PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est reprise.

9

QUESTIONS D'ACTUALITÉ

AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, au nom de la Haute Assemblée unanime, je vous souhaite une très bonne année 2003. (Applaudissements.)

Conformément à la règle posée par la conférence des présidents, je rappelle que l'auteur de la question et le ministre qui lui répond disposent, chacun, de deux minutes trente. J'invite chaque intervenant à respecter strictement ce temps de parole, de sorte que toutes les questions et toutes les réponses puissent bénéficier de la retransmission télévisée.

RÉFORME DES RETRAITES

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.

Mme Nicole Borvo. Ma question a trait au dossier des retraites, dont le Président de la République a fait sa priorité.

MM. Max Marest et Henri de Raincourt. Il a raison !

Mme Nicole Borvo. Depuis plusieurs années, le discours dominant sur les retraites est, hélas ! univoque : déséquilibre démographique, vieillissement de la population, départ à la retraite à compter de 2005 des salariés nés pendant la période du baby-boom. Il induit des solutions inéluctables : augmentation de la durée d'activité, recul de l'âge du départ à la retraite, capitalisation.

Disons d'abord très nettement, monsieur le Premier ministre, que le régime par répartition a fait la preuve de son efficacité en termes de garanties et de cohésion sociale.

Disons ensuite que les choix ne se résument pas à donner la priorité à tel ou tel paramètre pour assurer l'équilibre financier des régimes.

Il s'agit, en réalité, d'une question de société, et même de civilisation. Il faut donc avant tout s'accorder sur les objectifs : c'est ce que disent le Conseil d'orientation des retraites et les organisations syndicales unanimes.

Comment, monsieur le Premier ministre, concevoir que cette question de société puisse être réglée d'ici à l'été 2003 sans qu'un grand débat national n'ait été ouvert ?

Avant-hier, M. Seillière a une nouvelle fois proposé cyniquement aux salariés de travailler cinq ans de plus pour obtenir une retraite à taux plein : au fond, l'âge de la mort s'étant éloigné de celui de la retraite - pas pour tout le monde, hélas ! -, rapprochons l'âge de la retraite de celui de la mort ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Ne savez-vous pas, monsieur le Premier ministre, qu'une personne sur deux est inactive à cause du chômage au moment où elle demande à bénéficier de sa pension ?

Ne savez-vous pas, monsieur le Premier ministre, que, « grâce » à M. Balladur, les salariés actuels doivent désormais cotiser quarante ans pour pouvoir prétendre à une retraite dont le niveau a sensiblement diminué ?

M. Didier Boulaud. Très bien !

Mme Nicole Borvo. Vous affirmez, monsieur le Premier ministre, « vouloir rassembler dans un projet commun ». Or la méthode que vous appliquez et les discours que nous entendons témoignent du contraire, qu'il s'agisse du traitement au cas par cas, de l'opposition facile entretenue entre les salariés du public et ceux du privé, alors qu'il est difficile de comparer les régimes, ou du passage en force à EDF-GDF.

Allez-vous permettre que l'on sorte de cette vision unilatérale en mettant tous les éléments sur la table, en évoquant toutes les options en matière de financement, en éclairant l'opinion sur le lien indiscutable qui existe entre les retraites et les politiques de l'emploi, sur les questions liées à la pyramide des âges, à la productivité du travail, sur l'inégalité profonde que l'on constate entre la contribution des salariés et celle des profits en termes de financement de la sécurité sociale ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président, permettez-moi tout d'abord de vous remercier de vos voeux pour l'année nouvelle, ainsi que des propos que vous avez tenus hier, lors d'une réception à laquelle je n'ai pu assister, ce dont je vous prie de m'excuser. Je souhaite à mon tour à chacun des membres de la Haute Assemblée une très heureuse année dans le cadre de l'exercice de son mandat.

Madame Borvo, nos positions ne sont pas si éloignées qu'il y paraît. Comme vous, en effet, je veux défendre la retraite par répartition.

A cet égard, il faut que les Françaises et les Français comprennent bien que celle-ci est menacée dans notre pays, parce que le principe de la répartition implique que les actifs paient pour les inactifs. Or, demain, la proportion d'actifs diminuera, pour des raisons démographiques, tandis que le nombre des inactifs augmentera, grâce notamment, et c'est une heureuse évolution, à l'allongement de l'espérance de vie.

M. Didier Boulaud. Pour les sénateurs, c'est cent vingt ans ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. On pourra ainsi espérer vivre encore plus de vingt ou vingt-cinq ans après soixante ans, et nous assisterons donc à un accroissement de la population des bénéficiaires du système de retraite par répartition, alors que, à l'inverse, le nombre des contributeurs se réduira.

C'est pour cette raison que la réforme est essentielle : si nous ne la mettons pas en oeuvre, nous aboutirons à une impasse. On n'a que trop tardé à traiter ce problème, et je suis d'accord avec vous, madame Borvo, pour estimer qu'il est urgent de défendre le système de retraite par répartition. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Par ailleurs, je suis également pleinement d'accord avec vous sur le fait qu'il est hors de question d'opposer secteur public et secteur privé. Ce serait absurde ! (M. Didier Boulaud s'esclaffe.)

M. Paul Loridant. Il faut le dire aux fonctionnaires !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Je les rencontre sur le terrain, monsieur le sénateur, ne vous inquiétez pas ! Je leur explique qu'ils ne doivent pas se sentir mis en accusation. Ils assument des responsabilités, et je ne veux pas que l'on dresse une partie des Français contre une autre ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

Le dossier que nous avons à traiter doit rassembler les Français. La fonction publique a son histoire, les statuts sont le résultat de négociations. Ils font partie de notre parcours social collectif et nous devons être attentifs à cette situation. Quand on veut rétablir l'autorité de l'Etat, on doit faire en sorte que, dans ce pays, les fonctionnaires soient défendus !

Cela ne signifie pas qu'il ne faudra pas chercher à appliquer, dans l'avenir, les principes d'équité auxquels tous les Français sont attachés. C'est pourquoi je veillerai personnellement à ce que n'apparaisse pas une opposition entre le secteur public et le secteur privé. J'ai d'ailleurs demandé à ce que, dans le cadre du dialogue social, les organisations syndicales soient reçues à la fois par le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, M. François Fillon, et par le ministre chargé de la fonction publique, M. Jean-Paul Delevoye, pour bien montrer qu'il n'y a pas de séparation.

En ce qui concerne EDF et GDF, madame Borvo, nous avons entendu le message.

Mme Hélène Luc. Il est fort !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Nous savons quelles inquiétudes peuvent ressentir les salariés pour l'avenir de leurs entreprises, et nous demeurons très attentifs. Un accord de branche majoritaire a été conclu, dont nous mesurons le sens et la valeur juridique. En aucun cas nous ne voulons « passer en force ».

Nous respectons les uns et les autres. Puisque tout le monde est convaincu que la réforme est nécessaire, il est très important de bien montrer qu'elle se fera au bénéfice de la France et de son avenir. Il est de la responsabilité de tous de ne pas laisser ce problème peser sur les générations à venir ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

SÉCURITÉ AÉROPORTUAIRE

M. le président. La parole est à M. André Vallet.

M. André Vallet. Malgré le renforcement des dispositifs de surveillance, malgré toutes les précautions prises par M. le ministre de l'intérieur, des failles inquiétantes semblent subsister en matière de sécurité des aéroports dans notre pays.

C'est ce qu'établit le rapport commandé à l'inspection générale de l'administration, rapport évoqué - j'ignore si c'est ou non à la demande du Gouvernement - voilà quelques jours par la presse.

Ce rapport souligne en particulier « la multiplication des responsabilités et le positionnement ambigu d'Aéroports de Paris, qui a, en même temps, des objectifs d'exploitant et des obligations de participation à la sécurité ». Par ailleurs, trop de sociétés privées rendraient des services qui ne seraient pas « optimaux », avec un « personnel recruté pas assez contrôlé ». Cette situation avait amené notre collègue Jean-Patrick Courtois à faire adopter un amendement visant à y remédier lors de l'examen du projet de loi pour la sécurité intérieure.

J'ai également lu, avec stupéfaction et inquiétude, les déclarations d'un responsable de l'une de ces sociétés qui n'hésitait pas à affirmer « que bien des agents éprouvent de la sympathie pour des mouvements terroristes islamiques et que personne ne peut être certain qu'ils ne sauraient s'en rendre un jour complices ».

Cette assertion a été confirmée par le parquet de Bobigny, qui fait part de « ses préoccupations liées à l'activisme intégriste manifesté par un certain nombre d'employés » et dont le constat est cinglant : « Les systèmes de surveillance, dans ces zones sensibles, sont très insuffisants et permettent facilement des intrusions malveillantes. »

A un moment où les préoccupations de sécurité intérieure sont une priorité pour le Gouvernement, ce qu'apprécie l'immense majorité de nos concitoyens, il serait nécessaire et urgent que le sentiment de sécurité que ce dernier veut faire régner dans notre pays ne souffre pas la moindre remise en cause.

Je poserai donc deux questions : ce rapport est-il bien réel, et quelles réponses le Gouvernement compte-t-il apporter au regard de la situation décrite ? (M. Emmanuel Hamel applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le sénateur, M. le ministre de l'intérieur répond partiellement, en ce moment même, à l'Assemblée nationale, aux questions que vous venez de soulever, en présentant, dans le cadre de l'examen par les députés du projet de loi pour la sécurité intérieure, de nouvelles mesures visant à mieux assurer la sécurité dans les aéroports.

Des progrès très importants ont naturellement été accomplis en la matière depuis les événements du 11 septembre 2001, et les mesures de sécurité sont bien sûr renforcées dans la période de tension internationale que nous vivons.

Dans l'échelle de sécurité qui part de la responsabilité de l'Etat, on relève d'abord, sous l'autorité du ministre de l'intérieur et des autres ministres concernés, un renforcement de la présence des forces de police et de gendarmerie dans nos aéroports. En outre, interviendra prochainement la nomination, auprès des préfets responsables des grandes plates-formes aéroportuaires - je pense ici à Orly et à Roissy - Charles-de-Gaulle -, de sous-préfets chargés de coordonner l'ensemble des dispositifs de sécurité.

Par ailleurs, Aéroports de Paris, ou ADP, dont il a été beaucoup question ces jours-ci, ne disposait pas jusqu'à présent, bizarrement, d'une direction spécifique de la sécurité. M. le ministre de l'intérieur a bien voulu accepter qu'un préfet soit détaché auprès d'ADP, et une direction de la sécurité chargée de veiller à l'application des règles de sûreté a été créée voilà quelques semaines, avec les effectifs nécessaires.

Enfin, vous avez évoqué à juste titre, monsieur le sénateur, le point faible que constitue peut-être la chaîne de travail à l'intérieur des aéroports. Nous avons bien entendu rendu plus strict le contrôle des bagages, des passagers : tous les aéroports français sont maintenant équipés de dispositifs permettant de détecter les explosifs.

Cependant, le traitement des bagages, qu'il s'agisse de la prévention des vols ordinaires ou de la lutte contre les risques terroristes, reste certainement un maillon plus fragile, car il est assuré par des sociétés de sous-traitance qu'il est plus difficile de contrôler. Les badges des personnels de ces sociétés ont été réétudiés : tous les cas délicats ont été examinés, ce qui a d'ailleurs suscité des débats dans les médias. Dans le cadre de la discussion du projet de loi pour la sécurité intérieure, de nouvelles mesures permettant de contrôler l'activité des sociétés sous-traitantes pourront être adoptées par le Parlement.

En conclusion, monsieur le sénateur, je voudrais vous assurer que l'ensemble du dispositif est en place. Toutefois, nous devons demeurer très vigilants, car, dans la période de tension internationale que nous traversons, les aéroports sont naturellement des lieux à risques, où il faut déployer tous les moyens de sécurité nécessaires. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

DIALOGUE SOCIAL

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Poirier.

M. Jean-Marie Poirier. Dès son installation, au printemps dernier, le Gouvernement a renoué avec la tradition du paritarisme et du dialogue social, comme s'y était engagée la nouvelle majorité. Cette tradition de paritarisme et de dialogue social avait été largement négligée, pour ne pas dire interrompue, par le précédent gouvernement.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Allons, allons !

M. Jean-Marie Poirier. Qu'on se souvienne simplement des conditions dans lesquelles la loi sur les 35 heures et la loi de modernisation sociale ont été préparées et présentées !

M. Adrien Gouteyron. Tout à fait !

M. Jean-Marie Poirier. Sous votre impulsion, monsieur le Premier ministre, le Gouvernement a su créer un climat nouveau et rétablir des liens trop souvent distendus avec les organisations syndicales des salariés. Par un geste symbolique en direction des entrepreneurs, un nouveau pas en avant vient d'être fait...

M. Roland Muzeau. C'est symbolique, oui !

M. Jean-Marie Poirier. ... pour élargir et conforter le dialogue social.

M. Philippe François. Absolument !

M. Jean-Marie Poirier. N'en déplaise aux « mol-pensants » - le mot est d'Alain Minc - ou aux zélateurs du « politiquement correct », vous avez ainsi corrigé, monsieur le Premier ministre, une situation singulière et pénalisante pour notre pays, une forme d'exception française, pour ne pas dire d'exclusion française, qu'aucune autre nation moderne ne connaît ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)

En plaçant ainsi les partenaires sociaux, sans discrimination, au coeur de l'évolution de nos règles sociales, notre pays se donne la chance de mieux engager les grandes réformes incontournables qui sont devant nous, qu'il s'agisse de la protection sociale - je pense naturellement aux retraites, dont on vient de parler - ou de la mise en place des garanties fondamentales dont les salariés ont besoin, telles que l'assurance chômage ou la formation professionnelle.

En quelques mois, de nombreux progrès ont été accomplis. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jacques Mahéas. Zorro est arrivé !

M. Jean-Marie Poirier. La loi portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise, qui offre des espaces personnels de négociation et de création aux partenaires sociaux, la loi sur les 35 heures, qui accroît ces espaces, la loi de modernisation sociale, qui les élargit davantage encore, sont au nombre de ces progrès. La future loi sur la démocratie sociale devrait les compléter ; nous l'attendons impatiemment.

M. Roland Muzeau. Vous êtes le porte-parole du MEDEF !

Un sénateur du groupe socialiste. Vive le patronat !

M. Jean-Marie Poirier. Monsieur le Premier ministre, en plaçant les partenaires sociaux en situation de responsabilité, vous vous êtes donné les moyens de réunir les conditions d'un dialogue social équilibré et renouvelé. (Rires sur les travées du groupe socialiste.) Nous ne doutons pas de votre détermination à persévérer dans ce sens, et vous avez le soutien résolu de l'ensemble de notre groupe. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Didier Boulaud. Supplétif du MEDEF !

M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Poirier.

M. Jean-Marie Poirier. Monsieur le Premier ministre, ma question sera la suivante : quelles initiatives comptez-vous prendre dans les semaines à venir face aux échéances déterminantes qui se profilent pour poursuivre la mise en mouvement de la véritable société participative que le Président de la République appelle de ses voeux ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le sénateur, vous avez raison de dire que, quand on se bat pour l'emploi, il faut dialoguer avec tous les acteurs, à la fois les entreprises et les salariés.

Je suis d'ailleurs toujours disposé à répondre favorablement aux sollicitations des instances représentant les partenaires sociaux. J'ai ainsi été invité par l'Union professionnelle artisanale (Exclamations sur les travées du groupe socialiste), regroupant 1,2 million d'entrepreneurs qui créent chaque jour des emplois. Toutes ces petites entreprises du bâtiment, de l'alimentation, font, dans nos départements et dans nos communes, l'emploi de tous les jours, mais sont souvent mésestimées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.) Il faut les écouter et être attentifs à leurs préoccupations.

J'accorde la même attention à l'ensemble des organisations syndicales représentatives des salariés, dont les responsables sont des femmes et des hommes de qualité - en particulier à EDF, dont le cas a été évoqué il y a un instant -, ce qui est une chance pour la France. Je suis toujours disponible pour les rencontrer, comme je le fais d'ailleurs régulièrement.

Je crois en effet très important de renforcer le dialogue social, qui, dans le passé, a trop souffert, l'exécutif ayant souvent considéré qu'il était le seul spécialiste en la matière et pris des décisions au nom de tous, alors qu'un échange approfondi, on l'a vu, était nécessaire.

M. Alain Gournac. Voilà !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Si nous avons pu, par exemple, remédier à l'anomalie que constituait l'éclatement des SMIC, lié à la réduction du temps de travail, par le biais d'une harmonisation par le haut, c'est-à-dire d'une augmentation, c'est bien grâce à un dialogue poussé avec les organisations syndicales.

M. Jacques Mahéas. Avec un « coup de pouce » pour le SMIC ?

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Ce partenariat a permis d'aboutir à un relèvement significatif du montant du SMIC.

Vous m'avez demandé, monsieur le sénateur, quelles étaient les initiatives à venir ; il y en a deux principales.

Comme je l'ai dit tout récemment aux chefs d'entreprise, j'attends une avancée sociale majeure pour l'année 2003 s'agissant de ce dossier essentiel qu'est à nos yeux celui de l'« assurance emploi », c'est-à-dire de la formation professionnelle.

M. Adrien Gouteyron. Très bien !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Comme le Président de la République s'y est engagé, c'est un dossier majeur du quinquennat. Sur le plan social, c'est l'un des dossiers prioritaires, pour faire en sorte qu'un parcours professionnel puisse se faire par l'alternance non pas entre l'emploi et le chômage, mais entre l'emploi et la formation,...

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. ... et que, tout au long d'une vie professionnelle, on puisse connaître des phases d'emploi et des phases de formation. Ce dossier est très important et doit être traité totalement par le dialogue social. Nous comptons sur les partenaires sociaux pour que cette avancée sociale soit inscrite avant la fin de l'année 2003. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Paul Raoult. Le patronat y est sensible !

M. Didier Boulaud. Et pendant ce temps, ils licencient !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Le second dossier, c'est celui des retraites, j'en ai parlé voilà un instant. Nous le mènerons avec les partenaires sociaux, par une discussion approfondie,...

M. Paul Raoult. Mazarin !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. ... car le dialogue social fait partie du modèle démocratique spécifique de la France, dont elle peut être fière. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

MÉTHODE EMPLOYÉE POUR RÉFORMER

LES RETRAITES NOTAMMENT À EDF-GDF

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Monsieur le Premier ministre, voilà un mois, je vous ai déjà posé une question sur le dossier des retraites. Sur le calendrier, vous m'aviez répondu : c'est pour juin 2003 ; mais j'entends parler, ici ou là, d'un renvoi au mois de septembre. Au sujet d'EDF-GDF, ce jour-là, vous ne m'aviez pas répondu. J'avais parlé de valse-hésitation ; cela continue ! J'en veux pour preuve le fait qu'il n'y ait toujours rien à l'horizon pour l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes.

Au moment où je parle, aucun décret n'a été pris pour formaliser vos engagements de l'automne en matière de compensation, ce qui, semble-t-il, est révélateur d'un désaccord interministériel.

Sur la méthode, vous aviez été plus disert et précis. Permettez-moi de vous citer.

M. Henri de Raincourt. Vous avez raison !

M. Claude Domeizel. Vous affirmiez : « Nous ferons en sorte que les Françaises et les Français puissent se prononcer sur ce sujet. »

M. Didier Boulaud. Il en raconte tellement qu'il ne s'en souvient pas !

M. Claude Domeizel. Vous ajoutiez : « Nous lancerons une grande concertation nationale avec tous les partenaires sociaux. Il est clair que nous voulons être attentifs à ce que disent les uns et les autres sur ce sujet. Le dialogue, monsieur le sénateur, il ne faut jamais le regretter. Chaque fois que l'on a bousculé l'ordre des choses, on a eu à s'en mordre les doigts... Moi, je prends le temps du dialogue et de la concertation. C'est dans ma nature et c'est ma conviction ! » (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

Le 9 janvier 2003, 54 % des agents d'EDF-GDF se prononcent contre l'accord proposé. Le lendemain, 10 janvier, coup de poing sur la table !

M. Didier Boulaud. Chirac patatrac !

M. Claude Domeizel. Au diable la concertation ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Charles Revet. Allons ! Vous n'avez pas été capables de faire la même chose !

M. Claude Domeizel. M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie déclare sans attendre qu'il poursuit dans cette voie malgré le vote négatif.

M. Jean Arthuis. Cela n'a rien à voir !

M. Claude Domeizel. Est-ce votre conception de la concertation ? Comptez-vous mener les réformes par petits morceaux, peut-être pour affaiblir les contestations possibles ? Aujourd'hui, à EDF-GDF ? Demain, à la RATP ? Après-demain, chez les fonctionnaires ? Plus tard, au régime général ? Si telle est votre méthode, que ce soit dit clairement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Il est très bien !

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le sénateur, je commence par évoquer EDF-GDF, et j'en profite pour faire le point sur cette affaire.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le poing sur la table ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Francis Mer, ministre. Le sujet des retraites d'EDF et de GDF est important pour l'avenir de ces deux sociétés. Nous avons pris l'engagement, en 2007, de provisionner dans les bilans de toutes nos sociétés, y compris si elles restent publiques, les engagements pour retraite.

M. Serge Vinçon. C'est très bien !

M. Francis Mer, ministre. Sachez que l'engagement pour retraites à provisionner, si rien n'était changé d'ici là pour EDF et GDF, représente la modique somme de 66 milliards d'euros, c'est-à-dire, hélas ! l'équivalent des dettes de France Télécom.

M. Didier Boulaud. Qu'ils ne partent pas à la retraite !

M. Francis Mer, ministre. Il est donc nécessaire, dans l'intérêt d'EDF et de GDF, dans l'intérêt de leur personnel et dans l'intérêt du développement de ces entreprises, de créer les conditions pour que les bilans de ces sociétés puissent, en toute légalité, avec la signature des commissaires aux comptes, ne pas avoir à reprendre en compte ces provisions pour retraites.

M. Jean Arthuis. Enfin !

M. Francis Mer, ministre. D'où la décision qui a été prise par les entreprises correspondantes, en accord avec les syndicats représentant les salariés, d'entrer dans une négociation. Celle-ci, qui a duré six mois, a permis d'aboutir à un accord signé par trois syndicats et permettant fondamentalement de créer les conditions pour assurer la continuité du financement des retraites d'EDF et de GDF et de pas moins de cent cinquante autres entreprises, sans avoir besoin de provisionner les engagements correspondants sur les bilans des sociétés.

Je considère donc que, loin d'être un coup de force, c'est un coup de maître ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Didier Boulaud. Vantard !

M. Francis Mer, ministre. Cela permet en effet à nos entreprises, qui sont de belles entreprises, de profiter du développement d'un marché européen qui, à partir du 1er janvier 2004 c'est-à-dire demain matin, va être ouvert à la concurrence dans tous les sens. Cela permet à nos sociétés de créer les conditions pour que, en totale compétition avec leurs concurrents, elles puissent faire valoir leurs atouts sans mettre en danger le devenir de leurs salariés et des retraités.

M. Jean Arthuis. Très bien !

M. Francis Mer, ministre. C'est donc au nom de cet objectif, qui est un objectif industriel dans l'intérêt des entreprises, dans l'intérêt de leurs salariés et des retraités, que nous avons été amenés à soutenir cette négociation. Nous avons pris acte des résultats : trois syndicats ont signé en toute connaissance de cause ; un quatrième voulait également signer, mais il n'a pu le faire parce qu'il n'a pas voulu s'engager au nom du personnel.

M. Claude Domeizel. Vous ne répondez pas à la question !

M. Francis Mer, ministre. Il n'en reste pas moins que nous sommes, juridiquement parlant, dans la situation de pouvoir enfin créer les conditions pour que EDF et GDF deviennent, à leur rythme, des entreprises normales, aptes à profiter de leurs atouts dans l'environnement européen. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Adrien Gouteyron. Bravo ! C'est clair et lumineux !

Mme Nicole Borvo. Ça alors !

M. Claude Domeizel. Pas de réponse !

M. Paul Raoult. C'est quoi une entreprise « normale » ?

Mme Nicole Borvo. C'est quoi la normalité ?

M. Paul Raoult. Il s'agit sans doute d'un nouveau concept !

PROGRAMMES VIOLENTS OU PORNOGRAPHIQUES

À LA TÉLÉVISION

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement.

Une date, un lieu : le 26 mai dernier, à Vitry-sur-Seine, en banlieue parisienne ; un véhicule roulant à plus de 150 kilomètres-heure percute sur un trottoir un groupe de personnes attendant un bus. Bilan : trois morts et une famille décimée ! Pour sa défense, le jeune conducteur indiquera qu'il venait, peu de temps auparavant, de visionner à la télévision un reportage comportant des scènes de violences et de vitesse.

Par ailleurs, le 3 juin 2002, à Nantes, une lycéenne de quinze ans était poignardée à mort par un camarade de deux ans son aîné, qui déclara avoir décidé de tuer quelqu'un sous l'influence d'un film d'horreur américain.

La plupart des experts reconnaissent que la multiplication des programmes télévisés contenant des images violentes ou pornographiques a des effets néfastes sur les enfants et les adolescents, et ce qu'ils y soient confrontés par hasard ou qu'ils en soient les spectateurs délibérés. (Mme Nicole Borvo s'exclame.) La famille doit, certes, rester le premier garant de l'éducation des enfants mais elle est malheureusement trop souvent absente ou défaillante.

M. Paul Raoult. Le libéralisme américain !

M. Jean Boyer. Il appartient donc à l'Etat, tout en respectant la liberté de création et de diffusion des images, d'être plus attentif au respect de l'individualité de l'enfant et plus exigeant sur ce que proposent les médias.

Entre le fort et le faible, par certains aspects, c'est la liberté qui opprime et la loi qui libère. Dans ce domaine précis, nous avons une lourde responsabilité à l'égard de notre jeunesse.

Monsieur le secrétaire d'Etat, quels moyens entendez-vous mettre en place afin de protéger effectivement nos jeunes générations contre l'invasion des médias par la violence ? Le monde de demain sera en grande partie le résultat de l'éducation d'aujourd'hui. Nous devons agir dès maintenant. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord vous prier d'excuser l'absence de M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication, qui assiste actuellement aux obsèques du grand cinéaste Maurice Pialat.

Monsieur Jean Boyer, vous avez évoqué une dimension tout à fait essentielle de la protection de la jeunesse, qui concerne la diffusion des images exacerbées de violence ou de pornographie à la télévision, et chacun sait qu'elles exercent des effets redoutables sur nombre de jeunes.

Mme Nicole Borvo. C'est le caractère normal de la concurrence à la télévision !

M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat. La protection des mineurs contre la diffusion de ces programmes ne fait plus débat sur son principe et dépasse largement tous les clivages, en particulier politiques. Reste qu'il faut veiller à ce que les modes d'application retenus soient les plus efficaces et les plus adaptés à l'objectif que nous visons.

Le Gouvernement a ainsi décidé d'agir, dans ce domaine, avec détermination, mais en se gardant, bien sûr, de tous les excès, dans un sens ou dans un autre. Vous le savez, depuis quelques mois, de nombreuses initiatives ont été suggérées ou engagées par le Parlement, par le Gouvernement et par le CSA, le Conseil supérieur de l'audiovisuel. Je pourrais notamment citer le rapport demandé par M. Jean-Jacques Aillagon à Mme Blandine Kriegel, dès le 7 juin dernier.

M. Didier Boulaud. Avec quel succès !

M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat. Ce rapport, précis et contenant de nombreuses propositions qui suscitent naturellement un débat constructif et important sur ce sujet,...

M. Didier Boulaud. Ridicule !

M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat. ... renvoie aussi chacun à ses responsabilités. Pour ce qui concerne le Gouvernement, dans le prolongement de ce rapport, un certain nombre de mesures ont d'ores et déjà été engagées. Ainsi, vous le savez, le double cryptage sera généralisé sur toutes les chaînes diffusant des programmes pornographiques. A la suite de la discussion de la proposition de loi déposée par Mme Zimmermann, MM. Bur et Rivière, les chaînes qui diffusent cette catégorie de programmes ont mis en oeuvre des dispositifs de contrôle d'accès. Ainsi, la chaîne Canal Plus va, dans les prochains mois, le faire de manière effective. Le CSA veillera, quant à lui, à la bonne application de ces engagements.

L'autre exemple, c'est la composition et les modalités de décision de la commission de classification des oeuvres cinématographiques. Dans ce domaine, l'exigence qui est la nôtre conduira à une meilleure représentation des associations familiales, et un décret est en cours de préparation sur ce point.

Enfin, d'autres propositions sont à l'étude, et le code pénal, par exemple, sera modifié pour être mis en oeuvre plus efficacement sur ces questions. Nous aurons naturellement l'occasion d'en reparler. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

EMPLOI-JEUNES

DANS L'ÉDUCATION NATIONALE

M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.

M. Alain Gournac. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

La présence dans les établissements d'enseignement de personnels formés pour encadrer les collégiens et les lycéens est plus nécessaire que jamais. (Mme Nicole Borvo s'exclame.) Enseignants, personnels de direction, parents, enfants, élus locaux, tout le monde en est pleinement persuadé.

Or les dispositifs actuels ne sont pas satisfaisants.

D'une part, le dispositif des maîtres d'internat et surveillants d'externat, les MI-SE, n'est pas adapté, leurs études et leur travail proprement dit étant très mal articulés.

Mme Nicole Borvo. Alors, on va les supprimer et les remplacer ! C'est extraordinaire !

M. Didier Boulaud. C'est ce que l'on appelle une question téléphonée !

M. Alain Gournac. D'autre part, le dispositif des emplois-jeunes touche à sa fin.

M. Jacques Mahéas. Hélas ! C'est scandaleux !

M. Alain Gournac. Les effectifs passent de 57 000 jeunes en 2002 à 37 000 en 2003 : 20 000 de moins. Cette diminution est due principalement à l'arrivée à terme des contrats emplois-jeunes mis en place pour cinq ans en 1998.

Mme Nicole Borvo. Vous êtes extraordinaire !

M. Didier Boulaud. C'est une question téléphonée ! Allô ? Allô ?

M. Alain Gournac. Le programme emploi-jeunes, dont la vocation était de répondre à de nouveaux besoins, ne pouvait le faire que très imparfaitement face à la nécessité d'encadrer sérieusement les collégiens et les lycéens.

M. Didier Boulaud. C'est téléphoné ! Allô ? Allô ?

M. Alain Gournac. Le gouvernement précédent n'a rien mis en place pour préparer l'avenir des aides-éducateurs à l'issue des cinq années : ni validation de leur expérience professionnelle ni système d'indemnisation chômage. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste. - Mme Nicole Borvo s'exclame également.) Ce n'est pas acceptable !

Monsieur le ministre, vous vous étiez engagé, lors de la dernière rentrée scolaire, à trouver des solutions et à remettre les choses à l'endroit. Pouvez-vous nous préciser où en est votre réflexion ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Un sénateur de l'UMP. C'est une bonne question !

M. Didier Boulaud. Il n'a pas lu le journal !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Comme vous le savez, monsieur Gournac, le Gouvernement s'était engagé à répondre de façon positive et adaptée non seulement aux besoins de surveillance qui se font jour dans nos établissements, mais également aux tâches multiples d'assistance éducative qui sont présentes aussi bien dans les écoles que dans les collèges et dans les lycées.

M. Jacques Mahéas. Par la suppression de postes !

M. Luc Ferry, ministre. Vous l'avez rappelé fort opportunément, monsieur Gournac, nous avons hérité d'une situation tout à fait insatisfaisante et inadaptée, non seulement en ce qui concerne le statut des surveillants, qui date de 1937 et dont chacun est bien obligé de reconnaître aujourd'hui qu'il était très peu satisfaisant, mais également s'agissant des aides-éducateurs, des emplois-jeunes, pour lesquels le gouvernement précédent n'avait rien prévu, alors que la sortie du dispositif était parfaitement prévisible.

Nous savons également - vous l'avez rappelé à juste titre, monsieur Gournac - qu'un certain nombre des missions remplies par les emplois-jeunes étaient tout à fait utiles dans les établissements, notamment dans les écoles primaires.

Mme Nicole Borvo. Ah bon ?

M. Luc Ferry, ministre. Voilà pourquoi je suis aujourd'hui en mesure de vous annoncer, comme je m'y étais engagé, que nous pourrons recruter à la rentrée prochaine 16 000 assistants d'éducation,...

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Luc Ferry, ministre. ... qui nous permettront de couvrir les trois missions suivantes.

D'abord, la mission de surveillance. Comme je m'y étais engagé, nous aurons plus de surveillants à la rentrée 2003 qu'il n'y en avait à la rentrée 2002 (M. Jean-Pierre Sueur s'exclame), très exactement 6 000, c'est-à-dire 4 000 de plus. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas souhaité engager des personnels dans ces 5 600 postes de maître d'internat et surveillant d'externat, dont même la gauche a été obligée de reconnaître l'absurdité du dispositif ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Alain Gournac. Absolument !

M. Paul Raoult. Ça, vous l'avez inventé, monsieur le ministre ! Ce n'est pas acceptable !

M. Luc Ferry, ministre. La deuxième mission que ces assistants d'éducation pourront remplir est la mission, absolument essentielle, d'aide au handicap. Vous le savez, la loi nous oblige, à juste titre, à scolariser tous les enfants handicapés qui sont scolarisables. Nous allons multiplier, comme le Président de la République s'y était engagé, par cinq, voire par six, le nombre des jeunes adultes qui s'occupent de la prise en charge du handicap dans nos établissements.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Luc Ferry, ministre. Ce sera une première et un véritable progrès !

M. Didier Boulaud. Ne nous racontez pas d'histoires !

M. Luc Ferry, ministre. Troisième mission, le reste de ces 16 000 assistants d'éducation pourront remplir les tâches que remplissaient les actuels aides-éducateurs.

M. Jean-Pierre Sueur. Il y aura moins d'éducateurs !

M. Luc Ferry, ministre. J'y reviendrai dans un instant !

M. le président. C'est terminé, monsieur le ministre !

M. Luc Ferry, ministre. C'est dommage !

M. Paul Raoult. Il y a moins de crédits dans le budget !

M. Luc Ferry, ministre. Si vous me le permettez, monsieur le président, je m'exprimerai encore pendant vingt secondes. Le dispositif actuel accordera la priorité aux étudiants. Il s'agira enfin d'un dispositif de contrat de droit public,...

M. Alain Gournac. Ah !

M. Luc Ferry, ministre. ... ce qui est tout de même très important. Par ailleurs, nous aurons la possibilité de mettre en place un recrutement de proximité ainsi qu'une validation des acquis de l'expérience pour ces jeunes qui en ont évidemment bien besoin. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Adrien Gouteyron. Voilà un bon projet !

M. le président. Monsieur le ministre, je ne regrette pas de vous avoir accordé, à titre exceptionnel, vingt seconde supplémentaires, en raison de la bonne nouvelle que vous venez d'annoncer.

RÉFORME DES ALLOCATIONS PERSONNALISÉES

AU LOGEMENT, APL

M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.

M. Didier Boulaud. Tout d'abord, je dirai à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche que la gauche est capable de s'exprimer par elle-même et qu'elle n'a pas besoin que l'on se substitue à elle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Eric Doligé. Elle a quelques problèmes !

M. Didier Boulaud. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Pour un jeune âgé de moins de vingt-cinq ans, l'entrée dans la vie professionnelle passe très souvent par l'autonomie en matière de logement et par la mobilité.

Plusieurs dispositifs ont été confortés par vos prédécesseurs, afin de faciliter l'accès des jeunes au logement, notamment l'aide personnallisée au logement, l'APL. Le 20 mars 2002, est paru un décret instituant un calcul de l'APL plus favorable à ses bénéficiaires, non seulement en termes financiers, mais également parce qu'il simplifie les démarches administratives pour l'obtenir.

Or, toutes les questions posées depuis plusieurs semaines à vos ministres et à votre administration confirment l'inquiétude tant des jeunes concernés que des organismes chargés de leur logement - je veux parler de la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, du Conseil national de l'habitat et de l'Union des foyers de jeunes travailleurs - quant à votre intention d'abroger ce décret et de revenir au décret du 7 juillet 2000, entraînant ainsi pour toutes les catégories de jeunes concernés une baisse substantielle de 25 % à 30 % du montant des aides au logement dont ils bénéficient. Autant dire que vous ajoutez un obstacle dans la construction de leur avenir personnel et professionnel !

Je souhaite réaffirmer ici notre attachement au maintien d'un dispositif assurant la garantie d'un soutien financier aux jeunes.

Monsieur le Premier ministre, après la suppression des emplois-jeunes, dispositif qui, à vos yeux, favorisait trop les seuls jeunes en possession d'un diplôme, vous risquez maintenant de porter atteinte aux dispositifs de soutien à l'emploi des jeunes. Cette fois-ci, c'est même à l'insertion sociale et professionnelle des moins favorisés d'entre eux que vous vous en prenez, en revenant sur le décret de mars 2002.

Je vous demande donc, monsieur le Premier ministre, si vous avez l'intention de vous raviser quant à cette intention injuste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC).)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le sénateur, je vous prie d'abord d'excuser l'absence de M. Gilles de Robien, qui est en déplacement en Ile-de-France cet après-midi.

Vous le savez bien en tant que maire, la spécificité des aides personnelles, ce qui fait leur efficacité sociale, c'est qu'elles varient de façon très étroite en fonction des ressources. Or, monsieur Boulaud, c'est précisément à partir des ressources perçues au moment de l'attribution de l'aide que le dispositif d'évaluation forfaitaire des ressources détermine le revenu de référence pour le calcul de celle-ci.

Il est normalement obtenu, vous le savez, en multipliant par douze la rémunération mensuelle effectivement perçue par l'allocataire le mois précédant l'ouverture du droit ou son renouvellement.

Ce dispositif permet donc une plus grande équité entre les bénéficiaires des aides. Pour un revenu donné, la personne qui commence à travailler et accède à un logement autonome percevra la même aide que celle qui perçoit le même revenu depuis l'année précédente.

Ce dispositif avait d'ailleurs été instauré en octobre 2000. Il a été abrogé avec effet rétroactif en avril 2002, pour des raisons que je n'ose imaginer.

Le Gouvernement a décidé qu'il serait de nouveau mis en oeuvre au début de cette année, mais après de sensibles améliorations qui constituent de véritables avancées sociales : pour les jeunes ne bénéficiant pas d'un contrat à durée indéterminée, l'évaluation forfaitaire sera calculée sur la base de neuf fois le salaire du mois de référence au lieu de douze fois comme il était prévu dans le dispositif précédent.

Les jeunes pourront d'ailleurs demander la révision de l'aide tous les quatre mois si leur revenu baisse d'au moins 10 %.

Enfin, le calcul de l'aide personnelle tiendra compte du fait que leurs ressources peuvent être instables et variables tout au long de l'année.

Permettez-moi de dire, monsieur Boulaud, qu'à la démagogie du précédent gouvernement (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC)...

MM. Alain Gournac et Henri de Raincourt. Le mot est faible !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. ... nous préférons un véritable ciblage des aides pour que les deniers publics soient utilisés efficacement.

Nous avons, en effet - vous avez raison de le souligner, messieurs les sénateurs de la majorité - une autre conception de l'Etat qui est faite de rigueur, de courage, et qui est fondée sur une action de proximité. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jacques Mahéas. Démagogie !

MARÉE NOIRE CAUSÉE

PAR LE NAUFRAGE DU PRESTIGE

M. le président. La parole est à M. Xavier Pintat.

M. Xavier Pintat. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.

Depuis le 3 janvier, le littoral aquitain est touché par la marée noire, et les élus comme la population ne voient pas l'issue de cette catastrophe.

En effet, nous avons affaire à une pollution inédite, imprévisible et à durée indéterminée.

Par ailleurs, sauf à ce que le Nautile parvienne à colmater toutes les brèches au rythme annoncé, la cargaison du Prestige mettra plusieurs mois à s'évacuer.

Quelles mesures entend donc prendre le Gouvernement, en concertation avec nos partenaires européens, pour mettre fin à cette situation insupportable ?

Votre venue réconfortante sur le littoral, madame la ministre, ainsi que celle de M. le Premier ministre et du secrétaire d'Etat aux transports et à la mer auront permis de mobiliser activement les énergies autour du plan Polmar.

Il n'en reste pas moins des interrogations.

Cette pollution diffuse rend difficile le recours sur une longue période aux bénévoles comme aux personnels municipaux. Aussi, en l'absence de moyens militaires supplémentaires, les maires du littoral ont-il considéré comme plus efficace de faire appel à des sociétés privées de nettoyage.

Dans la mesure où les kilomètres de plage à traiter relèvent du domaine public maritime, pourriez-vous, madame la ministre, nous assurer que l'Etat remboursera aux collectivités locales les factures correspondantes ? Il serait vraiment inadmissible qu'en fin de compte les communes paient une partie des factures à la place des pollueurs.

M. Marcel Vidal. Très bien !

M. Xavier Pintat. Vous l'aurez compris, notre détermination est grande. Nos attentes sont fortes et nous conduisent à demander des réponses précises, tant sur les actions entreprises sur l'épave du Prestige pour arrêter les fuites que sur les modalités financières de remise en état de nos plages.

Enfin, nous souhaitons obtenir le soutien du Gouvernement pour que les zones littorales sinistrées soient prioritairement éligibles aux fonds structurels européens, d'autant qu'à ce jour il reste des crédits non consommés.

Ainsi, les communes auraient les moyens de redéployer leurs efforts autour de projets économiques et touristiques pour entreprendre la nécessaire diversification de leurs offres. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Jean-Claude Frécon applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur Pintat, dans le cadre de la catastrophe du Prestige, qui a gravement touché votre beau département de la Gironde, vous m'interrogez sur trois points : tout d'abord sur le traitement définitif de l'épave du Prestige, ensuite sur le remboursement par l'Etat des frais engagés par les communes, enfin sur la mobilisation des fonds européens.

Je vous répondrai que, d'ores et déjà, le bâtiment océanographique Nautile a colmaté douze des vingt fissures du Prestige, mais cela de façon provisoire. C'est la raison pour laquelle les autorités espagnoles ont lancé un appel d'offres international auprès des sociétés off-shores afin de procéder au traitement définitif de cette épave, lequel peut se faire soit par colmatage définitif, soit par pompage, soit par mise sous sarcophage.

Une réunion de travail a eu lieu hier au secrétariat général à la mer, à laquelle ont participé mes services, pour envisager avec les autorités espagnoles la meilleure façon de traiter l'épave du Prestige. Je souhaite d'ailleurs que l'IFREMER, l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, demeure à titre d'expert auprès des autorités espagnoles. Le compte rendu de l'appel d'offres devrait survenir le 15 février.

A votre interrogation sur le remboursement par l'Etat des frais engagés par les communes, je répondrai qu'hier, à l'Assemblée nationale, lors de la séance des questions au Gouvernement, M. le ministre des finances a bien voulu nous assurer que la ligne « POLMAR » serait alimentée autant que de besoin. (M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sourit. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Claude Estier. Il rigole, le ministre des finances !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. J'ai placé auprès du préfet de la Gironde un comptable spécialement chargé de rembourser, dans les meilleurs délais, les factures que nous présenteront les communes.

J'en viens enfin à la mobilisation des fonds européens.

Dès que la catastrophe est survenue, nous avons pris l'attache du commissaire européen aux politiques régionales, M. Michel Barnier, qui a d'ores et déjà autorisé la modification des documents uniques de programmation, les DOCUP. Nous sommes bien entendu en négociation avec lui pour que les fonds du FEDER, le Fonds européen de développement régional, puissent être mobilisés au bénéfice des communes de la Gironde et des autres communes de la région littorale touchées par cette catastrophe. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

VIOLENCE SCOLAIRE

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Schosteck.

M. Jean-Pierre Schosteck. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire.

L'actualité ne cesse, jour après jour, de nous révéler de nouveaux actes de violence commis dans les établissements scolaires et de plus en plus souvent envers les personnels enseignants ou de direction. Le 7 janvier dernier, dans mon département des Hauts-de-Seine, un professeur du lycée professionnel de La Garenne-Colombes a été poignardé. Ces affaires trop nombreuses mettent à mal le respect dû à la République à travers ceux qui la servent et donc l'incarnent. Cette situation est véritablement inacceptable !

Monsieur le ministre, peut-on savoir quelle est, au-delà des effets médiatiques, la véritable ampleur de ce phénomène de violence aggravée, quels en sont les chiffres exacts ?

J'ai en effet cru comprendre que le précédent gouvernement n'avait jamais souhaité divulguer les statistiques de cette violence scolaire, allant même jusqu'à ne pas vouloir les connaître. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Alain Gournac. Oh !

M. Jean-François Picheral. N'importe quoi !

M. Jean-Pierre Schosteck. Monsieur le ministre, si je me réjouis des diverses mesures que vous avez déjà mises en place - la signature en décembre dernier de la charte « Ecole ouverte », l'instauration des ateliers relais, la réintroduction des notions de civisme, de valeur de l'instruction -, je souhaiterais connaître les initiatives complémentaires que vous comptez prendre pour poursuivre votre lutte contre la violence.

Le projet de loi sur la sécurité intérieure prévoit de mieux protéger les « personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public ». Ne pensez-vous pas qu'il conviendrait de renforcer encore davantage la protection qu'un Etat de droit se doit d'assurer à ses représentants ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Monsieur Schosteck, vous avez raison de rappeler qu'il faut connaître la réalité. En effet, ce n'est pas en se cachant un fléau qu'on lutte contre lui. Ce n'est pas parce que l'on casse le thermomètre que l'on n'est pas malade.

Lorsque nous sommes arrivés aux affaires, nous avons consulté les chiffres ; ils étaient alarmants : 81 362 incidents avaient été signalés alors que 75 établissements sur 100 seulement avaient répondu à l'enquête du ministère, ce qui signifie que plus d'un établissement sur deux est concerné par le phénomène.

Quand on parle de fait grave, on entend un fait qui oblige la communauté scolaire à interrompre les enseignements pendant une demi-journée, une journée, voire davantage, comme celui qui a eu lieu dans votre circonscription, à La Garenne-Colombes, monsieur Schosteck.

Il faut lutter. Nous ne faisons pas de fanfaronnades à cet égard (Protestations sur les travées du groupe socialiste), car nous savons que c'est difficile.

M. Paul Raoult. On fera le bilan dans cinq ans !

M. Dominique Braye. On a vu ce que vous avez fait !

M. Xavier Darcos, ministre délégué. Tout à fait, nous ferons le bilan dans cinq ans. En tout cas, nous connaissons celui des cinq années précédentes ! (Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Nous nous proposons de changer les mentalités et, pour ce faire, peut être faut-il simplement rappeler que l'école est un lieu dans lequel doit s'exercer le respect et surtout dans lequel doivent être reconnus les droits et les devoirs de chacun. A cette fin, nous sommes en train d'établir un document très précis qui rappellera les droits et devoirs de chacun dans la communauté éducative et qui devra, à chaque rentrée, être signé par chaque élève, ainsi que, si possible, par ses parents. L'élève entrera ainsi dans l'école en prenant conscience de ses obligations.

M. Jacques Mahéas. Et vous pensez que cela va changer grand-chose !

M. Xavier Darcos, ministre délégué. Bien entendu, d'autres dispositifs sont prévus, car il ne suffit pas de rappeler la règle, encore faut-il la faire appliquer. Je pense en particulier aux divers dispositifs pemettant de retirer de l'établissement pendant un moment les élèves en grande difficulté qui se conduisent de manière violente.

Il faut aussi du personnel. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement vient de décider la création de 16 000 postes d'assistants d'éducation, ce qui, comparé aux 5 600 qui vont disparaître, constitue un effort considérable. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Sueur. Cela fait moins qu'auparavant !

M. Xavier Darcos, ministre délégué. Mais non : 16 000 par rapport à 5 600, cela fait une bonne différence ; c'est évident ? (Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Enfin, il faut protéger les personnels. Comme vous venez de le dire à juste titre, dans le projet de loi que le Sénat doit examiner prochainement sera créé un nouveau délit d'outrage à personne exerçant un ministère public, à savoir l'enseignant, qui mérite cette protection. Je souhaite que le Sénat vote cette disposition. (Bravo ! et applaudissements sur les travaux de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Mes chers collègues, vos interpellations n'apportent absolument rien au débat. Par conséquent, ayez l'élégance, les uns et les autres, d'écouter les intervenants ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Pensons à l'exemple que nous devons donner aux jeunes de la formation desquels nous nous préoccupons !

RAPPORT SUR LES INTEMPÉRIES

ET LEURS CONSÉQUENCES

SUR LES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT

M. le président. La parole est à M. Dominique Braye.

M. Dominique Braye. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

Les 4 et 5 janvier dernier les conditions climatiques dans notre pays, plus particulièrement dans la région d'Ile-de-France, se sont soudainement et fortement dégradées : neige, froid, gel,...

M. Claude Estier. C'est la faute au gouvernement précédent ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Didier Boulaud. La faute à Jospin !

M. Dominique Braye. ... association pourtant de saison ont surpris et provoqué une gigantesque pagaille sur notre réseau de transports. Ce fut un retour de vacances de Noël calamiteux pour nombre de nos concitoyens, bloqués sur les routes et dans les aéroports.

M. Didier Boulaud. C'est l'effet Gayssot !

M. Dominique Braye. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 60 000 véhicules bloqués par la neige et le verglas aux portes de Paris sur les autoroutes A 10 et A 11 ; 172 vols annulés à Orly et 490 vols annulés à Roissy, bloquant toute une nuit des milliers de passagers.

M. Didier Boulaud. Que fait Gayssot, tout de même ! (Rires.)

M. Dominique Braye. Au total, près de 100 000 personnes ont été victimes de cet immense désordre. Comment un pays moderne et développé comme le nôtre a-t-il pu se laisser surprendre de la sorte par des événements climatiques qui n'ont rien d'exceptionnel en cette saison ?

Mme Nicole Borvo. Ah oui, ça alors ! (Rires.)

M. Dominique Braye. Il est aujourd'hui indispensable d'analyser ces dysfonctionnements, d'en rechercher les causes, ...

M. Jacques Mahéas. La cause, c'est la neige !

M. Dominique Braye. ... les responsabilités...

M. Didier Boulaud. Démission, démission !

M. Dominique Braye. ... et, surtout, d'en tirer les leçons pour l'avenir.

M. Jacques Mahéas. Il faut interdire la neige !

M. Dominique Braye. Stupéfait comme tous les Français, M. le ministre des transports a réagi - et nous l'en félicitons - en mandatant immédiatement deux missions d'inspection.

Les premières conclusions en ont été rendues publiques mardi dernier. Elles pointent des manquements multiples et des responsabilités partagées.

M. Didier Boulaud. Et en plus, on a failli perdre Lellouche ; on ne s'en serait pas remis !

M. Dominique Braye. Je souhaiterais donc savoir quelles suites M. le ministre des transports entend donner à ces deux rapports et quelles mesures concrètes il envisage de prendre afin que ne se reproduise pas une telle situation indigne de notre pays. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)

M. Didier Boulaud. Gayssot, démission !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le sénateur, vous avez eu raison de rappeler les conditions catastrophiques dans lesquelles se sont déroulés les retours de vacances de Noël les 4 et 5 janvier, au cours desquels votre département, les Yvelines, a été particulièrement touché.

A la suite de ces événements qui concernaient les autoroutes et les grands aéroports de notre pays, M. Gilles de Robien a immédiatement diligenté une mission d'enquête qui a été confiée à l'inspection générale.

M. Jacques Mahéas. C'est toujours la faute aux autres !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Il a organisé deux tables rondes avec les responsables des sociétés d'autoroutes et il a reçu un certain nombre d'automobilistes qui étaient restés coincés sur l'autoroute A 10 dans les conditions inacceptables que vous avez rappelées.

Le rapport de la mission a été réalisé dans un laps de temps très restreint. Nous en avons reçu les conclusions avant-hier et M. Gilles de Robien les a présentées à la presse.

M. Jacques Mahéas. Vous croyez qu'il va en sortir quelque chose !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. On s'aperçoit que les prévisions météorologiques n'avaient pas été correctement réalisées, que naturellement les alertes nécessaires n'étaient pas en place, que la société Cofiroute n'a manifestement pas su prévoir l'ampleur des dispositifs à prendre pour réagir...

M. Didier Boulaud. On avait cassé le thermomètre, c'est pour cela qu'il a fait froid !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. ... et que les dispositions figurant aux plans d'alerte du ressort du préfet de la zone de défense d'Ile-de-France et des différents départements n'ont pas été prises non plus.

Cela étant, même si la société Cofiroute ne doit pas être félicitée dans cette situation, elle n'est pas seule en cause. Des mesures, qui concernent également les services de l'Etat, seront prises.

J'en viens à l'information des usagers, qui n'a pas été bonne, comme chacun l'a bien compris en écoutant les différents témoignages que nous avons entendus.

Il est nécessaire d'installer sur les autoroutes de la société Cofiroute comme sur le reste du réseau autoroutier des panneaux à messages variables fournissant des indications aux automobilistes.

Par ailleurs, il faudra porter attention aux radios autoroutières, afin qu'elles ne diffusent pas des informations de complaisance mais transmettent de véritables informations de service public.

Enfin, il faut aussi mentionner la responsabilité de l'Etat, qui, certainement, dans la mise en oeuvre des dispositifs, a sous-estimé la situation. L'enquête qui a été engagée à cet égard par le ministère de l'intérieur nous fournira les éléments nécessaires. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)

Ce qu'il faut noter, monsieur le sénateur, c'est qu'en cette affaire le Gouvernement a immédiatement marqué les dysfonctionnements, qu'il a immédiatement sollicité des enquêtes et qu'immédiatement des mesures ont été prises. L'ensemble de ces mesures ont été rendues publiques comme le seront les mesures qui seront adoptées ultérieurement. Naturellement, les élus des départements concernés seront les premiers informés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur cetaines travées du RDSE.)

APPLICATION DES 35 HEURES

DANS LES HÔPITAUX

M. le président. La parole est à Mme Monique Papon.

Mme Monique Papon. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé.

Comme nous le craignions, la réduction du temps de travail a effectivement accentué la crise du milieu hospitalier et de ses missions. Alors que la majorité des responsables d'établissement dénoncent une situation budgétaire quasi « explosive » et où les hôpitaux n'ont plus de marge de manoeuvre, l'application des 35 heures ne pouvait plus mal tomber.

De surcroît, la réduction du temps de travail intervient dans un contexte de démographie médicale défavorable. Les hôpitaux manquent de médecins, notamment dans les disciplines qui impliquent des gardes et des astreintes, mais aussi d'infirmières.

Et, parallèlement, une directive européenne vient apporter de nouvelles limites au temps de travail des personnels médicaux !

La situation dans les hôpitaux est effectivement très préoccupante : les personnels se plaignent d'une dégradation des soins, les patients perçoivent cette angoisse et éprouvent un sentiment d'insécurité.

Face à ce constat inquiétant, l'hôpital remplit malgré tout sa mission grâce au professionnalisme de ses personnels. Mais ces situations de tension ne doivent pas perdurer, car le système ne peut fonctionner à terme de manière satisfaisante que dans un environnement plus apaisé.

M. Mattei vient de signer avec ces différents personnels deux accords sur l'assouplissement de la réduction du temps de travail. Ces accords sont-ils de nature à les rassurer et à leur permettre de travailler dans de meilleures conditions, au profit des patients et de la qualité des soins ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Didier Boulaud. Oui !

M. Jean-Pierre Sueur. On l'espère !

M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Madame le sénateur, vous avez parfaitement décrit la situation. La « barque » des hôpitaux est aujourd'hui très chargée, trop chargée. A la pénurie structurelle, très préoccupante, de personnel se sont ajoutées, le 1er janvier 2002, sans anticipation ni accompagnement, l'application des 35 heures et, le 1er janvier 2003, l'application de la directive européenne qui inclut le temps de garde dans le temps de travail.

Vous avez eu raison de souligner également la compétence et la disponibilité du personnel hospitalier. Mais cette situation ne saurait durer, car leur immense dévouement ne pourra suffire à assurer, demain, un service correct à l'hôpital, où les conditions d'exercice de leurs missions sont de plus en plus difficiles.

Dès sa prise de fonction, le ministre de la santé, M. Jean-François Mattei - qui a été obligé de partir en province et dont je vous prie d'excuser l'absence -, a diligenté une mission sur la réduction du temps de travail dans les hôpitaux. Un rapport lui a été rendu à la rentrée. Il l'a immédiatement transmis aux partenaires sociaux, ce qui a permis d'engager une négociation dès le mois de novembre. Celle-ci a pu aboutir à un texte sur lequel se sont mis d'accord six des huit syndicats de la fonction hospitalière et les quatre syndicats de médecins hospitaliers ; cela me paraît déjà constituer, en soi, une réussite.

Cet accord comprend essentiellement deux volets.

Le premier volet concerne l'assouplissement du temps de travail et prévoit plusieurs mesures, notamment la bonification de 10 % du compte épargne-temps ainsi que la possibilité de rachat des heures de réduction du temps de travail quand les contraintes des services sont trop importantes.

Le second volet de cet accord porte principalement sur la promotion des formations hospitalières paramédicales. Il s'agit de l'augmentation du nombre d'élèves dans les différentes disciplines en fonction des besoins, qui sont, vous le savez, immenses.

S'y ajoute un point très important : les personnels qui auront été reçus à un examen et qui pourront, en conséquence, bénéficier d'une promotion seront assurés de percevoir leur salaire.

Il faut savoir qu'aujourd'hui 20 % des aides-soignantes qui souhaitent passer le concours d'infirmière sont obligées d'y renoncer parce qu'elles ne peuvent percevoir leur salaire.

Ce sont là, me semble-t-il, madame le sénateur, des avancées significatives. M. Jean-François Mattei a toutefois conscience qu'elles sont encore insuffisantes et que beaucoup reste à faire. C'est pourquoi je me permets de vous renvoyer à l'un des grands chantiers qu'il a ouvert, « Hôpital 2007 », dans lequel figurera un volet de réorganisation de l'hôpital et des fonctions hospitalières. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.