2. L'élargissement possible des mandats confiés aux forces d'interposition dans le cadre d'opérations de maintien de la paix
La
recherche des auteurs de violations particulièrement graves du droit
humanitaire international, en vue de leur arrestation, peut intervenir soit
dans le cadre des procédures judiciaires nationales engagées
contre eux et dans ce cas avec le concours policier national, ce qui serait le
cas le plus fréquent, soit dans le cadre d'opérations
internationales de restauration de la paix, menées sous l'égide
de l'ONU par des forces multinationales
ad hoc
, qui relèvent
directement du Conseil de sécurité et qui sont
déployées par des organisations de sécurité
régionale (OTAN en Bosnie, par exemple).
C'est dans ce dernier cas que la création de la Cour pénale
internationale pourrait avoir, dans ce domaine, des
incidences nouvelles non
négligeables
sur les missions dont de telles forces pourraient
être investies. Dans la majorité des cas, ces forces ont pour
responsabilité la séparation des belligérants, leur
désarmement, la surveillance de dépôt d'armements, la
protection des populations civiles et éventuellement des processus
électoraux, etc... Aucune des principales forces déployées
dans ces hypothèses ne s'est vu confier jusqu'à présent
dans son mandat,
explicitement, la tâche d'arrêter les auteurs
de crimes avérés contre le droit humanitaire
. Ce ne fut pas
le cas au
Cambodge
avec l'APRONUC -où, au demeurant, aucune
juridiction nationale ou internationale n'avait été mise en place
pour juger lesdits criminels. Ce n'était pas davantage le cas au
Rwanda
, où l'opération " Turquoise " ne
prévoyait pas une telle mission pour les unités
françaises. Au demeurant, dans ce cas comme dans celui de
l'ex-Yougoslavie
, la
coopération obligatoire de tous les Etats
concernés
avec les tribunaux spéciaux était
sensée dispenser les forces militaires étrangères
présentes de s'impliquer elles-mêmes
ès
qualités
dans l'arrestation des criminels ; Pour autant,
l'IFOR-SFOR a souvent été critiquée, au début de
son engagement, pour sa relative " passivité ", réelle
ou supposée, à l'égard des personnes recherchées
par le TPY. Au surplus, l'Etat-major de l'IFOR-SFOR ne favorise pas une telle
implication de la part de cette force dans des missions de police pour
lesquelles il l'estime non seulement non mandatée, mais aussi non
outillée. Le risque de troubles graves à l'ordre public en cas
d'arrestations, était et demeure, une de ses principales
préoccupations. Cela n'a pas empêché, au cours de
l'année 1997, la mise en oeuvre d'opérations spéciales,
conduites par la SFOR, qui ont permis l'arrestation -voire la mort au cours de
l'engagement- de tel ou tel individu recherché par le TPY.
La création de la Cour pénale internationale modifiera, peut
être, la donne. Une force de paix déployée dans un Etat en
crise interne ou en conflit avec un voisin
pourrait se voir
légitimement confier par le Conseil de sécurité de l'ONU,
explicitement, la tâche de rechercher et d'arrêter les auteurs de
crimes
relevant de la compétence de la Cour, surtout si c'est ce
même Conseil qui aurait saisi la Cour. Mission qui n'est
évidemment
pas sans danger
et qui supposerait
d'intégrer des fonctions de police dans les tâches militaires
traditionnelles d'une force d'interposition
. Cet élargissement des
tâches dévolues aux forces multinationales de paix serait peut
être de nature à réduire le nombre des Etats
désireux d'y participer et pourrait contribuer dès lors à
rendre plus complexe leur constitution.
Là encore, le Statut a prévu un certain
encadrement juridique
et politique
pour contrôler éventuellement une telle
évolution. L'article 87, alinéa 6 du Statut prévoit ainsi
que la Cour peut "
solliciter d'autres formes de coopération et
d'assistance dont elle est convenue avec une organisation intergouvernementale
et qui sont conformes aux compétences ou au mandat de celle-ci.
Ainsi la participation éventuelle de forces militaires d'interposition
ou de maintien de la paix à la mission de la Cour pénale
-notamment pour l'arrestation de criminels- sera-t-elle précisée
et sans doute très encadrée, en amont, conduisant les Etats
eux-mêmes à prendre leurs responsabilités dans de telles
situations.