SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
1. Procès-verbal (p. 1).
2. Candidatures à des organismes extraparlementaires (p. 2).
3. Dépôt du rapport d'une commission d'enquête (p. 3).
4. Questions orales (p. 4).
MODALITÉS DE TRANSFERT DES MOYENS
DU FONDS NATIONAL DES ADDUCTIONS D'EAU
AUX DÉPARTEMENTS (p. 5)
Question de M. Jacques Oudin. - MM. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales ; Jacques Oudin.
AVENIR DES AUTO-ÉCOLES (p. 6)
Question de M. Jean-Pierre Bel. - MM. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement,
du tourisme et de la mer ; Jean-Pierre Bel.
FERMETURE DE LABORATOIRES
DE RECHERCHE DU PLATEAU DE SACLAY (p. 7)
Question de M. Paul Loridant. - Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies ; M. Paul Loridant.
AVENIR DES PERSONNELS DES CENTRES
D'INFORMATION ET D'ORIENTATION (p. 8)
Question de Mme Michèle San Vicente. - Mmes Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies ; Michèle San Vicente.
RÉCUPÉRATION DE LA TVA SUR LES TRAVAUX
D'ENFOUISSEMENT DES LIGNES TÉLÉPHONIQUES (p. 9)
Question de M. Alain Vasselle. - Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie ; M. Alain Vasselle.
MODALITÉS DE VERSEMENT DES AIDES
AUX ENTREPRISES D'INSERTION (p. 10)
Question de M. Francis Grignon. - MM. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées ; Francis Grignon.
SITUATION DES SITES
GIAT INDUSTRIES DE LA LOIRE (p. 11)
Question de Mme Josiane Mathon. - Mmes Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense ; Josiane Mathon.
SITUATION DE GIAT INDUSTRIES
ET DE L'INDUSTRIE DE DÉFENSE (p. 12)
Question de Mme Hélène Luc. - Mmes Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense ; Hélène Luc.
SITUATION DES PERSONNES
HANDICAPÉES PSYCHIQUES (p. 13)
Question de M. Georges Mouly. - Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ; M. Georges Mouly.
MAINTIEN À DOMICILE
DES PERSONNES LOURDEMENT HANDICAPÉES (p. 14)
Question de M. Philippe Richert. - Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ; M. Philippe Richert.
MISE EN SERVICE DU CAISSON HYPERBARE
DU CENTRE HOSPITALIER LOUIS-PASTEUR
DE CHERBOURG-OCTEVILLE (p. 15)
Question de M. Jean-Pierre Godefroy. - Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ; M. Jean-Pierre Godefroy.
CRÉATION D'UNE ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES
EN SANTÉ PUBLIQUE (p. 16)
Question de Mme Odette Herviaux. - Mmes Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ; Odette Herviaux.
INDEMNISATION DES SINISTRÉS
DU NAUFRAGE DU PRESTIGE (p. 17)
Question de M. Philippe Madrelle. - Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ; M. Philippe Madrelle.
CONDITIONS DE FINANCEMENT
DES INVESTISSEMENTS DES COMMUNES (p. 18)
Question de M. Claude Biwer. - MM. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales ; Claude Biwer.
SÉCURITÉ DES TRANSPORTS DE FONDS (p. 19)
Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales ; Mme Marie-Claude Beaudeau.
5. Nomination de membres d'organismes extraparlementaires (p. 20).
Suspension et reprise de la séance (p. 21)
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
6. Dépôt de rapports du Gouvernement (p. 22).
7. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire bulgare (p. 23).
8. Infrastructures 2003-2020. - Débat sur une déclaration du Gouvernement (p. 24).
MM. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer ; Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire ; Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer ; Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable ; MM. Christian Poncelet, président du Sénat ; Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques ; Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Jean François-Poncet, président de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire Aymeri de Montesquiou, Daniel Reiner, Mme Marie-France Beaufils, MM. Hubert Haenel, Daniel Hoeffel.
M. Gilles de Robien, ministre.
Suspension et reprise de la séance (p. 25)
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
9. Modification de l'ordre du jour (p. 26).
10. Infrastructures 2003-2020. - Suite d'un débat sur une déclaration du Gouvernement (p. 27).
MM. Pierre Laffitte, Michel Teston, Mme Odette Terrade, MM. Michel Mercier, Denis Badré, Roland Courteau, Mme Annie David, MM. Jacques Oudin, Claude Biwer, Daniel Percheron, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Leroy, Jean-Marie Vanlerenberghe.
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
Mme Odette Herviaux, MM. Gérard Le Cam, Georges Gruillot, Mme Jacqueline Gourault, M. Gérard Collomb, Mme Hélène Luc, MM. Charles Revet, Jean Boyer, Michel Moreigne, Jean-François Le Grand, Mme Gisèle Gautier, MM. Philippe Madrelle, Jean Pépin, YvesKrattinger, Gérard Longuet, Jean-François Picheral, Jean-Claude Etienne, Jean-Pierre Godefroy, Jean-François Humbert, Jean-Pierre Demerliat, Jacques Blanc, Jean-Louis Carrère, Jacques Valade, Marcel Vidal, Bruno Sido, Jean-Pierre Plancade, Alain Gérard, Jean-Pierre Sueur, Jean-Pierre Vial, Jacques Peyrat, Francis Grignon, Philippe Richert, Joseph Ostermann, Jean-Patrick Courtois, Jean-Paul Emorine, Eric Doligé, Henri Revol.
MM. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer ;Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer ; le président.
Clôture du débat.
11. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 28).
12. Dépôt de rapports d'information (p. 29).
13. Ordre du jour (p. 30).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
CANDIDATURES À DES ORGANISMES
EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. lePremier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein de deux organismes extraparlemenaires.
La commission des affaires économiques a fait connaître qu'elle propose les candidatures deM. Marcel-Pierre Cléach pour siéger au Conseil national de l'habitat, en tant que membre suppléant, et de M. Pierre Hérisson pour siéger au Conseil national de la montagne, en tant que membre titulaire.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
DÉPÔT D'UN RAPPORT
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE
M. le président. M. le président a reçu de M. Bernard Plasait un rapport fait au nom de la commission d'enquête sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites, créée en vertu d'une résolution adoptée par le Sénat le 12 décembre 2002.
Ce dépôt a été publié au Journal officiel - Edition des lois et décrets du jeudi 29 mai 2003. Cette publication a constitué, conformément au paragraphe III du chapitre V de l'instruction générale du bureau, le point de départ du délai de six jours nets pendant lequel la demande de constitution du Sénat en comité secret peut être formulée.
Ce rapport sera imprimé sous le n° 321 et distribué demain, sauf si le Sénat, constitué en comité secret, décide, par un vote spécial, de ne pas autoriser la publication de tout ou partie de ce rapport.
QUESTIONS ORALES
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
MODALITÉS DE TRANSFERT DES MOYENS
DU FONDS NATIONAL DES ADDUCTIONS D'EAU
M. le président. La parole est à M. Jacques Oudin, auteur de la question n° 239, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
M. Jacques Oudin. Monsieur le ministre, je souhaite évoquer la nécessité de préserver le rôle important de péréquation et de solidarité que joue le Fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE, en faveur des communes rurales.
Ce fonds a été créé en 1954 afin d'aider les communes rurales à se doter d'une alimentation en eau et d'un assainissement de qualité à un prix comparable à celui qui est pratiqué dans les grandes villes.
La répartition des crédits en direction des différents départements s'opère sur la base d'un inventaire, généralement bien fait, des besoins exprimés par les communes rurales éligibles.
J'attire donc votre attention sur trois points.
Le monde rural connaît des besoins spécifiques en matière d'eau et d'assainissement. La dispersion de l'habitat entraîne des linéaires de réseaux très importants, quatre fois plus importants en milieu rural qu'en zone urbaine pour les réseaux d'adduction d'eau, notamment. La contamination des eaux brutes par les pollutions diffuses d'origine agricole imposerait le recours à des technologies de traitement sophistiquées et coûteuses pour respecter les normes de potabilité. En termes bactériologiques, les taux de non-conformité de l'eau distribuée en zone rurale sont actuellement deux fois supérieurs à ceux qui sont observés en milieu urbain. Or la sévérité des normes de qualité à atteindre va encore s'accroître avec la directive 98/83/CE du 3 novembre 1998, transposée par décret en décembre 2001.
Un effort substantiel doit donc être poursuivi. Or les dotations du FNDAE par département ont diminué de façon drastique.
Les dotations allouées aux départements pour 2003, hors le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le PMPOA, accusent une diminution supérieure à 70 % en moyenne par rapport aux années antérieures.
Sur la région Pays de la Loire, ma région, ces réductions, comprises entre 57 % et 68 %, bien qu'inférieures à la moyenne nationale, ont suscité de vives inquiétudes, vous le comprenez bien.
Je n'ignore pas que cette baisse résulte en partie de débats qui se sont déroulés au Parlement sur le financement du FNDAE. Il n'en demeure pas moins que les réductions sont d'importance et conduisent à s'interroger sur l'avenir, compte tenu notamment des difficultés que rencontrent les communes rurales pour financer des programmes importants d'assainissement.
Enfin, monsieur le ministre, quel est l'avenir du FNDAE et du financement de la politique de l'eau en milieu rural ?
Le transfert des moyens du FNDAE de l'Etat aux départements a été annoncé lors de la synthèse des Assises des libertés locales, à Rouen, le 28 février 2003. Dans le cadre de ce nouveau dispositif, pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, que l'effort financier sera poursuivi et que la péréquation en faveur des communes rurales sera préservée, dans la mesure où les recettes de la redevance assise sur les consommations d'eau seront bien supérieures dans les zones les plus urbanisées ?
Par ailleurs, pourriez-vous nous préciser les modalités de concertation qui seront engagées avec les associations d'élus pour préparer cette réforme ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le sénateur, les motivations qui, en 1954, ont conduit à la création du Fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE, outil de redistribution et de péréquation, conservent toute leur pertinence.
Alimenté par une contribution payée sur le mètre cube consommé, ce fonds a permis de financer l'adduction d'eau potable dans toutes les zones rurales.
Cinquante ans après la création du FNDAE, l'objectif est pratiquement atteint. Toutefois, la nécessité de renouveler les réseaux et de mettre en place des systèmes d'assainissement justifie à l'évidence sa prolongation.
Au moment où une étape nouvelle de la décentralisation se prépare, il m'a paru opportun de renforcer les prérogatives des conseils généraux sur ce dossier de l'eau. Le département me semble, en effet, un échelon adéquat pour l'action de proximité et la redistribution des ressources. C'est également le bon niveau pour inciter à une gestion plus solidaire de l'eau, sur les plans quantitatif et qualitatif. L'eau restera durablement, comme vous l'avez indiqué, monsieur le sénateur, un élément clef pour l'avenir de nos territoires.
Comme vous l'avez également rappelé, monsieur le sénateur, M. le Premier ministre, lors de la synthèse des Assises des libertés locales à Rouen, a annoncé le transfert des moyens du FNDAE aux départements.
Je suis bien conscient des difficultés d'équipement des collectivités rurales et de l'apport précieux que représente le FNDAE pour aider à la réalisation de travaux d'alimentation en eau potable et d'assainissement.
Diverses options concernant le transfert des moyens du fonds ont été examinées lors des réunions interministérielles sur la décentralisation. Les dernières réflexions sur le sujet ont conduit à considérer que les projets de loi en cours de rédaction, qu'il s'agisse du texte sur la décentralisation ou du texte sur les affaires rurales, ne constituent pas le cadre adéquat du transfert des moyens du FNDAE. Cette démarche devra être envisagée dans un projet de loi ultérieur relatif à la politique de l'eau, celui que prépare ma collègue Mme Roselyne Bachelot-Narquin.
A plus brève échéance, le Parlement a souhaité, comme vous le savez, réorienter la dotation du pari mutuel urbain, le PMU, dans la loi de finances pour 2003, au moment où les besoins pour protéger la qualité de l'eau vont croissant et pour être en conformité dès cette année avec les règles communautaires que vous avez rappelées et qui ont été transposées à la fin de l'année 2001.
De plus, une enquête menée auprès des départements a mis en évidence que 28 % des crédits de paiement non dépensés correspondaient à des autorisations de programme non engagées sur les dotations départementales « eau et assainissement » avec une très forte variabilité selon les départements, en fonction des situations locales.
Des informations qui remontent aujourd'hui des départements, il semble que, dans quelques cas, ces crédits avaient toutefois fait l'objet d'une délibération d'affectation de la part des conseils généraux.
L'ensemble des dotations budgétaires dont je dispose ont été ventilées dans les départements pour l'assainissement et dans les régions pour le plan de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le PMPOA.
Chacun connaît, monsieur le sénateur, votre préoccupation constante pour la politique de l'eau. Croyez bien qu'en cette année internationale de l'eau cette préoccupation est partagée par le Gouvernement, qui a décidé du lancement d'un grand débat sur le sujet. La synthèse en sera faite à la fin de l'année, en liaison avec le Parlement, lors de rencontres nationales dont l'objectif sera de proposer des recommandations qui serviront de base à la construction d'une politique de l'eau rénovée et d'un plan d'actions partagé par tous les acteurs.
Tels sont, monsieur Oudin, les quelques éléments d'information que je suis en mesure de vous apporter aujourd'hui sur ce sujet qui, bien évidemment, connaîtra, dans les mois qui viennent, un certain nombre d'évolutions importantes dans la perspective d'une amélioration de la situation de l'eau dans notre pays.
M. le président. La parole est à M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin. D'abord, je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, du caractère très complet et prospectif de votre réponse. Cette démarche satisfera, je n'en doute pas, beaucoup de monde.
Cela étant, si les départements doivent être, à terme, le pivot, le pôle d'une politique de péréquation des milieux ruraux, il faut les motiver de façon que les recensements puissent se faire autour de l'action départementale et qu'ils puissent vous faire connaître, à vous et à votre collègue qui est chargée de l'eau, les engagements qu'ils prennent pour résorber le handicap des milieux ruraux face aux problèmes de l'eau.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, auteur de la question n° 211, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le ministre, je voudrais appeler votre attention sur l'avenir des auto-écoles.
Depuis le 1er janvier 2002, la gestion du service des examens du permis de conduire est placée sous la tutelle des directions départementales de l'équipement, avec autorité fonctionnelle depuis le 1er avril et réorganisation des examens totalement effective en août 2003.
Cette évolution a pour conséquence la révision de la répartition des centres d'examen.
Dans mon département, l'Ariège, on assiste à un regroupement de plusieurs centres d'examen sur la sous-préfecture de Pamiers. On imagine sans mal les raisons qui ont présidé à cette concentration, essentiellemnet liées aux économies sur les coûts de transport et de déplacement. Il n'en reste pas moins que les conséquences de cette décision sur les populations et sur le territoire ont été certainement mal mesurées.
Je prends l'exemple du secteur où je suis élu, Lavelanet et, autour, le pays d'Olmes, en Ariège, mais mon argumentation vaut pour bien d'autres territoires en difficulté économique, avec des populations fragiles.
Il faut bien comprendre que le permis de conduire, pour ceux qui sont en difficulté, loin d'être un luxe, constitue un moyen supplémentaire d'insertion. Or songez que les candidats sont contraints à effectuer deux fois par mois un trajet de quatre-vingts kilomètres - c'est-à-dire qu'ils doivent se faire accompagner - et à perdre une demi-journée de travail, pour vingt minutes effectives. Tout cela, ajouté à d'autres difficultés, amène souvent ces personnes à renoncer à l'espoir que constitue le permis de conduire pour envisager un nouveau départ dans leur vie professionnelle.
Une fois encore, des services de proximité disparaissent dans des localités qui sont pourtant confrontées à la nécessité impérieuse de maintenir un environnement de services afin d'attirer de nouvelles activités et de nouvelles populations.
Fort de ce constat, peut-on imaginer, monsieur le ministre, que le Gouvernement revienne sur ces dispositions dont les répercussions sont importantes tant sur la vie quotidienne de certains de nos concitoyens qu'en termes d'aménagement du territoire et de services publics ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le sénateur, vous avez fait part des préoccupations des enseignants de conduite du pays d'Olmes, inquiets, comme vous-même, du regroupement des centres d'examen.
La déconcentration, échelonnée, du service des examens du permis de conduire est effective depuis le 31 mars dernier. Elle vise avant tout à améliorer la qualité du service rendu aux candidats et à assurer une meilleure efficacité du service public grâce à la proximité départementale. Je rappelle que, précédemment, tous les inspecteurs du permis de conduire dépendaient de l'Arche de la Défense ! Cette déconcentration constitue donc un véritable progrès en termes de proximité, à la fois pour les inspecteurs et pour les élèves.
L'implantation des centres d'examen pour les épreuves théoriques et pratiques du permis de conduire s'inscrit dans ce contexte. Il convient de rechercher, par une répartition judicieuse des centres sur chaque département, l'utilisation optimale des ressources humaines disponibles.
Comme vous le savez, malgré la création, depuis environ six mois, d'un plus grand nombre de postes d'inspecteur du permis décidée par le Gouvernement, la situation reste tendue en matière d'attribution de places d'examens, du fait notamment de la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail. Les écoles de conduite se font l'écho de ces difficultés, que je recueille au ministère.
La révision de la carte des centres a notamment pour objet, en évitant des déplacements trop longs et fréquents aux inspecteurs, de générer des gains de productivité appréciables. Par ailleurs, ces regroupements doivent permettre d'améliorer la qualité des centres d'examens au regard des critères d'évaluation des candidats, en garantissant que les situations de conduite les plus significatives puissent se présenter pendant l'examen, avec la signalisation, le type de réseaux, l'état du trafic...
Ce dernier point revêt, vous le comprenez bien, une importance essentielle en matière de sécurité routière. Nous partageons, j'en suis sûr, le souci que les candidats reçus à l'épreuve du permis de conduire soient en mesure de circuler dans toutes les conditions, en sécurité pour eux-mêmes et pour les autres usagers.
C'est en ayant à l'esprit ces différentes données dans leur totalité que la décision a en effet été prise de fermer le centre d'examen de Lavelanet, qui ne présentait plus les caractéristiques suffisantes pour assurer un examen de qualité, pour procéder à un regroupement qui, nous l'espérons, permettra de rendre un meilleur service public.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel.
M. Jean-Pierre Bel. Je remercie M. le ministre de sa réponse, mais je crains fort que les raisons invoquées ne répondent pas véritablement à la situation.
Quand je parle de difficultés des personnes en voie d'insertion, on me répond « rationalisation des services ». Quand j'évoque un territoire qui refuse le déclin et la disparition des services publics de proximité, on me répond « gain de productivité » et « mise en place d'un nouveau système informatisé ». Je regrette par conséquent que nous ne parlions pas le même langage.
FERMETURE DE LABORATOIRES DE RECHERCHE
M. le président. La parole est à M. Paul Loridant, auteur de la question n° 270, adressée à Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies.
M. Paul Loridant. Madame la ministre, je me fais l'écho des vives inquiétudes de la communauté scientifique du plateau de Saclay concernant la situation critique que traversent la source de neutrons ORPHÉE et le laboratoire mixte CEA-CNRS Léon-Brillouin, le LLB. Ces deux unités de recherche forment un très grand équipement de recherche dont l'avenir est menacé.
En effet, les organismes de tutelle, le CNRS et le CEA, eux-mêmes durement touchés par les diminutions budgétaires, ont fait part de leur intention, soit de se retirer totalement du financement de ces laboratoires, pour ce qui est du CNRS, soit de diminuer considérablement sa contribution pour réduire ses coûts de fonctionnement, pour le CEA. Sans solution de financement pour l'année 2004, cette installation serait fermée à la fin de l'année 2003.
Il s'agit pourtant d'un outil indispensable pour l'étude de la matière dans des domaines tels que la physique, la métallurgie, la chimie, les sciences de la vie. Il est complémentaire des sources de lumière synchrotron LURE, puis Soleil ; son existence avait d'ailleurs été l'un des arguments retenus pour l'implantation du projet Soleil dans le département de l'Essonne.
Ce laboratoire est le seul centre scientifique national d'utilisation des neutrons, exploité par plus de quatre cents équipes par an, dont environ 30 % sont hors du territoire national - Europe et pays d'Europe centrale et orientale.
Il est par ailleurs soutenu par l'Union européenne, à travers le programme cadre de recherche et de développement technologique, le FP5.
Outre l'impact immédiat sur l'activité scientifique, la fermeture du seul équipement national dans ce domaine semble s'opposer au développement du pôle scientifique d'Ile-de-France Sud que vous connaissez bien, madame la ministre, pour vous y rendre très souvent.
Par ailleurs, à long terme, cette fermeture induirait une perte de compétences scientifiques et techniques dans le domaine de la diffusion neutronique. La France se trouverait alors en position de faiblesse lorsque la décision de nouvelles installations européennes sera prise ; et tout cela pour réaliser des économies dérisoires au regard des enjeux scientifiques et du rayonnement international de la France.
Madame la ministre, pouvez-vous aujourd'hui me donner des éléments de nature à rassurer la communauté scientifique et industrielle de l'Essonne sur l'avenir de ce très grand équipement de recherche ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Monsieur le sénateur, vous appelez mon attention sur la situation de la source de neutrons ORPHÉE et sur le laboratoire mixte CEA-CNRS Léon-Brillouin.
Ces entités font actuellement, vous le savez, l'objet d'interrogations, comme c'est le cas depuis de nombreuses années. Je le dis, car je voudrais séparer le problème que vous soulevez du contexte budgétaire que nous connaissons.
Le budget de 2003 du LLB-ORPHÉE en coût complet est de 19 millions d'euros, dont un million provient de recettes européennes ou industrielles. Il est pratiquement identique à celui de 2002, dont les montants sont non négligeables.
Depuis de nombreuses années, le CEA et le CNRS, les deux organismes de tutelle de ce laboratoire créé en 1974, s'interrogent sur la pertinence du maintien en fonctionnement d'ORPHÉE, ce réacteur à neutrons dont la première divergence a eu lieu en décembre 1980. Depuis, il a fait l'objet d'un programme continu de rénovations, avec par exemple la modernisation des sources froides en 1995 et le remplacement du caisson de coeur en 1997. Les rapports sur l'activité du LLB font état, dès 1995, d'interrogations répétées quant à l'opportunité de maintenir ce réacteur en fonction en même temps que le réacteur international de l'institut Laue-Langevin à Grenoble, dont la convention vient justement d'être renouvelée avec l'Allemagne et la Grande-Bretagne pour une durée de dix ans. Le CNRS a dénoncé, en décembre 1996, par anticipation, la convention qui le liait au CEA jusqu'en 1998. Actuellement, nous nous trouvons dans le cadre d'une convention signée en 2001, qui prendra fin au 31 décembre de la présente année, ce qui motive notre interrogation.
L'avenir du LLB doit être envisagé en tenant compte de l'évolution des sources de neutrons en Europe et dans le monde.
L'Allemagne vient d'autoriser le nouveau réacteur FRM II de Münich à entrer en fonctionnement. Ce réacteur disposera d'instruments modernes et d'un flux supérieur à celui du LLB.
La source pulsée à spallation ISIS de Grande-Bretagne sera équipée d'une deuxième cible qui en fera un instrument scientifique puissant, dans un excellent environnement instrumental.
Hors d'Europe, deux sources de neutrons pulsées sont en construction. Il s'agit, d'une part, du SNS, qui a été construit à Oak Ridge, aux Etats-Unis ; les Allemands se préparent à décider la construction d'un instrument autour de cette source. Les Français ont également été sollicités pour y participer.
Il s'agit, d'autre part, du J-Parc, une source pulsée japonaise en construction à Tokai, dont le choix s'est porté sur un faisceau de protons à buts multiples.
Ces sources ont l'ambition d'être les plus performantes au monde à la fin de la décennie.
Récemment, les directions du CEA et du CNRS ont saisi le ministère de la question de la poursuite d'activité d'ORPHÉE, en raison du contexte international que je viens d'évoquer et de l'évolution des techniques d'investigation de la matière, notamment avec les puissantes sources de rayonnement synchroton. Certes, les neutrons représentent un mode aternatif et la question est de savoir quelle place il faut réserver à ce moyen spécifique.
Le ministère a demandé aux deux organismes et au comité des très grands équipements rattachés à la direction de la recherche du ministère de rassembler les éléments d'un débat constructif. Au vu de la pertinence scientifique des projets qui pourraient être attachés spécifiquement à ORPHÉE et des autres équipements de même nature, en France et en Europe, qui sont disponibles maintenant ou qui le seront dans les prochaines années, nous avons demandé d'examiner trois hypothèses.
La première hypothèse, c'est la poursuite d'activité d'ORPHÉE pour une durée minimale de dix ans, avec les conséquences financières en termes de maintenance, d'entretien, de sécurité et de fonctionnement qu'elle implique. La deuxième hypothèse a trait à la poursuite de l'activité jusqu'à ce que les travaux de mise en sécurité en cours à l'institut Laue-Langevin soient validés par les autorités de sûreté, soit deux à trois ans. La troisième hypothèse qu'il convient d'envisager est la fermeture à brève échéance d'ORPHÉE, avec des conséquences, bien entendu, sur l'engagement du démantèlement. Pour l'heure, soyez assuré qu'aucune hypothèse n'est privilégiée. La réflexion a lieu entre les organismes et le ministère.
Il appartient à la communauté scientifique utilisatrice de fixer ses priorités dans le contexte national et européen que j'ai rappelé. Aujourd'hui, il ne semble pas que des partenaires internationaux soient intéressés à augmenter leur participation au LLB. Les nouvelles perspectives, notamment en Grande-Bretagne, en Allemagne et aux Etats-Unis, retiennent en priorité leur attention.
Monsieur le sénateur, telle est la situation. Je ne manquerai pas de vous tenir informé de l'évolution de la réflexion en cours avec les organismes de tutelle.
M. le président. La parole est à M. Paul Loridant.
M. Paul Loridant. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Vous avez confirmé l'existence de trois hypothèses, dont l'une, hélas !, est la fermeture du labaratoire.
Madame la ministre, j'ajouterai simplement deux remarques. D'une part, je n'ai nullement l'intention de remettre en cause la nécessité d'équipements européens et internationaux. Il me semble toutefois qu'un équipement national pourrait compléter la palette de ceux qui existent déjà en matière de sources de neutrons.
D'autre part, madame la ministre, vous fréquentez régulièrement le département de l'Essonne, en particulier le plateau de Saclay, et vous connaissez aussi bien que moi la complémentarité de ces équipements. A force de « détricoter » les laboratoires les uns après les autres, nous mettons en péril la synergie et le rayonnement, si je puis dire, du plateau de Saclay.
C'est pourquoi je me permets d'attirer votre attention, madame la ministre, sur la nécessité de préserver un espace scientifique dans lequel la recherche est si intense, et qui contribue au rayonnement de notre pays et de l'Europe.
AVENIR DES PERSONNELS DES CENTRES
D'INFORMATION ET D'ORIENTATION
M. le président. La parole est à Mme Michèle San Vicente, auteur de la question n° 268, adressée à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
Mme Michèle San Vicente. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, M. Ferry, le 12 mars dernier, a pris l'initiative d'adresser aux centres d'information et d'orientation, les CIO, une correspondance leur annonçant : « Au cours du vaste débat ouvert par les assises des libertés locales, beaucoup de départements et de régions ont demandé des transferts de personnels.[...] Une demande large et forte a été exprimée par les conseils régionaux d'accroître leurs compétences sur la programmation des formations professionnelles. [...] En conséquence, la décision a été prise de transférer aux régions les conseillers d'orientation psychologues et les directeurs des centres d'information et d'orientation. »
Seulement trois présidents de régions avaient souhaité cette tutelle. Peut-on prétendre dès lors qu'il s'agissait d'une forte demande ?
M. le ministre fait aussi état d'un vaste débat. Les conseillers d'orientation psychologues, les Copsys, et les directeurs de CIO ont appris cette décision avec consternation. Ils ont en outre pris bonne note de la méthode, finalement condescendante, visant à modifier sans concertation préalable leur statut.
Leurs inquiétudes sont nombreuses et parfaitement justifiées. Le Premier ministre n'a-t-il pas demandé des économies structurelles ? Le ministère ne cache d'ailleurs pas qu'avec ce transfert les missions seront remises à plat.
S'ils ne sont plus dans les établissements scolaires, les Copsys pourront-ils continuer à assumer leurs rôles d'accueil, d'écoute et de prévention avec autant d'efficacité ? Toutes les enquêtes et audits réalisés ont pourtant montré que la qualité du service rendu par les CIO est, en général, exemplaire.
Ne risque-t-on pas, madame la ministre, d'assister à l'appauvrissement de leur identité professionnelle ? Jusqu'à présent, le recrutement avait lieu au niveau national et débouchait sur des compétences et sur une formation certaines, ce qui ne serait vraisemblablement plus le cas si les régions devenaient les futurs recruteurs.
L'acte I de la décentralisation s'était déroulé en toute transparence. Le transfert de compétences en matière de construction et d'entretien de bâtiments scolaires était accompagné de moyens financiers et chacun s'accorde aujourd'hui à reconnaître que les collèges et les lycées sont en bien meilleur état depuis qu'ils relèvent des départements et des régions.
Les transferts de compétences de l'acte II concernent, madame la ministre, des femmes et des hommes. La finalité ne serait-elle pas de faire peser sur les collectivités la responsabilité du démantèlement progressif de l'école nationale républicaine ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Madame la sénatrice, permettez-moi de vous donner lecture de la réponse qu'avait préparée M. Luc Ferry, qui participe en ce moment même à une réunion de concertation.
Le Premier ministre a annoncé, en clôture du débat national des assises des libertés locales, les premières orientations retenues par le Gouvernement dans le cadre du projet de décentralisation.
Depuis que de nombreuses compétences ont été transférées par les premières lois de décentralisation, les collectivités territoriales partagent avec l'Etat la charge du service public de l'éducation, notamment dans les domaines de l'information et de l'orientation, comme l'a indiqué le rapport Mauroy relatif à l'avenir de la décentralisation.
L'échelon régional a été considéré comme le mieux à même d'assurer le conseil à l'orientation et l'information sur les métiers. Ce sont désormais les régions qui auront la responsabilité des centres d'information et d'orientation.
En conséquence, il a été proposé de transférer aux régions les conseillers d'orientation-psychologues et les directeurs de centre d'information et d'orientation.
Dans ce cadre, ils continueront à participer activement aux missions du service public de l'éducation et à intervenir à l'intérieur des établissements scolaires. Ils demeureront ainsi membres à part entière de la communauté éducative.
A l'issue du comité interministériel consacré aux métiers de l'éducation nationale, le Premier ministre a demandé aux ministres chargés de l'éducation nationale et de la décentralisation d'engager immédiatement et sans a priori avec les organisations syndicales la nécessaire discussion sur les missions, les garanties statutaires des personnels et les différentes modalités de mise en oeuvre des transferts de compétences aux collectivités locales.
Ces audiences ont débuté hier, elles se poursuivent aujourd'hui même. Ce n'est qu'à l'issue de ce travail qu'un avant-projet de loi sera soumis au Conseil d'Etat.
M. le président. La parole est à Mme Michèle San Vicente.
Mme Michèle San Vicente. Madame la ministre, s'agit-il de discussions ou d'audiences ? Toute la nuance est là !
Les conseillers d'orientation souhaitent rester au coeur des établissements scolaires. Or le risque est grand de voir certaines régions se désengager. Ainsi, ma région, le Nord - Pas-de-Calais, est aujourd'hui sinistrée : quels moyens pourra-t-elle, à terme, mettre à la disposition des centres d'information et d'orientation dans la mesure où d'ores et déjà le Premier ministre a indiqué qu'aucun poste budgétaire ne bénéficierait du moindre euro supplémentaire en 2004 ?
RÉCUPÉRATION DE LA TVA
SUR LES TRAVAUX D'ENFOUISSEMENT
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, auteur de la question n° 262, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Alain Vasselle. Ma question était adressée à M. Francis Mer, mais je ne doute pas que Mme Fontaine y répondra avec autant de pertinence, sinon plus ! (Sourires.) Elle concerne les difficultés rencontrées par les collectivités locales s'agissant de la récupération de la TVA sur les travaux d'enfouissement des lignes téléphoniques qu'elles réalisent.
Dans mon département de l'Oise - mais je pense que le problème est vécu de la même manière dans toute la France - les collectivités locales se sont très fortement impliquées dans l'enfouissement des réseaux pour améliorer le cadre de vie de nos concitoyens. Ces travaux constituent de véritables opérations de valorisation esthétique, de sécurisation et de protection du patrimoine des collectivités. Ils contribuent, en outre, à augmenter la durée d'utilisation et de conservation des réseaux de télécommunications.
Si les collectivités territoriales bénéficient de subventions du conseil général pour la réalisation de ces opérations, elles assurent toutefois une part essentielle du financement. Ces investissements représentent des sommes très lourdes, notamment pour les communes rurales, qui de plus doivent désormais faire face au désengagement financier de France Télécom pour les opérations à venir, la situation de cette entreprise n'étant pas des meilleures.
Aux termes des conventions qui ont été signées avec France Télécom, les collectivités concernées agissent soit au nom et pour le compte de cette entreprise, soit en leur propre nom, en tant que maître d'ouvrage, les réalisations étant alors intégrées à leur patrimoine.
Or, en l'état actuel des choses, quelles que soient les conventions, ces travaux ne donnent pas lieu à récupération de la TVA, ce qui impose aux collectivités une charge financière encore plus lourde.
La récupération de la TVA par le fonds de compensation de la TVA leur est présentée comme une voie peu réaliste au regard des textes en vigueur. Une autre solution est donc actuellement recherchée, qui pourrait consister, pour les communes, à obtenir le remboursement de la TVA par la voie fiscale, par le biais de la création d'un secteur d'activité et d'un budget annexe.
Techniquement et administrativement, cette dernière solution, dont la viabilité n'est pas encore établie, est extrêmement complexe à mettre en oeuvre, sans que soit pour autant garanti, d'ailleurs, le remboursement de la TVA sur l'intégralité des dépenses engagées.
Ce dispositif pèse très lourdement sur les communes. Les moyens humains et financiers dont elles disposent leur permettent difficilement de faire face à de telles contraintes administratives. Le préjudice financier et fiscal qu'elles subissent en raison du non-remboursement de la TVA est réel.
Eu égard aux sommes considérables en jeu et à la préoccupation grandissante des collectivités, je souhaiterais connaître les dispositions que le Gouvernement entend prendre pour régler ce problème, qui est évoqué de façon récurrente depuis de nombreuses années ; j'espère qu'il fera preuve d'une plus grande efficacité que ceux qui l'ont précédé pour apporter une solution définitive aux difficultés rencontrées par les communes rurales.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser M. Francis Mer, qui est retenu à Bruxelles par un Conseil des ministres des finances européens.
Comme vous le savez, à la suite de l'expertise de plusieurs conventions de partenariat conclues entre des collectivités territoriales et France Télécom, les modalités de récupération de la TVA grevant les travaux d'enfouissement de lignes téléphoniques ont été précisées dans le cadre d'une instruction administrative publiée le 27 avril 2001.
Vous souhaitez toutefois connaître les modalités de récupération de la TVA dans l'hypothèse où, à l'issue des travaux d'enfouissement, les collectivités territoriales deviennent propriétaires des « fourreaux » installés dans le sous-sol et les donnent en location à France Télécom, afin que cette société puisse y installer les lignes téléphoniques du réseau de télécommunication qu'elle exploite.
Les conséquences de ce mode d'exploitation des « fourreaux » n'ont pu être précisées par l'instruction d'avril 2001 que je viens de mentionner, car cette situation n'avait pas été envisagée dans les différentes conventions de partenariat communiquées pour expertise à l'administration fiscale.
Cela étant, une réflexion d'ensemble associant mes services et ceux du ministre délégué aux libertés locales est en cours afin de prendre en compte les spécificités des travaux réalisés par les collectivités territoriales sur les lignes de télécommunication.
S'agissant précisément des règles applicables en matière de TVA aux locations de « fourreaux », je peux d'ores et déjà vous indiquer que la mise à disposition de France Télécom d'une infrastructure moyennant le paiement d'une rémunération est considérée comme une location d'immeuble nu.
Une telle location est en principe exonérée de TVA. Cependant, si la collectivité entend récupérer, par la voie fiscale, la TVA grevant les travaux d'enfouissement qu'elle a supportés, elle peut choisir de soumettre à la TVA les loyers que lui verse France Télécom.
Dans cette hypothèse, les collectivités locales pourront déduire la taxe sur les travaux puisque les dépenses concernées seront engagées en vue de la réalisation d'une opération soumise à la TVA.
Bien entendu, il faut également que le montant du loyer soit fixé de manière que soit effectivement répercuté sur l'utilisateur le coût de l'investissement.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je voudrais remercier Mme la ministre de ces éléments de réponse. Nous sommes sur la bonne voie, et j'espère que les mesures annoncées ne tarderont pas à être mises en oeuvre. Je forme des voeux pour que vos services et ceux du ministère des finances se montrent plus rapides et plus efficaces que le ministère de la culture ! En effet, ce dernier nous avait annoncé une prochaine réforme concernant les recherches archéologiques. Or le projet de loi qui devait être soumis au Parlement au mois de janvier ne pourra être examiné par celui-ci qu'en juin, si l'actualité le permet, voire en septembre ! J'espère donc que les délais ne seront pas aussi longs pour le traitement du dossier qui nous occupe ! Je vous fais confiance, madame la ministre, et attends avec intérêt et impatience la mise en oeuvre des solutions que vous nous avez présentées.
MODALITÉS DE VERSEMENT DES AIDES
M. le président. La parole est à M. Francis Grignon, auteur de la question n° 263, adressée à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. Francis Grignon. Ma question porte sur les modalités du versement de l'aide de l'Etat aux entreprises d'insertion.
En effet, le ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité verse à ces entreprises une dotation, pour l'heure annuelle, visant à compenser le coût engendré par l'encadrement supplémentaire indispensable et par la moindre rentabilité des salariés concernés. Or, au mois de mai, ces aides n'avaient pas encore été versées dans ma région, l'Alsace.
On imagine les difficultés de trésorerie et de gestion que cela entraîne pour les entreprises d'insertion. Par conséquent, ma question sera simple, monsieur le secrétaire d'Etat : à l'instar de ce qui est pratiqué pour les contrats emploi-solidarité, ne serait-il pas possible d'instaurer un versement mensuel de cette dotation, ce qui permettrait un meilleur fonctionnement des entreprises concernées, qui, comme vous le savez, ne roulent pas sur l'or ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser M. François Fillon, actuellement retenu par d'importantes négociations et qui m'a demandé de vous répondre.
Les structures d'insertion par l'économique jouent un rôle irremplaçable dans l'insertion sociale et professionnelle des personnes qui, pour des raisons diverses, ne peuvent accéder directement à un emploi ordinaire. Elles ont acquis, au fil des années, un véritable savoir-faire dans la définition de parcours d'insertion, dans l'accompagnement, la remotivation et la requalification de personnes souvent en grande difficulté. Elles constituent, de ce fait, l'un des instruments essentiels de la politique de lutte contre l'exclusion.
Nous sommes soucieux d'assurer la pérennité des structures d'insertion et de faciliter leur fonctionnement. Dans ce dessein, un ensemble de mesures ont été prises, au cours de l'année écoulée, visant à répondre au voeu formulé par le Conseil national de l'insertion par l'économique.
Nous sommes tout à fait conscients des difficultés que connaissent les entreprises d'insertion en raison des délais excessifs de versement des aides de l'Etat, ainsi d'ailleurs, monsieur le sénateur, que des concours du fonds social européen. Une réforme des modalités de financement de ces aides est actuellement à l'étude, en vue précisement de permettre un paiement mensuel. Il est envisagé de mettre en oeuvre le nouveau dispositif dès le 1er janvier 2004.
Cela étant, les retards dans le versement des aides aux entreprises d'insertion, s'ils trouvent leur origine dans la lourdeur des procédures, sont également liés aux gels de crédits. En effet, ces derniers ont fait l'objet, comme l'ensemble des crédits de report, de mises en réserve. L'objectif du Gouvernement est d'assurer ainsi la maîtrise de la dépense en 2003, sans naturellement remettre en cause les engagements de l'Etat.
C'est la raison pour laquelle des discussions sont en cours pour décider dans les tout prochains jours des aménagements à apporter à ce dispositif. Dans ce cadre, les crédits de l'insertion par l'économique sont, aux yeux du Gouvernement, tout à fait prioritaires.
M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.
M. Francis Grignon. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de cette réponse très positive. Mais il convient de faire vite, je tiens à le souligner !
SITUATION DES SITES
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, auteur de la question n° 269, adressée à Mme la ministre de la défense.
Mme Josiane Mathon. Madame la ministre, l'accord de méthode signé par les représentants syndicaux et la direction de GIAT Industries prévoit un délai de quatre mois pour la présentation d'un projet pour l'entreprise.
Pourtant le Gouvernement, sans concertation avec les élus, sauf avec ceux qu'il a choisis, a annoncé, lors du comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, le CIADT, du 26 mai, des mesures préfigurant la fermeture du site de Saint-Chamond et la réduction de celui de Roanne. Je limite ici mon propos à mon département de la Loire.
Vous n'avez donc aucune confiance en l'actuelle procédure d'élaboration de propositions de rechange au démembrement de GIAT Industries. Si vous vouliez discréditer le dialogue social en cours, vous ne vous y prendriez pas autrement ! Vous semblez même considérer par avance que la concertation sera stérile.
A examiner de près les annonces formulées à l'occasion du CIADT, on mesure qu'il s'agit surtout d'effets d'annonce, sans grand rapport avec l'enjeu industriel.
Il en est ainsi de la construction prévue d'une prison, du financement d'une salle de spectacles ou de la création d'un centre international de design, quel que soit par ailleurs l'intérêt de ces projets.
En outre, comment rendre crédible la création d'un centre européen de la mécanique des biens d'équipement industriels si l'on se prive de GIAT Industries, de ses outils, de ses savoir-faire ?
En effet, GIAT Industries, avec plus de 2 000 salariés, est la plus grande entreprise industrielle de la Loire. Sa présence irrigue le tissu économique local, contribue à la diffusion des progrès technologiques par le biais de collaborations, notamment dans le domaine de la mécanique, avec le secteur privé, constitué essentiellement de petites et moyennes entreprises, qui traversent d'ailleurs une grave crise.
A la fin du premier trimestre de l'année 2003, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, la CGPME a tiré la sonnette d'alarme à propos de la multiplication des dépôts de bilan de PME, qui contribue à l'aggravation du chômage. La liste s'allonge au fil des mois...
Madame la ministre, vous mettez sur la table un milliard d'euros pour le « plan Vigneron », auxquels s'ajoutent 350 millions d'euros au titre du CIADT. Pour l'heure, cette masse d'argent public est affectée à la suppression d'emplois, ceux de GIAT Industries, sans que de réelles perspectives soient ouvertes, sauf démonstration du contraire !
Vous nous assurez, madame la ministre, que chaque salarié se verra proposer un reclassement. Outre que cela est faux pour les salariés sous convention collective, vous convaincrez difficilement les salariés proches de la retraite d'aller refaire leur vie à plusieurs centaines de kilomètres de leur foyer !
Aussi vous fais-je une proposition, madame la ministre : parallèlement au dialogue social en cours, le Gouvernement pourrait organiser, sous l'égide du préfet, une table ronde réunissant les forces vives du département - élus, chambres consulaires, partenaires sociaux - afin d'ébaucher ce que le département de la Loire peut attendre concrètement d'un véritable plan de relance de l'emploi industriel, en plaçant GIAT Industries au coeur de celui-ci.
Si vous acceptiez enfin de prendre en considération les compétences des salariés de cette entreprise, vous vous apercevriez que des possibilités de coopérations renforcées existent, par exemple dans le secteur ferroviaire, pour lequel le site de Saint-Chamond a déjà oeuvré. Sur ce point, les besoins et les acteurs industriels sont identifiés. Ne manque plus que votre volonté, madame la ministre !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Madame le sénateur, je ne relèverai pas les quelques contradictions que recèlent votre propos et votre analyse, de même que je ne reviendrai pas sur le fond du dossier, puisque nous avons déjà eu l'occasion d'en débattre.
Vous le savez comme moi : les atermoiements, le manque de courage, les erreurs commises à l'occasion des derniers plans sociaux font que GIAT Industries se trouve aujourd'hui dans une situation qui aurait pu conduire à sa disparition pure et simple. Le Gouvernement, qui a la volonté de maintenir une industrie de l'armement terrestre, a décidé de sauver GIAT Industries, en faisant preuve de réalisme, à rebours de ce qui avait été fait dans le cadre des derniers plans sociaux.
Etre réaliste, c'est prendre en compte la réalité, à savoir l'existence d'une perte de quatre milliards d'euros pour les dix dernières années, ainsi que la disparition de plus de 60 % du plan de charge de GIAT Industries, compte tenu de la fin du programme du char Leclerc.
La situation est donc difficile, notamment pour les salariés. Il convient de ne pas les bercer d'illusions, ni de les abandonner. Telle est la ligne que le Gouvernement a décidé de suivre, en demandant à l'entreprise de lui proposer un plan ouvrant une véritable perspective industrielle. Il devra permettre de donner aux salariés qui resteront dans l'entreprise l'assurance qu'ils pourront y faire une vraie carrière, sans connaître un nouveau plan social tous les trois ou cinq ans, et à ceux qui perdront leur emploi de véritables possibilités de reclassement. L'Etat, quant à lui, assume totalement ses responsabilités vis-à-vis des fonctionnaires et des ouvriers sous décret.
Par ailleurs, ont été mises en oeuvre des procédures pour les salariés qui sont sous convention collective. Enfin, le Gouvernement a fait en sorte qu'une politique d'aménagement du territoire permette aux collectivités locales de voir un certain nombre de remplacements.
D'ores et déjà, des actions ont été menées, y compris par votre Haute Assemblée qui, voilà quelques semaines à peine, a voté une disposition facilitant la reconversion d'un certain nombre de salariés. De la même façon, depuis plusieurs mois, nous travaillons avec des élus locaux pour trouver des occasions et des moyens de réactiver ou d'installer des entreprises sur les différents sites qui sont aujourd'hui menacés. C'est cela qui est en cause.
Comme vous, je souhaite qu'un dialogue puisse s'instaurer, à tous les niveaux. Dans cet esprit, la direction de l'entreprise a négocié un accord de méthode, qui, je le rappelle, a été adopté à l'unanimité des partenaires, le 12 mai dernier.
Cet accord donne aux représentants du personnel des délais et des moyens exceptionnels pour analyser le plan et faire des propositions : il prévoit notamment l'assistance de deux experts au lieu d'un seul, un allongement des délais légaux de la discussion, ainsi que l'ouverture par l'entreprise de toutes les banques de données nécessaires aux experts démontrant par là même la détermination de l'entreprise à participer à ces travaux de manière constructive et ouverte. L'Etat, pour sa part, fera de même en communiquant notamment toutes les informations sur ses intentions de commandes, qui seront reprises dans un contrat d'entreprise. Il s'agit là d'actions très concrètes.
Considérez-vous, madame le sénateur, que nous devrions tout stopper aujourd'hui en attendant et nous désintéresser de ce qui peut constituer l'avenir des régions et des salariés ? Cela n'est pas mon sens de la responsabilité.
Je crois, au contraire, que nous devons tous travailler, et je m'y emploie depuis plusieurs mois avec les élus locaux et les syndicats, pour trouver un certain nombre de solutions qui pourront se mettre en place dans les trois années que durera l'action de réajustement que nous avons souhaitée pour l'entreprise.
Aujourd'hui, il convient de tenir le langage de la vérité à l'égard de tous. C'est ce que nous faisons, avec détermination.
M. Georges Mouly. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Madame la ministre, mon propos n'est pas de tout arrêter. GIAT en est à son sixième plan et chacun a vu, hélas ! les problèmes qui en ont résulté, tant sur le plan industriel que sur le plan social. Il s'agit aujourd'hui de dire qu'il y a peut-être une possibilité de reconversion sans procéder à l'éclatement de l'entreprise. GIAT Industries pourrait constituer un pôle industriel avec d'autre partenaires, locaux, nationaux, voire internationaux. J'ose espérer que les propositions alternatives seront également entendues.
SITUATION DE GIAT INDUSTRIES
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, auteur de la question n° 273, adressée à Mme la ministre de la défense.
Mme Hélène Luc. Madame la ministre, le constat sur GIAT Industries est très préoccupant.
L'annonce du sixième plan de restructuration « GIAT 2006 » aurait pour conséquence, s'il était maintenu, la fermeture de trois sites et la suppression de 4 000 emplois.
Ainsi, comme vous l'a dit mon amie Mme Josiane Mathon, s'agissant de la Loire, des bassins d'emploi entiers seront durement touchés par cette décision, qui non seulement jettera dans l'incertitude et le dénuement des hommes et des femmes, leur famille et leurs proches, mais qui frappera également l'économie des départements concernés. Je connais bien la Loire, département qui, après avoir subi de plein fouet la fermeture des mines, des usines textiles, de l'armurerie de Manufrance, connaît maintenant la fermeture de GIAT Industries.
Déjà affectés par cinq plans de restructuration successifs, les personnels de GIAT Industries se battent pour que leur entreprise puisse dépasser la lourde crise qu'elle connaît. Tous ces salariés sont hautement qualifiés, attachés à leur emploi et à la mission nationale qui est la leur.
Tous sont conscients des difficultés présentes aujourd'hui et tous réfléchissent pour avancer des idées et des contre-propositions au plan qui a été annoncé. Déjà, des possibilités sont envisagées, comme la diversification de la production et l'accent porté sur la recherche.
Après être intervenue à plusieurs reprises auprès de vous, madame la ministre, et de M. Vigneron, lors de son audition devant la commission des affaires étrangères, et comme le demandaient les syndicats tous unis, nous avons obtenu - c'est appréciable ! - qu'un accord de méthode soit signé entre la direction et tous les représentants des personnels repoussant au mois de septembre le comité central d'entreprise et laissant le temps à la discussion et au dialogue.
Pourtant, le récent amendement portant sur le reclassement des salariés que vous avez déposé à l'occasion de l'examen d'une proposition de loi qui était initialement consacrée à la seule entreprise DCN va à l'encontre de cela, même si vous ne lui donnez pas la même signification que nous.
Pour le justifier, vous avez déclaré devant le Sénat que cette décision avait été annoncée de longue date. Mais le fait qu'elle ait été annoncée de façon évasive lors du budget et de la loi de programmation militaire ne présageait pas la prise d'une telle mesure, qui plus est le jour même où les représentants du personnel et la direction de GIAT Industries se mettaient d'accord pour signer un accord d'entreprise !
La tenue d'un récent comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, CIADT, par M. le Premier ministre, n'a pas non plus apporté de réponse positive sur GIAT Industries, comme l'a démontré mon amie Mme Josiane Mathon. Bien qu'il ait débloqué 127 millions d'euros qui s'ajouteraient au milliard d'euros déjà prévu pour financer le plan GIAT 2006, les effectifs de l'entreprise seraient ramenés à 2 230 salariés. Quel gâchis ! En effet, plutôt que de répondre aux véritables attentes et demandes des salariés, le CIADT n'a fait que masquer les besoins de cette entreprise, mais aussi des bassins d'activité dont ces salariés dépendent.
Le GIAT doit être la garantie d'une industrie nationale de l'armement dans laquelle l'Etat occupe une place prépondérante, car elle ne saurait dépendre des seules lois du marché. Un démantèlement de l'entreprise au profit du secteur privé aurait des conséquences désastreuses aussi bien sur le plan national qu'à l'échelon européen, et même mondial. Il faut impérativement que soit mis en place un véritable pôle public de l'armement dans lequel GIAT Industries aurait toute sa place.
C'est pourquoi je vous demande, madame la ministre, que le plan Vigneron soit retiré et que s'engage une discussion nationale sur de véritables projets alternatifs dont l'objectif est d'éviter à terme la disparition pure et simple de l'entreprise et les effets néfastes sur l'industrie de l'armement nationale et, au-delà, européenne.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Chaque fois que l'on aide les salariés ou les collectivités locales, il ne faut pas que cela soit critiqué, madame le sénateur. Si le Gouvernement veut conserver et sauver une industrie terrestre de l'armement au centre de laquelle se trouve GIAT, il ne convient pas pour autant d'éliminer toute solution pour aider les salariés ou les collectivités, comme il ne faut pas non plus fermer les yeux sur la réalité.
Comme je l'ai rappelé en répondant à Mme Mathon, un accord de méthode, qui permet une véritable négociation, globale, du plan de renouveau, a été accepté à l'unanimité. Je constate donc que les syndicats sur place sont moins extrémistes que vous, si je puis dire, puisqu'ils sont d'accord pour discuter ce plan que vous refusez systématiquement.
L'accord de méthode offre un large espace d'analyse et de discussion au niveau de l'ensemble de l'entreprise. Il permettra à chacun d'approcher, si besoin en était, globalement sa situation économique et sociale.
Je note d'ailleurs que les syndicats, avec lesquels je dialogue depuis plusieurs mois, ont une vision saine de la réalité de l'entreprise, et, par conséquent, des mesures qui doivent être prises pour l'adapter à la réalité de la commande.
Le Gouvernement a clairement défini les rôles et les responsabilités de chacun dans ce dossier. Nous voulons une direction et des partenaires sociaux responsabilisés.
Trop souvent, au cours des dernières années et des derniers plans, on s'est immiscé dans la vie de l'entreprise, ce qui est déresponsabilisant pour tous et ce qui a conduit en partie à la situation actuelle, dont les salariés sont les premières victimes.
En signant un accord de méthode à l'unanimité, les partenaires sociaux ont fait la démonstration de leur sens des responsabilités. Eh bien, je vous le dis, madame le sénateur, faisons-leur confiance ! Et laissons donc la négociation sociale au niveau qui est le sien, c'est-à-dire au niveau de l'entreprise.
En ce qui concerne le développement économique des bassins, le Gouvernement a cadré la méthode de travail lors du CIADT du 26 avril.
Je vous signale que les premières mesures ont été annoncées. Cet élément est, lui aussi, important, car je connais l'angoisse des salariés et l'inquiétude des élus locaux. Il faut leur démontrer que si le Gouvernement leur dit qu'il va apporter un certain nombre de réponses, des réalisations concrètes interviennent. Et même si, comme je le rappelais tout à l'heure, la mise en place du plan durera trois ans, d'ores et déjà un certain nombre d'accords peuvent être passés entre GIAT Industries et des sociétés extérieures pour garantir des créations d'emplois directement affectés aux salariés de GIAT dont le poste serait menacé.
C'est là un élément susceptible de rassurer et qui reflète ce que doit être notre sens de la responsabilité.
Dans ce dossier, madame le sénateur, nous n'avons que trop attendu. Or, plus on attend, plus nombreux sont les salariés qui risquent d'être victimes. Le Gouvernement a fait le choix de l'action dans un esprit de dialogue social - j'en veux pour preuve l'accord de méthode signé à l'unanimité - et de responsabilisation. Je puis vous garantir qu'il tiendra ses engagements. Il a commencé à en faire la démonstration ; il en fera la totale démonstration sur le plan social et sur le plan territorial.
Plutôt que de lancer un énième débat général sur l'industrie de l'armement terrestre en France, mieux vaut aujourd'hui, et dans l'intérêt de tous, agir avec détermination et lucidité. C'est ainsi que nous réussirons le redressement de GIAT Industries et que nous garantirons la vie et le développement de nos régions.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Madame la ministre, aujourd'hui 3 juin 2003, de très grandes manifestations et des grèves ont lieu dans toute la France. De très nombreuses corporations - il est impossible de toutes les citer - sont concernées. On peut dire que la lutte des salariés de GIAT fait partie des luttes très importantes et exceptionnelles qui sont menées actuellement.
Les employés de GIAT, comme beaucoup d'autres, se battent pour un véritable service public, pour l'emploi et pour de meilleurs salaires. Reconnaissez, madame la ministre, qu'en luttant pour l'emploi ils contribuent à régler le problème du financement des retraites. En effet, plus le nombre de personnes qui travaillent et donc qui cotisent sera élevé et plus, c'est une évidence, les caisses de retraite seront alimentées. Il faut donc non pas supprimer des emplois, comme on le fait en ce moment, mais en créer.
Madame la ministre, vous dites que je suis plus extrémiste que les syndicats. En l'occurrence, je joue simplement le rôle qui est le mien et, parce que je suis d'accord avec les syndicats, je ne fais que relayer leur demande : l'octroi d'un laps de temps supplémentaire pour discuter, pour qu'un débat national ait lieu. Par cohérence, et avant que les décisions soient prises, ils demandent, comme nous, que ce plan soit retiré. Ensuite, nous ferons des propositions.
Votre réponse, madame la ministre, n'est pas satisfaisante. Les intentions et les positions du Gouvernement sont loin d'être à la hauteur des attentes et des espérances des salariés de GIAT et de l'approche dont doit faire l'objet l'industrie française de l'armement, j'y reviens car c'est essentiel. On a effectivement trop attendu : les gouvernements, y compris le gouvernement de gauche, auraient dû prendre en main cette situation bien plus tôt.
Le devenir de cette entreprise ne doit pas se jouer sur des spéculations. Vous agissez comme si le sort de GIAT était déjà scellé : vous vous projetez dans un futur incertain loin d'être inéluctable puisque le présent n'est pas encore déterminé.
Les salariés de GIAT se mobilisent et les membres du groupe communiste républicain et citoyen resteront mobilisés à leurs côtés pour que l'avenir de l'entreprise soit enfin envisagé de manière positive - avec des avancées, de réelles perspectives d'avenir -, et non pas de manière négative comme c'est le cas actuellement avec les suppressions d'emplois et les fermetures de sites.
SITUATION DES PERSONNES
M. le président. La parole est à M. Georges Mouly, auteur de la question n° 261, adressée à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.
M. Georges Mouly. Madame la secrétaire d'Etat, parmi les handicaps, le handicap psychique est sans doute l'un des plus difficiles à aborder. La solution est en effet d'autant plus délicate à trouver que sont concernés non seulement, bien sûr, les patients eux-mêmes, porteurs d'incapacités majeures qui les conduisent le plus souvent à se retrouver dans un isolement complet, mais aussi les familles - 600 000 familles sont concernées en France - souvent complètement démunies et qui vont, parfois, jusqu'à se détruire - je connais, hélas ! de telles situations - ainsi que les aides familiaux vieillissants, voire les professionnels qui s'usent à la tâche.
Face à ce problème, votre ministère conduisait une enquête tandis que quatre associations élaboraient un Livre blanc.
Il en ressort un plan d'urgence qui énonce la nécessaire reconnaissance de la notion même de handicap psychique, reconnaissance qui appelle des mesures visant à redonner dignité à la personne, à restaurer autant que possible son autonomie. Parmi ces mesures figurent la continuité des soins médicaux, la garantie des ressources minimales, l'obtention d'hébergements adaptés, la mise en oeuvre d'un accompagnement dans la cité, des services de protection juridique personnalisés et des services d'insertion vers le travail. Ces mesures sont certes plus faciles à énoncer qu'à mettre en place, mais tel est bien l'objectif que nous devons atteindre.
La collectivité nationale doit donc être en mesure d'accepter progressivement le handicap psychique, de garantir à la personne concernée un suivi médical, psychologique et social, d'autant que, depuis 1960, 80 % des sujets souffrant de troubles psychiques vivent dans la cité.
Une proposition de loi, qui a été déposée récemment, reconnaît le handicap psychique comme un handicap à part entière, au même titre que les handicaps moteurs, sensoriels ou mentaux, et pose le principe de la liberté de choix de vie.
« Il n'y a pas de temps à perdre », a-t-on écrit récemment à ce sujet. D'où ma question, madame la secrétaire d'Etat : quelles propositions pensez-vous pouvoir formuler quant à la place, à tous égards, de la personne handicapée psychique dans notre société ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Comme vous l'avez dit, monsieur le sénateur, la maladie mentale peut être responsable d'un véritable handicap, le handicap psychique, qui appelle des réponses appropriées.
Le 3 décembre dernier, devant le Conseil national consultatif des personnes handicapées, le CNCPH, le Président de la République a reconnu que les réponses restaient encore, pour la plupart, à trouver.
Pour ne prendre que l'exemple de l'insertion professionnelle, la situation n'est pas brillante : 27 % des personnes qui entrent dans le régime d'invalidité sont admises pour maladie mentale et près d'un homme sur deux âgé de vingt ans à cinquante-neuf ans et ayant consulté dans les trois mois précédents pour troubles psychiatriques est au chômage.
C'est pourquoi M. Jean-François Mattei a confié une mission au docteur Philippe Cléry-Melin sur la réorganisation des soins en psychiatrie et l'articulation entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social.
S'agissant de leurs ressources, les personnes âgées handicapées psychiques peuvent bénéficier d'ores et déjà des prestations d'invalidité et de l'allocation aux adultes handicapés.
S'agissant de la protection juridique de ces personnes, une réflexion est engagée par MM. Christian Jacob et Dominique Perben.
Les collectivités territoriales se sont bien impliquées en développant les services d'accompagnement à la vie sociale. Mais il nous faut prolonger cet effort par des réponses médico-sociales sous forme soit de services médicalisés, soit de places en établissement.
S'agissant du développement de services d'accompagnement médico-sociaux, un décret en application de la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale est en préparation. Il sera soumis prochainement à la concertation des associations, et notamment de l'Union nationale des amis et familles de malades mentaux, l'UNAFAM.
S'agissant des établissements, les structures de travail protégé, au sein desquelles 3 000 places supplémentaires ont été créées en 2003, sont de nature à améliorer l'insertion des personnes handicapées psychiques.
Tous ces efforts devront être poursuivis et amplifiés dans les années à venir.
Monsieur le sénateur, soyez sûr que le handicap psychique sera traité à part entière dans le projet de réforme de la loi de 1975, au même titre que les handicaps physiques sensoriels et mentaux.
M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.
M. Georges Mouly. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de toutes les précisions que vous avez apportées concernant les efforts déjà réalisés en faveur des handicapés psychiques.
Je vous ai posé cette question parce que j'ai rencontré des familles en plein désarroi, désorientées, qui ont le sentiment - à tort certes, puisque des efforts sont faits - d'être quelque peu délaissées.
Il est vrai qu'en cette année 2003, année européenne des handicapés, la déclaration que le Président de la République a prononcée le 3 décembre 2002 et le fait qu'il ait inscrit parmi ses trois priorités le travail à effectuer en faveur des handicapés ont redonné de l'espoir à ces familles et aux responsables de l'UNAFAM.
J'ai bien noté que, dans le cadre de la révision de la loi de 1975, tout serait mis en oeuvre pour que ce type de handicap soit pris en considération à part entière. Dans ce travail, vous recevrez tout notre soutien, madame la secrétaire d'Etat.
MAINTIEN À DOMICILE DES PERSONNES
M. le président. La parole est à M. Philippe Richert, auteur de la question n° 266, adressée à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.
M. Philippe Richert. Madame la secrétaire d'Etat, traditionnellement hébergées en structures spécialisées, les personnes lourdement handicapées sont maintenant de plus en plus nombreuses à vouloir se maintenir dans leur environnement familier. Or les prestations légales seules sont insuffisantes pour permettre le financement des aides nécessaires à leurs besoins.
Une circulaire de la direction générale de l'action sociale du 11 octobre 2002 fait état de projets expérimentaux et encourage les services de l'Etat à se rapprocher des conseils généraux afin de déterminer en commun des dispositifs et des modes de financement. Par voie de fait, les dispositifs mis en place sont très variables d'un département à l'autre.
En réalité, il apparaît que seuls les dossiers qui ont connu la plus forte médiatisation sont aujourd'hui pris en compte. Il s'ensuit des situations d'inéquité flagrante, difficilement acceptables, d'un département à l'autre, mais aussi entre personnes concernées.
L'harmonisation des dispositifs et leur généralisation dans un texte qui viserait à réformer la loi d'orientation de 1975 en faveur des personnes handicapées sont donc nécessaires et urgentes.
Pouvez-vous nous dire, madame la secrétaire d'Etat, si cette réforme, qui tiendrait compte de la prise en charge des personnes lourdement handicapées à domicile, est prévue dans un avenir proche.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le sénateur, votre analyse est tout à fait exacte. J'y souscris totalement. Je le constate à chacun de mes déplacements, notamment en Alsace : les personnes très lourdement handicapées expriment de plus en plus le souhait de vivre à domicile, dans un environnement familier. Il est de notre devoir de leur faciliter un choix de vie.
Lorsque j'ai pris mes fonctions, en juin dernier, il n'y avait aucun dispositif en place pour répondre à cette attente.
C'est la raison pour laquelle est parue, en octobre 2002, une circulaire sur les auxiliaires de vie, donnant la priorité aux personnes lourdement handicapées.
J'ai réaffirmé cette priorité en mars 2003, lorsque ont été créés 1 235 nouveaux forfaits d'auxiliaires de vie, s'ajoutant aux 900 qui ont été créés en 2002. Cette décision a permis de tenir les engagements du plan triennal de 2000, malgré le retard pris par mon prédécesseur, puisqu'il y aura 5 000 forfaits d'auxiliaires de vie à la fin de cette année.
Ces nouveaux postes d'auxiliaire de vie s'ajoutent à des projets permettant l'intervention de personnels de maison d'accueil spécialisée ou de foyer d'accueil médicalisé au domicile de personnes lourdement handicapées. Ils se concrétiseront dans le courant de ce mois. S'y ajoutera la création de 282 places de services de soins infirmiers à domicile.
Ainsi, des solutions commencent à être apportées pour certaines personnes. Ces solutions sont individuelles. Elles prennent en compte la situation de chacun, au niveau familial, des ressources et du type de domicile.
A ce jour, trois forfaits d'auxiliaire de vie peuvent être attribués à chaque personne lourdement handicapée. Ce nombre peut être dépassé, mais à la condition d'avoir au préalable mobilisé tous les dispositifs existants : déplafonnement de l'allocation compensatrice pour tierce personne, l'ACTP, mobilisation des fonds de secours pour les caisses primaires ou régionales d'assurance maladie, prestations des centres communaux d'action sociale.
Monsieur le sénateur, j'ai bien conscience que les réponses données ne sont pas homogènes sur l'ensemble du territoire. Ce n'est qu'un début. J'attends, compte tenu de l'impulsion de l'Etat, un effort de la part aussi bien des collectivités territoriales que des organismes de protection sociale. Je les sais attentifs à ce problème, je le constate régulièrement.
La solution durable qu'il convient d'apporter aux personnes lourdement handicapées relève du contenu que le nouveau projet de loi réformant le dispositif adopté en 1975 donnera au droit à compensation.
M. le président. La parole est à M. Philippe Richert.
M. Philippe Richert. Madame la secrétaire d'Etat, je veux tout d'abord rendre hommage à votre implication personnelle sur ce dossier, à l'écoute très attentive que vous accordez aux demandes qui se font jour, dans la mesure où vous acceptez volontiers de rencontrer les personnes concernées et d'ouvrir le dialogue.
Les solutions qui se mettent en place aujourd'hui permettent de répondre au cas par cas, mais souvent dans des conditions de parcours où les embûches sont encore trop nombreuses.
Il conviendrait d'éviter d'avoir à explorer trop de pistes nouvelles, ce qui implique chaque fois, pour la personne handicapée et pour sa famille, une dépense d'énergie importante dans des procédures beaucoup trop longues.
Il faudrait simplifier les démarches, c'est l'objectif de ma demande d'harmonisation des procédures.
Nous devons prendre conscience de l'inégalité que nous provoquons en traitant les cas des familles les plus connues, de ceux qui réclament avec le plus d'insistance. Il est inacceptable de laisser au second plan ceux qui ont moins l'occasion de se faire connaître.
C'est pourquoi je réitère avec insistance mon souhait de voir matérialisée dans un texte cette ouverture à tous ceux qui attendent, dans le silence, mais toujours dans la souffrance, que nous venions à leur rencontre.
Madame la secrétaire d'Etat, dans ce combat comme dans d'autres, nous serons toujours à vos côtés.
MISE EN SERVICE DU CAISSON HYPERBARE
DU CENTRE HOSPITALIER LOUIS-PASTEUR
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, auteur de la question n° 247, adressée à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la secrétaire d'Etat, je souhaite attirer votre attention sur l'installation du caisson hyperbare attribué au centre hospitalier Louis-Pasteur de Cherbourg-Octeville.
A la suite de la décision de fermeture du centre hospitalier des armées par le ministère de la défense, le maintien dans le Nord-Cotentin d'un tel équipement, jugé indispensable par tous, avait en effet été acquis.
L'engagement ministériel correspondant s'était caractérisé par la possibilité d'inclure le surcoût du bâtiment accueillant ce caisson dans le programme de restructuration de l'établissement, à concurrence de 440 000 euros. L'engagement d'en accompagner le fonctionnement avait également été pris par le précédent ministre chargé de la santé.
Ainsi, par décision du 18 mars 2003, l'agence régionale de l'hospitalisation de Basse-Normandie a accordé une autorisation de fonctionnement au centre hospitalier Louis-Pasteur. Néanmoins, cette décision d'autorisation précise que « l'exploitation de cet équipement est subordonnée à l'attribution d'une enveloppe ministérielle spécifique, en sus de la dotation régionalisée limitative des dépenses hospitalières ».
L'établissement avait envisagé de mettre en service avant la fin de l'année 2003 ce caisson hyperbare, dont le fonctionnement exige un recrutement anticipé et une formation spécialisée du personnel.
C'est pourquoi il est indispensable que le centre hospitalier bénéficie d'un financement au moins six à neuf mois avant la mise en fonctionnement du caisson, c'est-à-dire sans délai.
Les dépenses nécessaires ont été évaluées par le conseil d'administration de l'hôpital à 281 000 euros pour l'installation du caisson - dépense non reconductible - et à 811 400 euros pour sa pérennisation - dépense reconductible.
Ces estimations n'ont fait l'objet, à ce jour, d'aucune observation de la part de l'ARH de Basse-Normandie.
C'est pourquoi je demande à M. le ministre que soient attribués rapidement les moyens nécessaires au fonctionnement de cet équipement indispensable, qui fonctionnait dans le Nord-Contentin. Chacun comprendra que, dans cette région maritime où, malheureusement, des accidents de plongée surviennent, un caisson hyperbare est tout à fait indispensable.
En tant qu'ancien président du conseil d'administration de l'hôpital Louis-Pasteur, permettez-moi de vous rappeler le plan de financement de l'équipement d'origine, qui date de 1995. Les collectivités territoriales ont participé à concurrence de 9 millions de francs, le ministère de la jeunesse pour 1 million de francs de même que la Fédération des sports sous-marins, les établissements COGEMA et EDF Flamanville, qui considéraient comme indispensable un tel équipement, chacun pour 1,5 million de francs, le ministère de la santé pour 3 millions de francs. Bref, l'investissement total représentait environ 40 millions de francs.
L'octroi des crédits nécessaires ne saurait éluder un problème essentiel rencontré à l'échelon local, à savoir la nécessité de constituer une équipe médicale dont le nombre et la qualification soient suffisants pour assurer l'astreinte indispensable sur ce genre d'équipement.
Ma question devait s'arrêter là, madame la secrétaire d'Etat, mais les événements récents me poussent à aller un peu plus loin sur deux points. En effet, le conseil d'administration du centre hospitalier Louis-Pasteur a décidé de ne plus siéger en l'absence de réponse aux questions qui se posent encore.
Ainsi, il manque aujourd'hui 17 millions d'euros en crédits de fonctionnement.
Pour faire face au surcroît d'activité engendré par la fermeture de l'hôpital des armées, des engagements avaient été pris. Ils ont été concrétisés en 2001 et 2002, ce qui a permis notamment l'embauche d'une centaine de personnes. Cette année, l'hôpital Pasteur aurait dû recevoir 8 millions d'euros au titre de la compensation par l'assurance maladie de cette fermeture et 9 millions d'euros au titre du surcoût d'exploitation pour 120 lits supplémentaires. Or, à ce jour, l'hôpital n'a rien reçu.
Madame la secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous assurer que les engagements seront tenus ?
Enfin, je terminerai mon propos par quelques remarques sur le plan « Hôpital 2007 ».
Le programme d'investissement proposé par le centre hospitalier Louis-Pasteur se décline en trois projets majeurs.
Le financement d'une liaison informatique permettra des échanges de clichés radiologiques numérisés entre le centre hospitalier de Cherbourg et celui de Valognes, situé à vingt kilomètres. Ce projet est indispensable pour favoriser la politique de rapprochement des deux hôpitaux, qui ont maintenant un directeur commun en attendant d'avoir un conseil d'administration commun. Le rapprochement, qui a été très difficile à opérer, s'inscrit dans la politique de complémentarité voulue tant par le gouvernement précédent que par le Gouvernement actuel.
Est également prévu le financement de travaux et d'équipements pour l'accélérateur de particules du service de radiothérapie. Il s'agit, là aussi, d'un accord passé entre le centre François-Baclesse, établissement privé caennais, et l'hôpital de Cherbourg. Cet accord a eu lieu il y a dix ans et s'inscrit toujours dans une logique de complémentarité régionale qu'il faut poursuivre.
Est enfin envisagé le financement de la reconstruction du service de néonatologie et de la restructuration du service de gynécologie-obstétrique, dont le classement en niveau 3, le seul en Basse-Normandie hors CHU, justifie à lui seul cette opération.
Ces trois opérations font partie d'une stratégie favorisant une meilleure organisation du système de soins qu'il serait dommage de ne pas poursuivre. Les premières indications venant de l'agence régionale de l'hospitalisation, l'ARH, laissent pourtant supposer qu'aucune de ces opérations ne serait retenue.
En conclusion, madame la secrétaire d'Etat, il serait dommage que les engagements pris après la fermeture de l'hôpital des armées - fermeture que nous n'avons jamais demandée - ne soient pas respectés. Cela conduirait, de fait, à une régression de la couverture hospitalière dans le Nord-Cotentin.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le sénateur, vous avez souhaité appeler l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, dont je vous prie d'excuser l'absence, sur les conditions de fonctionnement du caisson hyperbare installé au centre hospitalier Louis-Pasteur de Cherbourg-Octeville.
Le ministre tient à rappeler que, lors de l'annonce de la fermeture du centre hospitalier des armées René Lebas, le centre hospitalier s'est vu confier le transfert du caisson hyperbare, le principe du maintien de l'ensemble des équipements lourds dans le Cotentin ayant, en effet, été posé.
Il convient de préciser que des moyens ont déjà été dégagés pour la réalisation de cette importante opération de restructuration du Cotentin.
En effet, l'agence régionale de l'hospitalisation, l'ARH, finance à un rythme régulier les premiers effets indiscutables de cette restructuration ; à ce jour, 14,698 millions d'euros ont déjà été alloués, hors investissements, permettant d'assurer la reprise programmée des activités, l'installation et le fonctionnement de l'IRM. Conformément à l'accord local, le scanner a été accordé à la polyclinique du Cotentin.
Le nouveau bloc médico-technique du centre hospitalier a dû être substantiellement modifié afin de permettre l'installation du caisson hyperbare. S'agissant de son fonctionnement, le surcoût ayant été assuré par l'agence régionale de l'hospitalisation, il a été demandé aux services de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins d'étudier les conditions de fonctionnement proposées, en lien avec l'ARH et l'établissement.
Il convient en effet de prendre en considération les besoins réels en tenant compte des difficultés de démographie tant médicale que paramédicale, notamment dans le Cotentin.
Le ministre a par ailleurs demandé à l'ARH d'intégrer ce dossier dans le contrat d'objectifs et de moyens en cours de négociation.
Vous voyez, monsieur le sénateur, que ce dossier qui vous tient à coeur fait actuellement l'objet d'un examen attentif de la part des services du ministère de la santé.
Quant aux questions annexes, qui ne sont pas parvenues aux service du ministère avant mon intervention, je les transmettrai fidèlement à M. Mattei, qui y répondra en temps utile.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la secrétaire d'Etat, j'ai adressé mes questions complémentaires au cabinet du ministre pour qu'il ne soit pas pris au dépourvu. Au demeurant, je sais bien que le délai était très bref !
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Je n'en ai pas eu connaissance !
M. Jean-Pierre Godefroy. J'en prends acte. M. le ministre, je suppose, me répondra ultérieurement !
J'en reviens à l'hôpital. En tant qu'ancien président du conseil d'administration, je peux vous dire qu'un véritable contrat avait été passé.
De toute façon, ce caisson hyperbare est tout à fait indispensable. Le rail de navigation passant à quelques kilomètres de Cherbourg, des accidents peuvent survenir quotidiennement. Tout le monde en avait donc reconnu la nécessité.
Aujourd'hui, en cas d'accident requérant l'utilisation d'un caisson hyperbare, il faudra aller au Havre ou à Brest, ce qui repoussera d'autant le moment de l'intervention. Or on sait qu'en la matière la rapidité de réaction est déterminante. Il faut donc que le caisson hyperbare soit opérationnel le plus rapidement possible.
Par ailleurs, je rappelle que le centre hospitalier Louis-Pasteur n'avait pas demandé à récupérer l'activité de l'hôpital des armées et que ce dernier a anticipé sa fermeture d'un an, si bien qu'aujourd'hui l'hôpital civil de Cherbourg est obligé de faire face à une activité qui n'était programmée que pour 2004.
Se font donc sentir des besoins en fonctionnement, d'où la question des crédits, sur laquelle vous ne m'avez pas répondu, madame la secrétaire d'Etat, mais également des besoins en personnel. Des locaux sont actuellement en construction, mais un personnel supplémentaire sera également nécessaire pour assumer ce surcroît d'activité, sauf à parvenir à une situation de blocage.
La politique de complémentarité que nous avons essayé de mener avec l'hôpital de Valognes, le CHU de Caen et le Centre Baclesse est tout à fait indispensable. En effet, la situation nous oblige à sortir de l'annualisation budgétaire et à « contractualiser » sur plusieurs exercices budgétaires.
J'espère que mon intervention et les réponses qui y seront apportées feront avancer les choses. Je ne manquerai pas d'interroger de nouveau M. le ministre de la santé sur les points qui restent en suspens.
CRÉATION D'UNE ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES
M. le président. La parole est à Mme OdetteHerviaux, auteur de la question n° 267, adressée à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
Mme Odette Herviaux. Madame la secrétaire d'Etat, dans le cadre de la préparation du projet de loi relatif à la politique de santé publique, M. le ministre de la santé envisage la création d'une Ecole des hautes études en santé publique ; nous avons bien entendu ses arguments.
Il existe déjà une Ecole nationale de la santé publique qui, près de soixante ans après sa fondation à la Libération, quarante ans après sa naissance institutionnelle et son implantation à Rennes, a su relever les paris souvent contradictoires de la formation des cadres supérieurs du secteur sanitaire et social.
Vous connaissez bien, madame la secrétaire d'Etat, cette grande école qui, faut-il le rappeler, est la plus importante école de formation de cadres du service public en France et a formé à ce jour plus de 10 000 professionnels de santé publique de haut niveau, tous très attachés à leur école. L'ENSP jouit, par ailleurs, d'une véritable reconnaissance internationale, notamment grâce à une double compétence rarement rencontrée ailleurs en santé publique et en management.
Chacun s'accorde à reconnaître que l'Ecole nationale de la santé publique relèvera d'autant mieux les défis de demain qu'elle sera dotée des outils juridiques, financiers et humains appropriés.
Un changement de statut susceptible de garantir l'attractivité et les compétences des équipes d'enseignement et de recherche, une ouverture européenne résolue, une capacité d'intervention en réseau avec d'autres institutions sont quelques-unes de ces pistes d'avenir que souhaite emprunter l'Ecole.
Mais, aujourd'hui, l'avenir de l'ENSP suscite de nombreuses craintes.
Sans que la moindre concertation ait eu lieu avec les principaux interlocuteurs concernés, c'est-à-dire avec ceux de l'ENSP, cet avant-projet de loi abrogerait purement et simplement l'article du code de la santé publique portant création de l'ENSP - il s'agit d'une loi de 1960 révisée en 1985 - au profit d'une Ecole des hautes études en santé publique aux contours et à la localisation indéfinis.
M. le ministre a toutefois déclaré récemment, à l'Assemblée nationale, que l'école de Rennes n'était menacée ni dans sa localisation ni dans sa vocation pédagogique, en précisant que c'est autour d'elle qu'il voulait créer, avec Luc Ferry, le réseau de formation en santé publique.
Nous prenons acte de cet engagement. Cependant, ces propos, qui se veulent rassurants, ne lèvent pas toutes les incertitudes.
Si l'ENSP doit voir son statut évoluer vers celui d'établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel et devenir ainsi cette Ecole des hautes études en santé publique, il faut dès à présent affirmer, sans la moindre ambiguïté, que le siège de cette future Ecole des hautes études en santé publique restera bien à Rennes.
Au moment où le Gouvernement plaide à juste titre en faveur de la décentralisation et de ce qui me semble être son corollaire indispensable, c'est-à-dire la déconcentration des services de l'Etat, il serait en effet inconvenant d'organiser son transfert vers Paris ou d'y localiser les missions nobles en ne conservant à Rennes que celles qui sont considérées comme « secondaires ».
L'ENSP n'a pas, en effet, vocation à se cantonner au seul champ de la formation à la gestion.
Une telle remise en cause de sa mission globale de santé publique serait inacceptable et ne pourrait que susciter une hostilité unanime, tant des professionnels de la santé publique que des Bretons, attachés comme nous, madame la secrétaire d'Etat, à la présence dans leur région de cette grande école implantée à Rennes par le gouvernement de Michel Debré, au nom, précisément, d'une politique volontariste de décentralisation.
Madame la secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous confirmer, d'une part, la pérennité de l'ENSP et son développement, et, d'autre part, l'éventuelle localisation à Rennes, à partir de l'ENSP, de cette Ecole des hautes études en santé publique ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Madame le sénateur, vous avez souhaité attirer l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur le devenir de l'Ecole nationale de la santé publique, installée à Rennes.
Elue de Bretagne, votre préoccupation est très légitime. Etant moi-même élue de Bretagne, je la partage. La réponse que j'y apporterai sera, me semble t-il, en mesure de vous rassurer.
Non seulement le Gouvernement n'a pas l'intention de supprimer l'Ecole nationale de la santé publique - dans quelle langue faut-il le dire ? - mais il a, au contraire, la volonté de la renforcer en la dotant d'une capacité diplomante qui lui fait défaut actuellement.
En matière de santé publique, les compétences de l'Etat se sont considérablement enrichies et s'étendent de la lutte contre les épidémies à la gestion d'établissements sanitaires et sociaux, ou encore à l'amélioration de la qualité des soins.
Or notre dispositif de formation n'est pas à la hauteur de ces nouveaux besoins et c'est pourquoi il est proposé de transformer l'Ecole nationale de la santé publique en établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel.
Cet établissement permettra de mettre en réseau les compétences existantes. Plutôt que de créer une structure de plus, il nous a semblé préférable de transformer l'ENSP. Nous souhaitons ainsi concevoir un schéma national de formations en santé publique utilisant au mieux les spécificités de chacun des sites concernés.
S'agissant de l'ENSP, ni sa localisation, madame le sénateur, ni sa vocation pédagogique, notamment en matière de gestion des établissements de santé, de formation des corps d'inspection ou de santé environnementale, ne sont menacés.
Ce dispositif permettra, au contraire, de renforcer l'école en lui permettant de délivrer des diplômes reconnus au plan européen.
Enfin, si la solution juridique retenue fait l'objet d'un très large consensus, le décret constitutif de cet établissement devra être soigneusement préparé au travers d'une large concertation au cours des mois à venir.
INDEMNISATION DES SINISTRÉS
M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle, auteur de la question n° 264, adressée à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
M. Philippe Madrelle. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au lendemain de la douloureuse épreuve causée par le naufrage du Prestige et face à l'incapacité du Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, le FIPOL, d'acquitter la facture du sinistre, vous comprendrez qu'il est de mon devoir d'alerter à nouveau le Gouvernement sur l'inquiétude ô combien légitime des victimes de cette catastrophe.
Des mesures ont été prises par l'Etat : alors que l'enveloppe initiale prévue par le Gouvernement - 50 millions d'euros - est épuisée, les maires du littoral atlantique comptent sur une rallonge de 17 millions d'euros pour poursuivre le ramassage des pollutions résiduelles. Il n'appartient bien évidemment pas aux ostréiculteurs, aux pêcheurs, aux professionnels du tourisme et aux collectivités locales d'assumer les conséquences des comportements irresponsables et scandaleux des pétroliers pollueurs.
Le montant des dégâts ayant été estimé à 1 milliard d'euros, le taux d'indemnisation à 15 % proposé par le FIPOL est très faible. Mme la ministre de l'écologie et du développement durable a d'ailleurs fait part de son indignation face à ce taux ridiculement bas, estimant que l'Etat ne doit pas solliciter d'indemnités tant que les personnes privées ne seront pas indemnisées.
Il est inacceptable de maintenir le taux d'indemnisation à un niveau aussi dérisoire. Même si les pays de l'Organisation maritime internationale ont pris la décision récemment, d'un commun accord, d'augmenter le montant des fonds de 171,5 millions d'euros à 950 millions d'euros, cette décision ne peut profiter aux victimes du Prestige puisqu'elle n'est pas rétroactive.
Je voudrais, madame la secrétaire d'Etat, profiter de l'opportunité qui m'est donnée pour vous poser quelques questions.
Premièrement, pourquoi l'Etat français n'a-t-il rien demandé à la Commission européenne ?
Deuxièmement, où en est l'épave du Prestige ? Nous souhaiterions obtenir des informations sur ce point.
Troisièmement, comment se fait-il que l'Etat espagnol ait sollicité le FIPOL, alors qu'il est responsable de cette catastrophe écologique et économique ?
Quatrièmement, enfin, M. Alain Juppé avait annoncé des fonds structurels européens relevant de l'objectif 2 et le commissaire européen M. Michel Barnier avait promis les mêmes aides financières à la faveur de la crise. Or, pour l'instant, on n'en a pas vu la couleur. Qu'en est-il aujourd'hui ?
J'ajouterai que le commissaire européen M. Fischler avait annoncé la possibilité de mesures identiques à celles qui ont été prises en Galice pour les ostréiculteurs, pêcheurs et conchyliculteurs par le truchement de l'instrument financier d'orientation de la pêche, l'IFOP. Or la France, semble-t-il, n'a jamais saisi la Commission. Pourquoi ? Le Gouvernement compte-t-il le faire, madame la secrétaire d'Etat ?
Dans l'attente de ces précisions, vous me permettrez d'espérer voir enfin appliquer le principe du pollueur-payeur, de façon à responsabiliser les auteurs de ces désastres écologiques.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le sénateur, le Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, le FIPOL, est une organisation intergouvernementale à vocation mondiale qui a pour objet de verser une indemnisation pour les dommages par pollution résultant de déversements d'hydrocarbures persistants. Ce fonds est alimenté par les cotisations des importateurs de pétrole.
L'indemnisation par le FIPOL des victimes de la catastrophe du Prestige est actuellement limitée à environ 171,5 millions d'euros. Par ailleurs, ces indemnités doivent avoir un taux équivalent pour chacune des victimes.
Or l'évaluation du préjudice subi par les victimes de la pollution du Prestige, ajoutée aux dépenses effectuées par l'Etat pour lutter contre cette pollution, semble dépasser, à ce stade, le plafond du FIPOL. En effet, l'Espagne annonce un préjudice situé entre 300 millions d'euros et 1 milliard d'euros. Quant à la France, nous devrons attendre la fin de la saison touristique pour procéder à une évaluation précise, mais, d'ores et déjà, environ 50 millions d'euros ont été dépensés sur le fonds POLMAR - le plan de lutte contre les pollutions marines - pour financer les opérations de lutte en mer et à terre menées par les services de l'Etat, les collectivités et les associations.
Au regard de cette situation, le comité exécutif du FIPOL a donc décidé, en mai 2003, de fixer un taux d'indemnisation provisoire des victimes à 15 %, ce qui est évidemment choquant. Pour le Gouvernement, seul un taux d'indemnisation des victimes à 100 % serait convenable.
C'est pourquoi, pour éviter qu'une telle situation ne se reproduise à l'avenir, la France a obtenu, après d'importants efforts, qu'une conférence diplomatique puisse être tenue en mai 2003 afin de modifier la convention actuelle. Cette conférence s'est conclue sur un accord permettant une augmentation du plafond d'indemnisation à environ 1 milliard d'euros. La France s'est engagée à ratifier très rapidement cette convention pour lui permettre d'entrer en vigueur dans les meilleurs délais.
Afin de prévenir ces catastrophes, nous renforçons, avec Gilles de Robien et Dominique Bussereau, notre dispositif de sécurité maritime : 25 % des navires dangereux sont aujourd'hui inspectés et nous avons éloigné de nos côtes plus de cinquante navires poubelles qui risquaient de les polluer.
Enfin, en parallèle, un certain nombre de mesures d'aide aux secteurs professionnels les plus touchés - conchyliculture et tourisme - ont d'ores et déjà été mises en place par le ministre de l'agriculture, Hervé Gaymard, et le secrétaire d'Etat au tourisme, Léon Bertrand.
M. le président. La parole et à M. Philippe Madrelle.
M. Philippe Madrelle. Je vous remercie de cette réponse madame la secrétaire d'Etat. Je connais l'implication de Mme la ministre de l'écologie face à cette catastrophe, mais je m'aperçois qu'il est quand même plus facile de faire payer les particuliers et les Etats que les entreprises multinationales ! Dans ces conditions je me demande comment vous ferez pour indemniser la totalité du préjudice causé par la catastrophe du Prestige, car si l'on devait en rester là, les victimes n'auraient droit qu'à une compensation.
Pour prendre un exemple concret cité par le journal Sud-Ouest, un ostréiculteur arcachonnais qui aurait subi un préjudice estimé à 1 000 euros percevrait 150 euros et devrait s'asseoir sur les 850 euros restants. Voilà tout le problème, et il faudra le résoudre !
CONDITIONS DE FINANCEMENT
DES INVESTISSEMENTS DES COMMUNES
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 240, adressée à M. le ministre délégué aux libertés locales.
M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, les maires ont à coeur de gérer de façon économe les deniers de leurs concitoyens.
A ce titre, ils tentent, dans la mesure du possible, la trésorerie de leur commune n'étant pas trop abondante, de mobiliser en dernière extrémité les emprunts à long terme nécessaires au financement des programmes d'investissement et de gérer leur commune à la manière d'une entreprise. Ce faisant, ils peuvent néanmoins être confrontés de manière ponctuelle à des difficultés.
Ainsi, lorsqu'une commune modeste décide de réaliser un investissement particulièrement lourd eu égard à son propre budget général - dont le financement est multiple : fonds propres, subventions départementales, régionales, voire européennes, emprunts, etc. -, elle peut très rapidement être confrontée à un problème de trésorerie, et ce pendant plusieurs semaines. En effet, les subventions sont, en règle générale, versées lorsque le programme est achevé, même si, dans certains cas, des avances existent.
Comme je l'indiquais tout à l'heure, les emprunts sont mobilisés le plus tard possible afin d'éviter à avoir à supporter le paiement des intérêts. La commune doit donc faire l'avance de la TVA, ce qui représente une masse financière souvent importante. Enfin, s'agissant des fonds propres, pour peu que les échéances de paiement se situent en début d'année, ceux-ci sont réduits à la portion congrue.
Il convient de souligner que les communes perçoivent la DGF et le montant des impôts locaux sous la forme d'avances mensuelles par l'intermédiaire du compte d'avances aux collectivités locales.
Si elles ont à faire face à une échéance importante, par exemple, fin mars, elles n'auront perçu à cette date que le quart de leur DGF annuelle et le quart du montant prévisible des impôts locaux. Elles se retrouvent donc dans l'obligation de se faire ouvrir une ligne de trésorerie auprès d'un organisme bancaire, ce qui entraîne un coût non négligeable pour la collectivité et pour les contribuables locaux.
Dans une situation exceptionnelle telle que celle que je viens de décrire, pourquoi ne pas autoriser le Trésor public, qui est, en quelque sorte, le banquier officiel des collectivités territoriales, à accorder à une commune une avance de trésorerie un peu plus importante, allant au-delà des traditionnels « douzièmes » de DGF et d'impôts locaux ? Cette solution lui éviterait de mobiliser de façon intempestive des emprunts à court ou à long terme et lui permettrait ainsi de réaliser des économies de fonctionnement dans l'attente des subventions et aides diverses qui ne sont octroyées traditionnellement qu'après paiement des factures.
Permettez-moi de rappeler que les comptes excédentaires des collectivités territoriales ne sont pas rémunérés par le Trésor public, que les communes sont toujours dans l'obligation de faire l'avance de la TVA payée sur les investissements qu'elles réalisent, ce qui les oblige souvent à contracter des prêts spéciaux dans l'attente du règlement par le FCTVA, le fonds de compensation pour la TVA.
Pourquoi, dans ces conditions, et à titre de réciprocité, ne pas les faire bénéficier d'avances de trésorerie en cas de besoin pour des délais forcément courts, le Trésor public étant, en tout état de cause, assuré de retours financiers rapides du fait du versement de la DGF, des impôts locaux et des subventions accordées aux collectivités ? Ces avances sur subventions permettraient même, dans certains cas, d'éviter le recours à l'emprunt, d'où une réduction sensible des coûts.
Telle est la question que je me permets de vous poser, monsieur le ministre, en espérant que votre réponse sera positive, ce qui ne pourrait que remplir d'aise un grand nombre de nos collègues maires, lesquels obtiendraient ainsi une véritable simplification administrative et comptable.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le sénateur, il est vrai que les collectivités locales ont l'obligation de déposer leurs fonds dans la caisse du Trésor public. Il est vrai également que ces dépôts se sont pas rémunérés. Toutefois, en contrepartie de l'obligation qui leur est faite, l'Etat, comme vous l'avez souligné, assure aux collectivités locales un financement régulier en effectuant, à raison de douzièmes mensuels, le versement du produit attendu de la fiscalité locale et des dotations, alors même que le recouvrement effectif des impositions n'intervient qu'en fin d'année.
Les douzièmes constituent réellement des avances de trésorerie qui permettent aux collectivités de fluidifier et de réguler le paiement de leurs dépenses, sans avoir recours de manière systématique à des financements bancaires externes.
Lorsque les collectivités sont confrontés à des problèmes ponctuels de trésorerie qui ne leur permettent pas de faire face momentanément à des dépenses obligatoires, telles que les dépenses de personnel ou certaines dettes exigibles susceptibles d'engendrer des pénalités de retard, le nombre de douzièmes à attribuer peut être augmenté au-delà de la limite fixée pour ce qui concerne le produit de la fiscalité.
Sur arrêté du préfet et après proposition du trésorier-payeur général, des avances complémentaires sont alors accordées qui ne peuvent excéder le montant des dépenses du mois à venir. Ces avances conservent en tout état de cause un caractère exceptionnel et sont récupérées selon des modalités précises.
De la même manière et selon les articles L. 2336-1, L. 2336-2 et R. 2336-1 du code général des collectivités territoriales, le ministre des finances peut accorder, en cas d'insuffisance de trésorerie, des avances sur le Trésor dans la limite d'un montant maximum fixé chaque année par la loi de finances, ou des avances spécifiques à rembourser sur le produit d'emprunts à réaliser.
En dehors des avances de trésorerie à proprement parler, il existe également des avances budgétaires qui sont traditionnellement permises lors de l'attribution de subventions de l'Etat. Le décret du 16 décembre 1999 relatif aux subventions d'investissement de l'Etat fixe le plafond de ces avances à 5 % du montant de la subvention.
Toutefois, en cas de besoin urgent lié à des dépenses d'investissement faisant suite à des catastrophes naturelles de grande ampleur, les avances peuvent représenter jusqu'à 15 % de la subvention globale attribuée par l'Etat. De même, pour les subventions au titre de la DGE, les avances peuvent aller jusqu'à 30 % du montant de la subvention.
L'ensemble de ces financements viennent en appui des modes de financements classiques, auxquels les collectivités peuvent avoir recours pour financer leurs dépenses, dans le respect du principe de libre administration des collectivités locales. Ils semblent aujourd'hui suffisants pour leur permettre de faire face à des besoins ponctuels qu'elles ne pourraient assumer pour des raisons liées à des circonstances particulières.
Ces possibilités d'avances n'ont, en tout état de cause, pas vocation à se substituer à celles qui sont permises par le marché, dont les conditions d'accès ont été considérablement libéralisées depuis plusieurs années et qui offrent aujourd'hui des possibilités de financement très intéressantes en termes de coût et de gestion. Il n'est en outre pas certain que l'Etat serait mieux-disant que le marché.
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces précisions. Vous démontrez ainsi que les élus peuvent utiliser toutes les possibilités qui leur sont offertes. Par ailleurs, je constate que la gestion gouvernementale s'inspire du même esprit que la gestion communale : vous essayez avec les moyens dont vous disposez de faire au mieux, et cela ne peut que me rassurer.
SÉCURITÉ DES TRANSPORTS DE FONDS
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, auteur de la question n° 265 adressée à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre délégué aux libertés locales, une fois de plus, je sollicite le Gouvernement pour que de nouvelles mesures soient prises face au « milieu », qui semble vouloir investir en hommes et en moyens et faire de l'attaque des transferts de fonds un secteur d'activité du grand banditisme.
La toute dernière période a été marquée par une recrudescence du nombre des agressions et vous en connaissez bien entendu la liste.
Nous sommes confrontés à un problème de société. Le transport de fonds est un des réseaux forts de l'économie française. Ainsi, 70 000 sites sont desservis, dont plus de 45 000 distributeurs de billets. L'argent liquide en petits montants est un attrait pour la pègre.
Les 10 000 personnes employées par les sociétés de transport de fonds comptent 7 000 convoyeurs, et 1 200 à 1 400 véhicules sont en circulation. Dans ces véhicules, on trouve parfois plus de 5 millions d'euros en espèces, et 2 000 à 3 000 salariés travaillent chaque jour la peur au ventre.
Est-il vrai, monsieur le ministre, qu'il existerait une cinquantaine de bandes bien organisées qui disposeraient d'une technologie criminelle élaborée en la matière ? Ce nombre progresse-t-il ? Ces bandes peuvent-elles devenir de véritables dangers publics ?
J'ai relu avec attention les éléments que nous possédons au sujet des principales attaques. Nous sommes souvent en présence de truands aguerris, en possession d'un armement de guerre allant jusqu'au lance-roquettes antichar.
Vous partagez en partie mon inquiétude puisque des évolutions dans les textes ont conduit à l'adoption d'un dernier décret modifié, mais de façon encore insuffisante à mon gré.
Ce matin, je vous poserai, monsieur le ministre, trois questions concrètes.
La première porte sur ce qui est appelé couramment les « nouvelles technologies ».
Je suis persuadée que, dans votre intervention, vous en noterez les mérites. Malheureusement, monsieur le ministre, elles se révèlent inefficaces et dangereuses.
Elles sont inefficaces car la neutralisation des billets est loin d'être garantie. Des procédés nouveaux semblent être susceptibles d'effacer l'encre maculant les billets. Ce moyen d'action est complémentaire.
Le procédé est également dangereux : il appelle la voiture banalisée, le camouflage, l'anonymat du convoyeur. Mais très vite, les voitures banalisées sont détectées, repérées, et les convoyeurs livrés sans défense à l'agression. Les premiers résultats sont là ; ils démontrent l'insuffisance de ces technologies.
Monsieur le ministre, dans le décret, vous avez admis que cette mesure pourrait être autorisée à titre exceptionnel. Or, elle se généralise. Pourquoi ?
Est-il vrai que des projets européens viseraient à généraliser l'utilisation de la voiture banalisée sans protection ?
Que comptez-vous faire pour que toutes les sociétés de transport s'équipent de fourgons blindés avec au moins trois hommes à bord et un armement suffisant ?
Ma deuxième question porte sur les pratiques des entreprises de transfert de fonds. Pour assurer la présence de trois convoyeurs par fourgon, des embauches sont nécessaires. Or, des plans sociaux apparaissent.
Les entreprises ont-elles fait le choix du véhicule banalisé ?
On retrouve aussi la même irresponsabilité en matière de formation professionnelle. Dans une entreprise dont je ne citerai pas le nom, sur 120 convoyeurs, seuls 10 ont reçu la formation au maniement des armes, ce qui a risqué de se traduire dernièrement par un drame. La presse s'en est fait l'écho. Que comptez-vous faire avec le Gouvernement pour vous opposer à tout plan de licenciement et pour contraindre les entreprises à se doter des emplois et des formations nécessaires ?
Est-il vrai que la Brink's se prépare à licencier 400 salariés, que Valiance s'apprêterait à en licencier 200 dans un premier temps et 200 dans les mois à venir ?
Ma troisième et dernière question porte sur la mise en conformité des installations industrielles, bancaires et commerciales pour la fin de l'année 2003.
Les commissions départementales travaillent, mais elles constatent beaucoup de retard, de mauvaise volonté et d'insuffisances en matière d'aménagements permettant le transfert direct des fonds du véhicule au local.
Nous ne pouvons plus nous contenter de simples avis et orientations, y compris de la part des commissions départementales. Des dispositions doivent être prises pour contraindre les sociétés de transport. Etes-vous prêt à les envisager, à les décider et à résister aux orientations fixées par la Communauté européenne ? Etes-vous prêt également à vous opposer à tout plan de licenciement décidé par les sociétés de transport de fonds ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Madame la sénatrice, vous avez fait part au ministre de l'intérieur de vos préoccupations relatives à l'exercice du métier de convoyeur de fonds et vous avez manifesté votre scepticisme à l'égard des nouvelles technologies, par exemple l'utilisation de véhicules banalisés.
Avant de vous répondre chiffres à l'appui, je voudrais rendre hommage à la conscience professionnelle et au courage des employés des compagnies de transports de fonds et réaffirmer que le principal souci du Gouvernement, en cette matière, est naturellement d'épargner les vies humaines. C'est la première préoccupation.
Les statistiques récentes font apparaître que, de 1999 à mars 2003, le nombre d'attaques sur les véhicules banalisés est proportionnellement plus élevé. Mais neuf convoyeurs ont été tués et vingt-quatre blessés au cours de quarante-neuf agressions contre des transports en véhicules blindés, tandis que quarante-sept agressions menées contre des véhicules banalisés utilisant de nouvelles technologies n'ont fait que huit blessés. L'utilisation de véhicules banalisés a donc donné lieu à une diminution importante du nombre de tués et même de blessés : aucun tué et huit blessés, c'est toujours trop mais c'est déjà beaucoup mieux.
Par ailleurs, lors de la table ronde du 11 juillet 2002, il avait été décidé de constituer un groupe interministériel composé de membres des inspections générales des finances, de l'administration, de la police nationale, de l'inspection générale du travail et des transports, ainsi que du conseil général des ponts et chaussées.
Ce groupe avait pour mission : d'abord, de dresser un bilan de la mise en oeuvre des dispositions législatives et réglementaires destinées à sécuriser la phase piétonne du transport de fonds et d'évaluer le mode de fonctionnement des commissions départementales de sécurité et de transport de fonds ; ensuite, d'effectuer un diagnostic global de toutes les questions de sécurité dans le transport des espèces - pièces et billets - dans l'ensemble de la filière fiduciaire ; enfin, de formuler, au vu de ces expertises et de l'analyse des législations européennes, les propositions qui lui paraissent susceptibles d'assurer une sécurité plus grande des personnels, de la circulation des espèces sur le territoire et de permettre la mise en oeuvre, dans les meilleures conditions, de la loi du 10 juillet 2000 et des textes réglementaires.
Le groupe de travail interministériel a rendu récemment ses conclusions. Affirmant que la sécurité des hommes doit prévaloir sur toute autre considération, il préconise la généralisation progressive du recours aux nouvelles technologies de neutralisation ou de destruction de valeurs afin de créer une dynamique globale de moindre violence et de plus grande dissuasion. Il soutient que les investigations qu'il a conduites n'ont pas permis de déceler, en l'état, de failles susceptibles de remettre en cause la confiance dans ces dispositifs. Enfin, il présente le recours à ces nouvelles technologies comme un socle commun de protection qui doit être considéré comme autosuffisant mais non exclusif éventuellement d'autres modes complémentaires. Le blindage des véhicules, l'armement des convoyeurs sont autant de modes complémentaires qui, bien sûr, pourront être maintenus.
Le Gouvernement, soucieux de parvenir à un système optimal de protection des convoyeurs de fonds, procédera à l'examen détaillé des propositions de la mission, en concertation avec l'ensemble de la filière du transport de fonds. A l'issue de cette démarche qui va être engagée dans les prochaines semaines, les textes en vigueur seront, le cas échéant, modifiés.
Pour ce qui concerne les aménagements des locaux desservis par les entreprises de transport de fonds, les donneurs d'ordre disposent jusqu'au 31 décembre 2003 d'un délai pour leur permettre de réaliser les travaux nécessaires, sous le contrôle des commissions départementales pour la sécurité des transports de fonds. Les textes en vigueur prévoient les conditions d'urbanisme qui s'imposent dans chaque dossier. Un bilan global sera effectué.
Enfin, s'agissant de la politique de recrutement des sociétés de transport de fonds le Gouvernement n'a nullement l'intention de contraindre, de quelque manière que ce soit, des acteurs économiques qui exercent leur activité dans un contexte de libre entreprise. Il observe cependant qu'une approche globale de la question fait ressortir que les différentes modalités de transport de fonds sont susceptibles de favoriser l'emploi et que les emplois liés à la sécurité vont connaître une progression significative si le choix est fait de la protection maximale de la sécurité des convoyeurs de fonds.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre, tout d'abord, il me semble que votre réponse est contradictoire : d'un côté, vous ne vous opposeriez pas, au nom de la libre entreprise, aux licenciements et aux plans sociaux dans les différentes entreprises de transport de fonds, et, d'un autre côté, vous semblez reconnaître qu'il faudrait augmenter les effectifs pour assurer la sécurité des convoyeurs. Je ne vois pas comment lever cette contradiction.
Je note par ailleurs que, comme vous le savez, les gendarmes s'inquiètent du nombre croissant d'agressions commises à l'encontre des transporteurs de fonds en véhicule léger banalisé, piloté par un homme seul, sans protection et sans limitation du nombre de conteneurs embarqués et des valeurs transportées.
Vous avez cité des chiffres concernant le transport en fourgons blindés, qui existent depuis longtemps, et en voitures banalisées, qui sont récentes. Mais il est difficile d'établir une comparaison entre ces deux modes de transport puisque 95 % des transports de fonds sont réalisés par véhicules blindés alors que 5 % seulement le sont par véhicules banalisés. Si cette proportion était inversée, il faudrait compter 250 attaques contre les véhicules légers et non plus 13 et 20 contre les véhicules blindés, comme c'est le cas aujourd'hui. La voiture banalisée représente donc un danger sérieux.
En ce qui concerne le transport des fonds sur les voies piétonnes en centre-villes il est étrange que le permis de construire initial ou modifié soit nécessaire pour réaliser les travaux. Il convient d'alléger la procédure pour que les élus puissent contraindre les donneurs d'ordres, notamment les banques, les grandes surfaces et les magasins à réaliser des travaux lourds parfois, mais absolument nécessaires.
Monsieur le ministre, j'ai bien noté que vous rendiez hommage au travail des transporteurs de fonds, mais au-delà des paroles, il faudra des actes pour que le nombre des assassinats diminue.
NOMINATION DES MEMBRES
D'ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président. Je rappelle que la commission des affaires économiques a proposé des candidatures pour deux organismes extraparlementaires.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :
- M. Marcel-Pierre Cléach membre suppléant du Conseil national de l'habitat ;
- M. Pierre Hérisson membre titulaire du Conseil national de la montagne.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à seize heures sous la présidence de M. Guy Fischer.)
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
DÉPÔT DE RAPPORTS DU GOUVERNEMENT
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre :
- le rapport d'activité du comité des normes de comptabilité publique, établi en application de l'article 136 de la loi de finances pour 2002 ;
- le rapport sur la préparation de la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, établi en application de l'article 109 de la loi de finances pour 2003.
Ce rapport permet au Sénat d'être informé sur la mise en oeuvre par le Gouvernement de la loi organique relative aux lois de finances. C'est une étape de plus vers la mise en place d'un pilotage rénové de la dépense publique, vers l'affirmation d'une culture d'objectifs et de responsabilité au sein de l'administration.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE
DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE BULGARE
M. le président. Mes chers collègues, j'ai le plaisir et l'honneur de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d'une délégation bulgare conduite par Mme Anastasia D. Moser, présidente du groupe d'amitié Bulgarie-France de l'Assemblée nationale, qui séjourne en France à l'invitation du groupe interparlementaire France-Bulgarie du Sénat, présidé par notre collègue Guy Penne.
Au nom du Sénat, je souhaite à nos collègues la bienvenue et je forme des voeux pour que leur séjour en France contribue à fortifier les liens et l'amitié entre nos deux pays francophones en attendant la prochaine intégration de la Bulgarie au sein de l'Union européenne. (MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
INFRASTRUCTURES 2003-2020
Débat sur une déclaration du Gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur les infrastructures 2003-2020.
Dans la discussion générale, la parole est à M. Gilles de Robien, ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voilà réunis aujourd'hui, comme le Gouvernement l'avait souhaité, pour poser ensemble les fondations de notre nouvelle politique de transport.
Dominique Bussereau et moi-même mesurons bien l'importance de ce débat pour les bassins de vie et d'emplois que vous représentez. Nous savons tous aussi l'importance de ce débat pour notre pays, pour son rayonnement, pour sa capacité à jouer un rôle éminent, irremplaçable. La France doit être le coeur de l'Europe et le rester.
Ce débat parlementaire fait suite à plusieurs travaux commandés par le Gouvernement dès son arrivée.
Le premier est le fameux audit commandé au conseil général des ponts et chaussées et à l'inspection des finances, exercice d'une grande rigueur intellectuelle et qui a suscité de nombreux commentaires, parfois même des polémiques. Pourtant, cet audit, je l'ai dit à maintes reprises, a scrupuleusement décrit la situation telle que nous l'avons trouvée, situation qui n'était pas fameuse (M. Jean-Louis Carrère s'exclame.)
Les seuls projets identifiés par les auditeurs et retenus dans leur esquisse à vingt ans révèlent une impasse budgétaire cumulée comprise entre 11 milliards et 15 milliards d'euros par rapport aux ressources existantes mises en place par l'Etat...
M. Jean-Louis Carrère. C'est vous qui la créez, l'impasse budgétaire !
M. Gilles de Robien, ministre. ... sans compter les contributions des collectivités locales évaluées, elles, à 11 milliards d'euros, également sur vingt ans.
D'autres rapports de très grande qualité sont ensuite venus tempérer la vision comptable de l'audit. L'excellent rapport Hubert Haenel et François Gerbaud sur le fret ferroviaire, et celui, non moins excellent, de M. Henri de Richemont sur le cabotage maritime, font déjà autorité.
Enfin, il y a moins d'un mois, la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR, a publié une étude prospective : « La France en Europe : quelle ambition pour la politique des transports ? ».
Notre politique aéroportuaire ne sera pas abordée dans le cadre de ce débat. Une commission parlementaire examine ce sujet en ce moment. Elle rendra ses conclusions à la fin du mois de juin. Par courtoisie, mesdames, messieurs les sénateurs, vous le comprenez fort bien, je n'anticiperai évidemment pas sur ses travaux.
Après les audits, les rapports, les études et les colloques souvent de très grande qualité - n'est-ce pas, monsieur Oudin ? -, le temps du politique est maintenant venu. Le Gouvernement souhaite entendre la représentation nationale sur plusieurs grandes questions. Comment jugez-vous nos infrastructures présentes ? Notre pays doit-il ralentir son effort d'équipement ou, au contraire, l'accélérer ? Comment appréhendez-vous la question du financement de cet effort ?
A la fin de mon propos, j'évoquerai quelques pistes, mais permettez-moi d'abord de m'exprimer sur les quelques points que je viens d'évoquer.
D'abord, j'aimerais vous convaincre de l'ardente nécessité de développer nos infrastructures de transport. Je vois en effet plusieurs raisons à poursuivre et même à intensifier notre effort, sachant - et c'est tout à fait respectable - que cette question peut parfois faire débat.
La première raison qui me pousse à aller de l'avant, c'est l'augmentation naturelle de la demande de transport à venir et notre insuffisante capacité actuelle à y faire face.
Si l'on examine les taux de croissance sur vingt ans, on constate que le trafic du fret ferroviaire dispose d'un potentiel de développement d'au moins 20 %, en particulier sur les axes d'échange majeurs, et sans doute davantage si la qualité de service est au rendez-vous.
Le trafic ferroviaire de voyageurs devrait continuer à se développer, mais sa croissance resterait réduite, entre 16 % et 20 %, en l'absence de réalisation de lignes nouvelles à grande vitesse, c'est-à-dire en l'absence d'offre supplémentaire.
Le trafic fluvial dispose d'un certain potentiel de développement sur le réseau à grand gabarit existant. La hausse actuelle du trafic en est, je l'espère, un signe tangible.
Le trafic routier, voyageurs et marchandises, devrait augmenter de 40 % à 60 %, y compris dans un contexte multimodal beaucoup plus affirmé qu'au cours des dernières années.
A l'inverse, dans l'hypothèse d'un prolongement des tendances, un doublement du trafic est loin d'être invraisemblable.
Ce qui est clair, c'est que, si rien n'est fait, la congestion de nos infrastructures, aujourd'hui relativement supportable, pourrait s'accentuer dans les vingt prochaines années et gâcher la vie quotidienne des Français. Elle serait aussi un handicap pour l'économie des régions concernées, notamment pour nos principaux pôles d'activité économique et touristique.
Telle est donc la première raison pour notre pays de poursuivre son effort d'équipement : cette demande de transport toujours et encore orientée à la hausse.
La deuxième raison tient à la nécessité d'accroître le développement économique, et donc l'emploi.
Le carburant de la croissance économique, c'est le brassage, l'échange entre les hommes et la circulation et des marchandises. Et ce mouvement a besoin d'un système de transport performant non seulement à partir des infrastructures traditionnelles mais aussi, ne l'oublions pas, à travers la fibre optique et tout ce qui permettra aux liaisons à haut débit de pénétrer chaque foyer et chaque entreprise.
L'analyse historique ne nous révèle pas autre chose : les épisodes de prospérité ont été accompagnés ou précédés d'améliorations dans les systèmes de transport. Je suis même convaincu, comme beaucoup d'économistes, que les investissements de desserte ont une efficacité équivalente, sinon parfois supérieure, à celle des investissements consacrés à l'amélioration de l'outil de production.
Après l'augmentation de la demande de transport et le développement de l'emploi, la troisième raison pour laquelle nous devons poursuivre notre effort, c'est l'Europe. Si nous voulons relever le défi de l'élargissement, je ne crois pas que notre pays puisse se permettre un statu quo en matière d'équipements.
Voici quelques éléments de comparaison simplement pour situer la place de la France dans l'Europe. La France est désormais au sixième rang européen pour la densité autoroutière rapportée à la surface et au quatrième rang pour la densité autoroutière rapportée à la population. En matière ferroviaire, elle occupe un rang identique. La France a, en effet, pris une avance significative en développant des services ferroviaires à grande vitesse, qui relient aujourd'hui la plupart de ses grandes métropoles.
Nous pouvons être collectivement fiers des efforts accomplis. Cependant, nos voisins continuent à s'équiper fortement en autoroutes et en lignes à grande vitesse. A chaque fois que je me rends en Espagne ou en Italie, je dois l'avouer, je suis impressionné par le volontarisme avec lequel nos voisins rattrapent leur retard. Ils risquent à terme de nous dépasser.
M. Jacques Peyrat. Absolument !
M. Gilles de Robien, ministre. Le risque d'être dépassé, relégué est réel. Toutefois, si nous savons relever ce défi européen en retrouvant un rythme élevé de construction d'infrastructures, nous avons tout à espérer de cette Europe élargie.
Le Gouvernement fait confiance au Sénat pour placer notre pays au coeur de la dynamique européenne. De même que chaque territoire aspirait à se rapprocher de Paris, chaque territoire devra, grâce aux infrastructures de transport, devenir lui aussi acteur de cette dynamique continentale.
Mais à côté d'espaces qui accumulent activités et parfois aussi nuisances, il existe des régions affectées par le déclin industriel et encore tenues à l'écart. De tels écarts ne sont tout simplement pas compatibles avec notre idéal républicain et vous serez, je pense, très nombreux à en témoigner et à vous insurger contre cette situation inéquitable.
J'espère vous avoir convaincus de la nécessité de conserver des objectifs ambitieux en matière d'équipement. Mais il faut aussi - ce sera la seconde partie de mon propos - intégrer de nouveaux aspects qui caractériseront les transports du XXIe siècle. Ces nouvelles donnes de la politique des transports de demain, permettez-moi d'y consacrer quelques minutes et de laisser à Dominique Bussereau le soin de compléter mon propos.
La première de ces données nouvelles est, bien entendu, l'environnement.
Les perspectives d'évolution des trafics sont lourdes de conséquences sur notre environnement. En France, comme en Europe, le secteur des transports génère plus du quart des émissions totales de gaz carbonique, dont 84 % sont imputables au transport routier.
Ajoutons à cela deux problèmes déjà très préoccupants : d'une part, les pollutions maritimes et, plus globalement, les risques liés au transport de matières dangereuses qui sont, hélas, d'actualité ; d'autre part, le bruit, qui est reconnu par nos concitoyens comme la nuisance la plus insupportable.
M. Jacques Peyrat. Tout à fait !
M. Gilles de Robien, ministre. Nous sommes confrontés, et nous le serons de plus en plus, aux réactions de rejet de riverains qui réclament la limitation des trafics et l'éloignement des réseaux.
La question qui nous est posée est donc de savoir comment inscrire la croissance des transports dans une logique de développement durable. Les transports durables nécessitent d'agir à la fois sur la technologie, en renforçant l'action en faveur des véhicules propres pour limiter les nuisances à la source, sur la gestion des réseaux, pour orienter la demande vers les horaires et les itinéraires les mieux adaptés et, évidemment, sur l'intermodalité, pour reporter les trafics sur les modes de transport les moins porteurs de nuisances, partout où des services compétitifs peuvent être développés.
Après l'environnement, la deuxième donne importante de cette nouvelle politique des transports, c'est l'intermodalité.
Le rééquilibrage des modes de transport constitue l'une des clés du développement « soutenable » des transports. L'idée d'un laisser-faire avec, comme conséquence, la prédominance quasi monopolistique de la route et de ses files ininterrompues de camions n'est pas acceptable. Réconcilions donc nos modes de transport. Servons-nous de leur complémentarité. Favorisons leur développement dans les domaines où ils sont les plus pertinents.
Concrètement, l'écart persistant entre la route et le rail est très préoccupant. Si le trafic ferroviaire de voyageurs connaît une progression sensible grâce à l'offre des trains à grande vitesse et des services régionaux, tous les indicateurs, malgré tous les discours incantatoires, confirment l'érosion du fret ferroviaire. Les causes macro-économiques des difficultés du fret sont connues : déclin des industries lourdes, mutations spatiales et organisationnelles de notre tissu économique, diminution de la taille des envois.
Ces tendances lourdes expliquent largement le caractère irréaliste de l'objectif annoncé par le précédent gouvernement, un objectif dont la réalisation n'a même pas été amorcée.
Le déclin du fret d'année en année s'est confirmé : de 60 %, il est arrivé à ne plus compter que pour 20 % de parts de marché et, ces dernières années, il perdait 1 % par an.
M. Charles Revet. Et nos routes sont encombrées !
M. Jean-Louis Carrère. Vous en avez gagné combien ?
M. Gilles de Robien, ministre. Les auditeurs ont d'ailleurs clairement marqué leur scepticisme sur cet objectif de doublement en 2010 et de triplement en 2020 de l'ensemble du fret ferroviaire affiché par mon si sympathique prédécesseur. (Sourires.)
M. Jacques Blanc. Sympathique, mais pas efficace ! (Nouveaux sourires.)
M. Gilles de Robien, ministre. MM. Hubert Haenel et François Gerbaud - deux vrais spécialistes ! - proposent à coup sûr une politique crédible. Pour arrêter le déclin, pour amorcer la reconquête, il faut passer de 50 milliards de tonnes-kilomètres transportées aujourd'hui à 50 ou à 60 milliards dans un délai de cinq à sept ans. C'est un objectif intermédiaire auquel on peut raisonnablement souscrire, même si, pour moi, l'important est de réaliser des actes concrets qui, ajoutés les uns aux autres, vont faire de l'intermodalité une réalité, et pas seulement un joli sujet médiatique.
M. Jean-Louis Carrère. Ce n'est pas pour demain !
M. Gilles de Robien, ministre. Je suis certain qu'un potentiel de développement existe, en particulier sur les axes d'échanges majeurs tels que la magistrale éco-fret nord-sud ou à travers le transport combiné ou l'autoroute ferroviaire.
M. Jacques Oudin. Tout à fait !
M. Gilles de Robien, ministre. Enfin, l'amélioration de la qualité du service aux clients est incontournable pour fidéliser les chargeurs. C'est la tâche à laquelle la SNCF doit s'atteler en priorité, y compris dans le travail en cours au sein de l'entreprise sur la réduction de la conflictualité.
M. Jean-Louis Carrère. Surtout aujourd'hui !
M. Gilles de Robien, ministre. Après l'environnement et l'intermodalité, la troisième donnée importante à prendre en compte concerne les nouvelles technologies, sujet sur lequel je connais l'expertise de la Haute Assemblée.
J'évoquerai brièvement cette vaste question à travers le seul exemple de ce que l'on appelle les « infrastructures intelligentes ». Il nous faut porter un intérêt tout particulier aux investissements susceptibles d'améliorer l'exploitation des réseaux actuels, notamment grâce aux technologies de l'information.
Vous le savez, les usagers sont de plus en plus attachés à la qualité des services : ponctualité, sécurité du transport, information, prise en charge en cas de crise ou d'intempéries. On s'en est rendu compte une nouvelle fois lors de l'événement neigeux de ce début d'année. Dans ce domaine précis dont on mesure bien aussi l'importance en termes de sécurité routière, le gisement est énorme - je pense aux autoroutes ou au fret - et ces technologies doivent être encouragées avec détermination.
Il est une dernière donnée importante, à mon sens, de cette nouvelle politique, je veux parler du tarissement des sources traditionnelles de financement. Permettez-moi un bref rappel historique.
Depuis la dernière guerre, les infrastructures de transport ont trouvé à se financer pour l'essentiel de manière assez autonome sans trop peser, avouons-le, sur le budget général de l'Etat.
Pour la route, les plus anciens se souviennent du FSIR, le fonds spécial d'investissement routier, créé au début des années cinquante et alimenté par une fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP.
Parallèlement, avec la loi du 18 avril 1955 portant statut des autoroutes, s'est mis en place, au début des années soixante, le recours au péage et au principe de l'adossement, principe qui s'inspirait du financement du programme ferroviaire de la seconde moitié du xixe siècle ! Le fonds spécial des grands travaux, le FSGP, a également permis la poursuite du programme routier jusqu'en 1988. Il était encore alimenté par des centimes additionnels à la TIPP - encore elle !
Plus récemment, le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, instauré par la loi Pasqua, avait permis de dépasser les logiques propres à chaque mode.
M. Gérard Larcher. Hélas !
M. Gilles de Robien, ministre. Il se finançait, vous vous en souvenez, à partir d'une taxe sur le kilowattheure et sur les kilomètres parcourus sur les autoroutes à péage.
La mise en conformité avec les directives européennes a mis fin au principe de l'adossement et a permis de transformer nos sociétés publiques d'autoroutes en de vraies société anonymes, dégageant des dividendes et des impôts sur les sociétés.
Quant à l'intelligent et multimodal système du FITTVN, le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, il a été tué par la précédente majorité !
M. Gérard Larcher. Eh oui !
M. Philippe Marini. C'est bien regrettable !
M. Jacques Blanc. Quel dégât !
M. Didier Boulaud. Profitez-en, cela ne va pas durer !
M. Gilles de Robien, ministre. En matière ferroviaire, le recours à l'endettement de l'opérateur a permis de poursuivre, de manière assez indolore, l'amélioration de notre réseau ferré. Il nous a permis, en particulier, de lancer les premiers programmes de lignes à grande vitesse. Cette facilité, qui recelait de nombreux effets pervers, a disparu en 1997. La création de Réseau ferré de France, RFF, s'est conjuguée avec une certaine moralisation du financement des investissements ; c'est le fameux article 4, qui oblige RFF à amortir ses nouveaux investissements par des recettes. Cela ne règle cependant en rien le problème du passif accumulé. J'y reviendrai.
Nous avons donc vécu en quelques années une véritable révolution qui modifie radicalement la façon de financer un grand projet.
Contrepartie de cet effort de clarification, l'Etat et les collectivités locales sont désormais amenés à financer directement par des subventions tout ou partie de l'infrastructure, alors qu'auparavant les coûts étaient reportés sur la dette d'établissements et d'entreprises publics.
Le TGV Est ou encore l'A 28 ont dû être financés dans ce nouveau contexte. Il en sera de même, demain, pour tous les grands projets.
Ce n'est pas tout à fait un hasard si nous constatons que le niveau des investissements en infrastructures, en équipements pour les années 2000-2002 se situe à un niveau inférieur à 1 % du PIB et qu'il fait suite à une baisse régulière depuis 1997. La France est d'ailleurs l'un des pays qui font le moins d'efforts depuis quatre ou cinq ans en faveur de leurs infrastructures et de leurs équipements.
M. Christian Poncelet, président du Sénat. Hélas !
M. Jean-Louis Carrère. La situation s'est améliorée, sans doute, depuis un an ! (Rires sur les travées socialistes.)
M. Gilles de Robien, ministre. Notre débat doit précisément contribuer à une amélioration de la situation, pour que nous ne sombrions pas de nouveau dans la pénurie dans laquelle vous nous avez laissés ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. Jacques Peyrat. Eh oui !
M. Charles Revet. Il faut rappeler quelques vérités, tout de même !
M. Gilles de Robien, ministre. Face à une impasse financière manifeste sur la base des financements d'aujourd'hui, beaucoup en appellent au partenariat public privé, le PPP.
Le PPP est un outil qui doit être encouragé dans son principe. Ses mérites sont connus : transférer une partie des risques vers le privé, accélérer la réalisation d'infrastructures, optimiser la gestion des infrastructures, mieux adapter le financement par l'usager au service rendu. Mais, soyons clairs, le PPP n'est pas la panacée.
Il ne permettra jamais à un projet en manque de rentabilité financière d'en avoir une. Ces difficultés de mise en oeuvre ne doivent pas être négligées, notamment en matière ferroviaire. L'exemple récent des négociations infructueuses, que vous avez sans doute suivies, sur le projet du Perpignan-Figueras est vraiment à méditer.
M. Jacques Blanc. Hélas ! Il faudra les réactiver !
M. Gilles de Robien, ministre. De même, mobiliser les fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations, sans être inutile, bien au contraire, reste relativement marginal par rapport aux besoins qui ont déjà été identifiés par l'audit.
Sur la foi des convictions que je viens d'exprimer, celle d'une politique d'équipements ambitieuse, d'une politique européenne, durable et intermodale, à quels engagements pouvons-nous souscrire sans tarder ?
Le premier type d'engagement concerne les infrastructures à réaliser dans le domaine ferroviaire, d'abord.
Dans ce domaine, il faut distinguer le fret et les voyageurs. Je vous renvoie à ce que je vous ai dit un peu plus tôt sur la question du fret et les recommandations salutaires contenues dans le rapport de MM. Haenel et Gerbaud.
Pour ce qui concerne les voyageurs, la grande vitesse m'apparaît incontournable pour « brancher » toutes les métropoles régionales sur l'Europe.
M. Jacques Oudin. Très bien !
M. Gilles de Robien, ministre. Nous devons donc planifier la réalisation des lignes à grande vitesse déjà étudiées et engager aussi des études pour d'autres lignes qui méritent de d'être réalisées.
Avec 2030 en perspective, nous devrons travailler à faire en sorte que la très grande majorité des capitales régionales soient desservies par une liaison ferroviaire rapide.
Quant au projet Lyon-Turin, premièrement, il existe un accord international et il sera respecté. Deuxièmement, personne ne conteste le caractère éminemment structurant de ce projet. Troisièmement, je maintiens qu'il est indispensable, étant donné l'ampleur de cet ouvrage, d'en connaître l'ensemble des aspects techniques et d'en dire avec honnêteté le coût exact et le mode de financement.
M. Jacques Peyrat. Quel sera le coût ?
M. Gilles de Robien, ministre. Pour ce qui est des routes, je vois clairement quatre axes principaux de développement.
Premier axe, la réalisation de grands itinéraires est-ouest et sud-nord permettra d'assurer le bon écoulement du trafic routier national et international, ainsi que l'ancrage du territoire dans l'espace européen.
Deuxième axe, les liaisons transfrontalières, notamment avec l'Espagne et l'Italie, doivent être développées.
Troisième axe, la desserte de l'ensemble des points du territoire doit être plus équilibrée.
Quatrième axe, des contournements urbains destinés à écarter le trafic de transit de l'espace urbain doivent être réalisés. A ce titre, un nombre important de grandes agglomérations doivent être traitées. Je vous rappelle la possibilité, pour les collectivités, dans la nouvelle loi de décentralisation, de mettre en place des concessions routières pour réaliser ces contournements.
M. Jacques Peyrat. Très bien !
M. Gilles de Robien, ministre. En ce qui concerne, enfin, le fluvial, les enjeux se situent d'abord sur la restauration et la sauvegarde du patrimoine du réseau. En matière de nouveaux projets, je crois que l'écluse du Havre, dans le cadre de Port 2000, a toute sa pertinence. Le projet Seine-Nord a été replacé par la DATAR dans un contexte plus vaste, européen. C'est en effet le bon niveau d'appréciation pour une telle réalisation. Je suis convaincu qu'il faut le planifier en tête de liste des équipements fluviaux à réaliser.
M. Charles Revet. Parfait !
M. Gilles de Robien, ministre. Route, ferroviaire, fluvial, beaucoup d'élus aspirent non à choisir entre l'un ou l'autre des modes, mais à les conjuguer, à les compléter, dans un vrai souci de développement durable.
M. Jacques Peyrat. Bien sûr !
M. Gilles de Robien, ministre. Prenons l'exemple intéressant du corridor nord. Les élus se sont mobilisés dans un cadre interrégional - le Nord - Pas-de-Calais et la Picardie - afin d'adopter une logique multimodale associant le canal Seine-Nord, l'autoroute A 24 et le TGV vers la Grande-Bretagne. C'est une bonne réponse à la congestion du corridor nord ; c'est un bon chantier européen ; c'est une excellente illustration, aussi, de cette nouvelle politique du transport multimodale inspirée du principe du développement durable.
M. Phillippe Marini. Très bien !
M. Gilles de Robien, ministre. Il est un autre engagement qu'il nous faut prendre, celui de la réduction des délais, question à laquelle, je le sais, vous êtes à juste titre très attentifs, mesdames, messieurs les sénateurs.
Des infrastructures nouvelles sont réclamées ; elles seront, de fait, et parfois par les mêmes, d'ailleurs, de plus en plus contestées aussi. Il résulte de cette sorte de « citoyenneté active » - ou interactive - des coûts d'investissement croissants et, surtout, une durée d'étude et de concertation beaucoup plus longue avant d'engager vraiment une nouvelle infrastructure. L'audit a, de ce point de vue, été très instructif.
Songez, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il faut compter entre quatorze et dix-sept ans entre les premières études d'opportunité et la mise en service ! Cela veut dire qu'un projet de ligne à grande vitesse, par exemple, dont les études seraient lancées cette année, ne verraient ses premières rames circuler qu'autour de 2020 !
M. Gérard Longuet. C'est insupportable !
M. Charles Revet. C'est démentiel !
M. Gilles de Robien, ministre. Ce constat, je le considère particulièrement préoccupant, car nous avons vraiment atteint un seuil tel que nous devons poser clairement la question de la pérennité des décisions et du calendrier démocratique ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Il nous faut donc, j'en suis persuadé, éliminer les procédures vraiment inutiles. A ce propos, je vous annonce la suppression de l'IMEC,...
M. Gilles de Robien, ministre. ... sigle barbare que tout élu s'est vu opposer pour justifier un allongement des délais. C'est un premier pas dans la bonne direction.
Je suis sûr qu'il y a aussi des progrès à faire en ce qui concerne le débat public.
M. Jacques Peyrat. Ah !
M. Gilles de Robien, ministre. Oui à l'expression organisée et maîtrisée dans le temps de points de vue différents ; non à des procédures dilatoires, qui saperaient progressivement toute notion d'intérêt général. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Dominique Braye. Enfin !
M. Gilles de Robien, ministre. Le texte présenté par Henri Plagnol permettant au Gouvernement de prendre par ordonnance des mesures de simplification administrative sera, je vous l'assure, bien utile.
Nouvelles infrastructures, délais améliorés, mon troisième et dernier engagement portera sur les ressources nouvelles. (Marques de satisfaction sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Fourcade. Très bien !
M. Gilles de Robien, ministre. J'entends des exclamations sur certaines travées. (Sourires.) Mais que les choses soient claires : le coût des projets nécessaires à notre nouvelle ambition appelle a minima un besoin supplémentaire de financement de l'ordre de 1,2 milliard d'euros par an sur vingt ans. Il s'agit de la part « Etat » supplémentaire, sachant que je suppose acquise la part annuelle actuelle de 3,2 milliards d'euros.
M. Christian Poncelet, président du Sénat. C'est important !
M. Gilles de Robien, ministre. J'insiste sur le fait que la part actuelle de l'Etat se monte à 3,2 milliards d'euros.
M. Adrien Gouteyron. Soit plus de 4,4 milliards d'euros !
M. Gérard Larcher. Oui, plus de 4,4 milliards d'euros !
M. Gilles de Robien, ministre. C'est dire qu'en tout état de cause nous sommes devant une équation financière.
M. Henri de Raincourt. Il faut le dire à Bercy !
M. Gilles de Robien, ministre. Il nous faut donc des ressources nouvelles.
M. Jacques Peyrat. Et voilà !
M. Gilles de Robien, ministre. Quelle que soit la solution que le Gouvernement retiendra à l'issue de ce débat, vous avez été déjà nombreux à souligner un point fondamental - même si la solution heurte la doctrine budgétaire la plus pure, ou la plus dure, si vous préférez -, je veux parler de l'affectation de ces ressources nouvelles pour être bien sûr qu'en face d'un projet il y a une ressource. Demander, le cas échéant, un effort à un usager en l'assurant de la traçabilité de la dépense, c'est, je suis d'accord avec vous, un gage d'acceptabilité sociale, l'assurance d'une crédibilité supplémentaire. (M. Aymeri de Montesquiou applaudit.)
M. Gérard Longuet. On s'est déjà fait avoir ! Il y a des précédents !
M. Gilles de Robien, ministre. Dernier point, mesdames, messieurs les sénateurs : l'Europe peut-elle fournir un élément de solution financière à nos ambitions ?
Il faut, en effet, examiner ce qu'il est possible de faire en la matière. Aujourd'hui, en tout cas, nous devons constater que les apports de l'Europe sont faibles pour les infrastructures dans un pays comme la France.
M. Jacques Peyrat. Et voilà !
M. Gilles de Robien, ministre. Même s'il est vrai que l'élargissement s'accompagnera d'un redéploiement des ressources vers les nouveaux arrivants, nous devons plaider pour une meilleure prise en compte des projets dont le caractère structurant au plan européen est incontestable.
M. Michel Moreigne. Exact !
M. Gilles de Robien, ministre. Il en est ainsi des projets transfrontaliers, en particulier avec l'Italie et l'Espagne, et, plus globalement, de tous les projets aujourd'hui étudiés dans le groupe Van Miert, donc évidemment aussi, par exemple avec l'Allemagne.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la politique des transports nécessite toujours une volonté et une prise de risques. Nos choix, ou notre absence de choix, influeront directement sur la vie des générations du xxie siècle. Je constate, pour m'en rejouir, que la demarche qu'a engagée le Gouvernement s'est trouvée démultipliée en régions par la mobilisation de nombreux acteurs. Permettez-moi, en cet instant, d'adresser mes remerciements aux élus, aux associations, à tous ceux qui se sont mobilisés pour des projets.
Le Gouvernement, vous l'avez compris, est résolument décidé à écrire une nouvelle page de cette longue histoire de l'équipement de notre pays.
M. Jean-Louis Carrère. Avec quel argent ?
M. Gilles de Robien, ministre. Dans le cadre de cette politique nouvelle, nous devons apprendre à vivre en européens et à dépasser, dans nos choix, les limites de l'hexagone.
M. Gérard Larcher. Très bien !
M. Jean-Louis Carrère. Et avec quels moyens ?
M. Gilles de Robien, ministre. Nous devons accepter la multimodalité, ainsi que les exigences nouvelles et légitimes de nos concitoyens en matière de développement durable.
Nous devons redoubler d'attention pour les territoires oubliés.
M. Jean-Louis Carrère. Vous n'avez pas d'argent !
M. Gilles de Robien, ministre. Nous devons surtout, et je terminerai par cela, réhabiliter et restaurer la signature de l'Etat. Décidons ensemble les projets les plus porteurs de développement durable. Mettons en face des financements pérennes et des calendriers réalistes.
M. Jean-Pierre Plancade. Que de bonnes intentions !
M. Jean-Louis Carrère. Ah oui !
M. Gilles de Robien, ministre. Et, à ces conditions, notre objectif est de vous proposer, dès cet automne, un projet national d'équipement à l'horizon 2025.
M. Gérard Larcher. Très bien !
M. Gilles de Robien, ministre. Il nous faut un vrai projet, pas une addition sans lendemain de serpents de mer et d'Arlésiennes en tout genre. Non, un vrai projet, c'est-à-dire solide, cohérent, équitable et financé. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Delevoye, ministre.
M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai souhaité intervenir à ce moment du débat, car je devrai ensuite quitter cet hémicycle pour rejoindre celui de l'Assemblée nationale, où m'attend une question ô combien d'actualité, celle des retraites. Vous voudrez bien, en conséquence, me pardonner.
Je tiens à me réjouir, après M. le ministre de l'équipement, de ce débat, qui concerne bien la valeur de nos choix politiques et l'attractivité de notre pays dans une économie de plus en plus mondialisée.
Nous le sentons bien, nous pourrions avoir, chacun, la tentation d'un débat centré sur son propre territoire, son propre canton, sa propre ville.
Au moment où la mondialisation des échanges va multiplier la répartition de la valeur ajoutée sur la planète, en mettant en place des lieux différents de production, de commercialisation, d'externalisation de services, de transformation et de consommation aussi, l'économie des services des échanges est l'un des facteurs économiques primordiaux, un enjeu essentiel de l'économie du XXIe siècle. Et, dans l'espace européen qui vient, aujourd'hui, de s'élargir, personne ne pourrait imaginer que la nouvelle Europe, si elle veut demain compter face à l'émergence du continent chinois et au rééquilibrage du continent américain, ne puisse pas réfléchir aux infrastructures dont elle souhaite se doter pour peser, d'une façon relative mais de plus en plus forte, sur l'économie mondiale.
M. Jean-Louis Carrère. Nous sommes trop transsibériens !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Le débat auquel nous sommes aujourd'hui confrontés doit s'inscrire, comme l'indiquait M. le ministre de l'équipement, dans une dimension européenne, dans un espace mondialisé. Or, dans cette dimension européenne, la France est le seul pays à disposer d'un espace lui permettant d'être un partenaire de premier choix dans l'économie de la logistique du XXIe siècle.
Nous devons résister à la tension d'avoir un débat uniquement centré sur les infrastructures, qui ne valent que par les services qu'elles apportent.
M. Jean-Louis Carrère. Nous pouvons parler des oiseaux migrateurs !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Je peux essayer de vous l'expliquer, si vous avez du mal à comprendre !
M. Jean-Louis Carrère. Je vous comprends aisément et même parfois par anticipation !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Les infrastructures, disais-je, ne valent que par les services qu'elles apportent. Si, aujourd'hui, certaines régions d'Europe se développent, c'est parce qu'elles sont capables d'accueillir des acteurs logistiques de dimension mondiale ; je pense aux opérateurs de Suisse ou de Hollande. Lorsqu'un opérateur s'installe à Anvers ou à Rotterdam, ce n'est pas uniquement pour des raisons géographiques ou de gestion de temps. En effet, les navires au départ de ces ports passent devant Le Havre et il leur faut plus de temps pour rejoindre leur destination. S'ils font ce choix, c'est tout simplement que la qualité des déchargements, la gestion du temps et des allers-retours sont plus performants que ceux que nous proposons. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Charles Revet. Exactement !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Dans cette optique, ce à quoi nous invite le ministre de l'équipement me paraît extrêmement important.
La question du port du Havre est à l'évidence liée à l'attractivité de la façade maritime au regard de l'explosion des transports de conteneurs et à la connexion de l'hinterland par rapport au réseau ferroviaire et aux arbitrages en matière d'autoroute.
M. Claude Belot. Très juste !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Nous reviendrons sur le financement, car c'est à la fois un problème de moyens et de retour sur investissement.
M. Jean-Pierre Plancade. Personne n'a dit que ce n'était pas important.
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Plutôt que d'avoir une politique d'affichage à vision purement électoraliste, ayons le souci de construire l'avenir en définissant des objectifs politiques lisibles...
M. Christian Poncelet, président du Sénat. Très bien !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. ... dont le financement est l'un des moyens de soutenir ces choix politiques. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Le rapport de la DATAR montre bien que le développement de tous les espaces territoriaux en Europe et dans le monde repose sur trois facteurs : des métropoles attractives, des infrastructures de qualité par des services de qualité et une main-d'oeuvre qualifiée.
Cela revient à dire que nous devons avoir une réflexion infraeuropéenne, infranationale et infrarégionale. Notre débat consiste aujourd'hui à réfléchir à des structures infraeuropéennes et infranationales. Il en ressort trois grandes questions.
Quels choix politiques devons-nous opérer ? A cet égard, la pondération d'un certain nombre de co-indicateurs de développement durable et de sécurité doivent très clairement peser sur nos choix politiques. Le diktat du « zéro délai » nous a conduits à avoir des stocks roulants sur camions et non pas sur entrepôts. Personne ne peut aujourd'hui critiquer la saturation de nos axes routiers, qui est la conséquence directe des choix politiques que nous devons assumer.
Comme vous l'indiquiez, monsieur le ministre de l'équipement, nous devons nous demander si une ligne qui serait dédiée au fret est un facteur de réussite en faveur du report vers le ferroviaire ou si, au contraire, nous continuons à assumer des choix politiques hésitants qui induisent, à l'évidence, un arbitrage des opérateurs en faveur de la route et non pas de l'intérêt général.
Par rapport au cabotage, nous devons tenir compte des propositions de M. Henri de Richemont comme nous devons tirer toute la richesse des réflexions de MM. François Gerbaud et Hubert Haenel pour le fret ferroviaire.
Un sénateur de l'UMP. C'est vrai !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Nous sentons bien que nos choix politiques doivent être guidés par l'attractivité de la France et par la place que nous souhaitons lui donner dans cette économie de logistique du XXIe siècle.
La deuxième question a trait à nos choix politiques. Dans un monde de plus en plus réactif, l'attractivité des territoires passe aussi par la capacité de réduire le délai entre nos prises de décision politiques et la mise en oeuvre de celles-ci, délai qui peut atteindre de quatorze à dix-sept ans !
M. Charles Revet. Eh oui, c'est de la folie !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. La simplification des procédures et de notre gestion administrative est donc nécessaire. A défaut, nous fragiliserions l'attractivité de nos territoires. Je me réjouis de la suppression de l'IMEC - Instruction mixte à l'échelon central -, mais faisons en sorte que, par un génie qui lui est propre lorsque nous décidons de supprimer quelque chose, l'administration ne veuille la remplacer immédiatement par autre chose ! Nous devons être vigilants pour que l'hydre administrative à plusieurs têtes ne revienne pas. Il convient d'avoir le souci du contrôle parlementaire dans les mesures de simplification. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Enfin, je vois un sénateur, sur les travées socialistes, nous inviter par un geste ô combien symbolique de l'index et du pouce...
M. Gérard Larcher. Il roule une cigarette ! (Sourires.)
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. ... à un débat de caractère financier.
En réalité, il ne peut y avoir d'infrastructure sans plan de financement.
M. Jacques Peyrat. Eh oui !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. A l'évidence, vous mesurez aujourd'hui le caractère particulièrement déresponsable de la situation dans laquelle vous avez mis la France.
Aujourd'hui, avec un taux de croissance moyen sur trois ans, notre pays dégage 15 milliards d'euros de recettes, dont 5 milliards sont affectés au remboursement de la dette et 5 milliards au financement des retraites.
M. Jean-Louis Carrère. Combien à la réduction des impôts ? C'est du pipeau !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Vous avez donc laissé la France dans une situation telle que seul un tiers de sa croissance peut être affecté à la modernisation et au fonctionnement du pays. En laissant détruire la capacité d'investissement public de l'Etat, vous avez, en fin de compte, rendu quasi caduques et quasi impossibles un certain nombre de décisions politiques destinées à peser sur l'avenir. (Applaudissements et exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Louis Carrère. Dehors, ils n'applaudissent pas !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Aujourd'hui, à l'évidence, tout l'intérêt du débat parlementaire doit porter sur les concessions, sur la capacité de l'Etat à avoir un temps de retour sur investissement, à faire en sorte, en faisant preuve d'imagination sur le plan de la gestion administrative, de trouver les financements adaptés.
Je partage l'avis de certains d'entre vous, et je me souviens notamment du propos de M. Gérard Larcher et de M. le président du Sénat : si nous voulons demain avoir une lisibilité de nos choix politiques et de nos capacités d'investissement, nous devrons être extrêmement attentifs au cantonnement des financements consacrés à la péréquation des infrastructures, car le génie français consiste aussi à créer de nouvelles ressources en faveur des infrastructures pour mieux les affecter au budget général.
Enfin, la dimension européenne doit systématiquement prévaloir dans nos choix. Il s'agit non pas uniquement du TGV vers Nice, monsieur le sénateur-maire,...
M. Jacques Peyrat. Et voilà !
M. Jacques Blanc. Et Toulouse, aussi !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. ... mais du TGV Gênes-Barcelone...
M. Jacques Blanc. Barcelone, très bien !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. ... qui doit à la fois répondre à la saturation prévisible de l'aéroport de Nice, et s'intégrer dans l'arc méditerranéen de l'Italie vers l'Espagne.
L'axe nord-sud, nous le voyons bien, est un facteur tout à fait important. Nous devons raisonner non plus uniquement en termes de « Paris-Bordeaux », mais sur une offre d'infrastructures qui permette à la France de briller dans les échanges internationaux au-delà de ses frontières.
M. Jacques Blanc. Bordeaux-Toulouse-Barcelone !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Dans une économie d'échange, les infrastructures à haut débit seront également déterminantes. Je fais confiance à la qualité du débat et à l'intelligence de la Haute Assemblée pour proposer, avec nous, les moyens nouveaux d'un financement permettant de relever le défi de la logistique du XXIe siècle. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais à mon tour apporter quelques éléments complémentaires au débat qui nous réunit.
L'audit a eu le mérite de montrer qu'on avait beaucoup promis, presque rien financé et peu préparé.
Les rapports des sénateurs Hubert Haenel, François Gerbaud et Henri de Richemont, ainsi que celui de la DATAR, au sujet duquel il faut féliciter le ministre de l'aménagement du territoire et le délégué, ont montré que l'on pouvait avoir, en matière de transports, une vision un peu plus large et prendre véritablement en compte l'aménagement du territoire.
D'abord, je voudrais dire que, dans notre pays, quelles que soient les tendances politiques, la nécessité de réaliser rapidement, comme l'a dit M. Gilles de Robien, de nouvelles infrastructures se fait sentir. Nous sommes en retard dans le domaine ferroviaire, comme dans d'autres secteurs.
Ensuite, accord global peut être trouvé, je l'espère, sur toutes les travées de votre assemblée, sur le besoin de faire appel à de nouveaux mécanismes de financement. Dans l'état actuel des choses, une majorité parlementaire peut réaliser une ligne de TGV par mandat et 100 kilomètres d'autoroute par an. Les besoins sont naturellement bien supérieurs.
L'Assemblée nationale - comme d'ailleurs le sénateur Jacques Oudin, qui a beaucoup travaillé sur ce thème - a accueilli avec intérêt la proposition de financement consistant en une redevance sur l'usage des infrastructures routières par les poids lourds même si nous devons prendre en compte la situation très difficile du transport routier de marchandises dans notre pays où les entreprises sont petites et souvent en mauvaise santé.
S'agissant de la TIPP, pour être franc, les positions ont été des plus diverses sur la manière dont cette taxe pouvait être utilisée comme moyen de financement. En revanche, le consensus sur le développement du partenariat public-privé, ainsi que sur la nécessité de recourir à des mécanismes de financement provenant de l'Union européenne dont les emprunts, est quasi général.
Sur la privatisation des sociétés d'autoroutes, les avis sont plus tranchés. J'ai pris note de la position du sénateur Jacques Oudin. Des positions différentes ont été exprimées au Sénat et ailleurs. Comme l'a rappelé M. Gilles de Robien, nous sommes tous d'accord sur la nécessité de simplifier et de raccourcir les procédures et nous ne verserons pas une larme sur la disparition de l'IMEC, qui a pris beaucoup de temps, puisque finalement cela consistait à faire refaire par l'Etat central ce que les administrations déconcentrées avaient déjà plutôt bien fait sur le terrain.
En ce qui concerne le fret ferroviaire - François Gerbaud et Hubert Haenel ont beaucoup travaillé sur cette question - la situation n'est pas bonne, elle est même difficile. Tous les indicateurs financiers sont dans le rouge. Naturellement, chaque mouvement social ne fait qu'accélérer ce phénomène...
M. Jean-Louis Carrère. Provocation !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. ... et la qualité de service est très insuffisante pour les chargeurs. Il se produit donc un décalage entre les attentes de tous les Français, qui veulent moins de camions sur les routes, et la réalité du fonctionnement du marché.
MM. Hubert Haenel et François Gerbaud ont proposé des pistes de travail très intéressantes, notamment la transformation de l'organisation de la SNCF afin, dans un premier temps, de rendre le fret plus autonome et de permettre à l'entreprise de devenir l'une des grandes entreprises ferroviaires en Europe, à l'instar de la Deutsche Bahn, qui risque à terme, si la SNCF ne fait pas les efforts nécessaires, de devenir le seul grand transporteur de fret ferroviaire en Europe.
Ils ont également suggéré, reprenant les propositions qu'Hubert Haenel a formulées, de rechercher une implication plus grande des collectivités locales, en particulier des régions.
Les récentes décisions prises par le président de la SNCF à propos de l'organisation de l'entreprise vont déjà, messieurs les sénateurs, dans le sens des préconisations de votre rapport. S'y dessine la volonté de redresser et de développer le fret, d'en faire une priorité.
J'observe d'ailleurs que, dans le cadre du service minimum qui existe en cette période de mouvements sociaux, la SNCF a pris soin de préserver - c'est la première fois - les mouvements de fret les plus indispensables aux entreprises travaillant en service continu.
Les besoins d'aménagement sont donc clairs. Le sénateur Jacques Blanc, président de la région Languedoc-Roussillon, connaît la nécessité de contourner Nîmes et Montpellier, en particulier pour le trafic de fret.
M. Jacques Blanc. Très bien !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Nous observons la même situation à Lyon, à Dijon, autour de Bordeaux. Les conditions du développement du fret ferroviaire sont donc connues.
M. Jean-Louis Carrère. Quelle vision mondiale !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Les élus de Rhône-Alpes savent également que, en attendant toute mise en oeuvre définitive de la liaison Lyon-Turin, le Gouvernement a engagé les études préliminaires du contournement de Lyon et, monsieur le sénateur Jacques Blanc, vous n'ignorez pas que l'instruction mixte du contournement de Nîmes et de Montpellier a été signée hier par le directeur des transports terrestres, ce qui permettra, comme vous le souhaitez, de lancer prochainement l'enquête d'utilité publique.
M. Jacques Blanc. Ah ! Bravo ! Très bien !
MM. Jean-Louis Carrère et Roland Courteau. La France des copains !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Nous voyons donc bien la nécessité, pour développer le fret ferroviaire, de raccourcir les procédures et de supprimer l'instruction mixte.
Ensuite, j'insisterai sur le renouveau du transport fluvial.
Il y a quelques années encore, tant les politiques que les observateurs étaient nombreux à considérer que le mode de transport fluvial était condamné. Il semblait être d'une autre époque, on pensait qu'il ne progresserait plus, qu'il n'était en aucun cas un transport d'avenir. Aujourd'hui, les choses sont différentes.
Le trafic fluvial a augmenté de 22 % en cinq ans. Peu de modes de transport ont connu un tel développement !
On voit les chargeurs, notamment dans le domaine de la grande distribution qui est connue pour avoir une analyse très fine de ses coûts et de ses modes de fonctionnement, revenir à la voie d'eau, utiliser le port de Paris pour acheminer leurs produits blancs et créer autour des ports fluviaux de grandes centrales de logistique et de distribution.
Le transport fluviomaritime se développe. Ainsi, des bateaux utilisent le mode fluvial et le mode maritime ; ils empruntent la Seine, la Saône, le Rhône pour aller en Italie, mais ils vont aussi aux Etats-Unis. Le transport fluvial - et je sais que beaucoup d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, y sont attachés - est donc en train de revivre dans notre pays. Cela signifie qu'il faut suivre de très près, comme l'a fait le rapport de la DATAR, le projet concernant le réseau Seine-Nord ainsi que l'écluse fluviale du Havre. La poursuite du développement du transport fluvial serait, en effet, pénalisée par l'absence de l'écluse fluviale nécessaire à la desserte de « Port 2000 ». Le problème numéro un du développement du port du Havre est sa logistique et son arrière-pays ; on voit bien qu'il s'agit là de dossiers importants.
Le cabotage maritime est un autre mode de transport qu'on a un peu trop tendance à oublier. C'est un dossier important. On le sait bien, tout ce qui vient de l'Atlantique, du Portugal et de l'Espagne, et qui remonte vers la France ou vers le Benelux, comme tout ce qui vient de l'Espagne et qui va vers la France et l'Italie, passe pour une très petite partie par la voie ferroviaire, pour moitié par la route et pour une petite moitié par le cabotage maritime.
Un fantastique gisement de développement existe donc pour le cabotage maritime. Seize mille poids lourds traversent chaque jour les Pyrénées aux deux extrémités. Une grande partie de ces transports pourrait utiliser le cabotage maritime.
Comme je l'ai fait pour MM. Hubert Haenel et François Gerbaud, je voudrais rendre hommage à votre collègue M. Henri de Richemont qui, dans son rapport extrêmement ambitieux pour le cabotage maritime, a suggéré d'identifier deux lignes avec une vraie capacité de fréquence : l'une sur l'Atlantique, qui partirait quelque part entre Nantes et La Rochelle, monsieur Belot, vers Bilbao ; l'autre, en Méditerranée, entre Barcelone, Fos et un port italien, offrant une véritable alternative au transport routier.
M. Jean-Louis Carrère. Ça c'est bien !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Le comité interministériel de la mer qui s'est récemment réuni a mis à l'étude la création de sociétés d'économie mixte qui pourraient affréter des navires rouliers - c'est une des conclusions du rapport de M. Henri de Richemont. Nous sommes actuellement en contact avec nos homologues italiens et espagnols pour avancer sur ce dossier. D'ailleurs, au cours de la précédente législature, le député M. Liberti avait également remis un rapport très intéressant dans ce domaine, nous avons là vraiment de quoi développer le cabotage maritime.
Je voudrais terminer, monsieur le président, par quelques réflexions sur le financement des infrastructures, notamment sur l'idée, évoquée par l'audit, par le rapport de la DATAR comme par les différents rapports du Sénat, de mettre en place une redevance pour les poids lourds sur les routes. Il s'agit de voir si nous sommes là dans le domaine du possible.
M. Jean-Pierre Plancade. Une taxe de plus !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Nous avons l'exemple du gouvernement Schröder, qui, à compter du 31 août, va faire acquitter cette nouvelle taxe à tous les camions de plus de douze tonnes.
C'est une taxe qui, en Allemagne, oscillera entre 10 et 17 centimes d'euro du kilomètre, en fonction du volume de gaz polluants émis par le véhicule, madame le ministre de l'environnement. Une prime est donc accordée aux véhicules non polluants et la taxe sera, en moyenne, de 15 centimes d'euro du kilomètre.
Nos amis Allemands espèrent que cette taxe produira une recette annuelle de 3,5 milliards d'euros, montant à rapprocher des 1,2 milliard d'euros que M. de Robien évoquait tout à l'heure dans son exposé. Nos voisins ont des préoccupations différentes des nôtres : ils doivent achever le développement de l'ex-Allemagne de l'Est, et il est donc prévu d'affecter une moitié de ces 3,2 milliards d'euros à cette fin et au budget général de l'Etat, l'autre moitié étant allouée aux infrastructures, selon une répartition paritaire entre la route, d'une part, le rail et la voie d'eau, d'autre part. Le gouvernement allemand prévoit en outre d'accorder des compensations fiscales aux transporteurs, ce qui plaît moins à l'Union européenne.
En ce qui concerne la France, si, au terme des concertations nécessaires, on envisageait de prendre une telle mesure, cela représenterait une recette de quelque 400 millions d'euros pour les routes expresses et le réseau autoroutier gratuit, et de 600 millions à 800 millions d'euros supplémentaires en incluant les autoroutes à péage. Nous ne sommes donc pas loin, si nous poussons cette logique jusqu'au bout, des 1,2 milliard d'euros dont nous pouvons avoir besoin pour nos infrastructures, mais M. de Robien a indiqué qu'il existait d'autres modes de financement.
Bien sûr, il est nécessaire de travailler en concertation avec les professionnels du secteur routier ; chacun d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, connaît la mauvaise santé des petites entreprises de transport routier, eu égard à une conjoncture relativement médiocre et à un alourdissement très important des charges au fil des années. Nous devrons donc associer étroitement les fédérations de transporteurs à une éventuelle réflexion sur l'instauration d'une telle redevance, qui devrait pouvoir être répercutée sur les chargeurs. Parallèlement, un bilan de la fiscalité et des charges sociales pesant sur les entreprises de transport routier devra être établi : je pense ici, en particulier, à la taxe à l'essieu.
Enfin, si nous nous engageons dans cette démarche, nous devrons nous orienter vers un système européen, car nous ne pouvons, pas davantage que les Allemands, agir seuls dans notre coin. Une unification à l'échelon européen devra intervenir à terme, pour éviter que les cabines des camions ne soient équipées de quinze ou de vingt-cinq boîtiers différents.
Après ces quelques indications relatives au financement des infrastructures, je soulignerai en conclusion que nous devons avoir des entreprises de transport en bonne santé. En même temps que nous réaliserons de grands équipements, nous devrons continuer à moderniser nos entreprises publiques de transport. Il faudra assurer le fonctionnement correct de la SNCF et de Réseau ferré de France, et entreprendre une réflexion sur Aéroports de Paris. Je me référerai, à cet égard, au rapport de MM. Haenel et Gerbaud sur la situation de la SNCF et à l'ensemble des contributions parlementaires.
Le Gouvernement attend de ce débat - MM. de Robien et Delevoye l'ont dit - des réflexions et des suggestions sur les choix à faire. Vous êtes tous, mesdames, messieurs les sénateurs, des élus de terrain, naturellement porteurs de projets spécifiques et soucieux des intérêts de vos régions, et au-delà. Nous sommes collectivement responsables de l'avenir de notre pays et du cadre de vie des générations futures, et ce débat doit nous permettre d'aboutir à une vision très globale des problèmes.
Je suis certain, mesdames, messieurs les sénateurs, que nos échanges seront de qualité et que vos propositions contiendront tous les éléments dont le Gouvernement a besoin en vue de prendre les bonnes décisions pour l'avenir de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis sincèrement heureuse d'être parmi vous cet après-midi, pour participer à ces échanges et clore la première partie de ce débat consacré à notre politique des transports pour les années à venir.
La contribution des transports à la liberté de circulation des personnes, au développement des territoires et à la mondialisation des échanges est essentielle.
Pour autant, un développement des transports non maîtrisé est source d'insécurité, de bruit, de pollution et de consommation d'espace et d'énergie non renouvelable, toutes nuisances dont les conséquences sont supportées par les autres usagers et les riverains des infrastructures. Je pourrais ainsi citer les encombrements, les accidents de la route, le bruit lié aux grandes infrastructures routières, ferroviaires et aéroportuaires, la dégradation de la qualité de l'air, l'émission de gaz à effet de serre, ainsi que bien d'autres nuisances...
Ces problèmes environnementaux sont tout particulièrement aigus dans les zones de forte concentration des trafics, comme les zones urbaines ou périurbaines, les corridors de transit, les franchissements alpins et pyrénéens, ou encore les zones proches des aéroports. C'est pourquoi le découplage entre la croissance de l'économie et les effets des transports est un enjeu crucial : d'un côté, l'accroissement du revenu de la population renforce la demande de mobilité, de l'autre, les exigences en termes de qualité de vie s'élèvent.
En ce qui concerne le changement climatique, je vous rappellerai que, en 2001, les transports contribuaient à hauteur de 28 % aux émissions françaises de gaz à effet de serre, le transport routier étant pour sa part responsable de 31 % des émissions de gaz carbonique.
Le plus alarmant n'est pas que les transports soient la source de plus du quart du volume des émissions, c'est que leur part dans cette pollution ait progressé - la hausse est de 21 % en 2001 par rapport à 1990 -, progression qui menace sérieusement la capacité de notre pays à remplir les engagements qu'il a pris à l'occasion du sommet de Kyoto.
Nous n'observons pas, à cet égard, le tableau de marche auquel nous avions souscrit dans le cadre du plan national de lutte contre les gaz à effet de serre. Si nous tenons nos engagements grâce à notre « bouquet » énergétique, les transports et la mauvaise qualité d'un certain nombre de logements nous mettent en difficulté.
Cette situation est d'autant plus préoccupante que, pour que le volume des émissions planétaires de gaz à effet de serre puisse être divisé par deux d'ici à 2050, comme y engage le troisième rapport d'évaluation du groupe intergouvernemental d'experts sur le climat, le GIEC, dont la dernière réunion s'est tenue à Paris, à l'UNESCO, un pays comme la France devra, dans le même temps, diviser par quatre le volume de ses émissions.
Par ailleurs, les transports consomment des énergies fossiles et limitent considérablement notre indépendance énergétique.
Devant ces constats, nous avons souhaité, en accord avec MM. de Robien et Bussereau, que les transports soient partie intégrante de la stratégie nationale du développement durable, que nous avons présentée ce matin même, lors d'un comité interministériel du développement durable.
A cet égard, je tiens à saluer ici l'implication et les efforts de MM. Gilles de Robien et Dominique Bussereau et de leurs services pour que nous puissions bâtir ensemble le chapitre relatif aux transports de notre stratégie nationale du développement durable, ce qui marque une véritable révolution culturelle.
M. François Gerbaud. Très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les travaux extrêmement riches conduits dans ce cadre, à l'échelon tant de l'administration que des acteurs socio-économiques et des associations, ont permis d'élaborer un certain nombre de propositions d'actions concrètes et mesurables, à mettre en oeuvre dès aujourd'hui. Ces actions concernent à la fois la gestion des réseaux, la demande de mobilité, l'élaboration des infrastructures, la technologie, et font appel à l'ensemble des instruments disponibles pour orienter les comportements individuels ou l'organisation des filières logistiques.
Par conséquent, je vous invite aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, à saisir l'occasion de ce débat pour prolonger ces actions et leur offrir pour cadre une politique des transports adaptée, qui permettra d'assurer une mobilité durable, respectueuse de notre environnement.
Premièrement, cette politique devra être résolument intégrée, dans le sens où elle devra porter non seulement sur l'offre d'infrastructures, c'est-à-dire sur l'aspect quantitatif, qui n'est en fait qu'un volet parmi d'autres, mais également sur d'autres leviers essentiels, tels que la maîtrise de la demande en matière de déplacements ou l'optimisation des réseaux existants. Pour ce faire, il conviendra de rechercher notamment une meilleure exploitation, une plus grande performance des opérateurs et la poursuite de l'innovation technologique. Tel est d'ailleurs l'objet de la mission relative à la voiture propre que m'a confiée M. le Premier ministre.
Deuxièmement, cette politique devra permettre d'infléchir structurellement les pressions qu'exercent les transports sur l'environnement, notamment en termes de qualité de l'air, d'émissions de gaz à effet de serre, de bruit, voire d'urbanisation de notre territoire. S'il devait finalement être décidé de relever la TIPP ou d'instaurer une redevance sur les poids lourds, conformément aux hypothèses soulevées par MM. de Robien et Bussereau, je souhaiterais qu'une part significative des recettes correspondantes soit affectée à la mise en oeuvre de la politique environnementale. J'ai d'ailleurs longuement évoqué ce point avec M. de Robien.
Troisièmement, cette politique devra accorder une priorité à l'exploitation des réseaux existants, les différents rapports commandés par le Gouvernement confirmant que notre niveau d'équipement est, somme toute, relativement satisfaisant, comme l'a souligné tout à l'heure M. de Robien. Cette priorité donnée à l'exploitation des réseaux existants devra se traduire dans les domaines de l'entretien, de la sécurité, mais aussi, tout particulièrement, du bruit, qui est actuellement vécu par nos concitoyens comme la principale nuisance environnementale. Dois-je en outre rappeler que ce sont les pauvres, les plus démunis, les plus fragiles de nos concitoyens qui pâtissent des nuisances sonores ? C'est là un véritable challenge en matière de développement durable,...
M. Jean-Louis Carrère. Vous voulez dire un défi ? (Sourires.)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. ... lequel doit concilier exigences environnementales, progrès social et développement économique.
Quatrièmement, cette politique doit permettre la mise en place d'un nouveau cadre d'instruction et d'élaboration des projets d'infrastructures, tendant non seulement au raccourcissement et à la simplification des procédures, mais aussi à l'évaluation systématique des projets du point de vue de la collectivité, et prenant en compte l'ensemble des coûts, notamment sociaux et environnementaux, sans inciter à la déresponsabilisation financière des maîtres d'ouvrage.
Cinquièmement, cette politique devra permettre la construction crédible de solutions de rechange ferroviaires, maritimes et fluviales au transport routier de marchandises. Cela nécessite une démarche intégrée, ne se bornant pas à la seule question des infrastructures, mais reposant aussi sur l'amélioration du service offert, la tarification, l'allocation des sillons et l'aide aux chargeurs. Il faut aller bien au-delà de la seule approche limitée aux investissements en matière d'infrastructures. Cette démarche fait encore cruellement défaut aujourd'hui.
Sixièmement, cette politique devra permettre d'assurer une meilleure gestion des infrastructures, notamment par la mise en place d'une tarification de l'usage de la route qui prenne en compte les nuisances occasionnées par les transports, et qui oriente les comportements vers une mobilité plus durable. Le chantier relatif à la « redevance poids lourds » ouvert par MM. de Robien et Bussereau trouve là tout son sens.
Cette tarification devra intégrer les aspects environnementaux, sociaux, territoriaux, ainsi bien sûr que ceux qui sont liés à la compétitivité internationale. Elle devra aussi permettre le financement de modes de transport plus respectueux de l'environnement.
Je souhaite donc que ce débat soit l'occasion de nous engager collectivement sur des objectifs environnementaux lisibles et quantifiables, tout particulièrement dans les trois domaines que je vais maintenant évoquer.
En ce qui concerne d'abord les gaz à effet de serre, je rappelle que, dans le secteur des transports, dont le niveau d'émissions a connu une croissance de plus de 21 % entre 1990 et 2001, se manifestent des évolutions très préoccupantes, qui effacent malheureusement de notre bilan plus des trois quarts des progrès enregistrés dans les secteurs de l'industrie et de l'énergie.
En ce qui concerne ensuite les particules fines, l'effet sanitaire délétère en cas d'exposition chronique est maintenant bien établi. Même si la mise en oeuvre des normes Euro 3, 4 et 5 permet d'envisager des diminutions substantielles après 2005, l'on peut d'ores et déjà accélérer cette progression par le soutien à la diffusion, par exemple, d'équipements de type « filtres à particules ».
En ce qui concerne enfin le bruit, première nuisance environnementale perçue par les Français, plus du quart de la population des centres-villes se trouve soumis à un niveau sonore supérieur au seuil de gêne de soixante-cinq décibels. La résorption des points noirs doit donc constituer une priorité ; c'est tout le sens des actions contre le bruit que je souhaite très prochainement engager, avec l'aide de M. de Robien.
A la suite du débat auquel nous participons aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement définira sa politique des transports. Afin que cette politique permette d'instaurer une mobilité durable respectueuse de l'environnement et favorable au développement économique, je souhaite que nos échanges soient les plus riches possible et conduisent à des propositions adaptées et novatrices. Je n'en attends pas moins de vous ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président du Sénat.
M. Christian Poncelet, président du Sénat. Madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, je veux vous dire d'emblée la fierté qui est la mienne d'intervenir dans ce débat aussi passionnant que nécessaire. En effet, c'est, à l'évidence, l'avenir de notre pays et de ses territoires qui est en jeu aujourd'hui !
Je tiens à remercier M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, d'avoir pris l'initiative de ce débat. Sa méthode, j'en suis persuadé, est la bonne ! Après le temps du diagnostic, de l'audit - des travaux de la DATAR aux excellents rapports de nos collègues François Gerbaud, Hubert Haenel et Henri de Richemont -, voici venu celui du débat politique, destiné à éclairer la décision du Gouvernement. Il n'était que temps !
Par conséquent, je me réjouis que le Sénat, assemblée parlementaire à part entière et représentant constitutionnel des collectivités territoriales de la République, engage un débat constructif sur l'avenir de nos infrastructures de transports. En effet, qui davantage que le Sénat peut se prévaloir, au travers de l'engagement irremplaçable de tous ses membres, de cette connaissance intime des enjeux du développement équilibré de nos territoires ?
En ce sens, je suis persuadé que notre débat d'aujourd'hui donnera lieu à un échange fructueux avec le Gouvernement, à qui revient la lourde tâche de dessiner les contours de la France de demain, celle de nos enfants et de nos petits-enfants. Ces choix sont stratégiques, car un système de transports performant, c'est à l'évidence davantage de développement économique et des emplois en plus.
En outre, ces choix vont traduire l'ambition de la France, au sein d'une Europe élargie, en matière d'attractivité et d'accessibilité des territoires pour les hommes, les entreprises, les marchandises et les services.
Cette ambition s'inscrit dans un contexte singulier.
En premier lieu, l'Etat, dont la réforme constitue une impérieuse nécessité, doit faire face à une conjoncture économique atone et à une situation budgétaire particulièrement tendue. C'est là un euphémisme...
En second lieu, la relance de la décentralisation consacre le rôle clé des collectivités locales en matière d'aménagement du territoire. Sans les collectivités locales, sans leur imagination, sans leurs initiatives, sans leur capacité contributive, où en seraient aujourd'hui nos villes et nos campagnes ? En dépit de certains discours, un brin nostalgiques d'une centralisation dépassée, les collectivités locales ont fait plus et mieux que l'Etat dans nombre de domaines. Leur engagement quotidien au coeur des territoires a permis de lutter contre ce « désert français » annoncé dans les années soixante.
Aujourd'hui, mes chers collègues, nous sommes, si je puis employer cette expression, « au pied du mur ». Nous devons agir si nous voulons maintenir notre niveau d'équipement et notre rang au sein de l'Union européenne, ce qui m'apparaît être le point le plus important. Je forme donc le voeu que chacun prenne ses responsabilités, afin que les espérances de nos concitoyens ne soient pas déçues. Ce sont les plus démunis d'entre eux qui souffrent le plus de ce que l'on appelle communément la « fracture territoriale ».
A cet égard, la question du financement est déterminante, personne ne le conteste, alors que les marges de manoeuvre budgétaires sont largement obérées par les choix du passé et par un environnement international morose.
A cet instant, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous livrer rapidement l'analyse qui est la mienne en ma qualité de président du conseil général des Vosges. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Ce département de montagne, ce département rural à la tradition industrielle, hélas ! déclinante a des besoins impérieux en matière d'équipements pour lutter contre le risque de « désertification » et conforter l'attractivité de ses territoires.
M. Jean-Louis Carrère. Il y aura bientôt des élections !
M. Christian Poncelet, président du Sénat. Le désenclavement routier, l'électrification des lignes ferroviaires vosgiennes, l'interconnexion avec le TGV Est à Vandières sont autant de conditions de notre survie et autant de gages de l'équité républicaine.
En ce sens, je me réjouis que le dernier comité interministériel d'aménagement du territoire ait pris la mesure du traumatisme économique induit par le démantèlement de la filière textile et décidé de panser, tout au moins en partie, les plaies sociales et humaines par un « véritable projet territorial de reconquête ».
Pour autant, cette dynamique passe aussi par la confirmation du choix de Vandières comme gare d'interconnexion voyageurs, au croisement naturel des lignes TER et TGV.
M. Jean-Louis Carrère. Ce n'est pas Noël pourtant !
M. Christian Poncelet, président du Sénat. C'est fondamental si l'on veut pleinement faire profiter les Vosgiens de la grande vitesse sans rupture de charge et irriguer ce département meurtri.
Sortons d'une conception « en chambre » de l'aménagement du territoire !
Ecoutons l'expérience et la sagesse du terrain !
C'est le bon sens car c'est tout simplement la géographie qui parle d'elle-même !
Ce bon sens est d'ailleurs partagé par la DATAR et reconnu par la SNCF.
S'agissant du tunnel de Sainte-Marie-aux-Mines, poumon économique du département, trait d'union entre les Vosges et le Haut-Rhin, je me réjouis que le Gouvernement vienne de s'engager à réunir les « conditions d'un très haut niveau de sécurité » pour poursuivre l'exploitation. Or, nous le savons, seul un second « tube » permettrait d'offrir le maximum de sécurité aux usagers de ce tunnel qui constitue un vecteur de développement économique stratégique pour les vallées vosgiennes et l'ensemble de la région.
Enfin, quel est le constat sur le volet routier du contrat de plan Etat-région, aujourd'hui à mi-parcours ?
Avant de vous engager, monsieur le ministre, dans la mise en place de votre programmation, il m'apparaît urgent d'établir un état des lieux pour savoir où nous en sommes des engagements pris précédemment et d'où nous partons, en fixant, bien sûr, le point d'arrivée.
Le constat, c'est celui d'un retard considérable, avec un niveau d'engagement de crédits de seulement 16 %. Je ne parle même pas de leur consommation effective, encore plus dérisoire, comme notre collègue Gérard Longuet, président du conseil régional de Lorraine, pourrait le confirmer.
M. Charles Revet. Voilà !
M. Christian Poncelet, président du Sénat. Monsieur le ministre, je sais que notre ancien collègue Jean-Paul Delevoye est en train de procéder à une évaluation de la programmation pluriannuelle dans le cadre du XIIe Plan 2000-2006.
Cet engagement financier de l'Etat est pour nous essentiel, mais je dois aussi vous rappeler que, sans le financement des collectivités locales, rien n'aurait été possible pour l'Etat ! Le cofinancement doit être enfin pleinement reconnu par l'Etat.
Par ailleurs, les modalités de suivi des contrats de plan doivent être revues et renforcées afin d'éviter ces dysfonctionnements que je dénonçais à l'instant et qui sont d'autant plus préjudiciables que nous sommes dans un contexte de raréfaction des fonds structurels européens, raréfaction qui ira en s'aggravant.
M. Gilles de Robien, ministre. Eh oui !
M. Christian Poncelet, président du Sénat. cette réflexion est pour moi consubstantielle de notre débat.
Le second point fondamental, au-delà de la nécessaire hiérarchisation des projets, réside dans leur mode de financement.
Comme pour la relance de la décentralisation, ne mettons pas, si vous permettez cette expression paysanne, la charrue avant les boeufs !
M. Jean-Louis Carrère. C'est ce que vous avez fait !
M. Christian Poncelet, président du Sénat. Vous avez mauvaise mémoire : c'est vous qui l'avez fait !
M. Jean-Louis Carrère. Vous êtes un mauvais laboureur !
M. Christian Poncelet, président du Sénat. Avant d'engager tout transfert de compétences ou de lancer tout projet d'infrastructures, il est de notre responsabilité de définir, ensemble, une architecture efficiente de leur financement. Sinon, nous sèmerons des désespérances, puis la désillusion.
M. Jean-Louis Carrère. Vous n'avez pas d'argent !
M. Christian Poncelet, président du Sénat. En décembre dernier, le rapport d'audit du conseil général des ponts et chaussées et de l'inspection générale des finances a évalué le besoin supplémentaire de financement des projets d'infrastructures, d'ici à 2020, à 15 milliards d'euros. Ce chiffre a été confirmé en avril par l'étude de la DATAR.
De la résolution de cette équation financière dépend la satisfaction des besoins d'équipement nouveaux, le développement d'une politique intermodale respectueuse de l'environnement et le renforcement de la qualité globale de l'offre de services.
Monsieur le ministre, il vous revient d'explorer toutes les pistes de financement actuellement à l'étude : redevance sur les poids lourds, rattrapage partiel de la TIPP sur le gazole des véhicules légers, privatisation du système autoroutier, lancement d'un grand emprunt européen, « sortie » des dépenses d'infrastructures du pacte de stabilité européen... La liste n'est pas exhaustive.
Le débat est donc ouvert, mais, reconnaissons-le tous avec objectivité, le chemin de crête s'avère étroit entre un niveau de prélèvements obligatoires quasi confiscatoire et des arbitrages budgétaires incertains et à coup sûr très difficiles à réaliser.
Aussi, avant de trancher, serait-il opportun d'engager, comme le propose notre excellent collègue Jacques Oudin, une réflexion sur le partage entre l'usager et le contribuable ainsi que sur la réduction des coûts de fonctionnement des politiques de transports.
De même, il est nécessaire de définir très rapidement et très précisément les modalités de compensation financière des transferts des routes nationales aux conseils généraux. Il s'agit là d'un préalable à la réussite de l'acte II de la décentralisation.
A ce sujet, il conviendra de veiller à la cohérence entre le réseau routier européen et le réseau national.
En ce sens, je souhaite que l'axe européen E 512, qui traverse le massif des Vosges, demeure de la compétence de l'Etat. C'est nécessaire pour assurer la cohérence avec la structure européenne.
Par ailleurs, les conditions de remboursement de la dette ferroviaire, qui s'élève à 40 milliards d'euros, devront être clarifiées.
En tout état de cause, il est aujourd'hui urgent d'identifier et d'affecter une ou plusieurs ressources pérennes au financement de cette politique ambitieuse dont nous sommes de fervents partisans.
Je souhaite, madame, messieurs les ministres, que nos débats contribuent à alimenter utilement la réflexion du Gouvernement, prélude à la prise de décision, et permettent de résoudre au plus vite l'équation financière, véritable quadrature du cercle.
Monsieur le ministre de l'équipement, vous pouvez compter sur le Sénat pour vous accompagner dans votre mission pour l'aménagement équilibré et le développement durable de nos territoires, pour une France plus attractive, plus dynamique et plus solidaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, avant de revenir sur les perspectives d'avenir, dont quelques-unes ont été tracées par M. le président du Sénat, ne convient-il pas de dresser le bilan de l'action du précédent gouvernement dans le domaine des transports au cours des années 1997-2002 ?
Mme Hélène Luc. Il a bien travaillé !
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. Cela me paraît nécessaire...
M. Jean-Louis Carrère. C'est bien !
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. ... et, citant M. Lionel Jospin lui-même, je dirai que c'est à un « devoir d'inventaire » que nous devons nous livrer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. Les cinq dernières années n'ont-elles pas vu se multiplier des effets d'annonce concernant des projets d'envergure ?
M. Philippe Madrelle. Et avant 1997 ?
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. Avait-on toujours au préalable pris le temps d'en étudier complètement le coût et de s'assurer de leur financement ? On peut en douter...
M. Jean-Louis Carrère. La rue vous répond !
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. ... à propos du TGV Est européen, du troisième grand aéroport du Bassin parisien,...
Mme Hélène Luc. Heureusement que M. Gayssot l'a mis en route !
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. ... de la liaison fluviale à grand gabarit Seine-Nord...
M. Charles Revet. Ou Seine-Est !
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. ... ou encore de la double liaison ferroviaire alpine.
Ce dernier projet a, on le sait, donné lieu à un accord international avec l'Italie, mais avait-on réellement prévu les moyens de respecter les engagements pris ? Quand on examine de près ce dossier, on s'interroge !
Les grand objectifs retenus étaient-ils réalistes ?
Par exemple, au vu de l'état de la branche fret de la SNCF, qui perd un million d'euros par jour, était-il raisonnable que les schémas de services collectifs sur les transports fixent pour ambition le doublement du fret ferroviaire à l'horizon 2010 et son triplement à l'horizon 2020, de surcroît sans reconnaître que cette nécessaire inversion de tendance impose des efforts d'investissement et des adaptations majeures de l'organisation de l'entreprise publique ?
M. Bruno Sido. Eh oui !
M. Paul Raoult. On verra ce que vous aurez fait dans cinq ans !
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. Les divisions gouvernementales entre les ministres des transports et de l'environnement qui ont défrayé la chronique de 1997 à 2002...
M. Eric Doligé. C'est vrai !
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. ... n'ont-elles pas conduit à paralyser la mise en oeuvre de certains programmes ?
Ainsi, le ministère de l'environnement de l'époque semble bien avoir « joué la montre » en utilisant de manière dilatoire la gamme des procédures d'étude et de concertation pour différer le lancement de nombre de travaux.
M. Dominique Braye. Eh oui !
M. Paul Raoult. On attend de vous voir à l'oeuvre !
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. Le dossier de l'autoroute A 28, par exemple, n'a-t-il pas été pénalisé par ce type de manoeuvre ?
M. Jacques Blanc. Ce n'est pas le seul !
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. Encore plus déterminant : le gouvernement de M. Lionel Jospin a supprimé le mécanisme qui permettait d'affecter des recettes fiscales aux grandes infrastructures. Je parle ici du fonds d'investissement pour les transports terrestres et les voies navigables, le FITTVN.
Ce fonds, qui, rappelons-le, avait été créé par la loi Pasqua-Hoeffel de 1995 et dont nous avions longuement débattu ici, était alimenté par une taxe d'aménagement du territoire, la TAT, perçue sur les sociétés d'autoroutes, et par une taxe sur la production d'énergie hydroélectrique.
Son abandon a été une décision très regrettable et, je le sais, regrettée par tous sur les travées de cet hémicycle. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
MM. Dominique Braye et Louis de Broissia. C'est vrai !
M. Philippe Madrelle. Il plaide pour les taxes !
M. Paul Raoult. C'est curieux !
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. Quels enseignements peut-on tirer de cette expérience de cinq années afin de définir pour l'avenir une politique des transports plus efficace ?
Premier enseignement : il nous faut absolument définir des priorités et hiérarchiser en conséquence les projets à entreprendre.
Ces priorités me paraissent devoir être inscrites dans le schéma des infrastructures de transports, assorti d'un calendrier et d'un plan prévisionnel de financement, conformément aux trois engagements que vous avez pris, monsieur le ministre.
M. Philippe Madrelle. Soyez modestes !
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. Je ne minore pas le caractère politiquement délicat d'un tel exercice, mais je suis convaincu qu'il vaut mieux être assuré de pouvoir mener à bien quelques chantiers plutôt que de prétendre tout entreprendre sans rien achever, voire en engageant très peu !
M. Jean-Louis Carrère. C'est le bon sens !
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. Je pense d'ailleurs qu'un consensus existe sur un certain nombre de grands dossiers d'envergure nationale, que nos collègues vont d'ailleurs évoquer au cours de ce débat.
Deuxième enseignement de ces cinq années, le choix de la cohérence est nécessaire.
La cohérence renvoie à une vision non pas concurrente, mais complémentaire des modes de transport. Il s'agit de travailler à l'interconnexion des réseaux et d'encourager l'intermodalité.
Cependant, la complémentarité devrait consister à privilégier le mode de transport le plus pertinent en fonction des situations et des impératifs que constituent le développement économique et l'aménagement du territoire, sans oublier la protection de l'environnement et la sécurité routière.
La cohérence doit parallèlement être recherchée à l'échelle européenne, d'abord en travaillant à l'interopérabilité des réseaux, mais également en veillant à la compatibilité des choix nationaux avec les grandes priorités définies à cette échelle.
Le troisième enseignement me paraît être politique : l'Etat, auquel doit continuer à incomber la gestion des grands axes de transit et des zones sensibles, devrait laisser une plus large place aux collectivités territoriales en matière de transport, tant routier que ferroviaire. N'ont-elles pas fait la preuve de leur efficacité en ce domaine ?
Bien entendu, il importe qu'elles aient les moyens de mener les politiques qui leur seraient ainsi confiées. Cela suppose des transferts de ressources, et de nouvelles recettes.
A cet égard, le rapport de la DATAR évoque par exemple la possibilité de permettre aux collectivités territoriales d'instaurer des péages urbains.
M. Paul Raoult. Des taxes en plus !
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. Nous avions eu un débat sur cette question en 1994, et nous y avions répondu positivement, en dépassant d'ailleurs les limites des groupes politiques. Aujourd'hui, le parlement néerlandais, le Bundestag, d'autres parlements débattent de cette possibilité.
Bref, il nous faut nous donner les moyens de relever les défis de l'avenir, car il est indispensable, pour les années à venir, de garantir la performance de nos infrastructures. Qui peut douter qu'elles joueront dans l'Europe élargie un rôle déterminant pour assurer l'attractivité et la compétitivité de nos territoires ?
Au premier rang de ces défis figure bien entendu la croissance prévisible du trafic. N'oublions pas que les déplacements de personnes et de marchandises pourraient augmenter en France de moitié, voire davantage, d'ici à 2020 !
Cette tendance à la hausse, liée à l'internationalisation des échanges, devrait connaître une nouvelle accélération avec l'élargissment de l'Union européenne en 2004. La France sera tout particulièrement concernée, ne serait-ce que parce qu'elle est un grand pays de transit.
Cette évolution, sachons la saisir comme une chance.
Elle peut cependant aussi être porteuse de risques stratégiques et sociaux, qu'il ne faut pas sous-estimer, tels le déplacement de la « banane bleue » vers l'est, mais aussi, dès lors que la croissance des échanges avec l'est et le centre de l'Europe se ferait essentiellement par la route, l'accentuation de la concurrence par les prix, le dumping social et l'insécurité routière.
M. François Gerbaud. Très bien !
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. C'est pourquoi il convient que notre pays use de son influence au sein de l'Union européenne pour que les nouveaux Etats membres n'adoptent pas une politique des transports qui soit exclusivement axée sur le routier.
Cette nouvelle donne rend par ailleurs d'autant plus urgente la connexion, aujourd'hui insuffisante, de la France aux grands axes européens. Ainsi, le réseau fluvial français n'est pas relié au réseau nord-européen, qui se prolonge à l'est, la Seine et le Rhône apparaissant, en l'absence de liaisons à grand gabarit, comme des culs-de-sac.
M. Michel Mercier. Tout à fait !
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Gérard Larcher, ministre de la commission des affaires économiques. De même, le cabotage maritime entre les ports français de l'Atlantique et ceux de la Pologne et des Etats baltes transite aujourd'hui obligatoirement par Anvers et Rotterdam.
Enfin, cette évolution implique de prendre en compte l'impact de la croissance du trafic sur les deux grands corridors de transports qui traversent la France du Nord au Sud, en direction de la Méditerranée et de l'Italie pour l'un, en direction de l'Espagne pour l'autre. Toutes les solutions devront être étudiées pour y faire face, que ce soit l'encouragement du transfert modal, la création d'itinéraires alternatifs ou l'organisation du contournement des grandes agglomérations.
M. Jacques Peyrat. Très bien !
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. De ce point de vue, le contournement du Bassin parisien me paraît être un dossier non pas local, mais prioritaire...
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Paul Raoult. Avec quel argent ?
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. ... et qui dépasse les régions concernées. L'Ile-de-France enregistre à elle seule 80 % de la congestion routière constatée chaque année en France, et bientôt un tiers de la congestion de transit entre le nord et le sud de l'Europe. Voilà des réalités incontournables !
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. C'est préjudiciable non seulement au Bassin parisien, mais aussi au rôle d'axe de transit de tout notre pays. Afin d'éloigner, pour mieux le fluidifier, ce trafic de transit de Paris, il est nécessaire d'achever les tangentielles autoroutières, notamment l'A 29 et l'A 28, et également de réaliser les autres contournements à l'intérieur de la région,...
M. Jean-Louis Carrère. Par la forêt de Rambouillet !
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. ... par exemple la jonction de l'A 86 et de l'A 4, le « bouclage » de la portion sud-ouest de la Francilienne, l'achèvement de l'A 104 sur un tracé qui ferait enfin l'objet d'un certain consensus ; la liaison - là, tout le monde est d'accord - entre la C 13 et la F 13...
Nombre de ces opérations sont aujourd'hui durablement paralysées. Peut-on en déduire, monsieur le ministre, qu'elles sont définitivement abandonnées ?
Que répondre maintenant à la question centrale du financement de nos infrastructures ?
Tout d'abord, et je m'adresse au Gouvernement, il faut dire « oui » à la création d'un nouveau fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, sous la forme d'un établissement public à l'abri d'une conjoncture budgétaire défavorable ou des tentations habituelles de Bercy.
M. François Gerbaud. Très bien !
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. N'oublions pas ensuite la dimension européenne. A l'évidence, nombre de programmes envisagés en France, vaste territoire de transit européen, entrent dans le cadre des priorités européennes. Le bureau de la commission des affaires économiques s'en est rendu compte en rencontrant Mme de Palacio.
La Commission européenne n'a-t-elle pas récemment reconnu que la réalisation des projets considérés comme prioritaires « justifiera une mise en commun de fonds communautaires et nationaux » ? Cette « nouvelle donne » européenne devrait donc sérieusement infléchir notre démarche, souvent encore trop nationale en matière d'infrastructures de communication.
Il faut nous impliquer davantage, avec le Gouvernement, avec nos collègues parlementaires européens, dans le débat européen sur les transports et leur mode de financement.
Il faut impliquer davantage l'Europe dans le débat français sur nos grands projets d'infrastructures. Ne pourrait-on pas accepter à Bruxelles que, comme cela avait été proposé, les investissements « transport » d'intérêt européen échappent à l'application de la règle des 3 % de déficit public ?
M. Jacques Oudin. Très bien !
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. La redevance sur les poids lourds équipés du système GPS pourrait rapporter 400 millions d'euros par ans à partir de 2006. C'est une perspective à étudier sérieusement, en concertation, bien sûr, avec les professionnels : source de financement significative, elle peut en outre être un levier de rééquilibrage entre le fer et la route.
Mais cette source de financement devra être affectée aux améliorations des infrastructures si vous voulez rendre la redevance acceptable, et non au budget général, car on n'en verrait jamais les effets. Un centime de la TIPP, c'est 200 millions d'euros par an.
Il sera nécessaire d'accroître les recettes d'exploitation de Réseau ferré de France, par l'augmentation des péages, ce qui pourrait rapporter 950 millions d'euros par an.
Afin de trouver demain ce 1,2 milliard d'euros par an pour financer des projets nécessaires, il faudra déterminer les moyens de financement. A terme, ces moyens peuvent être aussi, si on fait les bons choix, les recettes annuelles provenant des redevances des autoroutes.
C'est donc dans la création d'outils adaptés, dans le redéploiement d'une dépense publique optimisée et dans l'« européanisation » de la politique des transports que pourraient résider les solutions durables à la question du financement des infrastructures de transport. (M. Paul Raoult s'exclame.)
Avant de conclure, je reviens à la situation de la SNCF, que nos collègues MM. Haenel et Gerbaud ont particulièrement bien analysée. Pour parler franchement, beaucoup de nos débats d'aujourd'hui seront vains si l'on ne saisit pas à bras-le-corps les problèmes que rencontre cette entreprise. Qu'on le veuille ou non, le bilan est inquiétant.
Le système ferroviaire coûte à la collectivité nationale 10 milliards d'euros par an ! Deux milliards d'euros pour les investissements, mais 2,3 milliards d'euros de contribution pour la charge des retraites des cheminots.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ah !
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. Les budgets publics consacrent davantage de moyens au régime spécial qu'aux investissements. Nous voyons bien qu'il y a un problème pour l'avenir.
En 2002, les pertes de la SNCF dues au fret se sont élevées à près de 400 millions d'euros. Cela représente 30 % du besoin de financement supplémentaire annuel que vous évoquiez, monsieur le ministre, 30 % pour le seul gouffre du déficit du fret ferroviaire ! Il convient d'y réfléchir quand on s'interroge sur le devenir de l'argent public et sur la manière dont celui-ci est utilisé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jacques Oudin. Très bien !
M. Paul Raoult. Quelle est votre solution ?
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. Alors, que faire ?
M. Paul Raoult. Vous voulez tuer la SNCF !
M. Dominique Braye. Au contraire, on va la ressusciter !
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. Face à ce constat inquiétant, faut-il désespérer ? Plusieurs leviers de changement existent.
Le premier sera l'ouverture de l'espace européen. C'est un défi à la hauteur des ambitions de cette grande entreprise nationale. C'est aussi un puissant aiguillon pour la modernisation.
L'affirmation d'une volonté politique claire tendant à ériger la cause du ferroviaire en priorité nationale et européenne pourrait être aussi un puissant facteur d'évolution. On pourrait, par exemple, se fixer l'échéance de 2020 pour ramener la part modale de la route dans le transport de fret terrestre à 50 % du total - celui-ci est actuellement de 75 % -, soit un doublement en dix-sept ans de la part du fer, du fleuve et du cabotage maritime.
La poursuite de la régionalisation du transport ferroviaire de voyageurs devrait aussi être un puissant vecteur de réforme.
Une véritable révolution culturelle est en cours. Celle-ci doit être approfondie et débattue. Mais faute de réforme profonde du mode d'organisation et de fonctionnement de l'opérateur ferroviaire, nous raterons le rendez-vous du rééquilibrage entre les modes de transport. Cela pourrait se construire autour d'une filiale « fret ». Quel est votre sentiment à ce sujet, monsieur le ministre ?
Une telle politique devrait parallèlement souligner - et non les opposer - l'indispensable complémentarité de nos modes de transport : le rail et la route. Le consensus existant autour du ferroutage, notamment pour la traversée des massifs montagneux, pourrait mettre un terme définitif à cette compétition.
Les mouvements observés en ce moment, comme tous les records de jours de grève enregistrés sur le rail il y a quelques années, peuvent aussi être interprétés comme traduisant, de manière souvent irraisonnée, voire encore inconsciente, une profonde inquiétude quant à la pérennité de l'organisation existante et de son bien-fondé. En la matière, je fais confiance aux cheminots, citoyens de notre pays.
Un sénateur de l'UMP. Très bien !
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. Tout cela dessine un vaste programme qui, je le sais, n'est pas fait pour vous décourager, messieurs les ministres. Au Sénat, nous n'ignorons pas que, au nom du Gouvernement, vous portez une forte ambition et que vous souhaitez insuffler à la politique de transport de véritables objectifs. Vous pouvez compter sur nous. Mais n'oubliez pas qu'un fonds dévolu aux transports est le moyen le plus sûr d'avoir demain les moyens nécessaires pour atteindre vos objectifs. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, tous ceux qui se passionnent pour l'aménagement du territoire, qui se battent pour le développement économique des régions, des départements et des pays, tous ceux qui mènent ces combats rêvent de réseaux structurants. C'est dire si nous ouvrons aujourd'hui un débat essentiel, le débat sur le financement des infrastructures de transport à l'horizon 2020. Les enjeux sont vitaux. Je voudrais vous livrer quelques observations générales.
Il s'agit de déterminer quels investissements notre pays pourra financer dans les vingt années à venir.
M. Paul Raoult. C'est une bonne question !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce débat est bienvenu. Il a été préparé avec méthode. Soyez-en remerciés, messieurs les ministres, car il est urgent : le précédent gouvernement avait promis la réalisation de nombreux projets dans les schémas de services collectifs sans jamais dire comment il comptait les financer.
M. Christian Poncelet, président du Sénat. Eh oui !
M. Jean-Louis Carrère. Continuez la litanie !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Or de nombreuses collectivités locales se sont engagées en faveur de ces grands projets et veulent désormais recevoir des engagements fermes de l'Etat, qu'il s'agisse de la liaison Lyon-Turin, de Seine-Nord ou de la liaison ferroviaire Paris-Orléans-Limoges-Toulouse.
M. Jean-Louis Carrère. Quel bon prêcheur !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Par ailleurs, compte tenu des délais de réalisation des investissements, des arbitrages doivent aujourd'hui être rendus pour des mises en service qui auront lieu dans dix ou quinze ans.
Avant toute chose, il faut souligner les limites de l'exercice de prospective auquel nous nous livrons. En effet, au cours des dernières années, l'Etat n'a cessé de se désengager du financement des investissements publics. La présentation du budget de l'Etat en section de fonctionnement et en section d'investissement montre que celui-ci consacre seulement 13 milliards d'euros par an à l'investissement public civil, contre 112 milliards d'euros pour les charges de personnel.
M. Christian Poncelet, président du Sénat. C'est le fond du problème !
M. Jean-Louis Carrère. Arrêtons de payer le personnel !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. S'agissant plus précisément des investissements de transports, les subventions de l'Etat représentent 3,5 milliards d'euros par an, alors que les collectivités locales y consacrent 8 milliards d'euros par an. Les subventions de l'Etat aux investissements ferroviaires ont été divisées par deux en dix ans, et même par cinq s'agissant des lignes à grande vitesse. Cela représente 300 millions d'euros en 2001 ! Les investissements routiers sur le réseau national ont stagné. Nous sommes bien loin des grandes déclarations du précédent gouvernement sur l'engagement de l'Etat en faveur du transport ferroviaire.
M. Jean-Louis Carrère. Que proposez-vous ? Allez-y !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. A défaut d'agir et de financer, le précédent gouvernement annonçait : il était le praticien de la politique virtuelle ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - M. Alain Gournac rit.)
M. Paul Raoult. Et vous, vous en êtes le champion !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il est donc nécessaire de bien poser le problème : nous débattons aujourd'hui des moyens de faire jouer un rôle important à l'Etat pour les grandes liaisons structurantes, sachant que pour les autres liaisons les collectivités locales joueront inévitablement le premier rôle, et devront se voir attribuer les ressources nécessaires à leurs compétences. Le mouvement de décentralisation, engagé avec les transports ferroviaires régionaux, devrait d'ailleurs se poursuivre prochainement dans le domaine routier.
Ces sujets, qui seront débattus à l'occasion de l'examen des prochains projets de loi de décentralisation, sont d'une importance capitale pour l'avenir de notre système de transports. (M. Jean-Louis Carrère s'exclame.)
En second lieu, il faut souligner que les auteurs des rapports qui ont été remis au Gouvernement ont choisi les propositions les plus simples. Puisqu'il manque entre dix milliards et quinze milliards d'euros sur la période 2003-2020 pour réaliser les grands projets d'infrastructures, soit moins d'un milliard d'euros par an, il faut trouver des ressources nouvelles, sur l'usager ou sur le contribuable, comme l'a rappelé tout à l'heure M. le président du Sénat. On propose donc d'augmenter les péages routiers et ferroviaires, d'alourdir la fiscalité sur le gazole, d'augmenter le plafond de ressources de Voies navigables de France, voire de créer des taxes spécifiques sur les opérateurs de transport.
M. Paul Raoult. C'est la droite qui demande des prélèvements supplémentaires !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mes chers collègues, certaines de ces pistes méritent d'être explorées, en particulier dans les situations où l'on constate une réelle sous-tarification de l'usage de la route. Je ne suis pas pour la création de taxes nouvelles, mais il importe, dans certaines circonstances, de faire payer l'usager.
M. Christian Poncelet. Effectivement !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. L'idée d'une redevance « poids lourds » doit être envisagée dans un cadre européen.
M. Paul Raoult. Ah bon ? C'est curieux !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Si le prix de revient des marchandises qui arrivent dans les lieux de distribution, tels les hypermarchés ou les supermarchés, se trouve quelque peu relevé, nous aurons peut-être là, à condition que ces dispositions soient européennes, le moyen de réguler les échanges et peut-être de rendre nos entreprises plus compétitives, de créer des emplois et de faire de la croissance.
M. Serge Franchis. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Par conséquent, nous devons explorer cette voie comme un moyen de réguler le marché. Le consommateur fera la différence, et les produits français coûteront peut-être moins cher. Pour sa part, l'Allemagne envisage de mettre en place un système de télépéage en septembre prochain. Notre pays ne peut donc rester à l'écart de cette évolution.
En revanche, nous devrons être vigilants à l'égard des propositions visant à augmenter les tarifs des péages, car les péages sont de simples transferts de charges aux collectivités locales, et la proposition tendant à augmenter les redevances pour les trains express régionaux pourrait avoir toutes les apparences d'un tel transfert.
M. Gérard Longuet. Exact !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La question subsidiaire sera de s'assurer que tous les financements nouveaux serviront bien au développement des nouvelles infrastructures. C'est la raison pour laquelle notre collègue M. Jacques Oudin propose judicieusement la création d'un fonds de développement intermodal, à l'image du fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, que notre assemblée avait créé en 1995.
La question de l'affectation des nouvelles taxes est d'autant plus importante que les taxes sur les transports rapportent déjà quelque 6 milliards d'euros par an au budget de l'Etat, et les taxes sur les hydrocarbures près de 24 milliards d'euros.
Les auteurs des rapports remis au Gouvernement ont donc choisi d'axer leur présentation sur la recherche de nouvelles ressources. Mais ils passent sous silence la vraie réforme : si l'on veut que l'Etat consacre plus de moyens à l'investissement, il faut qu'il arbitre différemment ses priorités entre fonctionnement et investissement.
M. Serge Franchis. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il est donc nécessaire d'agir sur la progression constante des charges de personnel, sur la rigidité de la dépense publique.
Aujourd'hui, l'Etat consacre plus des trois quarts de son budget en faveur des transports au fonctionnement courant. Cela représente plus de 11 milliards d'euros par an. M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques, indiquait quelques-unes des actions qui engloutissent ces crédits de fonctionnement, chaque année un peu plus lourds.
Il existe des opérateurs qui doivent, comme tous les services de l'Etat, s'engager dans une démarche résolue de performance et de résultats, qu'il s'agisse de la RATP, de la SNCF, notamment. Le Gouvernement doit faire les démarches nécessaires en ce domaine pour augmenter la qualité du service public des transports en réduisant les coûts de structures.
Enfin, un sujet qui n'a pas été abordé par les rapports remis au Gouvernement mérite notre attention, c'est le devenir des sociétés publiques concessionnaires d'autoroutes. Pendant de nombreuses années, grâce aux recettes dégagées par les sociétés d'autoroutes sur leurs liaisons les plus rentables et au mécanisme de l'adossement, la France a pu s'équiper en infrastructures autoroutières sans dégrader ses finances publiques. A la suite de la réforme de 2001, ce mécanisme de péréquation n'est plus possible et les sociétés d'autoroutes sont donc amenées à gérer une sorte de « rente » qui ira croissante jusqu'au terme des concessions. Si l'on s'en tient aux dividendes, ceux-ci pourraient atteindre un montant de l'ordre de 12 milliards à 19 milliards d'euros d'ici à la fin des concessions, aux environs de 2030.
Aujourd'hui, des tentations de céder les participations de l'Etat dans les sociétés d'autoroutes existent. Il faut cependant être vigilant et, pour des raisons conjoncturelles, ne pas prendre le risque de tuer la « poule aux oeufs d'or » : les recettes autoroutières constituent une ressource certaine et croissante pour nos finances publiques. Céder les participations de l'Etat revient à se priver de ces recettes certaines.
M. Jacques Oudin. Effectivement !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il faut donc que le motif soit particulièrement important et que la contrepartie financière soit exactement calculée, qu'elle soit hautement profitable.
Il faut aussi envisager les conséquences concrètes, en matière de coût des investissements publics et de service rendu aux usagers, d'une possible cession à des opérateurs du bâtiment et des travaux publics. Que pourra-t-on attendre des sociétés d'autoroutes privatisées ? L'Etat sera-t-il en mesure de leur faire respecter leurs cahiers des charges comme cela est imaginable ? Si les sociétés d'autoroutes - je pose une hypothèse - passent sous le contrôle de groupes financiers liés à des entreprises de travaux publics, n'y aura-t-il pas risque d'éviction des entreprises concurrentes dans les marchés de travaux autoroutiers ?
M. Paul Raoult. Très bonne question !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Autant de questions qui devront être débattues au Parlement avant toute privatisation. Vous l'avez compris, monsieur le ministre, je suis, pour ma part, très réservé à l'égard de la privatisation des sociétés autoroutières.
MM. Jacques Oudin et Paul Raoult. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mes chers collègues, si j'étais entré dans le détail des opérations prioritaires, je n'aurais pas manqué, monsieur le ministre, d'insister, s'agissant du TGV Ouest, sur l'urgence qui s'attache à fixer définitivement le fuseau qu'empruntera la voie nouvelle entre Le Mans et Rennes. Dans ce secteur, depuis de trop longues années, nombre de particuliers, propriétaires fonciers, exploitants agricoles et de nombreuses collectivités territoriales souffrent de l'indécision actuelle. Le choix du tracé et la déclaration d'utilité publique ne peuvent plus attendre, quelle que soit l'échéance des travaux. Je ne peux non plus passer sous silence l'intérêt vital qui s'attache au projet d'aéroport international de Notre-Dame-des-Landes.
Mais je reviens à mes propos de président de la commission des finances et, en conclusion, je voudrais dire que le débat que nous tenons aujourd'hui n'est que la préfiguration des arbitrages que nous devrons prendre très rapidement. Un projet de loi de programme nous semblerait le moyen le plus approprié pour fixer le calendrier des réalisations et les moyens financiers à mettre en oeuvre.
Il serait en effet le cadre le plus approprié pour fixer un horizon de long terme, conciliant le rêve, les ambitions et le réalisme. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteurgénéral.
M. Jean-Louis Carrère. Il n'y en a que pour vous ! Si vous le voulez, nous pouvons vous laisser entre vous !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre, aux yeux de la commission des finances, la situation actuelle présente un apparent paradoxe.
M. Roland Courteau. Ah bon ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La situation des finances publiques n'est pas très bonne...
M. Paul Raoult. C'est sûr !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... et nous semblons plaider pour la dépense.
M. Paul Raoult. Et de nouvelles taxes !
M. Dominique Braye. Et ce sont eux qui osent dire cela !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Une telle impression serait, bien sûr, inexacte et trompeuse. Rappelons-nous, mes chers collègues, en 1981, comme en 1991, d'ailleurs, que les investissements de l'Etat dans le secteur des transports représentaient 1,2 % du produit intérieur brut. En 2000, ils ne représentaient plus que 0,8 %.
M. Dominique Braye. Merci les socialistes !
M. Philippe Marini, rapporteur général. En 2002, la référence par rapport à laquelle sont calculés les 11 milliards à 15 milliards d'euros supplémentaires est une référence basse. Dans ce domaine, il faut bien resituer les chiffres dans la durée et apprécier les infrastructures et l'effort qui leur est consacré sur le long terme.
Mes chers collègues, compte tenu du contexte budgétaire, nous traitons donc, au cours de ce débat, de besoins qui exigeraient, pour la période 2003-2020, un effort supplémentaire de l'ordre de 1 milliard d'euros par an. Sont incluses dans cette épure les deux grandes liaisons européennes que sont Seine-Nord et Lyon-Turin.
Le financement fait également apparaître un second paradoxe.
Nous - je parle pour la majorité de cette assemblée, monsieur le ministre - sommes en faveur d'une baisse des prélèvements obligatoires (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC)...
M. Gérard Le Cam. Où est le paradoxe ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... et préconisons des recettes nouvelles, spécifiques et affectées.
M. Paul Raoult. Ah bon ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut savoir assumer ses paradoxes.
M. Paul Raoult. Ses contradictions !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas une contradiction, cher collègue, dès lors que la politique économique que nous soutenons est bien telle qu'elle permettra la réduction du déficit des administrations publiques, ce qui recouvre l'Etat, la sécurité sociale et les collectivités territoriales,...
M. Paul Raoult. On en prend le chemin !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... dès lors qu'elle assurera, sur le moyen terme, comme nous nous y sommes engagés d'ici à la fin de la législature, la baisse du niveau global des prélèvements obligatoires.
Il s'agit d'une question de priorité dans la dépense publique et d'assurer la garantie de cette priorité par une politique financière adéquate.
Il n'est donc pas illogique que l'on réfléchisse à une redevance sur les poids lourds.
M. Paul Raoult. C'est de la casuistique !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ecoutez, mes chers collègues ! Les choses ne sont pas toujours si simples ! Les problèmes dont nous traitons méritent parfois un peu de subtilité (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC), ce qui n'exclut ni la volonté ni la détermination !
Redevance sur les poids lourds, augmentation de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, relèvement des péages ferroviaires sur le fret et les trains express régionaux, toutes ces taxes et redevances nouvelles représenteraient en fait un enjeu supérieur au milliard d'euros par an qu'il s'agit de trouver. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)
Mes chers collègues de gauche vous ironisez, pourtant, je ne pense pas que votre bilan puisse vous autoriser à parader, n'est-ce pas ? (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
Je ne crois pas qu'une route, une autoroute, une ligne ferroviaire ou un canal ait une couleur politique.
M. Claude Belot. Non !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous devrions donc unir nos énergies pour défendre l'intérêt d'une région ou d'une inter-région au lieu de dauber les uns sur les autres et de critiquer un gouvernement qui - enfin ! - s'attelle à des programmes réalistes et raisonnables. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Paul Raoult. Combien avez-vous consacré aux transports collectifs ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La question qui se pose à nous aujourd'hui est, à la vérité - M. Arthuis nous invitait à y réfléchir tout à l'heure - de mieux arbitrer qu'on ne l'a fait dans le passé - en tout cas ces dernières années - entre le fonctionnement et l'investissement. En effet, si la gestion des budgets de l'Etat aboutissait à une telle rareté des crédits, à une telle insuffisance de marges de manoeuvre que plus aucun engagement nouveau et significatif ne serait possible, tout étant obéré par les frais de personnel et les intérêts de la dette,...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Et les 35 heures !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... à quoi diable, mes chers collègues, servirions-nous encore dans les assemblées de la République ?
M. Aymeri de Montesquiou. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Année après année, sous ce gouvernement, mais également sous ses prédécesseurs, la commission des finances a posé avec constance la question du recul de l'investissement, conséquence d'une dépense publique de plus en plus rigide.
Vous rappellerai-je, mes chers collègues, que le budget de l'Etat en faveur des transports est consacré pour près de 80 % à des dépenses de fonctionnement et que ce chiffre est encore plus élevé pour le transport ferroviaire puisque, dans ce domaine, ce sont 95 % des crédits qui vont au fonctionnement et 5 % seulement à l'investissement ?
Dans ces conditions, comment éviter de se poser le problème de restructurations et de réformes organiques ?
Dans le secteur ferroviaire, je le rappelle, l'ensemble consolidé SNCF-RFF consomme chaque année, sur le budget de l'Etat, 10 milliards d'euros. Ne convient-il pas de consentir des efforts significatifs pour améliorer nos modes de gestion et pour améliorer l'efficacité de la dépense publique ?
Venons-en au contenu de ce programme d'investissement.
Il est des investissements de long terme que seul l'Etat peut réaliser. De ce point de vue, monsieur le ministre, certaines des démarches intellectuelles utilisées par le récent rapport d'audit du conseil général des ponts et chaussées et de l'inspection générale des finances m'ont quelque peu choqué. Je pense en particulier aux passages consacrés à la voie fluviale à grand gabarit et, plus spécialement, au canal Seine-Nord - grande liaison vers l'Europe -, qui concerne l'Ile-de-France, la Picardie, le Nord - Pas-de-Calais.
M. Paul Raoult. Excellent !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Lorsque j'ai lu dans ce rapport d'audit qu'un tel canal ne disposait d'aucune capacité de rentabilité propre, j'ai été tout à fait surpris.
Après avoir consulté les chargeurs et les différents organismes professionnels, j'ai constaté qu'il était possible de les faire contribuer à des péages et à des surpéages pour améliorer le plan de financement de cet éventuel ouvrage en ayant recours à un emprunt assis sur des recettes de fonctionnement.
M. Jean-Louis Carrère. Il est difficile d'être juge et partie !
M. Philippe Marini, rapporteur général. En se plaçant du point de vue de l'Etat, il faut s'assurer que les opérations engagées répondent aux exigences du développement durable. C'est une impérieuse nécessité pour notre pays à l'aube du XXIe siècle, et c'est la raison pour laquelle, sans aller à l'encontre des besoins évidents dans le domaine routier et dans le domaine autoroutier, il faut aussi des alternatives au transport routier.
Ces alternatives sont de deux natures : la voie ferroviaire et la voie fluviale.
En matière ferroviaire, le Parlement a eu droit, ces dernières années, à de nombreuses déclarations, quelque peu incantatoires, dirai-je, sur le doublement du fret à l'horizon 2010.
M. Jean-Louis Carrère. Vous êtes un expert !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous savons que les moyens n'ont pas suivi et qu'une véritable réforme du service à la SNCF s'impose : engorgements, retards, problèmes d'adaptation sociale ont contribué à décourager les chargeurs. L'évolution du transport ferroviaire est loin d'être conforme à ce qui était attendu.
Permettez-moi de terminer mon propos en évoquant la solution alternative que nous ne devons pas négliger : celle du transport fluvial par rapport au transport routier.
Le transport fluvial a augmenté significativement ces dernières années sur la Seine, sur le Rhin, sur le Rhône et sur la Moselle. Or il souffre essentiellement d'un manque d'infrastructures : nous avons besoin de faire communiquer les bassins du Rhin et du Benelux avec l'Ile-de-France, la Normandie et les grands ports de la Manche.
M. Jean-Pierre Godefroy. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Et c'est bien l'enjeu de Seine-Nord, projet très mobilisateur dans les régions que j'ai citées tout à l'heure, auprès tant des professionnels que des élus des différentes collectivités territoriales et des parlementaires, toutes opinions politiques confondues.
Ce projet structurant permettrait de créer 8 000 emplois directs, engendrerait des plateformes intermodales qui seraient facteurs de progrès économique. Mes chers collègues, sur ce corridor nord, qui a été cité très opportunément tout à l'heure par M. le ministre, le fait de remplacer 220 camions de fret par une seule barge présente un intérêt certain du point de vue de la vie quotidienne de nos concitoyens et du respect de leurs conditions d'existence.
Monsieur le ministre, nous sommes nombreux à attendre de ce débat orientations et décisions pour l'avenir des infrastructures fluviales à grand gabarit. S'agissant de Seine-Nord, soyons attentifs à l'augmentation du trafic, à la compétitivité des prix, à la recherche de ressources complémentaires grâce aux utilisateurs de la voie d'eau, à la contribution des régions et de l'Europe. Ces perspectives doivent permettre de demander à l'Etat non pas 2 milliards d'euros comme prétendait le rapport d'audit, mais moins de 1 milliard d'euros.
Enfin, monsieur le ministre, permettez-moi de vous remercier de l'initiative que vous avez prise, à la suite du débat analogue qui a eu lieu à l'Assemblée nationale, de promouvoir devant l'Union européenne, et plus précisément devant le groupe présidé par M. Van Miert, le canal Seine-Nord parmi les opérations prioritaires trans-européennes de demain.
Pour conclure, mes chers collègues, je dirai que la problématique des transports nous permet de conjuguer notre souci commun d'assurer l'intérêt de la nation avec notre volonté personnelle, en tant qu'élus des départements, de mieux promouvoir le développement économique et social du territoire où nous sommes élus. Ce débat a le mérite de permettre, à partir de nos différentes conceptions, de tracer le tableau des infrastructures de demain et donc d'envisager ce que sera, à l'avenir, la vie économique et sociale de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire.
M. Jean François-Poncet, président de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, vous assumez un lourd héritage parce que l'effort que la France consacrait à ses infrastructures s'est relâché au cours des dernières années et parce que la politique suivie a été profondément remise en cause.
Le canal Rhin-Rhône a été abandonné sans débat.
Plusieurs sénateurs de l'UMP. Eh oui !
M. Jean François-Poncet, président de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire. Il en a été de même de l'autoroute Grenoble-Sisteron.
Le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables a été enterré et les 4 milliards de francs de recettes qu'il alimentait annuellement ont disparu dans le budget général de l'Etat.
L'adossement - interdit par l'Union européenne, mais essentiel pour le financement des autoroutes - a été sacrifié sans qu'aucun effort ait été fait pour le remplacer.
Enfin, et ce n'est pas le moins grave, des contrevérités ont été répandues et des illusions entretenues, dont on trouve d'ailleurs quelques fâcheuses rémanences dans certains rapports, par ailleurs excellents, qui vous ont été présentés.
On énonce, mes chers collègues, une contrevérité quand on affirme que la France est désormais bien équipée parce que l'étendue de son réseau routier est comparable à celui de l'Allemagne.
La France n'est pas l'Allemagne, son territoire est plus vaste, sa population et ses villes sont plus dispersées ; par conséquent, ses besoins en infrastructures sont forts différents de ceux de l'Allemagne.
On entretient une illusion quand on mise sur un découplage entre le besoin de transport et le développement de l'économie. Rien, absolument rien n'étaye pareille chimère. Entre croissance de la mobilité et croissance de l'économie, la liaison est et restera demain, selon toute probabilité, très étroite.
Vos interventions, messieurs les ministres, nous ont heureusement rassurés : vos analyses collent à la réalité et vos objectifs rejoignent les nôtres.
Quelle est, mes chers collègues, notre ambition commune ?
Nous voulons assurer le développement équilibré de l'ensemble de nos territoires afin d'en garantir l'attractivité dans la compétition européenne.
Or un territoire mal desservi n'a pas d'avenir. Il est vrai, on l'a souvent souligné, que des transports performants n'induisent pas automatiquement une dynamique économique ; mais, à l'inverse, l'enclavement débouche inéluctablement sur le sous-développement. Autant dire qu'il n'y a pas d'aménagement du territoire sans infrastructures de qualité !
De cet objectif général se déduisent, me semble-t-il, cinq priorités.
Première priorité : achever la desserte encore très incomplète de l'ensemble du territoire.
Les schémas de services collectifs du précédent gouvernement ont évalué à 20 % du territoire et à 8 % de la population les zones situées à l'écart des réseaux rapides. Quatorze aires urbaines de plus de 50 000 habitants ne sont desservies ni par une autoroute ni par un TGV, un TGV de qualité, évidemment, car la carrosserie ne suffit pas !
Notre objectif doit donc être, premièrement, de desservir ces territoires ; deuxièmement, d'éliminer les discontinuités du maillage autoroutier actuel ; enfin, de développer systématiquement des tracés autoroutiers alternatifs pour desserrer les itinéraires congestionnés tout en desservant les territoires isolés.
La deuxième priorité est de contribuer à instaurer un meilleur équilibre entre la région parisienne et le reste de la France. Certes, la démographie de la région d'Ile-de-France s'est stabilisée, mais la concentration économique, scientifique, technologique et financière sur la région parisienne n'a pas diminué. Or la structure radiale de notre système de transports en est en partie responsable.
Je voudrais ici m'associer à ce qui a déjà été dit : des liaisons ferroviaires transversales doivent être développées pour contourner l'Ile-de-France. La création d'un barreau TGV dans le sud de la région parisienne est une priorité, à la fois pour cette région elle-même et pour de nombreuses régions de l'ouest de la France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Jean François-Poncet, président de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire. J'évoquerai brièvement les aéroports.
Le potentiel des aéroports de province reste largement inexploité.
M. Jacques Peyrat. Oui !
M. Jean François-Poncet, président de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire. Ensemble, ces aéroports ont « traité » 50 millions de passagers en 2001, contre 71 millions pour les deux aéroports parisiens, qui assurent en outre 75 % du fret aérien.
Quand nous déciderons-nous enfin à créer des liaisons transocéaniques à partir d'une ou de deux capitales régionales pour les hisser au niveau de leurs rivales allemandes ?
M. Jean-Louis Carrère. Eh oui !
M. Jean François-Poncet, président de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire. Si la ligne Lyon - New York n'a fonctionné que dix-huit mois, la faute en incombe en grande partie aux compagnies aériennes Air France et Delta Airlines,...
M. Jacques Peyrat. Très bien !
M. Jean François-Poncet, président de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire. ... qui n'ont pas consenti les efforts nécessaires, probablement parce qu'elles préféraient que l'ensemble du trafic international soit concentré sur leur hub de Roissy. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La troisième priorité est de revitaliser le fret ferroviaire.
Alors que le transport ferroviaire de passagers a maintenu sa part de marché grâce au TGV, le fret ferroviaire a vu la sienne passer de 29 % en 1970 à 15 % en 2001. Nous ne mettrons un terme à ce déclin, qui se poursuit de jour en jour et dont l'effet négatif sur l'environnement est évident, qu'à deux conditions : d'une part, en mettant en place des infrastructures dédiées au fret ferroviaire et, d'autre part, en améliorant la qualité du service ferroviaire, lequel est handicapé par les conflits sociaux...
M. Dominique Braye. Préoccupants !
M. Jean François-Poncet, président de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire. ... ainsi que par une qualité et une ponctualité générales insuffisantes.
M. Dominique Braye. Inquiétantes !
M. Jean François-Poncet, président de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire. Pardonnez-moi de citer des chiffres, mais il le faut.
M. Dominique Braye. Eh oui !
M. Jean François-Poncet, président de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire. Au cours des onze dernières années, les grèves ont été vingt-deux fois plus nombreuses à la SNCF que dans le secteur du transport routier.
Un sénateur socialiste. Surtout depuis un an !
M. Jean François-Poncet, président de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire. Ceci explique en partie cela. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas comparable !
M. Jean François-Poncet, président de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire. La quatrième priorité est de développer le trafic fluvial. Celui-ci connaît, en Europe, un renouveau à la fois remarquable et inattendu.
Quand, monsieur le ministre, lancera-t-on enfin le projet de liaison fluviale Seine-Nord ?
Ne conviendrait-il pas, par ailleurs, de procéder à un nouvel examen du grand dossier Rhin-Rhône ?
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Daniel Hoeffel. Très bien !
M. Jean François-Poncet, président de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire. La cinquième priorité est de valoriser la situation centrale de la France au coeur de l'Europe.
M. Aymeri de Montesquiou. Tout à fait !
M. Jean François-Poncet, président de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire. Il est temps, monsieur le ministre, d'accroître les capacités de franchissement des Alpes et des Pyrénées.
M. Jacques Peyrat. Très bien !
M. Jean François-Poncet, président de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire. Permettez-moi de souligner l'importance des Pyrénées.
L'Espagne est le pays qui, en Europe, connaît le développement économique le plus rapide. Le trafic transpyrénéen augmente de 8 % par an...
M. Jean-Louis Carrère. Dites-leur où se trouvent les Pyrénées !
M. Jean François-Poncet, président de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire. ... et dépasse aujourd'hui le trafic transalpin de 40 %. Il est donc urgent d'étudier enfin sérieusement une traversée centrale des Pyrénées. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Louis Carrère. Pas centrale !
M. Jean François-Poncet, président de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire. Encore faut-il que le trafic de transit participe au financement des axes qu'il emprunte. Tel n'est pas le cas aujourd'hui. Les gros porteurs étrangers ont une autonomie de plus de 1 000 kilomètres. Ils achètent leur gasoil en Espagne, en Belgique ou au Luxembourg...
M. Jean-Louis Carrère. Là où il y a moins de taxes !
M. Jean François-Poncet, président de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire. ... où les prix sont moins élevés qu'en France, échappant ainsi à la TIPP.
Mes chers collègues, il est facile d'énumérer des priorités. A l'issue de ce débat, nous n'en manquerons pas !
M. Jacques Peyrat. Et nous ne nous sommes pas encore exprimés ! (Sourires.)
M. Jean François-Poncet, président de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire. Il est évidemment moins facile de dire comment ces priorités seront financées. Pourtant, c'est bien ce que, à juste titre, vous attendez de nous, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, et avec vous l'ensemble du Gouvernement.
Les moyens supplémentaires qui seront nécessaires ne viendront - nous le savons tous - ni du budget de l'Etat ni du budget des collectivités locales, même s'il est essentiel que, de part et d'autre, les ressources consacrées aux infrastructures soient maintenues à leur niveau actuel.
Reste l'usager, qui, s'il est depuis longtemps le principal financeur du réseau autoroutier, sera aussi - il faut le souligner et cela justifie qu'on s'adresse à lui - le premier bénéficiaire des futurs investissements.
Le plus difficile, monsieur le ministre, n'est peut-être pas d'identifier de nouvelles ressources. Vous en avez vous-même énuméré un certain nombre et, si j'ai bien écouté mes collègues - M. Gérard Larcher et d'autres -, nous sommes prêts à accepter celles que vous proposerez.
Le vrai défi, monsieur le ministre, est de garantir que les ressources ainsi dégagées échapperont aux tentacules de Bercy.
M. Gérard Larcher. C'est essentiel !
M. Jean François-Poncet, président de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire. En effet, le Sénat conserve à cet égard un souvenir douloureux.
M. Gérard Larcher. Oui !
M. Jean François-Poncet, président de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire. C'est sur son initiative qu'avait été créé le FITTVN, qui était alimenté par une taxe hydroélectrique et par une taxe sur les autoroutes. Notre assemblée entendait que ces ressources soient exclusivement consacrées au développement des infrastructures de transport et viennent s'ajouter à l'effort budgétaire consenti en ce domaine par l'Etat.
M. Christian Poncelet, président du Sénat. Très bien !
M. Jean François-Poncet, président de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire. Le gouvernement de l'époque - c'était celui d'Edouard Balladur - s'y était solennellement engagé.
M. Christian Poncelet, président du Sénat. Exact !
M. Jean François-Poncet, président de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire. Pour vaincre notre grande méfiance, on nous avait assuré que le produit de ces recettes serait affecté à un compte spécial du Trésor, dont la gestion incomberait à un conseil d'administration composé de sénateurs et de députés. Après de nombreuses hésitations, nous avions fait confiance au Gouvernement.
Le ministère des finances, qui n'avait donné son accord qu'à contrecoeur, a réagi en deux temps. Il a immédiatement réduit les crédits routiers inscrits au budget de l'Etat d'un montant voisin de celui dont le FITTVN avait été doté ! Puis, trois ans plus tard, le ministère a, d'un trait de plume, supprimé le FITTVN.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, la blessure qui nous a alors été infligée saigne encore !
M. Aymeri de Montesquiou. C'est du Victor Hugo ! (Sourires.)
M. Jean François-Poncet, président de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire. Ne nous refaites pas - pardonnez-moi la vulgarité de l'expression - le « coup » du compte spécial du Trésor ! Nous avons déjà donné ! D'autant que la seule façon de faire accepter aux usagers, professionnels et privés, de nouveaux prélèvements est de leur garantir que ceux-ci ne seront jamais - je dis bien jamais - détournés de leur objet.
Pour qu'il en soit ainsi, il faut créer un établissement public géré de façon totalement autonome, comme nous l'avions d'ailleurs déjà envisagé dans le passé.
A vous, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, d'en convaincre le Gouvernement ; à nous de vous y aider. Vous pouvez compter sur la vigilance du Sénat, qui, je l'espère, sera unanime sur ce point.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, de tous les problèmes que posent la décentralisation et l'aménagement du territoire, ceux dont vous avez la responsabilité sont ceux auxquels les élus de terrain que nous sommes sont le plus attachés. Vous portez nos espoirs ; nous vous faisons confiance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 199 minutes ; Groupe socialiste, 104 minutes ; Groupe de l'Union centriste, 41 minutes ; Groupe communiste républicain et citoyen, 36 minutes ; Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 29 minutes.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les grandes voies routières ou ferroviaires suscitent le pire comme le meilleur : le pire, car elles peuvent, si elles sont mal conçues, dénaturer les paysages, provoquer des pollutions ou désertifier certains territoires ; le meilleur, car elles signifient avant tout des échanges, donc des emplois, donc des richesses.
Ce débat n'en est que plus essentiel.
Ce débat est également ambitieux, et cela pour trois raisons.
Il est d'abord ambitieux parce qu'il s'agit d'orienter les priorités que le Gouvernement fixera en matière de développement des infrastructures de transport d'ici à 2020. Dans ce domaine, l'Etat est pleinement décisionnaire et reste le seul véritable « maître des horloges ».
Ensuite, il est ambitieux au regard de l'organisation des réseaux européens, car il s'agit de veiller à l'attractivité de la France, comme l'a rappelé M. Delevoye, et donc à la fluidité de ses réseaux, dans une Europe qui s'élargit à l'Est. Cette préoccupation - et vous venez d'affirmer qu'elle était aussi la vôtre, monsieur le ministre - doit être prioritaire si l'on ne veut pas que notre pays, en dépit de sa position géographiquement stratégique, soit progressivement marginalisé au profit d'un nouvel épicentre routier et ferroviaire qui pourrait être l'Autriche.
Enfin, il est ambitieux d'un point de vue budgétaire, car le développement puis l'entretien d'infrastructures de transport représentent des investissements considérables. L'audit a d'ailleurs révélé que, sur la base de projets qu'il avait sélectionnés, les besoins de crédits de l'Etat ne pourraient être satisfaits d'ici à 2020 dans la mesure où nous avons hérité d'une fourchette de déficit allant de 11 milliards à 15 milliards d'euros.
M. Dominique Braye. Eh oui !
M. Aymeri de Montesquiou. Pour rétablir la vérité face aux illusions semées par le précédent gouvernement, ce débat est nécessaire : dans ce domaine comme dans d'autres, nombre de projets annoncés ces dernières années n'étaient pas financés.
Il nous appartient donc de repenser le développement des infrastructures de transport en refusant les effets d'annonce, en garantissant les financements et en revenant au bon sens : le Sénat est certainement le lieu le plus approprié pour un débat où la diatribe doit laisser place à l'objectivité et à la sérinité.
M. Jean-Louis Carrère. Voilà qui va faire plaisir aux députés ! (Sourires.)
M. Aymeri de Montesquiou. La nécessité de renforcer le réseau français, de développer l'intermodalité, d'intégrer une plus grande sécurité et une meilleure prise en compte de l'environnement dans les transports constitue pour tous une évidence.
Je souhaite, quant à moi, insister sur l'équilibre du territoire, d'une part, et sur la nécessité de recourir à de nouveaux financements, d'autre part.
L'équilibre du territoire passe tout d'abord par le développement des axes statégiques qui donnent à la France les meilleures chances de rester au coeur du transport de passagers et de marchandises en Europe.
Monsieur le ministre, tous les intervenants vont, peu ou prou, vous inciter à développer les infrastructures routières et ferroviaires dans les territoires dont il sont les mandataires, et c'est normal. Pour ma part, je souhaite ardemment qu'une évidence oriente nos choix : la France doit constituer ce trait d'union entre l'Europe du Nord et l'Europe du Sud, et je suis heureux que ce soit également votre objectif.
Si l'Italie peut choisir entre plusieurs axes vers le nord de l'Europe, agissons pour conserver l'essentiel de son trafic.
L'Espagne et le Portugal, eux, sont prisonniers d'une péninsule et leurs échanges avec le nord de l'Europe passent obligatoirement par notre pays. Nous devons absolument transformer cette obligation en opportunité. Monsieur le ministre, utilisons notre position géographique privilégiée pour fluidifier le trafic transpyrénéen et, par là même, aménager tout le grand Sud-Ouest. Cette région est celle qui dispose aujourd'hui de la plus faible densité d'autoroutes, de routes majeures et de chemins de fer.
Notre solidarité européenne nous oblige - mais c'est aussi notre intérêt - à ne pas condamner la péninsule Ibérique à être un cul-de-sac.
Soulignons que les échanges entre l'Espagne et le Portugal, d'une part, et le reste de l'Union, d'autre part, doubleront vraisemblablement dans les vingt prochaines années, comme l'a rappelé Jean François-Poncet.
S'agissant du réseau routier, la RN 21, qui ne comporte que deux voies et qui relie Limoges, Périgueux, Agen, Auch, Tarbes, en coupant les autoroutes Bordeaux-Genève, Bordeaux-Toulouse et Bayonne-Toulouse, a été décrétée prioritaire par l'Europe ; mais elle ne l'est pas pas pour la France, alors qu'elle est un axe vital pour les relations entre le nord de l'Europe et la péninsule Ibérique puisqu'elle doit absorber l'augmentation du trafic et alléger les passages latéraux par Bayonne et Perpignan, déjà saturés.
Pour ce qui est du développement ferroviaire, la réalisation du TGV Grand-Sud Bordeaux-Toulouse-Narbonne doit absolument être étudiée, entreprise et achevée : ce TGV, ardemment souhaité, attendu avec impatience par les capitales régionales traversées, devra en toute logique être cofinancé par les régions Aquitaine, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon. Et elles y sont prêtes !
M. Jean-Louis Carrère. Holà ! Depuis quand parlez-vous au nom de la région Aquitaine ?
M. Aymeri de Montesquiou. L'inscription de la traversée centrale des Pyrénées par voie ferrée constitue l'autre priorité régionale. Cette inscription doit être décidée maintenant afin que les études préliminaires puissent débuter.
En septembre 2001, cette liaison ferroviaire était intégrée dans le livre blanc sur la politique européenne des transports à l'horizon 2010, adopté par la Commission européenne et approuvé en première lecture par le Parlement européen.
Comment expliquez-vous, monsieur le ministre, que le Conseil européen des ministres des transports l'ait ensuite écartée en juin 2002 ? Etes-vous prêt à convaincre vos collègues européens de la nécessité et de la qualité de ce projet ?
Monsieur le ministre, l'audit ayant précisé qu'il s'écoulait en moyenne quinze ans entre le lancement des premières études et la mise en service d'une infrastructure, il est indispensable d'intégrer dès maintenant ces propositions dans vos projets.
L'équilibre du territoire, c'est aussi choisir de désenclaver des terroirs qui, à ce jour, ne bénéficient toujours pas d'infrastructures décentes. Les autoroutes de l'information, pour peu que les usagers des zones rurales parviennent à disposer de l'ADSL, constituent une chance extraordinaire pour ces territoires, même si elles ne sauraient remplacer un réseau autoroutier et routier performant.
Je voudrais vous rappeler, monsieur le ministre, que mon département du Gers n'est traversé par aucune autoroute et qu'il ne dispose malheureusement aujourd'hui que de douze kilomètres de routes à 2 × 2 voies. Il n'est donc pas surprenant de le voir figurer parmi les douze départements dont l'accessibilité à Paris est médiocre, voire très médiocre. Auch demeure un bassin de vie dont la desserte est insuffisante, au moment où Toulouse, avec une population en augmentation nette de 12 000 habitants par an, a besoin, sous peine d'asphyxie, d'une couronne de villes moyennes conservant ou absorbant cette population, et qui lui soient donc reliées par des transports ferroviaires de qualité.
Pour reprendre l'expression de Pierre Massé, vous comprendrez ma volonté de « préparer l'avenir souhaitable » et non pas « l'avenir probable » pour notre pays et, en particulier, pour le grand Sud-Ouest, aux infrastructures aujourd'hui par trop insuffisantes.
Concernant le financement des infrastructures, nous seront tous d'accord pour la mise en place de financements pérennes afin d'éviter les promesses non tenues qui décrédibilisent l'Etat.
Plusieurs choix semblent désormais identifiés par tous les orateurs : la création d'une redevance sur les poids lourds ; un rattrapage partiel de la TIPP sur le gazole des véhicules légers ; les ressources potentielles du système autoroutier ; des ressources complémentaires sous forme de financements communautaires et des partenariats public-privé.
Certains de mes collègues développeront cet aspect, en particulier Jacques Oudin, spécialiste reconnu de la question, mais je souhaiterais souligner deux points : je suis tout d'abord soucieux qu'on ne recoure pas systématiquement à une augmentation de taxes, fût-elle ciblée. Ce choix contreviendrait à l'objectif de notre politique de finances publiques, qui demeure la diminution du niveau des prélèvements obligatoires. Concrètement, la part du financement par l'usager, aujourd'hui essentiellement concentrée sur les autoroutes concédées, devrait augmenter et s'étendre aux autres réseaux. Ainsi, la proposition d'instaurer une redevance kilométrique pour l'utilisation commerciale du domaine public routier, prélevée sur les poids lourds circulant sur les autoroutes gratuites et les grandes liaisons, me semble tout à fait pertinente, avec une condition que vous avez rappelée : la traçabilité de l'utilisation de la ressource.
M. Hubert Haenel. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Je suis également soucieux - c'est mon second point - que les transferts de charges aux collectivités locales s'accompagnent de ressources pérennes. Rappelons que, en 2000, celles-ci ont dépensé 8 milliards d'euros pour les réseaux routiers et ferrés, et que ces dépenses vont croissant.
Monsieur le ministre, lors de ce débat parlementaire, vous serez très sollicité, peut-être même - mais le terme est sans doute trop fort - « mis en demeure ». En effet, pour les populations que nous représentons, ces infrastructures ne sont pas une option parmi d'autres, elles sont la condition de l'implantation d'entreprises, et donc du maitien de bassins de vie, en particulier dans les zones rurales.
Messieurs les ministres, vous avez dressé une carte à la fois ambitieuse et réaliste des futures infrastructures de transport. Je retiendrai avant tout de vos propos ces deux qualités essentielles, qui me donnent entière confiance en votre détermination. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en préalable à ce débat parlementaire - qui, jusqu'à cette heure, a surtout été un dialogue gouvernemental ou un dialogue entre le Gouvernement et sa majorité - vous avez commandé - effet d'annonce garanti - un audit sur les grandes infrastructures de transport au conseil général des ponts et chaussées et à l'inspection générale des finances, ainsi qu'un rapport à la DATAR. Il y a là, puis-je dire, une double habileté de votre part.
En premier lieu, il s'agissait pour votre gouvernement, dans un contexte budgétaire que l'on vous préparait difficile...
M. Louis Souvet. Grâce à vous !
M. Daniel Reiner. ... - et nous l'avons dénoncé lors de l'examen de la loi de finances pour 2003 -, de clouer au pilori l'inconséquence de vos prédécesseurs.
M. Alain Gournac. C'est l'héritage !
M. Daniel Reiner. C'était le gage donné à votre nouvelle majorité après l'alternance : c'était la polémique de tradition. Mais, naturellement, l'histoire des infrastructures ne s'arrête pas au dernier gouvernement !
En second lieu, dans un contexte budgétaire devenu plus difficile encore aujourd'hui - et les décisions de votre Gouvernement y ont pris leur part -, l'audit, par les multiples réactions qu'il a suscitées et qu'il ne manquera pas de susciter ici, pourrait vous donner l'appui du Parlement pour défendre votre budget d'investissement auprès du ministère des finances, et nous avons bien mesuré tout à l'heure à qui s'adressait votre appel.
Sur le fond, les éléments du débat sont bien connus.
Nous savons tous que, les échanges se développant, la tendance de fond de ces prochaines années sera encore marquée par un accroissement des transports, même si cette tendance pourrait se ralentir un peu et si, surtout, on peut regretter l'insuffisance des études menées pour limiter cette évolution, considérée comme « naturelle ».
Il y a là matière à réflexion, qu'il s'agisse des localisations industrielles et de celles des sous-traitants, de la gestion des stocks, où la pensée actuelle se limite aux flux tendus, ou encore des déplacements de travail dans l'élaboration des SCOT.
Depuis la loi d'orientation des transports intérieurs de 1982, une ambition a été affirmée et, depuis vingt ans, bon an mal an, elle s'est concrétisée dans un schéma routier qui a permis à notre pays de rattraper une grande partie de son retard et dans le lancement d'un programme volontariste de lignes ferroviaires à grande vitesse, qui tarde à atteindre ses objectifs pour des raisons de financement.
Plan après plan, la réflexion s'est largement poursuivie, intégrant les nécessités d'un développement durable et plus respectueux de l'environnement. Je pense au protocole de Kyoto, qui nous engage à réduire de 5 % nos émissions de gaz carbonique d'ici à 2010, et à l'engagement de notre pays, renouvelé récemment par le Président de la République à Johannesburg.
Cet engagement nous a conduits quasi unanimement à envisager le transfert modal de la route vers le fer et la voie d'eau, ainsi que le développement des transports collectifs urbains et interurbains.
Rappelons que le transport de marchandises - hors transport maritime international - est réalisé aujourd'hui à 83 % par la route, 15 % par le train et seulement 2 % par voie d'eau, même si ce pourcentage, nous l'avons vu tout à l'heure, est variable d'une région à l'autre.
En matière de transports de voyageurs, les chiffres sont encore plus éloquents : presque 90 % pour l'automobile et 10 % pour le ferroviaire.
Tous ces éléments étaient présents dans la réflexion sur les schémas de services collectifs de transports de voyageurs et de marchandises, si volontiers critiqués par votre majorité.
Ils ont permis d'engager, sans pourtant négliger le volet routier, cette logique de rupture avec le « tout routier » en affirmant deux priorités : tout d'abord, le développement du fret ferroviaire et la recherche de solutions nouvelles en matière de transports combinés - et comment ne pas regretter à ce propos la diminution de l'aide de l'Etat à ces modes de transports dans le budget de 2003 ? -, ensuite, le développement des transports collectifs en milieu urbain et périurbain. Je regrette d'ailleurs que ce point essentiel pour le quotidien de nos concitoyens ne soit guère évoqué, pas plus dans les rapports récents que dans le débat actuel.
Cette réflexion a été conduite avec les acteurs régionaux, qui y ont pris toute leur part, et elle s'est traduite dans tous les contrats de plan Etat-région, parfois de façon spectaculaire. Je pense notamment à la multiplication par huit des crédits ferroviaires - ce n'est pas rien ! - par rapport à la période précédente, à la régionalisation des TER, avec une augmentation de la dotation de l'Etat de 70 % par rapport à 1997.
Toutes ces données, votre gouvernement en dispose, tout comme il en disposait il y a un an avant l'audit. Elles sont plus que jamais d'actualité, et largement partagées sur nos travées. Il s'agit donc aujourd'hui de parler programmation - donc choix - des investissements et de leur financement.
Il s'agit d'affirmer votre volonté de dépasser le contexte budgétaire du moment : ce n'est pas seulement la croissance qui doit conditionner la création d'infrastructures, mais c'est une politique vigoureuse d'amélioration et de création d'linfrastructures nouvelles qui participera au développement économique, et par là à la croissance.
Nous continuons à considérer que notre politique des transports doit être résolument multimodale. Elle doit poursuivre et amplifier le report des marchandises et des voyageurs de la route vers les autres modes, plus économes et plus respectueux de l'environnement.
C'est évidemment un exercice difficile, car il rompt avec une tendance trop naturelle. Il faudra donc développer l'innovation et la recherche dans ce domaine car en matière de fret, il faut bien l'admettre, à la différence du transport de voyageurs, nous n'avons guère vu d'innovation technologique notable au cours de ces dernières décennies.
Il s'agit donc de prendre un engagement résolu en faveur du fer et de la voie d'eau et de mener une politique résolument incitative en ce sens ; de ce point de vue, l'audit des ponts et chaussées ne laisse pas d'inquiéter.
Le constat d'une stagnation du fret ferroviaire ne saurait satisfaire personne, et l'évocation du taux des conflits à la SNCF n'est certainement pas la réponse : il n'y a qu'à mesurer les chiffres de l'année dernière, par exemple, pour le vérifier. En revanche, cette situation s'explique essentiellement, et depuis longtemps, par l'insuffisance d'investissements en matière d'infrastructures de l'entreprise ferroviaire, en raison d'un endettement massif qui lui a été imposé par tous les gouvernements, en particulier pour construire les lignes à grande vitesse.
Faut-il rappeler que la France dispose d'une des toutes premières industries de construction ferroviaire du monde, que cette industrie qui se désole de manquer de commandes de l'opérateur national ? Faut-il rappeler que la SNCF ne peut, aujourd'hui, assurer certains transports par manque de machines, de conducteurs et de sillons ?
Il est urgent de lui permettre de réinvestir : il est urgent de dédier clairement certains couloirs ferroviaires au seul fret - c'est en cours dans certains contrats de plan - afin de libérer des sillons pour le transport de voyageurs.
De même, l'audit trace un trait quasi définitif sur les liaisons fluviales à grand gabarit, dont l'intérêt pour les transports de pondéreux et de conteneurs ne fait pourtant aucun doute, pour peu que leur articulation avec les équipements multimodaux des ports soit attractive pour les chargeurs.
Il y a là, à l'évidence, une alternative intelligente qu'ont choisie avec succès nos voisins du Nord et de l'Est. Pourquoi pas nous ?
Dans quel cadre devons-nous conduire cette politique multimodale ?
D'abord, la question des transports doit être envisagée au niveau européen. Négliger cet aspect, penser seulement hexagonal, ce serait faire courir le risque à notre pays d'être à l'écart des grands courants d'échanges du continent, surtout à l'heure d'un élargissement à l'est.
Au-delà de la réflexion Nord-Sud, dont l'importance est historiquement établie - je pense notamment à l'urgence de réaliser le TGV Rhin-Rhône, dont la rentabilité est bien établie - il convient de prendre en compte aujourd'hui plus encore la dimension Ouest-Est, de nos façades maritimes, qui constituent les entrées naturelles du continent, à l'Europe danubienne et l'Europe de l'Est.
Ainsi, remettre en cause la liaison ferroviaire Lyon-Turin, qui est un élément essentiel de la magistrale Ecofret, ou le prolongement de la ligne à grande vitesse de l'Est européen via Strasbourg serait une faute lourde. Je vous rappelle la nécessité de connecter intelligemment cette ligne TGV au TER lorrain à Vandières, comme j'ai eu l'occasion de vous le demander à plusieurs reprises. Je note d'ailleurs avec plaisir que cette idée semble faire son chemin ; il faut dire qu'elle est bien défendue ! (Sourires.)
Dans l'Europe des transports, nous considérons comme essentielle la liaison fluviale Seine-Nord, qui est vitale pour le développement de nos ports du Havre et de Dunkerque. Elle prendra tout son sens dans un maillage associant les bassins de la Seine, de la Moselle, du Rhin et du Rhône.
L'autre enjeu européen majeur est le franchissement des massifs frontaliers des Alpes et des Pyrénées. Comment oublier que 17 000 camions franchissent chaque jour les Pyrénées, bien souvent après avoir traversé la France entière ?
M. Jean-Pierre Plancade. C'est deux fois moins que dans les Alpes !
M. Jean-Louis Carrère. Et ils passent par les Landes !
M. Daniel Reiner. Pour autant, notre pays n'a pas seulement vocation à être un simple espace de transit. Nous devons, pour en profiter, développer sur ces eurocorridors des plates-formes logistiques multimodales à haute qualité de services, fortement créatrices d'emplois et participant à la croissance.
J'en viens au second point.
Toute politique des transports procède naturellement d'une politique d'aménagement du territoire.
En la matière, les schémas de service et les contrats de plan en cours traduisent cet impératif. Je tiens à dire ici, au regard de la continuité républicaine, que personne ne comprendrait que l'Etat ne respecte pas sa signature avec les collectivités locales. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Je pense, par exemple, à la révision évoquée à mi-parcours des contrats de plan, qui inquiète nombre de régions,...
M. Jean-Louis Carrère. L'Etat a besoin d'argent !
M. Daniel Reiner. ... ou a certains projets comme le pendulaire de Paris à Toulouse via Orléans et Limoges.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Daniel Reiner. A l'heure où l'Etat affirme sa volonté décentralisatrice, une telle révision ferait peu de cas de l'implication croissante des collectivités locales et serait, avouons-le, un mauvais exemple pour la contractualisation à l'avenir.
Qui dit aménagement du territoire dit aussi désenclavement des territoires. Ainsi, toute capitale régionale devrait être desservie par au moins un mode de transport rapide collectif. Les massifs montagneux, notamment le Massif central et les Alpes du Sud, ne doivent pas être les oubliés du système. Les principales agglomérations doivent bénéficier de contournements routiers de qualité, articulés - j'y insiste - avec des plans de déplacement urbain faisant la part belle aux transports en commun ; or vous avez récemment accepté de reporter l'échéance de ces PDV.
Comment ne pas regretter ici la diminution des crédits de votre ministère consacrés aux transports collectifs en site propre ?
On ne fera pas l'économie d'axes alternatifs à ceux qui sont déjà surchargés : vallée du Rhône par des liaisons alpines, Massif central, mais aussi vallée de la Moselle. Le Lorrain que je suis salue la renaissance du projet d'une autoroute nouvelle, proche du sillon mosellan, pour libérer une A 31 devenue interurbaine et dont plusieurs tronçons sont actuellement engorgés en raison du passage de 100 000 véhicules par jour.
De même, je n'oublie pas les liaisons des Vosges avec l'Alsace et la Franche-Comté, mais le président Poncelet les a rappelées tout à l'heure.
Il nous faut également promouvoir un achèvement rapide des barreaux routiers traversant la France d'est en ouest, comme la route Centre Est Atlantique - M. François-Poncet l'a évoquée - ou la route nationale 4, inscrite comme grande liaison d'aménagement du territoire depuis 1971 mais qui est toujours à deux voies dans la Marne et en Moselle.
Mes chers collègues, faut-il donc en rester toujours au coût en valeur absolue des infrastructures ? Comment ignorer le coût de leur absence en termes d'enclavement des territoires, donc de compétitivité économique, de sécurité routière et de nuisances en tous genres ? Il serait sûrement intéressant d'effectuer de telles mesures !
M. Jean-Pierre Plancade. Absolument ! Et cela, le rapport ne le mentionne pas !
M. Daniel Reiner. Voilà les principes qui, à nos yeux, doivent guider la programmation des investissements et qui pourraient se voir inscrits dans une loi au grand dam, sans doute, du ministère des finances !
Venons-en, précisément, à la question du financement.
A l'Assemblée nationale, monsieur le ministre, vous avez déclaré que votre ministère avait besoin, pour réaliser ces projets, de 2 milliards d'euros supplémentaires par an pendant vingt ans. Cela représente aujourd'hui, il faut qu'on se le dise, 0,4 % du budget de l'Etat. Est-ce vraiment là un effort insupportable pour notre pays ? Evidemment, il est difficile à consentir dans le contexte budgétaire actuel et je ne peux m'empêcher de mettre ce chiffre en rapport avec, par exemple, la diminution que vous souhaitez de l'impôt de solidarité sur la fortune ou la promesse de baisse du taux de la TVA pour la restauration. On ne peut pas tout faire !
Depuis quelque temps, plusieurs sources nouvelles de financement sont évoquées.
Affirmons en préalable un principe conforme à la volonté de promouvoir la multimodalité. Comment ne pas augmenter le coût du transport routier au bénéfice, naturellement, des autres modes ?
D'une manière générale, le prix du transport des marchandises par la route, sous la pression d'une concurrence échevelée et d'un dumping social parfois choquant, n'est pas suffisamment dissuasif sur le plan économique pour encourager le transfert modal.
Les redevances d'usage pour les poids lourds sur les liaisons à 2 x 2 voies, les péages autoroutiers modulés en fonction des horaires et des encombrements, l'augmentation de la TIPP sur le gazole, toutes ces formules trouvent alors leur justification.
S'agissant des grandes liaisons ferroviaires et fluviales inscrites dans les schémas européens, l'Union européenne ne peut rester à l'écart. L'idée d'un emprunt européen de long terme est très pertinente, de même qu'un engagement financier accru de sa part, en compensation du transfert annoncé à l'Est des fonds structurels, et plus encore pour un pays comme la France qui, à l'évidence, est un espace de transit européen.
Mais comment ne pas s'interroger aujourd'hui sur l'utilisation des dividendes de ce qui constitue désormais la rente autoroutière ? Les chiffres sont parlants : les dividendes attendus et l'impôt que les sociétés payent désormais permettraient de réunir près de 60 milliards d'euros d'ici à la fin des concessions.
Est-ce dès lors le moment pour l'Etat de céder une partie de ses parts dans ces sociétés ? Le choix auquel vous êtes confronté est simple : disposer ou de ressources immédiates - certes convoitées en période budgétaire difficile - ou de moyens d'investissement à long terme. Pour nous, présenter le choix de cette manière, c'est déjà apporter une réponse.
En revanche, au regard du principe que je viens d'évoquer, pénaliser le rail en augmentant les péages serait un non-sens. En contrepartie, vous ne pourrez pas éviter de donner à RFF les moyens de son désendettement. Vous ne l'avez pas fait dans le budget 2003, mais cela a déjà été engagé et il faut le poursuivre.
Tout cela suppose qu'un fonds spécial d'investissement réunisse l'ensemble de ces ressources. Nous y souscrivons bien volontiers. L'histoire récente de tels fonds nous enseigne la prudence.
Bercy sera toujours Bercy ! Pourtant, ce fonds est indispensable au regard des enjeux et d'une programmation véritablement crédible.
Monsieur le ministre, au-delà d'un audit très comptable et très routier - pas tout à fait inattendu de la part de l'inspection des finances et du conseil général des ponts et chaussées - la DATAR, dans son rapport, a tracé des perspectives nécessaires à un ancrage européen de notre pays et à un aménagement durable du territoire.
Dans leur rapport, nos collègues sénateurs ont, quant à eux, avancé des idées à étudier pour le développement du fret ferroviaire et du cabotage maritime.
Vous connaîtrez à l'issue de ce débat parlementaire l'ensemble des avis de la représentation nationale. Nombre de ces avis iront certainement dans le même sens, chaque sénateur ayant naturellement à coeur de défendre les projets qui concernent sa région.
Il vous appartiendra, monsieur le ministre, et il appartiendra ensuite à votre gouvernement de choisir et de présenter ses priorités ainsi que les moyens qui seront affectés à leur réalisation.
Dès la présentation du projet de loi de finances pour 2004 - et c'est bientôt ! - nous ne manquerons pas de juger, monsieur le ministre, si nous avons été non pas écoutés - car vous avez été attentif - mais entendus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le débat d'aujourd'hui devrait s'efforcer de définir une réelle stratégie politique sur le moyen et le long termes en matière de développement de nos infrastructures de transport et une véritable programmation des grandes infrastructures. Malheureusement, le débat est biaisé par avance. L'audit qui en est le point de départ a été strictement encadré par des considérations financières et il est en porte-à-faux par rapport aux exigences socio-environnementales.
Comme chacun le sait, la France, située au carrefour de l'Europe, constitue une zone de transit. Elle est même devenue l'un des points de passage obligés du flux croissant de marchandises, celles-ci transitant majoritairement par la route.
Au début de ce XXIe siècle, c'est par la route que s'effectuent 89 % des déplacements des personnes en France et 83 % du tranport de marchandises.
Si nous ne mettons pas un terme à l'hégémonie de la route en rééquilibrant, par une politique intermodale appropriée, sa part par rapport aux autres modes de transports, ce sera l'asphyxie. Le rapport de la DATAR est explicite sur ce point : « L'évolution du système de transport semble aujourd'hui rendue à un point critique : on ne peut pas prolonger les tendances qui ont prévalu jusqu'alors, sauf à aboutir à des blocages ou à des situations intolérables. »
Les dégâts et les nuisances occasionnés par la prépondérance du trafic de marchandises assuré par les poids lourds sont significatifs. La tragédie du tunnel du Mont-Blanc suffirait, hélas ! à nous le rappeler.
Sur le plan de la sécurité routière, la multiplication des « Seveso roulants » est plus qu'inquiétante, tandis que les conditions de travail des routiers ne cessent de se dégrader, faisant courir toujours plus de risques d'accidents graves.
Sur le plan de l'environnement, les émissions de gaz à effet de serre, la pollution sonore, l'engorgement des axes autoroutiers autour des grandes métropoles européennes, nous invitent également à favoriser la complémentarité des modes de transport.
Enfin, comment ne pas souligner que, dans le contexte de ralentissement économique actuel, une politique de grands travaux dans le domaine des transports, fondée sur un emprunt européen et mobilisant notre système bancaire, aurait des effets bénéfiques sur l'activité économique au point de rompre la spirale récessive dans laquelle nous nous enfonçons progressivement ! En la matière, la citation mise en exergue dans le rapport de la DATAR est tout à fait éclairante : « Il s'agit moins de décrire le futur que de le construire, moins de prévoir l'avenir probable que de préparer l'avenir souhaitable. » Cela suppose, à mon avis, de faire preuve d'un réel volontarisme politque.
Tout nous indique, au contraire, que vous êtes contraint, monsieur le ministre, par vos propres choix : la baisse promise des impôts sur les revenus et l'ISF, sans oublier les critères du pacte de stabilité. Vous êtes aussi contraint par une idéologie libérale si prégnante qu'elle devient paralysante.
De contre-sommet en contre-sommet, les rangs de ceux qui réclament que l'on rompe avec les logiques socialement et économiquement suicidaires de déréglementation ne cessent d'augmenter. Pour autant, le Gouvernement persiste dans cette voie libérale qui attise les tensions sociales et compromet les chances d'un retour à une croissance plus forte, plus créatrice d'emplois, plus égalitaire et plus soucieuse de la préservation de notre écosystème.
Or vos premières décisions sont en net recul par rapport à celles du précédent gouvernement. Le désengagement financier de l'Etat est devenu la démarche financière première.
Ainsi, de manière autoritaire, un certain nombre de crédits, notamment ceux qui sont inscrits dans les contrats de plans Etats-régions pour la période 2000-2006 ont été gelés pour mieux être annulés après l'audit.
C'est en tout cas l'impression qu'en ont de nombreuses assemblées élues. Ainsi, concernant le POLT, dont mon collègue vient de parler, un protocole d'accord entre les trois régions Centre, Limousin et Midi-Pyrénées, la SNCF et RFF a été signé le 21 février 2001. Il a été suivi d'une convention cadre au mois de novembre de la même année, prévoyant, plan de financement à la clé, une mise en service complète du projet pour fin 2006.
L'abandon de ce projet, alors que les moyens financiers sont prévus, serait inadmissible d'autant qu'il constitue une amélioration en matière de desserte des territoires de ce coeur de la France, tant sur le plan des liaisons vers Paris que sur celui des liaisons interrégionales. Les cartes de la DATAR en montrent bien la nécessité.
Cet audit qui va peser sur les choix du Gouvernement a été demandé à partir d'une appréciation des ministères des finances et de l'équipement selon laquelle un certain nombre de projets d'infrastructure de transport « n'étaient pas financièrement garantis et avaient des calendriers irréalistes ».
Les experts chargés de l'audit en ont fait leur hypothèse de travail, hypothèse ad hoc s'il en est et des plus contraignante sur le plan financier. La méthodologie employée est donc tout à fait contestable puisque les études menées sur la faisabilité des projets d'infrastructure sont fondées sur l'extrapolation, à l'horizon de vingt ans, du rythme des dépenses de l'Etat sur les trois dernières années, 2000, 2001 et 2002. Elle prend donc acte du désengagement financier de l'Etat sur une longue période.
A cela s'ajoute le recours à un taux de rendement interne fixé arbitrairement à 8 % qui, de fait, exclut la prise en compte de projets d'investissement nécessaires du point de vue de l'aménagement de notre territoire !
Je tiens à insister sur le fait que, dans le contexte récessif où l'économie progresse à un rythme particulièrement faible, où les taux d'intérêt sont à des niveaux historiquement bas, un tel taux de rendement interne constitue une véritable aberration sur le plan économique.
Ce parti pris conduit nécessairement à sélectionner les grands projets d'infrastructure. On préconise l'abandon de certains d'entre eux, comme la réalisation de la ligne Lyon-Turin ou du projet POLT ou le report à des dates éloignées, pour ne pas dire incertaines, de la réalisation d'autres projets comme la liaison Seine-Nord ou l'écluse fluviale de Port 2000.
En vous appuyant principalement sur les recommandations de ce rapport, vous nous expliquez, monsieur le ministre, que la remise en cause d'un certain nombre de projets serait liée au « tarissement des sources de financement traditionnelles », autrement dit le financement par l'Etat.
Dans le même temps, vous nous expliquez que ce tarissement rendrait nécessaire la recherche de « nouvelles ingénieries financières » principalement les usagers et les collectivités locales.
L'effort de contribution de ces dernières, et cela confirme la nature de la décentralisation que vous voulez mettre en oeuvre, serait évalué à 11 milliards d'euros pour les vingt prochaines années.
Quant aux usagers, contribuables et citoyens, qui subiront de fait l'augmentation de certaines taxes locales, ils auraient bientôt à subir aussi la multiplication des péages, au bon gré des autorités décentralisées.
La presse fait état de l'avant-projet de loi de décentralisation qui prévoirait, dans son chapitre sur la voirie, l'institution de péages pour l'usage des routes express en vue « d'assurer la couverture totale ou partielle des dépenses de construction, exploitation, entretien, aménagement ou extension ».
Il est par ailleurs précisé que, s'agissant des routes express qui dépendront du département ou de la commune, une telle décision relèvera du conseil général ou du conseil municipal.
La même possibilité serait également offerte en matière d'ouvrages d'art.
Ce sont autant de mesures dont on ne pourrait soupçonner le caractère inégalitaire, chacun devant contribuer au financement des insfrastructures, indépendamment du niveau de ses ressources, qu'il soit smicard, RMIste, chômeur ou encore PDG, et qui contribuent à diviser les autorités de décision s'agissant d'infrastructures nécessaires à l'aménagement équilibré et cohérent de notre territoire. Le risque est grand qu'aux micro-autorités de décision corresponde un fractionnement de notre territoire dans une dynamique particulièrement inégalitaire.
Le désengagement financier de l'Etat et la recherche de nouvelles sources de financement compromettent toute politique ambitieuse en matière d'infrastructures de transport.
En matière de fret ferroviaire, par exemple, votre politique se limitera, dites-vous, monsieur le ministre, à « des actes modestes, mais concrets ». Je pense qu'elle manque cruellement non seulement d'ambition, mais aussi de consistance. Vous vous fixez l'objectif de passer de 50 milliards de tonnes transportées à 55 milliards, voire 60 milliards dans un délai de cinq ans à sept ans.
Voilà à quoi se résume votre politique de rééquilibrage du rail par rapport à la route. Je n'y vois, pour ma part, que la confirmation d'un laisser-faire sans volonté aucune d'enrayer l'érosion du fret ferroviaire par rapport à la route. Doit-on rappeler que, actuellement, le réseau peut absorber 65 milliards de tonnes par kilomètre et que, en 2000, le fret avait atteint plus de 55 milliards de tonnes ?
Les préconisations de l'audit se traduisent en fait pour la SNCF par un retour au tout-TGV et au renoncement des objectifs de doublement du fret ferroviaire à l'horizon de 2010, et de son triplement à l'horizon de 2020, prévus par les schémas de service collectif, dans le cadre du scénario dit « multimodal volontariste ».
Dois-je rappeler que ces schémas de services collectifs intégraient dans leur logique les impératifs du développement durable et qu'ils avaient été élaborés dans la concertation afin de répondre aux besoins des populations ?
Dois-je encore souligner qu'ils avaient fait l'objet d'un avis unanime du conseil supérieur du service public ferroviaire. Une fois de plus, nous franchissons un pas supplémentaire en matière de démocratie !
Une fois de plus, la route profitera de ces renoncements.
Les axes forts d'une politique de rééquilibrage modal, soucieuse de la sécurité et de l'environnement, devraient consister à favoriser le développement du ferroutage, du transport combiné et des « autoroutes roulantes », à regénérer le réseau classique ferroviaire, afin de permettre la réalisation d'axes ferroviaires dédiés au fret ou prioritairement au fret, visant à contourner la région parisienne et les grands pôles régionaux et à assurer la desserte des zones industrielles autour de nos grands ports. C'est la condition sine qua non non seulement pour désengorger nos grands axes autoroutiers, notamment à l'abord des métropoles, mais aussi pour éviter de compromettre la dynamique économique liée aux activités portuaires.
En 1960, le fret ferroviaire représentait 57 % du trafic de marchandises tandis que le transport routier se limitait à 33 %. Aujourd'hui, on l'a souligné tout à l'heure, la route représente plus de 80 % des parts de marchés contre 15 % pour le rail, et ce malgré l'intensification incontestable des échanges sur cette période.
Entre 1970 et 1996, plus de 4 000 kilomètres de lignes ont été abandonnées, le nombre de wagons de marchandises a été divisé par trois et 5 000 kilomètres d'autoroutes ont été mis en service.
La faiblesse des investissements consacrés aux chemins de fer - 300 milliards de francs sur vingt ans contre 1 000 milliards de francs investis pour le développement des infrastructures routières - a provoqué un vieillissement du parc de locomotives, une obsolescence et une insuffisance du matériel qui contribuent aux goulets d'étranglement du réseau ferroviaire, notamment en ses points névralgiques transalpins ou transpyrénéens.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. C'était les années Gayssot !
Mme Marie-France Beaufils. Je parle d'une période bien plus longue que la seule « période Gayssot », monsieur le secrétaire d'Etat, et je suis très attentive à vos propos.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Je vous remercie, madame le sénateur.
Mme Marie-France Beaufils. Autant dire que l'insuffisance d'investissement durant toutes ces années est certainement l'une des principales causes de la congestion d'ensemble du trafic, des retards et des attentes auxquels sont soumis les chargeurs. Peut-on acheminer des marchandises sans wagon destiné à cet usage ? Nos collègues MM. Haenel et Gerbaud semblent avoir oublié ces évidences dans leur rapport !
M. Hubert Haenel. Il faut lire tout le rapport !
Mme Marie-France Beaufils. Croyez-vous, monsieur le ministre, que l'on puisse inverser la tendance sans réaliser un effort financier important pour combler le lourd déficit d'investissement accumulé sur plusieurs décennies ? A défaut et inexorablement, la route continuera de gagner des parts de marché !
Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'il est de la responsabilité de l'Etat de redonner une visibilité à long terme aux deux établissements publiques que sont RFF et la SNCF en les dégageant des contraintes financières actuelles, qui sont préjudiciables aux investissements d'entretien comme à ceux qui seront effectués à long terme ?
Si les entreprises ne peuvent investir en capacités nouvelles parce qu'elles sont trop endettées et croulent sous le poids de leur dette et du service de celle-ci, si l'Etat lui-même bloque les dépenses publiques, alors, sur le plan macroéconomique, apparaîtront un chômage élevé et des taux d'endettement des ménages catastrophiques !
A nier ces évidences, l'on ne peut que se fourvoyer dans les solutions à prôner. Dans leur rapport, nos collègues MM. Haenel et Gerbaud considèrent que l'activité fret constitue une « activité qui plombe l'entreprise SNCF », qu'elle n'est pour la SNCF qu'un « boulet ». Ils recommandent donc la filiation,...
M. Hubert Haenel. Non, non !
Mme Marie-France Beaufils. ... le développement de la sous-traitance et de la cotraitance comme solutions. Et devant l'opposition des cheminots face à de telles propositions,...
Un sénateur de l'UMP. Les cheminots CGT, bien sûr !
Mme Marie-France Beaufils. ... nos collègues stigmatisent : « la réaction d'une partie du corps social des cheminots qui, dans un réflexe défensif, considère qu'il s'agit d'une forme de concurrence et de démantèlement de l'activité fret de la SNCF, ainsi qu'un début d'atteinte au respect du statut ». « Cette attitude provient d'une méconnaissance des notions de concurrence et de coopération, et du manque de perspectives d'avenir. » Les cheminots me semblent pourtant bien informés dans ce domaine et l'exemple des chemins de fer anglais me paraît probant. Nos collègues sénateurs connaissent ces résultats au travers de l'étude qui a été menée par le Conseil supérieur du service public ferroviaire, le CSSPF.
L'hégémonie de la route s'appuie sur l'avantage concurrentiel qu'elle oppose aux autres modes de transport. C'est le résultat, pour partie, de la non-prise en compte des externalités négatives qui demeurent à la charge de la collectivité. C'est aussi le résultat de la multiplication des pratiques de dumping social.
A cet égard, la Fédération nationale des transporteurs routiers, la FNTR, note que, depuis la libéralisation des transports dans les années quatre-vingt, la progression soutenue de l'activité s'est accompagnée d'une baisse de la rentabilité des entreprises de transports de marchandises. Il faut souligner que, sur près de 42 500 entreprises composant le secteur, 84 % emploient moins de dix salariés.
Ce secteur n'a pas été épargné par le développement de la sous-traitance en cascade visant à pressurer les coûts. L'arrivée d'une main-d'oeuvre en provenance des pays entrant dans l'Union européenne, aux coûts nettement inférieurs, va à nouveau tirer les coûts vers le bas et contribuer à l'appauvrissement de l'ensemble des salariés de ce secteur.
M. François Marc. Eh oui !
Mme Marie-France Beaufils. Une harmonisation des normes sociales vers le haut, notamment du point de vue des temps de conduite, serait essentielle en tant que facteur de sécurité routière.
Le rééquilibrage entre le rail et la route doit être le résultat de la réintégration dans le coût du transport routier des externalités négatives et des clauses et garanties sociales. C'est ainsi que l'Europe pourra répondre à l'aspiration des peuples.
Qu'en est-il des recommandations du livre blanc de la Commission publié en 2001, qui préconisait pour le fret un transfert de la route vers le rail et vers les autres modes alternatifs ?
Qu'en est-il par ailleurs des engagements pris au Sommet européen d'Essen, qui avait retenu comme prioritaires quatorze grands projets d'infrastructure ?
Toute avancée suppose, de la part de la France, une politique plus volontariste et à même de porter ces exigences à l'échelle européenne.
Une politique qui vise à mettre en concurrence les différents modes de transport, au lieu d'agir activement à favoriser leur complémentarité à travers l'intermodalité, risque, à terme, d'entraîner un appauvrissement généralisé.
Si j'ai consacré autant de temps à la question du fret ferroviaire, c'est parce que je suis convaincue que c'est l'une des principales voies qui nous évitera, à terme, l'asphyxie, voie que vous semblez pourtant abandonner, monsieur le ministre.
La nécessité d'investir à long terme contrevient à la logique de court terme des marchés.
Pour importante qu'elle soit, la question des moyens de financement n'est pas insurmontable. En tout cas, elle ne devrait pas nous empêcher de prendre les bonnes décisions engageant l'avenir de notre pays.
L'Etat devrait assumer financièrement le programme de modernisation et de régénération des infrastructures. Il est notamment inadmissible qu'il ne respecte pas les engagements qu'il a pris dans le cadre des contrats de plans. Il serait également souhaitable qu'il apure la dette de Réseau ferré de France, afin que celui-ci retrouve sa capacité d'autofinancement, en dehors de laquelle toute politique d'investissement est compromise, et ce sans faire peser de nouvelles charges sur la SNCF. Est-ce le pacte de stabilité qui nous empêche de prendre ces mesures ou l'idéologie libérale surannée qui continue de nous paralyser ?
Les fonds européens pourraient également être mobilisés sous la forme d'un emprunt destiné à la réalisation des grands projets d'infrastructure à l'échelle de l'Union européenne.
L'instauration d'une taxe sur les poids-lourds, comme vous venez de le proposer, représente une piste intéressante, mais elle ne doit pas être un moyen de passer sous silence la nécessaire comparaison des coûts socio-économiques et environnementaux de chaque mode.
Enfin, la création d'un pôle public de financement autour de la Caisse des dépôts et consignations, la CDC, qui permettrait de mobiliser à la fois les fonds actuellement oisifs de la CDC, de l'ordre de 200 milliards d'euros, et notre propre système bancaire, serait une autre piste.
La nécessité d'investir à long terme est essentielle en matière de transports. Cependant, comme l'a dit tout à l'heure M. Delevoye, investir dans des infrastructures de communication de qualité, afin de répondre aux besoins des territoires, a plus d'efficacité économique que verser des aides diverses et directes au profil de l'activité économique. N'est-ce pas une autre piste de financement qui pourrait être étudiée ?
Tels sont les quelques éléments que je voulais aborder. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Hubert Haenel.
M. Hubert Haenel. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je souhaite, à cette occasion, m'exprimer en mon nom personnel, bien sûr, mais aussi au nom j'allais dire de mon coauteur François Gerbaud.
Permettez-moi tout d'abord de saluer l'initiative gouvernementale. En effet, à ma connaissance, il n'y a jamais eu en France de débat national sur les tranports précédé de travaux de fond pour dresser l'état des lieux, nourrir la réflexion et faciliter les décisions.
Mais ces débats n'auront de sens, la démarche ne sera crédible, que si le Gouvernement définit, effectivement, à l'automne, dans le cadre d'un CIADT, une véritable politique des transports se traduisant en objectifs à court, moyen et long terme, en projets à réaliser et en financements à dégager. Cela veut donc dire, à mes yeux, l'élaboration probable d'une loi de programmation. Les choix d'infrastructures ont vocation à traduire cette politique, et non l'inverse.
Jusqu'à présent, la France et l'Europe se sont montrées incapables d'arrêter des choix stratégiques pour maîtriser et réguler les transports de marchandises, et pour imposer un rééquilibrage intermodal entre la route et le rail, sans oublier la voie d'eau.
Alors, quelle est la politique des transports de marchandises qui doit être conduite en Europe : quelle place pour le ferroviaire ? Quelle place pour la France ? Et quel rôle pour la SNCF ?
La plupart des entreprises ferroviaires européennes, après avoir reconquis la clientèle des voyageurs grâce, notamment, à la grande vitesse et aux trains régionaux nouvelle génération, doivent maintenant impérativement, dans les temps qui viennent, gagner ce que nous avons appelé la nouvelle bataille du rail, celle du fret ferroviaire. Pourquoi ? Il ne s'agit pas de la survie d'une activité en déclin, voire d'une entreprise, j'allais dire avec une pointe d'humour, en perte de vitesse, mais ce n'est pas le jour. Ce sont, plus fondamentalement, des enjeux majeurs voire vitaux et des choix stratégiques.
Quels sont ces enjeux stratégiques ? Il sont stratégiques au niveau européen. Ils sont stratégiques en termes d'aménagement du territoire et de développement économique. Ils sont stratégiques en termes de développement durable. Ils sont stratégiques pour l'avenir de la SNCF.
S'agissant tout d'abord des enjeux stratégiques au niveau européen, la France, pays de transit européen, ne peut se mettre à l'écart des grands axes ou « routes européennes » sur lesquels se fait et se fera une grande partie du transport de marchandises et qui contribuent au développement économique et social.
Le transport de marchandises en général, le fret ferroviaire en particulier, est une composante de la puissance économique d'un pays et de sa croissance. De plus, bien que le fret ne soit pas seulement une affaire de longue distance, le fret international ne peut trouver son champ de pertinence qu'en Europe, où l'essentiel des trafics se concentre sur les axes qui vont des grands ports de la mer du Nord vers l'est de l'Europe ou le bassin méditerranéen. D'ailleurs, la SNCF réalise un peu plus de 50 % de son trafic à l'international.
C'est dire si les choix dans ce domaine sont stratégiques et déterminants quant à l'exclusion ou non de notre pays des grands flux de transit intracontinentaux. La France n'est pas au coeur de ce qui est appelé communément la « banane bleue ». Les flux de transit les plus massifs concernent surtout le Benelux, l'Allemagne, la Suisse et l'Autriche.
Dans l'Europe élargie de demain et à l'horizon d'une ouverture prévisible vers les Balkans, la France sera encore moins « au coeur de l'Europe », dont le centre de gravité se déplacera encore davantage vers l'Est, sauf si un certain volontarisme permet de jouer la complémentarité entre les ports de la Méditerrannée, - Barcelone, Marseille, Valence - et les ports italiens, et de créer de nouvelles « routes » ferroviaires et maritimes. Faute de choix stratégiques de cette nature, la France se trouvera, en matière de fret ferroviaire, de plus en plus contournée.
Ces enjeux économiques et géostratégiques ne sont pas les seuls. Avec l'option d'ouverture des marchés, l'Europe est également le moteur d'une transformation rapide et profonde du cadre juridique du secteur ferroviaire. Ce n'est plus l'heure, aujourd'hui, de discuter du bien-fondé ou non de ces orientations, comme cela a été et est toujours malheureusement le cas au sein de certaines organisations syndicales de la SNCF. Il est temps, comme le veut son président, Louis Gallois, « de forger ensemble une entreprise de service public à la dimension de l'Europe ».
M. Pierre Laffitte. Très bien !
M. Hubert Haenel. J'en viens aux enjeux stratégiques en termes d'aménagement du territoire et de développement économique régional et local.
Le fret ferroviaire contribue très fortement à l'activité économique de certaines régions et territoires. Il peut être le support d'une activité économique, contribuant ainsi à faire vivre le tissu économique local. C'est par exemple le cas du trafic de bois traité par les gares-bois, disséminées dans des zones géographiques assez peu favorisées économiquement, qui permettent d'offrir un débouché à la seule activité de ces zones.
C'est également un outil pour mener une véritable politique de transport régional concertée, car l'échelle de la région ou du « pays » est pertinente pour peser sur les choix des entreprises en faveur d'une desserte routière ou ferroviaire. L'équivalent « camions » d'une desserte de fret ferroviaire est en effet perceptible de manière très concrète par la population.
Dans le cadre d'une décentralisation accrue des compétences, les collectivités locales devront de plus en plus s'appuyer sur cet outil d'aménagement du territoire et de développement économique local que constitue le fret ferroviaire et s'impliquer dans son maintien et son développement.
J'évoquerai maintenant les enjeux stratégiques en termes de développement durable.
Comme cela a été souligné au sommet de Johannesburg, la dimension de ces différents enjeux est devenue planétaire. Les citoyens sont de plus en plus sensibles à la qualité de leur environnement, dont les transports constituent un élément déterminant. Les préoccupations relatives à la préservation de l'environnement, à la saturation et à l'insécurité routière ont pris et prendront de plus en plus une grande ampleur.
J'en arrive aux enjeux stratégiques du point de vue de l'avenir de la SNCF.
Face à l'ouverture de la concurrence, limitée pour l'instant au trafic international de fret et à l'élargissement de l'Europe, les entreprises ferroviaires doivent se réorganiser et procéder à de profondes mutations pour devenir des opérateurs performants aux niveaux national et européen dans une chaîne logistique de plus en plus complexe.
Chacun s'accorde à dire que le paysage ferroviaire européen sera caractérisé, dans un proche avenir, par l'émergence de deux ou trois grandes entreprises dominantes, héritières des opérateurs historiques, et par un ensemble de petites entreprises assurant le complément d'activité généré par les entreprises dominantes.
Relever le défi européen est, pour la SNCF, une condition de survie. Ou bien elle sera, aux côtés de la Deutsche Bahn, l'un des deux grands opérateurs européens, ou bien elle sera inexorablement condamnée au déclin. Elle doit donc rapidement se positionner à l'échelle de l'Europe. Encore faut-il que l'Etat actionnaire lui assigne clairement et fortement cet objectif et lui donne les moyens de l'atteindre. Je serais tenté d'ajouter ceci : encore faut-il que certains cheminots comprennent qu'il leur faut accompagner ce projet, et non le craindre ou s'y opposer.
La situation de la SNCF est préoccupante, voire dangeureuse : aujourd'hui, le fret « plombe » l'entreprise.
Alors que faut-il faire ?
Mme Hélène Luc. Il ne faut surtout pas arrêter le fret !
M. Hubert Haenel. Il faut élaborer une politique du fret ferroviaire opérationnelle à court, moyen et long terme. C'est indispensable ! Il s'agit donc d'arrêter une nouvelle stratégie et organisation de la SNCF et de son groupe.
La SNCF doit assurer fiabilité et régularité - ce sont les principales qualités attendues par les chargeurs pour atteindre les objectifs - et créer une activité de fret à part entière. La question de la finalisation doit être abordée et débattue objectivement et sereinement. La SNCF doit mettre en place une stratégie européenne du groupe. La réorganisation récemment engagée par le président Louis Gallois montre que cet impératif commence à être pris en compte.
Il convient de réorganiser le secteur ferroviaire français en tenant compte des besoins et des spécificités du fret, de développer la sous-traitance et la cotraitance, de prévoir l'entrée d'opérateurs nouveaux sur les short lines, d'impliquer davantage les collectiités locales et de fixer des contrats d'objectifs.
Il importe ensuite de développer une complémentarité entre le rail et la route : cela a pour nom transport combiné et autoroute ferroviaire.
Il sera nécessaire et urgent, messieurs les ministres, mes chers collègues, de mettre en oeuvre recherche, innovation et projets techniques, qui ont permis la relance du transport des voyageurs. Le fret ferroviaire est le parent pauvre des innovations techniques.
M. Pierre Laffitte. C'est vrai !
M. Hubert Haenel. Aborder de front les problèmes d'infrastructures, cela veut dire qu'il faut apporter une réponse à un certain nombre de questions récurrentes.
Il importe d'abord de hiérarchiser et de programmer dans le temps la création de capacités nouvelles. Dans l'immédiat, il faut assurer une utilisation optimale des capacités, affirmer la priorité donnée au fret et intégrer la dimension du fret dans l'évaluation des projets, ce qui n'a pas été fait, par exemple, pour le TGV Est européen.
Il convient, ensuite, d'organiser et de planifier le cadre dimensionnel, d'arrêter un schéma directeur de l'infrastructure dont la priorité soit le fret. Il ne faut pas mettre en concurrence, comme on l'a fait parfois, la réalisation de projets structurants tels que le Lyon-Turin, qui est d'une autre nature et d'une autre ampleur que la mise à niveau du réseau existant et qui nécessite une approche et des financements spécifiques.
Il s'agit, enfin, de mobiliser de nouveaux moyens de financement nationaux et européens.
Il ne suffira pas de mettre de l'ordre dans les décisions en matière de capacité d'infrastructures. Encore faudra-t-il dégager des moyens pour réaliser celles qui s'avéreront prioritaires dans le cadre d'une programmation stratégique.
Il faudra donc définir les engagements financiers de chacun. Le schéma directeur devra être accompagné au niveau national d'une loi de programmation pour définir les grands investissements pris en charge par l'Etat, les contrats de plan devant s'inscrire dans cette logique et les engagements de l'Etat tenus.
Il faudra également fixer des péages d'infrastructures réalistes, en tenant compte des niveaux de péages existant sur les autres réseaux européens. Sinon, la concurrence bénéficiera des péages à des prix inférieurs que nous mettrons en place.
Il faudra aussi lancer un emprunt européen garanti par l'Union. Entre parenthèses, il faudra bien, un jour, aller au bout de la logique ! On parle toujours d'emprunt européen ! Essayons d'en déterminer les conditions et de voir si c'est réalisable.
Il faudra encore, vous l'avez déjà annoncé, monsieur le ministre, instaurer à l'échelon européen une redevance ou une taxe - on l'appellera comme on voudra - d'usage de l'infrastucture routière de bout en bout en fonction de la densité de circulation.
Enfin, il faudra mobiliser tous les partenaires : Europe, Etat, collectivités locales, entreprises ferroviaires - SNCF et RFF - et chargeurs.
En ce qui concerne l'Europe, contrairement à ce qu'affirme la Commission européenne dans le Livre blanc, recueil de bonnes intentions, elle n'a pas su mettre en place une véritable politique de transport ; elle a confondu, avec la libéralisation du secteur ferroviaire, moyens et objectifs. La concurrence ne s'est donc pas appuyée sur un cadre permettant de réguler le secteur ferroviaire et de le soutenir face aux autres modes de transport.
Une politique de transport de fret ferroviaire digne de ce nom, à l'échelle européenne, devrait définir, sur l'ensemble de l'Europe, des axes ferroviaires, de manière à former un réseau continu et identifier les travaux nécessaires pour que les infrastrures puissent supporter les trafics envisagés, afin d'accroître la cohérence de ce réseau.
Il importe de mettre en place les conditions d'une véritable concurrence intermodale intégrant les coûts externes. Cela suppose, notamment, l'instauration d'une redevance d'usage pour le transport routier.
Enfin, les instances de l'Union européenne devraient lancer un grand emprunt ; je viens d'y faire allusion.
Si l'Europe souhaite mettre ses actions en conformité avec ses discours, elle doit aussi, d'abord, accepter les aides publiques - nationales ou régionales -, qui pourraient concerner le soutien au démarrage de nouveaux services exploités, ensuite, accélerer les investissements prévus sur les goulets d'étranglement et sur certaines infrastructures en dépassant la limite de 10 % pour ses taux de subvention, enfin, mener une politique sociale active en direction du monde routier, afin d'élever les exigences minimales européennes et éviter ainsi une concurrence déloyale entre modes de transport.
Pour ce qui concerne l'Etat, il doit prendre ses responsabilités et fixer clairement les objectifs qu'il assigne à la SNCF et à la RFF en matière de fret ferroviaire.
L'Etat doit assurer son rôle d'actionnaire auprès des entreprises ferroviaires. Aussi, l'idée d'un contrat ou d'un engagement formel et public, dont l'objet serait le fret ferroviaire, doit permettre de fixer les orientations et le cadre dans lequel les entreprises devront, une fois responsabilisées, prendre des initiatives.
Un tel système suppose des ruptures avec la politique actuelle. Le dossier qui me paraît le mieux symboliser ces ruptures nécessaires et salutaires, assurant l'ancrage de nos territoires à l'ensemble européen - un ensemble à vingt-cinq, puis à vingt-sept, étendu d'ici à 2002 aux Balkans -, c'est la réalisation des chaînons manquants du réseau existant. Il s'agit, sur les marches de l'Est, des projets prêts à être réalisés que sont le TGV Rhin-Rhône - la branche Est, puis la branche Sud et Ouest - véritable étoile ferroviaire renforçant considérablement le réseau, et la deuxième phase du TGV Est, avec la traversée du Rhin pour s'interconnecter aux lignes à grandes vitesse allemandes. La première conséquence bénéfique de cette relation sera de faire sauter le « mur de Baudrecourt » où s'arrêtera et heurtera en 2007 la ligne nouvelle, longue de 300 kilomètres, qui partira de Vaires, en région parisienne.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, sur ces questions comme sur l'ensemble du dossier du fret ferroviaire en Fance et en Europe, nos concitoyens sont en droit d'attendre une vision, une mise en perspective et des choix stratégiques. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est M. Daniel Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, « les infrastructures de transport sont au pays ce que l'investissement est à l'entreprise », me rappelait récemment un grand serviteur de l'Etat. A la nuance près, me précisa un autre, que, dans le cas de l'entreprise, la rentabilité économique stricte est le critère déterminant, alors que l'aménagement du territoire, qui prépare un avenir plus lointain, peut conduire les Etats à faire abstraction des critères de rentabilité immédiate.
Nous devons, à ce propos, souhaiter que, à côté de leur politique d'aménagement du territoire national, les pays membres de l'Union européenne fassent enfin passer le schéma de développement de l'espace communautaire européen de la velleité à la réalité, ce qui ne serait pas sans conséquences sur une véritable politique européenne de réseaux transnationaux.
Cela me conduit à exprimer un regret et à évoquer deux aspects du débat qui nous réunit aujourd'hui.
Le regret tient au fait que, avec légèreté et, parfois, irresponsabilité, nous avons changé le cap de notre politique d'aménagement du territoire au cours de la dernière décennie, alors que l'aménagement du territoire doit être placé sous le signe de la continuité. Or notre crédit au niveau européen est d'autant plus grand que nous savons rester fidèles à nos priorités. La loi de 1999, prenant le contre-pied de la loi de 1995, l'abandon d'une liaison fluviale au financement pourtant assuré,...
M. Bruno Sido. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. ... la renonciation aux fonds, dont le financement défini était aussi pour les transports terrestres, fluviaux et aériens, tout cela nous fait perdre un temps difficilement rattrapable à un moment décisif de l'élargissement de l'espace européen.
Cela nous rappelle que l'aménagement du territoire doit veiller à l'équilibre entre développement économique, développement des réseaux de transport et environnement. Toute rupture de l'équilibre entre ces trois éléments, comme cela a été le cas au cours des dernières années, risque de conduire, à l'échelon européen, à la marginalisation de la France du point de vue des réseaux de transports. Or le temps presse et nous devons rattraper le retard, en une période de croissance et de moyens financiers publics opposée à celle que nous avons pu connaître à la fin des années quatre-vingt-dix.
Dans ce contexte, le pouvoir politique et vous, monsieur le ministre, avez le choix entre un audit et un rapport, le rapport seul intégrant l'aménagement du territoire dans ses conclusions, tout en ne pouvant ou n'osant pas aller au bout de sa logique.
Je me limiterai à leur propos à deux considérations rapides : la priorité à donner aux liaisons transeuropéennes, d'une part, et la plurimodalité des transports, d'autre part.
La priorité à donner aux liaisons autoroutières, ferroviaires à grande vitesse et fluviales entre les réseaux français, d'une part, et les réseaux de nos voisins, d'autre part, se dégage spontanément à la vue des cartes européennes, qui font apparaître les « maillons manquants ». Comment justifier que le TGV Lyon-Turin et une traversée transpyrénéenne ne s'imposent pas, alors que la liaision transmanche existe ? Comment peut-on passer sous silence, comme le fait le rapport de la DATAR, le TGV Rhin-Rhône, alors qu'il relie la France méditerranéenne à l'Europe centrale ? Comment peut-on refuser, comme le fait l'audit, la deuxième tranche du TGV Est européen, qui n'est qu'une section de la grande liaison entre Paris, l'Allemagne du Sud et l'Europe centrale, et qui dessert aussi, vous le savez, monsieur le ministre, Strasbourg ?
M. Gilles de Robien, ministre. Le Parlement européen !
M. Daniel Hoeffel. Il faut savoir, à ce propos, si, oui ou non, la France veut que Strasbourg reste le siège d'institutions européennes et de l'ENA. La réponse réside surtout dans le désenclavement de Strasbourg pour le TGV comme pour les liaisons aériennes.
Ne répétons pas avec le TGV l'absurdité que nous connaissons dans les liaisons ferroviaires classiques le long de la rive gauche du Rhin où, entre Rotterdam et Bâle, une seule section de la liaison ferroviaire n'est toujours pas électrifiée en 2003 : ce sont les 100 kilomètres entre Strasbourg et Ludwigshafen, comme si l'époque du glacis d'avant-guerre n'était toujours pas révolue. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)
Ma seconde observation a trait à la plurimodalité : celle-ci ne saurait être réduite à la route, au fer et à la voie aérienne.
La France éprouve autant de difficultés à intégrer la voie fluviale à grand gabarit dans ses perspectives d'avenir qu'elle n'en avait, après la dernière guerre, à passer de la route à l'autoroute. Nous avions « le meilleur réseau routier au monde ».
Monsieur le ministre, je sais qu'évoquer la voie d'eau - j'en fais l'expérience débat budgétaire après débat budgétaire - ne vaut à ses défenseurs qu'indifférence, voire condescendance. Mais sachons regarder autour de nous : la liaison entre bassin rhénan et bassin danubien est faite, et toutes les prévisions pessimistes de trafic ont été démenties.
M. Paul Raoult. Très juste !
M. Daniel Hoeffel. Plus au nord, le grand gabarit entre le bassin rhénan, Berlin, l'Oder et la Baltique est en voie d'achèvement.
Voulons-nous ou pouvons-nous nous permettre de rester à l'écart de ces grands vecteurs de développement économique que sont les voies d'eau à grand gabarit ?
M. Daniel Reiner. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. La liaison Seine-Nord est, à cet égard, indispensable. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Il a raison !
M. Daniel Hoeffel. Mais n'oublions pas le Rhin-Rhône, parce qu'il décongestionnerait le sillon rhodanien et le sillon rhénan ; parce qu'il permettrait d'irriguer des régions de notre façade Est qui sont confrontées à de profondes mutations économiques - je pense à la Franche-Comté - et parce qu'il relierait notre territoire par la voie la plus rapide aux bassins rhénan et danubien et à l'Europe centrale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard Larcher. Ils l'ont largué pour une poignée de cerises ! On avait trouvé le financement !
M. Daniel Hoeffel. Une autorité incontestée dans le monde des transports m'écrivait récemment : « J'ai suffisament étudié ces questions pour considérer avoir le devoir d'exposer mes convictions en faveur de la voie d'eau. Je l'ai fait à plusieurs reprises, en étant la voix qui crie dans le désert ». Or c'est lui qui a raison, et ce sont les adversaires de la voie d'eau, prisonniers d'une vision étroitement hexagonale des transports, qui nous marginalisent.
Plusieurs sénateurs de l'UMP. Voynet !
M. Daniel Hoeffel. Et pourtant, le Rhin-Rhône était un chantier qui figurait dans le schéma des grands travaux européens.
M. Gérard Larcher. Eh oui !
M. Jacques Oudin. Et vous l'avez défendu !
M. Daniel Hoeffel. Grâce à l'arc atlantique - d'où l'importance de Port 2000 au Havre -, grâce à la façade méditerranéenne, grâce à la liaison Seine-Escaut-Meuse, et à la liaison Rhin-Rhône, la voie d'eau est un atout incomparable favorisant notre désenclavement et nous reliant aux grands espaces méditerranéen et européen dont nous devons savoir tirer parti.
Et n'oublions pas que ceux qui ont creusé la liaison Rhin-Danube au coeur de l'Europe sont aussi ceux qui contrôlent les places et les flottes qui, aujourd'hui, commercent avec l'Asie et l'Amérique.
Monsieur le ministre, plusieurs de nos collègues ont évoqué et évoqueront encore les aspects financiers du dossier. Ni l'Etat, à travers un fonds affecté - et comment ne pas approuver la proposition forte faite par le président Larcher sur ce sujet ? -, ni l'Europe, pour les aspects transnationaux, ni les collectivités, ni l'usager, ne pourront rester à l'écart.
En 1995, diverses solutions avaient été votées, et à la quasi-unanimité, par le Parlement. Elles ont, hélas, été abandonnées, et huit ans précieux auront été perdus à un moment où, précisément, l'espace européen s'élargit et donne à la politique des infrastructures de transport une dimension nouvelle.
Je mesure la difficulté de votre mission, monsieur le ministre, mais nous vous faisons confiance pour placer la politique des transports de la France, grâce à une vision transnationale et à une plurimodalité totale, sous le signe de l'ambition pour nous permettre de maintenir notre rang en Europe. Et ainsi, l'intitulé de l'étude la DATAR aurait pour réponse : « La France en Europe : une ambition, enfin, pour la politique des transports ». (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - MM. Paul Raoult et Yves Krattinger applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, après la profession de foi de M. Hoeffel, j'avoue que la voix me manque. Mais, comme l'inspiration est là, je tiens dès à présent à répondre à chacun des orateurs qui sont intervenus. Ma réponse sera sans doute bien insuffisante, tant de convictions fortes ayant été exprimées ici. Non que je veuille distribuer des bons points, ce n'est évidemment pas mon rôle et je n'en serais pas capable, mais je dois vous livrer ma première impression : l'hémicycle est témoin, ce jour, d'un débat de très haut niveau, un débat où l'intérêt général prime. Certes, chacune de vos interventions traite de tel ou tel projet qui vous tient particulièrement à coeur, mais vous savez replacer le propos dans le cadre de l'aménagement du territoire, c'est-à-dire, évidemment aussi, de l'intérêt général. Ni Dominique Bussereau ni moi-même n'en avons été surpris, mais nous sommes tout à fait admiratifs à l'issue de cette première partie du débat.
M. Christian Poncelet, président du Sénat, a raison quand il nous conseille d'écouter le bons sens du terrain. C'est d'ailleurs un homme de terrain qui nous a parlé des Vosges, et c'est bien l'esprit de terrain qu'a retenu le Gouvernement pour engager ce débat.
Il a évoqué les contrats de plan Etat-régions en soulignant le retard pris par l'Etat. Telle est précisément la situation que nous voudrions éradiquer. En effet, c'est toute la force de la parole de l'Etat qui est en cause à chaque fois que l'Etat est obligé, franchement, d'avouer qu'il n'a pas les moyens de suivre telle ou telle collectivité. Quelquefois même l'Etat décide une étude de plus. C'est, en fait, alors, un faux-semblant, une mesure dilatoire pour retarder d'autant les projets.
J'aimerais contribuer à la restauration de la parole de l'Etat dans le cadre des contrats de plan, de façon que la signature de l'Etat soit honorée. Il y va de la crédibilité de l'Etat.
Le président Poncelet m'a suggéré d'étudier toutes les pistes de redevances pour le financement. Nous en avons pris bonne note, car c'est évidemment la clé de notre équipement pour les vingt-cinq prochaines années.
Il a prôné une recette affectée. Nous partageons ce point de vue, et je profite de cette occasion pour réaffirmer que toute recette nouvelle doit évidemment s'accompagner du maintien de la dotation budgétaire annuelle, et chaque année. Il serait en effet trop facile que l'Etat, fort d'une recette de l'ordre de 1,2 milliard d'euros affectée, ficelée, verrouillée, en profite pour diminuer d'autant les 3,2 milliards d'euros en vitesse de croisière. Ce serait un véritable tour de passe-passe, une partie de cache-cache. Nous préférons le jeu de la vérité, c'est-à-dire des recettes affectées et le maintien des dépenses d'investissement de l'Etat, sans augmentation, mais au rythme des dernières années.
Quant au réseau routier, le président Poncelet a raison de dire que nous devrons définir ce que nous appelons au ministère un « réseau d'excellence », un réseau structurant, qui a vocation à rester national. Il souhaite un examen attentif de l'axe européen E 512, j'en ai pris bonne note.
M. Larcher, président de la commission des affaires économiques, a su, comme chaque fois qu'il prend la parole, capter l'attention de toute l'assemblée, bientôt convaincue, tant il était convaincant. Il a d'abord décrit l'héritage. Ce faisant, il n'a été ni méchant ni partial ; il a tout simplement dressé l'état des lieux. Il nous faut, il est vrai, gérer la situation telle que nous l'avons trouvée et non pas telle que nous voudrions qu'elle soit. Et nous l'avons trouvée dans un état assez déplorable : notre mission est difficile. Nos prédécesseurs ayant supprimé le FITTVN, le fonds d'investissement des transports terrestes et des voies navigables, le Gouvernement est maintenant à la recherche de ressources nouvelles en faveur de l'équipement. Comme vous le dites avec courage, monsieur Larcher, il faut savoir arrêter des priorités. Evidemment, je suis d'accord avec vous.
M. Jean-Pierre Plancade. C'est formidable !
M. Gilles de Robien, ministre. Je crois cependant qu'il ne faut pas hésiter à avoir une vision plus prospective, c'est-à-dire à vingt ou vingt-cinq ans, car la plupart des infrastructures dont nous débattons sont utiles pour l'avenir, et le seront pour plusieurs générations. Un investissement en la matière sera pérenne pour au moins deux, voire trois générations.
Vous avez aussi souligné, monsieur Larcher, la nécessité de connecter notre réseau au grand réseau européen, et vous avez mille fois raison. Cette nouvelle donne doit nous guider en permanence dans notre réflexion. Nous faisons partie de l'Europe et nous voulons y garder notre rôle.
Monsieur Larcher, vous suggérez également la création d'un établissement public qui recueillerait les ressources affectées. Au-delà du plaisir que nous ressentons, Dominique Bussereau et moi-même, à nous sentir soutenus je crois pouvoir affirmer qu'en la matière nous nous soutenons les uns les autres. Ce type de solution, qui doit être évalué, rend crédibles les réponses que nous apportons en matière d'infrastructures.
Des dépenses publiques optimisées, des ressources adaptées, avez-vous dit. Nous prenons bonne note de cette orientation que vous nous suggérez.
Vous avez aussi dressé le constat des difficultés que rencontre la SNCF. Le Gouvernement a demandé à son président d'accorder une totale priorité au redressement de la situation financière du fret ferroviaire. D'ailleurs, M. Haenel faisait état, tout à l'heure, du dernier conseil d'administration de la SNCF au cours duquel cette priorité avait été réaffirmée.
En ce qui concerne l'Europe et le fer, vous savez que le deuxième paquet ferroviaire a reçu un accord politique du Conseil des ministres des transports, au printemps dernier. Il ne faut pas que les cheminots estiment que cette mesure soit un risque d'attaque : l'ouverture vers l'Europe est une chance pour l'entreprise, une occasion, pour une entreprise qui peut et doit être compétitive, de décrocher des marchés avec d'autres pays européens.
Ne partons pas battus, partons gagnants !
La SNCF a les moyens humains - nous pouvons toujours discuter des moyens financiers - de répondre à ce défi. Je suis sûr que les cheminots sauront le relever.
Monsieur Larcher, vous avez également souligné l'importance d'avoir un système ferroviaire plus efficient. Telle est la mission que Francis Mer, Dominique Bussereau et moi-même avons confiée à M. Gallois.
Je voudrais vous répondre sur la question de la filialisation du fret, qui mérite d'être discutée. Il s'agit d'un outil, même si ce n'est pas, bien entendu, un objectif en soi. Sachez que nous avons donné au président Gallois des objectifs. Il lui appartient maintenant d'en définir les moyens.
Toutes vos propositions sont très constructives. Vous avez par ailleurs insisté à juste titre sur un point clé, à savoir les ressources affectées à un établissement public. Je veux, encore une fois, vous remercier de cette expertise et de votre soutien.
M. Arthuis a dit que les élus voulaient des assurances à l'échéance de dix ou quinze ans. C'est une aspiration normale et salutaire pour une démocratie. On doit pouvoir clarifier, programmer l'équipement de la « maison France », c'est notre devoir de responsables politiques.
L'Etat assure la réalisation des grands équipements structurants. Quant aux collectivités locales, elles se chargent des équipements régionaux et de proximité. Telle est en tout cas notre philosophie. Mais encore faut-il résoudre d'abord la question du rôle de l'Etat.
J'ai bien noté le souhait de M. Arthuis que l'usager paie le juste prix et que la voie de la régulation économique par le biais des tarifs soit explorée, car cette évolution est souhaitable. Il a dit que tout devait être exploré, c'est bien notre intention. Il a également indiqué que l'affectation de nouvelles taxes était importante.
M. Arthuis a abordé un autre point tout à fait fondamental : la réduction des frais de fonctionnement de l'Etat et l'augmentation des investissements. Il a cent fois raison ! Je comprends son point de vue de président de la commission des finances. Mais l'Etat est un énorme paquebot, la réduction de ses frais de fonctionnement prendra de longs mois, voire plusieurs années, et la priorité doit être donnée à l'investissement.
M. Jean-Louis Carrère. Il aurait dû le faire quant il était ministre des finances !
M. Gilles de Robien, ministre. L'investissement et la réduction des frais de fonctionnement ne sont d'ailleurs pas contradictoires. Il faut réduire les coûts de structure avec patience et détermination, mais cela prendra du temps.
Or nos TGV, nos canaux, nos routes ne pourront pas attendre dix ou quinze ans de plus. C'est pour cette raison qu'il nous faut travailler sur les deux chantiers à la fois et trouver des ressources nouvelles, afin d'investir dès maintenant, car l'investissement est une source de développement économique.
M. Jean-Louis Carrère. Facile à dire !
M. Gilles de Robien, ministre. Laissez-moi répondre...
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le ministre, cela fait quatre heures que vous discutez entre vous ! Ce n'est pas très démocratique ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur Carrère, je réponds aux orateurs, et je puis vous assurer que Dominique Bussereau et moi-même répondrons à tous les orateurs, quelle que soit l'heure !
M. Jean-Louis Carrère. Ce n'est pas de votre fait, monsieur le ministre, c'est du fait de la majorité sénatoriale ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jacques Peyrat. C'est surtout du fait des élections. Nous aussi, nous avons subi une majorité pendant des années. La roue tourne ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Louis Carrère. Occupez-vous de Nice !
M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur Carrère, nous répondrons, s'il le faut, tout au long de la nuit.
M. Jean-Louis Carrère. Qui représentons-nous !
M. Gilles de Robien, ministre. Vous vous exprimerez tout à l'heure à la tribune.
M. le président. Poursuivez, monsieur le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. M. Arthuis s'est également interrogé au sujet des autoroutes. Quelle que soit la décision que nous prendrons, notre souhait est que les produits financiers, constitués de dividendes ou de fonds résultant de la vente : profitent à notre politique d'équipement.
M. Marini a indiqué que l'effort supplémentaire nécessaire était de un milliard d'euros par an. De notre point de vue, les besoins sont de l'ordre de 1,2 milliard d'euros par an pour traiter correctement la liaison Lyon - Turin, ou encore pour relancer une politique fluviale.
M. Marini a d'ailleurs justement souligné la nécessité de disposer d'équipements réalistes et raisonnables. Il faut que l'Etat arbitre mieux ses priorités entre les dépenses de fonctionnement et d'investissement, en faveur de ces dernières, comme l'a dit M. Arthuis.
Mieux gérer la dépense publique, qui est effectivement trop rigide, c'est tout le défi que souhaite relever le Gouvernement. Cela concerne d'ailleurs bien d'autres domaines que les transports : il faut réformer l'Etat, le moderniser en décentralisant, même si, - faut-il le remarquer ? - de nombreuses résistances existent.
En matière de fret ferroviaire, une réforme des services, et non pas seulement des infrastructures, est nécessaire. La SNCF doit pouvoir séduire les chargeurs. C'est en tout cas la priorité que le Gouvernement a donnée à M. Gallois.
S'agissant du projet Seine-Nord, j'ai pu apprécier la motivation de M. Marini : il est convaincant, et il a raison d'inscrire ce projet dans une logique de transport durable.
M. François-Poncet a justement noté que l'adossement du système autoroutier était supprimé, sans que l'on ait pris la peine d'imaginer un système de substitution. Chacun connaît la grande compétence de M. François-Poncet en matière d'aménagement du territoire. Je le remercie d'avoir évoqué le contournement ferroviaire sud de la capitale, car c'est un sujet fondamental.
Par ailleurs, il a exprimé le souhait de créer des liaisons trans-océaniques au départ d'aéroports autres que Roissy. Aujourd'hui, il est vrai que seul l'aéroport de Nice bénéficie d'une telle liaison.
M. Jean-Paul Emorine. Bravo, monsieur Peyrat !
M. Gilles de Robien, ministre. Tout doit être fait pour offrir aux usagers d'autres possibilités, mais, je le souligne, il s'agit d'un système libéralisé, où la loi du marché et de la concurrence joue pleinement. A cet égard, j'ai la conviction que certaines plateformes sont très proches de la taille critique permettant à des compagnies aériennes de s'engager dans cette voie. Toutefois, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, la situation des transports aériens est aujourd'hui fragile.
Comme d'autres orateurs, M. François-Poncet a regretté la disparition du FITTVN et a souhaité que le système des ressources affectées soit préservé. Nous devons cependant faire attention au système des vases communicants. En grand expert de ces sujets, il a préconisé la création d'un établissement public. C'est un point de vue qui est partagé par le Gouvernement.
M. de Montesquiou, comme M. François-Poncet, a insisté sur l'équilibre du territoire face au défi européen.
M. Jean-Louis Carrère. Il est parti !
M. Gilles de Robien, ministre. Pourquoi m'interrompez-vous sans cesse ? Vous retardez le débat, monsieur le sénateur. Vous vous exprimerez à la tribune ! Je réponds tout de même à M. de Montesquiou, qui lira la réponse dans le Journal officiel, chacun a des obligations !
La France est un trait d'union entre l'Europe du sud et l'Europe du nord, comme l'a dit M. de Montesquiou. La France est un pays de transit et je suis certain que ce peut être une chance, et non pas un handicap. Comme d'autres orateurs, il a évoqué des sources possibles de financement en insistant sur les redevances payées par l'usager, qui semblent les plus adaptées.
Quant au projet de nouvelle traversée des Pyrénées, il a été inscrit dans les priorités du groupe Van Miert, sur la demande conjointe de l'Espagne et de la France.
Monsieur Reiner, vous avez évoqué les schémas de service des transports. Je veux vous dire que des schémas qui ne seraient pas adossés à un financement réaliste ne peuvent constituer une réponse adaptée.
Evidemment, on peut toujours regarder une carte et dire qu'il faudrait réaliser un canal, une autoroute et trois lignes ferroviaires supplémentaires. Si ces infrastructures ne sont pas financées, on se fait plaisir en les évoquant mais on n'avance pas. Il faut maintenant passer aux actes. L'audit auquel nous avons procédé a relevé, monsieur Reiner, une impasse budgétaire de onze à quinze milliards d'euros.
M. Jean-Louis Carrère. On va vous les trouver !
M. Gilles de Robien, ministre. Si vous les trouvez, tant mieux. Vous avez raison, monsieur Reiner, de défendre l'intermodalité. Le Gouvernement veut à présent traduire ce principe en actes.
MM. Haenel et Gerbaud proposent, quant à eux, de vraies solutions. Vous reconnaissez que le fret a stagné, monsieur Reiner, et vous dites que la SNCF ou Réseau ferré de France, doivent réinvestir. C'est indispensable, mais, et vous le savez bien, insuffisant ; il faut aussi réorganiser la gestion du fret.
Vous venez nous dire ce qu'il faut faire, cependant, monsieur Reiner, qu'a fait pendant cinq ans mon si sympathique prédécesseur ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Qu'avez-vous fait de concret ?
Mme Marie-France Beaufils. Ce n'est pas une réponse !
M. Gilles de Robien, ministre. Nous nous trouvons dans une situation d'impasse. La dette de RFF n'est pas traitée, les contrats de plan sont mal respectés, des opérations ferroviaires y sont inscrites mais elles ont trop souvent peu avancé faute de préparation.
M. Paul Raoult. C'est indigne !
M. Gilles de Robien, ministre. Je ne cherche pas à engager une polémique, monsieur le sénateur, mais vous savez bien que ce débat est le fruit d'un vaste chantier. Si tout avait été parfait, il aurait suffi de poursuivre la politique précédente. Or, c'est un chantier que vous n'avez pas défriché. Ce rôle nous revient et c'est pourquoi nous avons l'ambition de répondre à vos questions. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Louis Carrère. Il ne fallait pas diminuer les impôts !
M. Gilles de Robien, ministre. Madame Beaufils, vous avez choisi de faire le procès de l'audit. C'est votre liberté ! (M. Jean-Louis Carrère s'exclame.) Monsieur Carrère, laissez-moi répondre à Mme Beaufils, qui est présente dans l'hémicycle !
Madame Beaufils, l'audit est une photographie des opérations qui sont actuellement à l'étude, réalisée avec les outils dont nous disposons. Ne nous reprochez pas une approche purement financière. Nous avons voulu, au contraire, offrir à la représentation nationale un ensemble complet. L'audit est une photographie, une vision technique et financière. Le rapport de la DATAR a une dimension prospective. Les rapports de vos collègues MM. Haenel, Gerbaud et de Richemont sur les sujets les plus sensibles complètent le dispositif. C'est une voie responsable pour organiser un débat démocratique. Je ne pense pas que vous nous reprochiez le débat d'aujourd'hui, parce qu'il est utile, et il nous reste encore plusieurs heures pour en faire la démonstration.
Vous regrettez que nous ayons abandonné le POLT ; ce n'est pas exact.
M. Daniel Reiner. L'audit l'a condamné.
M. Gilles de Robien, ministre. L'audit, qui est la photographie de la politique précédente, l'a en effet condamné, vous avez raison de le souligner, monsieur le sénateur. L'actuel gouvernement n'a pris aucune décision. Nous avons l'intention de trouver une solution. Toutefois, il faut le reconnaître, le prix du matériel roulant a été multiplié par deux par rapport aux prévisions, c'est un élément objectif.
Ne nous dites pas, madame Beaufils, que l'idéologie libérale nous paralyse. J'aurais souhaité que les gouvernements que vous avez soutenus aient pu nous offrir des solutions pérennes pour l'équipement de notre pays.
Ne nous dites pas, madame Beaufils, que l'environnement est absent de nos préoccupations : ce matin encore, l'ensemble du Gouvernement a travaillé pendant plus deux heures sur la définition concrète d'une stratégie de développement durable.
Ne nous dites pas, madame Beaufils, que nous ne sommes pas assez ambitieux en matière de fret ferroviaire. Qu'auriez-vous dit à cette tribune à mon prédécesseur qui, chaque année, perdait 1 % de parts de marché dans ce secteur ?
Alors, de grâce, tournons-nous vers l'avenir ! Mettez-vous à nos côtés pour que soit trouvé le moyen de sortir des incantations, des annonces, et pour dégager des moyens solides de financement ? Nous verrons alors quels sont vos choix.
Pour M. Haenel, la nouvelle bataille du rail, après la grande vitesse, concerne le fret ferroviaire.
M. Gérard Larcher. Eh oui !
M. Gilles de Robien, ministre. C'est également le sentiment du Gouvernement et je suis heureux que le spécialiste que vous êtes l'affirme haut et fort.
La France n'est pas au coeur de la « banane bleue ». En revanche, elle a des atouts : des façades maritimes, une position de transit, un savoir-faire reconnu. Il faut absolument exploiter ces points positifs. Notre opérateur ferroviaire doit s'impliquer, faire siens les objectifs que nous lui avons assignés. Vous avez dressé, monsieur Haenel, le tableau de ce que pourrait être à l'avenir l'Europe du rail ; tout doit être fait pour que notre opérateur national y ait toute sa place.
Il convient déjà de tirer parti des infrastructures existantes et de le mettre à niveau le cas échéant. Or, et j'insiste sur ce point, RFF doit pouvoir atteindre cet objectif. C'est pourquoi nous devons résoudre le problème de la dette.
La dette de RFF, mesdames, messieurs les sénateurs, s'élève à 23 milliards d'euros. Nous devons aussi, à moyen terme, trouver les moyens d'augmenter les péages, ne serait-ce que pour ne pas créer une rente de situation artificielle en faveur des opérateurs ferroviaires qui viendraient emprunter notre réseau.
M. Gérard Larcher. Eh oui !
M. Gilles de Robien, ministre. Ne serait-ce que pour cette seule raison, il faut que les péages traduisent un coût normal,...
M. Gérard Larcher. Progressivement.
M. Gilles de Robien, ministre. ... un coût économique, sinon la concurrence s'engouffrera dans cette brèche et prendra des parts de marché à notre opérateur.
M. Jean-Louis Carrère. Il y a d'autres effets.
M. Daniel Reiner. Il faut désendetter !
M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur Haenel, vos propositions sur le fret ferroviaire sont très abouties et je ne peux que vous féliciter de votre contribution très professionnelle, qui sera d'une grande utilité au Gouvernement et aux acteurs du système ferroviaire.
Monsieur Hoeffel, vous avez, à juste raison, comparé les équipements d'infrastructure aux investissements des entreprises.
M. Gérard Larcher. Très bien !
M. Gilles de Robien, ministre. Il existe néanmoins une différence, puisque des critères autres que financiers doivent intervenir, notamment le service public et l'intérêt général.
Si le Gouvernement a voulu ce débat, c'est justement pour éclairer les choix et les orientations. Je l'ai dit, le temps du choix politique est venu. Nous devons ensemble intégrer tous les facteurs : la répartition entre les modes de transports, l'environnement, la place de la France en Europe, dont vous avez si bien parlé, le développement de nos territoires, le réalisme financier et l'équité entre les différentes ressources.
La priorité, vous avez raison, va aux liaisons transeuropéennes. Nous sommes d'accord pour dire qu'il s'agit de la « donne incontournable de notre époque. » J'ai bien noté, monsieur Hoeffel, votre plaidoyer, porté par la force de vos arguments, en faveur du maintien de Strasbourg en tant que siège du Parlement européen. Il ne se passe pas de mois sans que Dominique Bussereau et moi-même recevions des lettres parfois brutales à propos de l'insuffisance des liaisons avec Strasbourg, qui émanent de parlementaires européens.
Vous avez évoqué la plurimodalité, qui doit comprendre, dites-vous, la voie d'eau. Je ne ferai pas preuve d'indifférence, et encore moins de condescendance, sur ce sujet.
J'ai longuement traité du canal Seine-Nord dans mon intervention liminaire, car on ne peut juger cet investissement à l'aune de la seule rentabilité socio-économique. D'ailleurs, si nous voulons faire des comparaisons avec les autres pays européens, nous devons revoir ce mode de calcul. Je le répète, une fois que nous aurons trouvé la somme de 1,2 milliard d'euros qui manque aujourd'hui, tout sera possible.
Le fret fluvial a encore augmenté de 7 % en 2002, ne l'oublions pas ! Il s'agit d'un domaine porteur - c'est le cas de le dire - qui se développe. J'ai d'ailleurs navigué récemment avec des responsables de Voies navigables de France sur la Seine, afin d'apprécier des travaux de confortement. Les voies d'eau de France ne sont pas en bon état. Il faut les mettre à niveau, c'est évident, et je vous remercie, monsieur Hoeffel, d'avoir rappelé la pertinence d'un fonds affecté.
Je vous remercie également de votre déclaration de confiance au Gouvernement - mais une déclaration de confiance de votre part était-elle nécessaire ? - pour tenter de relever cette ambition qui est un vrai défi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Louis Carrère. Il risque d'être déçu !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement, la lettre suivante :
« Monsieur le président,
« J'ai l'honneur de vous informer qu'en application de l'article 48 de la Constitution, et de l'article 29 du règlement du Sénat, le Gouvernement modifie l'ordre du jour prioritaire du jeudi 5 juin, le matin et l'après-midi :
« - Lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction ;
« - Deuxième lecture du projet de loi de sécurité financière.
« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'expression de mes sentiments les meilleurs.
« Jean-François Copé »
Acte est donné de cette communication et l'ordre du jour de la séance du jeudi 5 juin est ainsi fixé.
INFRASTRUCTURES 2003-2020
Suite d'un débat sur une déclaration du Gouvernement
M. le président. Nous reprenons le débat consécutif à la déclaration du Gouvernement sur les infrastructures 2003-2020.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour l'essentiel, les grandes infrastructures conçues et construites par la France royale puis jacobine convergeaient sur Paris, ou, autrement dit, elles partaient de Paris vers la province.
Je note au passage que ce terme de « province » est difficilement traduisible, voire compréhensible, pour nos amis européens : pour eux, une province, c'est un Land, une région, sans que le mot ait la connotation légèrement condescendante qu'il a en français.
M. Jacques Blanc. Eh oui !
M. Pierre Laffitte. D'autres Etats, bien entendu, ont doté leur territoire d'infrastructures nationales, lesquelles, évidemment, ne se connectent pas toujours avec les infrastructures des pays voisins.
On peut penser qu'il y a depuis que l'Europe existe, qu'elle prend des initiatives et des décisions, une volonté de construire des infrastructures véritablement européennes, de « quadriller » l'Europe par des structures adaptées à l'ensemble, puisque, tous, nous avons la conviction que les infrastructures de transport sont un élément fondamental de l'aménagement d'un territoire et, plus ce territoire est vaste, de sa structuration.
Mon groupe, le Rassemblement démocratique et social européen - européen ! - ne peut qu'applaudir aux initiatives bilatérales prises en la matière, lesquelles l'ont souvent été par la France. C'était du Paris-Bruxelles, ou encore du Paris-Londres ; curieusement, ce n'était pas encore du Paris-Strasbourg.
Strasbourg étant tout de même l'une des deux capitales européennes, on aurait pu concevoir que, pour la France comme pour l'Allemagne, depuis le traité de l'Elysée, il y a donc plus de quarante ans, doter Strasbourg à la fois d'un TGV et d'un aéroport digne de ce nom - c'est-à-dire international - soit devenu une priorité. Cela n'a pas été le cas. Nous le regrettons, car, à notre sens, ce devrait être une priorité politique.
Plusieurs orateurs, et notamment M. de Robien, l'ont dit, nous devons entrer dans l'ère du politique : le politique doit jouer son rôle. Il ne s'agit plus de mettre uniquement l'accent sur l'aspect économique.
Certes, l'aspect économique a son importance, et, pour ma part, je considère que les problèmes fondamentaux que soulève l'aménagement de notre territoire sont liés à la fois à la politique et à l'économie.
En 1989, il y a donc presque quinze ans, je militais déjà en faveur d'un TGV Barcelone-Milan passant par Nice et par Turin.
M. Jacques Peyrat. Bravo !
M. Pierre Laffitte. M. Peyrat, dont la région est concernée, est tout à fait d'accord. Le président de la SNCF d'alors, M. Fournier, avait demandé à ses services une étude économique. Le ministre de l'industrie catalan, que j'avais contacté, était, bien entendu, partant, et on sait avec quelle vélocité les Catalans s'engagent dans les opérations importantes ! Quant au président de la Commission européenne, à l'époque M. Delors, à qui j'avais demandé ce qu'il pensait de l'idée, il m'avait dit y être pour sa part très favorable ; il considérait que la Commission l'était aussi, mais que les Etats membres, eux, y étaient opposés. Et il est vrai que, à l'époque, les Etats, la France en particulier, ne voulaient pas de ce TGV.
Je pense cependant que les temps ont changé et, en particulier, qu'il y a maintenant une nouveauté.
Peut-être l'excellent et remarquable document de la DATAR que M. Delevoye a largement diffusé parmi nous, « La France en Europe : quelle ambition pour la politique des transports ? », n'a-t-il pas assez marqué d'intérêt pour le TGV qui, à partir d'Aix-en-Provence, irait jusqu'à Nice et éventuellement plus loin. Même s'il est évoqué, il ne l'est pas avec autant de force que nous le voudrions, et je laisse d'ailleurs à mon ami Jacques Peyrat le soin d'évoquer ce point plus longuement, parce qu'Aix-Marseille et Nice-Turin sont des éléments du projet, qui était peut-être un peu trop en avance, de liaison Barcelone-Milan.
S'agissant de ce projet, je parlerai surtout du tronçon Turin-Nice, ou Nice-Turin,...
M. Jacques Peyrat. Bien sûr !
M. Pierre Laffite. ... Laissant à M. Peyrat le soin de traiter de la liaison vers l'est, vers notre capitale régionale Marseille et, surtout, vers Paris.
Le Turin-Lyon a deux avantages majeurs : d'abord, il permet de renforcer la crédibilité et surtout l'économie de la ligne, dont la rentabilité devrait presque doubler d'après les études préliminaires faites par l'un de mes amis, M. René Mayer, ingénieur général des ponts et chaussées, auteur d'une splendide étude, largement diffusable et qu'il faudra largement diffuser ; ensuite, il renforce le maillage et permettrait éventuellement d'éviter une catastrophe si l'axe nord-sud de l'Europe, à savoir la vallée du Rhône, devenait, pour une raison quelconque, inutilisable. Pour les spécialistes des techniques routières ou ferroviaires, il y a là quelque chose d'assez courant : il faut toujours avoir des possibilités de rechange.
On ne peut pas faire dépendre d'une seule voie déjà saturée comme l'est le sillon rhodanien l'ensemble de l'Europe du nord et du sud, surtout si l'on tient compte du nécessaire ferroutage, des migrations saisonnières des populations attirées par le soleil et du fait qu'il n'est pas impossible qu'un acte terroriste conduisant à une catastrophe économique majeure puisse se produire.
Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'il est temps que l'Europe finance des infrastructures concernant plusieurs pays et susceptibles d'offrir des avantages dont le premier serait d'être rentables et d'assurer un cash flow ?
Nous pensons qu'il y va de l'intérêt de l'Europe et de la France en particulier, tant il est vrai que notre pays est une plate-forme, comme cela a été dit et répété. Le trafic de l'est vers l'ouest notamment va augmenter, nous en avons la certitude, ne serait-ce que sur la petite autoroute qui passe sur la Côte d'Azur. Ainsi, le nombre des camions qui vont des Pays-Bas vers la Hongrie et celui de camions hongrois, polonais et slovènes qui se dirigent vers l'Espagne ne cessent de croître. Cela crée une situation extrêmement dangereuse pour toute une série de raisons : cela abîme les autoroutes, complique le trafic local et aggrave l'effet de serre, d'où la nécessité d'un aménagement du territoire assurant le développement durable.
Nous ne sommes pas pour le tout-ferroviaire, mais nous ne sommes pas non plus pour le tout-routier, d'autant que le tout-routier consomme de précieux mètres carrés.
Par conséquent, la « plate-forme France » et l'Europe structurée méritent une action européenne, et je crois pour ma part, monsieur le ministre, que le Conseil des ministres européens des transports devrait prendre des initiatives en vue du lancement d'un grand programme de travaux, cohérent et solide, qui serait financé par des contributions des Etats, bien entendu, et par des prêts à long terme de la Banque européenne d'investissement. En France, ce programme devrait concerner en priorité, cela va de soi, les départements frontaliers, là où s'opère le raccordement avec les infrastructures créées depuis des siècles par les pays voisins.
Mes collègues des Alpes-Maritimes savent comme moi que ces infrastructures nouvelles sont nécessaires. Cela est particulièrement évident lorsque les contrôleurs aériens nous prennent en otages, nous qui vivons si loin de Paris. La population active de notre département, qui est nombreuse et dont le travail engendre des rentrées de devises importantes, dans les secteurs tant de la haute technologie que du tourisme, se trouve alors entravée, ce qui constitue pour notre économie locale un inconvénient majeur. Etre situés en bout de ligne, à mille kilomètres de Paris, est tout à fait gênant, voire catastrophique quand la situation est proche de la saturation. Pour l'ensemble des forces vives de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, pour tous les élus régionaux, qu'ils soient de droite ou de gauche, qu'ils soient communistes, socialistes, radicaux, membres de l'UMP, de l'UDF ou même du Front national, cette question est d'une importance vitale. Notre débat d'aujourd'hui doit permettre d'organiser le futur, et je remercie monsieur le M. le ministre d'en avoir pris l'initiative.
Les pays européens sont-ils prêts à engager de tels investissements ? L'euro en souffrirait-il ? Je ne le crois pas et, même s'il devait en souffrir quelque peu vis-à-vis du dollar, je doute que beaucoup d'industriels européens jugent qu'il serait catastrophique que l'euro ne continue pas à s'apprécier. Au contraire, il ne serait probablement pas mauvais pour l'économie et l'emploi en Europe que notre monnaie soit un peu plus faible par rapport au dollar ; tel est d'ailleurs le point de vue de la plupart des économistes.
Il conviendrait donc, à mon sens, de mener une action de relance, et ce en dehors du pacte de stabilité. A cet égard, ce dernier n'a pas forcément pour objet, me semble-t-il, de pénaliser les Etats s'ils réalisent des investissements ! Je n'ai jamais entendu dire qu'il soit a priori mauvais qu'une entreprise privée procède à de nombreux investissements ! Certes, il ne faut pas qu'elle aille trop loin dans cette voie, mais il ne faut pas non plus qu'elle renonce totalement à s'endetter. Comme le prônait tout à l'heure M. le président, nous devons comparer l'action d'un Etat à celle d'un entrepreneur, et considérer de la même manière un investissement en vue de la construction d'une autoroute et un investissement consenti par une entreprise : la dépense est incorporée au bilan.
D'ailleurs, la commission des finances, en général extrêmement vigilante quand il s'agit des dépenses publiques, a estimé qu'il était positif de réaliser des investissements devant permettre un meilleur fonctionnement de l'économie dans le futur. M. Marini a jugé que c'était là un paradoxe ; quant à moi, cela me paraît tout à fait normal !
Ce point me semble d'autant plus important que les temps sont mûrs. Ainsi, nos amis Allemands, traditionnellement très sourcilleux en matière de dépenses, seraient sans doute heureux que nous prenions avec eux une initiative en ce sens à Bruxelles, à l'heure où la présidence de l'Union européenne est assurée par l'Italie, qui partage notre avis. Une occasion s'offre donc à nous, monsieur le ministre, d'améliorer la compétitivité européenne.
J'en reviens maintenant à la question du projet spécifique de TGV sud-européen. Renforcer la cohésion économique et culturelle de l'arc méditerranéen est une idée chère à notre délégué à l'aménagement du territoire. Cet arc est d'ores et déjà une réalité. Dans l'optique des nouvelles priorités définies en matière d'aménagement du territoire, s'agissant notamment de la création de lignes à grande vitesse, relier l'Italie du Nord à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur permettrait de donner un coup de fouet phénoménal à cette dernière, mais aussi aux régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon. Ce serait là, à mon sens, un important facteur de rénovation pour la partie méditerrannéenne et sud-ouest de la France, une occasion de réviser les priorités actuelles. Le projet clé, dans cette affaire, est celui du segment Nice-Turin. Sa réalisation coûterait beaucoup moins cher que celle de la liaison Turin-Lyon, qu'elle rendrait en même temps plus crédible et envisageable à plus court terme. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la politique des transports constitue l'une des grandes responsabilités du Gouvernement. Au-delà de ses effets économiques et environnementaux, cette politique doit affirmer la vision de l'Etat en matière d'aménagement du territoire et exprimer la solidarité nationale vis-à-vis des zones géographiques les plus enclavées.
Cette responsabilité doit se traduire par des engagements précis. Certains, fort importants, ont déjà été pris dans le passé. Je n'en citerai que deux, à titre d'exemple : le schéma de services collectifs des transports, visant à un meilleur équilibre entre les divers modes, et les lois Pasqua et Voynet, garantes de la solidarité nationale pour tous les territoires situés à plus de quarante-cinq minutes d'une grande infrastructure.
La mise en oeuvre de ces engagements nécessite une réelle volonté de concertation. La création de la Commission nationale du débat public illustre bien cette nécessité, qui est ressentie, d'ailleurs, par tous les acteurs du développement.
« Un territoire mal desservi verra presque toujours son avenir compromis » : ce constat de la délégation parlementaire à l'aménagement et au développement durable du territoire est terrible. Il doit être rapproché des conclusions de l'étude prospective de la DATAR, intitulée : La France en Europe : quelle ambition pour une politique des transports ? Cette étude met en exergue l'accessibilité très médiocre à douze départements. Mon intervention portera sur l'action gouvernementale en faveur de ces départements, en matière d'aménagement du territoire et de solidarité, au travers de la politique des transports. J'illustrerai mon propos par le cas de l'Ardèche, celui des douze départements en question que je connais le mieux.
En termes de méthode, le constat est négatif.
Tout d'abord, la concertation est inexistante, ou traîne en longueur. En témoigne par exemple le renvoi incessant de la tenue du débat public sur le couloir rhodanien, que M. Jean-Claude Gayssot avait pourtant prévue pour le début de 2003, sur ma demande en particulier. Vous vous étiez d'ailleurs engagé ici même, monsieur le ministre, le 6 décembre 2002, à ce que ce débat ait lieu.
Ensuite, les études n'avancent pas, à moins - ce serait plus grave encore - que le black-out n'ait été fait sur les études qui auraient pu être réalisées pour trouver une solution à l'engorgement progressif de l'autoroute A 7.
Enfin, la surmédiatisation d'un audit commandé par le Gouvernement vient troubler la lisibilité politique en tranchant parmi les solutions avant même que le débat public n'ait commencé.
En termes d'engagement gouvernemental, le constat est encore plus négatif, avec une politique floue en matière d'intermodalité, voire un désengagement au travers des projets de décentralisation de la gestion des routes nationales, une démission au regard de l'équilibrage entre les territoires et un abandon des objectifs de soutien aux zones les plus fragilisées, une absence de ligne directrice dans la gestion des projets qui ouvre la voie à une véritable foire d'empoigne dans laquelle chacun essaiera de faire valoir ses intérêts.
Devant ces constats, quelles sont les mesures concrètes qui auraient dû être prises et que le Gouvernement peut encore mettre en oeuvre ?
En termes de méthode tout d'abord, il convient de sortir de l'approche théorique du problème en accélérant la réalisation des études nécessaires et en communiquant sans délai les résultats aux acteurs locaux. Il faut organiser l'indispensable concertation en lançant immédiatement des débats publics, à l'instar de celui qui a été promis au sujet du couloir rhodanien.
En termes d'engagement de l'Etat ensuite, celui-ci est tout particulièrement indispensable sur le plan financier, compte tenu des faibles possibilités contributives des collectivités les moins favorisées. L'Ardèche est très directement concernée à cet égard.
Il incombe aussi à l'Etat d'établir un véritable plan d'investissement, à mettre en oeuvre dans un délai raisonnable. Cela peut se traduire, en prenant toujours l'exemple ardéchois, par la réalisation de voies expresses à partir des infrastructures existantes.
Il est en outre de la responsabilité de l'Etat de mobiliser tous ses moyens, par le biais, par exemple, de l'affectation d'une partie du produit de la TIPP ou encore d'un meilleur usage des cahiers des charges des concessions existantes ou futures pour compléter les infrastructures autoroutières et les relier aux autres grandes infrastructures nationales, afin que puissent être résolus des problèmes particuliers, tels que le nombre insuffisant de franchissements du Rhône en Ardèche.
En termes de responsabilité enfin, le développement de l'intermodalité est, certes, une préoccupation constante, mais le traitement de cet aspect important du développement des transports ne doit pas faire oublier l'obligation de solidarité nationale vis-à-vis des territoires les plus enclavés, qui doivent faire l'objet d'un traitement particulier, et même, devrais-je dire, prioritaire,...
M. Michel Moreigne. Très bien !
M. Michel Teston. ... afin qu'ils ne restent pas à l'écart du développement économique.
En conclusion, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, le rôle de l'Etat est de mettre en place des infrastructures cohérentes avec une politique d'aménagement du territoire durable et ambitieuse. Il est aussi de favoriser par tous les moyens une solidarité réelle entre les territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma collègue et amie Marie-France Beaufils a déjà eu l'occasion de souligner combien le soutien public au développement des modes de transport autres que la route, notamment pour le fret, constituait une impérieuse nécessité, au regard d'enjeux socioéconomiques dépassant le cadre national.
Au même titre que le rail, indispensable au nécessaire rééquilibrage modal, les voies fluviale et fluvio-maritime présentent, du point de vue du décongestionnement routier, mais aussi de celui de la sécurité du transport de marchandises dangereuses, un intérêt majeur. Or nous constatons en ce domaine un véritable recul par rapport aux engagements du précédent gouvernement.
Ainsi, la réalisation de la liaison Seine-Nord serait repoussée au-delà de 2020, rendant - soyons sérieux ! - son exécution tout à fait hypothétique.
Cette liaison répond pourtant à des impératifs écologiques avérés, étant donnée la saturation du corridor nord aussi bien routier que ferroviaire liée à l'absence d'une politique visant la mise en cohérence intermodale et à l'insuffisance de valorisation des plates-formes multimodales, comme celle de Dourges par exemple. Cette dernière a considérablement accru le trafic des poids lourds sur l'axe A 1, créant des nuisances à la limite du supportable.
Outre les effets d'entraînement à attendre sur le plan économique de la connexion des voies navigables du nord, mais aussi des canaux européens, cette liaison devrait permettre d'alléger en fret routier toute la région d'Ile-de-France.
Doit-on rappeler que des moyens de financement pour moderniser cet axe fluvial ont été prévus au contrat de plan Etat-région ? Le dispositif élaboré par le précédent gouvernement, associant les contributions de l'Etat pour un milliard d'euros, celles de l'Union Européenne pour 500 millions d'euros et celles, à hauteur de 500 millions d'euros, des trois régions impliquées, ne paraît absolument pas irréaliste, contrairement à ce que tend à affirmer le Gouvernement !
De même, le projet d'écluse fluviale de Port 2000 devrait être maintenu. L'écluse entre son nouveau bassin et la Seine permettrait une réduction du trafic routier poids lourds assurant les liaisons entre les ports d'Anvers, de Rotterdam et de l'ensemble de la région d'Ile-de-France.
Nous avons besoin aujourd'hui d'une politique active dans le domaine fluvial et fluvio-maritime. Il devient urgent de moderniser notre réseau et d'assurer des connexions avec les fleuves européens - Rhin, Main, Danube - mais aussi avec le Mittland Kanal, afin de valoriser les atouts économiques liés à une unification de l'Europe de l'ouest, centrale et orientale, et ce face aux perspectives de l'élargissement de l'Union européenne.
Nous sommes également favorables à la liaison Rhin-Rhône, via la Moselle, qui permettrait de désenclaver les régions Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Languedoc-Roussillon, en les ouvrant sur l'Europe du nord, centrale et orientale. Il s'agit là d'impératifs économiques si nous ne voulons pas rester à l'écart de la dynamique européenne.
Certes, le financement d'un tel projet, dont le coût est estimé à 23 milliards d'euros, ne sera pas assuré si nous ne bénéficions pas de contributions européennes conséquentes et si nous ne mobilisons pas des fonds autour d'un pôle public de financement associant la Caisse des dépôts et consignations, la Compagnie nationale du Rhône - ce qui serait plus efficace que de la privatiser - , les chambres de commerce et d'industrie et les collectivités territoriales dans la mesure de leurs possibilités. Il va de soi que cette liaison fluviale n'a d'intérêt et ne sera efficace que si elle est complétée par un axe ferroviaire Rhin-Rhône dédié au fret.
Dans la même optique, il est également nécessaire de développer le cabotage maritime. Ainsi, entre Marseille-Fos et les principaux ports de l'arc méditerranéen, ce mode alternatif offre une réelle solution à la saturation actuelle de l'axe Est-Ouest reliant la péninsule Ibérique, la France et l'Italie. Il permettrait aussi de valoriser les atouts économiques de ce grand port européen, dont les retombées bénéficieraient à toute la région sud.
Je n'ai guère le temps de développer mon propos sur d'autres projets. Je remarque que le mode de transport fluvial est véritablement marginalisé et que le Gouvernement ne semble lui accorder qu'un très faible intérêt.
C'est, une fois de plus, exclure la France des bénéfices du dynamisme de l'Europe, surtout dans la perspective de son élargissement à l'est, et la contraindre toujours plus à subir la pollution et les nuisances liées à l'hégémonie de la route. En ce domaine, comme dans d'autres, le manque de volontarisme politique risque de nous faire passer à côté des principaux enjeux d'avenir. Nous ne saurions donc approuver une telle politique, si peu ambitieuse, si peu consistante, compromettant l'aménagement harmonieux de notre territoire au prétexte d'insuffisants moyens financiers, sacrifiant des projets d'utilité publique et sociale au profit des normes de rentabilité dictées par les marchés financiers ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Monsieur le ministre, je veux d'abord vous remercier d'avoir organisé ce débat à partir du rapport d'audit qui nous a été remis il y a quelque temps.
A partir de ce rapport, vous avez posé trois questions, auxquelles je vais tenter de répondre : Comment jugez-vous les infrastructures existantes ? Faut-il ralentir ou accélérer l'effort d'équipement ? Comment financer cet effort ?
Je dois dire que, contrairement à l'opinion de certains, ce rapport d'audit, il me plaît bien ! (Sourires.) C'est une oeuvre qui n'est pas dénuée d'humour.
L'un des auteurs de cet ouvrage était venu, il y a deux ans, passer quelques mois à Lyon avec pour tâche de convaincre l'ensemble des collectivités de signer une convention de financement pour un grand équipement. Dans le rapport d'audit, il a expliqué, bien entendu, que ce grand équipement était trop cher, mal ficelé et qu'il ne fallait surtout pas s'y engager.
Tout cela ne peut que nous conduire à faire preuve d'une certaine humilité face aux questions qui nous sont posées et à regarder les choses à deux fois avant de prendre une décision finale.
Pour moi, ce rapport d'audit a un second avantage : montrer, tout simplement, que, dans ce pays, quand on ne fait rien, on fait des projets.
A la fin, le projet tue le projet, parce que plus il y a de projets, moins on fait de choses.
D'abord, plus on en fait et plus on accumule les adversaires des projets (M. Guy Fischer sourit) ; ensuite, on a tellement de projets qu'on ne sait plus lequel mener à bien, qu'on ne fait rien et qu'on se trouve bloqué.
On décide alors de faire un grand débat public, qui occupe six mois. Les gens qui sont contre louent des cars pour aller aux diverses réunions, pour expliquer qu'ils sont contre ; ceux qui sont pour louent d'autres cars pour aller expliquer aux mêmes réunions qu'ils sont pour, et on occupe ainsi pendant quelques mois des hauts fonctionnaires.
De l'argent est investi dans les affaires et on achève le grand débat public en disant : ce ne serait pas mal si on passait à gauche, mais ce ne serait pas inintéressant non plus de passer à droite, enfin, on verra bien !
Le grand débat public est terminé et, bien entendu, on peut ensuite demander à un comité d'audit d'examiner tout cela.
Voilà ce que l'on a fait ces dernières années : on a accumulé les projets, on a soulevé des espoirs, on a suscité des adversaires aux projets, et on en est resté là.
Et aujourd'hui, nous voici devant un vaste problème de sous-équipement, qu'il nous faut, ensemble, prendre en considération.
M. Jean-Louis Carrère. Il ne faut pas exagérer !
M. Michel Mercier. Monsieur le ministre, pour ce qui me concerne, je ne vous demanderai pas de faire tout ce qui est prévu ou, en tout cas, ce dont on parle dans ce rapport.
Je vous demanderai d'abord, et avant tout, de faire des choix, de dire très clairement quels sont les équipements qui semblent prioritaires pour notre pays et quels sont les motifs qui nous conduisent à faire tel ou tel choix.
En tout cas, il faut opérer un certain nombre de ruptures car on ne pourra pas continuer comme par le passé.
Il faut admettre qu'on ne pourra pas tout faire : on ne pourra pas construire des aéroports partout, on ne pourra pas doubler partout les autoroutes, on ne pourra pas non plus réaliser partout de nouvelles lignes de chemin de fer, mais on peut faire des choix clairs.
Un choix s'impose d'emblée : il nous faut réévaluer le mode ferroviaire et consentir un effort en faveur du transport fluvial.
Je regrette beaucoup que la Compagnie nationale du Rhône n'ait pu mener à bien ses projets et achever la liaison entre Marseille, Lyon et l'Europe du Nord, au besoin en définissant un nouveau tracé. En tout état de cause, ces choix nouveaux doivent être guidés par le souci de promouvoir l'intermodalité.
Je vais maintenant associer à mon propos mon collègue Jean-Paul Amoudry, qui, comme tous nos collègues savoyards, est retenu dans sa région par le sommet du G8.
Je voudrais considérer les questions qui nous sont posées au travers du prisme de la rupture dont j'ai parlé et des choix qui doivent être faits en prenant pour exemple la région Rhône-Alpes et, particulièrement, le département du Rhône.
Il est bien évident, que de ce point de vue, la liaison ferroviaire Lyon-Turin a un caractère à la fois novateur et essentiel. Vous avez souligné à juste titre, monsieur le ministre, que la réalisation de cette liaison reposait sur un traité international et qu'il était normal que la France honore sa signature. Je peux vous donner acte de cette déclaration. C'est un point essentiel. Toutefois, la liaison Lyon-Turin ne se fera pas du jour au lendemain. Certaines conditions doivent être remplies et nous connaissons le coût de l'infrastructure.
Il me semble qu'en l'occurrence plusieurs objectifs doivent nous guider.
Sur l'infrastructure actuelle, la SNCF peut faire mieux en matière de transport de fret. L'objectif premier est en effet d'alléger le trafic routier dans les vallées et dans la région lyonnaise. Depuis qu'un certain nombre de tunnels ont été fermés pour des raisons de sécurité, la circulation des camions s'est beaucoup accrue, notamment sur les autoroutes de contournement de l'agglomération lyonnaise. La SNCF doit prouver que le fret peut être transporté autrement que par camion dans ce secteur.
Il faut, me semble-t-il, accélérer la réalisation de la liaison rapide entre Chambéry et Saint-Exupéry, pour rapprocher Lyon de Chambéry, certes, mais aussi pour donner tout son sens à l'aéroport Saint-Exupéry. Voilà un exemple clair et simple de la rupture qui peut être opérée par rapport aux choix qui n'ont pas été faits dans le passé.
J'évoquerai brièvement les liaisons autoroutières.
A l'ouest de Lyon, il n'y avait rien puisque la A 47 n'est pas forcément considérée comme une autoroute. Et tout d'un coup, il y en aurait trois ! En réalité, prétendre vouloir saucissonner le territoire tous les vingt kilomètres par une autoroute, c'est faire en sorte qu'il n'y en ait aucune en rassemblant tous les adversaires de ces équipements.
Habituellement, on construit généralement les autoroutes dans les vallées. Or le dernier Comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire aurait décidé de construire une autoroute sur un plateau : il faudra y monter et en descendre. Rien n'est prévu de ce point de vue.
Il est pourtant urgent de relier correctement le bassin stéphanois et l'agglomération lyonnaise. Cela pourra être fait bien avant 2015 en améliorant les voieries autoroutières existantes.
A Givors, il faut refaire les ponts nécessaires pour franchir le Rhône ; il faut améliorer les voies à l'est de Lyon et celles qui mènent à l'aéroport Saint-Exupéry, améliorer la sécurité dans la vallée du Giers.
L'ensemble de ces travaux montreraient de façon tangible que la liaison entre Lyon et Saint-Etienne est considérée comme essentielle. Ils correspondent en tout cas au souhait qu'a exprimé la communauté de Saint-Etienne Métropole il y a quelques jours, même si d'autres équipements devront par la suite être mis à l'étude et réalisés.
S'agissant du financement, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi de formuler quelques brèves observations.
Il est bien certain qu'il faut trouver des ressources nouvelles, mais celles-ci ne doivent pas être trouvées auprès des collectivités territoriales, dans les sommes versées au titre de la décentrralisation.
Demander aux collectivités territoriales de financer ces grands équipements autoroutiers alors même que nous ignorons quelles seront les conditions de la décentralisation et des transferts dans le domaine des routes nationales secondaires serait en effet particulièrement difficile.
Nous sommes d'accord sur le fait qu'une ressource nouvelle tirée du transport, que ce soit la taxe intérieure sur les produits rétroliers, la TIPP, ou une autre taxe sur le transport, doit assurer ce financement : le coût du transport ne peut pas être toujours la variable d'ajustement des prix !
Il est bien normal de demander à la grande distribution, qui, avec ses modes d'approvisionnement des magasins et ses centres de logistique, induit un nombre extrêmement important de camions, de participer au paiement des infrastructures de transport.
On peut aussi demander aux usagers de payer. Cela a été fait, même en milieu urbain, dans notre région. Ce n'est jamais facile, mais c'est une question de courage politique : si l'on veut des infrastructures, il faut bien les payer !
Bref, monsieur le ministre, ce dont j'ai voulu vous faire part ce soir s'articule autour d'un seul thème : puisque nous ne pouvons pas tout faire, il nous faut opérer des choix tant sur les financements que sur les équipements qui seront retenus. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Denis Badré.
M. Denis Badré. Je vous remercie, messieurs les ministres, d'avoir engagé ce débat, qui vient à son heure.
Lorsqu'on analyse, en effet, les atouts de la France dans le monde ouvert d'aujourd'hui, on cite bien sûr « la France où il fait bon vivre », la « qualité de nos formations » et l'« excellence de nos compétences », mais aussi, très vite, le fait que la France est extraordinairement bien située en Europe et qu'elle dispose d'un remarquable réseau de communications et de télécommunications lui permettant de valoriser son excellente situation.
Cet avantage, cependant, est éminemment fragile. Même si les temps sont difficiles - précisément parce que les temps sont difficiles - , notre effort d'investissement doit être poursuivi sans relâche.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que nos principaux échanges se font avec nos partenaires de l'Union européenne. C'est donc bien à cette échelle et avec un souci constant d'harmonisation au niveau de notre continent que nous devons raisonner.
Sur la base de ces deux observations, liées d'une part à la compétitivité de la France dans l'Europe et de l'Europe dans le monde, d'autre part à la situation de la France dans l'Europe, je suggère d'adopter une démarche résolument européenne.
Le rapporteur spécial du budget européen de la commission des finances que je suis croit beaucoup, mes chers collègues, en l'idée des réseaux transeuropéens. J'ai été amené à vous le dire en présentant les budgets européens, année après année, mais j'insiste de nouveau sur ce point. Ces réseaux transeuropéens sont, en effet, à la fois créateurs d'emplois et constructeurs d'une Europe dont ils rapprochent les citoyens et dans laquelle ils favorisent les échanges.
Malheureusement, la ligne budgétaire spécifique excessivement banalisée apparaît toujours seulement comme un « guichet » parmi d'autres, ouvert pour saupoudrer des soutiens financiers à des projets présentés par les Etats.
De plus, les crédits de cette ligne budgétaire ne sont ni engagés ni consommés au rythme où ils devraient l'être. Cette bonne idée des réseaux transeuropéens n'a donc pas vraiment connu jusqu'ici le succès qu'elle méritait.
La Commission européenne s'en est rendu compte : elle vient de lancer un nouvel appel à projet, calé, cette fois, sur des critères plus stricts. Je crains cependant que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets ; à moins, monsieur le ministre, que nous ne parvenions à introduire une rupture radicale - une de ces ruptures qu'évoquait M. Mercier à l'instant - dans nos raisonnements, par exemple en cherchant à privilégier les opérations auxquelles l'Europe donnerait vraiment un sens et qui, de ce fait, donneraient une bonne image de l'Union européenne à l'ensemble de ses citoyens.
C'est dans cet esprit, vous le savez, monsieur le ministre, que nous nous sommes rapprochés de nos amis autrichiens. Les responsables des groupes d'amitié parlementaires respectifs, France-Autriche et Autriche-France, ont attiré l'attention du président de la Commission européenne, non pas selon des démarches nationales concurrentes visant à défendre, qui le Lyon-Turin, qui le Brenner, mais en posant conjointement l'ensemble du problème du transit à travers les Alpes. Il n'est plus question de soumettre à Bruxelles des projets nationaux concurrents, mais de relever un défi européen.
Cette démarche a été engagée dans un réel souci de complémentarité et de cohérence avec les initiatives très intéressantes à tous égards déjà lancées par nos voisins suisses. L'Italien Romano Prodi n'est évidemment pas insensible à ce type de démarche parlementaire franco-autrichienne puisque l'Italie est nécessairement impliquée.
Il s'agit là d'un sujet qui contribue à la construction de l'Europe puisqu'il rapproche son Nord et son Sud. Cela ne doit pas être oublié en un temps où l'élargissement conduit plutôt - et c'est très légitime - à mettre l'accent sur les relations Est-Ouest.
Le thème des percées alpines concerne au premier chef la France et l'Autriche, mais intéresse aussi de très près l'Italie, ainsi que je l'ai souligné, l'Allemagne, la Slovénie et, moins directement, le Benelux, les pays scandinaves, la Grèce. Le tunnel du Mont-Blanc se situe en fait sur une route Helsinki-Patras. Ce n'est pas une raison suffisante pour faire monter les poids lourds à 1 200 mètres d'altitude ! La Confédération helvétique est d'ailleurs en train de démontrer qu'il est possible de traverser le massif alpin pratiquement sans dépasser 500 mètres d'altitude.
L'Europe ne doit-elle pas, en effet, se consacrer en toute priorité à la protection du massif alpin, coeur de notre continent, dont nous connaissons à la fois les fragilités et tout le prix.
En faisant traiter par l'Europe, au titre des réseaux transeuropéens, un premier grand sujet emblématique, celui des percées alpines, nous saisirions une double opportunité.
S'agissant d'abord des infrastructures de transport, nous pourrions montrer que, comme chacun de ses Etats membres, l'Union européenne doit, à son échelle, se préoccuper de se doter d'infrastructures de transport qui servent sa compétitivité globale dans le monde, donc la compétitivité de chacun de ses membres. Serait-il absurde que certains ouvrages soient considérés comme étant de classe européenne et financés comme tels ? Cela, bien sûr, n'exclurait nullement les financements nationaux ou régionaux. Simplement, l'ordre des facteurs serait inversé : au lieu de venir en appoint, l'Union aurait un rôle pilote sur ces ouvrages réellement structurant pour l'Europe. Nous donnerions ainsi une nouvelle dimension à la politique européenne des transports.
Certes, il faut continuer à harmoniser les manières de faire des Etats, mais on doit faire plus et mieux en cherchant les voies et moyens d'un élan commun nouveau profitable à tous.
La seconde opportunité qu'offre la démarche proposée est au moins aussi intéressante. Elle concerne la nécessaire relance de la construction européenne, et j'interviens donc là de manière encore plus politique.
La relance de la construction européenne semble complètement en panne depuis la guerre en Irak. Nos futures institutions se cherchent et les Européens se sentent toujours bien peu concernés par une Union qui, bien ou mal, continue de se construire trop largement sans eux.
Reprenons notre idée : avec ses partenaires les plus directement concernés, la France pourrait proposer un grand projet européen identifiable, concret, qui montrerait que l'Europe, c'est utile, et que sa construction progresse. Si l'Europe élargie doit disposer de bonnes institutions, si l'Union doit acquérir toute sa dimension politique, elle doit aussi apparaître lisible et concrètement utile.
L'initiative proposée conjuguerait assez heureusement compétitivité économique et protection de la nature. Elle soulignerait symboliquement l'importance des réseaux de transport dans une Union qui entend d'abord rapprocher les hommes. Elle montrerait très simplement que, dépassant leurs points de vue respectifs et leurs concurrences, nos nations peuvent réellement s'unir autour d'objectifs communs et porteurs d'avenir. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et sur quelques travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, voilà quelques années, en tant que rapporteur de la commission des affaires économiques, j'avais indiqué, concernant la réalisation de la ligne ferroviaire à grande vitesse sur la façade méditerranéenne, qu'on ne pouvait saisir dans toute sa dimension l'accord de Madrid si l'on n'avait pas présent à l'esprit que la section internationale de Figueras à Perpignan n'était que le premier élément d'une ligne nouvelle à grande vitese reliant Barcelone à Nîmes, et que c'était donc dans le cadre du projet global Perpignan-Nîmes qu'il fallait analyser l'ensemble des implications, selon une logique non seulement française mais aussi européenne.
Je réaffirme aujourd'hui que ce projet associant grande vitesse et fret constitue la meilleure des réponses à apporter à la croissance soutenue des échanges entre la France, l'Espagne, le reste de l'Europe et l'Afrique du Nord. C'est la garantie d'un véritable rééquilibrage intermodal rail-route et d'une réelle prise en compte de la préservation de l'environnement et du développement durable.
Monsieur le ministre, le trafic fret global transpyrénéen explose : 50 millions de tonnes en 1995 et, vraisemblablement, 153 millions en 2015. Or le Languedoc-Roussillon réalise les deux tiers du trafic franco-espagnol. Si rien n'est fait, les échanges vont se reporter sur la route, alors que celle-ci est déjà presque à saturation avec 59 000 véhicules par jour, dont 14 000 poids lourds, sur l'autoroute A 9.
Nous sommes près de l'asphyxie. Qu'en sera-t-il demain avec le doublement des échanges ?
Aujourd'hui, à la frontière espagnole, la part du rail est très faible : 4 % des 33 millions de voyageurs, dans les deux sens, et 4,5 % seulement des quelque 50 millions de tonnes transportées chaque année.
Si l'on veut assurer le rééquilibrage rail-route et décongestionner les réseaux routier et autoroutier sur cet axe, il faut en passer par le projet de ligne nouvelle à grande vitesse Perpignan-Nîmes, qui offrirait l'opportunité de créer une véritable autoroute ferroviaire entre l'Espagne, la France, l'Europe du Nord et l'Italie.
M. Jacques Blanc. Très bien !
M. Roland Courteau. Après bien des vicissitudes, le « coup » est parti pour l'étape clef, c'est-à-dire la liaison internationale Figueras-Perpignan, par le franchissement pyrénéen.
Reste à faire sauter ce qui constituera deux goulets d'étranglement dès la mise en service du Barcelone-Perpignan : je veux parler des points durs de saturation entre Nîmes et Montpellier, d'une part, et entre Montpellier, Narbonne et Perpignan, d'autre part.
A défaut, les effets positifs de la levée du verrou pyrénéen pourraient se faire beaucoup moins sentir, car les contraintes de saturation brideront assurément la demande.
Au contraire, une nouvelle ligne à grande vitesse de Perpignan à Nîmes aurait un effet catalyseur.
Ainsi, le contournement de Nîmes et de Montpellier permettrait, lors de sa mise en service, un accroissement de 50 % du nombre de circulations ferroviaires sur l'arc languedocien et une augmentation du trafic fer de 4,5 millions de tonnes et, dans le cadre du projet global, de plus de 10 millions de tonnes, soit 3 000 poids lourds de moins par jour sur l'autoroute A 9.
Quant au « chaînon manquant » Montpellier-Perpignan, qui sera à saturation dès 2010, comme je le précisais dans mon rapport de 1997, sa réalisation aurait un impact certain puisque l'on estime que le nombre de voyageurs empruntant le train pourrait quasiment tripler, avec 3 millions de voyageurs, tandis que le tonnage serait porté à 12 millions de tonnes, contre 2,2 millions aujourd'hui.
Or, si le contournement de Nîmes-Montpellier est jugé prioritaire par l'audit - c'était le moins que l'on puisse en attendre - en revanche, le tronçon Montpellier-Perpignan, avec raccordement à Narbonne, sur la transversale vers Toulouse et Bordeaux, est totalement oublié. Cherchez l'erreur !
M. Jean-Pierre Plancade. En effet !
M. Roland Courteau. On ouvre une porte, et on en ferme une autre. C'est à n'y rien comprendre !
Au nom de quelle logique peut-on maintenir pendant un quart de siècle ce que l'on nomme déjà le « maillon faible » des deux plus grands axes européens de lignes nouvelles à grande vitesse : l'axe Londres-Séville par Montpellier et Perpignan, et l'axe Allemagne-Espagne, grâce, demain à la réalisation de Rhin-Rhône ? Bref, à ce stade, et dans un contexte de croissance exponentielle des échanges, de très forte augmentation du trafic routier et autoroutier et de saturation du ferroviaire entre Montpellier et Perpignan, persister dans l'erreur serait particulièrement grave et révélateur d'une politique à courte vue, bien loin d'être à la hauteur des enjeux.
Monsieur le ministre, il y a les grands projets d'infrastructures en matière d'aménagement du territoire national, et puis il y a les très grands projets transfrontaliers, qui participent, eux, à la construction européene et au développement durable - à l'instar de celui que j'évoque -, et sur lesquels l'Union européenne devrait, par le biais d'un grand emprunt, concentrer ses fonds en les triplant.
De plus, ce projet global de ligne nouvelle Perpignan-Nîmes sur l'axe Paris-Madrid paraît clairement lié au concept d'« arc méditerranéen », qui regroupe les régions Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, PACA et Catalogne.
On peut même évoquer, comme n'ont pas manqué de le faire économistes ou aménageurs, un « arc latin » allant de l'Andalousie au Latium : « L'arc n'est pas seulement un espace de rattrapage, c'est un espace nouveau de caractère pionnier,... un espace d'avenir fragile et dur, prometteur et difficile, qui vend de la high tech et de la matière grise... et pas seulement son soleil et ses bras... »
Bref, une deuxième Europe est en voie d'apparition : l'Europe méditerranéenne.
La France est le seul Etat du « nord » à pouvoir afficher une politique méditerranéenne, et il est impératif d'orienter l'Europe dans cette direction.
Il faut donc construire sur les rives de la Méditerranée un grand espace économique, facteur de rééquilibrage du territoire français et susceptible de s'intégrer à un marché européen et mondial large et ouvert.
Un projet global de ligne nouvelle à grande vitesse prolongeant la ligne TGV Méditerranée de Nîmes au Perthus peut nous y aider. Il créerait, de surcroît, une synergie entre l'arc méditerranéen et la transversale Atlantique-Méditerranée, tout en constituant un outil majeur pour le Languedoc-Roussillon.
C'est là votre responsabilité, monsieur le ministre. Pour nous, l'enjeu est vital pour l'avenir. Or demain commence aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - M. Jacques Blanc applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la saturation des infrastructures routières de la vallée du Rhône a atteint un niveau tellement critique qu'elle handicapera l'avenir économique de cette région si des solutions alternatives ne sont pas engagées dès aujourd'hui. Le projet Lyon-Turin est, en ce sens, vital.
Avant d'y revenir, je voudrais obtenir des précisions sur le projet concernant l'A 51, que le Gouvernement semble remettre en débat et qui suscite, parmi les populations riveraines, de vives oppositions. J'aurais besoin d'éclaircissements dans la mesure où les décisions se prennent en catimini et revêtent un caractère très confidentiel.
Les études et travaux engagés par le comité de concertation réunissant, autour des services de l'Etat, des élus locaux, des associations de défense de l'environnement et des riverains, des représentants du monde économique, comité dont la mission a d'ailleurs été suspendue par vos soins, montrent le caractère irréaliste d'un projet autoroutier compte tenu du surcoût qu'il représente par rapport au trafic journalier de cet axe et aux solutions alternatives.
Ainsi, la liaison Sisteron-Grenoble via Lus-la-Croix-Haute, par des aménagements de type « parcours mixte » de l'actuel RN 75, est techniquement et économiquement plus viable.
Enfin, la ligne ferroviaire Grenoble-Veynes, qui pourrait inclure le fret, serait susceptible de doubler, en parfaite complémentarité, une partie de ce tracé.
J'attends donc des précisions à ce sujet, car, en l'occurrence, le Gouvernement ne semble pas chercher à faire des économies !
Pour ce qui est du projet Lyon-Turin, votre rapport d'audit sur les grandes infrastructures a eu au moins un mérite : faire l'union sacrée des Rhône-Alpins autour de ce projet.
Il révèle également la méthode du Premier ministre : utiliser le rapport d'un petit groupe d'experts pour remettre en cause un projet qui a fait l'objet de nombreuses études, de multiples délibérations et concertations, notamment auprès des élus !
C'est votre prédécesseur, monsieur le ministre, qui a entrepris le rééquilibrage en faveur du fret ferroviaire,...
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Dans les discours !
Mme Annie David. ... ce que remet en cause l'audit, et c'est encore Jean-Claude Gayssot qui a dynamisé le projet Lyon-Turin, que vient également freiner le même audit.
Par ailleurs, personne ne nie l'impérieuse nécessité du Lyon-Turin, auquel est rattachée, je vous le rappelle, l'électrification du sillon alpin entre Montmélian et Valence.
Alors, où est le problème ? Il serait dans le financement du projet. Son coût global de 8 milliards d'euros, pour la partie française, est jugé excessif. Par comparaison, le porte-avions nucléaire Charles de Gaulle aura dépassé les 6 milliards d'euros.
Que peut signifier « excessif » pour un projet de cette ampleur, qui constitue l'un des quatorze projets à dimension européenne arrêtés au Conseil européen d'Essen en 1994 ?
Comme l'a déjà dit ma collègue Odette Terrade, il est indispensable de rééquilibrer l'axe Rhin-Danube pour développer les échanges entre l'Europe latine et l'Europe de l'Est. La liaison Lyon-Turin-Ljubljana en est le pivot.
Le financement doit donc intégrer une participation de l'Union européenne à hauteur d'au moins 20 %. Lors de la réunion de travail du 10 octobre dernier, au Parlement européen, j'ai pu constater, avec mon collègue Guy Fisher, la forte mobilisation des parlementaires en faveur de ce projet.
En complément, un emprunt pourrait être contracté auprès de la Banque européenne d'investissement à taux d'intérêt très faible - M. Laffitte l'a déjà proposé -, voire nul, avec un retour d'investissement à très long terme dans la mesure où la Transalpine va couvrir plusieurs décennies, sinon un siècle.
Enfin, il faut une participation importante de l'Etat, à hauteur des retombées socio-économiques du projet, conforme aux engagements pris lors de l'accord bilatéral de Turin, le 29 janvier 2001, ainsi qu'au sommet de Périgueux du 27 novembre 2001, qui avait fixé un objectif de mise en service du Lyon-Turin en 2012.
A partir de ces engagements, un protocole d'accord a été signé à Lyon, le 19 mars 2002, entre l'Etat et les collectivités territoriales concernées, pour le financement de la ligne à grande vitesse Lyon-Sillon alpin et le tunnel sous Chartreuse. En effet, la complémentarité du transport de voyageurs à grande vitesse et du fret fait la force du Lyon-Turin, et c'est ce que remettrait en cause le Gouvernement en reniant ces engagements.
Le choix qui sera fait s'agissant du Lyon-Turin sera emblématique non seulement de la politique des infrastructures des transports, mais aussi, compte tenu de son importance, d'un choix de société.
L'attentisme, la fragmentation du projet pour satisfaire aux exigences de rentabilité immédiate et les intérêts privés, c'est le maintien du « tout routier », l'asphyxie de toute une région, la saturation à court terme de tous les moyens de transport, la fragilisation de l'environnement, les nuisances aggravées pour les agglomérations.
Le volontarisme en faveur du rail, le développement d'un véritable service public de transports, c'est l'assurance d'un rapide rééquilibrage rail-route, le respect de l'environnement, le support d'un développement économique à long terme, un aménagement du territoire répondant aux aspirations des collectivités territoriales et de leurs populations.
C'est, bien entendu, dans cette dernière perspective que je me situe, avec mon collègue Guy Fischer et les sénatrices et sénateurs de mon groupe. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, beaucoup l'ont déjà dit, ce débat vient à son heure. Nous l'attendions depuis longtemps, car l'insatisfaction est grande dans le secteur des transports : tous les discours que nous avons entendus et que nous entendrons sont allés et iront dans ce sens. Je l'ai moi-même constaté en tant que rapporteur spécial du budget des transports terrestres ou comme animateur de plusieurs associations qui se préoccupent des transports.
Partant des analyses effectuées tant par l'association TDIE - transports-développement-intermodalité-environnement - que par la commission des finances, quels constats pouvons-nous dresser et quelles propositions pourrons-nous formuler ? J'évoquerai d'abord cinq constats qui me paraissent incontestables.
Premier constat : les besoins en matière de transport augmentent régulièrement et à un rythme soutenu. Monsieur le ministre, vous l'avez dit et redit : rien n'indique un ralentissement notable dans les trente prochaines années.
Notre société est de plus en plus mobile et aspire à l'être encore davantage. C'est vrai pour les ménages. Il en est de même pour les entreprises, qui ont mis en place des systèmes productifs caractérisés par la rapidité des échanges.
Mondialisation, délocalisation et développement des régions périphériques ne font qu'accroître la demande de transport.
Deuxième constat : la pression de la demande en matière de transport va peser encore davantage sur la France pour une double raison : européenne et régionale.
Notre Europe continue de se construire et de se développer : nous avons commencé à six, nous sommes aujourd'hui quinze et, demain, nous serons vingt-cinq.
Ce vaste espace économique va accroître ses échanges et, donc, les besoins de transport.
La France est une des plaques tournantes des transports en Europe. Dix axes à vocation trans-européenne doivent être, en priorité, aménagés sur notre territoire, dans le sud, le nord, l'est. J'ai présenté, le 3 mai 2001, un rapport en ce sens à la délégation, pour l'Union européenne : Politique des transports : l'Europe en retard.
Le deuxième facteur, c'est l'accentuation de la décentralisation et l'affirmation plus soutenue des besoins régionaux.
Il était normal que, dans un premier temps, les régions les plus riches, ayant donc les trafics les plus importants, soient les mieux équipées.
Il convient, maintenant, de soutenir et de financer, d'une part, les régions les moins favorisées et, d'autre part, les liaisons transversales.
M. Guy Fischer. Très bien !
M. Jacques Oudin. C'est dans ces directions que la solidarité nationale doit s'exercer.
Le troisième constat, c'est que la croissance économique et le développement des transports sont étroitement liés. On ne peut pas vouloir l'un et refuser l'autre. Dans l'immédiat, penser pouvoir découpler la croissance économique de celle des transports est une utopie irréaliste.
A cela s'ajoute l'impact très positif de l'investissement des infrastructures de transport sur la croissance elle-même.
Tous les travaux récents le démontrent, la croissance du PIB est la plus forte là où les investissements en infrastructures de transport ont été les plus importants.
Le quatrième constat est celui de la baisse notable, en France, des investissements dans le domaine des infrastructures de transport, tous modes confondus. A cet égard, monsieur le ministre, vous avez cité des chiffres : je ne les conteste pas. Je rappelle simplement que nous avions eu quelques débats houleux avec votre prédécesseur sur ce sujet.
La décennie 1990-2000 a connu une décroissance dont nous supporterons longtemps les conséquences. Mes deux rapports sur ce sujet devant la commission des finances le démontrent amplement.
Surendetté par une politique financière déraisonnable, le système ferroviaire ne dispose plus des moyens suffisants pour assurer son développement.
Le système autoroutier, qui a connu une croissance soutenue liée à la réforme du gouvernement Balladur, a vu après 1997 son financement démantelé par la suppression de l'adossement et l'incapacité de l'Etat à financer les subventions pour les nouvelles liaisons. Dans ces conditions, un appel massif a été effectué auprès des collectivités territoriales, mais j'y reviendrai.
Quant à la suppression en 2001 du fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, elle a porté un coup très dur à la politique de financement et de péréquation des transports.
Il faut savoir - et vous l'avez dit en filigrane, monsieur le ministre - qu'une politique des transports passe d'abord par une politique financière.
Cinquième constat, dans ce domaine comme dans d'autres, la France est en retard d'une évolution par rapport à ses voisins.
Tous les grands pays développés, notamment les pays européens, ont engagé des réflexions approfondies sur leur politique des transports, ont affirmé leurs ambitions en ce qui concerne le développement de leurs réseaux, mis en place des organismes spécialisés et dégagé les moyens financiers correspondants.
Partant de ces constats, quelles sont les orientations qu'il convient de dégager pour l'avenir de notre pays et de notre politique des transports ?
Les orientations que nous serons amenés à déterminer doivent être guidées par trois grands principes : la clarté - savoir où l'on va - la simplicité - comment on va y aller - l'efficacité - avec la rapidité des décisions et des réalisations.
Sur ces bases, je suis conduit à proposer sept orientations majeures.
Premièrement, nous devons disposer de comptes clairs et exhaustifs dans le domaine des transports. C'est la mission de la commission nationale des comptes des transports.
Sur ma proposition, le Parlement a voté l'article 12 de la loi de finances rectificative du 6 août 2002 qui fixe les nouveaux objectifs et le contenu de ces comptes.
Certes, il existait déjà des comptes des transports. Mais nous souhaitons qu'ils soient améliorés et approfondis pour mieux connaître les ressources que dégage l'activité des transports et quels moyens peuvent être affectés à leur développement. Une réunion de la commission nationale des comptes aura lieu le 24 juin prochain. J'espère qu'elle pourra aboutir à des résultats positifs.
Je ne souhaite pas que nous votions de nouvelles taxes concernant les transports avant que la représentation nationale ait été clairement informée de l'utilisation des ressources des taxes anciennes. Nous pourrons peut-être demander davantage aux usagers, pour peu qu'ils aient l'assurance que leur contribution est bien utilisée pour l'amélioration du système des transports.
Enfin, je souligne, comme l'a indiqué le président de la commission des finances, que la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 nous impose cet effort de clarté pour tout le budget de l'Etat ; mais il me paraît opportun de le faire en priorité pour le prochain budget des transports.
Je souhaite que nous puissions disposer rapidement des programmes correspondants, avec leurs indicateurs d'efficacité et de rentabilité. Pour l'instant, votre ministère n'est pas prioritaire pour cet exercice prévu par la loi organique relative aux lois de finances.
Monsieur le ministre, il serait souhaitable que les nouveaux comptes des transports soient transmis au Parlement pour le mois de septembre 2003, avant le débat budgétaire.
La deuxième orientation est l'élaboration, la présentation et la discussion devant le Parlement d'une loi de programmation des transports.
La politique des transports est une politique de long terme qui doit nécessairement être intermodale. Notre horizon doit, au minimum, être à trente ans. C'est d'ailleurs en 2030 que devraient s'achever la plupart des concessions autoroutières. C'est pourquoi je trouve regrettable que tous les rapports administratifs sur ce sujet ne dépassent pas l'horizon 2020. C'est beaucoup trop court pour une politique des transports à long terme !
Cette loi de programmation doit intégrer les nouveaux contextes dans lesquels se développe la politique des transports : l'Europe et les implications de plus en plus fortes des régions.
Ce n'est pas parce que nous connaissons une crise momentanée de nos finances publiques que cela doit nous interdire d'afficher clairement nos ambitions à long terme.
La troisième orientation est de refonder notre politique financière des transports autour d'un fonds national de financement et de péréquation et d'un nouvel équilibre entre l'usager et le contribuable.
Je pense que cette proposition est maintenant largement admise au sein de la Haute Assemblée. Ce fonds doit être largement alimenté par le produit de toutes les redevances, taxes et impôts spécifiques - je dis bien « spécifiques » - qui pèsent sur les transports, hors TIPP, et être assuré d'une pérennité incontestable.
Le sort funeste qu'ont connu le Fonds spécial d'investissement routier, le Fonds spécial des grands travaux ou le Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables nous rend particulièrement méfiants, en dépit des engagements formels du Gouvernement.
Dans ces conditions, je suggère la création d'un établissement public cogéré par l'Etat et par les régions.
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. Jacques Oudin. L'amenuisement de la part des investissements dans le budget de l'Etat a réduit considérablement ses capacités de péréquation. Le nouveau fonds que je préconise doit permettre d'engager une nouvelle impulsion pour une triple péréquation : une péréquation spatiale avec des régions mieux pourvues vers les régions les plus déshéritées ; une péréquation modale, car nous savons bien que le mode dominant, la route, doit aider davantage les autres modes, à condition toutefois qu'ils améliorent leurs modes de gestion, leur efficacité et leur rentabilité ; enfin, une péréquation temporelle, compte tenu du coût et de la durée de vie des infrastructures de transports qui ne peuvent être finalement rentables qu'à très long terme.
L'existence d'un tel fonds et l'assurance du maintien dans le secteur des transports des ressources spécifiques qui en seront issues nous permettraient de mettre en oeuvre une politique plus claire concernant les participations financières des usagers et des contribuables.
Quatrième orientation, il faudra clarifier rapidement, dans le nouveau cadre constitutionnel de la décentralisation, notamment des nouvelles dispositions de l'article 72-1 de la Constitution, les modalités de participation des collectivités territoriales au financement de certaines infrastructures autoroutières.
A ce jour, les sociétés d'autoroutes ont le monopole de la perception des péages. Depuis 1955, date de la mise en oeuvre du système de péage autoroutier, les organismes qui les perçoivent ont, en contrepartie, une obligation : celle de développer et d'aménager le réseau autoroutier. Dans un premier temps, la durée limitée des concessions ne permettait pas de dégager des bénéfices très importants. En revanche, l'allongement substantiel de la durée de concession décidé par le précédent gouvernement en 2001 a permis de dégager une rente autoroutière considérable.
Dans ces conditions, l'obligation nouvelle imposée aux collectivités territoriales de financer lourdement de nouvelles liaisons ainsi que certains aménagement tels que les échangeurs, qui sont tout à fait indispensables à l'irrigation et au développement économique de nos régions, est tout à fait inacceptable. Il s'agit d'un transfert de charges inéquitable de l'usager sur le contribuable local, de la société qui perçoit toutes les recettes sur les collectivités qui ne reçoivent aucune contrepartie financière.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Jacques Oudin. Ce système doit, à l'évidence, être clarifié par la loi.
La cinquième orientation concerne le bon usage de la « rente autoroutière ».
Elle doit être au coeur du nouveau dispositif financier de la politique des transports. Pour bien l'évaluer, il convient de ne pas fixer le terme des évaluations à 2020, comme l'ont fait les rapports administratifs, mais à 2030, c'est-à-dire à la date moyenne de la fin des concessions autoroutières.
Cette rente résulte de tout ce qui est payé par l'usager. A l'horizon 2030, c'est au bas mot une somme de près de 45 milliards d'euros qui peut être affectée au développement de la politique des transports.
La privatisation de 49 % du capital de la société Autoroute du sud de la France, ASF, a certes rapporté 1,8 milliard d'euros. Mais si ASF n'avait pas été privatisé, les dividendes cumulés se seraient élevés à 1,9 milliard d'euros en 2020, et entre 4 milliards et 6 milliards d'euros à l'horizon 2030. Le gain immédiat est largement compensé par la perte à venir !
A ce même terme, les privatisations éventuelles de la moitié du capital de la SANEF et de la SAPR priveraient l'Etat, au titre des dividendes, de recettes de l'ordre de 4,1 milliards à 6,4 milliards d'euros.
Face à ces pertes, la contrepartie n'est pas évidente et aucun argument ne nous a été présenté pour justifier, chiffres à l'appui, la pertinence de la poursuite de la privatisation du secteur autoroutier et l'apport supérieur de capitaux en faveur de ce secteur qu'une telle privatisation engendrerait.
Les difficultés budgétaires actuelles de l'Etat ne sauraient justifier à elles seules le démantèlement de notre système de financement autoroutier. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)
La sixième orientation concerne la réforme ferroviaire, qui est une nécessité absolue si l'on souhaite satisfaire la demande très forte pour les lignes à grande vitesse, mais aussi le développement de certains axes privilégiés pour le fret ferroviaire.
La première urgence est de permettre la reprise de l'investissement de RFF, et cela passe nécessairement par le traitement de son endettement.
La seconde priorité est de poursuivre la réorganisation et la réforme de la SNCF pour limiter ses pertes et augmenter sa productivité, qui s'est considérablement dégradée au cours des dernières années : elle a été divisée par deux.
Le nouveau contexte régional et les impératifs d'une certaine concurrence découlant de nos engagements européens - notamment la liaison Lyon - Turin - doivent nous inciter à accélérer le rythme des réformes.
Enfin, la dernière orientation concerne la compatibilité entre les infrastructures de transport et l'environnement.
Au moment où les réflexions se poursuivent pour doter la France d'une charte de l'environnement adossée à notre Constitution, il est de notre devoir de veiller à ce que les infrastructures de transport respectent au mieux l'ensemble du cadre législatif dont nous nous sommes dotés : loi sur le paysage, sur le bruit, sur l'eau, sur les consultations des populations et sur le débat public.
Voilà, monsieur le ministre, la lourde tâche qui nous attend, qui vous attend, et pour la réalisation de laquelle vous pouvez compter, je le crois, sur le soutien du Sénat, et en tout cas sur celui du groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Monsieur le ministre, je vous remercie de nous donner l'occasion de débattre au Sénat du devenir des infrastructures de transport, qui occupent une part essentielle parmi les activités économiques et constituent un élément structurant pour le développement d'une région.
Elu de Lorraine, et plus particulièrement du département de la Meuse, j'évoquerai principalement le devenir du doublement de l'axe nord-sud qui traverse notre région, à savoir l'autoroute A 31, qui relie Luxembourg à Nancy.
La mission d'audit sur les grands projets d'infrastructures de transport ainsi que l'étude prospective réalisée par la DATAR estiment que le seuil de saturation, voire de congestion, est d'ores et déjà dépassé sur cet axe qui accueille plus de 70 000 véhicules par jour, dont plus de 20 000 véhicules étrangers. Parmi ceux-ci, un nombre impressionnant de poids lourds et d'autocars de tourisme scandinaves, allemands, hollandais et belges se dirigent soit vers l'Italie, soit vers l'Espagne. La dangerosité de cet axe l'a fait surnommer « l'autoroute de la mort » : vous comprendrez dès lors qu'il y a urgence à trouver une solution équilibrée à ce problème.
Sur le diagnostic, c'est-à-dire sur la nécessité de décongestionner le sillon mosellan, tout le monde est d'accord ! En revanche, dès que l'on aborde les solutions alternatives, on sent poindre des crispations départementales doublées de défense d'intérêts particuliers, alors que, dans cette affaire, seul l'intérêt général devrait prédominer pour réussir un aménagement harmonieux du territoire, de tout le territoire.
Bien que navré, je comprends que l'Etat, prenant appui sur le désaccord persistant entre les élus de cette région, n'ait fait aucun effort pour avancer sur ce dossier pourtant plus que prioritaire.
La problématique est pourtant simple : l'autoroute A 31 qui relie Luxembourg à Nancy est à la fois une autoroute interurbaine et un axe international, qui est, en outre, entièrement gratuit.
L'une des solutions alternatives imaginées pour le doublement de cet axe consisterait à créer une nouvelle autoroute située à l'est de l'actuelle A 31 et qui serait payante.
L'autre solution, que je me permets de défendre, consisterait à créer un nouvel axe à l'ouest du sillon mosellan, en doublant la nationale 18 entre la frontière belge depuis Longwy en passant par Longuyon, Spincourt et Etain, et en la transformant simplement en voie rapide jusqu'à l'autoroute A 4, ce qui limiterait considérablement la dépense et détournerait de l'autoroute A 31 une très grande partie du trafic de transit international.
Au-delà de l'autoroute A 4, deux possibilités pourraient être explorées, soit vers Bar-le-Duc, soit en direction de Toul.
Quels seraient les avantages de cette solution par rapport à la précédente ?
En tout premier lieu, le doublement d'une voie existante coûte toujours beaucoup moins cher que la construction d'une nouvelle voie autoroutière : l'économie peut être estimée au minimum à 35 %.
En deuxième lieu, cet itinéraire de dégagement utiliserait une ligne presque droite entre la frontière belge et le secteur de Toul, ce qui serait plus économique pour les utilisateurs et faciliterait l'action transfrontalière. Cela permettrait également de doter le nord de la Meuse et de la Meurthe-et-Moselle d'un axe structurant. Or, croyez-moi, monsieur le ministre, ces régions, qui n'en finissent pas de payer un lourd tribut au démantèlement des mines et de la sidérurgie, en ont bien besoin !
En troisième et dernier lieu, doubler une route gratuite d'une autoroute à péage dans le sillon mosellan me paraît totalement irréaliste : qui peut croire que les poids lourds, notamment, utiliseront l'autoroute à péage ? La douloureuse expérience de l'autoroute A 4 et de la nationale 4 Paris-Strasbourg devrait faire réfléchir les décideurs politiques.
Alors, me direz-vous, tout cela est séduisant, mais une autoroute concédée à péage ne coûtera rien au budget de l'Etat, alors qu'il devra supporter la mise à quatre voies d'une route nationale.
Je crois que, de ce point de vue, le Gouvernement devrait s'inspirer des propositions qui ont été faites par la DATAR et par la mission d'audit, qui préconisent notamment l'instauration d'une redevance d'utilisation domaniale pour les poids lourds sur les routes nationales à caractéristiques autoroutières. J'y ajouterai les axes autoroutiers gratuits, à l'instar du dispositif prévu sur les autoroutes allemandes.
Je suis heureux que vous partagiez ce point de vue, monsieur le ministre, et je souhaite que cette redevance serve obligatoirement et exclusivement au financement des nouvelles infrastructures.
Elle constituerait une mesure de justice : en effet, les infrastructures de transport routier sont dimensionnées pour des véhicules lourds. A cet égard, j'ai été stupéfait d'apprendre que le coût d'une autoroute dédiée exclusivement aux voitures coûterait environ six fois moins cher qu'une autoroute destinée à la fois aux poids lourds et aux voitures.
Mais que dire ensuite du coût d'entretien de ces autoroutes ? Une étude américaine laisse entendre qu'un camion de trois essieux d'une masse totale de trente tonnes dégrade la chaussée autant que 240 000 voitures d'une tonne ! Or les péages qui sont pratiqués ne reflètent nullement cet impact sur la dégradation des réseaux puisque le coefficient muliplicateur est, en règle générale, inférieur à trois. Cela laisse supposer que ce sont les véhicules légers qui payent les frais de construction et d'entretien des autoroutes, subventionnant ainsi indirectement le transport routier.
Monsieur le ministre, vous avez compris que mon plaidoyer en faveur de la mise à quatre voies des RN 18 et voie sacrée Longwy-Toul par Longuyon ou RD 904 vers Bar-le-Duc - solutions alternatives pour l'indispensable doublement de l'autoroute A 31 - constituerait une solution plus économique et plus crédible que la construction d'une autoroute à péage finançable par l'instauration d'une redevance sur les poids lourds. Cela contribuerait également à un aménagement équilibré du territoire lorrain.
J'ose espérer que le Gouvernement sera sensible aux arguments de bon sens que je tente de développer et qu'il leur réservera une suite favorable, en prenant en compte le fait que ma proposition permettra, en résumé, une desserte plus courte, plus structurante, plus économique, plus favorable à un aménagement équilibré du territoire, plus orientée vers l'avenir.
Concernant le TGV Est dont les travaux d'aménagement sont en cours, je voudrais préciser que je demeure attentif à la mise en place de la gare « Meuse », sans perdre de vue que l'étendue de notre territoire départemental impose que les liaisons Est-Ouest traditionnelles, Paris-Metz ou Nancy avec arrêt à Bar-le-Duc, ne perdent pas de leur efficacité, que la ligne Paris-Luxembourg par Reims retrouve la qualité dont l'action transfrontalière a besoin, et qu'il soit permis à Verdun d'être relié, grâce à la modernisation de la ligne Conflans-Verdun jusqu'à Saint-Hilaire dans la Marne. Tout cela permettrait un rapprochement qualitatif et une durée moindre du transport ferroviaire en facilitant l'« approche TGV ».
S'agissant du fret SNCF, il convient, là encore, de désengorger le sillon mosellan. Je suggère d'utiliser le passage meusien avec l'implantation de gares multimodales à Baroncourt ou Lérouville.
Tels sont, monsieur le ministre, les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance et qui, je l'espère, seront pris en considération car ils peuvent contribuer à un meilleur équilibre du territoire, souhait que nous partageons tous, je n'en doute pas. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Percheron.
M. Daniel Percheron. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, si attentifs, si disponibles, si patients, voici donc un débat supplémentaire sur les infrastructures. Un beau débat sénatorial, un vrai débat parlementaire où sénateur d'opposition peut vraisemblablement se conjuger avec sénateur de proposition, un débat où le nombre et la qualité des interventions indiquent que nous exprimons, les uns et les autres, les attentes fortes de l'opinion publique en matière de transports et de développement soutenable ou durable.
D'ailleurs, nous aurons bientôt rendez-vous avec nos électeurs pour les élections régionales nouvelle maniére.
Ces élections mettront en mouvement des millions d'électeurs. Elle seront sûrement les premières élections depuis longtemps où la politique des transports - bilan, perspectives et infrastructures pèseront lourd dans le choix des électeurs.
Permettez-moi aussi de féliciter la majorité sénatoriale pour cette entrée en mêlée dans le xxie siècle des infrastructures : quatre ministres, M. le président du Sénat lui-même, M. Larcher ainsi que des responsables. Bref, un véritable pack qui a occupé le terrain et qui nous projette jusqu'en 2020 ! C'est une véritable promesse.
M. Jean-Louis Carrère. Ne poussez pas trop fort !
M. Daniel Percheron. Mais j'ai perdu un peu de temps avec cette introduction et mes collègues socialistes s'impatientent. Il me faut respecter mon temps de parole et je vais aller à l'essentiel, sans caricaturer, sans schématiser, en évoquant trois points.
Premier point : si l'on décidait, ce soir, dans ce vrai débat parlementaire, de réaliser ce qui est aisément réalisable, ce qui l'est vraiment et immédiatement : la liaison fluviale Seine-Nord ?
Nous avons tous parlé de l'Europe, et nous voyons bien - M. Louis Gallois le disait encore devant une commission aujourd'hui - que le centre de l'Europe, son centre de gravité va se déplacer. L'axe médian, l'axe majeur de l'Europe, colonne vertébrale qui s'impose à nous, aujourd'hui et pour de longues années encore, c'est l'axe rhénan, la voie d'eau et d'abord le fleuve.
Or il nous manque les 105 kilomètres qui permettraient à la France de participer à l'axe majeur de l'Europe, c'est axe rhénan, par la voie naturelle, la France étant alors partie prenante de l'Europe fluviale.
De la même manière - et je m'adresse au ministre de la Picardie - l'autoroute A 1, l'artère routière vitale du Nord, le corridor nord de la France, incarne aujourd'hui jusqu'à la caricature la croissance, à moyen terme insoutenable, du trafic routier. Le trafic de poids lourds est dantesque par temps de pluie et colonise deux files menaçantes. La situation sur l'A 1 nous indique que nous devons bien entendu réaliser l'axe Seine-Nord rapidement. Développement durable et efficacité économique obligent !
Comme Jacques Oudin, je vous demande de ne pas toucher à la rente routière. Ne privatisez pas la SANEF, car, si vous la vendez, si vous en donnez l'usage confortable aux intérêts privés, vous ne ferez pas Seine-Nord. On peut même imaginer que des partenariats nouveaux soient inventés et mis en oeuvre.
Même si la France n'a pas eu de politique portuaire depuis quarante ans, le dernier contrat de plan a redonné une nouvelle chance au Havre. Or, dans le Nord-Pas-de-Calais, nous n'entendons pas ne pas jouer tous les atouts de Dunkerque. Pour Dunkerque et pour le Havre, la liaison Seine-Nord s'impose aussi.
Voilà pourquoi, ce soir, nous pourrions décider, voire exiger, que Seine-Nord soit à l'ordre du jour. Ce serait et la première grande décision après l'audit dont l'impasse est raisonnable - 11 milliards d'euros à l'horizon de 2020 - et le rapport de la DATAR, qui est au rendez-vous, elle, du développement soutenable.
Deuxième point : si l'on décidait de désendetter RFF.
Combien de temps nous faudra-t-il, dans les collectivités locales, mais surtout dans les régions après la décentralisation des TER, dont chacun souligne l'efficacité et les promesses, encore dialoguer avec un totalement voûté par ses 220 milliards de francs de dettes, avec un partenaire qui dit non, avec un partenaire qui ne peut pas désaturer le réseau - or le rendez-vous avec le réseau, c'est 2006, 2007 ou 2008, sinon les trains ne passeront plus - avec un partenaire qui ne peut pas électrifier le réseau, moderniser les quais des gares...
Ce partenaire, nous ne devons surtout pas lui permettre - mais il en est là - d'augmenter les péages : 2 milliards d'euros, 13 milliards de francs, de péage pour la SNCF. Cela veut dire que, si nous ne désendettons pas RFF, il n'y aura pas de politique ferroviaire durable dans ce pays...
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. Daniel Percheron. ... et toutes les ambitions s'essouffleront dans les prochaines années.
Troisième point : si l'on décidait une fois pour toutes de l'avenir de la TIPP et si l'on donnait aux collectivités locales, enfin, une véritable part de la TIPP, si l'on affectait aux grandes collectivités locales une part de ce gâteau de 160 milliards de francs, si l'on décidait de leur affecter des ressources.
Les régions, les départements pourraient ainsi faire face à leurs ambitions après les marchés de dupes progressivement mis au point - n'est ce pas Bernard Frimat ? - des plans Etat-région.
Si les grandes collectivités locales percevaient une part significative de la TIPP, même une petite part modulable, le paysage des infrastructures en France serait bouleversé en dix ans ou quinze ans. Elles feraient en effet exactement ce que, dans le cadre d'une décentralisation, même ric et rac, même habile, même perverse, elles ont déjà fait.
Croyez-vous que l'objectif de 80 % d'enfants d'une tranche d'âge dans les lycées aurait été atteint sans la décentralisation et sans la responsabilité des régions en matière de lycées ?
M. Bruno Sido. On va continuer !
M. Daniel Percheron. Croyez-vous donc que, demain, nous pourrons développer, à partir de l'audit et du rapport de la DATAR, une véritable politique d'infrastructure si les régions, que vous allez solliciter et qui vont accepter d'être sollicités, que les départements, que vous allez solliciter et qui, au fond, vont accepter d'être sollicités, ne bénéficient pas du versement transport, ne disposent pas des ressources qui leur assurent la maîtrise de leurs ambitions ?
Monsieur le ministre de la République et de Picardie (Sourires et exclamations sur les travées de l'UMP) vous n'avez pas obtenu de la SNCF un détour du TGV par Amiens en 1986, la société avait des oeillères. C'était la SNCF de M. Rouvillois. Elle ne voulait pas non plus passer par Lille et il a fallu tout le poids de Pierre Mauroy, toute son autorité pour que Lille bénéficie du miracle du passage et du croisement des TGV au coeur du centre-ville, et pour que Lille, à partir de l'«effet TGV», connaisse un nouvel avenir. Toutes les grandes villes françaises méritent l'effet TGV.
Monsieur le ministre, vous avez dit non au troisième aéroport pour le Nord Pas-de-Calais, pour le Nord-Ouest du pays. Vous l'avez dit hâtivement et, du point de vue du Pas-de-Calais, même si nous avons été silencieux, même si nous avons respecté la sensibilité de la Picardie, nous avons eu à un moment donné le sentiment - et nous l'avons encore - que cette décision avait été prise à la légère.
Mais aujourd'hui, avec Seine-Nord, l'endettement de RFF, l'effet TGV, et l'avenir ferroviaire et les moyens des collectivités locales vous avez l'occasion de dire oui. Je souhaite que vous la saisissiez. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Gilles de Robien, ministre. Nous sommes d'accord sur presque tout, sauf sur la fin !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, personne ne conteste plus la progression du transport aérien au cours des prochaines décennies. Les interrogations portent sur deux points : l'importance de la progression, les moyennes de progression avancées varient de 5 à 7 % chaque année, la place du transport aérien dans une politique ambitieuse de transport en général et les moyens de son développement.
La DATAR vient de nous faire connaître une étude prospective du plus haut intérêt. Les technocrates, cette fois, se montrent sérieux. Monsieur le secrétaire d'Etat, dans votre lettre d'accompagnement, vous parlez même de préparer « une réorientation de notre politique en la matière ».
La DATAR prétend, à juste raison, que le développement des aéroports français, pour être cohérent et durable, ne peut se concevoir que dans l'intermodalité air-rail, notamment pour le fret. Il est donc important d'évoquer celle-ci lorsque l'on examine les structures futures des moyens de transport en général.
La DATAR part de l'exemple de l'aéroport Charles-de-Gaulle. Bon exemple ! Elle constate que les vols de nuit sont mal ressentis par les riverains. Juste ! Dans ce contexte, les aéroports situés aux franges du Bassin parisien, à Vatry et Châteauroux, ont un rôle à jouer pour le fret classique plus que pour le fret express. Pour ce dernier, l'intermodalité est une solution.
Les anciens cargos représentent 25 000 mouvements entre 23 heures et 6 heures. Il existe un potentiel de report d'une partie du trafic sur le TGV vers des destinations européennes. Une étude plus fine conclut que 25 % des mouvements nocturnes par cargo de l'aéroport Charles-de-Gaulle portent sur cinq directions reliées au réseau TGV et à moins de 500 kilomètres : Lyon, Cologne, Londres, Bordeaux et Liège. Les chiffres sont là : 5 000 mouvements aériens pourraient être évités chaque nuit de 23 heures à 6 heures en assurant le trafic par rail.
Monsieur le ministre, n'est-ce pas aussi une solution pour réduire les nuisances nocturnes ? Elle conforte l'idée que leur développement n'est pas fatal et qu'il nous faudra bien accepter de les prendre en considération si l'on veut répondre aux besoins de l'aviation civile.
Un marché potentiel existe pour un service ferroviaire de fret. Aéroports de Paris serait prêt, ainsi que les opérateurs de fret express, à utiliser le rail plutôt que l'avion, également pour des raisons économiques.
Les volumes de fret aérien justifient à court terme, non pas une infrastructure spécifique mais une complémentarité avec le développement du fret régional non aérien. Le trafic postal express peut aussi se traiter grâce à l'intermodalité. Cela suppose évidemment un terminal ferroviaire à proximité de l'aéroport.
L'enjeu, selon la DATAR, est d'inventer un nouveau service ferroviaire qui serait entre le camion et l'avion. Coup double, pourrais-je dire ! Etes-vous prêt, monsieur le ministre, pour un tel système ?
Les liaisons Paris, Bruxelles, Liège et Cologne existent et ce sont aussi les hubs de FEDEX, DHL, TNT, UPS.
La desserte de l'aéroport de Roissy en transports collectifs est aussi une exigence de l'intermodalité qui ne peut se satisfaire de la route.
Actuellement, 17 % de la desserte est assurée par le RER B, 28 % par des voitures particulières, 34 % par taxis, 5,5 % par les cars d'Air France et 3,3 % par Roissy bus. Autour de l'aéroport, vous le savez, les voies connaissent un embouteillage permanent, et la situation s'aggrave.
Etes-vous prêt, monsieur le ministre, à vous engager dans cette intermodalité qui est valable aussi pour l'ensemble des aéroports de province et que le temps de parole dont je dispose ce soir ne me permet pas d'évoquer.
Mais avouez qu'il s'agirait d'une piste royale avec, de plus, une réduction des nuisances supportées par les riverains, le recul du « tout route » ou du « tout avion », mais bien entendu avec un effort de développement du rail. Il s'agit d'une solution d'avenir. Air France a renoncé à la ligne aérienne Bruxelles - Roissy après avoir perdu tous ses passagers qui préfèrent le Thalys.
De plus, vous n'en serez pas surpris, monsieur le ministre, une telle intermodalité plaide aussi pour l'implantation d'un troisième aéroport dans le Bassin parisien.
Le trafic aérien, avec 32 000 vols et plus de 11 millions de passagers, ne serait pas réduit, même avec l'intermodalité.
Ensuite, ce chiffre correspond à une réduction de moitié du nombre de vols de la province vers Roissy. Cela fragiliserait le hub d'Air France - Paris, ou placerait la compagnie ex-nationale en position difficile à l'égard des compagnies étrangères.
Enfin, la France est aujourd'hui la première destination touristique du monde. L'avion demeure un support au développement de cette politique.
Quelles sont les prévisions actuelles avancées par la direction générale de l'aviation civile ? La croissance annuelle est estimée d'ici à 2020 à 3,4 %, nous conduisant alors pour, Roissy et Orly, à 140 millions de passagers.
La capacité maximum de Roissy - Charles-de-Gaulle est déjà atteinte, puisque la croissance de Roissy est supérieure à celle de la moyenne mondiale. Le rail, même développé dans le sens évoqué par la DATAR, n'irait pas au-delà de 1/10 de la croissance prévisible de passagers d'ici à 2020 : 70 millions de personnes. Comme il est illusoire d'imaginer un transfert de la croissance à venir de Paris vers la Province, notamment à cause des hubs, même pour Lyon, et ce pour des raisons exclusivement commerciales, la création d'une plate-forme supplémentaire dans le Grand Bassin parisien s'impose.
Certains parlent d'envisager six pistes à Roissy. Je ne pense pas que ce soit actuellement la position du Gouvernement. Mais sans troisième aéroport, n'y sera-t-il pas contraint demain ?
Le précédent Gouvernement avait fait un bon choix en décidant la création du troisième aéroport. Il serait désastreux que cette orientation ne soit pas confirmée.
Le précédent Gouvernement avait peut-être commis une erreur stratégique en avançant le lieu à Chaulnes, occultant les données commerciales. Monsieur le ministre, ne commettez pas à votre tour une erreur bien plus grave car elle serait incompatible avec un aménagement du territoire à la mesure des besoins de l'aviation civile en France. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy.
M. Philippe Leroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je souhaite à mon tour remercier le Gouvernement d'engager ce débat sur les grandes infrastructures non pas pour ajouter un peu de pagaille, mais pour essayer de mettre l'accent sur les ressources financières nécessaires à des réalisations sur les vingt ou trente ans à venir.
Je tiens également à dire au préalable que, étant Lorrain, je partage ce qui s'est dit et ce qui se dira sur les désirs des Lorrains et des Alsaciens en matière de grande liaison. A l'évidence, je souhaite la réalisation d'une grande liaison autoroutière nord-sud. Je souhaite aussi que le TGV Est soit un véritable TGV Paris-Allemagne : il faudrait obtenir de nos amis allemands qu'ils prolongent les efforts d'investissements qui seraient réalisés par la France jusqu'à Strasbourg par des investissements concomitants.
Je voudrais approfondir les réflexions qui ont été formulées depuis le début de ce débat sur la nécessaire complémentarité entre les réseaux longue distance, c'est-à-dire les réseaux « haut débit », de nature européenne, qui nous occupent aujourd'hui, et les réseaux de capillarité. Ces derniers sont souvent le fait, pour l'essentiel, des collectivités locales : régions, départements et communes. Ils assurent d'ailleurs la majorité des intermodalités actuelles et ils ont le potentiel d'intermodalité le plus important.
L'intermodalité est nécessaire au dégagement des villes. Elle est utile pour de nombreux modes de transport, notamment les transports collectifs. Les collectivités locales joueront un rôle déterminant s'agissant de ces réseaux de capillarité. Du reste, un réseau haut débit ne peut pas fonctionner sans un réseau de capillarité : les deux sont liés comme les doigts de la main !
Au moment où nous discutons d'une décentralisation de plus en plus avancée, nous devons réfléchir ensemble au rôle de ces réseaux de capillarité, qui assurent la continuité jusqu'au plus petit village comme jusqu'au centre des villes.
Le niveau d'engagement des collectivités est colossal. Bien sûr, je parlerai plutôt des départements, mais, d'une façon générale, en matière de réseau routier, les dépenses des collectivités, toutes collectivités confondues, sont beaucoup plus importantes que celles de l'Etat. Depuis quelques années, les dépenses des collectivités en matière d'infrastructures routières augmentent de l'ordre de 25 %, alors que les dépenses de l'Etat et des sociétés concessionnaires diminuent.
D'ailleurs, la tendance que nous observons en France est une tendance européenne puisque, aujourd'hui, les investissements sur les réseaux représentent, dans toute l'Europe, 63 % en moyenne. Pratiquement les deux tiers des investissements de transport sont réalisés par les collectivités, et c'est normal. Les collectivités agissent efficacement. Si je dis du bien des collectivités, c'est parce que je vais vous demander dans un instant de veiller à leurs intérêts financiers.
Voilà trente ans, on avait déjà transféré l'essentiel du réseau national au département. A l'époque, il s'agissait de 55 000 kilomètres. Ce que l'on envisage aujourd'hui est différent.
Si l'on regarde ce qui s'est fait en trente ans sur les réseaux départementaux, on constate que cela a été réalisé de façon correcte, efficace, relativement économique et en toute cohérence : les départements ont su procéder à des équipements routiers cohérents.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Philippe Leroy. Lorsqu'on nous dit que les collectivités auront des difficultés, dans le cadre de la décentralisation, à assurer la cohérence de leurs actions, je réponds que c'est une plaisanterie ! Les collectivités ont fait la preuve qu'elles étaient cohérentes, et quelquefois plus cohérentes que l'Etat ; un certain nombre d'exemples permettent de le vérifier au cours des trente dernières années.
Par ailleurs, si l'Etat réalisait, dans les années qui viennent, jusqu'en 2020, les 23 milliards d'euros d'investissements espérés sur les grandes infrastructures routières dont nous parlons en ce moment, les départements auront dépensé exactement la même somme, mais en huit ans !
Ces chiffres, ou plutôt ces ordres de grandeur - les chiffres, on peut toujours en discuter ! - démontrent que les collectivités jouent, avec l'Etat, un rôle fondamental dans le bon fonctionnement des systèmes de transport. Je souhaite que, s'agissant des financements, nous puissions avoir une vision suffisamment prospective pour que le savoir-faire des collectivités - régions, départements et communes - puisse être valorisé.
On peut s'interroger, aujourd'hui, sur l'avenir des contrats de plan. Bien entendu, quid du contrat de plan actuel ? C'est une interrogation immédiate à laquelle le Gouvernement devra répondre. Mais quid également des contrats de plan dans le cadre d'une décentralisation plus avancée ?
Les collectivités devront sans doute continuer de financer des investissements d'ordre national. On souhaiterait que tous les transferts de compétences aux collectivités soient assortis de moyens financiers ad hoc suffisants pour assurer leurs ambitions et permettre le bon fonctionnement du système de transports.
Sur ce thème, monsieur le ministre, j'adhère totalement aux propositions qui ont été faites par les différents orateurs de diversifier les sources de financement pour l'Etat et de créer un établissement public, si nécessaire, pour assurer la pérennité de ces financements pour les grands réseaux. Je souhaite, en parallèle, que les collectivités puissent bénéficier de garanties de ressources suffisantes pour assurer leurs missions.
Nous devons en discuter de façon approfondie. Je sais, monsieur le ministre, que vous imaginez quelques ressources nouvelles liées aux péages. A l'avenir, les collectivités devront, d'une façon réfléchie et encadrée, car il ne faut pas faire n'importe quoi, être autorisées à s'assurer du financement par l'usager de certaines de leurs liaisons, les ouvrages comme les routes. En effet, l'effort des collectivités doit reposer sur des financements diversifiés. Ces financements devront être assurés en partie par l'Etat, dans la mesure où il faudra procéder à une péréquation entre les régions riches et les régions pauvres. C'est l'Etat qui, me semble-t-il, devra assurer une partie de ces solidarités spatiales. Ces financements devront également être assurés par le contribuable local. Et il faudra aussi imaginer qu'ils puissent être assurés par l'usager local, en espérant que les lois à venir nous permettront ce genre d'évolution.
En définitive, monsieur le ministre, je vous remercie d'apporter une grande attention au partenaire indispensable que sont pour vous les collectivités, afin de disposer dans l'avenir d'un système de transport qui fonctionne bien et qui soit véritablement ouvert à l'intermodalité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centirste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Gilles de Robien, ministre. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le ministre, comme beaucoup d'autres avant moi, je vous remercie tout d'abord de l'organisation de ce débat. Votre volonté d'écoute de la France et de ses élus, à la veille de décisions capitales pour l'avenir de notre pays, doit être saluée.
Pour ma part, je souhaite insister sur deux points qui me paraissent prépondérants : la nécessité pour la France de poursuivre son équipement en infrastructures, dans une Union européenne élargie, et le financement à mettre en place.
Comme l'excellent rapport de la DATAR le rappelle, la politique d'équipement en matière d'infrastructures de transport doit être pensée non seulement dans un cadre national, mais aussi - et peut-être surtout - dans un cadre européen.
Après l'élargissement, la France ne sera plus au coeur de l'Union européenne et, pour garder son attractivité économique, elle devra améliorer ses infrastructures. Certes, notre pays ne souffre pas d'un retard d'équipement routier, mais il doit améliorer celui-ci, comme il doit améliorer l'efficacité de son réseau ferré, notamment en matière de TGV, et se mobiliser pour parvenir à une Europe intégrée des transports.
L'attractivité internationale de notre pays exige aussi de rendre plus performants ses ports et ses aéroports ; je pense, notamment, aux trois ports du nord de la France, Dunkerque, Calais et Boulogne, en favorisant leur intégration aux réseaux de transport existants.
Le multimodal est la voie de l'avenir, me semble-t-il, et je crains qu'on ne condamne trop vite le ferroutage, que nos voisins ont mieux su développer. Des solutions rapides et souples existent, comme le système de navettes de l'Eurotunnel, qui offrent des perspectives nouvelles.
Il y a un véritable potentiel de développement du fret ferroviaire en France : n'oublions pas qu'à côté des grands investissements subsistent d'importantes possibilités d'optimisation dans les infrastructures actuelles. Je pense à la « magistrale éco-fret » qui relierait le Nord au Midi, d'Anvers à Paris, puis dans la vallée du Rhône. Une succession de petits investissements peut changer bien des choses dans l'organisation du fret.
Mais, monsieur le ministre, la vraie question reste celle des moyens. Avons-nous réellement la volonté de trouver les financements nécessaires pour doter la France d'un réseau de transport intermodal fret-voyageurs à la hauteur d'une Europe à vingt-cinq ? Si tel n'est pas le cas, nous serons réduits au rôle de pays du bout du continent.
Dans les rapports commandés par le Gouvernement, il est proposé plusieurs voies à explorer pour créer de nouvelles ressources ; j'en retiendrai deux.
La première voie réside dans le rapprochement de la TIPP du gazole de celle de l'essence pour les véhicules légers, ce qui va dans le sens des directives européennes. Comme le rappelle la DATAR, un centime d'euro de TIPP sur le diesel des véhicules légers conduit à une recette nette de l'ordre de 200 millions d'euros par an. Cette mesure, pour intéressante qu'elle soit, ne suffirait donc pas, à elle seule, à sortir le Gouvernement de l'impasse financière dans laquelle il se trouve. De plus, il ne faut pas sous-estimer l'effet que pourrait avoir une telle mesure sur l'opinion publique, même s'il semble néanmoins indispensable de la mettre en place.
La seconde voie possible consiste à instaurer une redevance sur les poids lourds, à l'exemple du système allemand. Cette mesure semble d'autant plus opportune que des routiers étrangers, de plus en plus nombreux, traversent notre territoire, utilisent nos infrastructures, sans faire de plein de carburant et donc sans acquitter la TIPP. La région Nord - Pas-de-Calais est très bien placée pour le savoir.
Je suis tout à fait conscient de la difficulté de mettre en place une telle taxe, qui pourrait être gravement préjudiciable à de nombreuses petites sociétés de transport qui empruntent les routes nationales, précisément afin de faire des économies. Mais une telle taxe pourrait également permettre de réorienter une partie du trafic routier vers des modes de transports différents et favoriser ainsi l'aménagement durable du territoire.
Enfin, le renforcement des partenariats privé-public est certainement une voie à explorer pour soulager la dette publique, même si elle ne permet pas de résoudre totalement le problème du financement des infrastructures et même si ce sont les usagers ou les contribuables qui paieront, et probablement les deux à la fois.
Je conclurai en évoquant trois projets particuliers d'infrastructures. Le premier est le canal Seine-Nord, chaînon manquant pour relier le bassin de la Seine aux canaux du nord de la France et du Benelux par une voie navigable à grand gabarit. L'investissement - et c'est bien là que le bât blesse - s'élève à 2,6 milliards d'euros, mais il faut apprécier la rentabilité - si l'on peut parler ainsi - de l'équipement sur une période beaucoup plus longue que pour d'autres modes de transport. Celui-ci s'inscrit dans une logique de transports de marchandises depuis le Bassin parisien vers l'Europe du Nord. Le canal Seine-Nord desservirait d'abord deux régions urbaines françaises parmi les plus peuplées - la Picardie et le Nord - Pas-de-Calais - avec une congestion des réseaux routiers qui risque de virer à l'apoplexie.
Ce canal constitue donc une alternance. Il offrira, en outre, aux ports du Havre-Rouen et de Dunkerque un Hinterland beaucoup plus important, tout en permettant une connexion entre les ports maritimes et le réseau fluvial de la Belgique et de l'Europe centrale. Il donnera aussi toutes ses chances à la plate-forme multimodale de Dourges que vient de créer le conseil régional du Nord - Pas-de-Calais.
Le second projet concerne l'autoroute A 24 qui relie Amiens - ville que vous connaissez bien, monsieur le ministre - à la frontière belge et qui, en prolongement de l'autoroute A 16, viendrait doubler l'autoroute A 1. Le rapport d'audit du conseil général des ponts et chaussées précise que ce projet, qui s'inscrit par ailleurs dans une logique européenne des réseaux de transports, doit être concrétisé à l'horizon 2020. Cet horizon est trop lointain à mes yeux, car une telle autoroute est nécessaire - M. Percheron l'a souligné tout à l'heure - pour fluidifier le trafic et renforcer ainsi la sécurité tant sur l'autoroute A 1 que sur la route nationale Amiens - Arras : en quatre ans, on compte vingt-sept tués et quarante-quatre blessés graves.
En conclusion, j'évoquerai brièvement une aberration historique : la ligne SNCF reliant Calais à Amiens n'est toujours pas électrifiée. Aujourd'hui, on met beaucoup plus de temps que voilà dix ou vingt ans pour se rendre de Calais à Paris. Il est nécessaire de procéder à cette électrification, afin d'offrir une alternative sérieuse à la route et permettre une liaison plus rapide de la Côte d'Opale avec la capitale, bien sûr, Amiens, et aussi avec le chef-lieu du département du Pas-de-Calais, Arras.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de ce débat, mais surtout de la détermination dont vous avez fait preuve pour financer la création et la modernisation de nos infrastructures, au lieu d'agiter de simples promesses, comme beaucoup d'autres l'ont fait avant vous. (Protestations sur les travées socialistes.) C'est à ce prix que ce débat aura un sens et une utilité. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Serge Vinçon remplace M. Daniel Hoeffel au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, bon nombre de nos collègues l'ont déjà rappelé, le débat sur les infrastructures qui nous occupe aujourd'hui est un débat de fond qui concerne les choix de développement pour notre future société.
Monsieur le ministre, votre décision devra répondre aux questions que nous nous posons tous : quel type de développement et d'aménagement du territoire voulons-nous pour demain ? L'investissement collectif sera-t-il encore considéré comme un pilier de la solidarité nationale ?
Je peux vous confirmer, comme d'autres collègues l'ont fait à l'Assemblée nationale et ici même, que l'Ouest, plus particulièrement la Bretagne, attend vos réponses et vos décisions avec une grande inquiétude.
Tous ceux qui, comme nous, se sont battus depuis près de dix ans pour rapprocher notre région de Paris et mettre enfin un jour Brest et Quimper à trois heures seulement des grandes interconnexions ferroviaires européennes, avaient déjà très mal vécu le retard imposé au projet de TGV Bretagne-Pays de la Loire par les dix-huit mois de l'audit.
Que dire, alors, de notre sentiment à la lecture du rapport de cet audit, qui renvoie la première partie de cette réalisation au-delà de 2017 ? Autant dire aux calendes grecques ! (Sourires.)
Loin de moi l'idée de mettre en cause les autres dossiers. Je crois en effet qu'une véritable politique des transports doit tenir compte des effets de réseaux, envisager une stratégie intermodale et, surtout, ne pas oublier l'aménagement de tout le territoire, tant à l'échelon national qu'à l'échelon de l'Europe.
C'est donc en vertu de ces principes que je souhaite défendre le projet de train à grande vitesse Bretagne-Pays de la Loire, indissociable de la réalisation de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Pour ce faire, permettez-moi de relever un certain nombre d'erreurs contenues dans le rapport d'audit, à la lecture duquel je remarque toutefois, avec plaisir, que l'indice de rentabilité socio-économique de notre projet était bon, puisque, avec 10,7 %, les auteurs le qualifient d'assez élevé.
Première erreur, donc, l'audit met en doute l'impact sur le trafic, Rennes étant « déjà bien desservie ». Mais la Bretagne est une presqu'île, monsieur le ministre, vous le savez, et Rennes n'en est que la porte. Brest est encore à 245 kilomètres, Quimper à 207 kilomètres. Une fois arrivé à Rennes, vous êtes encore à deux heures ou deux heures et demie de bout de cette presqu'île.
De plus, le chantier de l'amélioration des voies intérieures de la Bretagne a été largement engagé dans le dernier contrat de plan, et les deux dossiers sont totalement indissociables et doivent être ouverts en concomitance.
La deuxième erreur, à mon avis, fondamentale, concerne le TGV Ouest qui aurait : « une dimension européenne peu développée ». Monsieur le ministre, toute région qui n'est pas au coeur de l'Europe serait-elle donc condamnée ? Toute région périphérique serait-elle donc irrémédiablement rejetée dans son « Finis-terre » ?
Telle n'est pas notre conception ni de l'aménagement du territoire ni d'une Europe équilibrée. Au contraire, plus l'Europe va s'élargir à l'Est, plus les régions extrêmes doivent être le mieux possible reliées au coeur de cette Europe.
La troisième erreur porte sur la question du fret ferroviaire, dont il a beaucoup été question ce soir, et qui « ne serait pas significative ». Or, au contraire, il s'agit là d'un élément central du dossier TGV Bretagne-Pays de la Loire. Il faut libérer la voie actuelle pour le fret, car celui-ci ne peut évidemment pas se développer dans l'état actuel des choses.
D'ailleurs, vos collègues Mmes Bachelot-Narquin et Fontaine en ont fait récemment les frais lors de leur déplacement à Rennes. Du fait d'un incident survenu la nuit avec le fret, un détournement a été décidé entre Le Mans et Rennes en passant par Nantes, ce qui a provoqué un retard de près de deux heures trente!
En outre, monsieur le ministre, nous revendiquons, et nous espérons bien revendiquer de plus en plus, notre « maritimité » : la Bretagne doit être considérée comme une ouverture sur l'Europe. Nous savons bien que le développement économique de notre région dépendra aussi, à l'avenir, de l'intermodalité et de l'articulation des ports de Nantes, de Saint-Nazaire, de Lorient, de Brest et de Saint-Malo. Une infrastructure ferroviaire spécifique réservée au fret est d'autant plus indispensable pour faire de la pointe de la Bretagne un territorie avancé, une porte sur l'Europe, et non pas une région reléguée à l'extrême Ouest.
Vous comprendrez donc, monsieur le ministre, notre inquiétude. Cependant, vous avez affirmé que cet audit constituait seulement une aide à la décision, laquelle relevait des élus et du Gouvernement. Pouvons-nous encore y croire ?
Le rapport de la DATAR, que beaucoup de mes collègues ont, à juste titre, trouvé intéressant, aurait pu accorder enfin à notre dossier un meilleur traitement au nom de cette politique d'aménagement du territoire. Hélas ! Là aussi, amère désillusion, le TGV Bretagne-Pays de la Loire ne figure même plus dans la liste des lignes à grande vitesse à privilégier. Je suis d'autant plus encline à insister sur les erreurs et les approximations de ce rapport qu'il a été loué sur d'autres points.
Cela en dit long sur la qualité de l'attention qui a été portée à notre dossier et, par là même, à notre région, malgré notre volonté et nos efforts, qui ne sont pas sans rappeler ceux que nous avions témoignés, voilà presque quarante ans, pour sortir la Bretagne de son quasi-sous-développement et mettre en place le plan routier breton.
Erreur sur le nom, le TGV Bretagne-Pays de la Loire devient la ligne à grande vitesse Pays de la Loire. La Bretagne aurait-elle disparu ? Erreur sur les distances, Rennes ne serait plus qu'à 60 kilomètres de Notre-Dame-des-Landes, ce qui est déjà considéré comme un handicap, alors que la distance réelle est de 90 kilomètres. Erreur, enfin, sur les temps, le gain pour Rennes ne serait plus que de vingt minutes et non de trente-sept, comme indiqué dans les études préliminaires de mars 2000.
Alors, oui, monsieur le ministre, les Bretons sont inquiets. Ils ont le sentiment que les jeux sont faits et ils craignent que, dans ce domaine comme dans un certain nombre d'autres, notre gouvernement ne les laisse de côté.
Lors du débat organisé à partir d'une question orale dans cette même assemblée, j'avais déjà eu l'occasion de vous dire que les élus bretons étaient unanimes à défendre leur projet initial, c'est-à-dire mettre Brest et Quimper à trois heures de Paris en 2010, et que la force de notre région était de parler d'une même voix lorsque son avenir était en jeu. Je le confirme aujourd'hui.
J'ajoute que, grâce au consensus entre les élus et grâce à leur détermination, grâce aux forces socio-économiques et grâce à toute la population, les Bretons n'accepteront pas d'être de plus en plus éloignés de cette Europe qu'ils ont largement contribué à créer. Ils ne comprendraient pas plus que votre gouvernement, par ses choix, ne favorise leur exclusion d'un développement économique moderne en les reléguant dans une périphérie dont le seul atout survivant ne serait plus que le tourisme, à condition, bien entendu, que d'autres Erika ou Prestige ne viennent compromettre aussi ce développement-là. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, bien au-delà d'un clientélisme régional ou départemental, c'est dans un esprit d'harmonie et de complémentarité avec mes collègues du groupe CRC que j'entends développer brièvement la question des infrastrucures de l'ouest de la France dont je suis le seul élu communiste au sein de cette assemblée.
Première région agricole, première région maritime française, première région pour les résultats au baccalauréat, que manquera-t-il bientôt à la Bretagne, sous l'effet de la politique gouvernementale, de la PAC, des crises agricoles, de la politique commune de la pêche, pour être la première pour les bas salaires, le chômage, les disparitions d'exploitations agricoles et d'entreprises des petits pêcheurs, la première pour les fermetures des bureaux de poste, d'écoles, de maternités et d'hôpitaux de proximité ?
Terre de courage, terre de contraste, la Bretagne voit s'éloigner d'elle le centre de gravité de l'Europe et s'affaiblir ses capacités d'échange.
Au regard de ce qui se passe dans le secteur de la volaille du fait des délocalisations et des importations abusives, la Bretagne craint le pire pour d'autres productions phares, ce qui la conduirait à une situation de région sinistrée.
Les infrastructures, au même titre qu'une réelle politique d'aménagement équilibré du territoire et de péréquation nationale, doivent contribuer à éviter le pire.
Dans le domaine du fer, l'engagement de Jean-Claude Gayssot d'amener le TGV à Rennes et de mettre Brest à trois heures de Paris, doit être tenu dans les délais prévus.
L'Etat doit également respecter ses engagements et sa participation financière à la modernisation des lignes Rennes-Brest et Rennes-Quimper, en prolongement de la ligne à grande vitesse. Les petites lignes doivent être modernisées afin de développer le fret et de rapprocher les populations des grands réseaux ; c'est le cas, par exemple, de la ligne Dol-Dinan-Lamballe.
En centre-Bretagne, là où le réseau ferré n'ira pas, il convient d'en finir dans les meilleurs délais avec la mise à 2 × 2 voies de la RN 164, en cours depuis plus de trente ans ! Son financement à mi-parcours du contrat de plan n'atteint que 35 % de l'objectif fixé.
Il est plus qu'urgent, monsieur le ministre, que ces travaux soient achevés, et ce n'est pas au département des Côtes-d'Armor d'assumer, dans le cadre de la décentralisation, ces travaux sur 108 kilomètres et encore moins d'être contraint d'instaurer un droit de péage pour financer les voies nationales.
Concernant le transport aérien, maintenant, le projet d'implantation d'un aéroport à Notre-Dame-des-Landes, en Loire-Atlantique, doit constituer une chance supplémentaire pour l'Ouest et les pays de la Loire dans le cadre d'une complémentarité avec les autres aéroports et avec le développement du pôle Nantes-Saint-Nazaire, tout particulièrement de ses activités portuaires et de construction navale.
Dotée de plus de 2 370 kilomètres de côtes et forte d'un savoir-faire maritime, la Bretagne peut devenir rapidement une région pilote dans le domaine du cabotage. Encore faut-il en avoir la volonté politique.
Ces quelques exemples traduisent notre souci d'accrocher la Bretagne à la France et à l'Europe, sans qu'elle soit en quelque sorte « à la remorque », mais pour qu'elle soit pleinement partie prenante.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de douter de la volonté gouvernementale d'y parvenir et de ne pas être d'accord avec les moyens préconisés : ce sont les plus modestes de ce pays qui seront lourdement frappés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Georges Gruillot.
M. Georges Gruillot. Monsieur le ministre, merci de nous offrir l'occasion de ce grand débat sur les transports que nous appelions de nos voeux depuis si longtemps. « Il est important », je reprends vos paroles, « il l'est pour notre pays, pour son rayonnement et sa capacité à garder un rôle moteur en Europe. »
Je crois que c'est particulièrement vrai en matière de transport de fret, domaine dans lequel nous n'avons pas eu de véritable politique, sinon celle de laisser faire les choses, ce qui s'est traduit par la multiplication des camions sur les routes, avec le cortège de nuisances que chacun de nous connaît.
C'est bien, en période de développement économique ralenti, de se souvenir que les facilités de transport de marchandises induisent la croissance.
C'est singulièrement vrai pour la France, qui joue son intégration harmonieuse dans l'Europe. Nous avons la chance, de par notre situation géographique, d'être un lieu de passage obligé entre l'Europe du Sud et l'Europe germanique. Faisons-en un paramètre de développement au lieu de subir passivement.
Profitons également de nos façades maritimes, atlantique et méditerranéenne, les meilleures d'Europe, pour devenir une véritable porte de l'Europe. C'est particulièrement pertinent pour notre ouverture sur la méditerranée. Chacun sait que les échanges vont s'y multiplier au cours du prochain demi-siècle, conséquence de la démographie galopante du Maghreb, futur gros consommateur de produits manufacturés européens.
Notre situation géographique en Europe est une chance, si nous savons la saisir. A l'inverse, si nous n'y prenions pas garde et si nous ne nous y préparions pas, elle deviendrait pénalisante avec l'ouverture prochaine à l'Est.
Les Suisses, eux, ne s'y sont pas trompés, en rêvant de canaliser de grands trafics nord-sud par leur territoire et en décidant d'investir en conséquence. En général, les Suisses n'investissent pas pour rien !
L'heure des grands choix est venue pour la France. Si elle veut tenir son rang, faisons-les, non pour quinze ou vingt ans, comme nous y invitent les rapports préparatoires, mais pour au moins une cinquantaine d'années. Et faisons-les, ces choix, avec une vision moderne des choses.
Chacun s'accorde à reconnaître qu'il faut limiter le plus possible la multiplication des camions sur les routes, enjeu difficile, mais seule voie possible, si nous voulons respecter les accords de Kyoto. A court terme, néanmoins, des réalisations autoroutières s'imposent encore pour adapter notre réseau.
Logiquement, le transport de fret sur le fer devrait se développer. Le réseau ferré existant est déjà très dense et la création de grands axes dédiés au fret vont dans ce sens. On peut rêver ! M. Gayssot, votre précédesseur, monsieur le ministre, l'avait fait et pris des paris. Le comportement de l'entreprise a fait, malheureusement, jusqu'ici que le rêve n'est pas devenu réalité !
La vraie modernité, en matière de transport de marchandises, serait cependant de décider une grande politique du transport fluvial.
La France a la chance d'avoir de vastes régions « mouillées » sur son territoire. Equipons-les aux gabarits européens, et maillons-les avec les réseaux de nos voisins Belges, Néerlandais, Luxembourgeois et Allemands. Ne nous laissons pas isoler par l'Europe du transport fluvial.
Napoléon Ier disait : « Ce ne sont point de palais ni de bâtiments dont l'Empire a besoin, mais bien de canaux et de rivières navigables ».
Aujourd'hui encore, cette parole impériale vieille de deux siècles est d'avant-garde.
Les avantages du transport fluvial sont nombreux, et il est bon de les rappeler brièvement.
Ce mode de transport, respectueux de l'environnement, est le plus silencieux et de très loin le moins consommateur d'énergie, il est donc moins responsable que d'autres de rejets de gaz à effet de serre.
Les risques d'accidents et, surtout, d'accidents graves sont extrêmement limités. Ce mode de transport a l'avantage de pouvoir fonctionner sept jours sur sept, de nuit comme de jour. Le Rhin, à cet égard, en est un brillant exemple. La lenteur que lui attribuent certains, mal informés, est donc largement compensée.
Sa mise en oeuvre par des artisans bateliers est, de plus, une garantie de sérieux et de ponctualité dans les livraisons, condition de plus en plus exigée par les utilisateurs.
Pour certains types de transport, transports dangereux, transports de très gros volumes ou poids, transports de granulats, transports de déchets et bien d'autres, le transport fluvial rendra de très grands services.
La France a besoin d'interconnecter ses bassins fluviaux, celui de la Seine aux réseaux du Nord « c'est Seine-Nord », celui de la Seine à celui de la Moselle « c'est Seine-Est », celui du Rhône à celui de la Moselle, par la Saône, et à celui du Rhin par la vallée du Doubs.
M. Jean-Louis Carrère. C'est fini ?
M. Georges Gruillot. La liaison Seine-Nord semble une impérieuse nécessité et pourrait se réaliser rapidement, comme, d'ailleurs l'aménagement fluvial du port du Havre. Tout le monde en est d'accord.
Quant à la liaison Rhin-Rhône par la vallée du Doubs, décidée pratiquement avec l'accord de tous, c'était une décision de bon sens : désenclavant vers le nord et l'est du bassin Rhône-Saône et sa sortie naturelle, le port de Marseille, mariant la France aux réseaux européens et nous donnant accès au bassin danubien. Eh bien, elle a été balayée d'un revers de main par Mme Voynet pour des motifs apparemment uniquement électoraux.
M. Jean-Louis Carrère. Cela a-t-il marché ?
M. Georges Gruillot. Pourtant, cette liaison permettrait à l'Alsace, au Bade-Wurtemberg et à la région de Bâle une ouveture sur la Méditerranée. Elle serait aussi une solution intelligente de contournement de l'arc alpin.
Des experts pensent d'ailleurs que cette liaison pourrait être reprise rapidement avec des normes techniques différentes de celle de l'ancien projet conçu dans les années soixante, plus respectueuses de l'environnement et correspondant mieux au trafic envisageable.
Il s'agit d'écluses plus courtes permettant la circulation des bateaux de type grand Rhénan de 110 à 115 mètres de long, gabarit qui correspond d'ailleurs à celui des « fluviomaritimes » dont on est en droit d'attendre beaucoup dans un avenir proche, le même bateau, sans transbordement pour le cabotage maritime et la pénétration en profondeur dans les terres. Ce n'est pas une vue de l'esprit, c'est déjà la réalité de ce début de xxie siècle.
Monsieur le ministre, définissons un grand schéma d'aménagment de toutes ces voies dont la France a besoin pour sa bonne intégration dans l'Europe et son rayonnement, quelles soient fluviales, ferrées ou routières, mais définissons en visant loin. En effet, quinze ans ou vingt ans, dans ce domaine, c'est beaucoup trop court.
Etablissons des priorités. Essayons d'accélérer les procédures, trop complexes et trop lentes aujourd'hui.
Quant aux problèmes de financement, il me semble que les grandes liaisons devraient, dans l'avenir, bénéficier de concours importants de l'Europe. De même, les fiscalités devraient être en partie remplacées par des redevances d'utilisation dont le recouvrement sera facilité par les progrès technologiques. Enfin, l'accès à des prêts peu coûteux de longue durée pourrait permettre l'accélération des réalisations.
Mais une politique décidée dans cet esprit, pour être crédible et durable, devrait être gérée hors budget par un établissement public créé à cet effet. Tout cela est possible, si nous en avons le courage politique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. - M. Jean-Pierre Plancade applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, il est une heure du matin, il reste trente-huit orateurs inscrits, et la réponse des ministres, ce qui représente quatre à cinq heures de débats. Aussi, je me permets de vous inviter à un maximum de concision, tout en faisant remarquer que la plupart des interventions dépassent le temps initialement indiqué !
La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, j'abrégerai donc mon intervention. Beaucoup de choses ont été dites excellemment et, pour ma part, je voudrais simplement aborder trois points.
En premier lieu, à ce stade de la discussion, trois priorités ont été relevées : premièrement, la nécessité d'infrastructures de dimension européenne dès lors qu'elles contribuent à renforcer l'attractivité de notre pays ; deuxièmement, le choix d'infrastructures permettant de traiter des axes régulièrement saturés ; troisièmement, la réalisation d'infrastructures d'aménagement du territoire afin que, dans la logique de la loi de 1995, aucune partie du pays ne puisse être éloignée à la fois d'un aéroport, d'une gare de TGV et d'un échangeur routier.
En deuxième lieu, j'aborderai la question du rôle de l'Etat. Il est évident que celui-ci a changé : autrefois acteur essentiel dans l'aménagement du territoire, en particulier dans les transports, il est davantage devenu un partenaire, un garant. En effet, l'Etat est souvent le partenaire des collectivités locales dans la définition des schémas régionaux de transports, mais aussi le partenaire des autres Etats européens dans la mise en oeuvre des réseaux de transport trans-européens.
Sur le plan national, il doit rester le garant de l'équité territoriale pour l'accès aux transports et porter une attention toute particulière aux régions enclavées. Naturellement, la décentralisation devra donner aux régions, aux départements, un rôle plus important dans l'évaluation des besoins, la hiérarchisation et la réalisation des projets, mais en conservant toujours, c'est en tout cas ma vision, un Etat garant.
M. Serge Franchis. Tout à fait !
Mme Jacqueline Gourault. En troisième et dernier lieu, en tant qu'élue de la région Centre, je tiens à évoquer deux projets dont j'entends beaucoup parler, de façon positive ou interrogative : il s'agit de l'autoroute A 110 Ablis-Tours et de la ligne POLT, entre Paris, Orléans, Limoges et Toulouse.
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
Mme Jacqueline Gourault. Je rappelle que le Gouvernement a inclus dans l'audit l'étude de l'A 110, qui avait été retirée du schéma de service par Mme Voynet.
La mission conjointe de l'inspection générale des finances et du conseil général des ponts et chaussées a estimé que l'absence de difficultés majeures à l'heure actuelle sur l'A 10 justifiait de ne pas accélérer le calendrier d'études permettant l'éventuelle réalisation avant 2020. Or il est actuellement indispensable d'engager rapidement sur la route nationale 10, entre Chartres, Vendôme et Tours, d'importants travaux de capacité et de sécurité. Certains avancent que la mise à 2 × 2 voies coûterait plus cher que la construction de l'A 110. Je pose la question ; je n'ai pas forcément la réponse, mais nous sommes là pour cela et, tout à l'heure, nous avons dit qu'il fallait faire des choix.
En ce qui concerne le projet de liaison pendulaire Paris-Orléans-Limoges-Toulouse - POLT -, le rapport d'audit du conseil général des ponts et chaussées recommande d'en « reconsidérer l'utilité dans son ensemble et, dans le cas où il serait néanmoins retenu, d'examiner des alternatives moins coûteuses pour le matériel roulant ». La mission a également souligné la nécessité d'une prise de position rapide sur ce dossier, la SNCF étant tenue par le protocole d'accord signé le 21 février 2001 à commander dès 2003 les premières rames pendulaires prévues pour la réalisation du projet.
Une telle infrastructure permettrait de maintenir un mode de transport ferroviaire alternatif au TGV qui desservirait plusieurs régions, dont la région Centre, et de raccorder celles-ci à Roissy et, au-delà, au réseau TGV européen.
M. Michel Moreigne. Très bien !
Mme Jacqueline Gourault. Toutefois - et je répète tout haut ce que j'entends dire tout bas -, nombreux sont ceux qui voudraient connaître les résultats de l'expérience italienne il pendolino pour savoir si elle est concluante.
Par ailleurs, j'entends dire aussi que le gain de temps, sur cette fameuse ligne POLT, serait finalement d'un quart d'heure entre Paris et Toulouse. Toulouse est tout de même la quatrième ville de France.
M. Jean-Pierre Plancade. Toulouse a besoin d'un TGV !
Mme Jacqueline Gourault. Oui, justement ! Je ne connais pas la solution, mais je pose le problème. Ensuite, si les choix du Gouvernement ne se portaient pas sur le POLT à cause des conclusions qui pourraient être tirées, je crois en tout cas pouvoir affirmer qu'il y a une urgence absolue à réaliser des travaux sur la ligne actuelle Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, en particulier la sécurisation des passages à niveau.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie d'avoir organisé ce débat. J'aurais pu aborder bien d'autres sujets, mais les aspects financiers ont été traités par mon collègue Jacques Oudin, et j'ai voulu être brève. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb.
M. Gérard Collomb. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nos collègues défendent tous avec talent et conviction les dossiers d'infrastructure de leur région. Pourtant, je continue à penser que si l'on réduisait le débat sur les grandes infrastructures aux simples enjeux hexagonaux, on se tromperait d'espace et d'époque.
Car si les enjeux locaux ou régionaux sont importants, le problème essentiel des quinze, vingt prochaines années est celui de la place que tiendra la France au sein de l'Europe telle qu'elle est aujourd'hui, mais plus encore telle qu'elle sera demain.
Quelle est la réalité de l'Europe ? Nous connaissons tous la carte de l'Europe démographique, de l'Europe économique. En regardant les cartes européennes, on est impressionné par ce que les géographes appellent la « banane bleue », cet arc de puissance qui va du sud-est de l'Angleterre à l'Italie du nord, en traversant l'Allemagne. Les récents rapports européens, notamment celui de la DATAR, nous expliquent que, demain, avec l'adhésion des pays de l'Europe centrale et orientale, cet axe va encore se déplacer de l'ouest de l'Allemagne vers sa partie centrale et orientale.
Le problème crucial pour notre pays est donc de savoir si, demain, nous demeurerons liés à cet axe de prospérité ou si la France, si la péninsule Ibérique, d'ailleurs, décrocheront de cette Europe de la prospérité économique et de l'emploi.
Or, aujourd'hui, comme vous le savez, monsieur le ministre, de grands projets sont en cours de réalisation reliant l'Europe du nord à l'Europe du sud, hors du territoire français. En matière de ferroutage, on l'a dit, la Suisse a pris une longueur d'avance sur nous. Aujourd'hui, c'est le Saint-Gothard qui est en cours de construction, l'un des plus grands chantiers de l'Europe ; demain, ce sera le Löchtsberg et, plus à l'est, le Brenner en Autriche.
Si la France ne réagit pas et privilégie une conception franco-française de ses infrastructures plutôt que les projets de dimension européenne, alors, demain, l'Europe du développement économique passera loin de nos frontières. Et il ne nous servira à rien d'avoir développé les infrastructures hexagonales puisque celles-ci seront déconnectées de l'Europe en mouvement.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaite que le Gouvernement puisse tenir le calendrier qui a été fixé dans les accords internationaux entre la France et l'Italie pour la réalisation de la liaison transalpine Lyon-Turin.
Je dis « Lyon-Turin » mais vous avez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu'il ne s'agit pas de Lyon, qu'il ne s'agit pas de Turin, quelle que soit l'importance de ces villes, qu'il ne s'agit même pas de la région Rhône-Alpes, même si celle-ci pèse le même poids économique que le Danemark, qu'il ne s'agit même pas du Piémont-Lombardie, même si cette région est la deuxième région économique de l'Europe. Non, monsieur le ministre, mes chers collègues, il s'agit de savoir si, en réalisant le chaînon manquant entre Lyon et Turin, nous créerons le corridor n° 5 inscrit sur la liste des quatorze projets de transports européens prioritaires adoptés par les chefs d'Etat à Essen et qui permettront de relier la France et la péninsule Ibérique à l'Europe centrale et orientale, avec demain des branches qui se dirigeront vers les pays Baltes d'une part et vers les Balkans de l'autre.
Ce sont les grands enjeux d'infrastructure européens de demain. Si nous passons à côté de ces enjeux, c'est l'ensemble de notre pays, l'ensemble de nos régions qui se trouveront en dehors de l'Europe de la croissance.
Economiquement décisive, la réalisation d'une liaison transalpine est écologiquement indispensable. Il y va de la préservation du massif alpin et de ses vallées, de la prise en compte des risques si tragiquement illustrés par la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc.
Monsieur le ministre, vous le savez, il est bien d'autres projets d'infrastructure qui concernent la région Rhône-Alpes. Volontairement, je n'ai évoqué que le Lyon-Turin pour souligner que ce projet est d'une autre nature, décisif non pas pour une région mais pour notre pays.
Alors, il est vrai que les problèmes de financement sont importants. Ils passent évidemment par un engagement fort de l'Union européenne à ce projet, de l'ordre de 20 %. Une ingénierie de montage associant le secteur parapublic français au secteur privé italien - Caisse des dépôts et consignations et grands groupes bancaires italiens - pourrait sans doute, par péage, financer vingt autres pour cent. On a évoqué, dans le débat de ce soir, la possibilité d'une taxe européenne additionnelle sur les carburants pour les poids lourds ou un surpéage pour le franchissement du massif alpin. Elle pourrait encore rapporter 20 %. Il resterait donc deux milliards et demi d'euros que les Etats français et italien devraient pouvoir financer pour réaliser le tunnel de base. Le financement de la partie française peut donner lieu à un montage de même nature avec, et nous prenons nos responsabilités, la participation acquise des collectivités territoriales. Est-ce hors de notre portée ?
Vous savez, monsieur le ministre, que le gouvernement italien veut mener à bien ce projet par crainte lui aussi de se trouver marginalisé dans l'Europe de demain. Silvio Berlusconi l'a encore confirmé au Président de la République, Jacques Chirac, lors du sommet d'Evian.
C'est à vous de dire aujourd'hui si la France entend respecter les accords internationaux signés par notre pays.
C'est à vous de dire si le Gouvernement veut vraiment de ce projet. Car, comme le disait M. Raymond Barre, avec le sens de la litote qu'on lui connaît : « Repousser le projet au-delà de 2015 serait dangereux. » Traduisons, pour que l'on comprenne bien : repousser ce projet après 2015 serait purement et simplement l'annuler. Je crois, monsieur le ministre, que ce serait une erreur profonde pour notre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le débat que nous avons aujourd'hui est d'une importance primordiale pour la France, comme l'a fort bien démontré mon amie Marie-France Beaufils.
Aujourd'hui plus que jamais, le principe d'une politique d'anticipation pour créer les infrastrucures dont nous avons tant besoin sur la période 2003 à 2020 est indispensable. Dans le même temps, il faut éviter la congestion de nos réseaux de transport qui, à terme, pourait être contreproductive pour l'économie de notre pays et la vie de nos concitoyens.
Chacun de nous a conscience que cette situation peut se dégrader dans les prochaines années, compte tenu des perspectives de croissance naturelle de la demande et de notre insuffisante capacité à y faire face aujourd'hui.
Les infrastructures de notre pays sont les fondations du développement de notre société, de ses individus et de son économie. A cet égard, elles requièrent des mesures d'exception. En ce domaine, la politique nationale doit donc à la fois prendre la hauteur de vue nécessaire pour anticiper les évolutions à venir, s'inscrire dans la durée, en dehors de toute logique de rentabilité financière, pour infléchir le cours des événements conjoncturels et avoir le souci de la proximité et de la concertation, afin de ne pas se couper des enjeux propres à chaque territoire.
Ces principes prévalent donc sur tout raisonnement comptable puisque le fond de notre discussion, outre l'aspect international, c'est-à-dire le rayonnement et la capacité de notre pays à conserver un rôle moteur en Europe, concerne les attentes et les exigences de nos concitoyens, acteurs économiques ou simples particuliers, en matière d'infrastructures de transport.
Quels transports voulons-nous pour l'Europe ? Pour quels développements et au service de qui ? C'est sur ce point, bien sûr, monsieur le ministre, que nos appréciations et nos orientations divergent.
M. Gayssot, dont je veux saluer au passage le travail très important qu'il a effectué dans ce ministère,...
M. Eric Doligé. Triste passage ! C'était une catastrophe !
Mme Hélène Luc. ... s'était fixé l'objectif de doubler en 2010 et de tripler en 2020 le fret ferroviaire.
M. Gérard Longuet. Sans moyens financiers !
Mme Hélène Luc. Quant à vous, monsieur le ministre, vous préconisez d'amoindrir cet effort et de filialiser ce secteur, c'est-à-dire de le privatiser.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Cela n'a rien à voir.
Mme Hélène Luc. La région d'Ile-de-France est évidemment pleinement concernée par ce grand débat sur les infrastructures 2003-2020, et elle l'est d'abord de par sa position sur le plan économique. Créant 29 % de la richesse produite en France, elle est notre première région industrielle et concentre 40 % de la recherche nationale. Elle compte aussi dix-sept universités, de nombreuses infrastructures, des services publics urbains originaux, un riche patrimoine culturel. Dotée d'une capacité de création et d'innovation considérable, elle est riche aussi des traditions d'accueil et de démocratie forgées au fil de notre histoire et liées au dynamisme des collectivités, villes, départements, régions qui la composent et aux capacités de mobilisation rapide de ses habitants.
Mais c'est aussi une région difficile, marquée par de fortes inégalités sociales et territoriales, et où la précarité augmente fortement.
Le développement non maîtrisé de l'urbanisation et l'absence de gestion des ressources naturelles sont à l'origine de nombreuses pollutions de l'air, de l'eau et des sols, en même temps que d'un encombrement des centres urbains qui renforce les difficultés sociales, provoque du stress et des violences multiples.
Je veux rappeler ici que la situation actuelle découle d'une politique d'aménagement marquée par une inégalité de traitement flagrante des départements au sein même de la région d'Ile-de-France, inégalité que les transferts de charges sur les collectivités territoriales que vous voulez opérer aggraveront encore.
Le rapport d'audit souligne que le financement des projets d'infrastructures retenus par la mission se heurte à une impasse financière de 11 milliards à 15 milliards d'euros par rapport aux ressources dont dispose l'Etat, tandis que l'effort de contribution des collectivités locales est évalué à 11 millards d'euros pour les vingt prochaines années.
Vous avez affirmé, monsieur le ministre, la nécessité de poursuivre et même d'intensifier l'effort d'équipement de notre pays. D'accord ! Mais le groupe communiste républicain et citoyen déplore que la réflexion globale sur les infrastructures de transport en France soit conduite à travers le prisme d'une vision purement comptable.
Vous avez parlé du tarissement des sources traditionnelles de financement alors même que des solutions de financement existent. Voilà bien la grande question : le financement. En la matière, monsieur le ministre, il est bien évident que nous n'avons pas les mêmes orientations.
Pour prendre l'exemple concret d'un territoire que je connais bien, le retard d'investissement de l'Etat dans le Val-de-Marne vaut, entre autres conséquences, à ce département un bouchon qui passe pour le plus gros de France et un des pires en Europe, celui de l'A 4 à l'A 86.
Un exemple criant de saturation des voiries départementales nous est fourni par la RD 38 à Choisy-le-Roi, voie conçue à l'origine pour relier deux communes et qui sert maintenant de déviation à la RN 6, alors que nous ne sommes même pas sûrs - mais peut-être me direz-vous le contraire, monsieur le ministre - d'obtenir les financements nécessaires à l'aménagement de celle-ci.
M. le président. Veuillez conclure, madame Luc !
Mme Hélène Luc. L'Etat et le conseil général d'alors, s'ils ont fait preuve de beaucoup de prévoyance pour aménager à coups de milliards prélevés sur l'argent public le site privé d'Eurodisney, n'ont pas été assez cohérents pour assumer le bouclage de l'A 4 et de l'A 86, et donc pour faire face aux conséquences du développement logistique du Val-de-Marne sur le Port autonome de Paris, sur Orly, sur le marché d'intérêt national de Rungis, sur la SOGARIS et sur bien d'autres sites encore.
Les élus de ce département, dont je me fais l'écho, sont donc fondés à exhorter le Gouvernement à faire en sorte que l'Etat recouvre toute sa capacité et sa compétence, respecte ses obligations d'aménagement du territoire national et tienne la parole donnée dans le cadre des contrats de plan Etat-Région, à la réalisation desquels le conseil général du Val-de-Marne est prêt à travailler en partenariat avec les communes, comme il a travaillé avec les entreprises et la région.
Il est donc déterminant que l'Etat engage dès à présent le doublement de l'A 4 à Joinville-le-Pont en passage sous fluvial conformément à la déclaration d'utilité publique de 1998.
Pour l'aéroport d'Orly, il faut absolument que la ligne 7 soit prolongée.
Monsieur le ministre, les Parisiens et les habitants de l'Ile-de-France qui ont voulu aller sur les Champs-Elysées dimanche dernier pour voir à la fois les anciennes locomotives et le nouveau train Corail sont attachés à la SNCF et à ses employés, les cheminots.
M. Jacques Blanc. Et à ses grèves !
Mme Hélène Luc. Ils sont fiers de ses performances, de ses trains à l'heure et de plus en plus confortables. On a vu en 1995 de quel soutien bénéficiaient les cheminots.
A l'intention de M. Larcher, je tiens d'ailleurs à dire que, quelque soit le Gouvernement que la France élit, la SNCF joue toujours, avec l'ensemble de ses salariés et de ses cadres, son rôle de service public.
Ce qui change, c'est l'orientation de l'actuel gouvernement. Vous savez bien, monsieur le ministre,...
M. le président. Madame Luc, je vous prie de conclure !
Mme Hélène Luc. ... que le service public est au coeur des luttes que les enseignants mais aussi d'autres fonctionnaires mènent actuellement, pour le conserver et pour l'améliorer.
M. le président. Madame Luc, c'est terminé !
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, j'observe que vous n'avez coupé la parole à aucun autre orateur ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, lors du débat du 20 mai dernier à l'Assemblée nationale sur le thème des infractructures à l'horizon 2020, la politique portuaire de la France a été abordée, mais il me paraît indispensable de compléter la réflexion.
En tant que rapporteur pour avis des crédits des ports et de la marine marchande pour la commission des affaires économiques, il me semble essentiel d'évoquer les ports dans la réflexion collective sur l'avenir de nos infrastructures.
Trois raisons, qui sont liées, justifient cette nécessité.
La première, c'est l'importance du transport maritime : s'il représente 28 % des échanges intracommunautaires en volume et 22 % en valeur, la part de ce moyen de transport ne concerne que 8 % de notre activité sur le plan national alors que notre pays dispose de l'une des plus importantes façades maritimes du continent. Nous sommes donc très largement en deçà de notre potentiel.
L'amélioration des conditions d'accueil des opérateurs tant maritimes que terrestres dans les enceintes portuaires conditionne pourtant tout un ensemble d'activités économiques indispensables au développement des régions exclues de la « banane bleue ».
La deuxième raison, c'est précisément le rôle déterminant des ports pour la compétitivité et l'attractivité du site « France » en Europe. Un certain nombre de flux de frets sont totalement contraints par la nature même du commerce, et par la géographie tant de la production que de la consommation. Le fret maritime, au contraire, est bien davantage conditionné par des réalités économiques de marché : les marchandises débarquent ou embarquent là où les infrastructures existent, là où les capacités ont été modernisées et mises à niveau, là enfin où les coûts sont les plus faibles.
Force est de constater que nos performances sont médiocres. J'ai eu l'occasion, dans mon avis budgétaire de l'an dernier, de souligner qu'en 2001 l'activité de nos ports autonomes maritimes avait été très largement inférieure à celle de leurs principaux concurrents européens, tant sur la façade Manche-Mer du Nord qu'en Méditerranée, en particulier dans les transports conteneurisés. Or, ce trafic est essentiel pour le développement de l'activité des places portuaires, dans la mesure où le passage à un niveau critique permet d'offrir aux armements des conditions tarifaires comparables à celles des ports concurrents, en particulier pour les plus grands navires. Il faut donc améliorer la situation pour que les opérateurs préfèrent à nouveau les ports français aux autres.
La troisième et dernière raison, c'est le caractère structurant d'une répartition harmonieuse d'infrastructures portuaires modernisées pour l'aménagement du territoire et le développement équilibré et durable.
Cette problématique s'inscrit exactement dans la réflexion menée par la Commission européenne en matière de réseaux transeuropéens de transport, au sein du groupe animé par M. Karel Van Miert. Si le réseau de nos six ports autonomes doit être abordé dans une logique de compétition internationale, celui de nos ports d'intérêt national représente, du point de vue du développement territorial, une importance capitale, qui mérite ainsi une attention particulière.
Dans ce contexte, je suis conduit à formuler trois observations.
Première observation : si les réseaux de transport ne sont rien sans départ ni arrivée, l'inverse est également vrai ! Un port ne sert guère s'il n'est pas correctement connecté à des réseaux routiers, ferroviaires et fluviaux de longue distance permettant d'acheminer les marchandises.
Plusieurs de mes collègues ont, ou vont, rappeler l'évidence et souligner les manques en la matière. Je n'y insisterai donc pas. Qu'il soit simplement permis à cet instant au président du conseil général de la Seine-Maritime d'exprimer toute l'inquiétude que lui cause la situation du port du Havre, qui a été évoquée à plusieurs reprises.
Voilà une opération « Port 2000 » qui est en cours d'achèvement, qui a mobilisé des moyens publics colossaux, provenant soit de l'Etat, soit des collectivités locales, et dont les résultats pratiques risquent d'être très largement bridés par les retards pris dans la desserte de l'Hinterland. Comment va-t-on faire pour gérer 3 millions de conteneurs, au lieu des 1,2 million actuellement ?
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, il faut combler ces retards, de même qu'il est absolument essentiel que le projet d'écluse fluviale soit rapidement engagé et financé : le potentiel que représente le transport fluvial ne doit pas continuer à être ignoré comme il l'a été depuis de trop longues années.
Plusieurs de mes collègues ont évoqué la liaison Seine-Nord : j'y ajoute Seine-Est. Les responsables portuaires du Havre et tous les élus de Normandie vous diront en effet que c'est Seine-Est qui apportera véritablement un « plus » au port du Havre.
La complémentarité des moyens de transport route-fer-fluvial est une nécessité, et il est urgent de traiter au fond ce dossier.
Deuxième observation : les investissements en matière d'infrastructures portuaires sont largement financés par l'Etat dont la participation représente 60 % ou 80 % dans les ports autonomes, et environ un tiers dans les ports d'intérêt national.
Il ne faudrait pas que le mouvement de décentralisation, engagé par la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité et qui pourrait s'approfondir demain avec les futures lois de décentralisation, aboutisse à faire supporter aux seules collectivités territoriales le poids de l'entretien et du développement des infrastructures portuaires.
Monsieur le ministre, vous savez à cet égard que la Seine-Maritime, qui possède plusieurs ports départementaux, est demandeuse : elle souhaiterait pouvoir gérer le port de Dieppe, qui est partenaire du port de Newhaven.
Il conviendrait que l'Etat s'engage à continuer à assumer sa part ou qu'il garantisse que le transfert de compétences sera accompagné des moyens financiers adéquats.
J'en viens à ma dernière observation. L'Union européenne travaille sur un projet d'« autoroutes de la mer » que la DATAR a présenté dans son récent rapport. L'objectif de ce dispositif est d'absorber une partie substantielle de l'augmentation prévisible des trafics intra-européens. Il faut naturellement que notre pays se prépare à cette perspective.
Cela me semble nécessiter de donner suite, à titre complémentaire, aux propositions de notre collègue Henri de Richemont en matière de cabotage maritime, à savoir la création de deux lignes, l'une en Atlantique, l'autre en Méditerranée - pourquoi pas une troisième en Manche ? - et ainsi rattraper le retard que nous avons pris face à nos concurrents.
Je sais que le tout récent comité interministériel de la mer, qui s'est tenu à la fin du mois d'avril, a décidé de mettre ces lignes à l'étude. Toutefois, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, il a été dit, ici ou là, que les études des experts et des techniciens manquaient parfois de sens politique et de vision. Aussi, je vous invite à vous assurer que cette étude ne souffrira pas du même travers !
De même, je vous incite à faire financer ces projets par l'Union européenne, en obtenant qu'il figurent dans les propositions que devra prochainement remettre M. Van Miert.
Telles sont les réflexions que je souhaitais apporter dans ce débat sur les infrastructures à l'horizon de 2020. La France a été une grande puissance maritime. Elle peut et elle doit le redevenir en mettant en place des outils qui permettent au pavillon national de retrouver sa vraie place, en donnant à nos ports les moyens de mieux fonctionner et, grâce aux investissements réalisés, d'être plus compétitifs.
A nous de nous donner les moyens de relever ces défis !
Monsieur le ministre, monsieur le sécrétaire d'Etat, nous sommes à vos côtés pour y parvenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, nous le savons tous, des liaisons rapides interrégionales ou internationales sont devenues indispensables. Elles font partie intégrante d'une impérative nécessité, permettant l'expression du développement local grâce à nos entreprises, et cela dans un contexte économique concurrentiel où les délais de livraison constituent un enjeu essentiel.
Récemment, nous avons eu connaissance d'audits, d'études prospectives, de rapports. Nous avons eu connaissance d'un état des lieux certes nécessaire, mais peu utile si l'on n'essaie pas d'aller plus loin !
Il importe également de savoir en tirer des enseignements qui doivent déboucher sur la réalisation ou l'aménagement de projets qui s'imposent à nous, élus locaux.
La route est aujourd'hui l'infrastructure qui est de très loin la plus utilisée par les Français. Elle le restera même dans l'objectif 2020, particulièrement en ce qui concerne le transport des voyageurs. Un transfert partiel doit s'effectuer particulièrement sur le trafic ferroviaire en faveur des marchandises. Les routes, qui assurent aujourd'hui 80 % du trafic voyageur, en assureraient 15 % de moins à l'avenir, au profit notamment des liaisons ferroviaires.
Le problème du transport, c'est aussi un état d'esprit. Il faut une évolution de nos mentalités, mais celle-ci n'est-elle pas liée à une volonté nationale qui devrait, par incitation, alléger la densité du transport routier en transférant une partie de celui-ci sur le ferroviaire ? En effet, comme vous le savez, il n'est pas normal que des wagons sur des longues distances circulent à moitié vides ou, si vous le voulez, à moitié pleins, alors que les frais généraux sont les mêmes.
Notre société, aujourd'hui comme dans un passé récent, ne prend en compte que la rapidité, la destination directe de livraison. Retient-elle suffisamment la sécurité par rapport au volume transporté ? Intègre-t-elle correctement l'environnement et, donc, le volet pollution ?
Il est urgent de se décider à trouver des financements complétementaires, et je veux aussi parler de crédits européens. Il devient essentiel de favoriser les initiatives privées afin de faire avancer et de concrétiser nos projets. Une route ne se construit pas en quelques mois, ni en quelques années. D'ores et déjà, il faut décider des principes, rechercher des financements et avoir parfois le courage de l'intérêt collectif.
Etant l'élu d'un département situé au coeur du Massif central, vous comprendrez que j'évoque la nécessité, je dirais l'urgence de réaliser le tronçon d'un axe vital reliant Lyon, cette grande capitale économique en termes de services, à Toulouse, autre capitale européenne. Ce prolongement vers l'Europe du Sud s'impose, car l'Espagne et le Portugal sont en pleine mutation économique. Nos amis européens deviennent des partenaires de nos entreprises et les relations entre les hommes sont indispensables.
Le Massif central n'est-il pas un peu oublié ? Regardez, sans aucun esprit polémique, la carte des grands réseaux nationaux routiers ou ferroviaires, et jugez par vous-mêmes ! Mes propos cernent de près la réalité...
Si je prends pour référence l'axe Lyon - Toulouse, que je viens de citer, je constate que, pour le tronçon reliant Lyon à Saint-Etienne, les chiffres parlent d'eux-mêmes : la circulation y est de 60 000 à 70 000 véhicules par jour ; autour de la couronne stéphanoise, elle dépasse 80 000 véhicules par jour ! Il n'est plus possible de circuler dans des conditions normales de sécurité sur cette route que l'on appelle l'A 47, reliant le chef-lieu de la Loire à celui du Rhône. Il ne faut pas attendre que survienne une catastrophe pour agir.
Oui, il est nécessaire d'envisager la réalisation le plus rapidement possible d'une nouvelle voie, l'A 45. Depuis des années, on en reste au stade de la réflexion. Des efforts considérables ont été faits à partir de Saint-Etienne en direction de Toulouse, et ce dans des conditions très difficiles, aussi bien sur le plan technique que sur le plan financier. M. le directeur de la DATAR connaît bien ce sujet...
Je voudrais évoquer la topographie très particulière de ce secteur, où la création de plusieurs viaducs a été nécessaire pour traverser la Haute-Loire, la Lozère ou l'Aveyron. Par exemple, le viaduc de Pont-de-Lignon, qui compte seulement deux voies, a coûté 11 millions d'euros.
M. Gérard Longuet. On n'a rien sans rien !
M. Jean Boyer. Oui, ce tronçon a été considérablement amélioré, y compris grâce à la participation des collectivités départementales. Il n'est pas acceptable de demeurer dans une telle situation, qui ne peut que s'aggraver.
Si l'on veut que le centre de la France ne meure pas totalement, il faut le désenclaver aussi par ce grand axe Lyon-Toulouse, par cette route nationale 88 à partir de laquelle les départements réaliseront des jonctions permettant l'« irrigation » indispensable à ce territoire de montagne qu'est le Massif central.
Je ne voudrais pas que mon message soit une déclaration de circonstance, de principe. Je voudrais, monsieur le ministre, qu'il vous convainque. Je sais que je ne suis pas le seul à vous en faire part, et j'ose espérer que ce message collectif sera suivi d'effets. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Moreigne.
M. Michel Moreigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le rapport de la DATAR intitulé : La France en Europe : quelle ambition pour une politique des transports ? préconise l'abandon de la technologie pendulaire pour la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, le POLT, au prétexte d'une faible rentabilité économique.
Qu'il me soit permis de dire ici que cette analyse a été conduite avec une certaine mauvaise foi. En particulier, le terme « projet » est employé à propos de l'amélioration du POLT, qui fait pourtant bien l'objet, depuis le 13 novembre 2001, d'un engagement ferme pour un montant de 243 millions d'euros de la part des six partenaires concernés : l'Etat, la SNCF, RFF et les régions Centre, Limousin et Midi-Pyrénées. Cette convention est adossée au contrats de plan. Un préfet coordonnateur, le préfet de la région Limousin, a été désigné.
La technologie pendulaire paraît être la seule compatible avec l'utilisation optimale de l'infrastructure ferroviaire classique entre Paris et Toulouse via Limoges et avec le raccordement au réseau à grande vitesse et à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle.
Il s'agit donc non d'un projet, mais d'une opération dont l'achèvement est bien prévu pour 2006. Renoncer à la réalisation du POLT reviendrait, pour les partenaires, au premier rang desquels l'Etat, à renier leur signature. Un rapport ne peut, à nos yeux, remettre en cause un contrat.
S'agissant maintenant de la liaison ferroviaire Bordeaux-Lyon par Montluçon, Guéret et Limoges, des études menées depuis déjà une dizaine d'années et associant les régions Aquitaine, Limousin, Auvergne et Rhône-Alpes n'ont pas été suivies d'effets, malgré le partenariat entre la SNCF, puis RFF, et les régions.
Cheminots et usagers de cet axe s'inquiètent vivement des menaces qui pèsent sur son maintien. En effet, les vieilles rames « turbotrains » qui circulent depuis près de trente ans entre Bordeaux et Lyon devraient être prochainement retirées du service.
A ce jour, très peu d'investissements d'infrastructures sont prévus, notamment sur les 270 kilomètres de voie unique et les « rebroussements ». Les manoeuvres en gares de Périgueux, de Saint-Sulpice-Laurière et de Gannat allongent considérablement la durée du trajet et sont quasiment rédhibitoires pour le fret de transit.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, apaiser les inquiétudes concernant la liaison ferroviaire nationale Bordeaux-Lyon via Limoges et Guéret et sa possible rétrogradation en segmentations à vocation purement régionale ? En outre, pouvez-vous faire le point sur le renouvellement des rames « turbotrains » qui assurent cette desserte transversale, desserte dont l'amélioration pour le trafic de voyageurs et l'aménagement pour le transport du fret devraient constituer une priorité en matière de cohésion et de développement du territoire, tant national qu'européen, de l'arc atlantique vers l'Europe continentale et l'Italie du Nord ?
Par ailleurs, la route Centre-Europe-Atlantique est une grande liaison d'aménagement du territoire. Cette liaison à 2 × 2 voies est inachevée. Les crédits prévus au titre du XIIe Plan, soit 55 millions d'euros, seront prochainement entièrement consommés et 20 millions d'euros provenant du FEDER sont attendus par la région Limousin pour terminer le tronc commun de la route Centre-Europe-Atlantique entre le lieu-dit Parsac et Montluçon, l'essentiel de l'itinéraire se trouvant en Creuse.
Monsieur le ministre, les crédits attendus du FEDER sont-ils réellement obtenus et viendront-ils bien abonder les investissements réalisés sur la portion limousine, notamment creusoise, de la route Centre-Europe-Atlantique ? Enfin, conformément à la clause de revoyure, les crédits de l'Etat inscrits au contrat de plan Etat-région Limousin seront-ils abondés ?
Telles sont les quelques questions succinctes que je me permets de vous poser, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat. J'attends avec intérêt vos réponses. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Le Grand.
M. Jean-François Le Grand. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je résumerai mon intervention à l'évocation de quelques thèmes, me réservant de les développer en une autre occasion.
Je formulerai trois observations préalables.
Premièrement, depuis les débuts de l'humanité, un pays n'est grand et économiquement puissant que s'il met en place une vraie et bonne politique des transports. Cela a été dit excellemment tout à l'heure par le président Poncelet et par M. Gérard Larcher. Je n'y reviendrai donc pas, mais j'ajouterai que si des transports performants n'induisent pas automatiquement un dynamisme économique, en revanche leur absence condamne toujours à terme le territoire concerné.
Deuxièmement, la multimodalité est une ardente nécessité, ne serait-ce qu'en termes d'optimisation des moyens mis en oeuvre et de chacun de segments des transports concernés. Cependant, la multimodalité ne fonctionne bien que s'il y a cohérence et complémentarité, ce qui signifie qu'il faut casser les cloisons hermétiques isolant les différents segments : c'est la condition sine qua non de la réussite de la multimodalité.
Troisièmement, l'optimisation des moyens doit être évaluée en termes de développement durable selon trois critères : développement économique, attractivité du territoire aux différentes échelles et prise en compte des enjeux environnementaux, que cette dernière soit globale ou locale. Je partage l'opinion des nombreux intervenants qui se sont déjà exprimés sur ce point.
Par voie de conséquence, ces trois observations préalables montrent bien qu'une politique des transports français cohérente et forte est partie intégrante de tout choix de société. Ce choix dépend totalement de la volonté politique. Or, comme vous l'avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre, le temps du politique est venu : nous vous accompagnerons sur cette voie. Je vous remercie d'avoir affiché aussi clairement votre volonté politique et d'avoir eu le courage de dresser un constat aussi objectif de notre situation.
Cela étant, notre situation au sein de l'Europe des Quinze est affligeante, et elle sera pire encore demain dans l'Europe des Vingt-Cinq, dont le centre de gravité économique se situera plus à l'Est. La France se trouvera reléguée aux marges et notre réflexion doit impérativement être bâtie à l'aune de l'Europe et du monde, et non pas seulement celle des besoins microterritoriaux.
Par ailleurs, bon nombre de mes collègues s'étant déjà exprimés sur différents modes de transports, je n'en évoquerai pour ma part que deux : le transport maritime et le transport aérien.
Charles Revet vient de parler avec compétence du transport maritime,...
M. Gérard Longuet. C'est vrai !
M. Jean-François Le Grand. ... mais je voudrais redire que la solution maritime est extrêmement crédible pour le fret, le transport de marchandises.
Les dispositions prévues par les lois de décentralisation concernant les ports, conjuguées aux conclusions du rapport de notre collègue Henri de Richemont, ouvrent des perspectives très intéressantes. Je n'en dirai pas plus ce soir sur ce sujet, puisque nous aurons d'autres occasions de l'aborder, notamment lors de l'examen des lois de décentralisation, mais je soulignerai que notre façade maritime peut redevenir un enjeu et un atout de tout premier ordre. Ce sera à coup sûr un élément du rééquilibrage géo-économique de la France au sein de l'Europe, et les départements et les régions constitutives de l'arc atlantique pourront, par ce biais, retrouver un peu d'oxygène ! Il ne faudra pas manquer ce rendez-vous de la décentralisation : des moyens devront être donnés aux collectivités territoriales pour redynamiser l'activité des ports.
En ce qui concerne le transport aérien, je me bornerai ce soir à formuler cinq brèves observations, ayant souvent l'occasion de traiter ce sujet lors des discussions budgétaires.
En premier lieu, Orly et Roissy sont un atout majeur pour la compétitivité de la France : les plates-formes aéroportuaires parisiennes sont, en Europe de l'Ouest, les seules à disposer encore de capacités de développement.
M. Gérard Larcher. Exact !
M. Jean-François Le Grand. Paris est et doit devenir plus encore, à l'avenir, la tête de pont en Europe du transport aérien intercontinental.
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Jean-François Le Grand. En deuxième lieu, les performances des aéroports parisiens doivent donc être améliorées. La mise en place de CDG express ou de tout autre système comparable est une nécessité. Nous sommes les seuls à ne pas disposer d'accès rapide desservant les plates-formes aéroportuaires.
L'intermodalité air-rail doit rendre plus efficace l'accès ferroviaire aux aéroports : la jonction est-ouest entre les lignes TGV au sud de Paris permettra de fiabiliser les circulations interrégionales TGV et de rapprocher de Roissy tout l'ouest de la France. Cette intermodalité devra s'accompagner des services intégrés nécessaires : enregistrement, traitement des bagages, coordination des horaires, billetterie, etc. Bref, c'est tout un ensemble qui doit être revu si l'on veut véritablement atteindre l'efficacité qui est celle d'autres plates-formes aéroportuaires.
Il est absolument urgent d'étudier et d'expérimenter l'utilisation des lignes à grande vitesse actuelles pour les transports de fret express aériens. Ce nouveau service de fret ferroviaire rapide pourrait s'inspirer de l'organisation en hub des opérateurs de fret express et permettrait peut-être de reporter sur le train le fret transporté par certains vols de nuit. Une telle solution n'est pas la panacée, mais réduire quelque peu le nombre des vols de nuit serait déjà un résultat tout à fait intéressant.
M. Gilles de Robien, ministre. Il a raison !
M. Jean-François Le Grand. Cette liste d'orientations en matière d'amélioration des performances des aéroports parisiens est loin d'être exhaustive, mais nous pourrons y revenir à l'occasion de débats spécifiques ou lors des discussions budgétaires.
La redéfinition de la vocation d'Orly dans le système aéroportuaire parisien mérite, quant à elle, une attention toute particulière. Une mission parlementaire sur ce sujet a été diligentée à l'Assemblée nationale. Nous attendons qu'elle remette ses conclusions. Ce point est très important pour l'évolution du trafic aérien.
En troisième lieu, quid des aéroports régionaux les plus importants ? D'autres que celui de Lyon peuvent devenir de véritables plates-formes de niveau européen. Si cette orientation devait être retenue au nombre des actions prioritaires de l'Etat, il conviendrait d'agir sur trois plans : il serait d'abord nécessaire de négocier des accords bilatéraux régissant les liaisons aériennes avec les pays tiers, donc d'engager de véritables négociations à l'échelon des plates-formes régionales ; il conviendrait ensuite de définir un régime de concessions en adéquation avec la réalité industrielle des territoires concernés ; il faudrait enfin dégager une meilleure rentabilité pour les vols au départ et à destination de ces plates-formes, notamment par l'extension de leurs zones de chalandise grâce à des dessertes terrestres multimodales plus performantes et mieux ciblées. C'est un ensemble cohérent qu'il faut mettre en place autour des plates-formes. Agir autrement serait parfaitement inutile, sauf à vouloir imiter certains contre-exemples, canadiens ou autres.
En quatrième lieu, la nécessité d'aménager le territoire interdit de laisser de côté des départements ou des parties de région. Je vous ai proposé, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, de faire évoluer le FIATA : s'il faut conserver au FIATA le rôle en matière d'aménagement du territoire qui est aujourd'hui le sien, avec les lignes « obligation de service public », OSP, et les financements correspondants, ce qui ne posait pas de problème quand une taxe permettait d'alimenter le FIATA, je suggère de créer, parallèlement, un second niveau de FIATA, à vocation économique, permettant de subventionner les territoires qui répondraient à des critères d'enclavement économique, et non plus d'éloignement d'une plate-forme aéroportuaire.
En cinquième lieu, lorque l'on évoque les nuisances aéroportuaires, il faut les considérer dans leur ensemble, y compris celles qui sont liées à la « vie terrestre » de l'aéroport. Vous m'avez confié une mission sur ce sujet, monsieur le ministre. J'aurai grand plaisir à l'accomplir, mais, par-delà les systèmes de péréquation fiscale ou d'indemnisation des victimes des nuisances, qu'il me soit permis de redire ici que la meilleure manière de protéger une population du bruit, c'est de ne pas l'y exposer !
M. Bruno Sido. Bravo !
M. Jean-François Le Grand. A l'origine, lorsque l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle a été construit, les zones environnantes étaient inconstructibles. Année après année, elles ont été rognées et l'on voit maintenant des gens présenter des réclamations ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, depuis Ugarit et Byblos, près de huit mille ans avant Jésus Christ, l'évolution des transports a consisté à réduire l'espace-temps. C'est une constante historique. Je vous remercie d'avoir pris l'initiative de ce débat et d'avoir rendu au Parlement son rôle, qui est de faire des propositions, d'orienter et de contrôler la politique du Gouvernement. J'espère que vous prendrez en compte l'ensemble de nos propositions ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier.
Mme Gisèle Gautier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en ma qualité d'élue de la Loire-Atlantique, je souhaite évoquer, à l'occasion de ce débat, la situation du Grand Ouest. Cet ensemble, regroupant la Bretagne et les Pays de la Loire, constitue l'extrémité ouest de l'Europe, dont le centre de gravité se déplace de plus en plus vers l'Est, comme plusieurs orateurs l'ont souligné. Ces régions, essentiellement agricoles et industrielles, doivent pouvoir échanger facilement, tant avec leurs clients traditionnels qu'avec les dix nouveaux pays membres de l'Union européenne. Pour cela, elles ont besoin d'infrastructures modernes, qui les relient aisément, sinon directement, à l'ensemble des pays européens.
Je n'évoquerai ici que trois dossiers, non par souci de concision, mais parce qu'ils sont les plus importants en vue d'une bonne desserte du Grand Ouest.
S'agissant tout d'abord de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes,...
M. Jean-Louis Carrère. Encore !
Mme Gisèle Gautier. ... le nouveau site, plus proche de la Bretagne que l'actuel aéroport de Nantes-Atlantique, permettra d'en faire un véritable outil pour le développement du Grand Ouest. Le débat démocratique vient de s'achever, et il revient maintenant au Gouvernement de prendre une décision, dans des délais que j'espère brefs, monsieur le ministre, sachant que des centaines d'hectares sont « gelés » depuis une trentaine d'années.
L'enjeu est d'importance pour nos deux régions : un aéroport plus vaste et mieux adapté aux futurs besoins des trafics permettrait notamment la mise en place de lignes régulières vers les grandes métropoles européennes, ce qui nous manque cruellement, et surtout d'identifier le Grand Ouest comme une région accessible, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. Un projet de cette importance nécessite que, très en amont, l'on se penche sur les voies de desserte express pour atteindre dans un délai minimum les villes de Rennes et d'Angers, qui sont toutes proches. Il paraît également indispensable de prévoir une structure de transports rapides, de préférence ferroviaire, en direction et au départ de Nantes.
Le deuxième projet que je souhaite évoquer concerne la ligne à grande vitesse Bretagne-Pays de Loire. Il vise à ajouter 200 kilomètres de lignes à grande vitesse au réseau déjà existant, ce qui permettra de raccorder ces deux régions au réseau TGV qui se développe en France et en Europe.
L'enjeu principal, à savoir la réduction, à terme, des temps de parcours Paris-Brest et Paris-Quimper aux alentours de trois heures, est un enjeu d'aménagement du territoire.
La réalisation de ce tronçon me paraît possible à l'horizon 2007. Je n'ignore pas qu'il s'agit là d'un investissement extrêmement coûteux, mais ce chantier me semble tout à fait prioritaire. Il était « sur les rails » et, malheureusement, il n'a pas beaucoup avancé pour les raisons que vous connaissez. Je souhaiterais, en tous cas, que l'échéance que vous avez indiquée soit au moins respectée.
Troisième dossier, ô combien important, mais dont on ne parle pas assez : le port de Nantes - Saint-Nazaire.
Premier port français sur l'Atlantique, il a la capacité de développer son trafic, ce qui permettrait par là-même de diminuer le transport routier. Je souhaiterais attirer votre attention, monsieur le ministre, sur une proposition de M. de Richemont, dont je salue l'excellent travail, visant à instaurer une liaison de service public de cabotage par la façade maritime. La gestion pourrait en être assurée de façon mixte, à titre privé et à titre public.
Le port de Saint-Nazaire serait le mieux placé pour la façade Atlantique : des lignes Nantes-Espagne, en complément de la ligne Nantes-Bilbao actuellement en exploitation, et Nantes-Irlande-Royaume-Uni sont déjà à l'étude.
Le développement du cabotage permettrait de réduire d'autant l'engorgement de nos réseaux routiers. Nous avons là un atout non négligeable qu'il nous faut savoir exploiter avec intelligence et qui, à mon avis, a été jusqu'à présent trop ignoré.
Au-delà des enjeux purement régionaux, ce débat est également l'occasion d'aborder des thématiques plus générales, notamment le développement du réseau d'infrastructures, dans une perspective européenne et l'aménagement durable du territoire.
Ce disant, je pense au double rendez-vous qui attend la France : celui du respect des engagements de Kyoto et celui de la nouvelle Europe élargie, dont il faut éviter le basculement à l'est ; nous devons constituer des infrastructures qui feront contrepoids et qui permettront à l'Europe latine et à l'Europe de l'est de bien participer à la grande Europe.
La politique des transports déterminera si la France de demain a vocation à devenir un carrefour européen, « véritable plate-forme logistique structurée par ses ports et un système intermodal discriminant », et non « un simple pays de transit, avec des retombées économiques limitées et des nuisances croissantes » ; j'ai repris les termes exacts d'une étude de la DATAR.
Il est donc nécessaire de conserver des objectifs ambitieux en matière d'équipement ; mais il est aussi nécessaire de prendre en compte de nouvelles données dans l'élaboration de la politique des transports ; je pense tout d'abord au respect de l'environnement.
Les perspectives d'évolution des différents types de trafic sont lourdes de conséquences. On le sait, le secteur des transports est à l'origine du quart des émanations de CO2 dont 84 % sont imputables au transport routier. Nous sommes également confrontés aux réactions de rejet de riverains qui réclament la limitations des trafics et l'éloignement des réseaux.
La question qui est posée est donc de savoir comment inscrire la croissance des transports dans une logique de développement durable : pour avoir des « transports durables », il faut agir à la fois sur la technologie, afin de limiter les nuisances à la source, sur la gestion des réseaux, afin d'orienter la demande sur des horaires et des itinéraires adaptés, et sur l'intermodalité, afin de reporter les trafics sur les modes les moins générateurs de nuisances, partout où des services compétitifs peuvent être développés.
Il me reste donc à vous remercier, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir organisé ce débat, que je qualifierai de majeur, car il permettra de déterminer les futures orientations de notre politique des transports.
Contrairement à notre collègue M. Percheron, je me réjouis que vous ayez accepté de rester avec nous jusqu'à cette heure tardive, monsieur le ministre : votre présence témoigne de l'importance et de l'intérêt que vous accordez à ces dossiers. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.
M. Philippe Madrelle. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce débat sur les infrastructures de transport me paraît, permettez-moi de vous le dire, comme un rattrapage du Gouvernement pour gommer les effets déplorables d'un audit technocratique (Protestations sur les travées de l'UMP.) dont la seule approche repose sur la rentabilité interne des projets examinés.
Il n'est pas pensable que des tergiversations puissent être encore imaginées pour retarder la mise à niveau de nos infrastructures de transport, qui, chacun le sait, sont la charpente de notre organisation territoriale.
Il convient de s'accorder tout d'abord sur les priorités. A cet égard, le développement de l'intermodalité pour le transport des personnes, mais surtout pour celui du fret doit venir en tête de nos préoccupations. Cela permettrait de développer en urgence des transports alternatifs à la route, au premier rang desquels le cabotage maritime : les infrastructures existent et la construction de bateaux est possible en deux ou trois ans.
Il faut parallèlement développer le transport de fret sur les voies ferrées existantes. Les mêmes moyens modernes devraient permettre d'allonger les convois sans consommer de sillon supplémentaire et surtout de réduire les transits à vide : actuellement, plus d'un wagon sur trois circule à vide faute d'une gestion rationnelle.
Le renouvellement du matériel roulant devenu obsolète permettrait aussi d'augmenter sensiblement les charges embarquées en réduisant, en outre, les nuisances sonores excessives des convois actuels. Mais il nous incombe également de structurer notre territoire pour offrir à nos enfants toutes les chances d'un développement durable.
Monsieur le ministre, des générations entières ont appris la géographie sur des cartes de France verticale. Or les échanges européens ont vite fait comprendre aux Aquitains que, en réalité, le Portugal et les neuf dixièmes de l'Espagne sont situés à l'ouest de Bordeaux. Les échanges entre la péninsule Ibérique et le nord de l'Europe étouffent littéralement la Gironde et l'augmentation annuelle à deux chiffres, soit un doublement tous les six ou sept ans, des passages de poids lourds à la frontière franco-espagnole ouest nous fait craindre le pire.
Or la route restera encore longtemps pour nos concitoyens l'outil quotidien indispensable. L'agglomération bordelaise est asphyxiée par les camions étrangers, ce qu'accentuera, demain, l'essor du Maghreb. Il faut de toute urgence construire un grand détournement à l'ouest de l'agglomération bordelaise et faire cesser les atermoiements de l'administration qui nous ont déjà coûté des années de retard.
Ce projet, que le conseil général de la Gironde porte seule depuis la fin des années quatre-vingt, n'est ni un caprice ni une vue de l'esprit. Dès le départ, il a été imaginé sur la base d'hypothèses, qui, hélas ! se sont vérifiées et le rendent désormais impérieux.
Nous souhaitons un contournement à l'ouest de Bordeaux pour éloigner de l'agglomération le trafic de poids lourds entre la péninsule Ibérique et l'Europe du Nord. Ces développements, comme ces perspectives condamnent Bordeaux à demeurer l'un des grands bouchons français, si des décisions reponsables et rapides ne sont pas prises en faveur de cette infrastructure. De capitale du vin, Bordeaux deviendrait capitale du bouchon. (Sourires.)
Nous souhaitons un contournement ouest de Bordeaux pour améliorer les accès entre la plate-forme aéroportuaire de Bordeaux-Mérignac, actuellement asphyxiée par des accès routiers saturés, à son Hinterland sud-aquitain et sud-charentais.
Nous souhaitons, monsieur le ministre, un contournement ouest de Bordeaux pour désenclaver le Médoc et pour irriguer le formidable potentiel touristique de la côte Atlantique, mais aussi bien sûr pour assurer la desserte de la presqu'île d'Ambès, site portuaire de première importance économique et qui constitue le seul lien possible pour l'émergence d'une véritable plate-forme d'échange intermodal de fret en ayant à l'esprit qu'un bateau, c'est six cents camions et un train trente camions.
Il a fallu plus de dix ans pour que le contexte de la circulation automobile de l'agglomération bordelaise se révèle terriblement critique, dix ans pour que les faits finissent par convaincre l'Etat et la communauté urbaine de Bordeaux de la nécessité de cette infrastructure. Je vous demande donc, monsieur le ministre, de prendre les décisions qui s'imposent.
Permettez-moi cependant de regretter la diversion que nous proposent vos services en ouvrant, dix ans après, un grand débat sur une autre hypothèse de contournement à l'est de l'agglomération. Cette façon de rouvrir un autre front par un projet alternatif ne peut que susciter des polémiques, encourager et organiser des blocages et, au total, nous faire perdre un temps supplémentaire.
Au lieu de nouveaux palabres sur une variante qui contredit le diagnostic de vos propres services concernant le trafic France-Espagne et l'enclavement de l'aéroport, nous serions en droit d'attendre de l'Etat une procédure accélérée marquant sa ferme volonté d'aboutir dans des délais plus acceptables. Mais, en Aquitaine, on a appris que le groupe Airbus suscitait plus l'attention gouvernementale que les girondins !
Si cette infrastructure est devenue une évidence non seulement pour les girondins mais plus encore pour les résidents de Poitou-Charentes ou du nord de la France, il ne faut pas sortir d'une politique plus structurante de promotion du fret ferroviaire entre la France et l'Espagne.
A cet égard, la ligne à grande vitesse Sud-Europe-Atlantique est paradoxalement la solution. Non seulement les Aquitains, les Girondins et, je l'espère, les Espagnols sont en droit de souhaiter un TGV pour le trafic passager entre le sud-ouest Atlantique et l'Europe du Nord, mais cette ligne ferait d'une pierre deux coups en libérant la voie classique actuelle pour la création d'un des grands corridors européens de fret ferroviaire.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, de prendre tout spécialement en considération cette dimension fret de la ligne à grande vitesse Sud-Europe-Atlantique dans l'appréciation de son intérêt économique et sociale.
Je conclus, monsieur le ministre : l'audit sur les grands projets d'infrastructures de transports réalisé par l'inspection des finances et par le Conseil général des ponts et chaussées semble avoir été lancé avec comme objectif délibéré de permettre à l'Etat de faire des économies budgétaires en toute connaissance de cause. D'ailleurs, les auteurs ne s'en cachent pas et ils fournissent même les chiffres d'économies potentielles. Cela est très dangereux pour l'avenir de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean Pépin.
M. Jean Pépin. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis que nous avons renoncé à l'idée du canal Rhin-Rhône, nous prenons du retard, et nous en avions déjà beaucoup précédemment !
M. Georges Gruillot. Très bien !
M. Jean Pépin. Il s'agit là d'une erreur imputable aux cinq dernières années et que nous aurions intérêt à corriger. En effet, en raison du déplacement du centre de gravité de l'Europe vers l'est, avec l'arrivée de huit nouveaux pays situés à l'est - laissons Chypre et Malte de côté - nous reculons : puisque l'Europe avance vers l'est, nous qui sommes à l'ouest reculons, et il n'est pas possible de continuer ainsi.
Corollaire indispensable : il est nécessaire d'avancer plus vite que nous n'aurions dû le faire normalement.
Je vais donc évoquer deux dossiers qui sont centrés sur la région Rhône-Alpes, mais qui, en fait, revêtent une ampleur européenne.
Premier dossier : le canal Rhin-Rhône.
Si nous parvenons à le réaliser, ce canal sera le concurrent de la liaison mer du Nord-Rhin-Danube, Asie Mineure, et, au-delà Asie, tout à fait à l'est. Nous aurons une liaison mer du Nord-Méditerranée qui engendrera une forte activité. Celle-ci constituerait un contrepoids considérable, d'autant que la coordination avec le Bassin parisien, la Moselle, l'Escaut, le Nord, notamment, serait également envisageable. Cet investissement aurait donc une grande portée sur un long terme.
Pourquoi un tel investissement se justifie-t-il plus aujourd'hui que naguère ?
Comme le signale le rapport, sur les cinq dernières années, le fret fluvial a enregistré une croissance de 22 %.
J'ai visité récemment le port de Mâcon, située dans un département voisin de mon département, l'Ain. En cinq ans, le fret fluvial y a doublé, c'est considérable.
Il s'agit là d'un renversement de tendance dû à la trop grande abondance des pondéreux sur les routes et à l'évolution toute récente des conteneurs. Les barges peuvent en effet en charger 2 500. Je ne connais pas l'équivalent en tonne, mais cela correspond à plus de cent camions. Lorsque ces barges peuvent être couplées en train de deux et poussées sur les fleuves, le doublement du fret s'opère avec une dépense d'énergie pratiquement constante.
En terme de prix de revient, le coût du transport fluvial est quatre fois moins élevé que celui de la route.
Le premier dossier que je veux défendre est donc celui du canal Rhin-Rhône, mais, au-delà, il s'agit de la liaison mer du Nord-Méditerranée, un axe essentiel à un moment où l'Espagne est le pays d'Europe qui se développe le plus rapidement, fait économique non négligeable.
L'économie de l'Espagne laissera-t-elle nécessairement s'échapper par les voies maritimes une partie de son fret ? Ne pourrons-nous pas le capter par une liaison fluvio-maritime qui, en empruntant le canal Rhin-Rhône, animerait au passage des pôles comme Marseille, Lyon, Mâcon, Chalon-sur-Saône et d'autres.
Le second dossier que je veux défendre concerne la liaison ferroviaire transalpine couramment appelée « Lyon-Turin », terme trop réducteur qui laisse entendre qu'il s'agit seulement de relier ces deux villes. C'est une erreur d'appellation que nous tendons à réparer en parlant de liaison ferroviaire transalpine.
A l'origine, le sujet principal était le transport de voyageurs. Mais, comme il ne suffit pas pour rentabiliser un tunnel de ce coût, l'important est maintenant le fret.
Bien sûr, il serait possible d'avoir un trafic considérable puisque, selon les chiffres que nous communiquent RFF et la SNCF, vers 2010, 600 convois de voyageurs passeraient par exemple par Bourg-en-Bresse, commune qu'il faudrait évidemment contourner pour lui épargner des nuisances sonores insupportables. C'est là une activité qui ne peut que se développer.
Or la SNCF vient de connaître un échec puisque, malgré l'ambition de votre prédécesseur, M. Gayssot, qui était de le doubler à l'horizon 2010, le fret ferroviaire a reculé.
Nous ne pouvons accepter que cette situation perdure, et nous espérons que la SNCF va réagir.
Il était également question d'un triplement du fret d'ici à 2020. Bien sûr, il faut souhaiter parvenir à ce résultat. Toutes les études montrent en effet qu'il y aura une progression du fret ferroviaire, même si le fret routier augmente aussi.
Une multiplication par huit du transport fluvial semble également possible. Celui-ci devrait jouer un rôle de régulation et d'accélération de l'activité économique sur tout un axe très important de la France. Si nous y renonçons, le développement sera intégralement poussé vers l'Est, qui a beaucoup anticipé sur ses besoins en équipements par rapport à nous.
Puisque nous n'avons pas su anticiper, puisque nous avons même pris du retard, il convient de le combler et de rattraper le temps perdu.
L'ambition est au rendez-vous, monsieur le ministre, mais je sais qu'elle a un coût élevé. Je m'associe à mes collègues qui ont proposé diverses formules de financement. J'ajouterai simplement qu'en matière d'aménagement du territoire il ne nous est pas possible de raisonner sur quinze ans ou vingt ans. Il s'agit d'équipements qui ne peuvent s'amortir qu'à très long terme : sur trente ans, voire sur cinquante ans, des durées qui n'ont en tout cas rien à voir avec celles auxquelles on est habitué dans les entreprises industrielles.
Des formules sont donc à inventer, probablement en collaboration avec des banquiers. La Caisse des dépôts et consignations pourrait également apporter une utile contribution en accordant des taux préférentiels, comme elle le fait en matière de logement.
L'aménagement du territoire n'étant pas à rentabilité courte, mais à rentabilité démultipliée sur une longue période, c'est ainsi que pourront être financés les équipements.
Monsieur le ministre, nous comptons sur vous ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger.
M. Yves Krattinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, la DATAR le concède aujourd'hui : cinquante ans de politique d'aménagement du territoire ont oublié une douzaine de départements.
En introduction de ce débat, monsieur le ministre, vous avez évoqué « ces régions trop tenues à l'écart, ces situations incompatibles avec notre idéal européen ».
En l'occurrence, j'aurais préféré vous entendre parler d'« idéal républicain » puisque ces chantiers relèvent encore du niveau national.
M. Gilles de Robien, ministre. J'ai dit « républicain » !
M. Yves Krattinger. Monsieur le ministre, la Haute-Saône est précisément un département « tenu à l'écart », et je vous adresse le cri de désespoir de notre population.
Depuis trois décennies, nous attendons notre désenclavement, nous attendons la connexion de notre territoire aux grandes liaisons d'aménagement qui nous contournent, nous attendons un accès rapide, par la route et par le fer, aux espaces qui nous entourent.
J'évoquerai devant vous successivement quatre préoccupations d'aménagement : deux concernent la route, deux le fer.
Le barreau routier Langres-Vesoul-Delle est le maillon manquant d'un grand itinéraire entre l'Atlantique et le centre de l'Europe, considéré par la DATAR comme faisant partie des priorités nationales dans le cadre d'une transversale Est-Ouest. Avait été promise autrefois une inscription au schéma directeur autoroutier ; celui-ci n'a jamais été révisé. Cette inscription a été remplacée par un projet d'aménagement à 2 × 2 voies dans le cadre d'un contrat particulier, avec des financements de l'Etat à hauteur de 75 % du coût des travaux.
Monsieur le ministre, nous vous demandons prioritairement la poursuite de la mise à 2 × 2 voies de la partie Vesoul-Delle, qui doit absolument être terminée avant la fin de la décennie, et le respect des engagements financiers actés dans le contrat particulier.
Cela dit, les actuels gels de crédits augurent un avenir sombre et, en tout cas, obscurcissent quelque peu vos intentions.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. Yves Krattinger. L'aménagement du territoire suppose aussi des décisions urgentes pour assurer la continuité de cet axe à partir de Vesoul en direction de Langres. Les milieux économiques et les élus unanimes réclament avec force un engagement précis sur le tronçon d'itinéraire, selon le scénario d'aménagement qui permettra une réalisation accélérée, sans exclure une solution de financement mixte privé-public.
Ma seconde préoccupation concerne l'aménagement de la RN 57. De Besançon à la limite des Vosges, elle traverse entièrement notre département. Elle s'inscrit dans un axe qui va de Luxembourg à Lausanne en passant par Metz, Nancy, Vesoul, Besançon. La mise à 2 × 2 voies s'achève dans la partie lorraine ; elle s'arrête aux portes de la Haute-Saône, sur le côté vosgien, cher au président de cette assemblée.
M. Gérard Longuet. C'est vrai !
M. Yves Krattinger. La Haute-Saône et toute la Franche-Comté attendent aussi des engagements précis de l'Etat pour cet axe essentiel en termes d'aménagement du territoire. Il s'agit de relier deux capitales, celle de la Lorraine et celle de la Franche-Comté, mais aussi de constituer un couloir alternatif aux couloirs situés à l'est et à l'ouest, qui sont en voie de saturation.
Si le rapport de la DATAR est extrêmement encourageant en ce qui concerne la RN 19, il ne mentionne pas du tout la RN 57, qui est pourtant vitale pour nous.
Monsieur le ministre, quelle est votre position sur ce dossier ?
Je dois souligner que, sur ces deux axes, le trafic de poids lourds est considérable et qu'y passent de très nombreux convois exceptionnels ; d'où une très forte accidentologie dans notre département : la huitième de France pour les routes nationales.
Je tiens également à attirer votre attention sur l'existence, au centre du département, à Vesoul, à la croisée de ces deux axes, du centre logistique mondial des pièces détachées Peugeot-Citroën, qui emploie 4 000 salariés. Sa survie en ce lieu implique une amélioration des liaisons routières et ferroviaires.
J'évoquerai à présent le domaine ferroviaire.
L'avenir de la ligne n° 4 Paris - Bâle est aujourd'hui menacé.
Nous devons avoir pour objectif essentiel de réduire de façon significative le temps de trajet entre Vesoul et Paris. Cette modernisation suppose, d'une part, un engagement précis pour l'électrification de la ligne et, d'autre part, des travaux importants en vue de la mise au gabarit fret du réseau.
La portion haut-saônoise de cette ligne s'inscrit dans la plupart des scénarios de développement du fret ferroviaire. Il s'agit, en effet, d'un axe aternatif qui permettrait de délester des axes ferroviaires très saturés.
Quel avenir, monsieur le ministre, réservez-vous à la ligne n° 4 ?
Enfin, s'agissant du TGV Rhin-Rhône, la Haute-Saône affiche sa solidarité avec les autres départements de Franche-Comté et les régions voisines, tout particulièrement avec les élus belfortains préocuppés, par les déstructurations d'Alsthom.
Le TGV Rhin-Rhône est le projet de liaison à grande vitesse le plus avancé et certainement le plus rentable. Sans vouloir l'opposer à d'autres projets, j'affirme que le programme, prêt sur le plan technique, peut être engagé dès à présent pour la branche est, de Mulhouse à Dijon Genlis, et se poursuivre par la branche sud et la branche ouest. Il s'inscrit dans les grands corridors de déplacement européens évoqués par d'autres orateurs.
Quelle sera, monsieur le ministre, votre décision pour le TGV Rhin-Rhône ?
Je conclurai mon propos en insistant encore une fois sur l'urgence du désenclavement des territoires comme le nôtre, tenu à l'écart des aménagements depuis des décennies. Il vous appartient, monsieur le ministre, de répondre à une question lancinante pour nous : quelle place nous réservez-vous dans l'Europe qui se construit ?
Nous aspirons à être reliés à l'espace européen, nous aspirons à l'ouverture, au développement. Nous y accéderons dans le cadre d'une république solidaire, qui cessera de nous oublier.
Vous devez, monsieur le ministre, comme vous l'a suggéré tout à l'heure le président François-Poncet, redoubler d'attention pour les territoires oubliés.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Krattinger.
M. Yves Krattinger. Tout à l'heure a été évoqué le canal Rhin-Rhône, cher au président Gruillot. Je sais que, en Franche-Comté, la voie est difficile. Si vous ne trouvez pas la route par le Doubs, vous pouvez peut-être la trouver vers la Moselle, en passant par la Haute-Saône.
M. Gérard Longuet. Exact ! Très bien !
M. Yves Krattinger. Vous contribuerez ainsi à combler notre rêve multimodal d'un territoire tourné vers ceux qui l'entourent. C'est cette Haute-Saône multimodale que nous affichons dans notre propre schéma de développement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La paroles est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais d'abord remercier mes collègues qui sont intervenus précédemment. Ils me permettront d'être extrêmement bref dans la mesure où je fais miennes la plupart de leurs observations.
Je veux, bien entendu, également remercier le Gouvernement d'avoir organisé ce débat, mais surtout d'avoir marqué une rupture avec la politique précédente, en particulier sur deux points.
En premier lieu, monsieur le ministre, vous considérez les investissements d'infrastructures non pas comme un mal nécessaire mais bien comme une opportunité de développement économique, tant il est vrai que le développement, c'est l'échange et que l'échange dépend des infrastructures et des services.
En second lieu, vous introduisez une notion de calendrier et vous ouvrez des pistes de financement.
Mon intervention se bornera à un point, essentiel à mes yeux. Elle est nourrie de l'expérience de la négociation de deux contrats de plan Etat-région. Il s'agit du problème de la cohérence territoriale des actions d'infrastructures dès lors qu'elles sont conduites par des maîtres d'ouvrage de nature différentes - l'Etat, les collectivités locales, les partenaires privés - , qu'il s'agisse du routier ou du ferroviaire.
D'expérience, nous savons que les contrats de plan Etat-région ont un mérite, celui d'avoir permis des financements mixtes, sans lesquels les réalisations n'auraient pas été possibles. Ils n'en ont pas moins deux inconvénients.
D'une part, l'Etat, en général, ne respecte pas sa parole.
M. Jacques Blanc. Hélas !
M. Gérard Longuet. D'autre part, du fait que les négociations se sont déroulées entre l'Etat et chacune des régions, certains projets interrégionaux n'ont pas été pris en considération par l'Etat, ce qui a pu entraîner des contradictions.
Demain, monsieur le ministre, la négociation des contrats de plan Etat-région ne permettra plus, j'en suis profondément convaincu, de parvenir à la cohérence territoriale des actions d'infrastructures. Or tel est bien l'objectif.
En effet, le rapport de force entre les différents propriétaires d'infrastructures va d'abord considérablement changer, parce l'Etat - et cela se comprend - a la volonté de transmettre, dans le cadre de la décentralisation, des milliers de kilomètres - sans doute 20 000 - aux départements, qui deviendront les grands propriétaires.
Ensuite, ce rapport de force sera modifié avec l'émergence de propriétaires privés : nous avons déjà évoqué la privatisation d'autoroutes. Pour le ferroviaire, le comportement de RFF sera marqué par ses préoccupations d'entreprise cherchant à équilibrer son endettement et ses péages.
S'agissant des modes de financement, vous avez ouvert des pistes qui sont passionnantes, mais qui peuvent aboutir à un très grand désordre si le souci de cohérence territoriale n'est pas reconstruit, en tout cas pris en compte dans un partenariat loyal entre l'Etat et les territoires.
Ainsi, le partenariat public-privé peut être un facteur de dispersion des initiatives et d'incohérence. Prenons l'exemple des péages, offerts aux collectivités locales maîtres d'ouvrage de travaux qui pourront aussi concerner des itinéraires. Il y a, là encore, un facteur d'éclatement de la décision.
S'agissant de l'abandon de l'adossement, qui était sans doute une erreur dans la conception qui a été retenue par le gouvernement précédent, il est clair que les règles européennes nous y contraignent, mais nous devons réfléchir à ce que doit être un appel d'offres pour, là encore, donner de la cohérence au financement d'un équipement ponctuel, qui suppose le plus souvent, pour être opérationnel, les financements adossés d'autres collectivités. Je citerai l'exemple de l'échangeur autoroutier et de l'accès à cet échangeur autoroutier, qui ne relève pas du financement privé.
Nous sommes donc confrontés à une logique de dispersion d'acteurs qui sont toujours plus nombreux ; d'où un besoin de cohérence territoriale.
Monsieur le ministre, je vous invite à réfléchir à la piste ouverte par l'application de la loi. La LOTI avait en effet prévu la mise en place de schémas régionaux des services de transport collectifs. Je souhaite que ces schémas puissent, au-delà de la simple organisation des services, traiter des infrastructures routières et ferroviaires qui relèvent des collectivités depuis le vote de la loi portant décentralisation des transports express régionaux.
Dans ces conditions, nous pouvons organiser un partenariat loyal entre l'Etat et la région, qui a une vocation de fédération, d'harmonisation et parfois d'arbitrage entre les territoires des départements et les groupements de collectivités locales, les grandes agglomérations en particulier. C'est la première étape : une négociation loyale avec l'Etat, au nom des territoires portés par la région, dont la vocation fédératrice serait ainsi consolidée en élargissant le rôle des schémas régionaux des services de transport collectifs.
Voilà une proposition extrêmement concrète.
En conclusion, j'évoquerai deux projets qui concernent la région Lorraine : l'un est achevé, le financement du TGV Est ; l'autre est la future réalisation d'un doublement de l'axe européen Nord-Sud qui relie le Luxembourg à la Bourgogne.
Nous avons là l'exemple même du partenariat. Vous aurez, monsieur le ministre, à prendre la décision d'un appel d'offres en concession. Vous la prendrez sur la base d'un tracé, et je n'imagine pas qu'il ne puisse pas d'abord faire l'objet d'un arbitrage par l'instance compétente, à savoir le conseil régional, à charge pour lui de susciter l'adhésion des collectivités locales concernées. Pourquoi ? Parce que cet équipement dont vous déciderez, je l'espère, la création et sur lequel nous ferons des propositions n'a de sens que s'il est compatible avec les projets des grandes agglomérations et avec la volonté des départements en matière d'aménagement du territoire.
Ce partenariat volontaire et équilibré, qui a fonctionné dans le cadre des contrats de plan Etat-région par l'obligation d'une participation financière, pourrait être prolongé par la mise en place de schémas régionaux qui, sans être prescriptifs, seraient au moins normatifs.
Tel est, à cet instant, monsieur le ministre, le voeu d'un président de région. Je crois exprimer là le point de vue d'autres élus régionaux de ce pays, qui souhaitent associer les territoires à la réalisation de votre grande volonté de réussite d'infrastructures pour l'avenir de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Picheral.
M. Jean-François Picheral. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est dans le cadre de notre débat sur les infrastructures, en tant qu'élu de Provence, et comme l'un des représentants de ce nouvel « arc méditerranéen », que je tenais à prendre la parole, en vue de lancer ce soir avec vous à Paris une réflexion qui, depuis longtemps, occupe les esprits des habitants, des acteurs économiques et de l'ensemble de la classe politique de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
A ce titre, je tiens à souligner l'unanimité qui se dessine tant sur le projet de percement du tunnel ferroviaire du Montgenèvre que sur celui de l'implantation d'une ligne à grande vitesse sur la façade méditerranéenne.
A l'heure du bilan partiel de l'exécution du contrat de plan Etat-région pour 2000-2006, je souhaiterais donc, monsieur le ministre, appeler une nouvelle fois votre attention sur l'importance du percement du tunnel ferroviaire sous le Montgenèvre.
Je ne reprendrai certes pas les nombreux arguments que je vous avais soumis lors de la dernière séance de questions orales, je me contenterai de dire qu'il ne s'agit pas ici d'opposer ce projet à celui de la traversée alpine Lyon-Turin, mais au contraire d'en conforter la cohérence, en permettant non seulement le désenclavement du Briançonnais par le nord, mais aussi d'alléger le noeud ferroviaire lyonnais d'une partie des flux de simple transit.
Votre ministère avait, à plusieurs reprises, confirmé l'importance d'une telle entreprise : importance technique, tout d'abord, en vue de résorber les goulets d'étranglement, notamment à la frontière franco-italienne de Vintimille ou dans le couloir rhodanien déjà fortement saturé ; importance économique, également, en vue d'améliorer la desserte ferroviaire des ports du littoral provençal et de l'Italie du Nord ; importance environnementale, enfin, en présentant une alternative par le ferroutage du trafic poids lourds.
Voilà donc trois éléments essentiels des orientations prioritaires de la politique européenne des transports. Il semble, comme vous me l'avez dit mardi dernier, que ce dossier ait avancé. Je ne peux que m'en réjouir, et je vous en félicite.
En revanche, je n'ai pu que m'étonner, pour la déplorer, de l'absence dans le rapport d'audit que vous aviez commandé au conseil général des ponts et chaussées et à l'inspection générale des finances de ce qui constitue l'autre grand défi de notre région : l'implantation d'une ligne à grande vitesse, ou LGV, sur la façade méditerranéenne.
M. Jacques Peyrat. C'est vrai !
M. Jean-François Picheral. Cet oubli est d'autant plus étonnant que les futures sections de prolongement de la LGV vers Toulon et la Côte d'Azur s'inscrivent elles aussi fort pertinemment dans les orientations prioritaires tant nationales qu'européennes de l'aménagement du territoire.
M. Jacques Peyrat. Absolument !
M. Jean-François Picheral. L'implantation d'une ligne à grande vitesse Var-Côte d'Azur structurera en effet utilement l'arc latin, dont l'aboutissement ultime sera la liaison à grande vitesse de Gênes à Barcelone, sachant que les travaux du côté génois sont largement avancés. Certes, il s'agit d'un objectif à long terme, mais il rejoint la stratégie européenne de la France, qui vise à favoriser le développement de « petites Europes ». La chambre de commerce et d'industrie, de nombreux élus marseillais et moi-même - et des Niçois en parleront tout à l'heure (M. Jacques Peyrat sourit.) - sommes extrêmement favorables à ce projet de LGV Côte d'Azur, et la DATAR précise d'ailleurs qu'un tel projet « ne sera réellement structurant que dans une logique méditerranéenne ».
Je tiens aussi à rappeler, monsieur le ministre, certaines de vos déclarations qui marquent votre attachement à ce projet, que vous avez qualifié de « très séduisant », « des plus intéressants », et « plus facile à financer que d'autres ».
De nombreuses études de faisabilité pour la desserte du Var et de la Côte d'Azur, en continuité avec les TGV Méditerranée, ont été effectuées et soulignent la rentabilité importante de cette ligne dès son installation.
De même, le rapport que le comité stratégique de la DATAR a remis le 29 janvier dernier souligne qu'il s'agit, pour la SNCF, de l'un des plus intéressants projets de TGV compte tenu de la clientèle attendue, qui sera touristique, retraitée ou une clientèle d'hommes d'affaires.
Partant de la gare existante de l'Arbois, qui recevait à ses débuts dix-sept TGV par jour et qui en reçoit aujourd'hui quarante-trois - quel succès ! - ce train, qui relie Aubagne à Toulon via Cuers en empruntant le tracé « Ferrier » bien connu depuis dix ans, présente à ce titre de nombreux atouts : économiques, tout d'abord puisque, long de quarante kilomètres - le train les parcourt en huit minutes à 300 kilomètres heure - ce tronçon fera ainsi gagner à lui seul une heure à la desserte de la Côte d'Azur, pour un coût d'environ 1,5 milliard d'euros... seulement, aurais-je envie de dire, si on le compare aux coûts envisagés pour les autres tracés ; atouts pratiques, ensuite, avec les interconnexions ; atout environnementaux, enfin, puisqu'il permettra assurément d'éviter des nuisances pour la population du nord du pays d'Aix et des environs de la montagne Sainte-Victoire, qui va probablement être classée.
Ces arguments sont autant d'éléments essentiels sur des points auxquels les autres scénarios envisagés ne peuvent pour l'heure pleinement répondre.
En tout état de cause, tous les éléments que je viens de rappeler brièvement plaideront utilement pour la mise en oeuvre rapide et efficace de ces deux projets. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Etienne.
M. Jean-Claude Etienne. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, on a pu, au cours des années 2000-2001, penser qu'avec les contrats de plan et les grands projets d'infrastructures par lesquels on nous a tant alléchés enfin la France et ses territoires allaient connaître une sorte de « printemps des infrastructures ».
Une fois passés les premiers réflexes pavloviens qui nous ont fait tant saliver, il nous a fallu déchanter. Et c'est tout naturellement que nous vivons, dans le plus pur style de la comédie balzacienne, un chapitre des Illusions perdues.
Avec l'audit du conseil général des ponts et chaussées et l'étude de la DATAR, vous nous ramenez les pieds sur terre, monsieur le ministre. En cela, je veux vous féliciter de votre courage, car il est plus méritant de revenir au principe de réalité, comme vous le faites, que d'agiter, comme on l'a trop vu faire jusqu'en juin 2002, le miroir aux alouettes.
M. Jean-Louis Carrère. Oh ! la chasse aux alouettes n'était pas souvent ouverte !
M. Jean-Claude Etienne. Mais, il ne faudrait pas non plus, sous couvert de réalisme, tomber dans une politique trop restrictive. Heureusement, les légitimes ambitions qui vous animent sont à la hauteur de l'enjeu du transport intermodal dans nos sociétés modernes.
Vous savez mieux que quiconque combien on a besoin dans ce domaine d'une politique offensive, réaliste et innovante, et qu'il n'est pas possible de se dérober, surtout dans le contexte économique que nous vivons face aux besoins de plus en plus importants du transport, notamment à l'occasion de l'ouverture européenne sur l'est de notre continent.
Après le patchwork un peu facile - mais qui ne résout rien - de vos prédécesseurs, il nous faut assurer la cohérence non seulement à l'échelon départemental et régional mais plus volontiers encore à l'échelon interrégional et européen de projets qui soient tous nourris d'intermodalité.
Aujourd'hui, on sait grâce à vous que nous avons besoin de rigueur dans la démarche : d'abord, pour arrêter la programmation et le choix des projets, ensuite parce que la compilation n'est pas synonyme de réalisation des projets. Nous avons besoin d'innover en matière d'ingénierie financière !
Une nouvelle méthode est nécessaire pour choisir les projets. Le rapport de la DATAR, explicite sur les méthodes d'évaluation et situant bien les taux d'actualisation, recoupe certains éléments techniques de l'audit du conseil général des ponts et chaussées et invite à phaser dans le temps le lancement des projets en commençant par les plus rentables. A priori, cela relève du bon sens.
En accordant une valeur élevée au coefficient temps, les projets lourds qui, par nature, s'amortissent sur le long terme, tels les TGV ou les grandes infrastructures fluviales, sont pénalisés. Leur programmation ne peut s'entendre qu'en synergie avec celle d'autres, forcément intermodales, de rentabilité plus rapide et d'implication budgétaire moins importante.
Trois exemples - vous ne serez pas étonné que je les prenne en Champagne-Ardenne - sont de nature à illustrer ce propos. Même s'ils sont pris dans ma région, vous pourrez mesurer qu'ils ne sont pas pour autant l'expression de l'habituel égotisme régional et qu'ils sont transposables dans bon nombre de territoires de notre Hexagone.
Le premier exemple concerne l'achèvement de l'axe A 34, c'est-à-dire Rotterdam-Marseille ou Rotterdam-Barcelone. Je rappellerai simplement que, sur ce point, les deux rapports sont convergents. Tous deux concluent, en effet, à la nécessité de construire rapidement les quelque trente-cinq kilomètres qui séparent Charleville-Mézières de la frontière belge. Il y en a pour moins de 200 millions d'euros ; la belle affaire !
Les raisons de l'inscription au schéma des services collectifs avaient été définies à l'été 2001. Parfaitement recevables, elles avaient été perçues comme un projet économique permettant à court terme, dans la mesure où il serait réalisé assez vite, de désengorger, à l'ouest et à l'est, l'A 31 et l'A 1, notamment, et ainsi de permettre certaines économies rapides laissant envisager des déviations nouvelles au niveau de Metz et de Nancy, par exemple.
Le deuxième exemple porte sur le domaine ferroviaire, notamment sur le fret. Les noeuds ferrés de Lille ou Metz commencent à saturer, alimentés qu'ils sont par de puissants axes européens : Dunkerque-Allemagne et Luxembourg-Dijon. Vous connaissez bien, monsieur le ministre, l'axe Amiens-Tergnier-Reims-Chaumont, soit vers Dijon, soit vers la Suisse par le Paris-Bâle, qui est en déshérence.
Après la route et le rail, mon troisième exemple concerne le transport aérien.
On a entretenu une curieuse et inutile agitation autour du thème du troisième aéroport, qui est un peu comme le furet du bois joli. Et, après expertise, il n'est point besoin, me semble-t-il, d'être grand clerc pour imaginer qu'à défaut d'avions c'est le troisième aéroport qui se sera envolé. (Sourires sur les travées de l'UMP.)
D'ailleurs, c'est bien normal ! Pourquoi faire un troisième aéroport dans le bassin parisien quand il y en a déjà un qui existe mais qui sert si peu : je veux parler de Vatry ?
Là, nul besoin d'investissements pharaoniques puisque l'opération a été entièrement financée, monsieur le ministre, sur la base de coûts parfaitement raisonnés et maîtrisés par les collectivités locales.
A ne pas s'en servir, cela serait un véritable gâchis - ce qui n'est pas votre genre (Sourires sur les travées de l'UMP) - quand on sait qu'on pourrait y amener le trafic de fret qui soulagerait d'autant Roissy, et notamment cette part de trafic qui ne peut atterrir aujourd'hui à Roissy que de nuit, compte tenu de la surcharge des vols.
Voilà trois exemples qui nourrissent un véritable projet intermodal pour une région, la Champagne-Ardenne, si longtemps coincée aux confins du Bassin parisien et de l'Hexagone et qui, brutalement, parce que se lève le souffle européen, se retrouve avec la Wallonie sur un nouvel axe stratégique d'échanges entre l'Europe du nord et la Méditerranée, derrière les arrières-ports parmi les plus grands au monde de Rotterdam et d'Anvers.
C'est l'axe des fameuses foires de Champagne, qui avaient nourri la prospérité en son temps de toute l'Europe occidentale.
Si l'observation se veut un peu plus large encore, je n'aurai garde d'oublier qu'il me faut moi aussi dire qu'il est impensable d'arrêter la ligne à grande vitesse 100 kilomètres avant Strasbourg, mais l'heure s'avance. Je ne chercherai pas à vous convaincre, car vous êtes déjà convaincu.
Quant au TGV Rhin-Rhône, il faut quand même que j'en parle, car Jean-Pierre Soisson et Adrien Zeller y tiennent beaucoup.
Pour toutes ces réalisations, il faut de l'argent, bien évidemment, il faut innover, inventer. Les pistes ne manquent pas et je sais combien, de ce point de vue, vous avez le souci de détecter les formules sans péages, mais où l'on peut quand même trouver quelques subsides.
Les idées qu'Adrien Zeller a évoquées ne sont pas non plus à mettre de côté. Mais je sais que vous avez déjà porté à ce sujet des appréciations - toujours flatteuses, d'ailleurs -, lors d'un récent débat à l'Assemblée nationale. Je me permets donc de ne pas y revenir ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, de façon générale, la Basse-Normandie est tournée vers la région parisienne, qui est pour elle le principal pôle extérieur hexagonal d'attraction économique et administratif ; les relations entre Paris et la Normandie sont très fortes, notamment les flux touristiques qui font de la Normandie l'une des destinations privilégiées des habitants de la région capitale. De même, l'Ile-de-France est le point de passage quasi obligé, à l'heure actuelle, pour la plupart des liaisons longues par fer, route et avion pour les Normands.
Le centralisme passé a induit une organisation des modes de transports en étoile autour de Paris. Aujourd'hui, les liaisons transversales sont favorisées pour opérer un rééquilibrage de l'aménagement du territoire. En Basse-Normandie, ce rééquilibrage tend à s'opérer avec l'autoroute des estuaires ou la ligne ferroviaire Caen-Rennes, qu'il faut rénover.
S'il faut continuer à développer les liaisons directes entre la Normandie et le reste de la France, il me semble finalement que l'avenir de la Basse-Normandie passe par un lien étroit et facilité avec Paris, qui est pour nous la porte vers l'Europe élargie.
Aujourd'hui, deux nécessités se font jour : ouvrir la Basse-Normandie vers l'Europe et développer des modes de transports alternatifs. J'éviterai, faute de temps, de parler des routes, bien que le réseau routier reste à conforter.
De manière générale, et en Basse-Normandie en particulier, c'est le ferroviaire qui présente le potentiel le plus intéressant tant du point de vue du transport de voyageurs que du point de vue du fret.
Aussi, la liaison ferroviaire rapide Normandie-vallée de Seine-Roissy TGV constitue aujourd'hui pour notre région, après une expérimentation malheureuse et l'abandon en 1995 d'un TGV Normandie, le projet prioritaire en matière de développement ferroviaire.
Ce projet vise à réaliser une liaison directe avec le réseau TGV Europe via la gare Eole Magenta - et, à terme, nous l'espérons, la gare Roissy TGV -, à réduire les temps de parcours avec la possibilité de relier Caen à Paris en une heure trente et Cherbourg à Paris en deux heures trente - à cet égard, malgré l'électrification, la modernisation de la ligne, la modification de la vitesse sur les rails et la suppression des passages à niveau, il faut toujours trois heures pour aller de Cherbourg à Paris, comme au bon vieux temps des diesels en 1960, du fait de l'entrée difficile en Ile-de-France -, mais aussi à améliorer la qualité du service offert entre la Basse-Normandie et Paris et à offrir une réalisation phasable sur les douzième et treizième plans nationaux.
Ce projet se décline en trois volets très simples : l'amélioration de la ligne Paris-Mantes, qui devrait être achevée, nous l'espérons, en 2006 ; la connexion des lignes Paris-Caen-Cherbourg et Paris-Rouen-Le Havre au réseau TGV par un tunnel empruntant le système RER Eole, dit projet « ELEONOR » - Est Liaison Express Ouest Normandie Roissy - dont le coût est estimé à 350 millions d'euros ; enfin, des aménagements de capacité entre Mantes-la-Jolie et Paris, notamment sur le tronçon Achères-Epone-Mantes.
Le caractère interrégional de ce projet est déterminant. Dans le dernier contrat de plan, l'Etat et les trois régions ont retenu le principe de réaliser, dans le cadre d'une convention interrégionale, pendant la période 2000-2006, les études de faisabilité de cette liaison ainsi qu'une première phase de travaux sur l'axe Paris-Mantes.
Comme le reconnaît le rapport d'audit des ponts et chaussées, ce projet « présente un potentiel important » et « bénéficie d'un fort soutien des deux régions normandes et de la région d'Ile-de-France, qui se sont engagées sur une partie du financement par un protocole du 18 janvier 2001 », mais il ne « prend tout son intérêt pour la collectivité nationale qu'avec la réalisation du projet CDG express » que ni l'audit des ponts et chaussées ni l'étude de la DATAR n'ont examiné.
La liaison Normandie - vallée de Seine - Roissy TGV est indispensable au développement de la Basse-Normandie.
J'ai parlé de l'effort de notre région pour l'électrification de la ligne Paris-Cherbourg, mais ce projet mérite véritablement aussi tout le soutien de l'Etat, parce qu'il est efficace et peu coûteux, puisque nous ne revendiquons aucun TGV. Il est également écologiquement très acceptable et économiquement performant, parce qu'il assure la connexion des villes et ports du Havre, de Rouen, de Caen, de Cherbourg au réseau TGV européen. Dans le cadre du cabotage maritime, qu'il faut développer, ce n'est pas négligeable.
Il est aussi multistructurant pour trois régions : la Basse-Normandie, la Haute-Normandie - en attendant leur réunification - et l'Ile-de-France. Aussi, j'aimerais savoir, monsieur le ministre, si ce projet Normandie - vallée de Seine - Roissy TGV retient votre attention et si le CDG express est une priorité pour vous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, il est trois heures du matin et nous devons encore écouter vingt orateurs.
Le groupe socialiste dispose de quatorze minutes pour cinq orateurs, soit trois minutes par orateur.
M. Jean-Louis Carrère. Nous allons nous expliquer sur ce point !
M. le président. Le groupe UMP dispose de quatre-vingt-deux minutes pour quinze orateur, soit cinq minutes trente par orateur.
M. Jean-Louis Carrère. Avec dix intervention au début pour la seule UMP, nous n'allons pas nous laisser faire ! Il va falloir physiquement nous enlever le micro !
M. Eric Doligé. On va le faire ! On ne va pas se gêner !
M. le président. La parole est à M. Jean-François Humbert.
M. Jean-François Humbert. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne ferai pas preuve d'une grande originalité en disant que, fidèle à son attitude réaliste et lucide, le Gouvernement a souhaité engager devant le Parlement un débat, un vrai débat sur les infrastructures.
Il faut s'en féliciter, car c'était indispensable, tant il apparaît aujourd'hui évident que les projets sont nombreux et pour la quasi-totalité nécessaires, qu'il s'agisse des lignes à grande vitesse ou des infrastructures routières ou fluviales.
Mais cette « opération vérité » fait surtout apparaître une situation qu'il faut regarder en face : les très nombreux projets annoncés par le Gouvernement précédent souffrent de financements incertains - c'est une litote - et leurs calendriers de mise en oeuvre sont généralement peu réalistes. Permettez au président du conseil régional de Franche-Comté, qui est fortement engagé avec ses collègues d'Alsace et de Bourgogne dans le projet de ligne à grande vitesse Rhin-Rhône, d'en faire l'amer constat.
Cette situation, nous refusons, avec le Gouvernement, d'en prendre simplement acte. Elle doit, au contraire, nous inviter à une indispensable réflexion sur de nouvelles modalités de financement de nos grandes infrastructures.
Par quelle fatalité, en effet, la France serait-elle incapable, à la différence de ses voisins européens, notamment du Sud, de financer plus d'un TGV et de mettre en chantier plus d'une ou deux autoroutes ?
La sécurité routière, le développement économique, bien sûr, l'environnement, tout milite pour que l'effort national en matière d'infrastructures soit non seulement poursuivi, mais amplifié. C'est bien l'intention du Gouvernement, il faut le souligner et s'en réjouir.
Cela dit, je souhaite revenir sur deux enjeux - parmi d'autres - de ce débat : l'aménagement du territoire et les modalités de financement de ces infrastructures.
Sur le premier point, regardons simplement la carte de France des grandes infrastructures routières, ferroviaires, voire fluviales : les blancs succèdent aux pointillés, les projets non financés à l'absence de projets.
Paris demeure le centre de la toile et on mesure le chemin qui reste à parcourir pour désenclaver la plupart de nos régions et assurer leurs relations avec les grandes métropoles européennes.
L'Europe, justement, s'ouvre à l'Est : le récent rapport de la DATAR soulignait à cet égard que la réalisation d'infrastructures de transport doit désormais s'inscrire dans une perspective européenne dont le centre de gravité se déplace précisément vers l'Est.
Il est donc indispensable de redessiner le réseau des infrastructures majeures de l'espace européen. Pour autant, il ne s'agit évidemment pas de sacrifier l'aménagement de l'axe Nord-Sud européen. C'est même un enjeu essentiel pour une région comme la Franche-Comté qui se trouve située sur un couloir Nord-Sud unissant l'espace rhénan et le nord des Alpes à l'Europe du sud.
Et c'est à la réunion de ces grands espaces européens que contribuera demain le TGV Rhin-Rhône, qui est, comme j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, monsieur le secrétaire d'Etat, peu coûteux - 490 millions d'euros pour la première phase de la branche est rentable - le taux de rentabilité économique de l'ordre de 11,3 % est exceptionnel -, girondin - il ne vise pas, lui, uniquement Paris - et éminemment européen - on pourra, lorsqu'il sera réalisé, aller du nord de l'Allemagne au sud de l'Espagne.
Tant du point de vue de ces procédures - phase APD - que des financements attendus des collectivités territoriales, et mon collègue Souvet s'il était encore parmi nous ce soir pourrait le confirmer, ce projet est largement engagé et mobilise, de surcroît, la confédération helvétique.
Mais si l'axe Nord-Sud reste un facteur de cohésion européenne, notre pays doit désormais réorienter ses liaisons vers l'Est.
Et permettez, là encore, à la Franche-Comté, d'apporter à ce débat, sa contribution. Elle dispose en effet d'un axe potentiel non exploité reliant le Bassin parisien au nord de l'arc alpin. Il est matérialisé par la voie ferrée Paris-Bâle, la fameuse ligne 4, et la RN 19 reliant Langres à la Suisse et, ce faisant, à l'Allemagne du Sud.
Le constat est donc posé, mes chers collègues. Une nouvelle approche géostratégique, appuyée par des projets, tout aussi légitimes que nombreux, est nécessaire.
De quels financements disposons-nous et quels seront nos partenaires ?
Il faut l'admettre, nous sommes arrivés au bout d'une certaine logique, celle qui consiste, notamment au travers des contrats de plan Etat-région, à taxer rituellement les collectivités territoriales.
Dans un rapport remarqué, notre excellent collègue M. Pierre André dénonçait, voila deux ans, les limites de nos contrats de plan Etat-région. Autant la démarche contractuelle est saine dans son principe, autant l'exercice artificiel a vécu puisqu'il consiste, tous les cinq, six ou sept ans, à amasser une multitude de projets disparates dont les financements, alors même qu'ils figurent dans le contrat en question, ne sont pas garantis.
C'est précisément sur les infrastructures routières que la démarche démontre le mieux ses limites : pas une région où la plupart des grandes infrastructures, de dérapages physiques en nouvelles estimations financières, ne soient revues à la hausse, reportées, voire oubliées, suscitant ainsi l'incompréhension légitime de nos concitoyens.
Et même lorsque l'Etat, ce qui est exceptionnel, accepte une clé de répartition financière qui en fait, et de loin, le premier financeur, les délais ne sont pas raisonnables. Pour la RN 19, au rythme de la mise en place des financements et des procédures, il faudra entre vingt-cinq et trente ans, soit entre quatre et six contrats de plan, pour assurer une mise à 2 × 2 voies de cet axe qui relie Langres à la Suisse.
Le constat est donc clair : il faut une autre approche du financement de nos grandes infrastructures de transport, et je sais, s'agissant de la RN 19, que vous réfléchissez avec intérêt, monsieur le secrétaire d'état, à une formule de concession qui permette, sans remettre en cause la fin de l'adossement, une mise à 2 × 2 voies entre Langres et Vesoul.
La Franche-Comté attend avec intérêt votre décision, qui peut apporter des éléments de réponse certes perfectibles, mais réels, à la question du financement qui nous préoccupe.
Les grands équipements de transport se caractérisent sur le plan financier par de faibles flux financiers directs en retour, par des coûts de réalisations élevés et par une durée de vie importante.
Dans ces conditions, nul ne s'étonnera que le financement des investissements ne puisse être qu'aléatoire s'il est organisé en regard de la règle de l'annualité budgétaire qui s'impose dans les dépenses courantes de fonctionnement.
C'est pourquoi il faudrait, pour le financement de l'investissement, sortir de cette règle en imposant la contrainte d'un financement sur longue période, engageant les ressources publiques à long terme.
C'est à ce prix que l'engagement de l'épargne disponible, en particulier, pourraît être réalisé, comme le suggère mon collègue le président du conseil régional d'Alsace, Adrien Zeller.
Les nouveaux modes de financement des infrastructures devraient pouvoir s'appuyer sur un dispositif garantissant à long terme l'effort d'investissement public, exprimé par exemple en pourcentage du PIB.
Dans ces conditions, la garantie apportée par les pouvoirs publics permettrait de mobiliser à long terme les formes d'épargne disponibles issues de l'épargne de précaution, qui est très importante dans notre pays.
Si ce dispositif semble complexe à mettre en oeuvre au niveau de l'Etat, il pourrait l'être beaucoup plus facilement au niveau des collectivités territoriales à l'occasion d'une étape nouvelle de la décentralisation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous pouvez faire confiance aux collectivités territoriales pour faire preuve d'une réelle inventivité en matière d'ingénierie financière. Les exemples sont fréquents de montages où l'emprunt émis au bénéfice du financement d'infrastructures a été largement sur-souscrit en une matinée. C'est peut-être la meilleure façon de concilier, pour nos concitoyens, la certitude d'une épargne utilement mobilisée et correctement rémunérée.
Telle était la modeste contribution que je souhaitais apporter à ce débat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jacques Blanc. Quelle intervention de qualité !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Comme mon excellent collègue Michel Moreigne, je souhaite vous interroger, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la réhabilitation de la liaison ferroviaire Paris-Orléans-Limoges-Toulouse.
Cette liaison, depuis le temps du Capitole, qui fut, à son époque, le train le plus moderne et le plus rapide de France, s'est considérablement dégradée dans tous les domaines : la durée du trajet a augmenté d'un bon quart d'heure ; le confort s'est détérioré ; quant à la qualité des services aux passagers, il vaut mieux ne pas en parler et la sécurité n'a pas progressé !
Il était donc indispensable et urgent de prévoir une amélioration de cette liaison, ce qui fut fait, dès 1991, avec son inscription au schéma directeur national des liaisons ferroviaires à grande vitesse.
Des études furent entreprises et menées à leur terme.
La décision de réaliser les travaux fut confirmée lors du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 9 juillet 2001, à Limoges.
Le 13 novembre 2001 fut signée une convention-cadre financière entre les régions Centre, Limousin et Midi-Pyrénées, l'Etat, Réseau ferré de France et la SNCF.
Le 14 mai 2003, les présidents de ces trois régions indiquent qu'ils sont prêts à prendre en charge le surcoût financier lié à la pendularisation des rames. La SNCF et Réseau ferré de France annoncent la possibilité de commander le matériel et de commencer les travaux si l'Etat ne s'y oppose pas.
Or, en août 2002, le nouveau gouvernement issu de la nouvelle majorité a demandé un audit sur les grands projets d'infrastrutures au Conseil général des ponts et chaussées et à l'inspection générale des finances.
L'audit est remis le 4 mars 2003. Il préconise de repousser à échéance de vingt ans, c'est-à-dire aux calendes grecques, la réalisation de la pendularisation de la liaison POLT.
Le 24 avril 2003, la DATAR, dans un rapport d'étude prospective, met en doute la nécessité d'utiliser la technique pendulaire.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les faits que je viens d'énoncer appellent plusieurs interrogations.
Tout d'abord, qu'en est-il de la continuité de l'Etat, des engagements de l'Etat, de la parole de l'Etat ?
Le gouvernement Jospin avait formellement décidé la construction du TGV pendulaire POLT. (M. Eric Doligé s'exclame.)
La SNCF et Réseau ferré de France étaient prêts à en effectuer la mise en oeuvre. (M. Eric Doligé s'exclame de nouveau.)
Mon cher collègue, si vous m'interrompez, vous allez encore réduire le temps de parole du groupe socialiste !
M. Eric Doligé. M. Jospin n'a pas respecté sa parole !
M. Jean-Pierre Demerliat. Il a respecté sa parole plus que d'autres, et je vous souhaite de pouvoir présenter, dans quelque temps, un bilan aussi bon que le sien ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Le financement de ce projet était trouvé, en particulier grâce aux efforts des régions concernées.
Aujourd'hui, le gouvernement auquel vous appartenez remet en cause cette réalisation, au prétexte, d'une part, que la DATAR aurait émis des doutes sur la pertinence technique du projet. Depuis quand la DATAR est-elle plus compétente en la matière que la SNCF elle-même et que Réseau ferré de France ?
D'autre part, le projet serait trop onéreux. Or il était ficelé financièrement !
A ce stade, on doit se poser des questions.
Premièrement, qui prend les décisions dans ce pays ? Sont-ce les technocrates, fussent-ils aussi compétents que les responsables de la DATAR, ou bien est-ce le pouvoir politique, dont c'est la mission ?
Deuxièmement, comment se fait-il qu'un projet, bouclé financièrement il y a un an, ne le soit plus aujourd'hui ?
La ligne POLT paie-t-elle les baisses d'impôts consenties aux plus riches de vos électeurs, monsieur le secrétaire d'Etat ?
M. Eric Doligé. C'est ridicule !
M. Jean-Pierre Demerliat. Je ne suis pas un grand spécialiste des finances publiques...
M. Eric Doligé. Cela se voit !
M. Jean-Pierre Demerliat. ... mais je comprends aussi bien que tout un chacun qu'en se privant des ressources nécessaires on s'interdit les dépenses indispensables.
Monsieur le secrétaire d'Etat, l'aménagement du territoire, cela ne consiste pas à faire beaucoup pour les régions riches et peuplées et pas grand-chose pour les régions pauvres et à la population clairsemée.
Un véritable aménagement du territoire consiste à assurer à chacune et à chacun un traitement égal et juste quel que soit son lieu de résidence. La solidarité nationale doit donc, par le biais d'une juste péréquation, assurer à chacune et à chacun un égal accès aux services publics.
Mais on peut se demander si, aujourd'hui, dans ce pays, l'aménagement du territoire est encore une priorité.
N'oublions pas, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, qu'une nation qui néglige ses infrastructures avance inexorablement vers son déclin ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Je voudrais tout d'abord vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir procédé à un audit. Il faut en discuter certes. Mais il permet malheureusement de constater que nous avons perdu de nombreuses années, le gouvernement précédent ayant annoncé beaucoup de projets, alors qu'il n'y avait pas d'argent.
Ensuite, dans son rapport la DATAR a rappelé qu'il était nécessaire de penser l'ensemble des infrastructures en positionnant la France au coeur de l'Europe.
Vous nous avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, et M. le ministre Gilles de Robien l'a rappelé également, qu'il fallait s'interroger sur les moyens de faire face à l'augmentation de la demande sans augmenter les infrastructures. N'y a-t-il pas de rapport entre les infrastructures, le développement économique et l'emploi ?
Enfin, vous nous avez dit très justement qu'il fallait développer les infrastructures, non pas n'importe comment, mais en intégrant les exigences du développement durable.
Je voudrais donc dire, en tant que président de la région Languedoc-Roussillon, que nous pouvons mettre en oeuvre l'ensemble de votre politique. Je tiens d'ailleurs à remercier M. le ministre de nous avoir confirmé tout à l'heure que l'instruction du dossier du contournement ferroviaire par ligne à grande vitesse de Montpellier-Nîmes était terminée.
Je rappelle que ce projet avait été lancé par le gouvernement Balladur. La SNCF avait été autorisée à lancer des emprunts et l'on a perdu cinq ans ! Rien n'a été fait en Languedoc-Roussillon alors que le ministre de l'époque était de la région !
M. Jean-Louis Carrère. C'est la faute de Juppé !
M. Jacques Blanc. Non ! c'est la faute de Jospin et de Gayssot !
Mais peut-être n'avait-on pas beaucoup accéléré la procédure !
M. Jean-Louis Carrère. Ah bon !
M. Jacques Blanc. Merci, monsieur le ministre, pour ce coup de pouce. Mais il faudra aller un peu plus loin, en reprenant immédiatement les études de l'avant-projet sommaire qui avait été adopté lors d'un comité interministériel par le Gouvernement Balladur.
Sur l'ensemble du tracé du TGV allant de Montpellier jusqu'à Perpignan, il y aura très vite un blocage, car il y a déjà une saturation des sillons.
Tout le monde reconnaît qu'il faut réunir l'Europe. La liaison Bordeaux-Toulouse-Narbonne étant au coeur du dispositif européen,...
MM. Jean-Louis Carrère et Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. Jacques Blanc. ... nous souhaitons disposer d'une liaison rapide.
Nous allons vers Marseille et l'Italie. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées de l'UMP.) Il faut aller à Barcelone. Il faut faire sauter ces bouchons, pour ne pas rester dans une impasse. Monsieur le ministre, je vous demande d'agir vite.
Vous avez été confronté à une situation dont vous n'aviez pas la responsabilité. En effet, un seul groupe avait soumissionné à l'appel d'offres qui avait été lancé pour la liaison Perpignan-Figueras. Et quand on ne discute qu'avec un groupe, à un moment donné, cela explose.
Vous nous avez dit, et j'espérais que vous le confirmeriez, vouloir accélérer ce projet. Mais je puis vous dire que, dès 1987, avec le président Jordi Pujol, avec l'ensemble de nos collègues du Sud, quelle que soit leur couleur politique, nous avons toujours mobilisé nos énergies pour débloquer la situation.
J'ai eu la fierté, lors du sommet européen de Corfou, d'avoir fait inscrire, dans la nuit, le projet Montpellier-Perpignan-Barcelone au titre des grands projets européens.
Je présidais alors le comité des régions d'Europe. Il n'était prévu que d'inscrire Perpignan. J'ai fait ajouter Montpellier-Perpignan.
Cette inscription dans le cadre des grands projets européens a été confirmée lors du Conseil européen d'Essen. Il faut désormais accélérer les processus sous peine d'asphyxie.
A partir de là, monsieur le secrétaire d'Etat, on pourra bien entendu raccorder la ligne Béziers-Neussargues. Le maire de Montpellier dit que c'est le train des arriérés, mais nous estimons que ce train est destiné à compléter les grands axes. Une convention a été signée dans le cadre du contrat de plan Etat-région, nous souhaitons qu'elle soit respectée.
Nous avions également fait inscrire dans le contrat de plan Etat-région, le contournement de Nîmes et de Montpellier, pour dix milliards de francs. Mais, si vous lancez d'emblée le projet Montpellier-Perpignan, le conseil régional notamment apportera sa contribution parce qu'il faut accélérer la réalisation.
J'en viens au réseau routier.
Il y a, bien sûr, le prolongement du projet que le président Giscard d'Estaing et Jacques Chirac, alors Premier ministre, ont lancé, l'autoroute A 75, c'est-à-dire le développement d'un axe autoroutier sur le Massif central. Remercions-les !
On a pris trop de retard ensuite.
M. Jean-Louis Carrère. C'est la faute de Juppé !
M. Jacques Blanc. La RN 88 va permettre de délester la vallée du Rhône.
Qu'on ne nous raconte pas que l'on pourra ajouter une autoroute dans la vallée du Rhône. Sortons de la vallée du Rhône pour passer vers Alès, par exemple. Mais de Lyon à Toulouse, donc de la Suisse à l'Espagne, il y a un axe est-ouest, celui de la RN 88.
Respectons les engagements pris lors du comité interministériel de 1993, à Mende, au cours duquel le gouvernement de M. Balladur avait engagé la RN 88, à caractéristiques autoroutières sur son ensemble.
Il importe effectivement de respecter le développement durable, mais il ne faut pas procéder par petits morceaux.
Enfin, monsieur le ministre, vous défendez le multimodal. Nous pouvons le faire en Languedoc-Roussillon. Nous sommes les seuls à avoir une plate-forme multimodale à Saint-Charles. Nous voulons, avec le port de Sète, Port-la-Nouvelle, avec le rail, avec les canaux notamment le canal du Rhône à Sète - il faut faire sauter la digue à Beaucaire - remonter jusqu'à Lyon avec une liaison aérienne.
Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir répondu à notre souhait de proposer, dans le projet de loi, de classer Montpellier en catégorie nationale, mais à ambition internationale. J'espère que vous nous permettrez d'établir des liaisons de gestion avec les autres aéroports, pour que l'on puisse conduire une politique globale avec les aéroports, les ports, les canaux, la route et le chemin de fer.
Monsieur le ministre, je vous propose un exemple d'action autour du chemin de fer à grande vitesse, mais avec une vision multimodale, pour promouvoir un vrai développement durable au coeur de l'Europe, pour que le Nord, le Sud et l'arc méditerranéen rééquilibrent l'évolution d'une Europe, qui, sinon, risque d'aller un peu trop vers le Nord et vers l'Est. Il y a donc un enjeu politique majeur pour que vive l'Europe à laquelle nous croyons. Bravo et merci, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, et si l'on parlait un peu de la région Aquitaine ! Il s'agit d'un territoire de transit situé entre la péninsule Ibérique et le nord de l'Europe. Il est doté d'infrastructures de transport intéressantes, mais insuffisantes, et il se trouve à l'écart de ce que tout le monde appelle les grands courants d'échanges, la « banane bleue », si chère aux économistes.
Les responsables de la DATAR, comme en témoigne leur rapport - je le dis avec le sourire - semblent mal connaître les Pyrénées, parce que ce n'est pas là qu'ils vont skier. Les Pyrénées, c'est une chaîne de montagnes qui sépare la France et l'Espagne. Souvenez-vous qu'elle existe et qu'il n'y a pas que les Alpes ! Et pourtant nous sommes d'accord avec les trois priorités qui sont fixées dans le rapport de la DATAR, priorités que celle-ci défend inlassablement depuis cinq ans : il faut améliorer l'accessibilité des territoires, se placer dans une perspective trans-européenne et développer le report modal.
Si l'effort n'est pas poursuivi en Aquitaine, cette région risque de rester un territoire en voie de marginalisation dans une France qui deviendra à l'évidence, vous l'aurez entendu ce soir, à deux vitesses : la France de l'Est, suréquipée et la France de l'Ouest, que vous appelez « zone de déprise économique ». L'une est surdotée en matière d'équipements, l'autre négligée. Certes, il y fait bon vivre, on y a d'extraordinaires traditions, et je n'évoque pas l'ortolan ou autre passe-temps. On vient nous y regarder un peu comme des Indiens.
A Liposthey, avant-hier, on a ramassé, hélas ! des Marocains, qui, après plusieurs tonneaux, ont perdu la vie sur cet axe si dangereux.
Tout à l'heure, j'entendais des orateurs - et je les crois volontiers - parler de l'autoroute « de la mort ». En tant qu'élu d'un département comme les Landes, je peux vous dire que l'on est quasi quotidiennement, en été, confronté à cette dangerosité. Et l'on n'a pas de mots assez durs, alors, pour quereller ceux qui considèrent que l'aménagement de l'A 63 ou de la liaison Bordeaux-Pau peut attendre. Il n'est pas possible de laisser cette situation perdurer !
Néanmoins, je voudrais ici être clair et précis pour qu'il n'y ait pas de problème à l'égard du Gouvernement, qui fait des choses justes - pas toutes, je dirai lesquelles - et qui a le mérite de poser un certain nombre de problèmes. Je souhaite rappeler, au nom de l'exécutif du conseil régional d'Aquitaine - et, bien au-delà, de l'ensemble du conseil régional, sans doute -, les grandes priorités.
La première, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous la connaissez, c'est le TGV Sud-Europe-Atlantique. Je serai bref sur ce point ; je ne vous rappellerai pas les chiffres. Vous savez tous que le Premier ministre s'est engagé à inscrire le tronçon Tours-Dax-Vitoria comme prioritaire dans la révision des réseaux transeuropéens de transports, les RTET, le 3 mars dernier.
Mais j'attire votre attention sur un fait que vous connaissez : les Espagnols vont encore plus vite que nous pour des raisons que nous n'ignorons pas : ils sont éligibles à des financements européens auxquels nous n'avons pas accès et cela leur permet - tant mieux pour eux ! - d'aller très vite. Ils sont en train de réaliser les travaux de Madrid-Valladollid, avec le double tunnel sous la sierra de Guadarrama.
Quant au « Y basque », je rencontre après-demain, au conseil régional, M. Alvaro Aman, qui est le ministre-conseiller des transports du gouvernement d'Euskadi. Le « Y basque » sera réalisé sous dix ans. Je ne suis pas le porte-parole du gouvernement d'Euskadi, ni du gouvernement espagnol, d'ailleurs - vous avez avec eux des contacts beaucoup plus suivis - et il est quelquefois nécessaire de vérifier les dates qui nous sont données aux uns et aux autres. Néanmoins, il n'y aurait rien de plus fâcheux que de voir nos amis espagnols réaliser une ligne à grande vitesse, même si elle n'est pas à grande vitesse sur la totalité - le tronçon de Vitoria à la frontière risque de ne pas l'être -, et nous attendre à la frontière, alors que nous avions plutôt une grande avance. Tel est donc le premier projet prioritaire pour l'Aquitaine.
La deuxième priorité, c'est la liaison rapide et sûre entre Langon et Pau. C'est la cohésion même de l'Aquitaine qui est en jeu. Il n'y a pas de désaccord entre nous.
M. Jacques Valade. Il y en a eu !
M. Jean-Louis Carrère. Qu'il s'agisse de la présidence de Jacques Valade ou de celle d'Alain Rousset, dans toutes les motions, prises à l'unanimité, on souhaitait que cette liaison soit réalisée. (M. Jacques Valade s'exclame.)
Monsieur Valade, nous n'allons pas refaire les débats du conseil régional ici ! Je ne vais pas leur raconter que vous aviez « piqué » l'argent de la déviation d'Aire-sur-l'Adour contre ma volonté pour aménager Bordeaux et le bassin d'Arcachon ! (Rires.)
M. Jacques Valade. Non, ne le racontez pas !
M. Jean-Louis Carrère. Ni que nous l'avons réinscrit au contrat de plan et que nous avons refait les études. Vous le savez très bien, c'est l'une des divergences qui existent entre nous !
M. Jacques Valade. Eh oui !
M. Jean-Louis Carrère. Néanmoins, ce que j'observe, c'est qu'il faut que vous nous aidiez à réaliser cette liaison. Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir enfin lancé, récemment, l'appel à candidatures de concessionnaires, que nous attendions depuis quelque temps. C'est en bonne voie et nous sommes satisfaits. Nous y tenons beaucoup.
M. Jacques Valade Eh oui !
M Jean-Louis Carrère. La troisième priorité, c'est le corridor Nord-Sud-Atlantique. Je ne vous parlerai pas de traversée centrale des Pyrénées. Je pense qu'il faut un grand corridor de fret et que celui-ci doit être positionné sur la zone optimale. Laquelle est-ce ? S'agit-il de Pampelune ou d'une autre zone ? Il est prématuré de répondre à cette question ! Ce qui est sûr, c'est qu'en optimisant l'existant, on peut faire passer du fret sur la voie actuellement existante. En améliorant la plate-forme Hendaye-Irun, Hourcade et la plate-forme de Mouguerre, on peut opérer du report moral, mais on a absolument besoin qu'une telle décision soit prise rapidement, portée par le gouvernement français. Vous le savez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, elle l'est par le gouvernement espagnol, et je crois savoir que le président Aznar presse le gouvernement français d'aller dans ce sens.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Je conclus, monsieur le président !
Il me reste encore quelques priorités à mentionner. L'une de ces priorités concerne la RN 21 ; M. Jean-François-Poncet en a parlé tout à l'heure, tout comme M. Aymeri de Montesquiou, sénateur du Gers. Nous partageons leurs propos pour tout ce qui concerne la partie aquitaine, c'est-à-dire la traversée du Périgord et du Lot-et-Garonne.
Une autre priorité a trait aux Pyrénées-Atlantiques. Vous y avez effectué quelques déplacements ces jours-ci et les annonces qui sont faites nous inquiètent. Mais, pour la liaison Pau-Oloron, nous vous suivons, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat ; cela nous intéresse beaucoup.
Pour ce qui est de la Transnavarraise, nous sommes un peu plus dubitatifs, même si nous sommes favorables à l'amélioration de ce qui existe.
En conclusion, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, nous ne pouvons qu'être d'accord sur un certain nombre de vos projets et qu'être très favorables à de nouveaux financements innovants.
Mais ces montages ne résolvent pas tout. Les dossiers doivent présenter un minimum de rentabilité financière. C'est cette rentabilité financière démontrée qui suscite l'opportunité.
Il faut être prudent sur l'augmentation des péages des TER : cela peut permettre à RFF de bénéficier de nouvelles rentrées financières, mais cela peut aussi provoquer, de la part des régions, un désengagement qui porterait un coup à la SNCF, au report modal et à l'aménagement du territoire, alors que, vous le savez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, les régions sont pleinement impliquées dans ces projets.
En conclusion, je voudrais exprimer une crainte. Je ne voudrais pas que le Gouvernement, tel un excellent illusionniste, nous fasse débattre, pendant qu'il gèle une grande partie des crédits des contrats de plan, c'est-à-dire que nous soyons comme le brave teaureau dans l'arène, que vous soyez les matadors, et que nous foncions sur un leurre, alors que vos intentions seraient totalement différentes. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Gilles de Robien, ministre. Vous aurez la queue et les deux oreilles !
M. Jean-Louis Carrère. Je souhaite que tel ne soit pas le cas, car, à ce moment-là, l'opinion publique risquerait de se retourner contre vous. Il est des sorties difficiles pour les matadors. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Valade.
M. Jacques Valade. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je suis très honoré de prendre la parole après mon collègue Jean-Louis Carrère. Je souhaite m'exprimer non seulement en mon nom personnel, mais également au nom de mes collègues et amis Gérard César et Xavier Pintat. Nous avons souhaité, en effet, n'intervenir qu'une fois et d'une seule voix, exprimant ainsi la position des sénateurs de la Gironde, qui font partie, monsieur Carrère, de la majorité présidentielle, nationale et sénatoriale.
De ce fait, je vais parler en qualité de Girondin, mais aussi en tant qu'Aquitain ayant assumé la responsabilité de la région Aquitaine de 1992 à 1998.
Nous apprécions, monsieur le ministre, l'occasion que vous nous donnez d'exprimer nos ambitions pour notre pays et nos régions, mais également nos regrets et, éventuellement, nos amertumes.
Mais je voudrais, à l'image d'autres intervenants, vous dire combien certains avis de techniciens ou le contenu de documents de prospective paraissent totalement coupés de la réalité spatiale et quotidienne de nos régions et de nos départements. Au moment où la régionalisation permet aux acteurs locaux d'assumer de plus en plus de responsabilités, nous souhaitons que les demandes des élus locaux soient prises en considération, surtout lorsqu'elles s'expriment d'une voie unanime.
Je rejoins en cela Jean-Louis Carrère, mais je vous rassure, monsieur le ministre, cela ne va pas durer. En effet, je trouve paradoxal qu'après avoir pris en main les affaires notamment en matière d'infrastructures, à partir de 1998, une politique ait été élaborée et qu'actuellement, à la tribune du Sénat, on entende pratiquement le contraire de ce qui avait été formulé en 1998.
Tout d'abord, je veux confirmer une évidence géographique : l'Aquitaine, longtemps considérée comme excentrée par rapport aux zones riches du sillon Rhin-Rhône, est devenue le point de passage obligé entre l'Europe du Nord et la péninsule Ibérique ; entre Paris et Madrid, la liaison la plus directe passe par Bordeaux et l'Aquitaine.
Par ailleurs, la façade atlantique maritime constitue, par le cabotage, une alternative à la circulation terrestre, à condition d'en assurer la sécurité, afin d'éviter les sinistres successifs que nous avons connus et d'améliorer la compétitivité de nos ports de Bordeaux et de Bayonne.
Cette situation privilégiée n'a pas été prise suffisamment en considération dans le passé et le retard - notre retard aquitain - s'est accumulé.
Le TGV Sud-Europe-Atlantique, Paris-Bordeaux-Madrid, est une absolue nécessité tant pour le transport des passagers que pour la mise à la disposition du fret des sillons ferroviaires ainsi dégagés. On mesure les bienfaits de tels équipements dans la vallée du Rhône : nous ne pouvons plus attendre.
L'Aquitaine a l'espace d'accueil, la qualité des hommes et des paysages ; elle doit être désenclavée et participer, de ce fait, au rétablissement de l'équilibre souhaitable entre la région parisienne et le reste de la France, entre l'Europe du Nord et l'Europe du Sud.
L'Aquitaine est la porte véritable de l'Espagne et du Portugal, voire du Maroc, mais encore faut-il organiser son désenclavement avec efficacité et rigueur. Or, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, nos collègues espagnols comprennent mal notre inertie dans ce domaine.
Pour ce qui concerne la route, la liaison vers l'Est par l'A 89 est en bonne voie, mais il faut confirmer sans cesse notre volonté et la traduire sur le terrain.
L'augmentation du trafic routier transpyrénéen suit une courbe quasi exponentielle.
Nous avions élaboré, pour les liaisons vers le Sud, un plan, présenté dès 1994, confirmé en 1995, aux gouvernements de MM. Balladur et Juppé. Nous avions obtenu l'accord de vos prédécesseurs, monsieur le ministre, pour la concession de l'A 64 Bordeaux-Bayonne pour une liaison autoroutière, ainsi que de la section Langon-Pau, également en structure autoroutière.
Le gouvernement de M. Jospin, sous l'impulsion de M. Gayssot, a remplacé ces dispositions par la prise en charge par le contribuable français et aquitain d'une transformation en voie rapide, sans péage.
Depuis 1997, nous sommes donc dans la situation paradoxale de faire payer aux contribuables français et aquitains la mise en place de cette infrastructure routière, dont l'utilisation est majoritairement le fait des routiers étrangers. Ainsi, un poids lourd non immatriculé en France peut traverser notre région sans acquitter une quelconque taxe, un quelconque péage, « consommant » de la sorte notre réseau routier sans contribuer ni à l'investissement initial ni à son entretien.
Il faut se ressaissir, reprendre le projet initial - j'ai entendu tout à l'heure que l'exécutif actuel du conseil régional semblait aller dans cette direction -, à savoir la réalisation, dans les délais les plus rapides, de la liaison entre Bordeaux et Bayonne et de la section Langon-Pau, pour ainsi rattraper le retard dû à la gestion erratique de ce dossier sur le plan national.
Mais il ne faut pas en rester là : la mise à 2 × 2 voies ne suffit plus : si l'on veut maîtriser le transport du fret, il y a obligation de passer à deux fois 3 voies, même en faisant tous les efforts nécessaires pour limiter le fret routier.
Enfin, puisque je viens d'évoquer la saturation des voies routières ou autoroutières, je voudrais, monsieur le ministre, attirer votre attention - ce n'est pas la première fois - sur l'extrême engorgement de l'agglomération bordelaise.
Un effort considérable est actuellement consacré pour améliorer la circulation, les transports en sites propres - le tramway - et le stationnement en sites urbains à Bordeaux. Le grand contournement de Bordeaux ou, plus exactement, le contournement du grand Bordeaux est à mettre à l'étude et, ensuite, en chantier.
Depuis 1980, comme le rappelait le président du conseil général de la Gironde cet après-midi, le dossier est prêt, mais je ne peux qu'exprimer le regret qu'entre 1997 et 2002 ce dossier n'ait pas bénéficié du soutien du gouvernement de l'époque qui, me semble-t-il, était constitué des amis de M. Madrelle...
M. Jean-Louis Carrère. Et deux ans avant, qui était Premier ministre ?
M. Jacques Valade. Je le rejoins en affirmant que seule l'option de l'ouest, pour le grand contournement, est satisfaisante. Elle fait, d'ailleurs, l'unanimité, comme M. Madrelle l'a indiqué cet après-midi. Je vous demande par conséquent, après qu'Alain Juppé en a fait de même à l'Assemblée nationale, de réduire à cet égard les délais et les démarches administratives inutiles.
Pour conclure ce panorama global, je me dois d'évoquer deux dossiers auxquels nous tenons : la voie transversale Limoges-Périgueux-Bergerac-Agen-Pau-Tarbes, c'est-à-dire la RN 21, et le franchissement des Pyrénées à moyen terme.
M. Carrère a, tout à l'heure, eu des propos relativement apaisants mais, en 1998, il développait une tout autre argumentation.
M. Jean-Louis Carrère. Qui ?
M. Jacques Valade. Un nommé Carrère. (Rires.)
Monsieur le ministre, je n'évoquerai pas le problème de financement de ces infrastructures, non par négligence ou légèreté, mais parce que ce dossier a été parfaitement traité par nos collègues, en particulier par M. Jacques Oudin.
Si le destin de la France, donc de l'Europe, passe par son réseau de communications de toute nature, il passe aussi par la cohérence et la solidarité interrégionales.
Un élément fondamental de cette cohésion est constitué par un réseau de communications dont les entreprises ont un besoin toujours plus important. Un réseau de liaisons informatiques à haut débit doit être une préoccupation permanente. Certes, il ne dépend pas seulement de votre responsabilité, mais nous devons l'avoir sans cesse à l'esprit.
M. Jean-Louis Carrère. Et c'est parti !
M. Jacques Valade. Monsieur le ministre, votre tâche est immense. Les revendications sont sans doute déraisonnables par rapport aux moyens dont vous disposez, mais vous pouvez compter sur notre vigilant soutien et sur notre entière confiance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Gilles de Robien, ministre. Merci, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Marcel Vidal.
M. Marcel Vidal. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les collaborations interrégionales méditerranéennes ont progressé au cours des dernières années, contribuant à construire l'arc méditerranéen plus par la volonté des acteurs de la société civile que par celle des politiques. Cette dynamique doit être poursuivie, renforcée sur le plan institutionnel et largement encouragée par l'Etat.
Le débat sur les infrastructures qui nous réunit aujourd'hui consiste finalement à définir les nouvelles orientations de la politique d'aménagement du territoire dont la France veut se doter. Or la politique d'aménagement du territoire ne peut plus s'inscrire dans le seul contexte français, ni dans la traditionnelle opposition Paris-province. L'élargissement de l'Europe à dix nouveaux membres, l'internationalisation de l'économie, l'évolution des modes de vie, ne représentent pas seulement des défis pour les territoires français, mais constituent aussi autant d'opportunités, à condition que la France sache les saisir et se donne les moyens de ses ambitions.
C'est dans cet esprit que je plaiderai aujourd'hui en faveur du développement de l'arc latin, pour que la France contribue avec efficacité à l'ouverture internationale et européenne, notamment dans cette région du sud de l'Europe.
« L'entretien des infrastructures existantes nécessite un plus grand effort de la nation ; une meilleure gestion permettrait, par ailleurs, d'en tirer un meilleur profit », estime la DATAR, dans son récent rapport. Cette remarque me semble pertinente concernant les nécessaires travaux d'amélioration de la RN 204 et du tunnel de Tende, reliant l'autoroute Nice-Gênes vers le Piémont.
Elle est non pas concurrente, mais complémentaire du projet incontournable du TGV Lyon-Turin. Elle permettrait le désengorgement des Alpes du Sud et une ouverture à la perspective d'une liaison, qui désenclaverait la région PACA et faciliterait ainsi les échanges avec l'Italie.
Dans la même logique, il est impératif d'accélérer le traitement de deux grands dossiers structurants dans les projets prioritaires retenus par le Gouvernement : la ligne à grande vitesse entre Montpellier et Perpignan et la ligne nouvelle Côte d'Azur en direction de Nice, qui permettront la réalisation future de l'axe Barcelone-Gênes.
Les engagements pris pour ces deux dossiers doivent être respectés. Le débat public doit être lancé pour le TGV Côte d'Azur et un calendrier précis doit être rapidement défini pour le TGV Montpellier-Perpignan.
De même, le contournement de Nîmes Montpellier par la ligne à grande vitesse, mis à l'étude en 1989, est une infrastructure indispensable au développement des échanges de voyageurs, et surtout de fret, avec l'Espagne. Elle est primordiale pour la réalisation de l'arc ferroviaire méditerranéen à grande vitesse Barcelone-Gênes.
Je me félicite que l'audit réalisé conjointement par l'inspection générale des finances et le Conseil général des ponts et chaussées ait déclaré cette réalisation prioritaire.
A l'ouest de l'arc méditerranéen, plusieurs des projets prioritaires de la Commission européenne concernent la péninsule Ibérique et intéressent directement la France ; c'est le cas du projet Perpignan-Figueras.
Le retour de l'Espagne dans l'ensemble européen a entièrement modifié les perspectives du Sud-Ouest français. Hier « cul-de-sac », cet ensemble de régions a désormais un potentiel de développement considérable.
La réalisation de la ligne nouvelle Perpignan-Figueras - fret et voyageurs -, prévue par le traité de Madrid en 1995, permettra de relier Montpellier à Barcelone en deux heures quinze minutes, et Marseille à Barcelone en trois heures quarante-cinq minutes. Ce temps est particulièrement intéressant pour la capitale régionale du Languedoc-Roussillon, qui ne dispose d'aucune liaison aérienne vers Barcelone.
Une politique volontariste des transports en faveur de l'arc sud méditerranéen constituerait une alternative à l'axe rhénan. Elle éviterait le risque d'une « continentalisation » du développement économique de l'Europe. Elle serait, pour la France, une chance d'accroître ses échanges avec les pays du bassin méditerranéen, à condition que l'Etat respecte ses engagements internationaux et ne gèle pas, dans le contexte politique actuel, les crédits inscrits dans les contrats de plan Etat-région.
Une telle politique serait également une chance pour l'Europe. C'est la raison pour laquelle il est regrettable que, en matière d'infrastructures, là où par lesquelles la contribution communautaire s'inscrit dans le cadre du budget consacré aux réseaux trans-européens, la participation financière de l'Union européenne soit actuellement plafonnée à 10 % du coût total des investissements, « ce qui ne lui permet pas de générer un véritable effet de levier » selon le rapport du Conseil général des ponts et chaussées.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, agissons de telle sorte que la mobilisation des financements européens soit améliorée et concentrée en particulier sur d'importants projets d'envergure internationale. Un grand emprunt européen aurait une portée d'intérêt général. Les enjeux sont de taille, les moyens d'y parvenir doivent en être dignes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, le plus souvent, la circulation routière s'affranchit des décisions politiques en matière d'infrastructures lorsque celles-ci ignorent la réalité des flux naturels.
Ainsi, la circulation est faible sur l'autoroute A 4, car les poids lourds continuent à utiliser la RN 4, ligne droite et naturelle entre Paris et Strasbourg.
Ainsi, la circulation est faible sur l'autoroute A 26, hormis les migrations estivales, entre Châlons-en-Champagne et Chaumont, car les véhicules prennent la ligne droite entre ces deux villes, passant par Saint-Dizier et empruntant la vallée de la Marne, axe de circulation naturel majeur.
Ainsi, la circulation entre Paris et Belfort ne sera vraiment fluide que lorsque l'autoroute A 5 sera prolongée par une voie de qualité à l'est de Langres : la RN 19. D'ores et déjà, cette nationale est très chargée alors que, pour l'instant, la circulation est très faible entre Paris et Troyes sur l'A 5.
Le nord de la Haute-Marne, carrefour naturel, connaît donc une circulation très dense, alors même que la RN 67 n'est pas à 2 × 2 voies - malgré les promesses faites voici plus de trente ans, et réitérées maintes fois - pour compenser le détournement de l'A 26 à l'ouest pour des motifs considérés par beaucoup comme obscurs, et malgré les multiples contrats de plan Etat-région, toujous inachevés et reportés à des jours meilleures, faute de moyens.
La décentralisation engendrera probablement la dévolution de cette RN 67 au département de la Haute-Marne. Il sera, bien entendu, très difficile pour cette collectivité de réaliser demain cette mise à 2 × 2 voies, puisque l'Etat lui-même n'y est pas parvenu, malgré l'aide apportée par les collectivités locales. Et pourtant, cet aménagement est indispensable et urgent, eu égard à la circulation internationale que cette route supporte.
Enfin, au sud du département, la RN 19, à l'est de Langres, attend depuis des lustres sa modernisation jusqu'à Delle. La solution autoroutière concédée fut retenue ; quelques années plus tard, il a été envisagé une 2 × 2 voies ; on revient aujourd'hui à la première solution.
Je ne prétends pas connaître la bonne solution technique ou financière, ni celle qui nous permettra de voir se réaliser rapidement cette modernisation indispensable. Mais, pendant ce temps, la circulation ne cesse de progresser, pénalisant les industriels et, plus généralement, les usagers de cet important axe de transport de marchandises en flux tendu à caractère international.
Permettez-moi d'aborder très rapidement la question ferroviaire. Là encore, la Haute-Marne est un carrefour naturel qui voit se croiser la ligne n° 4 et la ligne n° 10, deux lignes qu'ont évoquées mon collègue président du conseil général de la Haute-Saône et mon collègue président du conseil régional de Champagne-Ardenne.
Ces deux lignes ne sont électrifiées ni l'une ni l'autre.
A l'époque où toutes les autorités reconnaissent qu'il faut préserver l'environnement et créer les conditions d'un développement durable, l'électrification de ces lignes est nécessaire pour leur pérennisation à terme. Dans la perspective de rapprocher nos ports de la Manche de l'Europe centrale et orientale, et compte tenu du fait que la région parisienne est particulièrement engorgée, le fret provenant desdits ports, contournant l'agglomération parisienne, empruntera la ligne n° 10 Châlons-Culmont-Chalendrey. Cela ne pourra se réaliser que par la mise aux normes internationales de cette ligne.
De même, la liaison Paris-Bâle, électrifiée dans un avenir prévisible, à moyen terme jusqu'à Troyes, grâce au contrat de plan actuel et, surtout, grâce au suivant, ne trouvera sa véritable plénitude que lorsque le « chaînon manquant » Troyes-Chaumont sera lui-même électrifié.
Sans ces investissements, qui auraient dû être réalisés depuis longtemps, Troyes deviendra un cul-de-sac, le reste de la ligne n° 4, un désert parcouru, au mieux, par des tortillards poussifs, désertés par les usagers.
La desserte de l'Est de la France ne peut se résumer à la desserte par TGV de Strasbourg, par le nord, et de Mulhouse, par le sud. L'aménagement du territoire impose que l'on étudie ces deux lignes d'intérêt national, qu'il convient de moderniser et d'électrifier.
La Haute-Marne, terre d'accueil et passage obligé, tant sur l'axe nord-sud que sur l'axe est-ouest, attend les solutions et les investissements nécessaires à son désenclavement et à son développement durable.
Puisse ce débat nous apporter les éclaircissements nécessaires et nous confirmer la ferme volonté du Gouvernement de remédier à ces situations pénalisantes, non seulement pour l'expansion économique et sociale de notre département, mais aussi pour les usagers de ces axes de grand transit. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, compte tenu de l'heure et du nombre d'orateurs qui m'ont précédé à cette tribune, je serai bref.
Finalement, après avoir écouté, depuis plus de dix heures, toutes les interventions, avec la même patience que vous, monsieur le ministre, je me dis qu'il n'y a pas tellement de désaccord sur la démarche, sur le fond. Nous nous accordons sur la multimodalité et sur la nécessité de faciliter les déplacements au moyen de transports écologiques, propres, multimodaux. D'ailleurs, avec tous les arcs qui ont été cités aujourd'hui, j'espère que le carquois est large, épais et profond. (Sourires.)
Monsieur le ministre, même si les rapports sont nécessaires, même si, à un moment donné, il faut faire le point de la situation - cela, je ne le critique pas, c'est tout à fait normal -, je pense qu'on ne peut pas se contenter d'une lecture seulement comptable de l'évolution d'un pays, notamment en matière d'infrastructures routières. Mais ce n'est pas à vous que je vais l'apprendre, monsieur le secrétaire d'Etat, car vous êtes un spécialiste du transport. Nous vous avons entendu à plusieurs reprises, et je comprends que votre tâche est parfois difficile. (Sourires.) Cela étant, nous ne pouvons pas accepter que des régions soient favorisées par rapport à d'autres, même si toutes ont besoin de se développer.
S'agissant du TGV, il ne serait pas acceptable aujourd'hui que Toulouse ne soit pas à moins de trois heures de la capitale. Bien sûr, il faut un TGV qui relie Paris à Bordeaux, mais il ne faut pas repousser pour autant à vingt ans la réalisation de la ligne TGV reliant Toulouse à Bordeaux. Il y a là un effort important à faire.
Le deuxième projet important pour la région Midi-Pyrénées concerne la traversée centrale des Pyrénées : 17 000 véhicules par jour, soit un véhicule toutes les cinq secondes, soit deux fois plus que pour la traversée des Alpes, et 30 000 véhicules par jour annoncés à l'horizon 2020 !
Ce projet avait été retenu en 2001 et validé par le Parlement européen, puis, en juin 2002 - je ne sais pas pourquoi -, le Conseil des ministres européens des transports a rejeté ce projet.
Aujourd'hui, l'Espagne est d'accord ; M. Aznar a demandé la réinscription du projet. Je crois qu'il est intervenu auprès du Président de la République française en ce sens. Je souhaiterais aussi que la France débloque ce dossier de la traversée centrale des Pyrénées. Enfin, plusieurs moyens de financement ont été évoqués qui pourraient satisfaire à la fois l'Etat, les collectivités et les usagers. Les collectivités sont prêtes.
Rien ne serait pire que de s'en tenir au seul chiffrage des coûts, car l'audit évalue les coûts de l'action de la collectivité publique, mais jamais le coût de son inaction, qui finit par se payer, tôt ou tard, et toujours au prix le plus fort ! Ces évaluations-là ne sont pas faites.
Alors, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, n'oubliez pas la région Midi-Pyrénées et ce TGV cher à notre coeur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - M. Philippe Richert applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Alain Gérard.
M. Alain Gérard. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le débat sur les infrastructures de transport qui s'engage aujourd'hui est essentiel pour l'avenir de notre pays, puisqu'il s'agit pour le Gouvernement d'élaborer la politique d'infrastructures de la France pour les vingt prochaines années.
Le rapport que vient de remettre la DATAR était donc très attendu. Il vient compléter l'audit sur les infrastructures, ainsi que le rapport sur le fret ferroviaire de nos collègues François Gerbaud et Hubert Haenel, et celui sur le cabotage maritime de notre autre collègue Henri de Richemont.
Toutes ces études convergent vers un même objectif : donner à la France une politique d'infrastructures dynamique, dans la perspective d'une ouverture internationale de la France. C'est une initiative responsable du Gouvernement que je tenais à saluer ici aujourd'hui.
Cette responsabilité se traduit par une hiérarchisation des projets assortie d'une programmation.
Des choix devront être opérés. Si le bon fonctionnement du réseau routier est impérieux, et peut encore être amélioré, le ferroviaire a un réel potentiel de développement.
En termes d'aménagement du territoire, si nous ne voulons pas qu'une partie de l'hexagone soit progressivement isolée du coeur économique européen, il est impératif de concevoir une politique des transports sur le long terme. C'est dans ce cadre que se pose la question du désenclavement de la Bretagne et de toute la façade atlantique.
L'audit sur les projets de grandes infrastructures de transport a classé le projet de ligne à grande vitesse Bretagne-Pays de la Loire parmi les cinq projets prioritaires. Il est réaffirmé que le TGV Bretagne-Pays de la Loire est un enjeu national d'aménagement du territoire, dont l'objectif est de placer Quimper et Brest à trois heures de Paris. Avec un niveau de rentabilité socio-économique de 10,7, le projet a été qualifié d'« assez élevé », niveau à rapprocher du niveau 8 reconnu comme celui du seuil de l'utilité publique.
Le fuseau actuel est définitif et justifié parce qu'il a été entériné par une décision ministérielle, au terme d'études approfondies menées par les services du ministère de l'équipement et des transports, et après une large concertation au niveau local.
Le caractère européen d'un tel équipement doit être réaffirmé avec force puisqu'il participera au désenclavement du grand Ouest en rapprochant notre département des centres de décision européens. Il permettra ainsi de réaffirmer le caractère vital pour le développement économique de l'Ouest en raccourcissant les distances, en rendant plus accessibles nos territoires. L'Ouest ne pourra conserver ses entreprises et ses emplois qu'à ce prix. Il ne pourra développer ses secteurs économiques que si son raccordement aux espaces européens les plus dynamiques est assuré.
La réalisation de ce projet permettra de plus la libération de la ligne classique pour le fret, enjeu majeur pour l'industrie alimentaire et du frais de l'Ouest. Vous savez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il pèse aujourd'hui une menace d'asphyxie sur le trafic fret, phénomène que l'accélération des cadences à grande vitesse viendra aggraver.
Le gain de temps ainsi obtenu profitera à l'ensemble des villes de l'Ouest. Au total, la ligne à grande vitesse rapprochera notamment Brest et Quimper de près de 40 minutes de Paris. C'est vital pour la Bretagne tout entière, et plus encore pour sa pointe occidentale.
De manière complémentaire, sur la partie Rennes, Brest et Quimper, je veux redire ici mon attachement à la technologie pendulaire, dont l'intérêt a été confirmé par l'étude de la DATAR.
Enfin, ce projet est à rapprocher de celui de l'aéroport international de Notre-Dame-des-Landes. L'étude prospective de la DATAR a également souligné la pertinence de cet ensemble cohérent qui raccorde l'ouest de la France aux grandes capitales européennes.
Sur ces projets de grandes infrastructures, la Bretagne et les Pays de la Loire parlent d'une seule voix. Cette solidarité renforcée entre les deux régions est un atout dans la compétition des projets.
La réalisation d'un barreau sud qui permettra le contournement ferroviaire rapide de Paris devra compléter cet ensemble cohérent.
Votre prédécesseur avait jugé souhaitable la réalisation d'un tel projet à l'horizon 2010. Le rapport d'audit envisage sa réalisation au mieux en 2017. Pourtant, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, vous savez que notre dossier est prêt, qu'il peut désormais avancer plus vite que d'autres, et qu'il est porté par une forte mobilisation des acteurs politiques, économiques et sociaux.
La question centrale reste celle du financement. Dans un contexte économique et budgétaire tendu, il faudra faire preuve d'imagination, et les Bretons ont des idées. Mais l'Etat devra faire face à ses obligations de financement de la LGV et mener parallèlement une démarche déterminée auprès de la Commission européenne pour solliciter ses concours.
Il est impératif de ce point de vue que, comme le TGV Aquitaine est en passe de l'être, le TGV Bretagne-Pays de la Loire soit inscrit au réseau transeuropéen de transport en cours de réexamen par le groupe Van Miert.
Des solutions innovantes de financement sollicitant le secteur privé sont également à explorer. Enfin, les collectivités locales sont prêtes à prendre leur part dans cet effort. Elles n'ont cessé de le répéter depuis 1996.
Nous savons que des choix s'imposent, car, contrairement à ce qu'ont laissé croire nos prédécesseurs, il n'est pas possible de tout financer tout de suite.
Les Bretons, réunis derrière l'action fédératrice du président de la région, notre collègue Josselin de Rohan, parlent d'une même voix, au-delà des clivages politiques.
Une résolution a été adoptée à l'unanimité par le conseil régional de Bretagne et le conseil économique et social régional. Cette résolution est d'ores et déjà soumise aux collectivités locales et aux organismes représentant les forces vives régionales en vue d'une adoption la plus large possible.
Vous le voyez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, les Bretons sont déterminés à relever le défi. Ils attendent maintenant un signe fort du Gouvernement, c'est pourquoi je vous demande de leur confirmer le caractère prioritaire du projet de TGV Bretagne-Pays de la Loire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à cette heure tardive, ou plutôt matinale, j'interviendrai brièvement au sujet de la liaison Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, dite POLT, qui a déjà été évoquée à plusieurs reprises.
Dans le rapport d'audit du mois de mars, on lit en effet que ce projet présente « un niveau de rentabilité socio-économique qui ne permet pas [...] d'en recommander la réalisation avant 2020 », ce qui a été perçu par beaucoup d'habitants de nos régions et de nos départements comme une provocation.
La deuxième provocation fut le rapport de la DATAR, qui a repris, noir sur blanc, les mêmes déclarations, en considérant que le POLT n'était rentable ni sur le plan social - qu'est-ce que la rentabilité sociale ? - ni sur le plan économique - qu'est-ce que la rentabilité économique ?
Au vu de ces prises de positions, on peut se demander à quoi sert la DATAR, à quoi sert la politique d'aménagement du territoire. L'aménagement du territoire consiste précisément à conjurer ce qui semble aller de soi, et qui en fait ne va pas de soi, par rapport aux critères habituellement dominants en vertu desquels certaines choses sont rentables alors que d'autres ne le sont pas.
Si l'on adopte ce point de vue, deux TGV sont rentables, l'un va de Paris à Marseille en passant par Lyon, et l'autre va de Paris à Toulouse en passant par Bordeaux. D'ailleurs, un certain nombre de départements et de territoires ne sont pas rentables et n'auraient donc pas vocation à être desservis par une infrastructure moderne.
Nous espérons vivement, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous allez rompre avec cette conception défaitiste qui est contraire à la notion même d'aménagement du territoire.
Très concrètement, il est évident qu'il est nécessaire de desservir ces régions. La région Centre, le Loiret, le Cher, l'Indre, le Limousin et la région Midi-Pyrénées gagneront à cette réalisation.
Si le projet POLT était abandonné, Orléans et son agglomération perdraient une part significative de leur rôle en tant que noeud ferroviaire, et donc de leur attractivité.
En outre, le rattachement à Roissy, qui est absolument nécessaire pour le développement économique de nos régions, de même que la liaison avec l'ensemble des liens ferroviaires rapides, suppose la réalisation du POLT. Certes, on peut nous dire qu'on améliorera les lignes, qu'on ira facilement, par exemple, d'Orléans à Roissy, mais nous savons bien que ce sont des voeux pieux si l'on abandonne la perspective du POLT.
Je conclus en vous rappelant simplement à mon tour, monsieur le ministre, qu'un protocole d'accord a été signé le 21 février 2001 entre l'Etat, les trois régions concernées, la SNCF et RFF au sujet du POLT.
Le plan de financement est de 241 millions d'euros, ce qui représente finalement une somme assez raisonnable par rapport à d'autres infrastructures. La question est évidemment difficile, monsieur le ministre, mais il existe un accord. L'Etat s'est engagé à hauteur de 96 millions d'euros, RFF pour un montant de 22 millions d'euros, la SNCF pour 42 millions d'euros, les trois régions avec 80 millions d'euros - soit 35 millions d'euros pour la région Limousin, 29 millions d'euros pour la région Centre, 15 millions d'euros pour la région Midi-Pyrénées. Chacun s'est engagé sur un projet précis en 2001, avec une échéance de réalisation pour 2006.
Nous vous demandons tout simplement, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, le respect de cet engagement de l'Etat. Nous comptons sur vous pour nous répondre précisément sur ce point. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial.
M. Jean-Pierre Vial. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, compte tenu de l'heure et des observations qui ont déjà été formulées, je me contenterai de quelques remarques.
Je tiens moi aussi à féliciter le Gouvernement de la démarche entreprise, qui nous permet aujourd'hui de débattre sur la base de trois documents : le rapport de l'audit, la « photographie », avez-vous dit, monsieur le ministre ; le rapport de la DATAR, qui indique les orientations prospectives ; enfin, le rapport de nos collègues Haenel et Gerbaud, qui donne une vision plus politique.
Sans vouloir prolonger le débat, je reviendrai sur un constat, celui de la réussite en matière autoroutière de ces trente dernières années. On parle beaucoup d'avenir et il est intéressant de constater que, si nous avons pu relever ce défi, c'est parce que le choix du mode de la concession a été fait voilà trente ans. Telle est peut-être l'idée qu'il nous faut aujourd'hui transposer au défi du fret. L'autre enjeu, c'est celui du TGV, une autre formidable réussite qui repose sur trois grands principes : une technologie, des réseaux affectés et un service qui se veut de qualité. Ce constat doit être pour nous un élément de réflexion.
Je me contenterai, monsieur le ministre, d'insister sur un point qui a déjà été évoqué, celui de la suppression de l'adossement. Je fais partie de ceux qui considèrent que la position du Conseil d'Etat et de l'Europe, derrière laquelle on se retranche si souvent, traduit bien plus le zèle ou la frilosité de notre administration qu'une véritable impossibilité juridique : dans bien des cas, l'adossement aurait été tout à fait possible. En tout cas, quand on interroge les instances européennes, on en retire le sentiment que la position française est par trop restrictive.
J'en viens, en ma qualité d'élu savoyard et rhônalpin, au point essentiel. Le Lyon-Turin n'est-il pas l'enjeu du fret ferroviaire, pour ne pas dire du fret français ? Je ne reviendrai pas sur la position européenne que les uns et les autres ont évoquée. Vous avez souligné sa situation géostratégique lors de la présentation du rapport d'audit, monsieur le ministre, en précisant que l'enjeu européen devrait faire l'objet d'une considération forte, en invoquant la nécessité d'anticiper.
Je mentionnerai malgré tout un chiffre qui illustre la problématique de la France par rapport aux pays voisins. Entre 1984 et 2001, le trafic entre la France et l'Italie est passé de 21 millions de tonnes à 34 millions de tonnes, soit une progression de 52 % ; au même moment, le trafic nord-sud à travers la Suisse et l'Autriche en direction de l'Italie a progressé de près de 100 %, soit le doublement de l'activité de ce dernier par rapport à l'axe France-Italie.
Mais le chiffre le plus inquiétant, ou le plus caractéristique peut-être, même si le transit routier a été sensiblement égal, bien que légèrement supérieur sur l'axe nord-sud, concerne le fret ferroviaire, qui a progressé sur cet axe de 52 % alors qu'il n'augmentait en France pendant la même période que de 0,5 %. Cela signifie bien que, lorsqu'il y a un service, une technologie et une volonté, le défi du fret ferroviaire est relevé.
Je voudrais formuler ici deux observations. La première concerne le projet de l'autoroute ferroviaire. Face à la situation bloquée du transport ferroviaire de la SNCF qui n'a cessé de stagner ou de régresser, vous allez, monsieur le ministre, à la fin de ce mois, inaugurer la plate-forme Modalhor-Aiton, à Bourgneuf plus précisément. Un vrai défi est lancé puisqu'il s'agit de créer une autoroute ferroviaire à grand gabarit à travers les Alpes.
Or le rapport de l'audit du projet Modalhor que vous avez commandé, monsieur le secrétaire d'Etat, pose les vrais enjeux. S'il présente cette technologie comme prometteuse, il précise également que ce n'est qu'à la condition de l'inclure dans un environnement opérationnel. Cela revient à affirmer la nécessité de créer une plate-forme logistique à l'est de Lyon, et d'offrir une infrastructure de qualité, autrement dit la réalisation du tunnel de base Lyon-Turin.
La Suisse et l'Autriche, qui disposent d'infrastructures historiques beaucoup moins pénalisantes que les nôtres, se sont rapidement et délibérément engagées dans la création de nouvelles infrastructures adaptées, les tunnels du Lotschberg et du Gothard, pour créer un vrai service de qualité.
Si nous nous contentons de faire du ferroutage sur Aiton-Orbassano, c'est comme si nous réalisions un TGV sur 20 kilomètres d'une ligne historique. L'enjeu du ferroviaire nécessite d'aller au bout du raisonnement. Le fait de soutenir la saturation des lignes existantes est au mieux une erreur d'analyse, au pire un leurre. Tous les experts reconnaissent que la ligne historique ne pourra répondre aux trois usages : passagers, marchandises, ferroutage.
Faut-il rappeler que la ligne historique de Modane date du royaume Sarde, avant le rattachement de la Savoie à la France ?
M. Jacques Peyrat. Eh oui !
M. Jean-Pierre Vial. Les experts reconnaissent que les travaux entrepris ne changeront pas de façon suffisante les caractéristiques pénalisantes en matière de déclivité et de sécurité. Face à cet enjeu technologique figure évidemment l'enjeu financier. Hier, la concession a permis à la France de rattraper son retard en matière d'autoroute. Aujourd'hui, un financement associant un partenariat privé et public doit être abordé avec la même détermination. Le Président de la République lui-même, lors de l'accord franco-italien de janvier 2001, s'était exprimé très clairement sur la nécessité de mettre en place un financement original. Les réflexions et les travaux engagés par Raymond Barre avec la Transalpine, par LTF et la CIG, montrent que le problème relève plus d'une résistance culturelle française que d'une véritable difficulté technique.
Le fait d'amortir de tels investissements sur des périodes de quarante à cinquante ans a été évoqué. L'Europe, quant à elle, a retenu, dès le sommet d'Essen, le Lyon-Turin au titre des grandes infrastructures européennes prioritaires. Je suis sensible, monsieur le ministre, à votre engagement de confirmer la volonté française auprès du groupe Van Miert afin que ce projet puisse bénéficier des financements européens les plus élevés, à savoir 20 %.
La participation du transport routier à travers une taxe de franchissement des Alpes semble aujourd'hui non seulement communément admise, mais nécessaire pour répondre - selon l'expression des experts - à une situation d'équilibre concurrentiel de l'arc européen et éviter les effets induits d'une situation fiscale déséquilibrée entre la Suisse, l'Autriche et la France, ce que les Suisses appellent le contre-détournement.
En conclusion, monsieur le ministre, avec une participation des fonds européens à hauteur de 20 % et un possible engagement de fonds privés, également pour un taux de 20 %, il faut impérativement sortir du blocage culturel qui existe concernant le partenariat public-privé. Pour ce faire, il convient de mettre en place un groupe de travail pour que l'ensemble des acteurs soit associé à l'élaboration de cet instrument de financement, qui reste la seule possibilité de réaliser un grand équipement comme le Lyon-Turin.
C'est donc en faveur de la mise en oeuvre de cet ingénierie, monsieur le ministre, que j'insiste auprès de vous, au nom des élus de la région Rhône-Alpes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Peyrat.
M. Jacques Peyrat. Si je réitére les remerciements déjà formulés depuis hier après-midi à votre endroit pour avoir organisé ce débat et voulu écouter la représentation nationale avant de définir les grandes orientations de votre politique de transports, je vous épargnerai en revanche, monsieur le ministre, les redites sur l'inéluctable croissance des trafics pendant les vingt ou trente prochaines années, avec une nette prédominance du mode routier.
Mais, ces mots « flash » à peine prononcés, surgissent deux problématiques selon le rapport d'audit - que j'ai pour ma part trouvé excellent - de l'inspection générale des finances et du Conseil général des ponts et chaussées concernant le réseau routier, à savoir la saturation croissante des grands axes, dont les accès à la Côte d'Azur par l'autoroute A 8, et l'impossibilité avec les infrastructures actuelles d'assurer la continuité autoroutière au droit des grandes agglomérations.
A cet égard, l'audit estime que six des onze projets de contournement retenus devraient être prioritairement menés à terme, dont le contournement routier de Nice, qualifié de « véritable point dur du réseau autoroutier français ». En sera-t-il ainsi, monsieur le ministre ?
Comme la seule autoroute existante, l'aéroport Nice-Côte d'Azur - que la DATAR, dont le rapport que j'ai trouvé excellent aussi, estime vital pour l'économie de la Côte d'Azur et de la région - est également menacé de saturation : 10 millions de passagers à ce jour, 12 millions dans deux ans, 15 millions ou 16 millions - c'est son maximum - en 2009, c'est-à-dire demain.
L'aéroport de Nice-Côte d'Azur ne peut plus à lui seul répondre à la forte demande des usagers, notamment sur la ligne Paris-Nice, qui était la première ligne nationale en 2002.
Il est donc impératif d'envisager d'autres modes de transport que le tout routier et le tout aérien, et je sais, monsieur le ministre, que vous en êtes persuadé : vous l'avez dit hier.
Ainsi, la liaison à grande vitesse prend toute sa mesure.
Les LGV, selon le rapport d'audit que je rappelais, « s'inscrivent dans une logique de développement d'une offre nouvelle, destinée à offrir une alternative aux transports routiers et surtout aériens ».
Il serait dès lors particulièrement regrettable que certaines régions, aujourd'hui à fort potentiel économique et culturel, compte tenu du dynamisme qu'elles impulsent par le tourisme ou par les échanges économiques et sociaux, se trouvent lésées du fait d'infrastructures de transport insuffisantes.
Je ne peux donc ici aller plus loin sans m'arrêter sur notre façade méditerranéenne qui présente inéluctablement des enjeux capitaux pour asseoir la position de la France au sein de l'Europe et qu'il faut, je pense, privilégier afin d'amplifier son potentiel.
Tout le monde s'accorde sur le fait que l'arc méditerranéen doit bénéficier d'une accessibilité maximale.
Les infrastructures de transport sont donc un enjeu majeur dans une région qui souffre depuis longtemps d'un terrible handicap, son enclavement, que les six années que nous venons de vivre n'ont pas réussi à corriger, malgré le fait que cette région figure parmi les premières destinations touristiques du monde, malgré le fait qu'elle bénéficie du tissu économique et social que lui donnent la technopole de Sofia-Antipolis et l'implantation de sociétés de haute technologie, en liaison d'ailleurs avec l'Etat souverain de la Principauté de Monaco.
Ainsi les deux projets LGV et aéroport Nice-Côte d'Azur apparaissent, comme le relève l'étude de la DATAR, « devoir être intimement liés », ce qui amène à conclure à l'intérêt stratégique - le mot n'est pas de moi - de la liaison à grande vitesse Côte d'Azur.
C'est pourquoi un fort consensus - vous l'avez remarqué, monsieur le ministre - s'est dégagé, comme vient de le rappeler notre collègue Jean-François Picheral. Je suis l'un des rares élus des Bouches-du-Rhône, du Var ou des Alpes-Maritimes à s'exprimer ici et je puis confirmer que tout le monde est d'accord chez nous pour aller dans ce sens.
L'audit de l'inspection générale des finances et du Conseil général des ponts et chaussées indique très clairement que le projet de prolongement de la LGV vers Toulon et Nice - cela devrait vous intéresser, monsieur le ministre - vise à positionner le rail sur le plus gros marché aérien domestique actuel.
L'évaluation que vous aviez donnée ici même le 24 octobre 2002 était une préfiguration des chiffres avancés aujourd'hui : 40 % des 20 millions de voyageurs attendus seraient détournés de l'aérien au bénéfice de la LGV.
La rentabilité de cette ligne est donc assurée, comme l'ont remarqué les présidents de la SNCF et de Réseau ferré de France. Je ne doute pas que le Gouvernement, à la recherche de nouvelles sources de financement, soit sensible à l'intérêt de cette ligne nouvelle du fait que sa rentabilité favorise très fortement un partenariat entre le public et le privé.
Je suggérerai, à cet égard, monsieur le ministre, une négociation constructive avec les organismes qui apportent des capitaux privés, amenant, par exemple, à une convention de partage des bénéfices, fût-ce une imputation du péage entre l'exploitant et les bailleurs de crédit.
Ainsi cette ligne à grande vitesse amènera la Côte d'Azur à quatre heures trente de la mer du Nord, à trois heures trente de Paris, à trois heures de Barcelone et à une heure trente de l'Italie du Nord, répondant ainsi à l'enjeu européen que favorisent les liaisons transfrontalières.
L'époque du Gênes-Barcelone en seize heures est révolue. Il faut faire preuve d'imagination et se tourner résolument vers un Madrid-Barcelone-Marseille-Nice-Gênes ou, comme le disait M. Laffitte, Turin pour une ouverture sur l'économie manufacturière des plaines de la Lombardie et du Piémont.
Le Sud-Est azuréen doit ainsi pouvoir s'inscrire dans le maillage européen des lignes à grande vitesse qui est en train de se créer.
Par cette nouvelle LGV, qui permettra d'aller à l'ouest à Barcelone, à l'est vers l'Italie, nous réussirons à créer un véritable arc latin et à développer une zone méditerranéenne à l'échelle de l'Europe. Cette ligne enrichira ainsi le complexe euro-Méditerranéenne, qui est un des atouts majeurs de notre pays dans la construction de l'Union européenne, ouverte ainsi sur cette mare nostrum baignant dix-sept Etats souverains, de culture et de civilisation diverses, berceau des trois religions du Livre, et profondément liée à l'histoire de notre monde.
Je suis persuadé, monsieur le ministre, que vous ne serez pas insensible à cet exaltant dessein. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.
M. Francis Grignon Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la voie d'eau française est déconnectée du réseau européen sauf peut-être en Alsace où le grand canal reste, malgré tout, dans l'impasse.
C'est dommage, car les bassins du Rhône et de la Seine pourraient se développer beaucoup plus rapidement, tout en confortant leurs points d'entrée en Méditerranée et sur la façade atlantique.
Dans un contexte de mondialisation où le fret maritime progresse, où les ports se développent, où l'arrière-pays desservi par voie d'eau est stratégique et où notre marché en développement devient la grande Europe de l'Est, je n'imagine pas, monsieur le ministre, que notre gouvernement abandonne l'alternative fluviale pour le transport des marchandises.
Dans un contexte de développement durable où l'on transporte avec la même quantité de fuel une tonne sur 500 kilomètres par voie d'eau, une tonne sur 330 kilomètres par voie ferrée et une tonne sur 100 kilomètres seulement par la route, je n'imagine pas, non plus, l'abandon de l'alternative fluviale !
Dans un contexte national où les autoroutes se saturent et où la voie ferrée privilégie le transport des voyageurs, comment pourrions-nous imaginer de nous passer du fluvial ?
Dans un contexte, enfin, d'efficacité - ce point est central - je ne vois pas les opérateurs en logistique transborder les matières premières ou les conteneurs d'une péniche sur un train ou sur des camions, puis faire l'opération inverse deux à trois cents kilomètres plus loin, par absence d'interconnexions fluviales.
Fort de ces observations, monsieur le ministre, à quand le maillage fluvial pour notre pays ?
Il n'y a pas d'argent pour le fluvial dans le budget actuel de l'Etat, nous le savons.
J'attire quand même votre attention sur les travaux que la mission d'information présidée par notre collègue Francis Grignon a conduit sur ces thèmes : le rapport a conclu à la nécessité de construire des infrastructures fluviales plus raisonnables que celles qui avaient été imaginées en période de vaches grasses ! (Sourires.)
Après avoir constaté que 95 % des péniches ont une longueur de 110 mètres sur le Rhin, il n'est plus nécessaire aujourd'hui de prévoir des infrastructures pour des convois poussés de 190 mètres. Ici, le mieux devient l'ennemi du bien.
Il n'y a pas d'argent pour les infrastructures fluviales, nous le savons. Cessons donc d'externaliser la plupart des dépenses d'infrastructures routières en France et en Europe !
La personne qui exige en 24 heures « chrono » sa commande passée par téléphone doit savoir que cela a un coût, voire un surcoût.
Avec des solutions techniques plus raisonnables que par le passé, avec une participation dans tous les pays d'Europe de la route au fluvial, avec une participation de l'Union européenne, de la France et des régions traversées, le tout dans le cadre d'un fond spécialisé, il est possible de programmer les maillons manquants du fluvial sur notre territoire.
Le projet Saône-Rhin était abouti, avec des promesses de vente ou d'acquisition pour 90 % des terrains. Nombre de ces opérations sont figées aujourd'hui. A quand, monsieur le ministre, une nouvelle étude et une nouvelle déclaration d'utilité publique sur ce maillon manquant du réseau européen ? Cela permettrait aux communes riveraines de savoir à quoi s'en tenir et au projet d'être relancé sur de nouvelles bases acceptables par tous.
Il n'est pas question pour moi, à travers ces propositions, de remplacer le TGV Rhin-Rhône par le canal, mais plutôt, monsieur le ministre, de connaître votre vision à terme du développement du transport fluvial de marchandises pour notre pays, avec un impératif : prendre rapidement en compte le Saône-Rhin, ne serait-ce qu'au niveau des études, puis de la déclaration d'utilité publique, car, vous l'aurez compris, on ne peut pas laisser les choses en l'état. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Richert.
M. Philippe Richert. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais, après tant d'autres et avec tant d'autres, insister sur la nécessité pour notre pays de continuer à investir et même à amplifier ses efforts en matière d'infrastructures de transport et de communication.
Nous savons bien que cette nécessité n'a pas toujours été reconnue comme telle : je me souviens qu'il y a deux à trois ans, le délégué général à l'aménagement du territoire disait qu'en matière routière nous avions atteint le niveau d'équipement adapté à notre pays.
En réalité, cela fait des décennies que les investissements stagnent, voire régressent. C'est ainsi que les moyens consacrés par l'Etat au réseau routier ont encore chuté de 22 % entre 1996 et 2000. Nous savons aussi que, rapportés au PIB, les investissements que la France consacre à la route représentent environ la moitié de ceux des autres pays européens, ce qui handicape gravement notre pays dans la compétition internationale.
C'est pourquoi l'audit sur les transports publics et le rapport de la DATAR ont déclenché de très vives réactions en Alsace.
Les conclusions de ces rapports, qui portent à la fois sur la seconde phase du TGV Est européen et le TGV Rhin, ont une fois de plus suscité espoir et inquiétude.
En effet, comment imaginer que ces deux projets puissent ne pas être retenus comme prioritaires par le Gouvernement ? Alors que celui-ci affiche son soutien sans faille à Strasbourg, la vocation européenne de celle-ci est régulièrement menacée par les pro-bruxellois, qui citent régulièrement l'accessibilité de Bruxelles comme la cause principale de leur choix.
Le TGV Est européen n'est ni seulement ni d'abord un dossier local ou un dossier du grand Est : c'est un dossier national et européen.
Alors que l'épicentre de l'Europe se déplace vers l'Europe centrale et orientale, faut-il rappeler que le TGV Est européen s'intègre à la Magistrale européenne à grande vitesse qui reliera, à terme, Paris, Strasbourg, Munich, Vienne et Budapest, et que 34 millions d'Européens, soit 10 % de la population européenne, seront alors desservis ?
Strasbourg ne peut pas être considéré comme un cul-de-sac ou le terminus d'une liaison dont l'horizon se limiterait à relier Paris et Strasbourg !
La construction des TGV permet d'abord de répondre à la demande croissante de déplacements de nos concitoyens et de nos entreprises.
Que ce soit pour des raisons environnementales - je rappelle que nous sommes dans la semaine du développement durable - ou de sécurité routière, un rééquilibrage volontariste s'impose en faveur du ferroviaire tant pour les transports de passagers que pour le fret.
La construction d'une ligne à grande vitesse est aussi un formidable outil au service de la croissance et de l'économie. Les simulations économiques réalisées dans le cadre de la Magistrale ferroviaire européenne à grande vitesse montrent que la construction de cette ligne apporterait un supplément de croissance et donc de richesse de 1,2 % chaque année.
Les enjeux économiques du TGV Est européen et du TGV Rhin-Rhône sont tels que je n'hésite pas à les qualifier de vitaux pour notre pays comme pour l'Alsace, qui, depuis deux ans, occupe la place peu enviable de la région française où le chômage a le plus augmenté, avec une hausse entre 15 % et 20 % chaque année.
Bien sûr se pose la question des ressources nouvelles pour financer un programme national d'investissement de cette ampleur.
Concernant le TGV Est européen, je rappelle que les collectivités locales ont fortement contribué à son financement.
Quant à la rentabilité de ce projet, chacun sait que les hypothèses retenues constituent une approche trop pessimiste et que le seuil de rentabilité mérite d'être abaissé.
Aujourd'hui, de nouvelles pistes de financement sont avancées. L'Union européenne envisageait, dès 2001, dans son livre blanc, de relever sa participation financière à 20 %. Cette intention a été confirmée depuis : le TGV Est européen est particulièrement concerné par cette perspective.
Je citerai aussi les trois « P », les partenariats entre public et privé, la TIPP du gazole réajustée, l'instauration d'une taxe sur les poids lourds, le rendement des péages autoroutiers après 2020, ou encore les péages RFF.
Mais l'Europe, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, ne doit pas nous faire oublier la vision de l'aménagement du territoire que nous devons défendre pour notre pays. Peut-on réellement continuer à faire croire que les « bords » de notre France n'en sont que les marges et qu'ils ne doivent pas bénéficier du même traitement que l'Ile-de-France ou le Sud ?
Les régions autrefois frontalières constituent aujourd'hui des traits d'union, des voies ouvertes vers nos voisins. Le sommet européen d'Essen en 1994, puis le sommet franco-allemand de La Rochelle, ont consacré cette vision européenne de la liaison à grande vitesse entre Paris et Strasbourg. Les chefs d'Etat français et allemand ont solennellement rappelé leur attachement à cette liaison aussi stratégique que symbolique.
Il serait inconcevable que l'on remette aujourd'hui en cause les accords internationaux passés. Les Alsaciens, comme nos voisins Allemands, ne le comprendraient pas.
Dans le prolongement du TGV Est européen, c'est aussi le doublement du pont ferroviaire sur le Rhin et la liaison Kehl-Appenweyer permettant de relier à grande vitesse nos deux pays qu'il faut réaliser.
Nos amis Allemands, monsieur le ministre, arguent des frilosités françaises pour justifier leur propre attentisme. Il serait important que le prochain sommet franco-allemand, qui aura lieu dans quelques jours, adopte des conclusions concrètes et précises sur cette connexion entre la France et l'Allemagne.
Il est en outre important de permettre à nos amis Allemands d'envisager l'utilisation de cette liaison franco-allemande dans l'autre sens, celui de l'Allemagne vers la France, avec l'ICE, le TGV allemand. Cela contribuerait, je crois, à les rassurer et à emporter la décision sur cette interconnexion à hauteur de Strasbourg et de Kehl, puisqu'en Allemagne non plus le débat n'est pas tranché.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous connaissez les arguments qui plaident en faveur de la réalisation du TGV Est européen et du TGV Rhin-Rhône. Ils feront de l'Alsace une porte ouverte sur l'Europe élargie, ils contribueront à cette croissance économique dont notre pays a besoin et renforceront la place de la France en Europe.
Nous comptons sur vous et nous savons que nous pouvons vous faire confiance pour que leur réalisation ne soit pas repoussée. Trop d'enjeux sont en cause ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Joseph Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, compte tenu de l'heure, je me contenterai de formuler une remarque et d'évoquer quatre dossiers.
La remarque d'abord : mes collègues bas-rhinois ont chacun à leur tour abordé des aspects de la politique des transports dans notre département, puis dant l'est de la France, et enfin les enjeux internationaux en général.
Je suis bien entendu totalement solidaire des remarques et propositions qu'ils ont formulées, notamment en ce qui concerne le TGV Est européen et le Grand Canal, car ces équipements constituent l'épine dorsale de Strasbourg l'Européenne.
Tous les arguments en présence étant maintenant connus, il convient, au moment du choix, de ne pas se tromper. Une erreur d'appréciation susciterait en effet chez tous les Alsaciens une immense déception.
Je souhaite, pour ma part, focaliser mon intervention sur quelques aménagements et investissements indispensables sur le réseau routier bas-rhinois. A cette heure, l'analyse ne sera pas affinée...
Le transfert souhaitable, nécessaire, voire indispensable, du fret vers le réseau ferré et la voie d'eau, évoqué tout au long de ce débat, ne se fera pas du jour au lendemain, compte tenu des très lourds investissements à engager. Par conséquent, c'est la route qui demeurera, pour quelque temps encore, l'infrastructure essentielle de l'activité économique de notre pays.
Le premier dossier que je souhaitais ouvrir a trait au transfert aux départements de la gestion des routes nationales.
Dans ce domaine comme dans bien d'autres, l'échelon local paraît le mieux à même de gérer efficacement les infrastructures. Il conviendrait toutefois, monsieur le ministre, de veiller à ne pas procéder comme pour la décentralisation des collèges, qui a conduit les départements à assumer la charge de locaux vétustes sans réelle compensation financière.
Sur les quatre cents kilomètres de routes nationales du Bas-Rhin, deux cent cinquante seraient susceptibles d'être transférés au département. L'incidence financière de cette mesure dépendra, bien entendu, de la nature exacte du réseau transféré, ainsi que des modalités de poursuite des cofinancements dans le cadre des contrats de plan.
Vous avez, monsieur le ministre, évoqué certaines pistes, en vue de dégager des sources de financement supplémentaires. Pourriez-vous nous fournir des informations plus précises quant aux montants en jeu et aux ressources nouvelles qu'il est envisagé de mobiliser ? Les élus locaux que nous sommes doivent pouvoir évaluer la situation en connaissance de cause.
Le deuxième dossier sur lequel je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, concerne le grand contournement ouest de Strasbourg. L'A 4 et l'A 35 constituent à la fois des autoroutes de desserte de Strasbourg et un axe sud-ouest, avec un maillage vers le nord du département. Avec une circulation de près de 100 000 véhicules par jour, cet axe ne peut plus remplir sa fonction. Aussi la mise en place du grand contournement ouest revêt-elle une importance capitale. Elle permettra à Strasbourg de continuer à jouer son rôle de métropole. Je tiens d'ailleurs, à cet instant, à saluer le dynamisme de M. le préfet, ainsi que celui de M. le directeur régional de l'équipement, qui ont permis de bien faire avancer ce dossier.
Il reste à résoudre la question du financement. Bien que la solution du péage représente une porte de sortie, il convient à mon sens de privilégier d'autres sources de financement plus valorisantes pour Strasbourg. Le coût prévisionnel de l'opération est évalué à 290 millions d'euros, ce qui ne me paraît pas constituer une difficulté insurmontable.
Le troisième dossier important pour le département du Bas-Rhin est celui de la RN 4. Cette dernière a le statut de route départementale quasiment de Phalsbourg jusqu'au Rhin. Traversant de nombreux villages et petites villes, elle nécessite une attention toute particulière. En outre, puisqu'elle ne fait pas partie des « magistrales », son transfert doit être accompagné de moyens importants.
Enfin, je ne peux terminer mon intervention sans aborder le dossier des transports collectifs. Le département du Bas-Rhin mène, dans ce domaine, une politique très active. Saluons ainsi l'inscription du tram-train Strasbourg-piémont des Vosges au contrat de plan, ainsi que la mise à l'étude par le conseil général d'un projet de transport routier guidé et cadencé sur la RN 4. Là encore, un soutien de l'Etat s'avère indispensable. Ce n'est qu'à ce prix que la RN 4 pourra devenir une véritable route nationale, susceptible de délester du trafic léger les axes trop encombrés de ce secteur.
Tels sont, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, les quelques dossiers, choisis parmi de nombreux autres, que je souhaitais évoquer à l'heure d'un débat important, pour lequel nous vous remercions.
J'indiquerai, en guise de conclusion, que, dans le domaine routier comme ailleurs, le transfert de moyens financiers constituera l'une des données essentielles d'une bonne et saine décentralisation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le Gouvernement a décidé d'engager un grand débat sur les infrastructures de transport de notre pays. Je me réjouis de cette initiative, un tel débat étant nécessaire à l'élaboration d'une politique d'équipements et de transports durable et équilibrée.
La France a en effet besoin de nouvelles infrastructures, afin de garantir un aménagement du territoire harmonieux et de permettre ainsi le développement des territoires les plus enclavés. L'Etat doit veiller à l'entretien et au développement d'un réseau structurant cohérent, qui permette de faire profiter chacun de nos départements de la dynamique d'une Europe élargie.
Dans les quatre minutes qui me sont imparties, je consacrerai l'essentiel de mon propos à la route Centre-Europe-Atlantique. Son aménagement est attendu depuis plus de trente ans par nos concitoyens, et je regrette qu'il ne figure pas au nombre des priorités retenues par le Gouvernement.
La RCEA constitue une liaison entre l'autoroute A 6, à l'est, avec les deux points d'entrée que sont Mâcon et Chalon-sur-Saône, et l'autoroute A 10, à l'ouest. Cet axe transversal représente quelque 600 kilomètres de routes et d'autoroutes, et constitue le premier réseau français permettant de relier l'Atlantique à l'est de la France et à l'Europe centrale via la Suisse, l'Allemagne et l'Italie.
L'association « Route Centre-Europe-Atlantique », créée en 1967 sur l'initiative de plusieurs parlementaires, a, depuis plus de trente-cinq ans, la volonté de promouvoir un aménagement concerté du territoire national, dans la perspective plus vaste d'un schéma directeur routier européen.
Des études ont été engagées dans les années soixante-dix, sur l'intérêt d'une mise à 2 × 2 voies de la totalité de l'itinéraire, dans le cadre tant des schémas directeurs routiers nationaux de mars 1988, puis d'avril 1992, que des schémas de services collectifs de transport approuvés par décret du 18 avril 2002. Ces schémas ont confirmé la RCEA en tant que « grande liaison interrégionale d'aménagement du territoire à 2 × 2 voies reliant la façade atlantique à la Saône, la Suisse et l'Italie ».
Les travaux ont été engagés dans les années quatre-vingt-dix et se poursuivent au rythme des dispositions budgétaires. Ainsi, en supposant que les engagements pris au titre du xiie Plan auront été respectés en totalité à la fin de l'année 2006, moins de la moitié de la RCEA sera à 2 × 2 voies à cette date.
On s'était fixé pour objectif, voilà plusieurs dizaines d'années, d'achever les travaux en 2010 : cela est révélateur du retard pris dans ce chantier. Notre inquiétude est donc grande aujourd'hui, compte tenu des retards accumulés au fil des plans. Or ces travaux sont essentiels pour assurer un juste aménagement du territoire et permettre une bonne gestion des flux économiques et touristiques entre l'est et l'ouest de notre pays.
La sécurité routière de nos concitoyens constitue également une priorité pour les parlementaires que nous sommes. Je sais d'ailleurs que ce dossier est aussi une priorité pour le Gouvernement. En effet, la circulation moyenne pondérée sur la RCEA dépasse actuellement 12 000 véhicules par jour, dont 3 200 poids lourds.
J'ajouterai que la RCEA a bien une vocation affirmée pour le transport de marchandises, d'autant que le réseau ferré transversal est, en France, quasiment inexistant. Selon les chiffres publiés par la direction départementale de l'équipement de Saône-et-Loire, la circulation est saturée à partir de 8 500 véhicules par jour.
De surcroît, le taux d'accroissement de la circulation sur cet axe est près de deux fois supérieur à celui qui est constaté sur l'ensemble du réseau routier national. Ce trafic qui s'intensifie sur un réseau encore majoritairement à deux voies entraîne des conséquences lourdes en termes de nombre et de gravité des accidents.
Le taux d'accidents pour 100 millions de véhicules par kilomètre est très proche de la moyenne des routes nationales, atteignant 14,2 sur les sections à 2 × 2 voies de la RCEA. Ce taux tombe à 5,1 sur les sections à 2 × 2 voies, chiffre proche de celui qui est relevé sur les autoroutes. Le passage à 2 × 2 voies permettrait donc de réduire de 64 % le nombre des accidents sur la RCEA.
En ce qui concerne la gravité des accidents, la situation sur les sections à deux voies de la RCEA est véritablement dramatique, avec un indice de gravité - nombre de tués pour cent accidents corporels - de 21,6, alors que cet indice est de 11,2 pour les routes nationales françaises, de 9,4 pour les sections à 2 × 2 voies de la RCEA et seulement de 7,7 pour les autoroutes de notre pays. Là encore, le passage à 2 × 2 voies permettrait de réduire de 56 % le nombre de tués sur cet axe. Ces chiffres sont éloquents et ne peuvent que nous interpeller fortement.
Par ailleurs, à la demande de mes collègues Henri de Raincourt et Serge Franchis, je voudrais signaler à votre attention, monsieur le ministre, l'intérêt que revêt, pour le nord de la Bourgogne, la réalisation de l'autoroute reliant Troyes à Auxerre et à Bourges, avec un barreau entre Clamecy et Avallon. Elle permettrait d'assurer le délestage de la vallée rhodanienne en établissant une véritable liaison transversale européenne entre le Nord, le Nord-Est, le centre et le Sud et de boucler ainsi la grande ceinture du bassin parisien.
Par conséquent, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous serais extrêmement reconnaissant de bien vouloir nous indiquer quelles mesures vous entendez prendre pour poursuivre l'inscription dans les schémas de préparation des tronçons de la RCEA et accélérer les travaux réalisés sur de nombreuses sections. Nos concitoyens qui vivent dans les dix départements concernés par ce grand chantier, l'ensemble des acteurs économiques de notre pays et nos voisins européens ne pourront patienter encore cinquante ans.
Seule une volonté politique forte et ambitieuse permettra la prise en compte de l'ensemble de ces travaux d'infrastructures, vitaux pour nombre de nos villes situées au centre de la France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine.
M. Jean-Paul Emorine. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après les annonces et les promesses de vos prédécesseurs, qui n'étaient pas toujours accompagnées des financements nécessaires, il était indispensable de reprendre en main notre politique des transports, de procéder avec méthode et d'afficher clairement des objectifs.
Deux étapes préparatoires ont précédé les arbitrages et la prise de décision.
En effet, les investissements en infrastructures, parce qu'ils sont élevés et engagent le long terme, doivent être évalués le plus précisément possible, hiérarchisés et programmés.
Pour le département de Saône-et-Loire et pour toute la Bourgogne, dans le cadre d'une approche globale et européenne, je souhaiterais rappeler ce matin l'importance de deux infrastructures : la liaison Saône-Rhin et l'aéroport Saint-Exupéry à Lyon.
Si nous voulons l'intermodalité, le rééquilibrage par rapport à la route, le développement durable, nous devons rattraper le retard que nous avons pris en matière de transport fluvial, s'agissant en particulier de la liaison Saône-Rhin et de sa mise au gabarit européen.
Une telle liaison permettrait, en effet, de relier la Méditerranée au nord et à l'est de l'Europe. Elle est d'une complète actualité, au moment où nos amis Allemands ont réalisé la liaison Rhin-Main-Danube, où s'opère l'élargissement de l'Union européenne aux pays de l'Est et où l'axe routier rhodanien est saturé. De plus, elle offrirait tous les avantages du transport fluvial, qui est plus économique, plus respectueux de l'environnement et plus sûr. Sa réalisation doit donc être aujourd'hui clairement envisagée.
Par ailleurs, pour le sud de la région Bourgogne, l'aéroport de Lyon-Saint-Exupéry est de première importance, car il se situe à mi-parcours entre Paris et Marseille. Il est complémentaire du TGV et doit être pris en compte à l'échelon européen. C'est pourquoi je ne puis que manifester mon étonnement que cet aéroport n'ait pas été retenu pour accueillir un hub international.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi, en conclusion, de plaider une dernière fois en faveur d'une politique des transports volontaire, ambitieuse, européenne et intermodale,...
MM. Jean-Pierre Plancade et Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. Jean-Paul Emorine. ... seule en mesure de satisfaire les besoins de nos concitoyens et de renforcer la politique d'aménagement du territoire, à laquelle nous sommes tous très attachés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Eric Doligé.
M. Eric Doligé. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, tout a probablement déjà été dit ; pourtant, je vais essayer d'apporter ma pierre à ce débat.
Je précise d'emblée que j'approuve la volonté décentralisatrice du Gouvernement, qui n'est pas neutre pour l'avenir des infrastructures. Je me félicite des perspectives ouvertes en matière de développement de ces dernières ; monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, ne reculez surtout pas !
Je rappellerai à certains d'entre nous que vous êtes en fonction depuis moins d'un an,...
M. Jean-Louis Carrère. Non ! Depuis plus d'un an !
M. Eric Doligé. ... et que déjà les problèmes sont bien posés.
M. Jean-Pierre Plancade. Ils sont nombreux !
M. Eric Doligé. Comme cela a été indiqué, notre situation, malheureusement, est très inquiétante, et ce uniquement parce que l'Etat n'a pas joué son rôle. Il s'est rendu coupable d'inaction, ainsi que le montrent études, audits et rapports. Comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, le temps du politique est enfin venu : c'est la grande et bonne nouvelle de ce soir. J'allais dire qu'elle me suffit presque !
Monsieur le ministre, il faut changer les comportements de l'Etat et commencer par faire confiance au terrain. Le terrain, ce sont les élus locaux, qui ont été totalement ignorés et qui, pourtant, ont des solutions à proposer.
M. Jean-Louis Carrère. Pourquoi faire de la provocation ?
M. Eric Doligé. Beaucoup vous ont été présentées ce soir et toutes sont réfléchies et équilibrées. Merci de nous avoir écoutés avec beaucoup d'attention.
Triste bilan que celui que l'on peut dresser aujourd'hui : cinq années capitales entièrement perdues ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Louis Carrère. Ça y est ! Ça recommence !
M. Daniel Reiner. Allons !
M. Jean-Louis Carrère. Il n'a rien compris !
M. Eric Doligé. Ecoutez, j'ai supporté pendant cinq ans, dans mon département, votre politique...
M. Jean-Louis Carrère. Et ce n'est pas fini !
M. Eric Doligé. ... d'inaction scandaleuse ! Alors permettez-moi de m'exprimer. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Je me demande si, durant cette période, une seule personne du boulevard Saint-Germain s'est réellement souciée des dix morts annuelles sur le tronçon de cent kilomètres de la route nationale 60 reliant Montargis à Orléans.
Mme Hélène Luc. Cela fait plus de trois minutes, monsieur le président !
M. Eric Doligé. Je me demande si, durant cette période, une seule personne du boulevard Saint-Germain s'est souciée des drames qu'ont vécus certaines communes ou certains particuliers dont les terrains et propriétés ont été « gelés ».
Pour nous, élus locaux, les accidents sont des drames ; pour les services centralisés, ce sont des statistiques. Les élus locaux ne sont pas uniquement en fonction pour gérer l'insensibilité centralisés ; triste réalité que celle des élus totalement ignorés des ministres précédents et de leurs cabinets ! Notre collègue Philippe Leroy a clairement démontré l'efficacité des collectivités territoriales, à laquelle on a pourtant préféré, dans un passé récent, l'inertie de la république parisienne. Un mois après qu'il eut été nommé, mes chers collègues, M. de Robien avait reçu tous les parlementaires de notre département sans exception. En revanche, au cours des cinq années précédentes, l'ensemble de ces parlementaires, de droite ou de gauche, avaient demandé sans succès des rendez-vous à son prédécesseur et au Premier ministre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Voilà vingt ans déjà, à l'unanimité, les élus, de l'est de la France à l'Atlantique, décidaient de promouvoir la réalisation du barreau autoroutier reliant Courtenay à Orléans, c'est-à-dire l'A 6 à l'A 10. Imaginez notre joie et notre reconnaissance lorsque, en 1996, M. Bernard Pons a donné son feu vert à la construction de l'autoroute A 19 ! Mais, à partir de 1997, à la suite du changement de gouvernement, nous allions assister à une guerre de tranchée de cinq années entre M. Gayssot et Mme Voynet. Tout fut remis en cause : les nouveaux drames routiers qui survenaient n'étaient pas un souci...
Ce débat est l'expression d'un changement profond. En un temps record pour un gouvernement, vous avez relancé, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, la réalisation de l'A 19. Cependant, il y a un « mais ».
Je ressens en effet quelques profondes insatisfactions. On sait que les collectivités se sont vu demander d'apporter 25 % du financement. En schématisant : « je paye, les autres encaissent ». Certes l'Etat investit également à hauteur de 25 %, mais il touchera les dividendes, et s'il décidait de privatiser - ce que je ne souhaite pas -, il récupérerait notre mise ! Ce point reste donc à étudier.
M. Jean-Pierre Plancade. Surveillez le ministre de très près !
M. Eric Doligé. Monsieur le ministre, je vous demande de nous permettre, à nous qui payons, d'être des partenaires actifs et reconnus. Je vous réclame un retour sur investissement !
Par ailleurs, je vous remercie d'avoir désigné un ingénieur général comme interlocuteur du chef de file que je suis. C'est là un progrès, mais seulement en apparence. Entre lui et nous, en effet, il y a le DDE, le DRE, le préfet, voire le secrétaire général, et je ne sais qui d'autre encore ! Chassez les « filtres », ils reviennent au galop ! (Sourires.)
Je voudrais pourtant rappeler que l'on risque de nous demander d'investir à hauteur de quelque 150 millions d'euros. Par conséquent, je demande à avoir une prise directe sur ce dossier dans la même mesure. Il n'est pas possible de traiter ainsi un actionnaire probablement majoritaire ! Je souhaite être rapidement associé au dispositif, sachant que le temps court. Des solutions existent, mais nous devons être considérés autrement que comme de simples payeurs : nous voulons être des partenaires. Comme l'a dit M. Gérard Longuet, il existe d'autres solutions que celles qui avaient été retenues par M. Gayssot lors de l'abandon de l'adossement.
M. Jean-Louis Carrère. C'est une obsession !
M. Eric Doligé. Etes-vous prêt à rompre avec les habitudes et à envisager de vraies solutions ? Pourquoi ne pas accepter que nous puissions être concédants ?
Pour conclure, je me dois d'évoquer la liaison POLT. Bien sûr, nous défendons tous ce dossier, mais je rappelle, comme l'a fait tout à l'heure M. le ministre, que le Gouvernement n'a pris aucune décision, et que par conséquent ceux qui protestent contre un abandon ne savent pas lire, ni analyser les rapports.
Monsieur le ministre, le rôle d'un ministre n'est plus de « jouer la montre », comme ce fut le cas au cours des années passées ; le rôle des politiques n'est pas de faire échouer les dossiers, mais d'aboutir à des décisions positives : nous sommes là pour vous y aider. C'est d'ailleurs ce que nous avons fait ce soir. Voulant faire oublier cinq années dramatiquement passives, l'opposition vous a sommé d'agir ; la majorité, quant à elle, vous a assuré de son soutien pour enfin donner des moyens à notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Henri Revol.
M. Henri Revol. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les mathématiciens disent que le hasard n'a pas de mémoire. Je n'en suis pas sûr. En effet, le sort m'a désigné ce soir comme le soixantième et dernier orateur. Or, soixante, c'est deux fois trente,...
M. Gilles de Robien, ministre. Oui ! Bravo ! (Sourires.)
M. Henri Revol. ... et je veux parler rapidement ici d'un projet d'infrastructure, certes local, évoqué seulement dans le tableau de synthèse des opérations routières non concédées en milieu urbain de l'audit du Conseil général des ponts et chaussées, qui ose prévoir la programmation d'un unique tronçon pour l'horizon 2020 : au mieux, c'est donc admettre une possible réalisation complète vers 2030, c'est-à-dire soixante ans après le démarrage des études. Nous y sommes : soixante, c'est-à-dire deux fois trente, mon rang d'intervention ce soir ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Plancade. Et Gayssot n'y est pour rien !
M. Henri Revol. Monsieur le ministre, à partir de cet exemple, qui est celui du contournement nord de Dijon, à propos duquel je me bats, en ma qualité de conseiller général du canton sur lequel il déroule tout son tracé, depuis 1970, je m'interroge sur le sérieux du rapport qui vous a été remis. J'ose espérer que l'analyse des grands projets présentés dans ce document, à partir duquel doivent être dégagées des priorités, ne repose pas sur une même ignorance de l'état du dossier, de son historique, des attentes des populations, du développement d'une métropole régionale, de l'urgence qu'il y a à engager les travaux alors que l'Etat a financé et réalisé voilà plus de vingt ans les deux ouvrages d'extrémité, dont le fonctionnement, en l'absence de la liaison intermédiaire, est désastreux, nuisible à l'écoulement du trafic et à la sécurité de la circulation pour des dizaines de milliers d'usagers qui, quotidiennement, subissent l'insupportable gêne des bouchons.
A plusieurs reprises, j'ai dénoncé le traitement de ce dossier, que je qualifie de scandale d'Etat tant les deniers ont été dilapidés, gaspillés en études, contre-études, enquêtes, réétudes, réenquêtes, pour finalement aboutir en 2003 au même tracé que celui qui avait été étudié en 1970, à quelques mètres près, mais avec un coût passant de 15 millions d'euros à 150 millions d'euros !
Monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir diligenter une enquête sur l'historique de ce projet, de même que j'en souhaite un examen par la Cour des comptes.
Bien entendu, je demande la réalisation totale de cet ouvrage à l'horizon 2010 et non pas 2020 ; c'est le souhait unanime de tous les élus de la Côte-d'Or.
Permettez-moi, dans un autre domaine, d'évoquer très rapidement deux autres projets d'intérêt national.
Il s'agit d'abord du TGV Rhin-Rhône. Monsieur le ministre, chacun défend son projet, c'est légitime !
Je ne dirai qu'une chose : le projet du premier tronçon Mulhouse-Dijon est prêt ; les collectivités territoriales sont unanimes pour le soutenir, elles apporteront leur concours financier. Les entreprises de travaux public, en grande difficulté actuellement, sont l'arme au pied. Il faut donc engager au plus vite les travaux de cette liaison.
Le second projet est la liaison fluviale Rhin-Rhône, déjà défendu par nos éminents collègues que je ne cite pas car ils ont été très nombreux.
L'intérêt de la continuité des liaisons fluviales n'est plus à démontrer. Dans cette optique, il est urgent - personne ne peut le nier - de remettre sur le métier l'étude du maillon manquant entre le projet de liaison Est-Ouest, Le Havre-Paris-Nancy-Coblence, dont on a évoqué tout à l'heure les possibilités, et la liaison Sud existante, Marseille-Lyon et Pagny en Côte-d'Or. Rhin-Rhône, mes chers collègues, c'est aussi un axe majeur pour le développement durable de notre pays.
Merci, monsieur le ministre, de ce débat au cours duquel vous n'avez jamais relâché votre attention. J'ai confiance en votre capacité de discernement et je ne doute pas que vous proposerez, en liaison avec nos collectivités, les bonnes décisions pour un développement durable et équilibré de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Jean-Pierre Plancade. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais essayer de répondre, ainsi que Dominique Bussereau, de façon extrêmement brève à chacun des orateurs, qu'ils soient encore présents - et je n'ai qu'à m'en féliciter - ou qu'ils aient été obligés de partir ; je sais que chacun a de lourdes tâches à accomplir.
M. Laffitte a beaucoup insisté sur les flux est-ouest le long de l'arc méditerranéen et sur la nécessité d'améliorer les infrastructures et d'en construire de nouvelles.
J'ai eu l'occasion de réunir de nombreux élus de sa région. J'ai constaté un consensus et la mobilisation de tous autour du projet de ligne à grande vitesse vers Nice. J'ai d'ailleurs saisi le préfet pour mettre en place un comité de pilotage. Cela constitue un pas de plus vers la construction de l'arc méditerranéen.
A M. Teston, je dirai que la problématique des transports dans la vallée du Rhône et l'arc languedocien est particulièrement complexe. Elle aura suscité probablement le débat le plus long, le plus large jamais réalisé. M. Teston doit comprendre que ce débat mérite un niveau de préparation suffisant. L'objectif reste de l'organiser en 2004. Nous nous préparons à cette fin.
A M. Mercier, je veux dire combien sa vision était cohérente. Il m'a convaincu et beaucoup intéressé.
J'ai noté son souci d'assurer le financement des projets en mobilisant toute la panoplie des ressources envisageables.
Sur la liaison Saint-Etienne - Lyon, le Gouvernement a réaffirmé, lors du dernier CIADT, la nécessité de développer de nouvelles capacités compte tenu de sa congestion.
Il y a le projet de l'A 45. A cet égard, le préfet mènera la concertation dans le courant du mois. La question qui sera soulevée portera sur la juste comparaison entre l'A 45 et les aménagements de l'A 47, comme M. Mercier le suggère.
M. Courteau a insisté sur la forte croissance des trafics avec l'Espagne et sur l'importance de constituer un arc ferroviaire jusqu'en Espagne.
La section internationale Perpignan-Figueras et les contournements de Nîmes et de Montpellier sont à la fois les maillons critiques et les projets les plus avancés. Comme l'a déjà indiqué Dominique Bussereau, ces contournements viennent de franchir une nouvelles étape, d'ailleurs avec l'IMEC.
M. Oudin a dit énormément de choses intéressantes. Je veux d'abord le féliciter de sa contribution. Elle est vraiment le fruit d'un travail considérable, qu'il a mené à la fois dans le rapport qu'il a présenté à la commission des finances il y a une dizaine de jours et dans celui de l'association TDIE - transport, développement, intermodalité, environnement -, qu'il copréside.
Il souhaite des comptes clairs et exhaustifs. Qu'il le sache, mes services travaillent activement sur l'établissement de nouveaux comptes de transport. Nous serons prêts pour les présenter en septembre, comme il le souhaite.
Sur la loi de programmation, son idée est intéressante, s'agissant notamment de l'aspect de schéma de planification.
Je souscris aussi entièrement à son idée d'un fonds de péréquation, qui a été largement soulevée durant ce débat : créer un établissement public, c'est sans doute le meilleur moyen pour assurer la pérennité et la traçabilité des ressources vers les équipements de transport que nous souhaitons.
Enfin, je tiens à le remercier de son soutien précieux, ainsi que de celui du groupe UMP, au nom duquel il s'est exprimé.
J'ai beaucoup apprécié l'intervention de M. Percheron, avec qui j'ai de nombreux points d'accord.
J'ai entendu son plaidoyer en faveur d'un grand projet européen durable, utile à nos ports de Seine-Nord. Je suis de son avis : ce projet mérite d'être réalisé.
S'agissant du troisième aéroport, j'ai en effet dit « non » à la méthode. Je suis heureux qu'une mission parlementaire se soit emparée de ce sujet pour le replacer dans une stratégie globale. Nous allons, bien entendu, par respect envers l'Assemblée nationale, attendre les conclusions de son rapport.
M. Leroy a évoqué le TGV Est, qui est effectivement un projet européen. J'ai veillé à ce que le groupe animé par M. Van Miert le prenne en compte dans son ensemble, jusqu'à Strasbourg et au-delà. Il est aujourd'hui inscrit comme une composante d'un axe qui doit se prolonger au-delà de Munich.
M. Collomb a raison : la France ne doit pas se laisser marginaliser ; elle doit demeurer, bien sûr, dans cette sphère de croissance de l'Europe à vingt-cinq.
Qu'il ne s'inquiète pas trop : nous n'avons aucune intention de manquer de vision ou d'ignorer les enjeux européens globaux.
S'agissant de la liaison Lyon-Turin, faut-il redire que la France respectera ses engagements internationaux ? C'est le financement complexe de cette opération qui va déterminer le calendrier. Soyez persuadés, mesdames, messieurs les sénateurs, que nos partenaires italiens le savent aussi ; ces réalités s'imposent à eux comme à nous.
Monsieur Revet, je dois vous remercier d'avoir introduit les ports dans ce débat. Nos trente ports sont une chance pour la France. Le lien post-Hinterland est au coeur de nos préoccupations. Les élus des zones portuaires seront, bien sûr, associés à la relance du lien rail-port.
Je suis d'accord, bien sûr, pour que la Normandie mène sa propre expérimentation de cabotage. Il n'est pas dans nos intentions de limiter les lignes dédiées à deux itinéraires.
Monsieur Krattinger, vous vous êtes exprimé sur la Haute-Saône. La politique d'équipement que nous souhaitons mettre en oeuvre ne cherche nullement à laisser à l'écart certains territoires, bien au contraire. Afin de répondre à l'objectif de solidarité nationale, nous devons en effet assurer une desserte équilibrée de notre pays. En ce sens, le désenclavement de la Haute-Saône ne peut être oublié. Nous devons poursuivre l'aménagement des axes à la fois en est-ouest par la RN 19, Langres-Vesoul-Delle, et en nord-sud par la RN 57. Vous comprenez combien le débat revêt d'importance pour mobiliser les ressources nécessaires à la réalisation de ces travaux.
M. Picheral a déploré l'absence dans le rapport de l'audit de la ligne à grande vitesse Nice - Côte d'Azur.
Je rappelle que, lorsque l'audit a été engagé, aucune étude n'était disponible sur ce sujet. C'est probablement la raison pour laquelle il n'en a pas été fait mention.
Depuis, j'ai réuni les élus de la région, n'est-ce pas monsieur le maire de Nice ? (M. Jacques Peyrat acquiesce.)
J'ai constaté leur mobilisation et le consensus qui se dégage sur le projet. J'ai demandé au préfet de constituer un comité de pilotage pour qu'il avance et que soit déterminé, également dans le plus grand consensus, je l'espère, le tracé de la ligne.
Ce sera peut-être un peu plus difficile, mais la volonté de voir cette ligne construite est telle que l'entente devrait se faire malgré tout.
M. Godefroy a très justement rappelé le phasage du projet de liaison rapide Normandie-Vallée de Seine, la LRNVS. Ce projet prend tout son sens avec son prolongement par CDG express. La LRNVS s'inscrit donc dans la politique de desserte rapide des métropoles régionales que je défends avec mon collègue Dominique Bussereau. Le projet CDG express est à la fois intermodal, financièrement intéressant et indispensable à Roissy. M. Godefroy soutient donc des projets qui ont de très bons atouts.
Monsieur Demerliat, le Gouvernement n'a pas condamné le projet POLT. Il faut améliorer la desserte des villes concernées, mais nous devons aussi traiter avec les collectivités du problème très lourd des importants surcoûts sur le matériel roulant. En outre, il faut régler le déficit de fonctionnement que connaît cette ligne. Ne nous cachons pas derrière les problèmes ! Il vaut mieux affronter clairement les réalités, en toute transparence.
Monsieur Vial, en ce qui concerne la fin de l'adossement, je ne peux que souscrire à votre réflexion.
Sur la ligne Lyon-Turin, l'Etat, je le répète, respectera l'accord international, et nous avons veillé à ce que ce projet fasse bien partie des priorités européennes définies par le groupe Van Miert.
Monsieur Carrère, sur Bordeaux-Pau, l'appel d'offres est lancé, nous ouvrirons les plis le 18 juin pour les candidatures. J'ai noté votre soutien sur le projet Pau-Oléron.
Monsieur Valade, s'agissant de l'axe Bordeaux-Pau, je vous fais la même réponse qu'à M. Carrère.
Quant à l'A 63, il faut procéder à un élargissement de cette autoroute, dont la mise aux normes a été entreprise par mon prédécesseur. Pour cet élargissement, nous retenons l'option de la concession. Il reste à définir le niveau de péage à prélever. A cet égard, j'attends un avis du Conseil d'Etat sur la tarification des seuls poids lourds qui doit me parvenir prochainement.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. Gilles de Robien, ministre. En ce qui concerne la RN 21, nous avons relancé l'étude de l'itinéraire.
Monsieur Sido, nous devons poursuivre l'amélioration de la RN 67 pour faciliter les relations entre Saint-Dizier et Chaumont.
Sur Paris-Bâle, nous devons à la fois étudier tous les moyens d'améliorer les temps de parcours à court terme et pérenniser cette ligne qui aura toujours un rôle important à jouer en matière de fret.
S'agissant de la ligne à grande vitesse Bretagne, vous vous êtes inquiétée, madame Herviaux, de l'avenir du projet Bretagne - Pays de Loire. M. Gérard nous a également fait part de sa mobilisation sur ce projet. Sa réalisation permettra de relier la Bretagne au reste de l'Europe avec le complément de l'interconnexion au sud de Paris.
Il me semble que ce projet s'inscrit naturellement dans une politique de transport tournée vers l'Europe. Au demeurant, soyons réalistes : l'essentiel des études restent à faire aujourd'hui, elles doivent être menées à un rythme soutenu. Viendront ensuite les travaux. Ces deux étapes, qui sont incontournables, vont prendre du temps ; ce n'est pas la peine de raconter des histoires et de faire de fausses promesses.
Monsieur Grignon, sur le transport fluvial, vos propositions sont toujours très intéressantes et mesurées ; je les apprécie beaucoup. Nous devons les étudier.
D'ores et déjà, nous devons améliorer l'entretien du réseau navigable parce qu'il est en mauvais état, relancer l'investissement pour l'interconnecter sur le reste de l'Europe, toujours dans cette logique européenne à long terme. Dans cette optique, nous venons de nommer un haut fonctionnaire comme observateur au sein de la Commission du Danube.
Monsieur Ostermann, sur le grand contournement de Strasbourg, les études progressent activement. Une consultation locale doit s'engager de mi-juin à mi-juillet 2003, pour définir la bande de trois cents mètres de passage du tracé de l'autoroute.
Sur le transfert des routes nationales, vous connaissez notre objectif : confier aux départements la gestion et l'exploitation de routes nationales d'intérêt local, avec le transfert des ressources correspondantes, bien évidemment.
M. Courtois a évoqué largement la route Centre Europe Atlantique, dont la mise à 2 × 2 voies reste évidemment toujours d'actualité. Nous devons atteindre cet objectif surtout pour des questions de sécurité, le trafic y étant énorme, comme je l'ai vérifié.
Pour y parvenir, des moyens financiers très importants restent, encore aujourd'hui, à mobiliser. C'est là tout le sens de notre débat.
M. Doligé a abordé des points importants, notamment la nécessité de faire confiance aux élus. Mais il a aussi parlé du passé et de l'A 19.
Le dossier de cette dernière a en effet été relancé. L'appel d'offres est lancé, l'ouverture des plis est prévue pour la mi-juin. Bien évidemment, monsieur le sénateur, vous serez associé à chaque étape de la procédure de mise en concession.
Je vais maintenant laisser à Dominique Bussereau le soin de répondre aux autres intervenants.
Auparavant, je tiens à vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que j'ai le sentiment d'avoir participé avec vous à un débat que je qualifierai d'historique. Ce type de discussion ayant lieu une fois tous les dix ans, quinze ans ou vingt ans, cet adjectif ne me semble pas excessif.
Vous souhaitez avoir des transports performants, des transports financés dans la durée, des transports qui gardent à la France sa place au sein de l'Europe et qui, en même temps, soient facteurs d'aménagement du territoire.
Tout cela me semble à la fois raisonnable et ambitieux. Le temps de la politique est venu. Dominique Bussereau et moi vous demandons tout simplement d'être jugés sur nos actes. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
520M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. En complément des réponses de M. de Robien, je dirai à Mme Terrade, qui a évoqué les projets Seine Nord et Port 2000, la liaison Rhin-Rhône et le cabotage maritime, que, contrairement à ce qu'elle pense, nous sommes animés d'une véritable volonté politique : dans le domaine maritime, par exemple, le comité interministériel de la mer, que le précédent gouvernement n'avait pas convoqué depuis plusieurs années, s'est réuni et a pris des décisions très positives. Nous aurons l'occasion de les évoquer à nouveau devant le Sénat.
M. Badré a évoqué le financement européen des réseaux transeuropéens, en particulier la liaison Lyon-Turin et l'axe du Brenner.
Sur Lyon-Turin, Gilles de Robien a déjà fourni les indications nécessaires.
Mme David a évoqué les problèmes de l'A 51, sur lesquels il n'y a pas eu de décision. Gilles de Robien ira sur place le 26 juin et réunira les élus concernés. En tout cas, le dossier avance convenablement.
M. Biwer a évoqué nombre de sujets, en particulier la réutilisation de la RN 18 plutôt que la création ex nihilo d'une nouvelle autoroute. Cette idée sera étudiée par Gilles de Robien et les services de l'équipement.
Mme Beaudeau a évoqué un grand nombre de points. Elle nous a fait part de sa vision de l'intermodalité air-rail pour la desserte de l'aéroport Roissy - Charles-de-Gaulle.
Son plaidoyer pour le troisième aéroport ne correspond pas aux positions qu'a adoptées le Gouvernement, mais c'est un débat qui peut être poursuivi. Sur tous les points concernant le troisième aéroport, il faut attendre les résultats de la mission parlementaire de l'Assemblée nationale, qui seront remis fin juin. Le Gouvernement les étudiera et naturellement en discutera avec le Parlement.
M. Vanlerenberghe a évoqué les problèmes de financement des infrastructures. Nous avons retenu son jugement sur la bonne utilisation des ouvrages existants. Il est vrai que, dans certains cas, un réseau qui est remis en forme, même s'il a vieilli, peut éviter le recours à de nouvelles infrastructures. Je crois que ses propositions seront retenues.
M. Le Cam a évoqué ce qu'il considère comme une absence de volonté gouvernementale de désenclaver la Bretagne. Il est vrai qu'en la matière M. Gayssot avait fait un certain nombre de promesses que nous devons maintenant honorer et pour lesquelles il nous faut trouver des financements. C'est le cas pour Notre-Dame-des-Landes, pour le TGV vers la Bretagne, qui a été évoqué également par d'autres sénateurs, pour le cabotage. Dans tous ces domaines, nous avons l'intention d'avancer.
M. Gruillot, qui connaît remarquablement les problèmes fluviaux, a évoqué le canal Rhin-Rhône, sur lequel Gilles de Robien a déjà répondu. L'ancien dossier Rhin-Rhône, qui était assez pharaonique, a été abandonné par le précédent gouvernement. On peut le regretter, mais c'est un fait. Néanmoins, il est envisageable d'étudier un ouvrage moins pharaonique, permettant l'utilisation des infrastructures existantes avec les bateaux rhénans de 110 mètres. Les propositions qui émanent du Sénat à cet égard sont tout à fait intéressantes, et le Gouvernement les examinera avec une attention toute particulière.
Mme Gourault a évoqué la saturation de l'autoroute A10 dans la région Centre, le projet d'A 110 et un certain nombre de contournements routiers, dont Gilles de Robien et moi-même avons bien pris note.
Sur le projet POLT, que d'autres orateurs - notamment Eric Doligé - ont également abordé, j'ajoute à ce qu'a dit Gilles de Robien qu'il ne faut pas faire de procès d'intention.
D'abord, les conclusions du rapport de la DATAR et de l'audit n'étaient pas aussi horribles que certains l'ont laissé entendre.
Ensuite, lors de la précédente législature, le PREDIT, le programme de recherche et de développement pour l'innovation et la technologie dans les transports terrestres, que je présidais, avait travaillé, à la demande de la SNCF, sur l'idée consistant à faire penduler une rame de type Paris-Lyon, c'est-à-dire une rame PSE. Or la SNCF s'est rendu compte, à la suite des essais effectués en particulier vers Limoges, qu'il fallait, pour que cela fonctionne, faire penduler des rames atlantiques, qui sont plus puissantes et qui sont susceptibles de gravir les rampes du Massif central. Mais faire penduler une rame atlantique, cela coûte deux fois plus cher !
Nous nous retrouvons donc avec un projet dont le coût en matériel est doublé ; d'où les problèmes de financement que Gilles de Robien a évoqués. Mais je crois que ces problèmes peuvent être réglés. En tout cas, ils le seront avec beaucoup de bonne foi par le Gouvernement.
Madame Luc, je vous dirai, sans entrer dans une polémique, que l'objectif de M. Gayssot de doubler le fret ferroviaire était certes louable, mais que nous avons bien été obligés de constater, malheureusement, pendant les deux dernières années de l'exercice de ses fonctions ministérielles, une baisse du trafic. C'est pourquoi, plutôt que d'afficher des objectifs que nous ne pourrions pas atteindre, nous préférons donner à la SNCF des objectifs plus réalistes, car il ne sert à rien de faire rêver les gens sur des objectifs que, économiquement, on ne peut tenir.
M. Jean Boyer a évoqué un certain nombre de problèmes routiers, en particulier la RN 88 et l'A 45, sur lesquels nous lui répondrons directement ; Gilles de Robien a d'ailleurs également apporté une réponse sur ce point à M. Mercier.
M. Moreigne a évoqué le projet POLT, sur lequel je ne reviens pas. Il a aussi abordé une question plus délicate : la ligne Bordeaux-Lyon. C'est un vrai problème parce que, sur cette ligne, circulent de vieux matériels, des anciennes rames turbo qui étaient utilisées en Normandie et qui sont à bout de souffle. C'est une ligne sur laquelle la SNCF perd beaucoup d'argent. Parlons clair : elle aurait envie de redonner cette ligne aux régions, mais cela deviendrait une ligne interrégionale plutôt qu'une ligne nationale d'aménagement du territoire. Dans la concertation avec les régions et avec la SNCF, nous allons définir ensemble des solutions de remplacement parce qu'il y a un réel problème de rentabilité de cette liaison Bordeaux-Lyon, qui n'est pas pratique, du fait de nombreux rebroussements.
M. Jean-Louis Carrère. Serons-nous associés ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Bien sûr, les élus seront associés à cette démarche, monsieur le sénateur. Cela va de soi !
Mme Gautier a évoqué Notre-Dame-des-Landes, le TGV Bretagne, le cabotage maritime. Ce sont des sujets qui sont au coeur des préoccupations du Gouvernement.
M. Jean-François Legrand, président - je dirais presque à vie ! (Sourires) - du Conseil supérieur de l'aviation marchande, où son talent et sa grande connaissance des dossiers sont si utiles, a évoqué des points qui correspondent à nos préoccupations : le fret ferroviaire express, qui peut être une alternative au trafic nocturne à Roissy, avec l'utilisation de Vatry et de Châteauroux, ce qui ne peut que réjouir notre ami M. Gerbaud.
S'agissant de l'évolution du FIATA, on voit bien qu'il y a beaucoup de demandes et qu'il n'y a plus assez de crédits. La réflexion que M. Le Grand a engagée sur le FIATA est donc tout à fait intéressante.
Le projet CDG express, qui a été également évoqué par d'autres orateurs, nous intéresse, comme il intéresse la région d'Ile-de-France, la ville de Paris, la RATP, la SNCF, Aéroports de Paris, Air France. C'est donc un projet que nous devons faire avancer, tout en améliorant - je le dis à l'intention des élus de la région parisienne - la ligne B, parce qu'on ne peut pas à la fois faire CDG express et maintenir la ligne B dans un état qui ne serait pas convenable. Il nous faut donc essayer de progresser sur les deux dossiers.
M. Le Grand a, en outre, évoqué les nuisances sonores. C'est un problème auquel Gilles de Robien s'est particulièrement attaché avec les mesures prises l'année dernière, le 28 juillet.
M. Pépin a évoqué le fluvial, l'axe mer du Nord-Méditerranée, le Lyon-Turin. Nous partageons sa vigilance sur le glissement vers l'est du centre de gravité de l'Europe. C'est en effet un des points qui justifient le Lyon-Turin, afin d'éviter que la France ne soit plus un axe de transit. Certes, il n'y a pas que des avantages à être un axe de transit, mais cela permet au moins d'assurer la logistique, ce qui n'est pas inintéressant pour notre pays.
M. Madrelle, ainsi que beaucoup d'autres orateurs de sa région, a évoqué les problèmes de l'Aquitaine et de l'agglomération bordelaise.
Sur le contournement de Bordeaux, Gilles de Robien a saisi la Commission nationale du débat public. Un consensus se dessine plutôt sur le contournement ouest, qui dessert également l'aéroport de Mérignac, de préférence au contournement est.
Quant à la ligne à grande vitesse Sud-Europe-Atlantique, elle avance bien. Nous avons progressé sur les études d'APS pour la deuxième partie, entre Tours et Angoulême, complémentaire de la partie Angoulême-Bordeaux, qui était déjà lancée.
Gérard Longuet a évoqué en particulier les questions de cohérence territoriale des infrastructures et a lancé l'idée d'un schéma régional de transports collectifs, idée que l'on peut relier à celle de loi de programmation, qu'a développée M. Oudin.
Faut-il une loi de programmation ? Faut-il un CIADT ? Cela peut se discuter. Mais l'idée de schémas régionaux de transports collectifs me paraît mériter que nous continuions à y travailler, en particulier, monsieur Larcher, avec la commission des affaires économiques du Sénat.
M. Etienne, président de la région Champagne-Ardenne, a développé une vision très lotharingienne de sa région. Rien n'y manquait : la route, les débouchés portuaires, le rail, l'air. Nous avons apprécié la qualité de ses propositions et, naturellement, nous en ferons le meilleur usage.
M. Jean-François Humbert a évoqué, lui aussi avec beaucoup de talent, l'ensemble des projets de sa région de Franche-Comté. La RN 19 entre Vesoul et la Suisse fait l'objet d'études bien avancées. La concession est-elle, monsieur le sénateur, la formule la meilleure pour financer Langres-Vesoul ? C'est un point sur lequel Gilles de Robien n'a pas encore tranché, mais qui est à l'étude.
Quant au TGV Rhin-Rhône, il fait évidemment partie des projets qui retiennent l'attention du Gouvernement. On voit bien que c'est un axe intéressant. Comme vous l'avez rappelé, il est européen, il ne passe pas par Paris et il concerne nos voisins suisses. Il est dédié au fret et non pas seulement au TGV.
Bien entendu, il ne faudra pas oublier la modernisation de la ligne 4, c'est-à-dire de la ligne classique Paris-Mulhouse, même si Mulhouse, à terme, sera desservie par le TGV Rhin-Rhône, via Dijon.
M. Jacques Blanc a évoqué, avec beaucoup de vivacité et de talent, les projets qui le concernent : le contournement de Nîmes et de Montpellier et l'axe Perpignan-Figueras. Nous respectons les délais : avant le mois de juin, nous aurons relancé des opérations et nous ne prendrons que six mois de retard après l'incident qui est survenu dans le déroulement de la procédure administrative.
J'ai aussi pris bonne note des propositions de M. Blanc sur le cabotage maritime.
M. Plancade a tenu des propos très réalistes, et je l'en remercie. Nous sommes, en effet, très sensibles, monsieur Plancade, aux liaisons avec l'Espagne, pays avec lequel le trafic se développe de façon extraordinaire. Cela nous place dans l'obligation d'engager une réflexion avec nos homologues espagnols : où passera la nouvelle traversée ? Il est sans doute trop tôt pour le dire, mais il y aura un passage à travers les Pyrénées, c'est-à-dire en plus de ceux de Perpignan et d'Hendaye. Cet axe sera certainement dédié au fret ferroviaire. En tout cas, c'est un sujet très important vu l'essor économique que connaît la péninsule Ibérique.
Vous avez également évoqué le TGV Toulouse-Bordeaux. Pour le Gouvernement, la desserte de Toulouse doit se faire par Bordeaux. Le projet POLT intéresse plutôt le Limousin et Cahors, mais au-delà, il n'a pas de pertinence pour desservir Toulouse.
Il y a deux destinations importantes au départ de Bordeaux : Toulouse et l'Espagne. Il faudra un arbitrage ou une avancée conjointe des deux projets. Cela dépendra des moyens de financement que le Gouvernement décidera, à l'issue de ce débat, de proposer au Parlement pour l'ensemble de ces infrastructures. Nous espérons, bien sûr, que cette proposition donnera lieu à un très large consensus dans les deux assemblées, ne serait-ce que pour s'assurer que ces mesures auront une vocation universelle et durable, à la différence de certains fonds que Gilles de Robien évoquait au début de son propos.
M. Vidal a cité de nombreux projets intéressant la région PACA, qui recueillent toute notre attention.
M. Jean-Pierre Sueur a évoqué le projet POLT ; j'en ai parlé à l'instant.
M. Jacques Peyrat, maire de Nice, s'est exprimé de manière très forte sur la saturation de l'aéroport de Nice-Côte-d'Azur et sur son souhait de voir se réaliser une desserte TGV, qui serait une des plus rentables de notre pays. Il faut avancer à la fois sur le dossier de la ligne à grande vitesse vers Nice, penser au développement du hub de l'aéroport de Nice. C'est un dossier très légitime.
Je sais, monsieur Peyrat, que vous êtes également intéressé par les problèmes maritimes. Fos-Savone n'est pas la seule ligne maritime possible, et le port de Nice peut jouer un rôle important. Il faut aménager l'ensemble de la desserte maritime de Nice.
Enfin, le ministère de l'équipement prépare la saisine de la Commission nationale du débat public, d'ici à la fin de l'année, sur le projet de contournement autoroutier de Nice, comme vous le souhaitez.
M. Jacques Peyrat. Très bien !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est au côté de Philippe Richert pour faire en sorte que Strasbourg joue pleinement son rôle européen.
Le sommet franco-allemand du 10 juin, qui se tiendra à Berlin, permettra d'évoquer l'interconnexion du TGV Est avec le réseau allemand. C'est l'intérêt de Strasbourg, car, si l'interconnexion est réalisée, l'aéroport de Francfort offrira à Strasbourg une excellente desserte aérienne, ce qui, avec son propre aéroport et celui de Mulhouse, confortera cette ville dans son rôle de capitale européenne.
M. Emorine a évoqué beaucoup de dossiers concernant son département et sa région. Il a notamment parlé de l'aéroport de Lyon-Saint-Exupéry, qui intéresse le sud de la Bourgogne et la région Rhône-Alpes. Nous sommes à peu près sûrs que, dans le cadre du rapport parlementaire que vos collègues députés remettront à la fin du mois, l'aéroport de Lyon-Saint-Exupéry apparaîtra comme l'une des grandes possibilités de développement aéronautique en France. Naturellement, nous ne pouvons pas en avoir pour l'instant la certitude, mais nous percerons bien toute l'importance de « Saint-Ex » avec la liaison venant de Lyon que réalise le président Mercier, avec la gare TGV.
Enfin, au soixantième orateur, qui ne fut pas le moindre, M. Revol, je dirai que nous prenons l'engagement de reprendre le dossier de la ligne intercommunale nord-ouest de Dijon, la LINO, comme il le souhaite. Pour ce qui est du projet Rhin-Rhône, il est clair que ce que nous en pensons va dans le sens des préoccupations de M. Revol.
Mme Hélène Luc. Et sur l'aéroport d'Orly ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Madame Luc, nous avons un vrai souci avec cet aéroport, qui est actuellement sous-utilisé : les 250 000 mouvements que lui avait assignés Bernard Bosson, sous le gouvernement d'Edoudar Balladur, ne sont pas atteints. La sous-utilisation touche en particulier, à certaines heures, l'aérogare d'Orly Sud.
Dans le cadre des nouveaux créneaux qui ont été accordés par le COR après la fin des activités d'Air Lib, nous étudions les moyens qui permettraient de conforter Orly - dans le respect du « couvre-feu », bien sûr - en assurant le plus possible de mouvements, de manière qu'Orly soit un véritable complément de Roissy et n'apparaisse pas comme une plate-forme en perte de vitesse, ce qui serait dommage pour votre département du Val-de-Marne.
Mme Hélène Luc. Il doit y avoir une table ronde !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Mais nous l'organiserons, madame !
M. Gilles de Robien et moi-même tenons, monsieur le président, à vous remercier infiniment de votre courtoisie et de votre longue patience. Nos remerciements vont également à l'ensemble des commissions, ainsi qu'à la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire, qui ont travaillé à la préparation de ce débat, à tous les sénateurs, dont le courage et le sens républicain ont été assez vigoureux pour qu'ils y assistent jusqu'au bout.
Je veux également rendre hommage à l'audit dont il a tant été question et qui, s'il a été critiqué, a eu le mérite d'ouvrir le débat : en démocratie, l'important c'est le débat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'Union centriste et du groupe socialiste.)
M. le président. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, nous sommes très sensibles aux remerciements que vous venez de formuler. A notre tour, nous voulons vous remercier de votre présence, de votre patience également, ainsi que l'ensemble de vos collaborateurs.
Nous nous sommes inquiétés un moment du dépassement du temps de parole. Toutefois, sur l'ensemble du débat, il ne fut que de 12,8 %, ce qui est relativement raisonnable.
Le débat est clos.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le numéro 323 et distribuée et, par ailleurs, mise en ligne sur le site Internet du Sénat.
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4
DE LA CONSTITUTION
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre les textes suivants, soumis au Sénat par le Gouvernement en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet de position commune 2003/.../PESC relative à l'Irak et abrogeant les positions communes 96/741/PESC et 2002/599/PESC.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-2289 et distribué.
- Proposition de décision du Conseil définissant la position de la Communauté à l'égard de la prorogation de l'accord international de 1986 sur l'huile d'olive et les olives de table.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-2290 et distribué.
- Proposition de décision-cadre du Conseil visant le renforcement du cadre pénal pour la répression de la pollution causée par les navires.
Ce texte sera imprimée sous le numéro E-2291 et distribué.
DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION
M. le président. J'ai reçu de M. Jean Clouet un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la communication de la Cour des comptes relative aux actions de développement et de reconversion industriels menées par le secrétariat à l'industrie (en application de l'article 58-2 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances).
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 322 et distribué.
J'ai reçu de Mme Gisèle Gautier un rapport d'information fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes sur la proposition de la loi numéro 313 (2002-2003) de MM. Christian Poncelet, Josselin de Rohan, Michel Mercier, Henri de Raincourt, Xavier de Villepin, Daniel Hoeffel et plusieurs et leurs collègues, portant réforme de l'élection des sénateurs.
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 324 et distribué.
ORDRE DU JOUR
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 4 juin 2003.
A quinze heures :
1. Discussion du projet de loi organique (n° 297, 2002-2003), relatif au référendum local.
Rapport (n° 315, 2002-2003) de M. Daniel Hoeffel, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble du projet de loi organique.
Le soir :
2. Eventuellement, suite de l'ordre du jour de l'après-midi.
3. Discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi (n° 285, 2002-2003), modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la dévolution du nom de famille.
Rapport (n° 316, 2002-2003) de M. Henri de Richemont, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délais limites pour des inscriptions de parole et pour le dépôt d'amendements.
Deuxième lecture du projet de loi de sécurité financière, modifié par l'Assemblée nationale (n° 281, 2002-2003) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 4 juin 2003, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 4 juin 2003, à dix-sept heures.
Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la rémunération au titre du prêt en bibliothèque et renforçant la protection sociale des auteurs (n° 240, 2002-2003) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 6 juin 2003, à seize heures.
Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit (AN, n° 831) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 6 juin 2003, à seize heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la chasse (n° 300, 2002-2003) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 6 juin 2003, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 10 juin 2003, à onze heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, pour la confiance dans l'économie numérique (n° 195, 2002-2003) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 10 juin 2003, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 10 juin 2003, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 4 juin 2003, à cinq heures trente-cinq.)
ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
Conseil national de l'habitat
Lors de sa séance du mardi 3 juin 2003, le Sénat a reconduit M. Marcel-Pierre Cléach comme membre suppléant du Conseil national de l'habitat.
Conseil national de la montagne
Lors de sa séance du mardi 3 juin 2003, le Sénat a reconduit M. Pierre Hérisson comme membre titulaire du Conseil national de la montagne.
QUESTIONS ORALES
REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT
(Application des articles 76 à 78 du réglement)
Mise en oeuvre de la directive européenne sur le chocolat
276. - 2 juin 2003. - M. Michel Pelchat attire l'attention de Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat sur les vives inquiétudes et interrogations suscitées par la directive du 23 juin 2000 relative aux produits de cacao et de chocolat destinés à l'alimentation humaine et sa future transposition en droit français. En effet, cette directive autorise la dénomination de « chocolat » pour des produits qui contiennent, dans la limite de 5 % du produit fini, des graisses végétales autres que le beurre de cacao. Or, en l'état actuel des connaissances, il n'existe aucun instrument technique permettant de vérifier que la teneur n'excède pas la limite fixée de 5 %. En outre, la similitude de composition des matières grasses végétales avec celle du cacao permettra d'introduire des matières grasses non autorisées. Par ailleurs, les conséquences néfastes sur la santé des consommateurs de ce chocolat dénaturé ne sont pas assez prises en compte. C'est pourquoi la résistance manifestée par deux pays européens, l'Espagne et l'Italie, mérite le soutien de la France, afin de préserver la qualité traditionnelle des produits de cacao et protéger les appellations de ces produits. Ces deux pays ont été condamnés, en janvier 2003, par la Commission pour avoir décidé que la dénomination de vente des produits à base de chocolat ayant des matières grasses végétales autres que le beurre de cacao soit précédée de la mention « succédané de chocolat ». Cette initiative avait pour objectif de protéger le consommateur d'une éventuelle confusion des produits à base de cacao de qualités différentes. En France, le Parlement a adopté un amendement tendant à permettre l'apposition de la mention « pur beurre de cacao » sur le chocolat produit sans adjonction de graisses végétales de substitution. Mais, il est nécessaire d'aller plus loin afin que le consommateur puisse identifier très clairement les différents produits avec ou sans matières grasses végétales. Cette résistance est d'autant plus nécessaire que cette directive aura un impact économique et social considérable sur les pays producteurs de cacao, et notamment la Côte d'Ivoire. Une baisse de la demande en fèves de cacao évaluée à 200 000 tonnes entraînera une chute des cours du cacao d'environ 20 % pour la première année (soit une perte de 300 000 millions d'euros), et la baisse annuelle des recettes d'exploitation des pays producteurs vers le marché européen pourrait atteindre entre 530 et 780 millions d'euros. Il souhaite, pour finir, attirer son attention sur l'alignement du taux réduit de TVA aux produits de chocolat. En effet, 98 % des produits alimentaires bénéficient du taux réduit de TVA à 5,5 %, à l'exception des bonbons de chocolat artisanaux et de la confiserie en tout ou partie, dont le taux de TVA est de 19,6 %. Une telle réforme rétablirait l'équité entre l'artisanat français et les grandes industries étrangères de chocolat qui nous inondent de succédanés de chocolat au travers de leurs barres chocolatées. Il lui demande par conséquent si le Gouvernement entend soutenir les artisans et les petites et moyennes entreprises de la chocolaterie et de la confiserie françaises sur les points développés ci-dessus.
Négociations sur la pérennisation du système de TVA
réduite sur les travaux d'entretien des logements
277. - 2 juin 2003. - M. Denis Badré attire l'attention de M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire concernant l'état d'avancement au niveau européen des travaux portant sur la reconduction du dispositif de la TVA à 5,5 % pour les travaux d'entretien réalisés par des professionnels dans les locaux d'habitation de plus de deux ans. Après quatre années de mise en oeuvre, ce dispositif fiscal a un bilan très positif aussi bien pour l'emploi que pour les bénéfices dégagés et la santé de l'ensemble des entreprises artisanales du bâtiment. Ce dispositif, qui devait prendre fin le 31 décembre 2002, a été prorogé d'un an. En effet, l'ensemble des partenaires européens ont fait connaître leur accord de principe pour que l'autorisation de réduire la TVA à 5,5 % prévue dans la directive européenne du 22 octobre 1999 soit reconduite d'un an. La ministre déléguée à l'industrie avait indiqué en octobre 2002 que la question de la pérennisation de la mesure serait discutée dans le cadre de négociations qui interviendront en 2003. En conséquence, il lui demande si les travaux de la Commission européenne ont débuté et, le cas échéant, si l'état d'avancement des négociations permet d'être optimiste quant à la pérennisation de cette mesure.
Mesures d'aides en faveur des jeunes agriculteurs
278. - 2 juin 2003. - M. Bernard Joly appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur les attentes du monde agricole, et en particulier des jeunes agriculteurs, relativement à la mise en place du fonds d'incitation et de communication pour l'installation en agriculture (FICIA). Ce mécanisme vient en remplacement du fonds pour l'installation en agriculture (FIA) qui conditionne des actions comme celles conduites par le programme pour l'installation et le développement des initiatives locales (PIDIL). Cet outil est particulièrement efficace pour débloquer certaines installations difficiles grâce aux mesures d'incitation développées telles que l'aide au partage des terres, à la cession des moyens de production, au diagnostic d'exploitation, à l'allégement des frais de stockage SAFER, au logement et à l'installation. En Haute-Saône, en moyenne, par année ce sont 40 000 euros qui ont permis le soutien de douze dossiers de jeunes agriculteurs pour mener à terme un projet qui n'aurait sans doute jamais vu le jour sans ce dispositif. Actuellement, une dizaine de dossiers sont en attente et certains projets d'installation bloqués. Il lui demande dans quelle mesure les différents types d'aides vont être harmonisés, et notamment quel avenir est réservé au PIDIL.
Réglementation sur la pêche dans la Grande Brière Mottière
279. - 2 juin 2003. - M. André Trillard rappelle à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales qu'en matière de droit de pêche, la Grande Brière Mottière obéit depuis très longtemps à un régime particulier et que l'application des règles spécifiques ancestrales n'y a jamais posé de problème, la commission syndicale de Brière, composée exclusivement d'élus locaux, s'étant vu reconnaître par l'arrêté du 16 mai 1988 la compétence pour fixer les prix et réglementer la pêche. Cette réglementation n'ayant pas été modifiée depuis, le fait que dix pêcheurs aient été verbalisés en 2002 par les gardes du Conseil supérieur de la pêche pour défaut de timbre piscicole et pratique illicite de la pêche est vécu localement comme une atteinte inadmissible aux droits et à l'identité briéronne. Il lui demande donc de bien vouloir donner à ses services les instructions nécessaires pour que soit mis fin à cet épisode regrettable, que les pêcheurs concernés, tous détenteurs de la carte de pêche délivrée par la commission syndicale de la Grande Brière Mottière, soient relaxés et que le système antérieur continue à s'appliquer.
Désenclavement du sud du Tarn
280. - 2 juin 2003. - M. Jean-Marc Pastor attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur le problème de l'enclavement du sud du Tarn. En effet, le premier bassin industriel et de recherche privée de Midi-Pyrénées après Toulouse se trouve aujourd'hui confronté à un véritable problème de développement. Les projets routiers de l'actuel contrat de plan concernant plus particulièrement les déviations de Puylaurens, de Cuq-Toulza, mais aussi les liaisons Saix-Soual et Puylaurens-Verfeil ne sont toujours pas commencées ! Le constat est simple, l'enclavement routier pèse très lourdement sur la vie quotidienne des habitants et sur l'activité économique, il freine son développement et multiplie ainsi leurs difficultés. Il pose de graves problèmes de sécurité routière entraînant trop souvent mort d'homme. Il entrave les projets engagés et plus particulièrement ceux de l'agglomération de Castres-Mazamet. Pour toutes ces raisons, il lui réaffirme, avec le soutien de tous les élus et de la population, la nécessité d'obtenir un véritable engagement du Gouvernement pour le règlement de cette problématique essentielle du sud du Tarn. L'enveloppe budgétaire consacrée aux routes dans le cadre du contrat de plan, pourtant trois fois supérieure à celles obtenues auparavant, ne suffira pas à achever ni même à décloisonner notre « pays », et ce d'autant plus que la décision de geler les crédits en 2002 et 2003 a pour répercussion immédiate d'obérer d'ores et déjà les travaux décidés, mais non encore commencés. L'idéal serait d'obtenir un plan exceptionnel de rattrapage. Il lui demande quelles mesures il compte prendre pour enfin débloquer ce dossier ?
Travaux d'aménagement de la route nationale 21
281. - 3 juin 2003. - M. Dominique Mortemousque appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur les travaux d'aménagement de la RN 21 assurant la liaison entre Limoges, Périgueux, Bergerac, Agen, Auch, Tarbes et l'Espagne, via Somport. Sur les 354 kilomètres de cet axe, qui présente un intérêt Europe-régions puisqu'il concerne le Limousin, le Midi-Pyrénées et l'Aquitaine avec pour priorité le Lot-et-Garonne et la Dordogne, une vingtaine de kilomètres ont été réalisés à ce jour. Il lui demande en conséquence quelles sont ses intentions sur les choix et sur le calendrier des travaux d'aménagement sur la RN 21 qui présente de graves lacunes en termes d'accessibilité, mais aussi de visibilité et donc d'insécurité.
Projet de construction de l'autoroute A 103 en Seine-Saint-Denis
282. - 3 juin 2003. - M. Christian Demuynck souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur les conséquences positives de l'abandon du projet de l'autoroute A 103 en Seine-Saint-Denis. Le décret n° 2002-627 du 26 avril 2002 décrète dans son article premier qu'une procédure de révision partielle du schéma directeur de la région Ile-de-France est ouverte en vue de tirer les conséquences de l'abandon de certains projets, et notamment de l'autoroute A 103. Signé par le précédent ministre de l'équipement, des transports et du logement, cet arrêté bien qu'émis précipitamment, avait le mérite de mettre un terme à ce projet visant à relier la A 3, du noeud autoroutier de Rosny-sous-Bois à la A 4. Ce tracé concerne au premier plan les villes de Noisy-le-Grand, Gournay-sur-Marne, Neuilly-sur-Marne et Neuilly-Plaisance. Ses conséquences sur la qualité de vie de ces habitants et sur l'environnement seraient catastrophiques dans ce secteur fortement urbanisé et les élus ainsi que les représentants d'associations ont toujours été dans leur majorité fermement opposés à cet axe autoroutier. C'est pourquoi l'abrogation de ce décret tel qu'il a été évoqué, risque fort de stigmatiser les oppositions et nuire au légitime souci du Gouvernement de trouver une solution aux réels problèmes d'engorgement de ce secteur, qui trouveraient dans une large concertation préalable une issue plus consensuelle. Il entend connaître les projets du Gouvernement en la matière et les mesures qu'il compte prendre pour que les élus, les associations et les habitants concernés soient consultés avant une éventuelle abrogation du décret.
Désenclavement du Val-d'Oise
283. - 3 juin 2003. - Mme Nelly Olin appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur la situation très difficile du Val-d'Oise en matière d'infrastructures. Elle précise, qu'inscrit depuis des années aux différents contrats de plan, y compris dans le douzième, le boulevard intercommunal du Parisis n'a toujours pas vu le jour alors que sa réalisation est vitale pour le désenclavement des villes du département. De même concernant l'autoroute A 16, dont 42 hectares sont figés sur Garges par l'Etat depuis 1965, le projet semble définitivement abandonné depuis le 23 septembre 1997. Enfin, en matière de transports en commun, le Val-d'Oise est notoirement sous développé. Il lui apparaît essentiel de mettre en oeuvre un vaste programme de désenclavement. En conséquence, elle lui demande de lui faire part des projets gouvernementaux concernant le Val-d'Oise.
Bilan du contrat de plan Etat-Région
Ile-de-France en matière d'équipements de transports
284. - 3 juin 2003. - M. Roger Karoutchi appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer sur le bilan du contrat de plan État-Région Ile-de-France en matière d'équipements de transports. Il souhaite savoir s'il lui est possible de confirmer les engagements financiers de l'État sur les infrastructures ferrées de la région Ile-de-France. Il souhaite également savoir où en est le Gouvernement sur l'analyse des besoins routiers et autoroutiers de la région par rapport aux engagements pris en 2000.