe siècle.
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Claude Estier. Caricature !
M. François Fillon, ministre. A l'inverse, cette réforme est porteuse d'une pédagogie courageuse. A travers elle, un message est en effet lancé à nos concitoyens : si nous voulons préserver notre modèle social, nous n'avons pas d'autre choix que de nous retrousser les manches.
Ce message, je le sais, n'est pas toujours aisé à adresser, ni agréable à entendre. Mais je préfère dire la vérité aujourd'hui plutôt que de voir demain notre pacte social percuté par la brutalité des faits. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, à côté de ces différences d'appréciation, l'opposition et le Gouvernement ont aussi trouvé des points de convergence : la défense de la répartition nous rapproche ; nous nous retrouvons aussi sur l'importance des négociations à venir, concernant la pénibilité ; nous partageons enfin la conviction qu'il conviendra, tout au long des prochaines années, de faire évoluer les pratiques professionnelles, les comportements culturels et les relations sociales au sein de l'entreprise,...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Là, il y a à faire !
M. François Fillon, ministre. ... afin que le marché de l'emploi soit plus ouvert, plus riche et plus stimulant à tous les âges de la vie.
Voilà ce que notre débat aura utilement révélé. Chacun y a pris ses responsabilités. Pour notre part, nous avons, avec la majorité, fait notre devoir : nous avons sécurisé l'avenir des retraites.
Je tiens à remercier chaleureusement chacune et chacun des membres de la majorité sénatoriale. Celle-ci s'est montrée déterminée, elle a su tenir son cap tout en enrichissant de ses propositions notre projet de loi.
J'adresse aussi mes remerciements au président du Sénat, M. Christian Poncelet, et aux vice-présidents qui ont veillé au bon déroulement de nos travaux.
Je veux saluer l'apport déterminant du rapporteur de la commission des affaires sociales, M. Dominique Leclerc, qui a su avec précision, calme et ouverture d'esprit, éclairer cette réforme.
Mme Nelly Olin. Oui !
M. François Fillon, ministre. Quant au président de la commission des affaires sociales, M. Nicolas About, je tiens à lui dire combien j'ai apprécié sa collaboration : il a su introduire une véritable méthode dans ce débat, évitant ainsi l'enlisement, en particulier lors de la discussion d'articles additionnels qui avaient pour objet de nous détourner du projet lui-même.
Je remercie chaleureusement M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis de la commission des finances, pour la rigueur de son jugement et pour sa contribution au débat, ainsi que M. Marcel-Pierre Cléach, qui s'est exprimé au nom de la délégation du Sénat aux droits des femmes et qui est aussi, vous le savez, sénateur de la Sarthe. (Sourires.)
Cette réforme des retraites constituait un engagement du Président de la République : nous l'avons respecté en surmontant les craintes politiques et les conservatismes puissants qui entouraient ce dossier.
Cette réforme réclamait de la fermeté parce qu'il est des sujets sur lesquels l'intérêt national l'exige. Elle réclamait aussi un dialogue approfondi dont M. Jean-Paul Delevoye et moi-même avons mesuré les difficultés, mais aussi et surtout les potentialités.
Ce dialogue est le fruit d'une méthode, qui doit être approfondie à l'occasion d'une rénovation de notre démocratie sociale, car je vous proposerai prochainement d'en moderniser les bases.
Cette réforme, nous l'avons portée non seulement ensemble, mais aussi avec le concours de personnalités du monde syndical, de la scène politique ou de la société civile qui ne sont donc pas toutes issues de nos rangs. C'est l'un des mérites de ce projet que de transcender les clivages habituels.
Avec le temps, ce projet apparaîtra tel qu'il est : ni partisan ni dogmatique, mais inspiré par l'intérêt général. Equilibré et évolutif, il engage un processus de sécurisation de nos retraites pour les vingt prochaines années, qu'il va falloir accompagner et sans doute ajuster au regard de l'évolution des données. C'est tout l'intérêt du pilotage en continu et des rendez-vous réguliers qu'institutionnalise notre dispositif.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Président de la République avait fixé les axes de cette réforme. Certains doutaient de notre détermination et pariaient sur notre échec. Ils ont eu tort. Nous avons tenu notre cap, nous avons respecté notre calendrier et notre méthode.
Grâce à votre concours, avec MM. Raffarin et Delevoye, je peux dire à nos concitoyens : le Sénat a voté la réforme des retraites. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Gournac. Bravo !
M. le président. Nous voici parvenus au terme d'un débat approfondi, dense, intense, sur un sujet de société qui engage les années à venir.
Tout au long des dix jours de séance, nous avons pu enregistrer sur toutes les travées une assiduité tout à fait remarquable en cette période estivale.
Remercions, à notre tour, la commission des affaires sociales, tout particulièrement son président, Nicolas About, très présent le jour et la nuit, et la commission des finances, mais aussi les deux rapporteurs, MM. Dominique Leclerc et Adrien Gouteyron, qui ont beaucoup et bien travaillé, dans les délais impartis par l'actualité.
Je voudrais saluer le travail efficace et précieux des collaborateurs de ces deux commissions.
Je voudrais aussi saluer la résistance physique des comptes rendus analytiques, du compte rendu intégral, des collaborateurs des groupes et de l'ensemble du personnel du Sénat, dont celui du service de la séance. (Applaudissements.)
Les deux ministres, MM. François Fillon et Jean-Paul Delevoye, auront été présents, parfois ensemble, tout au long des dix jours de débat. Chacun d'entre nous aura pu apprécier leur faculté d'écoute. Leurs explications, leurs réponses toujours complètes, auront été précieuses pour mieux comprendre les enjeux de la réforme. Nous devons leur exprimer notre reconnaissance, sans oublier tous leurs collaborateurs, qui, eux non plus, n'ont pas ménagé leur peine. (Applaudissements.)
Mais la session extraordinaire n'est pas terminée. Nous pourrons néanmoins profiter d'un week-end complet pour reprendre des forces et aborder dans les meilleures conditions la prochaine semaine de travail, avec un ordre du jour presque aussi chargé.
Mais à chaque jour son plaisir.
Goûtons, aujourd'hui, celui d'avoir achevé dans la sérénité la première lecture d'un texte d'importance, avec le sentiment partagé sur toutes les travées du devoir accompli. (Applaudissement sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)