2. Des Etats importants ont rejeté le projet de Cour pénale internationale
Sept
Etats ont voté, le 17 juillet 1998, contre la convention portant Statut
de la Cour pénale internationale
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)
. Parmi eux figurent deux membres
permanents du Conseil de sécurité de l'ONU : les Etats-Unis
et la Chine. L'absence de tels membres, en particulier celle des Etats-Unis,
dans une instance internationale dont l'universalité constitue l'un des
critères majeurs de crédibilité est bien sûr
préoccupante. L'opposition d'autres Etats qui, comme l'Inde ou
Israël, connaissent des conflits ou des risques de conflits avec leurs
voisins, ou comme la Chine qui, au Tibet, exerce une domination militaire et
politique sur un territoire souvent rebelle à cette
hégémonie, risque également de fragiliser le dispositif
mis en place à Rome.
L'une des principales
causes du refus des Etats-Unis
provient de la
compétence reconnue à la Cour sur la base de critères
alternatifs : soit l'auteur du crime a la nationalité d'un Etat
partie, soit le territoire de commission du crime est celui d'un Etat partie.
Cette formule permettrait en effet à la Cour d'exercer sa
compétence à l'égard d'un soldat américain qui
aurait, par exemple, commis un crime de guerre sur le territoire d'un Etat
Partie.
Cette disposition est, par principe, jugée inacceptable par les
Etats-Unis qui refusent traditionnellement l'hypothèse du jugement d'un
citoyen américain par un tribunal autre qu'américain, fut-il une
Cour internationale. Les Etats-Unis ont donc tout particulièrement
critiqué cette disposition qui, juridiquement, impose
l'universalité d'une convention à un Etat qui n'y serait pas
partie. Malgré une ultime tentative menée, en fin de
négociation et tendant, en vain, à faire prévaloir le
principe du seul critère de la nationalité, les Etats-Unis ont
finalement décidé de ne pas voter le texte.
Les préoccupations de la
Chine
, relayées d'ailleurs par la
plupart des Etats non alignés, étaient d'une nature
différente. Ayant sans doute à l'esprit la question du Tibet, la
Chine a souhaité exclure de la compétence de la Cour les conflits
armés internes et élever le plus possible le seuil de
gravité des crimes contre l'humanité. Or sur ces points, le
Statut donne quelque satisfaction à la Chine. En effet, si les conflits
armés internes sont inclus dans le Statut, ils le sont avec des
garanties qui dépassent même celles figurant dans le Protocole
n° 2 aux Conventions de Genève. L'article 8 § 3 du Statut,
relatif aux crimes de guerre, précise que rien, dans les dispositions
concernant les conflits armés "
non internationaux
"
"
n'affecte la responsabilité d'un gouvernement de maintenir ou
rétablir l'ordre public dans l'Etat ou de défendre l'unité
et l'intégrité territoriale de l'Etat par tous les moyens
légitimes
".
Malgré ces dispositions, la Chine, invoquant également le
régime de compétence de la Cour (article 12) et la faculté
d'autosaisine du Procureur, a voté contre le Statut.
L'
Inde
, pour justifier sa position de refus, s'est fondée sur
deux dispositions du Statut. La première concerne la
complémentarité
des juridictions nationales et de la Cour
pénale internationale qui conduit -ce que récuse l'Inde au nom du
principe de souveraineté- à reconnaître
éventuellement à la Cour pénale internationale
elle-même le soin de trancher un conflit de compétence entre elle
et une juridiction interne. La seconde concerne les
responsabilités
reconnues au Conseil de sécurité
par le Statut. En effet, la
diplomatie indienne, dans toutes ses prises de position, témoigne d'une
hostilité constante aux prérogatives du Conseil.
Si
Israël
s'est activement investie dans la négociation, son
vote final a eu pour origine l'une des définitions, figurant au Statut,
du crime de guerre (article 8-2b, viii) qui considère comme un tel crime
"
le transfert, direct ou indirect, par une puissance occupante d'une
partie de sa population civile, dans le territoire qu'elle occupe, ou la
déportation ou le transfert, à l'intérieur ou hors du
territoire occupé de la totalité ou d'une partie de la population
de ce territoire.
Il est clair que la politique de colonisation conduite
par Israël dans les territoires occupés pourrait se trouver
visée. Symétriquement, l'inscription de cette disposition au
Statut a été une condition
sine qua non
, sinon de la
pleine adhésion du groupe des pays arabes, du moins de sa non-opposition
au Statut au moment du vote.