COMMUNICATION RELATIVE
À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 7 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
RÉFORME DES RETRAITES
Suite de la discussion
d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant réforme de retraites.
Dans la suite de la discussion des articles, nous poursuivons l'examen de l'article 5, dont je rappelle les termes.
M. le président. « Art. 5. - I. - La durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une pension de retraite au taux plein et la durée des services et bonifications nécessaire pour obtenir le pourcentage maximum d'une pension civile ou militaire de retraite applicables, respectivement, aux personnes mentionnées au V et au V bis évoluent de manière à maintenir constant, jusqu'en 2020, le rapport constaté, à la date de publication de la présente loi, entre ces durées et la durée moyenne de retraite.
La durée moyenne de retraite s'entend, pour une année civile donnée, de l'espérance de vie à l'âge de soixante ans telle qu'estimée cinq ans auparavant, dont est retranché l'écart existant entre la durée d'assurance ou la durée des services et bonifications mentionnée à l'alinéa précédent pour l'année considérée et celle de cent soixante trimestres résultant des dispositions de la présente loi pour l'année 2008.
« II. - Avant le 1er janvier 2008, le Gouvernement élabore un rapport faisant apparaître :
« 1° L'évolution du taux d'activité des personnes de plus de cinquante ans ;
« 2° L'évolution de la situation financière des régimes de retraite ;
« 3° L'évolution de la situation de l'emploi ;
« 4° Un examen d'ensemble des paramètres de financement des régimes de retraite.
« Ce rapport est rendu public et transmis au Parlement.
« III. - A compter de 2009, la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une pension de retraite au taux plein et la durée des services et bonifications nécessaire pour obtenir le pourcentage maximum d'une pension civile ou militaire de retraite sont majorées d'un trimestre par année pour atteindre quarante et une annuités en 2012 sauf si, au vu du rapport mentionné au II, un décret pris après avis, rendus publics, du Conseil d'orientation des retraites et de la Commission de garantie des retraites modifie ces échéances.
« IV. - Un rapport est élaboré, dans les mêmes conditions que celles prévues au II, avant le 1er janvier 2012 et avant le 1er janvier 2016. Chacun de ces documents fait en outre apparaître, selon des modalités de calcul précisées par décret en Conseil d'Etat, l'évolution prévisible, pour les cinq années à venir, du rapport entre la durée d'assurance ou la durée de services et bonifications et la durée moyenne de retraite.
« Au vu des éléments contenus dans ces rapports, les durées d'assurance ou de services et bonifications permettant d'assurer le respect de la règle fixée au I sont fixées par décret, pris après avis, rendus publics, du Conseil d'orientation des retraites et de la Commission de garantie des retraites :
« 1° Avant le 1er juillet 2012, pour les années 2013, 2014, 2015 et 2016 ;
« 2° Avant le 1er juillet 2016, pour les années 2017, 2018, 2019 et 2020.
« V. - La durée de l'assurance requise des assurés relevant du régime général d'assurance vieillesse, de l'assurance vieillesse des travailleurs salariés des professions agricoles ou de l'assurance vieillesse des professions mentionnées à l'article L. 621-3 du code de la sécurité sociale, pour l'obtention d'une pension au taux plein, est celle qui est en vigueur, en application du présent article, lorsqu'ils atteignent l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1 du même code.
« V. bis - La durée des services et bonifications exigée des fonctionnaires de l'Etat et des militaires pour obtenir le pourcentage maximum d'une pension civile ou militaire de retraite est celle qui est en vigueur lorsqu'ils atteignent l'âge auquel ou l'année au cours de laquelle ils remplissent les conditions de liquidation d'une pension en application des articles L. 24 et L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans leur rédaction issue de la présente loi. Cette durée s'applique également aux fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et aux ouvriers des établissements industriels de l'Etat.
« VI. - Il est créé une Commission de garantie des retraites, chargée de veiller à la mise en oeuvre des dispositions du présent article.
« La Commision est présidée par le vice-président du Conseil d'Etat. Elle comprend en outre le président du Conseil économique et social, le premier président de la Cour des comptes et le président du Conseil d'orientation des retraites.
« Les règles de fonctionnement de la commission sont fixées par décret.
« VII. - L'article L. 136-2 du code du travail est complété par un 9° ainsi rédigé :
« 9° De suivre annuellement l'évolution du taux d'activité des personnes de plus de cinquante ans afin de faire au ministre chargé du travail toute proposition de nature à favoriser leur maintien ou leur retour dans l'emploi. »
« VIII. - Préalablement à la rédaction des rapports cités au II et au IV, est organisée une conférence tripartite rassemblant l'Etat, les représentants des salariés et les représentants des employeurs pour examiner les problèmatiques liées à l'emploi des personnes de plus de cinquante ans. »
Au sein de cet article, nous en sommes parvenus à l'amendement n° 894, présenté par MM. Estier, Domeizel et Godefroy, Mmes Herviaux, Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, et qui est ainsi libellé :
« A la fin du 3° du paragraphe II de cet article, insérer le membre de phrase suivant : ", notamment concernant les jeunes et les salariés âgés de plus de cinquante ans ;". »
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Dans l'après-midi, au moment de la présentation de l'article 5, la clôture de la discussion a été demandée. J'avais préparé une intervention mais étant le dernier à avoir demandé la parole sur cet article, je n'ai donc pas pu m'exprimer. Aussi, alors que nous venons de reprendre nos travaux, je vais faire comme si nous étions au début de l'examen de l'article 5, comme si j'avais appuyé sur la touche d'un magnétoscope pour revenir en arrière : nous sommes donc à l'article 5.
« Le financement des retraites : le temps du courage est venu. L'équilibre financier des régimes privés a été jusqu'ici préservé grâce aux décisions courageuses prises en 1993. Il n'en est pas de même des régimes publics. » Mes collègues du groupe socialiste doivent se demander si j'ai perdu la tête ! Ce que je viens de vous lire, je l'ai tiré d'une brochure du MEDEF que vous avez sans doute reçue : Cartes sur table 2003...
M. Alain Gournac. M. Domeizel fait de la pub !
M. Claude Domeizel. ... dans laquelle il nous est expliqué quelle est la situation. Je l'ai lue avec beaucoup d'attention. A propos des retraites, le MEDEF poursuit : « Il faut mettre très vite en oeuvre des mécanismes d'incitation à la prolongation de l'activité. Il faut établir une véritable équité entre les salariés du secteur privé et les salariés du secteur public. Il faut garantir la pérennité des régimes de base par répartition tout en ouvrant la possibilité des systèmes complémentaires sous forme de fonds de pension, à l'instar de la plupart des autres pays européens, qui ont décidé de réformer leur système de retraite, toujours avec les formules de capitalisation. Les incitations fiscales et sociales dont bénéficie la PREFON ne doivent pas être réservées aux seuls fonctionnaires. La pérennité de ces derniers dépendra de la rapidité de la mise en oeuvre des réformes. »
C'est le résumé de toute la loi que le MEDEF nous a envoyé ! Si j'ai voulu m'exprimer sur l'article 5, c'est parce que cet article est finalement le premier d'une série de mesures qui ont été édictées par le MEDEF.
J'en viens à l'amendement n° 894. Vous proposez au 3° du II de l'article 5 qu'avant le 1er janvier 2008 le Gouvernement élabore un rapport faisant apparaître « l'évolution de la situation de l'emploi ». Nous souhaitons compléter cet alinéa 3° par le membre de phrase suivant : « , notamment concernant les jeunes et les salariés âgés de plus de cinquante ans ; ». En effet, l'emploi des jeunes et des personnes âgées de 50 à 60 ans constitue l'un des points clés en matière de retraite, si l'on maintient la retraite à 60 ans, bien sûr.
Nous avons assez débattu de ces thèmes pour que vous compreniez l'importance et la nécessité de cet amendement, mais vous comprendrez également l'importance que nous y attachons pour que les jeunes et les salariés âgés soient pris en compte à tout moment.
M. le président. L'amendement n° 176, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Compléter in fine le dernier alinéa du II de cet article par les mots suivants : "où il donne lieu à un débat". »
La parole est à Mme Danielle Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Alors que l'article 5 prévoit la transmission d'un rapport au Parlement, il n'en prévoit pas formellement la discussion. Nous pensons pour le moins juste et nécessaire que ce rapport fasse l'objet d'un débat contradictoire constructif. Cet article 5 porte, en effet, sur le choix des enjeux de société qui nous semblent fondamentaux.
La démocratie est une exigence qu'il est toujours dangereux de contourner. C'est pourquoi son absence dans l'ensemble du processus législatif de cette réforme est préoccupante. Il n'y a eu aucun débat contradictoire. Le Gouvernement a précipité le débat au Parlement (Mme Nelly Olin s'exclame) alors qu'il n'y avait pas d'urgence et qu'il pouvait se donner au moins quelques mois pour sa réforme. Avait-il peur de voir monter trop fortement la conscience que des solutions de remplacement existent ?
Plutôt que de débattre, en donnant tous les éléments à nos concitoyens afin que ceux-ci puissent construire eux-mêmes leur propre jugement, le Gouvernement a préféré les placards publicitaires et la lettre du Premier ministre...
Mme Nelly Olin. Votre propos est excessif !
Mme Danielle Bidard-Reydet. ... pour tenter de convaincre que sa réforme était juste.
Malgré tous ces efforts de désinformation, de rejet de tout débat, votre projet de loi, monsieur le ministre, passe difficilement. Nos concitoyens savent qu'avec celui-ci ils devront travailler plus longtemps et auront des retraites plus faibles pendant que leurs enfants et leurs petits-enfants seront au chômage.
A 66 %, les Français demandent le retrait du texte ou une négociation. C'est considérable et, malgré votre désir, vous ne pouvez pas en faire abstraction. La démocratie exige le respect du fonctionnement des institutions parlementaires.
C'est pourquoi notre amendement n° 176 prévoit qu'un débat parlementaire aura lieu sur le rapport élaboré par le Gouvernement, à échéance du 1er janvier 2008.
M. le président. L'amendement n° 35, présenté par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Compléter le II de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° Les conséquences de l'indexation sur les prix des coefficients de revalorisation des salaires reportés au compte des assurés sociaux relevant du régime général. »
La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Cet amendement porte sur les conséquences du mode d'indexation. Depuis 1993, la réforme de notre système de retraite s'appuie, comme nous le savons, principalement sur deux piliers. Le premier, c'est l'allongement de la durée de cotisation. Le second, non moins important que le premier, c'est la désindexation des pensions sur l'évolution des salaires et leur revalorisation par rapport à l'évolution des prix. Cette seconde mesure implique un décrochage des pensions de retraite par rapport aux salaires, une perte de pouvoir d'achat des uns par rapport aux autres.
Depuis le 1er janvier 1994, les salaires reportés au compte des assurés sociaux relevant du régime général vieillesse sont indexés sur l'évolution prévisionnelle des prix hors tabac. Ce mode de revalorisation a pour effet de faire baisser régulièrement le taux réel de remplacement, pourtant toujours fixé à 50 %. Le présent projet de loi prévoit d'appliquer le même mode d'indexation des pensions aux régimes de la fonction publique.
Dans ce contexte, et si les pouvoirs publics entendent réellement poursuivre un objectif de clarté et de transparence, il conviendrait donc que, dans le rapport que le Gouvernement élaborera avant le 1er janvier 2008, les conséquences de ce mode d'indexation soit clairement mesurées. Il paraît en effet indispensable de compléter le rapport gouvernemental sur ce point. C'est l'objet du présent amendement. Il est un corollaire du droit à l'information individuelle reconnu pour la première fois aux assurés à l'article 8 du projet de loi. Il s'agit de mettre le texte totalement en cohérence avec lui-même et avec ses justifications.
M. le président. L'amendement n° 167, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Compléter le II de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° L'évolution des exonérations de cotisations sociales et leur impact sur les comptes de la sécurité sociale. »
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Ce deuxième amendement présenté par notre groupe vise, comme d'autres amendements que nous examinerons dans quelques instants, à compléter le texte du rapport élaboré par le Gouvernement quant à l'avenir de nos régimes de retraite.
Tout laisse à penser que ce rapport servira de matrice à la confection d'un nouveau projet de loi d'orientation sur les retraites qui prendra le relais du présent projet de loi au terme de la législature en cours.
Force est en effet de constater que les comptes sociaux ont été assez largement l'objet d'une fiscalité renforcée, puisqu'une part croissante des recettes de la protection sociale échappe aujourd'hui au principe fondateur du financement conçu comme un prélèvement sur la richesse créée.
Cette fiscalisation recouvre bien des formes, dont la plus connue est incontestablement la contribution sociale généralisée, qui finance aujourd'hui largement l'assurance maladie et, de manière marginale, l'assurance vieillesse.
Mais elle présente aussi les caractéristiques d'une prise en charge par les deniers publics des cotisations normalement dues par les entreprises, à travers de multiples dispositifs incitatifs dont il serait sans doute fastidieux de rappeler l'ensemble des éléments.
Toujours est-il, par exemple, que nous avions souligné, lors de la discussion du projet de budget pour 2003, que le montant des sommes consacrées au financement de l'action du FOREC, le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, était plus important que celui des sommes mobilisées au titre du budget du ministère du travail. Et force est de constater que cela ne devrait pas s'améliorer dans les années à venir, notamment à la lecture des dispositions du projet de loi de décentralisation, qui prévoit expressément de liquider une part déterminante des crédits d'intervention du ministère au profit d'une décentralisation de ses compétences.
Sous le bénéfice de ces observations, nous vous invitons à adopter cet amendement, qui vise à compléter le paragraphe II du présent article.
M. le président. L'amendement n° 168, présenté par Mmes Borvo, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, MM. Bret et Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mmes Luc et Mathon, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :
« Compléter le II de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« ... L'évolution des exonérations de cotisations sociales et leur impact sur l'emploi. »
La parole est à Mme Danielle Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Cet amendement porte sur les exonérations de cotisations sociales. Il s'agit de se poser la question de savoir quelles seront les conséquences de ce dispositif d'incitation sur la création d'emplois par allégement de cotisations sociales au regard de la situation des comptes sociaux.
Plusieurs observations viennent à l'esprit concernant cette question relativement essentielle.
La première de ces observations est de se demander quel est le nombre de salariés qui, d'une manière plus ou moins importante, sont sans qualification professionnelle ni formation initiale significative. Il est même à peu près acquis aujourd'hui que le niveau de qualification de nombres de salariés approche de plus en plus d'un minimum équivalent au premier diplôme de l'enseignement technique et professionnel et, en moyenne, du baccalauréat.
De la même manière, les carences de notre système de formation continue, malgré les droits souvent méconnus dont les salariés bénéficient en ce domaine, privent sans doute nombre de salariés d'une véritable reconnaissance de leurs compétences et qualifications acquises, que ce soit dans le cadre de la formation initiale ou dans celui de l'expérience professionnelle.
Or, encore une fois, les dispositifs d'exonération de cotisations sociales conduisent immanquablement à cantonner les salariés dans une situation de précarité et de non-reconnaissance de leurs qualifications professionnelles réelles.
Que l'on ne s'y trompe pas : l'existence de dispositifs d'allégement des cotisations sociales des entreprises est un facteur d'ajustement de la situation financière des entreprises, d'autant plus favorable à la rentabilité du capital que l'entreprise est une entreprise de main-d'oeuvre et qu'elle est importante.
On ne peut pas se cacher que les principaux bénéficiaires de ces dispositifs sont, par exemple, les grands groupes de la distribution, qui usent et abusent des contrats de travail à temps partiel faiblement rémunérés et qui ont, de longue date, fait de la déflation salariale un outil de gestion au même titre qu'une utilisation effrénée du crédit fournisseurs.
Nous devons donc nous demander naturellement quelle est la portée de l'ensemble de ces mesures sur la situation des comptes sociaux, et ce à plus d'un titre.
La plupart de ces mesures sont destinées, chacun le sait, à alléger le montant des cotisations calculé sur les salaires les plus faibles au motif qu'il conviendrait de développer l'emploi non qualifié pour sortir de l'assistanat des gens qui seraient, sinon, incités à rester sans activité professionnelle.
C'est un peu le fondement idéologique qui figure derrière cette incitation à embaucher des personnes ayant peu de qualifications ou dont la rémunération sera plus ou moins proche du SMIC.
Cela pose une autre question : celle de savoir si le volume et l'importance de ces exonérations de cotisations ne sont pas un obstacle, sur la durée, au développement de l'emploi qualifié et justement rémunéré.
En effet, force est de constater que ce que l'on peut appeler aujourd'hui en France les working poors...
M. Henri de Richemont. En français, s'il vous plaît !
Mme Danielle Bidard-Reydet. ... ne veut pas dire que nous sommes les travailleurs pauvres.
C'est aussi pour cela qu'il faut mesurer la portée de ces dispositifs, car ils pèsent de manière systématique sur les comptes sociaux.
M. le président. L'amendement n° 169, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Compléter le II de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° Les scenarii permettant d'accroître les recettes des régimes de retraite y compris l'élargissement de l'assiette. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Le rapport dont la publication est prévue pour 2008 doit, à notre sens, comporter quelques indications sur les modalités d'une refonte de l'assiette même des cotisations sociales.
On ne peut en effet oublier que le choix d'une assiette fondée sur la richesse créée et le choix des salaires bruts comme élément de calcul des cotisations étaient, par nature, liés à la réalité de la situation financière des entreprises de notre pays lors de la création de la sécurité sociale.
Les salaires étaient effectivement l'élément le plus directement lisible pour mesurer la capacité contributive des entreprises de l'époque. Le fait est qu'une partie des réalités sociales et économiques du pays a profondément changé. Ce changement est dû sans nul doute à la complexification, pour ne pas dire à la sophistication, des liens financiers et capitalistiques entre les entreprises, notamment dans le rapport qu'elles peuvent entretenir avec le secteur du crédit, mais aussi entre elles au travers des prises de participation ou de la détention des parts sociales.
Nous avons donc observé, sur une longue période, une évolution sensible de l'allocation de la richesse créée par le travail.
Dans le courant des années soixante-dix et jusqu'aux premières années de la décennie quatre-vingt, la part des salaires et des cotisations sociales dans la valeur ajoutée a connu une relative progression, proche de 1 % par an.
Depuis, le mouvement s'est inversé avec la montée en puissance des prélèvements correspondant tant à la charge du coût du crédit qu'à la rémunération du capital au travers de l'augmentation de la part de la valeur ajoutée qui a été tranformée en dividendes.
Dans ce contexte, nombre d'entreprises ont développé des stratégies de placements financiers à court terme destinées à alléger les contraintes du service de leur endettement, mais elles ont aussi été amenées à accroître sensiblement la part de leurs résultats consacrées à la rémunération des détenteurs du capital.
Si la tendance à la réduction de la part des salaires se prolonge dans les années à venir, c'est le socle de l'ensemble du financement de notre protection sociale solidaire qui sera mis en question.
Dans ce contexte, il importe de fournir un effort particulier pour que l'appréciation de la capacité contributive de chaque entreprise soit effectuée en fonction de l'utilisation qu'elle peut faire de la richesse créée par le travail.
Nous devons faire en sorte que soient mis en place des niveaux de cotisation plus compatibles avec l'égalité de traitement entre entreprises, comme cela a pu être le cas en matière de taxe professionnelle.
Notre amendement vise donc à appréhender, dans le cadre du rapport prévu au paragraphe II de l'article 5, la portée et la pertinence de tout calcul des cotisations sociales en fonction de la valeur ajoutée globale.
Il s'agit de faire en sorte que l'utilisation de la valeur ajoutée devienne un élément de modulation de la contribution propre de chaque entreprise, solidairement assujettie au financement de la protection sociale.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 170 est présenté par MM. Fischer, Bret et Coquelle, Mmes David, Didier et Luc et M. Renar.
L'amendement n° 171 est présenté par Mmes Demessine, Beaufils et Beaudeau, M. Foucaud, Mme Mathon, MM. Le Cam et Biarnès.
L'amendement n° 172 est présenté par Mme Borvo, M. Muzeau, Mme Bidard-Reydet, M. Ralite, Mme Terrade et M. Loridant.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
« Compléter le II de cet article par un alinéa rédigé :
« ...° L'évolution des profits et bénéfices des grandes entreprises et la part consacrée à l'investissement, l'emploi et la formation. »
La parole est à Mme Evelyne Didier, pour présenter l'amendement n° 170.
Mme Evelyne Didier. Cette série d'amendements que nous défendons sur le contenu du rapport prévu par le paragraphe II de l'article 5 nous permet de poser un certain nombre de questions qui restituent le débat des retraites dans le contexte économique.
En effet, si on le considère de manière objective, notre système de retraite par répartition constitue un facteur essentiel de développement économique et social.
Nous posons ici une question déterminante : celle de l'effort que la Nation est prête à consentir pour assurer ce droit à la retraite, dont la valeur est constitutionnelle depuis l'adoption de la constitution de novembre 1946.
Dans tous les cas de figure, c'est à partir de l'affectation d'une partie de la richesse créée par le travail que nous devons trouver les voies d'un financement équilibré, pérenne et durable de notre système de retraite. Tout autre mode de financement, fondé sur le revenu ou par la voie de l'incitation fiscale, nous paraît en effet insuffisant pour atteindre les objectifs constitutionnels qui figurent en toutes lettres dans le socle du pacte républicain.
C'est pourquoi nous ne pouvons considérer le devenir du financement de notre système solidaire de retraite par répartition sans appréhension de la réalité de la richesse créée par le travail, notamment dans les entreprises où les décisions de gestion sont prises en fonction de paramètres où la rentabilité fait peu de cas de l'éthique.
Vous nous permettrez, par ailleurs, de nous interroger dès maintenant sur la portée des mesures que le présent projet de loi entend promouvoir en termes d'épargne retraite, la constitution de tels dispositifs conduisant naturellement à peser encore et toujours sur les salaires, en vue d'assurer la rentabilité relative des plans d'épargne souscrits.
On ne peut donc raisonnablement envisager le devenir de notre régime de retraite par répartition sans appréhender la question globale de l'utilisation de l'argent dans les entreprises, ce à quoi tend cet amendement visant à intégrer ce paramètre dans les attendus du rapport public prévu pour 2008.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour présenter l'amendement n° 171.
Mme Michelle Demessine. Par cet amendement, nous proposons qu'un rapport sur le thème de l'évolution des profits et bénéfices des grandes entreprises et de la part consacrée à l'investissement, l'emploi et la formation soit élaboré par le Gouvernement avant le 1er janvier 2008.
Nous l'avons dit et démontré, votre projet de réforme ne permettra pas de sauver les régimes de retraite par répartition. Il ne permettra pas d'assurer un financement de bon niveau, c'est-à-dire un financement durable.
Dans cette situation, les critères que vous voulez voir intégrés dans le rapport gouvernemental ne pourront que mettre en évidence une situation dégradée et seront utilisés pour légitimer des décisions qui détérioreront encore plus l'avenir des retraites. Nous allons nous enfoncer alors dans un véritable cercle vicieux.
Prenons le taux d'activité des personnes de plus de 50 ans, qui est aujourd'hui extrêmement faible. Les responsables en sont les entreprises, qui préfèrent licencier en priorité ou ne pas embaucher les personnes âgées de plus de 50 ans.
Face aux perspectives désastreuses pour la croissance, comment envisager que la situation change sans changer résolument de braquet, à moins peut-être d'intégrer les emplois baptisés « seniors » pour leur donner une meilleure image ? Mais ce serait une tromperie, puisque ce sont les régimes de retraite, et non les entreprises, qui paieront l'essentiel de leurs rémunérations.
L'évolution de la situation financière des régimes de retraite dépendra, pour une part essentielle, de la situation de l'emploi, du taux de chômage et donc aussi des rentrées de cotisations, sachant que vous souhaitez que ces dernières continuent de reposer sur le seul travail.
Un de ces éléments sera la situation de l'emploi. Si vous constatez que l'emploi se porte mieux, allez-vous diminuer les cotisations des salariés ou augmenter les retraites ? Dans le cas contraire, allez-vous allonger encore plus la durée de cotisation et diminuer les pensions ?
Vous mentionnez, parmi les notions devant figurer dans le rapport, « un élément d'ensemble des paramètres de financement des régimes de retraite ». Quels paramètres ? Les paramètres actuels, qui sont insuffisants et injustes à l'égard des salariés et des futurs retraités ?
Le problème est qu'il manquera un élément essentiel dans votre rapport : celui que nous proposons dans notre amendement, à savoir « l'évolution des profits et bénéfices des grandes entreprises et de la part consacrée à l'investissement, l'emploi et la formation ». Ce paramètre est intéressant pour mesurer l'ensemble de la situation et prendre de bonnes décisions pour l'avenir.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 172.
M. Roland Muzeau. Il est défendu.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 177 est présenté par MM. Fischer, Bret et Coquelle, Mmes David, Didier et Luc et M. Renar.
L'amendement n° 178 est présenté par Mmes Demessine, Beaufils et Beaudeau, M. Foucaud, Mme Mathon, MM. Le Cam et Biarnès.
L'amendement n° 179 est présenté par Mme Borvo, M. Muzeau, Mme Bidard-Reydet, M. Ralite, Mme Terrade et M. Loridant.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer le III de cet article. »
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 177.
Mme Annie David. Le paragraphe III de l'article 5 porte sur la question essentielle de l'allongement de la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d'une retraite à taux plein. Il s'agit clairement de porter progressivement à quarante et une le nombre d'anuités requis pour pouvoir liquider une retraite à taux plein. La mesure interviendra en 2012, ce qui signifie qu'elle touchera les aspirants retraités nés à partir de 1952.
Le rapport créé entre allongement de la durée d'assurance et exercice du droit à pension est, à l'évidence, étroitement lié à la question de l'espérance de vie.
S'agit-il aujourd'hui de faire en sorte que ce qui constitue l'une des caractéristiques du progrès social, c'est-à-dire l'allongement de la durée de la vie, devienne paradoxalement un facteur de recul social en ce qu'il remettrait en question la mise en oeuvre de la solidarité intergénérationnelle ? C'est pourtant ce que le texte du Gouvernement préconise, dans le droit-fil de l'idéologie individualiste qui sous-tend l'ensemble du projet de loi.
Allonger aujourd'hui la durée de cotisation nécessaire pour valoriser ses droits à pension est le plus sûr moyen de maintenir, voire de développer l'inégalité dans l'exercice de ce droit. En effet, l'espérance de vie et donc le versement d'une pension ou d'une retraite sur une durée plus ou moins longue sont particulièrement contrastés selon les secteurs d'activité et les expériences professionnelles.
Allonger la durée de cotisation est le plus sûr moyen de priver les ouvriers du bâtiment et des travaux publics, les travailleurs postés dans leur ensemble, les ouvriers ou exploitants agricoles, de tout droit véritable au bénéfice de la retraite parce que leur espérance de vie est plus faible que celle des autres catégories professionnelles.
Allonger la durée de cotisation, c'est organiser la solidarité intergénérationnelle et interprofessionnelle à l'envers.
Nous sommes effectivement en présence d'un choix de société : celui qui est fondé sur une acceptation plus ou moins tacite des inégalités devant la retraite, comme il en existe devant la santé ou dans le travail.
Vous comprendrez donc aisément que nous préconisions la suppression pure et simple du paragraphe III de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour défendre l'amendement n° 178.
Mme Michelle Demessine. L'article 5, dans son paragraphe III, prévoit l'allongement de la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une pension de retraite à taux plein et celle de la durée des services et bonifications nécessaire pour obtenir le pourcentage maximum d'une pension civile ou militaire de retraite. Autrement dit, vous alignez par le bas le public sur le privé.
Il faudra donc aux futurs retraités, qu'ils soient du public ou du privé, travailler plus longtemps, jusqu'à quarante et une annuités en 2009.
C'est la remise en cause du principe de la retraite à 60 ans. Qui, en effet, va pouvoir faire un minimum d'études, passer un minimum de temps à trouver un emploi et réussir à travailler pendant quarante et une années avant de partir à 60 ans en retraite ?
C'est pénaliser tous les jeunes qui poursuivent les études nécessaires pour répondre aux exigences de notre époque, mais à qui les employeurs ne permettent pas de pénétrer dans l'entreprise avant des mois, parfois des années.
C'est pénaliser les femmes qui doivent élever leurs enfants, celles qui travaillent à temps partiel d'une manière contrainte, celles qui sont moins payées que les hommes à qualification égale : leur situation va se trouver aggravée, monsieur le ministre, par votre réforme.
C'est pénaliser tous ces salariés, hommes ou femmes, qui font l'objet d'un licenciement ou qui sont traînés d'entreprise en entreprise avec des contrats précaires.
Il est clair que, dans les faits, il leur manquera des trimestres de cotisation, ce qui, ajouté au système de décote, les obligera à vivre avec des retraites extrêmement faibles.
Vous avez ici même, monsieur le ministre, à l'ouverture de notre débat, tenu ces propos : « Nous ne pouvons pas nous permettre d'encourager le départ anticipé des salariés âgés, qu'il s'agit de limiter aux métiers les plus pénibles et de réserver aux plans sociaux lorsque la survie de l'entreprise est en jeu. » Vous évoquiez alors les dispositifs de préretraite, qui, je le rappelle, ont permis de financer des licenciements et des restructurations sur fonds publics.
C'est pénaliser les femmes qui doivent élever leurs enfants, celles qui travaillent à temps partiel d'une manière contrainte, qui sont moins payées que les hommes à qualification égale et dont la situation va se trouver aggravée, monsieur le ministre, par votre projet de réforme.
C'est pénaliser tous ces salariés, hommes ou femmes, qui font l'objet d'un licenciement ou qui sont traînés d'entreprise en entreprise avec des contrats précaires.
il est clair que, dans les faits, il leur manquera des trimestres de cotisation, ce qui, ajouté au système de décote, les obligera à vivre avec des retraites extrêmement faibles.
Vous avez ici même, monsieur le ministre, à l'ouverture de notre débat, tenu ces propos : « nous ne pouvons pas nous permettre d'encourager le départ anticipé des salariés âgés qu'il s'agit de limiter aux métiers les plus pénibles et réserver aux plans sociaux lorsque la survie de l'entreprise est en jeu. » Vous évoquiez alors les dispositifs de préretraite, qui, je le rappelle, ont permis de financer des licenciements et des restructurations sur des fonds publics.
Mais vous parlez de maintenir ces dispositifs pour « les plans sociaux vitaux pour l'entreprise ». Qu'est-ce qui est vital pour les entreprises qui licencient, qui ferment, non pas parce qu'elles n'ont plus les moyens de poursuivre leur activité, mais parce qu'elles considèrent qu'elles ne sont plus assez compétitives, qu'elles ne font plus suffisamment de profits ? Pourquoi ne pas permettre aux salariés de dire leur mot sur ce critère de viabilité ? Pourquoi avoir suspendu les dispositions antilicenciements de la loi de modernisation sociale ?
« La diminution du chômage à long terme est indispensable à la sauvegarde de notre système de retraite par répartition », avez-vous également dit, monsieur le ministre. J'ajoute, pour ma part, que de bons salaires sont également indispensables.
Mais on voit bien, au travers de l'ensemble de votre politique, que vous n'avez pas vraiment l'intention de favoriser l'emploi - dans le public comme dans le privé -, ce qui ne manquera pas de vous mettre devant des contradictions.
Le paragraphe III de l'article 5 prévoit qu'au vu du rapport gouvernemental un décret peut modifier les échéances prévues pour l'allongement de la durée de cotisation, après avis du Conseil d'orientation des retraites et de la Commission de garantie des retraites.
Autrement dit, rien, dans le texte, ne garantit que l'allongement de la durée de cotisation n'interviendra pas dans des délais plus brefs que ceux qui sont mentionnés dans ce même article. Cela montre combien votre projet de loi, monsieur le ministre, laisse la part belle à des décisisons ultérieures gravissimes pour les salariés et futurs retraités.
Toutes ces raisons justifient notre amendement de suppression.
Mme Nelly Olin. Eh oui ! Pour vous, préparer l'avenir, c'est ne rien faire !
M. le président. La parole est à Mme Danielle Bidard-Reydet, pour défendre l'amendement n° 179.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Le 15 novembre dernier, dans sa lettre de saisine, M. le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, s'inquiétait d'une « relative dépréciation du travail et des vertus qui y étaient traditionnellement attachées » demandant au Conseil économique et social « d'explorer les voies et moyens propres à mieux valoriser la fonction sociale du travail ».
Depuis son entrée en fonctions, le Gouvernement a bien montré sa conception du travail. Sous prétexte de maintenir la compétivité des entreprises, il martèle l'idée selon laquelle « les Français doivent travailler plus ». On l'a vu sur le dossier des 35 heures, remises en cause par le jeu des heures supplémentaires libéralisées. On le voit sur ce dossier des retraites.
Les décisions concrètes que vous avez prises et celles que vous vous apprêtez à prendre, monsieur le ministre, éclairent le sens de ce que le Premier ministre et vous-même appelez la « revalorisation du travail ».
La vérité, c'est que le travail est traité par le Gouvernement comme une variable financière d'ajustement, permettant de préserver les profits, seule valeur qui semble réellement intéresser le président du MEDEF, le baron Seillière.
Vous oubliez qu'il s'agit de la vie de femmes et d'hommes, et non d'un quelconque critère comptable, tant il est vrai que votre logique ultralibérale n'a pas pour visée l'émancipation des êtres humains, mais l'argent, et cela au seul bénéfice d'une minorité. C'est donc bien la question d'un choix de société qui est posée. Le pays entend-il se donner les moyens de financer les retraites à l'heure où l'espérance de vie progresse ?
C'est bien le refus d'une telle société qui s'est manifesté durant ce printemps. C'est bien cette conception du travail, et donc des retraites, que contestent des millions de nos concitoyennes et de nos concitoyens, solidaires des manifestants. Ils sont 66 % à demander le retrait du texte ou une nouvelle négociation, mais vous refusez de les entendre.
Les salariés du secteur privé ont pourtant déjà fait l'expérience d'un départ plus tardif en retraite puisque les décrets Balladur ont fait passer la durée de leurs cotisations à quarante annuités. Cependant, dès lors que rien n'avait été fait pour modifier et élargir l'assiette des cotisations, cette mesure n'a absolumment par réglé le problème posé par le financement des retraites. Il faut aujourd'hui trouver d'autres solutions, mais vous vous contentez de proposer les mêmes solutions, et en les aggravant nettement. C'est un engrenage néfaste et dangereux dans lequel vous engagez la société tout entière pour les décennies à venir. Des milliers de Françaises et de Français ne l'acceptent pas. Nous non plus ! C'est pourquoi nous défendons cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 203, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« Au III de cet article, après les mots : "en 2012", rédiger comme suit la fin de cet article : "sauf si, au regard des évolutions présentées par le rapport mentionné au II et de la règle fixée au I, un décret pris après avis de la commission de garantie des retraites et du Conseil d'orientation des retraites ajuste le calendrier de mise en oeuvre de cette majoration." »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Le présent amendement a pour objet de préciser l'étendue du pouvoir réglementaire. Ce dernier est en effet invité à intervenir afin d'ajuster l'augmentation de la durée de cotisation en tenant compte, d'une part, du principe fixé au I - c'est le principe général du ratio temps de travail/temps de retraite -, d'autre part, des évolutions macro-économiques et financières figurant dans le rapport du Gouvernement établi sur la base des travaux du COR.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 180 est présenté par MM. Fischer, Bret et Coquelle, Mmes David, Didier et Luc et M. Renar.
L'amendement n° 181 est présenté par Mmes Demessine, Beaufils et Beaudeau, M. Foucaud, Mme Mathon, MM. Le Cam et Biarnès.
L'amendement n° 182 est présenté par Mme Borvo, M. Muzeau, Mme Bidard-Reydet, M. Ralite, Mme Terrade et M. Loridant.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer le IV de cet article. »
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 180.
Mme Annie David. Le paragraphe IV de l'article 5 constitue, à première vue, la déclinaison pour l'avenir du même processus que celui qui est inscrit dans le texte du paragraphe II : le Gouvernement nous propose une fois de plus de réaliser un rapport pour poser à nouveau la question du financement de notre système de retraite par répartition.
Il reproduit, en effet, les dispositions du paragraphe II du présent article proposant que soit réexaminée la question du financement des retraites de la même manière qu'elle aura pu être réalisée en 2008.
Ainsi, tous les cinq ans, nous aurons à discuter de la qualité des droits ouverts pour l'ensemble des retraités et assurés sociaux en faisant comme si les scénarios retenus par le projet de loi pour le devenir de l'activité économique et de l'emploi devaient tous converger vers la même constatation, celle de l'incapacité, pour la collectivité, à assumer le financement de prestations du même ordre que celles qui étaient antérieurement servies compte tenu de la situation économique considérée comme tendue du fait de la globalisation ou de la mondialisation.
Ce paragraphe IV nous fournirait en l'état une forme de pédagogie du renoncement, une sorte de fatalisme devant les effets prétendument irrémédiables de la transition démographique conduisant inexorablement au vieillissement de la population et à la détérioration du ratio actifs/retraités.
Une telle perspective, pour le moins sombre, appelle d'autres solutions que celles qui sont préconisées en termes d'ajustement du montant et des modalités de versement des prestations servies.
En effet, c'est encore une fois un décret pris après avis du Conseil d'orientation des retraites et de la Commission de garantie des retraites qui permettrait au Gouvernement de décider de l'allongement complémentaire de la durée de cotisation.
Ainsi donc, alors même que la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale fait obligation au Gouvernement de soumettre à leur discussion les objectifs quantifiés de recettes, de dépenses et d'équilibre des différentes branches de la protection sociale, le Parlement n'aurait plus que le droit d'être informé des paramètres conduisant le Gouvernement à ajuster en tant que de besoin les conditions générales d'exercice du droit à la retraite.
Nous nous trouvons donc devant le cas typique d'un article privant la représentation nationale de sa capacité à légiférer en toute connaissance de cause, tandis que cet autoritarisme renforcé viserait concrètement à faire de notre système par répartition une peau de chagrin.
Ce paragraphe IV inscrit en effet dans la durée le recul de société que constitue la pleine application des dispositions de cette réforme des retraites. Disons-le encore une fois : en polarisant la question du devenir de notre système de retraite sur les seuls contraintes démographiques, on dédouane un peu facilement les responsables de la déperdition de ressources que sont les entreprises qui licencient, qui persistent à ne pas reconnaître la qualification réelle des salariés et à pratiquer des politiques salariales malthusiennes.
Ce sont, en vérité, la croissance et l'emploi qui sont au coeur du pacte solidaire de financement de la protection sociale et, singulièrement, de nos régimes de retraite par répartition.
Réduire aujourd'hui le revenu des retraités, c'est courir le risque de freiner la croissance économique, avec tout ce que cela peut impliquer.
Vous comprendrez donc aisément que nous ne puissions que vous inviter à empêcher la réalisation de ce scénario catastrophe en adoptant cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Demessine, pour défendre l'amendement n° 181.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est le même !
Mme Michelle Demessine. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 182.
Mme Nelly Olin. Tiens, un homme ! (Sourires.)
M. Roland Muzeau. Il est vrai que, de votre côté de l'hémicycle, il n'y a pas beaucoup de femmes ! Nous, nous avons appliqué la parité. Vous ne pouvez pas en dire autant ! (Nouveaux sourires.)
M. Henri de Richemont. Nous sommes jaloux ! (Nouveaux sourires.)
Mme Nelly Olin. Moi, je suis ravie ! Regardez tous les hommes que j'ai à mes pieds ! (Nouveaux sourires.)
M. Roland Muzeau. Le second alinéa du paragraphe IV de l'article 5 décline les conséquences de l'orientation générale de cette réforme des retraites. En ce sens, il précise sous quelles conditions le Gouvernement sera habilité à prendre par la voie réglementaire toutes dispositions pour ajuster les durées d'assurance et de versement des prestations d'assurance vieillesse.
Nous avons déjà indiqué notre refus de voir la représentation nationale ainsi dessaisie de tout pouvoir de décision, puisque c'est une forme de chèque en blanc qu'il est ici demandé de signer au Gouvernement actuel.
C'est aussi gager quelque peu, sur cette question essentielle de notre régime de retraite par répartition, l'action des futurs gouvernements de ce pays. D'ici à 2020, nous connaîtrons en effet pas moins de trois élections présidentielles et autant de renouvellements intégraux de l'Assemblée nationale, voire plus s'il passe dans la tête d'un futur Président de la République de faire jouer - pourquoi pas ? - son droit de dissolution. Après tout, vu le résultat du référendum sur la Corse, il y aurait des motifs !
Vouloir régler le débat sur cette question une bonne fois pour toutes de la manière dont on nous invite à le faire avec l'article 5 est, par conséquent, pour le moins audacieux. Nous en sommes convaincus, d'autres choix, d'autres orientations sont possibles pour procéder à une véritable réforme des retraites.
On nous dit, année après année, que la vie des entreprises a changé, que nous sommes dans une époque post-industrielle, que le progrès technologique conditionne aujourd'hui largement la conception, les prises de décision et la production. On nous explique que la productivité du travail progresse. Que sais-je encore ?
Alors posons-nous la question : quand prendra-t-on effectivement en compte, y compris dans le mode de financement de notre protection sociale, ces évolutions et ces transformations ?
Si la prise en compte des salaires ne suffit plus, qu'attendez-vous, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs de la majorité, pour penser autrement le socle de financement de la protection sociale ?
La retraite par répartition est au coeur du pacte social qui unit les générations. Eh bien, prouvez-le ! Ensemble, faisons en sorte que le coeur batte dans toute son énergie et ne vienne pas à s'éteindre, faute d'avoir suffisamment inspiré l'air neuf !
Décidément, rien ne justifie, en adoptant en l'état le paragraphe IV de l'article 5, que le Gouvernement puisse, par la voie d'un simple décret, imposer par de stricts critères comptables un allongement de la durée de cotisation et un raccourcissement subséquent de la durée de versement des prestations d'assurance vieillesse.
Sous le bénéfice de ces observations, nous vous invitons à adopter cet amendement de suppression.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 183 est présenté par MM. Fischer, Bret et Coquelle, Mmes David, Didier et Luc, et M. Renar.
L'amendement n° 184 est présenté par Mmes Demessine, Beaufils et Beaudeau, M. Foucaud, Mme Mathon, MM. Le Cam et Biarnès.
L'amendement n° 185 est présenté par Mme Borvo, M. Muzeau, Mme Bidard-Reydet, M. Ralite, Mme Terrade et M. Loridant.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer le V de cet article. »
La parole est à Mme Hélène Luc, pour présenter l'amendement n° 183.
Mme Hélène Luc. Il ressort clairement du mouvement social de ces dernières semaines un refus massif des salariés de ce pays de consentir de nouveaux sacrifices (Mme Nelly Olin s'exclame) pour financer un régime de retraite par répartition dont les prestations sont appelées, dans le scénario retenu par le Gouvernement, à connaître une réduction de qualité.
L'une des illustrations les plus patentes de ce processus réside dans la rédaction du paragraphe V de l'article 5 qui, sans le dire ouvertement, consiste à remettre en question le droit à la retraite à taux plein à l'âge de 60 ans, au motif qu'il conviendrait de rapprocher la durée d'assurance de la durée de versement de la pension.
Tout se passe comme si chaque salarié de ce pays voyait sa carrière assimilée à une provision pour risques, le montant des cotisations versées tout au long de la vie professionnelle étant progressivement amorti au travers du versement de la pension.
Nous ne sommes pas, ainsi que nous avons déjà eu l'occasion de le dire, porteurs de cette conception strictement individualisée de la retraite, d'autant qu'elle participe a priori du pacte social entre catégories socio-professionnelles, d'une part, et entre générations, d'autre part.
L'article 5, en son paragraphe V, décline donc, ainsi que nous avons pu le constater lors de la défense de nos amendements précédents, les effets des dispositions diverses de la réforme en cours, en termes de définition de l'âge d'accès à la retraite pour les différentes catégories de pensionnés.
L'accepter en l'état serait accepter par la même occasion de valider ce qu'il faut bien appeler un « recul social ».
Résumons notre propos : la France vit depuis plus de cinq décennies avec un modèle social dans lequel la solidarité fonde la réponse à des besoins, comme la protection de la mère et de l'enfant, la sécurité pour les travailleurs privés d'emploi ou encore pour ceux que l'âge empêche de travailler.
Elle a, dans ce cadre, développé également un système de protection sociale solidaire qui est, de manière générale, particulièrement envié par les ressortissants de pays étrangers, à tel point que nombreux sont ceux qui se sont inspirés du modèle français pour répondre aux besoins sociaux. Je pense, par exemple, aux Américains.
M. Henri de Richemont. Les Américains !
Mme Hélène Luc. Eh oui, Mme Clinton a essayé, mais elle n'y est pas parvenue.
Si l'on regarde en effet les indicateurs de performance de notre système de protection sociale, la situation est plutôt positive. C'est pourquoi nous sommes bien décidés à le défendre et nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter notre amendement de suppression.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous êtes convaincante !
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour présenter les amendements identiques n°s 184 et 185.
M. Henri de Richemont. On connaît par coeur !
Mme Michelle Demessine. A compter de 2009, la durée de cotisation pour le public comme pour le privé passera à 41 annuités, peut-être plus, tout dépendra du rapport gourvernemental prévu avant le 1er janvier 2008, ainsi que de l'avis du Conseil d'orientation des retraites et de la Commission de garantie des retraites.
En tout cas, les salariés, qu'ils soient du public ou du privé, ne connaîtront que bien tardivement l'âge auquel ils pourront prétendre à une retraite complète, au moment d'une possible liquidation. C'est faire peser des hypothèques inadmissibles sur leur devenir, des hypothèques calculées à partir d'un ratio comptable fondé sur l'espérance de vie ; autrement dit, le progrès social, humain, est utilisé pour favoriser une régression sociale. Mais la droite libérale n'a que faire de l'humain : seuls comptent l'argent, la finance, le tout-profit. (Protestations sur les travées de l'UMP. - M. le ministre s'exclame.)
M. Henri de Richemont. Ridicule ! Ce sont des insultes !
Mme Michelle Demessine. Je vous ai réveillés ! Je suis très contente ! De temps en temps, il faut ranimer la flamme ! (Exclamations amusées.) Soyons sérieux !
M. Jean-Jacques Hyest. Enfin un aveu !
Mme Michelle Demessine. En tout état de cause, ce sont les plus pauvres, les travailleurs payés au SMIC qui seront les plus pénalisés. Parmi eux, ce sont encore les femmes, on ne le dira jamais assez, qui en souffriront le plus. On sait pertinemment que beaucoup ne pourront faire valoir que des carrières partielles, est-ce leur faute ? Est-ce leur faute si aucune décision politique n'est prise pour créer les conditions leur permettant de travailler à égalité de salaire avec les hommes, à égalité de reconnaissance des qualifications ? La réalité est même pire que cela : tout est fait pour les culpabiliser et les renvoyer au foyer faire acte de solidarité.
Mme Nelly Olin. C'est mieux que tout à l'heure !
Mme Michelle Demessine. La réalité, aujourd'hui, c'est que seul un actif sur trois parvient à l'âge de la retraite en activité. A qui la faute ? Aux salariés qui ne voudraient pas travailler ? Non, ce sont les entreprises qui rejettent en priorité les plus de 50 ans, qui les considèrent comme trop vieux ou qui refusent de les embaucher. Il faut voir le désespoir terrible de ces femmes et de ces hommes qui ont travaillé des années, qui ont donné d'eux-mêmes, de leurs compétences, qui ont mis l'essentiel de leur vie au service de leur travail, de leur entreprise et qui se voient jetés du jour au lendemain comme des moins que rien. C'est indigne de notre société !
Mme Nelly Olin. Tout à l'heure, c'était comme des kleenex !
Mme Michelle Demessine. Je le sais pour le vivre souvent dans ma région. C'est pourtant ceux-là que vous dites vouloir faire travailler plus longtemps. Pour nous, c'est hors de question !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est clair !
M. le président. Je vais maintenant appeler en discussion les amendements identiques n°s 186, présenté par M. Fischer, 187, présenté par Mme Demessine et 188, présenté par Mme Borvo, ainsi que les amendements identiques n°s 189, présenté par M. Fischer, 190, présenté par Mme Demessine, et 191, présenté par Mme Borvo.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. Mme Demessine nous ayant réveillés, j'invoque l'article 40 de la Constitution sur les trois amendements identiques n°s 186, 187 et 188, ainsi que sur les trois amendements identiques n°s 189, 190 et 191.
M. le président. L'article 40 de la Constitution est-il applicable, monsieur Adrien Gouteyron ?
M. Adrien Gouteyron, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il l'est, monsieur le président.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La commission des finances en a délibéré ?
M. le président. L'article 40 étant applicable, les amendements identiques n°s 186, 187 et 188, ainsi que les amendements identiques n°s 189, 190 et 191 ne sont pas recevables.
L'amendement n° 195, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer le V bis de cet article. »
La parole est à Mme Evelyne Didier.
Mme Evelyne Didier. Le paragraphe V bis de l'article 5 du projet de loi est directement relatif à la situation des agents du secteur public.
Concrètement, il s'agit de tirer les conclusions des différentes dispositions relatives à la situation du secteur public, notamment pour ce qui concerne le titre III du présent projet de loi. Parmi les mesures visant le secteur public, on peut citer l'allongement de la durée de cotisation et l'assimilation de la situation des fonctionnaires à celle des salariés affiliés au régime général.
C'est le contraire qu'il fallait faire plutôt que d'essayer d'opposer des catégories, c'est-à-dire procéder à un aligement du privé sur le public, à une réforme par le haut en quelque sorte. Aussi ne faut-il pas s'étonner que les salariés du secteur public soient au premier rang dans le mouvement social qui traverse le pays depuis de longues semaines.
Mme Nelly Olin et M. Alain Gournac. Il n'y a pas été poussé !
Mme Evelyne Didier. Personne n'a besoin d'être manipulé ; les gens savent très bien ce qu'ils font !
M. Roland Muzeau. Deux millions de manipulés, cela fait beaucoup !
Mme Evelyne Didier. La démarche de remise en cause des retraites des agents des trois fonctions publiques va de pair avec une démarche plus générale que l'on appelle « réforme de l'Etat » et dont elle est l'une des caractéristiques.
On ne va évidemment pas le dire aussi crûment aux agents du secteur public, mais certains estiment de longue date qu'il faut tirer parti du départ à la retraite d'un nombre important de fonctionnaires encore aujourd'hui en activité - on évoque 44 % des agents publics dans les dix ans à venir - pour procéder en douceur à la réduction sensible des effectifs budgétaires de chacune des administrations.
Une telle orientation, au demeurant, aura une conséquence sur le moyen et le long terme, celle de dégrader encore plus le ratio entre actifs et retraités des différents régimes de la fonction publique.
On sait notamment aujourd'hui que la CNRACL - la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales -, si les collectivités locales se retrouvent devoir procéder à la suppression massive de postes, sera confrontée, après le long déroulement de la crise de trésorerie liée à la surcompensation, à l'effet retard du ralentissement des embauches et à l'accroissement du nombre des pensionnés et ayants droit affiliés au régime.
Que l'on n'oublie pas, par exemple, que ce gouvernement, dès le début de l'année civile, a validé un décret de transfert de crédits qui a fait passer la totalité du financement des pensions du secteur public, depuis les différents départements ministériels, vers le budget des charges communes.
Vous connaissez la logique de cette procédure. Cela signifie que, plutôt que de financer réellement les pensions des agents du secteur public, on préfère les lier au mouvement plus aléatoire de l'encaissement du produit d'émission des bons du Trésor, même si l'on sait que ces produits trouvent en général rapidement preneur.
La réalité de ce paragraphe V bis de l'article 5 est de lier le financement des pensions des agents du secteur public et les contraintes budgétaires. Nous y reviendrons sans doute plus avant dans la discussion du projet de loi, notamment lors de l'examen du titre III.
En attendant, nous vous invitons à adopter cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 192 est présenté par MM. Fischer, Bret et Coquelle, Mmes David, Didier et Luc, et M. Renar.
L'amendement n° 193 est présenté par Mmes Demessine, Beaufils et Beaudeau, M. Foucaud, Mme Mathon, MM. Le Cam et Biarnès.
L'amendement n° 194 est présenté par Mme Borvo, M. Muzeau, Mme Bidard-Reydet, M. Ralite, Mme Terrade et M. Loridant.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer le VI de cet article. »
La parole est à Mme Michelle Demessine, pour défendre les amendements n°s 192 et 193.
Mme Michelle Demessine. Ainsi que nous l'avons déjà exposé lors de la défense de nos amendements précédents, nous sommes dubitatifs quant à la pertinence de créer un nouvel organisme destiné à conseiller et à assister le Gouvernement dans la mise en oeuvre de la réforme des retraites.
Au-delà de la qualité des membres de la Commission de garantie, dont nous avons déjà indiqué qu'elle n'était pas en cause, se pose en effet la question de savoir s'il est tout à fait légitime que l'intérêt général s'incarne au travers du dialogue plus ou moins obligé entre, d'une part, le pouvoir exécutif et, d'autre part, deux structures qui ne représentent pas le moins du monde la souveraineté populaire.
Nous ne savons pas s'il est de bon augure, et pas seulement dans le domaine des retraites, de continuer ainsi à morceler l'autorité de l'Etat au profit d'une profusion d'autorités plus ou moins indépendantes, ou encore de conseils, de commissions ou de comités divers et variés.
De quel pouvoir réel disposera la Commission de garantie, sinon celui d'inviter le Gouvernement, quelle que soit sa couleur politique, à s'en tenir aux termes de la présente réforme, termes définis par l'application des paramètres au demeurant fort discutables qui ont été retenus pour « confectionner » les rapports et les documents qui définissent les variables d'ajustement des durées d'assurance et de versement des pensions ?
Nous ne croyons que fort peu aux vertus d'organismes transformés en Jiminy Cricket de nos futurs ministres des affaires sociales ou de la solidarité nationale, sorte de bonne conscience tapant sur les doigts de celui ou de celle qui aurait le mauvais goût d'emprunter, en matière de retraite, des chemins de traverse qui sortiraient des ornières du passé.
Encore une fois, où sont les droits du Parlement dans un contexte où les questions de l'assurance vieillesse, de la dépendance des personnes âgées, de la transmission des savoirs entre générations vont se poser avec encore plus de force et de poids dans les années à venir ?
Quel sens auront les lois de financement de la sécurité sociale, pourtant présentées lors de la discussion de la loi organique qui les a introduites dans notre programme législatif obligatoire annuel comme l'expression achevée du contrôle parlementaire ?
Encore un petit effort et les dispositions des lois concernant l'assurance vieillesse se limiteront à constater les éventuels dépassements d'autorisations de dépenses et les ouvertures autorisées de souscription de ressources extrabudgétaires des régimes obligatoires...
Vous comprendrez donc notre opposition de principe à l'adoption en l'état du paragraphe VI de l'article 5, que nous vous invitons par conséquent à supprimer en votant cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 194.
M. Roland Muzeau. Pour défendre cet amendement de suppression du paragraphe VI de l'article 5, il nous faut revenir à quelques éléments clés du débat.
Ce paragraphe porte sur la composition de la Commission de garantie, qui comprendra entre autres membres le président du conseil d'orientation. On doit donc se demander s'il est pertinent de créer une structure alors qu'il en existe déjà une.
De plus, cette commission de garantie n'aura sans doute aucun pouvoir en la matière puisqu'elle disposera uniquement d'un budget de fonctionnement, sans aucune comparaison avec ce que pourrait nécessiter une véritable garantie financière de nos régimes de retraite par répartition.
Enfin, on ne peut manquer de souligner que cette commission se substituera par nature à toute autre forme de dialogue social ou de débat public tels qu'ils peuvent être menés dans les relations contractuelles entre partenaires sociaux, ou dans le dialogue législatif entre le Gouvernement et le Parlement.
Au regard des millions de personnes qui ont manifesté clairement leur refus de cette réforme des retraites dont ils seront demain les victimes, nous ne pouvons que trouver discutable que quatre personnes, quelles que soient leurs qualités, puissent « dire » le droit et ce qui est bien pour le devenir de nos régimes de retraite.
C'est sous le bénéfice de ces observations que nous vous invitons à adopter cet amendement de suppression du paragraphe VI de l'article 5.
M. le président. L'amendement n° 204, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le VI de cet article :
« Le chapitre IV du titre Ier du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété d'une section ainsi rédigée :
« Section 6
« Commission de garantie des retraites
« Art. L. 114-4. - Il est créé une commission de garantie des retraites, chargée de veiller à la mise en oeuvre des dispositions de l'article 5 de la loi n° du portant réforme des retraites.
« La commission est composée du vice-président du Conseil d'Etat, président, du président du Conseil économique et social, du premier président de la Cour des comptes et du président du Conseil d'orientation des retraites.
« La commission constate l'évolution respective des durées d'assurance ou de services nécessaires pour bénéficier d'une pension de retraite à taux plein ou obtenir le pourcentage maximum d'une pension civile ou militaire de retraite ainsi que l'évolution de la durée moyenne de retraite. Elle formule périodiquement ce constat dans un avis adressé au Gouvernement et au Parlement.
« Les règles de fonctionnement de la commission sont fixées par décret. »
Le sous-amendement n° 1128, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi la seconde phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet amendement pour l'article L. 114-4 du code de la sécurité sociale :
« Elle propose, dans un avis rendu public, les conséquences qu'il y a lieu d'en tirer au regard de l'article 5 de la loi précitée. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 204.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cet amendement vise à préciser le rôle dévolu à la Commission de garantie des retraites. En effet, certains partenaires sociaux, au cours des auditions, m'ont fait part de leurs réserves à l'égard d'une commission dont ils ne voyaient pas clairement comment les fonctions s'articulaient avec celles du COR.
La commission propose donc que le rôle dévolu à chacun de ces organismes soit bien précisé. Il n'y a en effet ni concurrence ni chevauchement entre eux. Le COR, d'une part, porte un éclairage économique et social sur la situation de l'assurance vieillesse. La Commission de garantie des retraites, elle, s'attache à constater les évolutions entre le temps de travail et le temps de retraite. C'est en quelque sorte une commission solennelle de validation des différentes données statistiques.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter le sous-amendement n° 1128.
M. François Fillon, ministre. Il s'agit de préciser que c'est la Commission de garantie des retraites qui propose l'évolution de la durée de cotisation en 2008, 2012 et 2016. Ce sous-amendement vise donc à préciser la rédaction de l'amendement de la commission.
M. le président. L'amendement n° 196, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par le VII de cet article pour le 9° de l'article L. 136-2 du code du travail, la mention : "des personnes" est remplacée par la mention : "des hommes et des femmes". »
La parole est à Mme Evelyne Didier.
Mme Evelyne Didier. Cet amendement vise à sensibiliser le législateur à la question de l'accès inégal des femmes aux emplois supérieurs des fonctions publiques.
Nous saisissons cette occasion pour vous rappeler quelques recommandations issues du rapport annuel du comité de pilotage pour l'égal accès des femmes et des hommes aux emplois supérieurs des fonctions publiques, coordonné par M. Anicet Le Pors et paru le 25 février 2002.
Dans la perspective du comité interministériel qui s'est tenu à l'automne 2001 sur la gestion des ressources humaines dans la fonction publique, le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat avait demandé au comité de pilotage de lui proposer, au printemps 2001, un certain nombre de mesures susceptibles d'être avancées ou simplement évoquées à cette occasion.
Il s'agissait d'introduire, dans le cadre de l'organisation des services résultant notamment de la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail, des dispositions relatives à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes : analyse des impacts, prise en compte des temps sociaux, mixité des groupes de travail, nomination de délégués à l'égalité, formations spécifiques sur l'égalité professionnelle.
Il s'agissait aussi d'encourager la participation des fonctions publiques au développement de services sociaux de gardes d'enfants.
Nous nous interrogeons aujourd'hui sur la manière dont le Gouvernement entend mettre en oeuvre les recommandations de ce rapport et sur les progrès qui ont été accomplis depuis un an. Pour cette raison, nous vous demandons de voter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 895, présenté par MM. Estier et Domeizel, Mmes San Vicente, Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Compléter le VIII de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Toute décision dans les régimes de retraite visant à allonger la durée d'activité professionnelle doit être précédée par la réunion de la conférence tripartite sur l'emploi des salariés âgés et mise en oeuvre de manière progressive. »
La parole est M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Je rappelle que, pour bénéficier du taux plein, et donc ne pas être frappé par la décote, la durée d'assurance complète doit être atteinte. Or la mise en oeuvre des mesures de report d'âge ou d'allongement de la durée d'assurance requis pour bénéficier du taux plein suppose que les conditions permettant un allongement effectif de la durée d'activité soient rendues possibles par le marché du travail.
Dans le cas contraire, les modifications des paramètres des régimes de retraite aboutiraient, pour un grand nombre de travailleurs, à la prolongation de situations de préretraite ou de chômage et, éventuellement, dans un certain nombre de cas, à des liquidations de pensions sur des bases qui seraient alors minorées.
La mise en oeuvre des mesures visant à allonger la durée d'activité professionnelle doit être nécessairement progressive et couplée avec le suivi de l'évolution de l'emploi des travailleurs âgés.
Aussi, nous proposons que le dernier paragraphe du VIII de l'article 5 soit complété par cet alinéa : « Toute décision dans les régimes de retraite visant à allonger la durée d'activité professionnelle doit être précédée par la réunion de la conférence tripartite sur l'emploi des salariés âgés et mise en oeuvre de manière progressive. »
Je rappelle, pour la bonne compréhension de cet amendement, que ce paragraphe VIII nouveau de l'article 5, adopté par amendement à l'Assemblée nationale, organise une conférence tripartite composée de l'Etat, des représentants des salariés et des représentants des employeurs, et chargée d'examiner la problématique liée à l'emploi des plus de 50 ans.
Ce paragraphe vient compléter et préciser utilement cette nouvelle partie de l'article adopté sur amendement de l'Assemblée nationale.
M. le président. L'amendement n° 797 rectifié, présenté par M. Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Avant le 1er janvier 2004, le Gouvernement réalise une étude d'impact sur l'application de la présente loi dans le département de la Réunion, tenant compte des caractéristiques très particulières de ce département, notamment au niveau de sa structure démographique et de sa structure sociale.
« Cette étude est rendue publique.
« Au vu des éléments contenus dans cette étude, des dispositions pourront préciser les conditions d'application de la présente loi dans ce département. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. La nécessité d'une réforme du système actuel des retraites est reconnue par tous.
Il s'agit de conjuguer la volonté, également affichée par tous, de garantir dans le temps à l'ensemble des salariés une retraite décente, tenant compte d'un contexte national marqué par une « révolution démographique » et par le vieillissement de la population.
Or c'est précisément une situation démographique totalement inverse à celle de la métropole, et inédite, qui caractérise le département de la Réunion. Peuplée de 250 000 personnes en 1950, elle compte aujourd'hui 750 000 habitants. La population réunionnaise devrait croître de 250 000 habitants d'ici à 2020-2025. Elle atteindra, à cette date, le million d'habitants. En fait, la Réunion poursuit sa transition démographique, qu'elle achèvera à cet horizon.
Cette donnée, combinée aux nombreux retards de développement, notamment à un taux de chômage massif, fait que, selon les prévisions de l'INSEE, la population active augmentera de 46 % d'ici à 2030 à la Réunion, ce qui la fera passer de 303 000 à 443 000 habitants, soit 140 000 de plus !
A cette situation démographique très particulière s'ajoute une situation économique et sociale, toute particulière elle aussi, qui conduit à s'interroger sur les conséquences d'une application uniforme du présent projet de loi.
Sur le plan économique, les piliers de l'économie réunionnaise, pourvoyeurs d'emplois, présentent tous la caractéristique d'offrir essentiellement du travail à caractère saisonnier.
Il en est ainsi dans les secteurs de la plantation de la canne à sucre et de sa transformation industrielle, mais aussi dans ceux du tourisme, de la pêche et même dans le secteur du bâtiment, très dépendant des contrats.
Dans le domaine social, l'ensemble des indicateurs fait craindre qu'il sera particulièrement difficile pour les salariés, dans un tel contexte. de pouvoir justifier du nombre d'années de cotisation suffisant pour percevoir une retraite à taux plein. Pis, dans ce contexte, il est à craindre qu'une majorité de la population ne soit en définitive soumise au minimum vieillesse. D'ores et déjà, la moitié des retraités de la Réunion bénéficient du régime du minimum vieillesse, contre 3,6 % des retraités de la métropole.
Ce sont ces particularités qui ont d'ailleurs conduit le législateur à instaurer dans la loi d'orientation pour l'outre-mer une mesure de préretraite, dénommée congé solidarité.
Au vu de cette situation, l'amendement n° 797 rectifié vise, pour atteindre les objectifs fixés par la loi, à tenir compte, dans ce débat, de la situation très particulière et inédite qui caractérise la Réunion.
Il s'inscrit dans le droit-fil de la nouvelle rédaction de l'article 73 de la Constitution, selon lequel, « Dans les départements et les régions d'outre-mer, les lois et règlements (...) peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces différents amendements ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Monsieur le président, ayant à me prononcer sur une soixantaine d'amendements, je vais m'efforcer de procéder par ordre et, le plus souvent, sur un pas de trois, mais c'est devenu une habitude !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est peut-être mieux !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. C'est peut-être mieux, mais comme c'est celui de la valse, à la fin cela pourrait faire tourner la tête ! (Sourires.)
La commission ne peut qu'être défavorable aux amendements identiques n°s 153, 154, 155 et 893, qui tendent à supprimer l'article 5.
Ensuite, M. Dreyfus-Schmidt, qui nous avait prévenu que le parti socialiste n'était pas à court d'idées, nous a présenté - ce qui est extraordinaire - quatre amendements tendant à rédiger de façons totalement différentes cet article 5, ce qui m'a beaucoup éclairé. Je comprends pourquoi, face à la multiplicité des rapports, le gouvernement Jospin a été frappé d'immobilisme ! Ne me voyant pas aller à la pêche pour retenir une version plutôt qu'une autre, j'émettrai un avis défavorable sur les amendements n°s 891, 892, 896 et 890.
Avec les amendements suivants, nous entrons dans une nouvelle stratégie, qui consiste à supprimer des paragraphes de l'article 5.
La commission est défavorable aux trois amendements identiques n°s 156, 157 et 158, qui tendent à supprimer le paragraphe I, dont nous n'avons cessé de souligner l'importance et dont la suppression dénature l'article 5.
Il en va de même pour l'amendement n° 159.
L'amendement n° 1056 est satisfait par l'amendement n° 1119 du Gouvernement.
La commission est défavorable à l'amendement n° 897, qui tend à modifier la durée d'assurance.
Puis le pas de trois a été interrompu par l'application de l'article 40 à l'amendement n° 898.
A titre personnel, je suis favorable à l'amendement n° 1119 du Gouvernement, qui correspond au souci de la commission.
La commission est défavorable à l'amendement n° 160, qui a pour objet de supprimer le deuxième alinéa du I de l'article 5.
Je demande à M. Jean Boyer de bien vouloir retirer l'amendement n° 34, qui tend à créer un groupe de travail pour examiner les moyens d'un élargissement des sources de financement des régimes de retraite. Les objectifs du COR, que nous examinerons dans l'article 6, et un amendement de la commission confortant les missions de ce Conseil répondront à sa préoccupation.
Reprenons le pas de trois.
La commission est défavorable aux amendements identiques n°s 161, 162 et 163, qui visent à supprimer le II de l'article 5.
Elle est défavorable aux amendements identiques n°s 164, 165 et 166, qui tendent à rédiger le deuxième alinéa du II de l'article 5.
Mme Hélène Luc. Ce sont de bons amendements. C'est dommage !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements n°s 174, 175 et 173, qui visent à insérer un alinéa après le deuxième alinéa du II de l'article 5.
La commission est défavorable aux amendements n°s 894 et 176.
La commission souhaite que M. Boyer retire l'amendement n° 35, car l'article 19 répond à sa préoccupation. Par ailleurs, un amendement de la commission confortera la règle d'indexation sur les prix en donnant une légitimité au mécanisme du « coup de pouce », à savoir la prise en compte de la conjoncture économique pour la correction du taux de revalorisation proposé au Parlement.
La commission est défavorable aux amendements n°s 167, 168 et 169.
Elle est également défavorable au nouveau triptyque que constituent les amendements identiques n°s 170, 171 et 172.
Elle est encore défavorable aux amendements identiques n°s 177, 178 et 179, qui tendent à supprimer le III de l'article 5.
La commission est défavorable aux amendements identiques n°s 180, 181 et 182, qui tendent à supprimer le IV de l'article 5.
Il en est de même pour les amendements identiques n°s 183, 184 et 185, qui tendent à supprimer le V de l'article.
L'article 40 ayant été opposé aux amendements n°s 186 à 191, j'en arrive à l'amendement n° 195, qui tend à supprimer le V bis de l'article 5 et auquel la commission est défavorable.
La commission est également défavorable aux amendements identiques n°s 192, 193 et 194, qui tendent à supprimer le VI de l'article.
A titre personnel, je suis favorable au sous-amendement n° 1128 du Gouvernement, qui répond totalement aux aspirations de la commission.
La commission est défavorable aux amendements n°s 196 et 895, tendant à modifier respectivement les paragraphes VII et VIII de l'article 5.
Enfin, s'agissant de l'amendement n° 797 rectifié, lors de l'audition de M. le ministre et à l'occasion de l'examen des amendements au sein de la commission, nous avons été sensibles aux arguments développés par M. Vergès sur la délicate situation de la Réunion. Compte tenu de l'attitude de ce dernier, la commission a souhaité s'en remettre à votre avis, monsieur le ministre.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Voilà pourquoi votre fille est muette !
Mme Hélène Luc. Vous allez voter son amendement !
M. Paul Loridant. Bel effort !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. N'exagérons rien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Après beaucoup d'orateurs, je confirme que l'article 5 est une pièce maîtresse du dispositif que propose le Gouvernement.
M. Paul Loridant. Nous sommes d'accord sur ce point !
M. François Fillon, ministre. Soyez prudent !
Selon nous, l'allongement de la durée de cotisation pour tenir compte de l'allongement de la durée de la vie est la manière la plus équitable de répartir le financement des retraites, à l'avenir, entre les actifs et les retraités.
Laisser, compte tenu de l'allongement de la durée de la vie, les seuls actifs, dont le nombre, d'ailleurs, se réduit, financer un nombre de retraités qui est de plus en plus important et à qui on sert des pensions de plus en plus longtemps n'est pas équitable et remet en cause le pacte entre les générations.
Je sais que c'est un argument que réfute systématiquement l'opposition, mais je vais quand même l'énoncer, car j'estime qu'il est très important : c'est la solution qui a été retenue par de nombreux pays européens. En effet, sur les quinze pays de l'Union européenne, quatorze ont choisi l'allongement de la durée de cotisation, et, si l'on prenait les vingt-cinq qui composeront l'Union européenne demain, on pourrait, sans risque de se tromper, avancer que vingt-quatre l'ont choisi également.
Cet argument, naturellement, ne peut pas suffire à justifier ce choix, mais il est tout de même troublant et mériterait pour le moins d'être étudié. En outre, il pose toute la question de la cohérence économique de l'Union européenne que nous sommes en train de construire.
Autant je trouve que le groupe communiste, qui combat cette construction européenne, est assez cohérent lorsqu'il réfute l'exemple des autres pays européens, autant le groupe socialiste, qui a porté, et ce parfois avec beaucoup de force, l'établissement d'une Union européenne cohérente sur les plans économique, social et politique, qui a porté la monnaie unique, l'harmonisation des règles économiques, la libre circulation des personnes et des capitaux, n'est pas cohérent lorsqu'il imagine que l'on pourrait durablement faire fonctionner une Europe dans laquelle un seul pays aurait à la fois une durée de travail hebdomadaire beaucoup plus faible et une durée de travail tout au long de la vie inférieure de l'ordre de cinq ans à celle de tous les autres pays européens.
Là, il faut être cohérent avec ses choix. On a fait le choix - il se trouve que je faisais partie de ceux qui étaient plutôt critiques à l'égard d'un tel choix, qui aujourd'hui s'impose à nous - d'un ensemble économique intégré ; on a fait le choix d'une monnaie unique ; on a fait le choix de la libre circulation des personnes et des capitaux. Il y a tout de même quelques règles communes qu'il faudra bien harmoniser.
Enfin, et c'est pour cela que je vous disais de ne pas être trop rapides dans vos dénégations, cette solution a été très largement défendue par nombre de personnalités à gauche avant l'année 2003, c'est-à-dire avant que l'on en arrive au moment des décisions.
Je voudrais vous lire une citation de l'une de ces personnalités : « Les problèmes des déséquilibres des régimes de retraite sont à 20 et 40 ans. Il faut se rapprocher de l'équilibre en 2020 » - ce que nous faisons - « et il faut éviter les déséquilibres entre 2020 et 2040 puisque, on le sait, l'évolution démographique, c'est-à-dire le nombre croissant de personnes âgées (...) va créer une disproportion, un déséquilibre par rapport aux actifs, c'est-à-dire à ceux qui cotisent pour les retraites de ceux qui les suivent. (...) Nous choisissons de rester dans le système de répartition, parce que c'est celui qui assure l'égalité entre les Français. (...) Mais il est clair que le choix sera ou d'augmenter très fortement les cotisations, - ou le risque serait à terme de voir les pensions baisser ; ou bien alors, la formule qui nous paraît mieux maintenir le niveau des salaires d'aujourd'hui et des retraites de demain, c'est effectivement un allongement progressif de la durée de cotisation. »
C'est une citation de Lionel Jospin en date du 22 mars 2002, lors d'un entretien avec Olivier Mazerolle sur RTL.
M. Charles Revet. Que voulez-vous répondre à cela ?
M. François Fillon, ministre. L'allongement de la durée de cotisation que nous proposons n'est pas automatique, et ce point très important aurait dû constituer un élément de consensus.
En effet, nous proposons un dispositif de pilotage qui s'étalera sur les vingt prochaines années et qui sera mis en oeuvre par plusieurs gouvernements et par plusieurs majorités. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.) Oui ! Je l'ai dit au cours de la discussion générale, j'ai la conviction absolue que plusieurs majorités et plusieurs gouvernements utiliseront le cadre tracé par cette réforme sans s'écarter sensiblement des choix que nous avons faits.
Donc, nous ne proposons pas un allongement automatique de la durée de cotisation : nous proposons des rendez-vous, le premier en 2008 et le suivant en 2016. En tout état de cause, l'allongement ne commencera à devenir effectif qu'en 2009.
Un orateur du groupe communiste républicain et citoyen, emporté par son élan, disait tout à l'heure : « La pénibilité, c'est dans trois ans, mais l'allongement de la durée de cotisation, c'est maintenant ! » Eh bien, non ! La pénibilité, c'est dans trois ans, et l'allongement de la durée de cotisation, c'est en 2009 ! Car, justement, nous avons voulu tenir compte, tout d'abord, du temps nécessaire pour réaliser l'harmonisation entre le public et le privé ; ensuite, du temps nécessaire pour relever le défi que représente l'augmentation du taux d'activité des salariés âgés de plus de cinquante ans ; enfin, des négociations qui se conduiront sur la question de la pénibilité.
En 2008, il faudra faire le bilan de l'ensemble des progrès réalisés avant de décider dans quelles proportions la durée de cotisation sera allongée. Nous avons choisi de demander à une commission indépendante, un organisme extérieur, non pas de décider à la place du Gouvernement, à la place du pouvoir politique, mais de donner à celui-ci, en toute indépendance, les éléments du choix, afin qu'il dispose de toutes les informations et trouve le courage nécessaire pour prendre les décisions qui s'imposeront.
Je vais maintenant, à la lumière des réponses que je viens d'apporter aux critiques qui ont été formulées sur cet article, donner l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements à l'article 5.
Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques de suppression n°s 153, 154, 155 et 893.
L'avis est défavorable sur l'amendement n° 891, qui tend une nouvelle fois à introduire la notion de pénibilité. Or nous souhaitons qu'elle soit négociée par les partenaires sociaux.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 892, qui a pour objet de tenir compte des inégalités d'espérance de vie. Je crois avoir démontré à quel point cette proposition était impraticable, qu'elle était purement théorique, car la retenir reviendrait à créer des systèmes extraordinairement complexes : on peut imaginer le cas d'une femme enseignante ayant commencé sa carrière dans le nord de la France et l'ayant poursuivie dans le Sud, relevant ainsi de trois ou quatre catégories différentes en termes d'espérance de vie. Tout cela n'est évidemment pas praticable et, finalement, reste assez éloigné du système par répartition, du système solidaire, du système mutualisé qui est le nôtre.
Je note que lorsque, en 1982, la gauche a décidé d'abaisser à 60 ans l'âge légal du départ à la retraite, elle ne s'est absolument pas posé la question de savoir si c'était le bon âge pour tout le monde et s'il ne fallait pas tenir compte de la pénibilité et de l'espérance de vie !
Mme Hélène Luc. Mais les gens l'avaient assez réclamé ! On savait qu'ils voulaient cette mesure !
M. François Fillon, ministre. Naturellement, aucun pays n'a mis en place de système qui tienne compte à l'avance des hypothèses d'espérance de vie !
Ce que l'on peut imaginer, en revanche, ce sont des bonifications liées à la pénibilité des métiers, décidées dans les branches après négociation par les partenaires sociaux.
M. Claude Domeizel. On comprend pourquoi vous étiez contre la retraite à 60 ans !
M. François Fillon, ministre. L'avis du Gouvernement est également défavorable sur les amendements n° 890, 896 et sur les amendements identiques n°s 156, 157 et 158, ainsi que sur l'amendement n° 159.
J'en viens à l'amendement n° 201 de la commission, que je demande à M. le rapporteur de bien vouloirretirer.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 201 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. François Fillon, ministre. L'amendement n° 1056 de M. Franchis est satisfait par l'amendement du Gouvernement.
L'amendement n° 897 concerne la prise en compte des personnes handicapées. Je rappellerai que toutes les personnes reconnues inaptes au travail bénéficient de la retraite à taux plein à 60 ans et que, par ailleurs, il appartiendra aux partenaires sociaux, dans leurs négociations sur la pénibilité, de tenir compte de la situation des personnes handicapées.
Qui plus est, je l'ai dit, nous pensons que c'est dans le cadre de la grande loi que le Parlement discutera avant la fin de l'année...
M. Roland Muzeau. On n'est pas sûr que ce sera une « grande loi » !
M. François Fillon, ministre. Je dis « grande loi » parce qu'elle aura pour objet d'actualiser la grande loi de 1975. C'est dans ce cadre-là que la discussion doit avoir lieu.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 897, comme il l'est à l'amendement n° 160.
L'amendement n° 34 de M. Détraigne et des membres de l'Union centriste, qui concerne le COR, est satisfait, puisque ce dernier se voit déjà chargé d'une mission d'expertise générale sur le financement. Je souhaite donc que cet amendement soit retiré.
Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques n°s 161, 162 et 163.
En revanche, il émet un avis favorable sur l'amendement n° 202 de la commission.
Avis défavorable sur les amendements identiques n°s 164, 165 et 166, qui constituent une déclinaison des différents points que doit aborder le rapport.
Avis également défavorable sur les amendements n°s 174 et 175, celui-ci faisant double emploi avec le premier élément du rapport, qui retrace l'évolution du taux d'activité des personnes de plus de 50 ans.
Avis défavorable sur l'amendement n° 173 - car le rapport ne doit pas devenir une somme sur l'ensemble des données sociales de notre pays - ainsi que sur les amendements n°s 894 et 176.
L'amendement n° 35 est satisfait, et c'est pourquoi j'en demande le retrait.
Avis défavorable sur l'amendement n° 167, qui vise à apporter une précision qui me paraît inutile. En effet, le paragraphe II de l'article 5, qui crée pour le Gouvernement l'obligation d'élaborer au plus tard le 1er janvier 2008 un rapport publié et transmis au Parlement, prévoit en son quatrième point que ce rapport contiendra un examen d'ensemble des paramètres de financement des régimes de retraite, dont fait bien évidemment partie l'évolution des exonérations de cotisations sociales.
Pour la même raison, avis défavorable sur l'amendement n° 168, la précision que celui-ci tend à apporter étant tout à fait inutile puisqu'elle est déjà prise en compte.
La situation est la même pour l'amendement n° 169.
Avis également défavorable sur les amendements identiques n°s 170, 171 et 172, ainsi que sur les amendements identiques n°s 177, 178 et 179.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 203, car le maintien du rapport entre la durée d'assurance nécessaire pour obtenir le taux plein de la pension et la durée moyenne de retraite que fixe le I de l'article 5 fait bien entendu partie des règles que le pouvoir réglementaire devra respecter lors de l'éventuelle adaptation du rythme de la majoration de la durée d'assurance, à partir de 2009. De plus, l'amendement vise très précisément un ajustement du calendrier de la mise en oeuvre de cette majoration, ajustement auquel le pouvoir réglementaire pourra, le cas échéant, procéder - puisque la majoration figure dans le texte qui devrait être voté par le Parlement - au vu des avis rendus par le Conseil d'orientation des retraites, sur proposition de la Commission de garantie des retraites.
Le Gouvernement est défavorable aux trois amendements identiques n°s 180, 181 et 182 ; aux trois amendements identiques n°s 183, 184 et 185 ; enfin, aux trois amendements identiques n°s 192, 193 et 194.
Il est favorable à l'amendement n° 204 de la commission, sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 1128 que j'ai présenté tout à l'heure.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 196.
L'amendement n° 895 concerne les procédures préalables à la décision d'allonger la durée de cotisation. Or le texte adopté par l'Assemblée nationale définit précisément et scrupuleusement le futur processus de décision, que le Gouvernement souhaite d'autant moins rigidifier qu'il offre d'ores et déjà la garantie très nette que sera fait le lien entre l'emploi des travailleurs âgés et l'allongement de la durée de cotisation.
J'en viens, pour terminer, à l'amendement n° 797 rectifié.
Si le Gouvernement est très conscient de la situation sociale spécifique des départements d'outre-mer, notamment de la Réunion, il n'en tire pas pour autant la conclusion que les droits à retraite doivent être définis différemment dans les départements d'outre-mer et en métropole. Au contraire, l'application de l'intégralité de la législation relative à la sécurité sociale dans les départements d'outre-mer est un élément très important de leur intégration à la communauté nationale, et, si quelques difficultés d'application subsistent sur certains sujets, sur d'autres, chacun le sait, la solidarité joue très largement en faveur des départements et des territoires d'outre-mer.
Comme je l'ai indiqué à M. Vergès, j'ai demandé au ministre de l'outre-mer d'envisager certaines adaptations de la législation pour tenir compte des spécificités des départements et territoires d'outre-mer.
Mme Hélène Luc. Alors, vous approuvez l'amendement n° 797 rectifié !
M. François Fillon, ministre. Non, madame, car je ne souhaite pas que l'on adopte un amendement qui vise à mettre en place un régime particulier de retraite outre-mer alors même que, dans les autres domaines sociaux, la solidarité joue très nettement en faveur des DOM et des TOM, y compris de la Réunion. Néanmoins, le Gouvernement prend l'engagement que le ministre de l'outre-mer analysera les spécificités de la Réunion, comme le souhaite M. Vergès.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je demande le vote par priorité de l'amendement n° 1119 du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. François Fillon, ministre. Favorable.
M. le président. La priorité est ordonnée.
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 1119.
Mme Marie-Claude Beaudeau. L'amendement n° 1119 vise à corriger la formulation de l'article 5 pour lui donner sa pleine efficacité, et je dirai même sa pleine nocivité.
Le maintien du rapport entre la durée de cotisation et l'évolution de l'espérance de vie est la formule magique qui vous sert, monsieur le ministre, à justifier l'allongement de la durée de cotisation pour tous.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 5 retient logiquement, pour le calcul de ce rapport à la date de référence de 2003, la durée actuelle de cotisation du régime général et du code des pensions de la fonction publique. Or la durée des services nécessaire pour obtenir le pourcentage maximal d'une pension civile ou militaire est encore de 150 trimestres. Votre amendement vise donc à truquer votre propre calcul pour 2003 en lui appliquant déjà la durée de 160 trimestres que vous voulez nous faire voter pour 2008. Un tel procédé ne fait que souligner l'artifice grossier que représente l'article 5.
N'essayez donc pas de trouver de justification mathématique, monsieur le ministre ! Si vous allongez la durée de cotisation, c'est exclusivement pour réduire le niveau des prestations et pour compenser les effets de votre choix d'exonérer toujours davantage le patronat du financement de la sécurité sociale et du paiement de ses cotisations ! Le MEDEF a d'ailleurs donné le ton en exigeant que la durée de cotisation soit portée à 180 trimestres, soit 45 ans. Naturellement, vous le suivez !
L'allongement de la durée de cotisation va entraîner un raccourcissement de la durée de versement des pensions, quoi que vous en disiez, pour ceux qui seront obligés de travailler jusqu'à 61 ans, 62 ans, voire 65 ans ou plus. Sont bien sûr particulièrement concernés les petits salariés, ceux dont l'espérance de vie est moindre ; mais je n'y reviens pas, car nous nous sommes déjà expliqués sur ce point.
En outre, et vous le savez très bien, les conditions du marché du travail amèneront les salariés à partir à peu près au même âge qu'aujourd'hui, et donc à subir de plein fouet les décotes et autres pénalités que votre projet de loi multiplie.
A votre logique, monsieur le ministre, nous opposons le progrès, la justice sociale et, en termes de durée d'assurance vieillesse, le retour pour tous aux 37,5 années de cotisation.
M. Henri de Richemont. C'est la ruine assurée !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ne comptez pas, monsieur le ministre, mes chers collègues, que le mouvement social perde cette référence. Il saura continuer d'exiger l'abrogation de la loi Balladur, comme il exigera très vite l'abrogation des lois Fillon.
Mme Hélène Luc. C'est bien vrai !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Permettez-moi, monsieur le ministre, de revenir sur la question centrale du financement, que vous éludez sciemment dans votre projet de loi. Il aurait été en effet plus clair et plus honnête d'y lire des articles rédigés ainsi : « A compter de la publication de cette loi, les entreprises sont dispensées de tout effort contributif supplémentaire pour financer les retraites, et le taux normal de cotisation vieillesse patronal est bloqué définitivement à 8,2 %. » Ou encore : « Au nom de la compétivité, telles entreprises peuvent être exonérées d'une fraction de la cotisation vieillesse pour certaines catégories d'emplois. »
Mais vous n'êtes tout de même pas si naïf, monsieur le ministre ! Vous savez bien qu'une telle rédaction aurait mis en évidence le fait que vous vous attaquez au coeur de la répartition.
Le retour à 37,5 annuités pour tous les salariés, vous ne l'ignorez pas, coûterait 4,2 milliards d'euros par an. Je reprends donc une proposition que vous avez balayée de façon un peu expéditive - étiez-vous gêné pour y répondre ? Je n'en sais rien ! - et qui consiste en une augmentation du taux de la cotisation vieillesse patronale de 0,34 % par an pendant dix ans. En deux ans, monsieur le ministre, les 4,2 milliards d'euros seraient trouvés !
Notre proposition répond bien à un souci d'équité, puisqu'elle permettrait de rétablir l'équilibre entre cotisations salariales et cotisations patronales dans le financement de l'assurance vieillesse. Depuis 1979, en effet, le taux de la cotisation vieillesse patronale est resté bloqué à 8,9 %, tandis que le taux de la cotisation salariale passait de 4,70 % à 6,55 %. La part salariale des cotisations est ainsi passée de 36 % à 44 % du total, la part patronale de 64 % à 56 %. C'est donc exclusivement l'effort consenti par les salariés sur leur salaire brut qui a permis de faire face à l'accroisement des besoins de financement du système de retraite depuis cette date.
L'augmentation de 0,34 % que nous proposons correspond aussi, vous le savez, au taux envisagé par le COR dans son scénario de référence pour pourvoir aux besoins de financement de notre système de retraite d'ici à 2040 tout en maintenant le niveau de prestations actuel. Elle est donc doublement justifiée.
Sans doute, monsieur le ministre, allez-vous m'opposer de nouveau l'argumentation traditionnelle - c'est d'ailleurs celle du MEDEF - selon laquelle toute augmentation des cotisations des entreprises pèserait sur la compétivité du pays, sur l'emploi, sur les salaires. Peut-être même me ferez-vous le chantage à la délocalisation, argument qui, au demeurant, illustre bien le faible patriotisme des entrepreneurs que vous défendez.
M. Henri de Richemont. Ils partiront !
Mme Marie-Claude Beaudeau. En conclusion, je ferai trois constats.
Le 20 juin dernier, l'OCDE publiait ses chiffres : la France a attiré 48,2 milliards de dollars d'investissements directs étrangers en 2002, en deuxième position mondiale derrière la Chine. Je ne me félicite évidemment pas de ce résultat, mais je constate, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu'il dément de façon flagrante vos affirmations sur le manque d'attractivité économique de la France.
Je constate également que le niveau officiel du chômage est resté à 9,3 % - l'INSEE l'évalue à 9 % ce mois-ci - malgré des années de politique d'exonération de cotisations et de baisse du coût du travail.
Enfin, je constate que diminuer les cotisations, diminuer les retraites, diminuer les salaires, c'est « saper » l'un des deux moteurs principaux de la croissance : la consommation populaire.
Dans l'attente d'une réponse plus précise de votre part, monsieur le ministre, je demande à mes collègues de voter contre l'amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. Vous voulez que l'on ait un débat. Moi, j'essaie de répondre aux questions que vous posez, mais cela ne sert à rien puisque vous lisez des fiches préparées à l'avance ! (Rires sur les travées de l'UMP.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Pas du tout !
M. François Fillon, ministre. Je les reconnais même : elles avaient déjà été préparées avant le débat à l'Assemblée nationale !
M. Alain Gournac. Bravo !
Mme Hélène Luc. C'est injuste !
M. François Fillon, ministre. Un exemple : je viens de répéter une nouvelle fois que le texte prévoit que l'allongement de la durée de cotisation ne sera pas automatique et ne pourra avoir lieu - en 2008, en 2012 ou plus tard - que si certains progrès ont été réalisés, notamment en ce qui concerne le taux d'activité des plus de 50 ans.
On voit donc bien qu'aucun gouvernement responsable ne pourra augmenter la durée de cotisation des salariés si le niveau du taux d'activité reste ce qu'il est aujourd'hui, mais vous continuez inlassablement à expliquer que l'augmentation de l'allongement de la durée de cotisation aboutira à mettre au chômage des travailleurs qui ne retrouveront pas d'emploi.
Cela démontre qu'aucun des arguments qui vous sont présentés n'ont d'effet pour la bonne raison que vous lisez les papiers qu'on vous a préparés et qui ne sont pas à jour ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et vous, vous répondez comme à l'Assemblée nationale !
M. François Fillon, ministre. Deuxième remarque, puisque j'ai entendu, depuis le début de ce débat, que l'on mettait en permanence en cause la patriotisme de ceux qui iraient investir à l'extérieur de la France, je vais citer deux exemples d'entreprises qui, alors même que vous étiez au pouvoir, que vous souteniez le Gouvernement, que vous étiez dans la majorité, et alors même que l'Etat y joue un rôle majeur, sont allées établir leur siège social aux Pays-Bas.
Premier exemple, c'est le résultat de l'absorption de Nissan-Renault...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Parlons-en de la privatisation de Renault !
M. François Fillon, ministre. L'Etat a encore une importante participation, et cela n'a pas fait l'objet de la moindre discussion à l'époque.
Deuxième exemple : lorsque l'ensemble EADS s'est formé, c'est naturellement aux Pays-Bas que le siège social a été installé, et cela pour des raisons fiscales.
M. Alain Gournac. Et voilà !
M. Xavier de Villepin. C'est vrai !
M. François Fillon, ministre. Vous étiez au pouvoir, vous avez laissé faire !
On peut le déplorer, on peut essayer de discuter ensemble de la meilleure façon d'éviter que ce type de situation ne se reproduise, mais, parler du patriotisme des chefs d'entreprise à cette occasion, c'est ne pas reconnaître vos propres responsabilités. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Claude Estier. Et Metaleurop ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Et l'augmentation de 0,34 % de la part patronale ?
M. François Fillon, ministre. J'ai répondu déjà cinq ou six fois sur cette question. Nous avons indiqué dans le projet de loi que les cotisations augmenteraient de 3 points environ d'ici à 2020 pour faire face au besoin de financement ; un peu plus de 40 % sont apportés par l'allongement de la durée de cotisation, le reste étant financé par une augmentation des cotisations retraite.
Si on augmente les cotisations retraite, madame Beaudeau, cela veut dire que l'on augmente et les cotisations des entreprises et celles des salariés ; cela veut dire que votre demande correspond au programme que le Gouvernement met en oeuvre. Simplement, nous souhaitons que cette augmentation, qui n'a pas lieu d'être appliquée aujourd'hui puisque nous ne sommes pas encore en situation de déficit, soit engagée progressivement et en fonction de la baisse du chômage.
En tout état de cause, il faudra bien trouver les financements nécessaires pour maintenir le niveau des pensions, et il y aura donc une augmentation des cotisations retraite, ce qui montre que votre critique du projet n'est pas fondée et prouve de nouveau que votre argumentation ne tient jamais compte des réponses que le Gouvernement vous apporte ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est exactement ce que vous avez dit à l'Assemblée nationale !
M. Laurent Béteille. Il n'y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo. D'abord, les remarques désobligeantes sur la façon de préparer nos dossiers ne m'agréent absolument pas.
Monsieur le ministre, nous avons justement et ô combien tenu compte du débat à l'Assemblée nationale. Nous avons lu attentivement, voire écouté quand nous le pouvions, vos réponses aux arguments développés par nos collègues députés et nous avons constaté que vous n'aviez pas bougé d'un pouce, ce qui veut dire que vous êtes resté insensible à tous les arguments qui ont pu vous être donnés, à toutes les propositions qui ont pu vous être faites, quand bien même vous avez reconnu qu'il s'agissait de propositions alternatives.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ça ne signifie pas qu'on les accepte !
Mme Nicole Borvo. Mais vous n'avez absolument pas démontré à l'Assemblée nationale qu'elles étaient infondées. Vous ne les avez pas contredites de façon sérieuse, vous en tenant au même discours, sur lequel je vais d'ailleurs revenir.
Il est bien évident que, tout en tenant compte de vos réponses, nous avons développé des arguments qui vont dans le même sens que ceux que nos collègues avaient développés à l'Assemblée nationale, mais, je peux vous l'assurer, nous n'avons pas copié, monsieur le ministre ! Nous avons nous-mêmes réfléchi à nos arguments. Je sais que vous en doutez, mais nous en sommes capables, je vous prie de le croire !
Mme Hélène Luc. Nous en avons même ajouté !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce qui veut dire que vous avez repris les autres : vous vous êtes trahie !
Mme Nicole Borvo. Quant aux arguments que vous développez, monsieur le ministre, vous avez bien voulu dire tout de suite aux salariés qu'ils allaient cotiser davantage pour toucher des pensions moindres. Cela, nous l'avons entendu et ils l'ont entendu aussi !
M. François Fillon, ministre. C'est un mensonge !
Mme Nicole Borvo. La preuve : s'ils sont descendus dans la rue, c'est qu'ils vous ont entendu !
M. Henri de Richemont. C'est affligeant !
Mme Nicole Borvo. Et ils ont même entendu que tout le monde serait touché, même si, cela, vous ne le leur aviez pas dit !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ah !
Mme Nicole Borvo. Vous n'avez pas dit non plus aux entreprises que l'on pourrait peut-être augmenter la durée de cotisation...
M. François Fillon, ministre. Je le dis depuis le début ! Vous racontez n'importe quoi !
Mme Nicole Borvo. ... tout en rééquilibrant la part respective des patrons et des salariés, puisque, comme le disait ma collègue, bien évidemment, la part patronale, elle, ne bouge pas.
M. François Fillon, ministre. Les employeurs paient les deux tiers !
Mme Nicole Borvo. D'accord, mais la part patronale n'a pas bougé depuis 1979, alors que la part des salariés a augmenté.
M. François Fillon, ministre. Vous voulez qu'ils paient tout !
Mme Nicole Borvo. Vous dites que, de toute façon, l'augmentation ne prendra effet qu'à partir de 2008, et qu'avant d'y procéder, nous allons voir comment la situation évolue. Eh bien, que n'avez-vous dit qu'on allait voir d'ici à 2008 ce qu'il en serait si l'on augmentait la part des cotisations patronales, si l'on conduisait une véritable politique de l'emploi, si l'on tenait compte de ce qui se passe du point de vue de la compétitivité et des gains de productivité ?
Mais non ! D'emblée, vous avez annoncé que vous vouliez vous aligner sur le moins-disant de l'Europe libérale à laquelle vous souscrivez, mais pas nous, monsieur le ministre !
Mme Nelly Olin. On l'avait compris !
M. François Fillon, ministre. C'est pour ça que vous n'obtenez que 5 % des voix !
Mme Nicole Borvo. Ce que je constate, c'est qu'en Europe, où il y a d'ailleurs des différences entre pays, les salariés s'opposent justement de plus en plus au moins-disant social.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Sauf que l'Europe est le plus-disant mondial sur le plan social : il ne faut pas dire n'importe quoi !
Mme Nicole Borvo. Monsieur About, je vous ai expliqué que, de ce point de vue, le puits était sans fond. L'argument n'est pas recevable. Si l'on veut s'aligner sur le moins-disant social, il existe, je le sais, et je le déplore, des pays où il n'y a pas du tout de protection sociale, alors, allons-y, alignons-nous sur ces pays qui n'ont aucune protection sociale !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas le cas de la France : elle a le meilleur système de retraite, le meilleur système de santé ! C'est le mieux-disant social, y compris pour la durée de cotisation.
Mme Nicole Borvo. C'est le mieux-disant social, mais, au lieu de tirer vers le haut, vous tirez vers le bas, et c'est ce que nous contestons ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. François Fillon, ministre. Ce n'est pas très technique tout ça...
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Je trouve assez drôle, au bout du compte, cette insistance que mettent M. le ministre et les sénateurs de droite - je reconnais qu'ils n'ont pas été nombreux à avoir osé dire quelques mots - à qualifier la position des élus communistes républicains et citoyens de position ancienne, figée, opposée au modernisme, etc.
M. Henri de Richemont. C'est un peu vrai !
M. Roland Muzeau. Allez-y, rajoutez-en : cela conforte mon propos !
Vous n'avez pas cessé de développer ce type d'argumentation, qui revient un peu à prendre une masse pour écraser une mouche ! La disproportion est en effet tout à fait étonnante. D'une part, si nous étions les seuls, monsieur Fillon, avec nos amis de l'Assemblée nationale, à partager les idées que nous avons développées au fil des débats pendant quelques semaines, cela ne vous empêcherait pas de dormir, cela vous ferait peut-être même sourire dans les salons...
Cela étant, ce qui vous préoccupe, c'est que deux millions de salariés aient foulé les pavés parisiens et ceux de nos grandes villes de province, qu'ils aient, à nos côtés et nous aux leurs - et sans qu'on leur ait soufflé le mot -, soutenu des propositions sur le financement des retraites comme celle que vient de défendre à l'instant Mme Beaudeau lorsqu'elle s'est exprimée sur votre amendement.
Ce qui vous préoccupe aussi, c'est que ces salariés aient fait savoir qu'ils n'étaient pas dupes et que ce qu'on leur cachait, eh bien, ils l'avaient découvert par eux-mêmes. Les gens ne sont pas des imbéciles, monsieur le ministre, nos concitoyens ne sont manipulés ni par nous ni par une mystérieuse personne qui appuierait sur un bouton. C'est tellement vieux que je pensais ne plus jamais entendre un tel propos. Avant, c'était la « main de Moscou ». De quelle main s'agit-il aujourd'hui ? Sans doute, monsieur Gournac a-t-il une idée...
M. Alain Gournac. Eh oui !
Mme Nicole Borvo. J'en étais sûre !
M. Roland Muzeau. Ce qui est en jeu est essentiel, et c'est ce qui fait bouger les salariés de notre pays, nos concitoyens. Aussi, quand des manifestants arrivent, comme hier, aux portes du Sénat et que les groupes de la majorité se refusent à les recevoir, c'est que nous vivons dans une bien étrange forme de démocratie.
Tout ce que vous avez dit, monsieur About, n'y change rien : ils sont venus - et revenus cet après-midi - et ils ont été refoulés parce que les groupes de la majorité sénatoriale n'ont pas voulu les recevoir !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. J'ai proposé de les recevoir !
M. Roland Muzeau. Monsieur About, vous n'êtes pas un groupe ! (Rires.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est vrai !
Mme Hélène Luc. Vous êtes d'accord pour les recevoir ? Chiche, vous les recevez demain !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. D'accord !
M. Roland Muzeau. Je crois, monsieur Fillon, qu'il faudrait que vous relisiez le tome II du rapport de la commission. Certaines auditions étaient intéressantes. J'ai cité celle de M. Guillaume Sarkozy, qui se vantait - quelle fierté ! - de délocaliser les entreprises à l'étranger. Quel formidable programme !
Mais il y a eu d'autres auditions, et je pense à celle de M. Robert Buguet, président de l'Union professionnelle artisanale, avec lequel je ne suis pas forcément toujours d'accord. Je partage toutefois un certain nombre de ses propositions.
M. François Fillon, ministre. Il soutient la réforme !
M. Roland Muzeau. Je n'ai pas dit le contraire, mais laissez-moi terminer : je vous vois impatient. Je voudrais citer quelques éléments, j'allais dire de sa déposition, disons plutôt de sa contribution, mais, après le passage que je vais citer, vous n'allez pas manquer de l'accuser.
Mme Nicole Borvo. On va vite en prison en ce moment ! Et José Bové n'en est toujours pas sorti !
M. Roland Muzeau. Il est vrai qu'avec les lois Sarkozy cela va vite, mais je reviens à ma citation : « Dans quelle mesure les bénéfices retirés de ces opérations boursières contribuent-ils au financement de la protection sociale de ce pays ? Nous posons la protection sociale comme une valeur républicaine qui cimente notre société. Nous devons nous poser la question de son financement. Pour notre part, nous considérons que l'ensemble de la richesse produite doit contribuer au financement de cette disposition. » C'est malin cela...
Le président de l'UPA ajoute : « Néanmoins, si le monde patronal persiste dans une attitude non citoyenne concernant l'emploi des jeunes et des anciens, ces cotisations seront accrues. »
M. Guy Fischer. On est au coeur du problème !
M. Roland Muzeau. Absolument ! Je poursuis : « Nous représentons une masse salariale au moins équivalente à celle des grandes entreprises, nous finançons au moins la moitié de cette garantie. »
Mme Nicole Borvo. C'est vrai !
M. Roland Muzeau. « Or nous ne mettons pas en place des plans sociaux et nous contribuons à leur financement pour moitié ! »
Mme Nicole Borvo. Encore une injustice !
M. Roland Muzeau. Et il termine...
M. Alain Gournac. C'est un peu long !
M. Roland Muzeau. ... en disant : « Je préconise un dispositif plus coercitif visant les entreprises où la gestion de la pyramide des âges a consisté à faire partir les seniors, sans nécessairement embaucher de juniors non plus d'ailleurs. »
Mme Nicole Borvo. C'est intéressant comme précision !
M. Roland Muzeau. M. le président de l'UPA dit donc des choses avec lesquelles nous sommes d'accord et vice versa. Or je ne crois pas qu'il apprécierait certains des qualificatifs que vous avez utilisés à l'encontre de nos propositions ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Paul Loridant, pour explication de vote.
M. Paul Loridant. Je m'adresse tout spécialement à M. le ministre des affaires sociales, ...
M. Henri de Richemont. On peut sortir !
M. Paul Loridant. ... qui, avant de donner son avis sur les amendements, a affirmé des choses qui ne sont pas tout à fait vraies,...
M. Alain Gournac. Pas tout à fait fausses non plus !
3 M. Paul Loridant. ... et je précise au Sénat que, sur ce point, je ne suis pas tout à fait en phase avec les membres de mon groupe...
Plusieurs sénateurs de l'UMP. Ah !
M. Paul Loridant. Attendez, mes chers collègues, pas trop vite !
Monsieur le ministre, je consens à reconnaître avec les membres de mon groupe que l'article 5 est au coeur du projet de loi puisqu'il définit les conditions de l'allongement de la durée de cotisation, mais, à titre personnel, j'étais prêt, comme ceux qui me sont proches, à discuter de ces conditions.
M. Henri de Richemont. Votez !
M. Alain Gournac. Mais ?...
M. Paul Loridant. Je suis prêt aussi à reconnaître que, à quelques mois de l'élection présidentielle de 2002, le Président de la République, M. Jacques Chirac, et le Premier ministre de l'époque, M. Lionel Jospin, lors du Sommet européen de Barcelone, étaient, l'un et l'autre, en phase avec leurs homologues des autres pays de l'Union européenne pour accepter l'allongement de la durée de cotisation.
M. François Fillon, ministre. Absolument !
M. Paul Loridant. Vous me permettrez de penser que le Premier ministre avait perçu dans sa propre majorité quelques échos pas très favorables...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Certainement !
Mme Nicole Borvo. Ne faites pas semblant de le découvrir, monsieur About !
M. Paul Loridant. ... et qu'il savait que, vraisemblablement, il allait se mettre à dos une partie de son électorat ...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est bien à cause de cela qu'il n'a jamais traité le problème des retraites !
M. Paul Loridant. ... dont j'étais, et je crois me rappeler que le reste des membres de mon groupe était sur la même ligne.
M. Guy Fischer. Exact !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous avez été le drame de Jospin ! Son « purgatoire » !
M. Paul Loridant. Aujourd'hui, à la différence de mon groupe, je suis prêt à reconnaître qu'on peut discuter de la durée de l'allongement de la durée de cotisation. (Murmures sur les travées du groupe C.R.C.). Je vous l'avais dit, mes chers collègues, il ne faut pas exagérer ! Au début de la discussion, j'ai fait une déclaration à laquelle on peut se référer.
Il n'en reste pas moins qu'il faut voir le tout. Or, pris dans son ensemble, le projet de loi a tout de même un aspect singulier. Vous demandez aux salariés de travailler plus longtemps, de cotiser plus longtemps,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela va ensemble...
M. Paul Loridant. ... et de prévoir une augmentation de cotisation à un horizon encore indéterminé, mais vous ne dites rien de l'augmentation de la part des employeurs.
Vous annoncez d'ores et déjà que l'on touchera moins en travaillant plus longtemps, et vous avez d'ailleurs évoqué le cas de ma propre épouse.
M. François Fillon, ministre. Elle est très jeune ! (Rires.)
M. Paul Loridant. Vous conviendrez que, si on sort du cadre de cet article 5 et que l'on met en perspective l'ensemble du projet de loi, ...
Mme Nicole Borvo. C'est la « totale » !
M. Paul Loridant. ... cela fait quand même beaucoup ! Monsieur le ministre, si vous prenez l'engagement, là, tout de suite, avant que nous ne votions l'article 5, de renoncer à la décote...
M. Roland Muzeau. Chiche !
M. Paul Loridant. ... qui vient se cumuler avec l'allongement de la durée de cotisation et qui contribuera à réduire encore plus le niveau des pensions, alors, banco, je voterai l'article 5 !
Tout cela pour dire, monsieur le ministre, que, contrairement à ce que vous pensez, le débat n'est pas allé jusqu'au bout. D'ailleurs, j'interviendrai plus longuement lorsque l'on arrivera aux dispositions relatives à l'épargne retraite du titre V, mais je peux démontrer dès aujourd'hui qu'un couple avec deux enfants peut placer 720 000 euros, c'est-à-dire environ 5 millions de francs, sans payer un seul centime d'impôt sur le revenu !
Mme Nicole Borvo. Absolument, et ça fait rêver les salariés !
M. Paul Loridant. Pas besoin d'épargne retraite dans ces conditions ! Je vous donne la référence de mes sources, monsieur le ministre : c'est La Tribune du 11 avril, et nous en reparlerons très longuement lors de l'examen du titre V.
Je veux bien que, de façon quelque peu politicienne - nous vous savons habile -, vous tentiez de mettre en contradiction les uns et les autres, mais les contradictions sont d'abord dans votre camp, au sein de votre majorité. Si vous acceptiez de demander aux employeurs de consentir eux aussi un effort, nous pourrions discuter, mais telle n'est pas votre intention, ni celle de la majorité.
Monsieur le ministre, je vous répète que je suis prêt à voter cet article, sous réserve de l'adoption de certains amendements, mais renoncez à la décote ! A défaut, je serai au regret de voter contre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Nicolas About, rapporteur de la commission des affaires sociales. Ça nous fera beaucoup de peine !
M. le président. La parole est à Mme Nelly Olin, pour explication de vote.
Mme Hélène Luc. Une intervention de Mme Olin !
Mme Nelly Olin. Oui, Mme Olin est là ce soir, madame Luc ! Je vous ferai remarquer que, pour ma part, je n'ai pas la désobligeance de pointer les présences ou les absences de mes collègues !
Mme Hélène Luc. J'ai dit non pas que vous étiez souvent absente, mais que vous bloquiez la discussion !
M. Alain Gournac. Je croyais que vous respectiez les femmes, madame Luc !
Mme Nelly Olin. Je suis d'ailleurs largement aussi souvent présente que vous !
S'agissant de l'amendement n° 1119 du Gouvernement, je crois, mes chers collègues de l'opposition, que vous ne voulez ni entendre ni comprendre parce que, quand vous étiez au pouvoir, vous n'avez pas voulu agir. Ayez tout de même l'honnêteté de reconnaître que nul d'entre vous, à cette époque, n'a voulu prendre en main ce dossier à hauts risques ! Peut-être le caractère pluriel de votre majorité ne le permettait-il pas, mais admettez au moins qu'il était nécessaire que nous ayons le courage dont vous avez manqué !
Mme Nicole Borvo. Nous disons qu'il faut faire une réforme, mais pas n'importe laquelle !
Mme Nelly Olin. J'invite le Sénat à voter l'amendement n° 1119, et à rejeter les autres. L'article 5 permettra une évolution harmonieuse des durées de cotisation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Henri de Richemont.
M. Henri de Richemont. Monsieur le président, en application de l'article 38 du règlement, je demande la clôture de la discussion sur l'amendement n° 1119.
M. Paul Loridant. M. le ministre ne m'a pas répondu !
M. le président. En application de l'article 38 du règlement, je suis saisi d'une demande de clôture des explications de vote sur l'amendement n° 1119.
Je vous rappelle que, en application de l'alinéa 1 de l'article 38, la clôture peut être proposée par le président ou tout membre du Sénat lorsqu'au moins deux orateurs d'avis contraire sont intervenus dans les explications de vote sur un amendement.
En application de l'alinéa 2 de l'article 38, cette demande de clôture n'ouvre droit à aucun débat.
Conformément à l'alinéa 4 du même article, je consulte le Sénat à main levée.
La clôture est prononcée.
Je mets aux voix l'amendement n° 1119.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 153, 154, 155, 893, 891, 892, 896, 890, 156, 157 et 158 n'ont plus d'objet. (M. Paul Loridant manifeste son mécontentement et quitte l'hémicycle.)
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 159.
Mme Annie David. Avec cet amendement, nous nous inscrivons clairement dans le prolongement du mouvement social actuellement en cours dans le pays et tendant à rejeter le contenu de la réforme des retraites dont nous débattons depuis un certain nombre d'heures.
L'un des outils idéologiques les plus largement utilisés par le Gouvernement pour tenter de briser la mobilisation actuelle du monde du travail consiste à opposer la situation des salariés du secteur privé à celle des salariés du secteur public.
Comme on le sait, en 1993, lors de la discussion, de l'adoption et de la promulgation de la réforme Balladur, la durée de cotisation des salariés du secteur privé affiliés au régime général avait été portée à 40 annuités, tandis que la période de référence, pour le calcul de la pension, était portée progressivement à vingt-cinq années au lieu de dix.
Cette réforme correspondait, de fait, à une orientation bien précise : réduire le déficit de l'assurance vieillesse par la remise en question du montant des prestations servies et l'accroissement des prélèvements effectués sur la base des salaires.
D'autres objectifs étaient également visés, que nous ne pouvons manquer de souligner ici : le premier était d'exonérer le patronat de toute nouvelle contribution au financement de la protection sociale, le second d'ouvrir la voie, une fois de plus, au recours aux formules diverses et variées d'épargne retraite individualisée, ouverture motivée par l'affaiblissement des garanties collectives.
Nous avons, à ce propos, une étrange impression : celle que l'on se livre aujourd'hui à une forme de répétition de la procédure suivie à l'époque, par le biais de nombre de dispositions du présent projet de loi.
Par ailleurs, le débat ne peut pas non plus occulter que la remise en cause des droits accordés aux salariés du secteur privé va de pair avec une réduction des garanties dont bénéficient aujourd'hui les salariés du secteur public.
La réforme des retraites, que le mouvement social de l'automne de 1995 avait partiellement mise en échec, continue de constituer l'une des préoccupations idéologiques fondamentales de la droite libérale.
Cela explique que, pour masquer les objectifs réels de la réforme, et singulièrement le détournement des flux liés au financement de notre régime par répartition vers les placements financiers et boursiers, le Gouvernement tente aujourd'hui de stigmatiser les agents du secteur public, qui bénéficieraient de scandaleux « privilèges ».
On invite donc l'ensemble des salariés, quel que soit leur secteur d'activités, à accepter l'allongement de la durée de cotisation, alors même que nous savons tous que l'entrée dans la vie professionnelle est de plus en plus tardive, avec tout ce que cela implique pour le calcul des annuités ouvrant droit à pension complète.
Nous refusons, pour ce qui nous concerne, ce qu'il faut bel et bien appeler un recul de la société française dans son ensemble par allongement de la durée de cotisation.
Par conséquent, notre amendement tend à revenir sur les dispositions de la réforme Balladur.
Il faut harmoniser par le haut les régimes de retraite par répartition, en offrant à tous les mêmes garanties, sans remise en cause du principe de l'ouverture du droit à la retraite à 60 ans.
Tel est d'ailleurs le sens, pour une bonne part, de la mobilisation sociale actuellement en cours dans le pays, mobilisation dont il faut bien prendre la mesure et qui illustre nettement la volonté majoritaire des salariés de ce pays.
Ou bien notre système de retraite solidaire continue de se déliter et de s'affaiblir, ou bien on lui rend toute sa pertinence. Tel est l'un des objets de cet amendement, pour lequel nous demandons un scrutin public. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, pour explication de vote.
M. Alain Gournac. J'espère tenir moi aussi cinq minutes ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
En ce qui nous concerne, nous souhaitons sauver notre système de retraite. C'est pourquoi nous sommes très, très défavorables à cet amendement ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Henri de Richemont.
M. Henri de Richemont. Monsieur le président, en application de l'article 38 du règlement, je demande la clôture de la discussion sur l'amendement. (Rires et exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Claude Estier. Je demande la clôture de la session !
M. Guy Fischer. C'est la règle du garrot !
M. Roland Muzeau. On va tirer les conséquences de cette règle !
M. le président. En application de l'article 38 du règlement, je suis saisi d'une demande de clôture des explications de vote sur l'amendement n° 159.
Je vous rappelle que, en application de l'alinéa 1 de l'article 38, la clôture peut être proposée par le président ou tout membre du Sénat lorsqu'au moins deux orateurs d'avis contraire sont intervenus dans les explications de vote sur un amendement.
En application de l'alinéa 2 de l'article 38, cette demande de clôture n'ouvre droit à aucun débat.
Conformément à l'alinéa 4 du même article, je consulte le Sénat à main levée.
La clôture est prononcée.
Je mets aux voix l'amendement n° 159.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
n° 187
:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour | 111 |
Contre | 205 |
Monsieur Franchis, l'amendement n° 1056 est-il maintenu ?
M. Serge Franchis. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 1056 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 897.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 160.
Mme Annie David. Quelques observations complémentaires sur l'amendement n° 160, qui vise à supprimer le second alinéa du paragraphe I de l'article 5, nous semblent nécessaires.
Ce second alinéa est ainsi rédigé :
« La durée moyenne de retraite s'entend, pour une année civile donnée, de l'espérance de vie à l'âge de soixante ans telle qu'estimée cinq ans auparavant, dont est retranché l'écart existant entre la durée d'assurance ou la durée des services et bonifications mentionnée à l'alinéa précédent pour l'année considérée et celle de cent soixante trimestres résultant des dispositions de la présente loi pour l'année 2008. »
En pratique, on demande ni plus ni moins à la Haute Assemblée de valider la mise en place d'une sorte de « pied à coulisse », pour prendre une image un peu rapide, dont la graduation évoluerait dans les années à venir en fonction de l'espérance de vie.
Ainsi, si la collectivité humaine de ce pays avait le bonheur de voir l'espérance de vie de ses membres progresser de dix ans, il faudrait accepter de travailler dix ans de plus pour maintenir la même durée d'assurance.
M. François Fillon, ministre. Non, il y a partage entre les deux, entre le travail et la retraite !
Mme Annie David. En fait, la seule variable serait la variable démographique, comme si le problème des retraites n'était qu'un problème de démographie.
Or comme nous avons déjà eu l'occasion de le souligner, le problème des retraites est avant tout strictement économique. Il se pose dans des termes relativement simples : la collectivité a-t-elle oui ou non la capacité de répondre au défi du vieillissement de la population, et si oui, de quels moyens dispose-t-elle effectivement pour ce faire ? Le vieillissement de la population doit-il être considéré comme un facteur de déséquilibre social et économique ou comme un facteur de développement ? N'est-il pas, une fois encore, la résultante d'un progrès social réel, fondé notamment sur la démocratisation de l'accès aux soins permise par la mise en oeuvre de notre système solidaire d'assurance maladie ? Le départ en retraite d'un nombre plus ou moins important de salariés et de travailleurs aujourd'hui en activité est une chance de réduire de manière durable le nombre de chômeurs et de résoudre, par conséquent, une partie des difficultés que nous connaissons de manière chronique sur ce plan.
Qu'il me soit d'ailleurs permis de souligner ici que le taux de sous-emploi que nous connaissons est aussi en partie lié à un taux d'activité relativement moins élévé que dans les autres pays européens pour les personnes âgées de 25 ans à 55 ans. En outre, trop souvent, en dépit des gains de productivité, bien des gens sont aujourd'hui privés d'emploi.
Par ailleurs, le second alinéa du paragraphe I de l'article 5 est absurde sur le strict plan de la promotion sociale. Allonger toujours davantage la durée d'assurance nécessaire pour que les salariés puissent faire valoir leurs droits à la retraite pénalise singulièrement les jeunes qui ont fait le choix d'acquérir une formation initiale poussée, les protégeant mieux contre les risques de chômage.
Pour toutes ces raisons, j'invite le Sénat à adopter l'amendement n° 160, pour lequel je demande un scrutin public.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. Tout à l'heure, M. Loridant nous a permis d'avoir un véritable débat, parlant avec son coeur d'un sujet qu'il connaît. S'il était encore présent dans cet hémicycle, je lui dirais, d'une part, que sa femme est très jeune et qu'il serait donc tout à fait dommage qu'elle parte à la retraite (Sourires), et, d'autre part, que l'insistance avec laquelle il évoque la question de la décote montre qu'il est très focalisé sur une partie du sujet, à savoir les retraites dans la fonction publique, puisque la décote existe depuis très longtemps dans le régime général.
Cela étant dit, vous venez d'affirmer très directement, madame David, que, si l'espérance de vie augmentait de dix ans, la durée de cotisation serait allongée de dix ans, c'est vraiment une caricature de nos propositions ! Nous disons simplement qu'il faut partager les gains en matière d'espérance de vie entre la retraite et le travail, et nous prévoyons, dans le texte, de maintenir le rapport existant actuellement entre le temps de travail et le temps de retraite.
On peut certes s'opposer à cette proposition, mais insinuer...
Mme Annie David. Ce n'est pas une insinuation, c'est clairement exprimé !
M. François Fillon, ministre. ... que notre objectif serait d'affecter la totalité des gains obtenus en termes d'espérance de vie à la période d'activité, c'est évidemment caricaturer nos positions, et cela ne permet pas d'engager un débat dans de bonnes conditions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Nelly Olin. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 160.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
n° 188
:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour | 111 |
Contre | 205 |
Monsieur Boyer, l'amendement n° 34 est-il maintenu ?
M. Jean Boyer. Compte tenu des précisions que M. le ministre et M. le président About m'ont apportées, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 34 est retiré.
La parole est à M. Guy Fisher, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 161, 162 et 163.
M. Guy Fischer. Tout d'abord, je ne voudrais pas laisser M. le ministre penser que nous sommes seulement capables de lire des fiches qui ont été préparées par d'autres.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Ce que vous avez dit, ce n'est pas bien, monsieur le ministre !
M. Guy Fischer. Ce serait, en effet, faire injure non pas tant aux sénateurs - cela, on en a l'habitude - qu'à nos collaborateurs, qui travaillent depuis plusieurs semaines sur ce dossier. Il me semble tout à fait logique, d'ailleurs, de travailler avec nos collaborateurs de l'Assemblée nationale.
M. Henri de Richemont. C'est un aveu !
M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, il y avait une certaine désobligeance dans la manière dont vous avez traité les choses.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Guy Fischer. Je tenais à vous le dire très gentiment.
Mme Hélène Luc. Mais à le dire quand même !
M. Guy Fischer. Pour notre part, nous voulons saluer le travail qui a été accompli par l'ensemble des sénatrices et des sénateurs, ainsi que par nos collaborateurs.
J'en viens à l'explication de vote sur les amendements identiques n°s 161, 162 et 163, qui visent à supprimer le paragraphe II de l'article 5.
Ce débat aura eu le mérite de la pédagogie et les Français auront appris que, au-delà de l'alignement de la durée de cotisation de la fonction publique sur celle du secteur privé, par l'allongement de la durée de 37,5 à 40 annuités, de multiples dispositifs techniques vont accentuer la dégradation de leur retraite et qu'ils vont notamment rencontrer des problèmes de décote. Pour ma part, comme certainement la plupart de mes collègues, j'ai essayé d'être pédagogue.
En guise d'explication de vote, je citerai l'exemple d'une personne qui habite à Ecully, dans le département du Rhône. Elle a commencé à travailler à l'âge de dix-huit ans, en 1968. Elle totalisera quarante-trois années de travail en 2010, date prévue de son départ en retraite, mais en ayant cotisé à deux régimes, privé et public. De 1968 à 1976, elle est ouvrière en confection. De 1976 à 1978, elle bénéficie d'un congé parental pour deux enfants, sous le régime de la caisse d'allocations familiales, années comptant pour sa retraite. De 1978 à 1987, elle travaille comme ouvrière en métallurgie puis connaît un an de chômage. En 1988, elle est titularisée catégorie C dans la fonction publique, comme employée de service à l'Ecole nationale de la police, qui se trouve à Saint-Cyr-au-Mont-d'Or, comme chacun sait.
Or elle a découvert, et je crois que cet exemple est pédagogique, que lorsqu'elle partira à la retraite à 60 ans, en 2010, en ayant accompli vingt et une années dans le secteur privé et vingt-deux ans dans le secteur public, soit quarante-trois ans, elle subira, et c'est là que je veux en venir deux fois la décote, (M. le président de la commission des affaires sociales fait un signe de dénégation.).
M. François Fillon, ministre. Non !
M. Guy Fischer. C'est le directeur du personnel qui le lui a indiqué !
M. Alain Gournac. Intox !
M. Guy Fischer. Non, ce n'est pas de l'intox, monsieur Gournac ! Puisque l'on nous accuse de lire des fiches, je cite un exemple bien précis, qui a le mérite, je crois, de faire entrer la vie dans notre débat. Il permettra à M. le ministre de réagir. La décote est l'un des problèmes que les Françaises et les Français découvriront de plus en plus.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. Je voudrais simplement rassurer M. Fischer : cette dame ne subira pas de décote car l'un des avantages de la réforme que nous proposons, c'est justement la possibilité d'une durée d'assurance tous régimes.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Voilà !
M. François Fillon, ministre. Aussi, on additionnera les deux régimes, ce qui portera le total de la durée de cotisation à quarante-trois ans et la personne concernée n'aura pas de décote.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh bien voilà ! Maintenant vous pouvez voter !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Ça, c'est un bon débat !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous pouvez retirer les amendements !
M. Guy Fischer. Vous confirmez donc que le DRH s'est trompé ?
M. Henri de Richemont. Il est de gauche ! (Sourire.)
Un sénateur de l'UMP. Il ne connaît pas la réforme !
M. le président. Je mets un terme à la récréation !
La parole est à Mme Borvo pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo. J'ai entre les mains le déroulé de la séance, et non des fiches...
Mme Nelly Olin. Le dérouleur !
Mme Nicole Borvo. En effet. Excusez-moi, je suis fatiguée.
M. Roland Muzeau. Il fallait demander la clôture de la discussion. (Sourires.)
Mme Nicole Borvo. La clôture de la session et une reprise en septembre car je n'étais pas favorable à l'examen de ce projet de loi au cours d'une session extraordinaire en juillet !
M. Henri de Richemont. Vous ne voulez pas de débat !
Mme Nicole Borvo. A l'occasion de l'examen de cet amendement, je voudrais obtenir une précision, monsieur le président de la commission. Vous avez demandé que l'amendement du Gouvernement soit examiné en priorité. Quel est votre objectif ? Qu'est-ce qui se cache derrière cette demande, sinon la volonté d'éviter les explications de vote sur les amendements de suppression ? Quel est l'intérêt de cette demande de priorité ?
M. Gilbert Chabroux. Bien vu !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Madame Borvo, je tiens à saluer votre perspicacité. (Sourires.) Lorsque la commission et la majorité approuvent un amendement du Gouvernement, c'est qu'elles n'ont pas l'intention de supprimer l'article. Il vaut mieux que les choses soient claires tout de suite.
M. Alain Gournac. Voilà !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pourquoi discuter pendant des heures et des heures de la suppression d'un article alors que chacun sait que nous souhaitons le conserver ? C'est la clarté des débats qui l'impose ! Bien entendu, si par extraordinaire nous avions repoussé l'amendement du Gouvernement, les amendements de suppression auraient alors eu tout leur intérêt. Derrière notre demande il n'y a que la cohérence, toujours la cohérence.
M. Alain Gournac. Ils ont tout compris ! (Mme Nicole Borvo s'exclame.)
M. Roland Muzeau. Votre raisonnement ne tient pas, monsieur le président About !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 161, 162 et 163.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 202.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 164, 165 et 166.
Mme Annie David. Ces amendements visent à sensibiliser le législateur sur la question de l'accès inégal des femmes aux emplois supérieurs des fonctions publiques.
Nous saisissons cette occasion pour vous rappeler quelques recommandations issues du rapport annuel du comité de pilotage pour l'égal accès des femmes et des hommes aux emplois supérieurs des fonctions publiques coordonné par M. Anicet Lepors et paru le 25 février 2002.
M. Henri de Richemont. Ce n'est pas le sujet !
Mme Annie David. Dans la perspective du comité interministériel qui s'est tenu à l'automne 2001 sur la gestion des ressources humaines dans la fonction publique, le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat avait demandé au comité de pilotage de lui proposer au printemps 2001 un certain nombre de mesures susceptibles d'être avancées ou simplement évoquées à cette occasion.
Le comité a repris à son compte certaines propositions non abouties, avancées dans des rapports antérieurs, et a rappelé l'énoncé d'initiatives ou de thèmes d'étude retenus susceptibles d'avoir des débouchés à terme relativement rapproché.
On a alors proposé d'agir sur les voies d'accès et les conditions de recrutement, en suggérant l'abrogation du deuxième alinéa de l'article 6 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 prévoyant que des recrutements distincts pour les hommes ou les femmes peuvent exceptionnellement être prévus lorsque l'appartenance à l'un ou l'autre sexe constitue une condition déterminante de l'exercice des fonctions.
Il fallait aussi procéder à l'analyse des spécialisations, des voies d'accès à la haute fonction publique et des résultats obtenus afin de repérer les causes des inégalités observées. Des études spécifiques seront menées dans les établissements d'enseignement supérieur, en commençant par un certain nombre d'écoles et d'instituts, notamment l'IEP, l'ENA et l'Ecole polytechnique.
Nous nous demandons aujourd'hui de quelle manière le Gouvernement entend mettre en oeuvre les recommandations de ce rapport et quels ont été les progrès réalisés depuis un an.
Pour cette raison, nous vous invitons mes chers collègues, à adopter ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 164, 165 et 166.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 174.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 175.
M. Roland Muzeau. Mes collègues ont déjà eu l'occasion de dire que nous n'adhérons ni à la philosophie ni au contenu de l'article 5, qui met en musique le principe de l'évolution systématique, continue et infinie de la durée de cotisation requise pour ouvrir droit à la retraite à taux plein, en fonction de l'allongement de l'espérance de vie moyenne.
Je tiens toutefois à rappeler que ce choix comptable, qui fait de l'allongement de la durée de cotisation une variable, un outil d'ajustement permanent de nos régimes de retraite, est inacceptable. Il est en effet particulièrement inégalitaire sur le plan social dans la mesure où existent indiscutablement, selon les catégories professionnelles, de fortes disparités en termes d'espérance de vie. De plus, ce choix néglige en réalité le fait qu'aujourd'hui plus d'une personne sur deux est inactive au moment où elle demande à bénéficier de sa retraite, le plus souvent parce qu'elle est au chômage ou en préretraite.
En 2001, selon le chiffrage du COR, près de 550 000 personnes relevaient de cette situation, soit un effectif équivalent à celui d'une génération. L'inactivité liée bien souvent à des maladies ou accidents professionnels ou à une longue maladie s'y rajoute.
Quoi qu'il en soit, il aurait été plus logique et honnête intellectuellement, avant même de décider une réforme paramétrique, de s'attacher à améliorer l'emploi, en jouant sur le contexte économique, sur les mécanismes de cessation progressive d'activité.
« Allonger la durée de cotisation au-delà des 40 ans ne s'impose pas. Il faut impérativement relever le taux d'activité. Alors, il sera temps de faire le point. » Ce n'est pas moi qui le dit, mais M. Jacques Barrot. Il faut croire que ce qui était vrai hier ne l'est plus aujourd'hui.
Bref, dans la mesure où le présent texte charge le Gouvernement d'élaborer un premier rapport d'étape pour le 1er janvier 2008, avant que ne commence à s'enclencher la mécanique de l'augmentation de la durée d'assurance pour l'ensemble des salariés, la moindre des choses, c'est qu'apparaissent clairement identifiées les évolutions des taux d'activité des plus de 50 ans, mais aussi la situation professionnelle des individus au moment où ils demandent la liquidation de leur retraite, selon les groupes socioprofessionnels, le sexe, etc.
Sauf, bien sûr, à négliger le principe de solidarité qui fonde notre système de retraite par répartition et qui implique que soient introduits des mécanismes de nature à corriger certaines inégalités devant la retraite.
Pour toutes ces raisons, je voterai cet amendement et je demande un scrutin public.
Cela étant dit, monsieur le président About, je reviens sur la raison pour laquelle, selon vous, nos amendements n'ont plus d'objet, compte tenu de l'adoption de l'amendement du Gouvernement. Je conteste totalement votre interprétation du règlement. En effet, cet amendement tend à réécrire non pas l'ensemble de l'article, mais un de ses alinéas.
M. Gilbert Chabroux. Absolument !
M. Roland Muzeau. Vous nous abusez ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. Oh !
M. Roland Muzeau. La décision qui a été prise n'est pas conforme au règlement de notre assemblée, et cela n'est pas correct !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je ne voudrais pas que M. Muzeau garde une mauvaise idée de ce que j'ai dit et qu'il reste dans l'erreur. Il est évident que si nous approuvons la modification d'un alinéa, c'est que nous ne souhaitons pas supprimer l'article,...
M. Roland Muzeau. Et alors ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. ... ou alors nous serions inconséquents. Il est normal que tous les amendements visant à supprimer l'article n'aient plus d'objet à partir du moment où nous adoptons une modification d'un alinéa.
M. Roland Muzeau. Non !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est votre point de vue, et comme dirait l'autre, c'est le nôtre et je le partage. (Sourires.)
M. Roland Muzeau. Ce n'est pas une lecture objective du règlement de notre assemblée !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. A l'instar de Georges Marchais, je dirai : ce n'est pas la question mais c'est ma réponse ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 175.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
n° 189
:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour | 111 |
Contre | 205 |
La parole est à Mme Danielle Bidard-Reydet, pour explication de vote sur l'amendement n° 173.
Mme Danielle Bidard-Reydet. La question de la qualité de l'emploi est déterminante quand on veut mesurer les devenirs de notre régime de protection sociale.
Dans tous les cas de figure, ce qui est en cause, c'est la stabilité et la permanence des ressources de la protection sociale. Le travail précaire est sans doute très intéressant pour les entreprises en ce sens qu'il leur permet de gérer au moindre coût l'intervention humaine dans le processus de production, mais il est dévastateur pour le financement de la protection sociale puisqu'il place le plus souvent les salariés dans la pire des situations.
Le travail en miettes, précarisé et conçu comme un produit dont on se sert à flux tendus, c'est la garantie de carrières professionnelles hachées, sans reconnaissance dans la durée de la compétence, conduisant au nivellement par le bas des ressources des salariés. C'est un facteur de déséquilibre de nos organismes sociaux.
Sous une forme ou sous une autre, ce sont en effet 5 millions de salariés qui sont aujourd'hui pris dans l'engrenage de la précarité du travail ; sans véritables débouchés professionnels, sans reconnaissance réelle de leur qualification ni de leur dignité.
La qualité de l'emploi étant déterminante pour la qualité de la croissance économique et la qualité de notre régime de protection sociale, je soutiens donc fortement l'amendement n° 173.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 173.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 894.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 176.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Monsieur Boyer, l'amendement n° 35 est-il maintenu ?
M. Jean Boyer. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 35 est retiré.
La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'amendement n° 167.
M. Guy Fischer. De 16 milliards à 18 milliards d'euros, c'est ce que coûtent chaque année les différents dispositifs d'exonération de cotisations sociales qui peuplent notre législation fiscale et sociale très riche.
C'est donc sur une approche critique de ces dispositifs que j'appuierai la présente explication de vote.
Nous ne pouvons en effet décider du devenir de notre système de retraite par répartition, de la qualité des prestations qu'il fournit et de l'économie générale de son financement en faisant abstraction des caractéristiques de la politique de l'emploi, dont les exonérations sociales constituent un élément déterminant.
Il est d'ailleurs tellement déterminant qu'aujourd'hui le montant des exonérations de cotisations sociales est plus important que ne l'est le montant du budget du ministère du travail, n'est-ce pas monsieur le ministre ?
On pourrait presque dire que, d'une certaine manière, vous êtes plus le ministre des exonérations de cotisations sociales que le ministre des affaires sociales. (Sourires.)
La politique de l'emploi a d'ailleurs un impact sur la situation des comptes sociaux, nous le savons tous.
La première incidence est la transformation d'une part non négligeable, pour les comptes publics, des cotisations sociales en produit fiscal. Comme le rythme de versement n'est pas le même, cela pose parfois quelques menus problèmes de trésorerie aux organismes sociaux.
Seconde incidence : la portée réelle de ces exonérations en termes de dépenses publiques.
Quand l'Etat paie à la place des entreprises 18 milliards d'euros de cotisations sociales, il creuse indirectement son déficit de l'équivalent d'un tiers de ce que l'on peut attendre de l'exécution de l'exercice 2003.
Il ne résout pas plus les problèmes de financement des organismes sociaux.
Troisième et dernière incidence : le coût indirect de ces exonérations pour la protection sociale.
En effet, comme chacun le sait, l'essentiel de l'effort porte sur les bas salaires, ce que vous avez appelé, monsieur le ministre, le travail peu qualifié, et qui est plutôt pour nous - nous aurons peut-être le loisir d'en reparler - le travail à qualification non reconnue.
Or, compte tenu des effets de seuil de ce type de mesures - et je pense notamment à la ristourne dégressive -, tout cela incite les entreprises à peser autant que faire se peut sur le niveau des salaires, avec ce que cela implique sur les recettes de la protection sociale.
Lorsque l'on choisit, comme le fait le Gouvernement, de financer une politique d'exonérations sociales étendues, on crée les conditions d'une préservation du travail sous-rémunéré, avec tout ce que cela signifie en retour pour la consommation, pour les rentrées fiscales mêmes de l'Etat et l'ensemble des dépenses induites par l'absence de revenus suffisants pour les salariés.
C'est parce que cette approche critique des exonérations de cotisations sociales est nécessaire que nous vous incitons mes chers collègues, à voter notre amendement.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 167.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 168.
Mme Annie David. Les exonérations de cotisations sociales doivent être approchées de manière critique dans le cadre du rapport destiné à nous permettre de décider, en notre âme et conscience du devenir de nos régimes de retraite par répartition.
On pourrait croire en effet que ces politiques d'allégement du coût du travail ont quelques effets sur la situation de l'emploi en général. Mais ces effets apparaissent aujourd'hui particulièrement difficiles à mesurer puisque, au détour d'un amendement à la loi de finances rectificative adoptée en décembre dernier, la majorité sénatoriale s'est empressée de faire abroger la loi sur le contrôle des fonds publics accordés aux entreprises, loi dont le seul tort, sans doute, était d'émaner d'une proposition de loi qui avait pour signataire le principal responsable d'un parti politique de gauche.
Nous sommes dans l'ardente obligation, de nature constitutionnelle d'ailleurs, de savoir ce que l'on fait de l'argent public, notamment ce que l'on en fait lorsque l'on décide de l'accorder aux entreprises pour créer ou maintenir des emplois.
C'est le sens de cet amendement qui vise, entre autres, à faire en sorte que nous sachions exactement ce qu'il en est quand des milliards et des milliards d'euros sont ainsi dépensés.
Combien d'emplois derrière la ristourne dégressive sur les bas salaires ?
Nous avons déjà cité le cas des grands groupes de la distribution commerciale comme Carrefour ou Auchan, ou encore Promodès, mais j'y reviens.
Pour ces groupes, les exonérations de cotisations sont un outil stratégique, une manne de liquidité importante, qu'ils utilisent abondamment sur les marchés financiers dans des opérations spéculatives de très court terme et qui ne leur servent qu'à multiplier en dernière instance des contrats de travail à temps partiel rémunérés au SMIC horaire.
Dans de nombreuses entreprises, l'incitation à la création d'emplois dits « peu qualifiés » a en réalité une conséquence négative sur la qualité de l'emploi.
Dès lors que l'effort porte de manière essentielle et primordiale sur les plus basses rémunérations, tout incite les entreprises à peser sur les salaires, ce qui signifie que les compétences acquises et la qualification réelle des salariés ne sont pas reconnues, ce qui signifie aussi que l'on asphyxie progressivement la source du financement de la protection sociale, de même qu'un facteur essentiel de croissance.
C'est cela qu'il nous faut mesurer dans le cadre du rapport prévu à l'article 5, paragraphe II.
Pour toutes ces raisons, je ne peux, évidemment, que vous inviter, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 168.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 169.
M. Roland Muzeau. La notion de paramètre financier manque quelque peu de consistance ; c'est pour cela que nous avons déposé cet amendement sur la notion d'élargissement de l'assiette des cotisations sociales.
Comme nous l'avons indiqué à l'appui de la défense de cet amendement, nous devons réfléchir au devenir de l'assiette des cotisations sociales ou, pour être plus précis, nous interroger sur les facteurs qui pourraient faciliter un financement pérenne de la protection sociale et, singulièrement, sur la manière dont on peut utiliser la richesse créée par le travail pour le bien-être de tous.
Ce qui nous est effectivement proposé, avec cet amendement, c'est de marquer notre attachement profond au régime solidaire de retraite par répartition.
Le financement de notre système de retraite, nous l'avons vu, est profondément lié à la croissance économique.
Il en est d'ailleurs à la fois le produit et le vecteur. C'est à partir de la richesse créée par le travail que nous finançons aujourd'hui notre système solidaire et c'est par l'utilisation de leurs revenus - ce qui est un coût pour certains est un revenu, souvent hélas trop faible, dans la poche des autres - que les retraités et pensionnés participent à leur manière à la vie économique et sociale du pays.
Cette remarque vaut de manière générale et me rappelle, notamment, le cas des intermittents du spectacle dont on ne cesse de nous dire qu'ils sont des privilégiés de l'assurance chômage.
M. Henri de Richemont. C'est vrai !
M. Roland Muzeau. Allez-y ! Continuez ! C'est bon pour le Journal officiel. Les intermittents du spectacle apprécieront beaucoup. Vous avez un festival dans votre ville, j'espère !
Vous oubliez que les intermittents du spectacle sont aussi à la source d'activités économiques autour des grandes manifestations culturelles dont ils sont les acteurs.
Si nous devons relever à la fois les défis de l'accroissement du nombre et du montant des pensions et retraites servies et celui de la démographie et de l'allongement de la vie, nous devons aussi dégager les outils qui permettent de mieux faire coller l'assiette des cotisations à l'évolution des temps.
Cet amendement vise notamment à valider la présentation de scenarii de financement alternatifs par rapport à ceux qui nous sont proposés, prenant entre autres en compte la question de l'utilisation de la valeur ajoutée et donc les effets de la substitution du capital au travail.
Cet amendement est déterminant, et je demande qu'il soit mis aux voix par scrutin public.
M. Alain Gournac. Encore !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 169.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ? ...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
n° 190
:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour | 111 |
Contre | 205 |
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 170, 171 et 172.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 177, 178 et 179.
Mme Annie David. Il s'agit de la durée de cotisation pour bénéficier du droit à la retraite à taux plein, durée appelée à s'accroître de manière non négligeable.
Depuis 1993, les retraités du secteur privé affiliés au régime général doivent cotiser pendant quarante années.
L'une des motivations de la réforme de l'époque était de permettre un redressement des comptes de l'assurance vieillesse, au travers de mesures d'économie et de progression des recettes.
Il s'agissait de faire en sorte que les salariés de ce pays paient plus de cotisations pour des pensions réduites et des droits amoindris.
La situation de l'assurance vieillesse ne présente pas nécessairement, aujourd'hui, les mêmes contraintes de nature conjoncturelle.
Il s'agit de solutions de nature plus directement structurelle, visant dans les faits à réduire encore le montant des pensions versées au titre du régime général en vue de créer une forme d'appel d'air en faveur des solutions individualisées d'épargne retraite ou de poursuite professionnelle.
L'allongement de la durée de cotisation est d'ailleurs de ce point de vue à analyser au regard de l'effort que le Gouvernement semble prêt à accomplir pour défiscaliser largement les sommes placées dans le cadre de l'épargne retraite volontaire, qu'il s'agisse d'ailleurs des sommes avancées par les employeurs ou de la contribution directe des souscripteurs.
Nous sommes partisans, pour notre part, d'un retour à l'application du principe d'égalité entre salariés, par réduction du nombre d'annuités nécessaire pour bénéficier du versement d'une pension dans le cadre du régime général.
Le mouvement social majoritaire qui traverse notre pays depuis plusieurs semaines porte au plus haut niveau cette exigence. Le mot d'ordre « 37,5 annuités pour tous », décliné sous les formes les plus diverses et parfois fortement teintées d'humour, figure en effet au premier rang des revendications exprimées par les salariés en lutte contre ce projet de loi de réforme des retraites.
Nous sommes d'ailleurs tentés de penser que le texte qui nous est soumis est plus proche de l'organisation méthodique d'un recul de société, éloignant toujours plus les salariés du plein et entier exercice de leurs droits, que d'une réforme audacieuse de notre système d'assurance vieillesse solidaire.
En rester au texte du Gouvernement aurait une incidence négative sur la situation générale de l'emploi.
Tout doit être mis en oeuvre pour que l'exercice du droit à la retraite par les salariés permette de dégager plusieurs centaines de milliers d'emplois, alors que ce projet de loi se situe dans une optique toute différente.
Cela permettrait en particulier de perpétuer le financement solidaire de notre régime d'assurance vieillesse, dont la survie est étroitement liée au niveau réel des cotisations qu'il continuera de collecter au bénéfice des assurés et des ayants droit.
C'est sous le bénéfice de ces observations que nous vous invitons à adopter ces trois amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 177, 178 et 179.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 203.
M. Roland Muzeau. L'article 5, comme nous l'avons déjà souligné, nous paraît particulièrement néfaste parce qu'il introduit l'allongement de la durée de cotisation pour les fonctionnaires, mais aussi et surtout parce qu'il définit pour l'ensemble des salariés un calendrier des étapes successives de la majoration des trimestres requis.
Dès 2009, l'ajustement continu de la durée d'assurance destiné à tenir compte de l'allongement de l'espérance de vie devrait nous conduire en 2012 à 41 annuités, en 2016 à 42 annuités et en 2020 à 43 annuités.
Dans la mesure où, par ailleurs, ce plan n'est pas intégralement financé, nous allons au devant de nouveaux reculs.
Dans un entretien accordé au journal La Tribune du 10 juin, le Premier ministre explique que ce qui est important dans cette réforme des retraites, c'est qu'« elle définit sur une longue période une méthode pour ajuster les moyens financiers aux besoins réels des retraités ».
Le Gouvernement a non seulement confisqué les termes du présent débat en proposant aux organisations syndicales des choix tronqués, puisque amputés d'une donnée essentielle, le financement, mais il structure de surcroît l'évolution de notre système de retraite en écartant le Parlement pour l'avenir et en déniant aux citoyens tout droit de regard, tout pouvoir de décision.
L'amendement n° 203 restreint le rôle du Parlement en ce qui concerne les questions essentielles touchant à la protection sociale de nos concitoyens.
Nous ne pouvons accepter que, mécaniquement, après remise d'un rapport émanant du Gouvernement, sans qu'il y ait véritablement débat et vote de la représentation nationale - parce que c'est comme cela que les choses vont se passer - l'exécutif décide seul, par décret, d'ajuster toujours et encore vers le haut le levier de la durée de cotisation.
C'est pour cette raison que nous voterons contre l'amendement 203, sur lequel je demande un scrutin public. (Exclamations sur les travées du l'UMP.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 203.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour | 205 |
Contre | 111 |
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 180, 181 et 182.
M. Roland Muzeau. Le paragraphe IV de l'article 5 prévoit que l'ajustement des durées de cotisation et de versement des prestations d'assurance vieillesse sera fixé de manière pluriannuelle pour la prériode 2017-2020.
Une telle orientation, qui consiste à organiser par avance le recul social, la période d'assurance pouvant être ainsi portée à 40 annuités, implique que, pour un grand nombre de futurs retraités, il faudra une fois de plus renoncer à l'exercice du droit de pension à taux plein à 60 ans. Serait alors confirmé la régression sociale programmée que constitue cette réforme des retraites pour les actifs appelés dans les années visées à faire valoir leurs droits à pension.
Oui, il y a bien risque de voir finalement notre société conduite à connaître des formes diverses et variées de prolongation arbitraire de l'activité professionnelle. Que l'on ne nous mente pas ! Ce qui est programmé, c'est la chute du taux de remplacement, c'est la quasi-obligation pour tout salarié, et sans doute aussi pour nombre de non-salariés qui ne vivent aujourd'hui que de leur travail, de souscrire des formes individualisées d'épargne retraite. C'est la quasi-obligation de maintenir coûte que coûte une activité professionnelle, même réduite, bien au-delà de 60 ans, nom du sacro-saint équilibre de la situation comptable des régimes de retraite, qu'il faut absolument préserver, fût-ce au prix d'un alourdissement du niveau des cotisations.
Pendant ce temps-là, dans les locaux de la rue Pierre-1er-de-Serbie... Mais je ne suis pas sûr que le MEDEF n'ait pas déménagé.
Plusieurs sénateurs de l'UMP. Si !
M. Roland Muzeau. Vous voyez, je suis l'actualité ! (Sourires.)
M. Alain Gournac. Il faut le dire à vos collaborateurs !
M. Henri de Richemont. A force de fréquenter le MEDEF !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Nous y sommes allés avec les intermittents du spectacle !
M. Roland Muzeau. Bref, dans les sièges des groupements patronaux et dans le calme feutré des conseils d'administration, pendant ce temps-là, on pourrait tranquillement compter le montant des dividendes distribués.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 180, 181 et 182.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 183, 184 et 185.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 195.
M. Roland Muzeau. Vous me permettrez d'ajouter quelques mots sur la manière dont on doit considérer ce droit à pension.
Non, la retraite n'est pas un don du ciel, mais c'est bien un droit que les salariés, ceux du secteur public comme ceux du secteur privé, ont conquis de longue date et dont l'inscription au nombre des droits sociaux ne peut plus être contestée aujourd'hui.
Mais cela soulève la question du sens que l'on peut donner à l'action publique dans ce pays.
On ne peut en effet dénier aux fonctionnaires un puissant et réel attachement au service public, aux missions de service public, à ce que le service public signifie au quotidien pour le public même, c'est-à-dire l'ensemble des Françaises et des Français.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Surtout pendant les grèves !
M. Roland Muzeau. Le mouvement social qui se développe depuis plusieurs mois dans notre pays en porte d'ailleurs témoignage, et ce témoignage est cruel pour le Gouvernement.
C'est aussi contre la déclinaison des missions de service public telles qu'elles sont transformées par le projet de loi sur la décentralisation, dont l'examen est d'ailleurs repoussé à l'automne, que les agents du secteur public se sont mobilisés et continuent à se mobiliser.
Quand on examine les données budgétaires les plus récentes, on ne peut que comprendre le sens de cette mobilisation.
Dans de nombreuses administrations, ce sont des milliers de postes budgétaires qui ont été supprimés, au nom, ici d'un accroissement de la productivité, là d'une prétendue réduction de la demande, ailleurs d'une rationalisation de l'organigramme et de l'organisation déconcentrée des services.
Posons la question de manière plus concrète : y a-t-il vraiment, dans les établissements scolaires situés en zone sensible ou en zone rurale en voie de désertification, trop de personnels d'encadrement et d'enseignants en poste ?
Y a-t-il vraiment, face à la sophistication de la fraude fiscale - et notamment de la fraude à la TVA, avec la mise en place de la zone euro -, trop d'agents des douanes ou des impôts pour entamer, poursuivre et faire aboutir les procédures de récupération contentieuse des droits indûment ignorés par les contrevenants ?
Y a-t-il, alors même que le Gouvernement a fait de la lutte pour la sécurité routière une des priorités de son action, trop d'agents au ministère de l'équipement pour mettre en oeuvre les travaux d'entretien des routes ou de résorption des points noirs ?
De la même manière, alors que la question de la santé publique est, elle aussi, au coeur de l'action gouvernementale, comment pourrait-on comprendre que, sous l'effet de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, les établissements hospitaliers se retrouvent finalement contraints de procéder à des réductions d'effectifs, voire de fermer leurs portes, faute de crédits suffisants pour développer leurs équipes soignantes ?
Ce sont pourtant ces orientations qui sont derrière la conception générale de l'évolution du régime de retraite des agents du secteur public que porte ce troisième alinéa du paragraphe V de l'article 5.
Vous comprendrez donc aisément que nous ne puissions qu'en demander la suppression pure et simple.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 195.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 192, 193 et 194.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1128.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 204, modifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
n° 192
:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages | 160 |
Pour | 205 |
Contre | 111 |
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 196.
Mme Annie David. Dans ses travaux, le COR s'est attaché à proposer un certain nombre de réponses pour préserver notre système de retraite par répartition, mais également pour qu'il soit plus généreux, pour qu'il réponde aux besoins de notre société moderne.
La question de l'égalité et de la solidarité entre les cotisants a évidemment été abordée, nos régimes de retraite devant aussi être en mesure de mieux prendre en compte certains aléas - les formes de carrière, la pénibilité ou les longues durées d'activité, par exemple.
Les réalités s'imposent d'elles-mêmes. Personne ne conteste aujourd'hui que, devant la retraite, les femmes et les hommes ne sont pas égaux. Tout le monde s'accorde à reconnaître que, selon les catégories socioprofessionnelles, l'espérance de vie reste inégale. Les disparités dans les niveaux de pension sont, elles aussi, bien réelles.
Se pose alors naturellement l'exigence de parfaire notre système, pour qu'il contribue à réduire les inégalités entre les retraités. A priori, mes chers collègues, toutes ces considérations vous sont étrangères, comme vous est étranger, d'ailleurs, le fait que, pour la majorité des salariés, la retraite soit précédée par une période sans emploi.
Votre texte, monsieur le ministre, contient quelques mesurettes en direction des chefs d'entreprise, afin que ces derniers changent de comportement envers les seniors. Mais croyez-vous sincèrement qu'elles suffiront à changer les mentalités, à faire renoncer aux « préretraites-maison », notamment dans l'industrie où elles sont monnaie courante ? Nous ne le pensons pas.
Nous ne sommes pas les seuls puisque ; sur l'initiative de sa commission des finances, l'Assemblée nationale a ajouté au texte initial une disposition confiant à la commission nationale de la négociation collective la mission d'examiner annuellement l'évolution des conditions d'emploi des seniors.
Une fois de plus, on renvoie aux seuls partenaires sociaux la responsabilité d'action, en l'occurence pour améliorer le taux d'activité des seniors. Faisons toutefois en sorte que ces derniers aient au moins la lecture la plus objective possible de la situation du marché du travail !
Dans la mesure où nous savons que les femmes et les hommes n'encourent pas les mêmes risques de terminer leur carrière professionnelle par une période d'inactivité ou d'invalidité et qu'en conséquence l'incidence sur la retraite des nouvelles mesures Fillon sera différente, plus forte, plus pénalisante pour les uns que pour les autres, il convient d'identifier précisément le taux d'activité des hommes et celui des femmes.
Je voterai donc l'amendement présenté par le groupe CRC...
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Heureusement !
Mme Annie David. ... visant, dans le souci de réduire les inégalités devant la retraite, à ce que la question du taux d'activité des seniors soit abordée en fonction du sexe.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 196.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 895.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote sur l'amendement n° 797 rectifié.
Mme Nicole Borvo. J'interviendrai brièvement sur l'amendement présenté par notre collègue M. Vergès, ce dernier ne pouvant, hélas ! pas être présent ce soir.
Monsieur le ministre, vous nous avez répondu qu'il était hors de question d'instaurer un régime particulier pour la Réunion, la solidarité nationale jouant de différentes façons pour la Réunion et, plus largement, pour les DOM.
Mais cet amendement vise simplement à ce que soit réalisée une étude d'impact sur les conséquences de cette réforme à la Réunion. Je crois donc que nous pourrions accepter cette demande de M. Vergès.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement est d'accord sur le principe, mais il ne souhaite pas inscrire une disposition de ce type dans la loi.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Nous voulons un engagement !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Vous l'avez !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 797 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote sur l'article 5.
M. Claude Domeizel. Je serai très bref, car je ne reprendrai pas tous les arguments qui ont déjà été développés.
Cet article 5 est, en fait, le premier point de la lettre de commande du MEDEF. Vous avez cité, monsieur le ministre, de nombreuses déclarations de personnes connues ou célèbres. Pour ma part, je n'en évoquerai qu'une : avant de décider de l'allongement de la durée de cotisation, il faut aller jusqu'à l'extrême possibilité de la négociation.
C'est un article sur lequel la négociation est absolument indispensable parce qu'il y est question de durée, de temps. Le jour où il sera adopté, le retour en arrière sera difficile. En matière financière, il est toujours possible de revenir en arrière, mais, comme chacun le sait, on ne rattrape jamais le temps !
Les socialistes n'étaient pas opposés à une discussion sur la durée de cotisation.
M. Alain Gournac. Si !
M. François Fillon, ministre. Nous sommes toujours d'accord pour discuter !
M. Claude Domeizel. Mais il faut consacrer beaucoup de temps à la négociation avant de prendre une telle décision. C'est la raison pour laquelle nous voterons contre l'article 5.
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, pour explication de vote.
M. Alain Gournac. Je vais bien évidemment donner un avis contraire. Depuis des heures, en entendant des arguments les uns après les autres, je ne m'étonne plus que les Français ne comprennent pas : si on leur raconte tout cela, effectivement, il leur est impossible de percevoir que nous sommes à un moment extrêmement important ! (Exclamations sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Il est une heure dix, je vous ai écoutés avec beaucoup d'attention.
Imaginez l'effet catastrophique que produirait dans l'opinion l'exemple de la femme perdant des points des deux côtés, à la fois dans le privé et dans le public, cité par nos collègues communistes tout à l'heure ! L'opinion estimerait, à juste titre, qu'il s'agit d'un recul.
Bien évidemment, l'article 5 est un article important, réaliste. C'est pourquoi il est crucial de le soutenir. J'entendais tout à l'heure parler d'« article néfaste ». Il serait à mon avis néfaste de fermer les yeux sur les réalités des problèmes de nos retraites. Or nous avons fermé les yeux trop longtemps. J'ai également entendu invoquer le « recul d'une société », le « refus de regarder en face l'évolution d'une société » !
Nous devons et nous voulons sauver notre système de retraites, c'est pourquoi, avec mes collègues du groupe UMP, nous voterons l'article 5, du projet de loi ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Roland Muzeau. Défenseur du capitalisme !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo. L'article 5, cela a été dit, constitue véritablement le pilier du projet de loi. Je dirai d'emblée que nous sommes opposés à l'allongement de la durée de cotisation. (Exclamations ! sur les travées de l'UMP.) Certes, vous le savez, mais je le répète puisque nous sommes là pour donner notre position.
Si nous y sommes opposés, c'est parce qu'il faut bien constater, comme cela a été dit au cours du débat - s'il y a débat -, que beaucoup de salariés sont au chômage forcé bien avant l'âge de la retraite et que de trop nombreux jeunes ne trouvent pas de travail. Par conséquent, il faudrait déjà s'interroger sur l'impact de la réforme sur l'emploi. Il aurait mieux valu d'abord envisager l'impact d'une réelle politique de création d'emplois sur l'évolution ultérieure des retraites. A l'évidence, le point central de l'amélioration du financement des retraites réside dans la création d'emplois, or vous n'avez pas engagé de politique volontariste en ce sens.
Ensuite, nous avons tenté de vous expliquer que d'autres modes de financement étaient envisageables, sans vous convaincre, bien entendu, puisque vous considérez que rien ne peut changer en matière de financement.
Nos propositions sont connues. M. le ministre nous a aisément démontré, d'après les calculs qu'il a fait réaliser, ce que coûtaient nos propositions en matière de droit à la retraite. Nous avons peut-être fait quelques erreurs de calcul, mais je regrette que M. le ministre ne nous ait pas répondu sur ce que nous pouvions escompter en termes de recettes en modifiant les règles de financement. Cet aspect a été complètement balayé.
Monsieur Gournac, vous vous demandez ce que les Français peuvent y comprendre.
M. Alain Gournac. Avec ce que vous avez dit !
Mme Nicole Borvo. Mais nous en sommes toujours au point de départ, à savoir qu'il faut faire une réforme des retraites ! Nous sommes d'accord sur ce point. Toutefois, la seule réforme qui est proposée est celle que le Gouvernement a présentée initialement, et il ne l'a pas modifiée d'un pouce !
Or force est de constater que les organisations syndicales majoritaires ont refusé cette réforme et que des millions de salariés, soutenus par la majorité de la population, ont été jusqu'à faire grève et à manifester contre cette réforme.
Je ne sais pas s'ils sont stupides ou s'ils ne comprennent rien aux explications que vous n'avez pourtant pas manqué de leur apporter. Il y a eu, faut-il le rappeler, la lettre personnalisée de M. le Premier ministre envoyée à tous les foyers, toutes les explications que M. Fillon a fournies depuis six mois, mais il n'empêche qu'elles n'ont pas paru entièrement convaincantes.
Il ne semble pas entièrement convaincant que la seule solution soit, pour les salariés, de cotiser plus longtemps pour toucher une retraite moindre, sans que d'autres possibilités soient sérieusement étudiées.
Vous comprendrez donc que nous votions contre cet article 5, sur lequel nous demandons un scrutin public.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Paul Loridant, pour explication de vote.
M. Alain Gournac. Il n'est plus fâché ?
M. Paul Loridant. Je suis d'accord avec vous, monsieur le ministre, l'article 5 et celui qui traite de la décote sont effectivement au coeur de l'architecture globale de ce projet de loi sur l'avenir des retraites de nos concitoyens.
Je vous ai interpellé au tout début de la discussion de cet article 5 sur le couplage que vous faisiez entre la durée de cotisation et l'instauration du système de la décote. J'ai bien compris que vous n'entendiez pas revenir sur le système de la décote qui existe pour les salariés du secteur privé.
Selon vous, l'allongement de la durée de cotisation, la baisse du montant des pensions et le montant des cotisations sont les trois éléments sur lesquels repose l'avenir du système de retraite.
Nous avons été plusieurs, notamment des membres de mon groupe, à vous dire qu'il en existait un quatrième, à savoir l'assiette des cotisations, non seulement salariales mais également patronales. Vous n'avez pas, monsieur le ministre, répondu à l'interpellation très précise que je vous ai adressée.
J'ai bien noté aussi qu'il y avait convergence entre le Président de la République, que vous soutenez, et l'ancien Premier ministre, qui a perdu l'élection présidentielle à cause, entre autres choses, du choix qu'il a fait de refuser de trancher.
Monsieur le ministre, puisque vous ne m'avez pas répondu, puisque, sur ce point, vous n'avez pas de divergences fondamentales par rapport au consensus européen et puisque, comme vous nous l'avez dit plusieurs fois, vous n'avez pas de convergences fondamentales avec la majorité de l'ancienne majorité, je voterai contre cet article 5.
Monsieur le ministre, je vous donne rendez-vous pour la discussion du titre V, qui porte sur l'épargne retraite. Je vous montrerai que, en instaurant l'épargne retraite, vous ne faites qu'abonder dans le sens de ceux qui ont les moyens de cotiser pour une retraite complémentaire, et aller contre ceux qui, représentant le peuple souverain, mais le peuple d'en-bas, n'ont pas les moyens de se constituer une telle épargne. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. - Mme Gisèle Printz applaudit également.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 5.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
n° 193
:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour | 205 |
Contre | 111 |
(La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.)