2. La naissance difficile d'une cour criminelle internationale
En
dépit de la construction progressive de ce socle juridique, aucune
institution judiciaire internationale permanente n'a vu le jour durant ce
demi-siècle, en dépit des propositions avancées à
certaines occasions.
Certes, les
tribunaux militaires de Nuremberg et de Tokyo
avaient, pour
la première fois, concrétisé une implication
concrète de plusieurs Etats dans la répression des crimes commis
par les accusés comparaissant devant chacun d'entre eux. Les
conséquences juridiques et politiques de ces innovations ont
été et restent considérables. Ces tribunaux avaient,
toutefois de nombreuses limites : plus que d'une justice vraiment
" internationale ", il s'est agi d'une justice conduite par plusieurs
Etats contre des responsables ressortissants de deux autres nations, en
d'autres termes celle des vainqueurs contre les vaincus. Les tribunaux de
Nuremberg et de Tokyo, par ailleurs, ne traitaient que des crimes commis dans
des conflits armés internationaux. Enfin s'ils ont été le
moyen de juger, en lieu et place des tribunaux nationaux, les grands criminels
de guerre dont les crimes étaient " sans localisation
géographique précise ", ils ont laissé aux tribunaux
nationaux le soin de poursuivre leur tâche en traduisant en justice des
criminels de moindre envergure. Au cours de la dernière décennie,
la communauté internationale a également créé,
après les massacres de l'ex-Yougoslavie et du Rwanda, deux tribunaux
spéciaux
ad hoc
destinés à juger leurs auteurs
.
Si ces précédents n'ont pas été ou ne sont pas sans
limites, au moins ont-ils eu le mérite d'exister et d'agir. Tel n'a pas
été le cas de
la Cour criminelle internationale
dont la
création avait été envisagée pour juger,
après le premier conflit mondial,
l'empereur Guillaume II
, ou de
celle dont
la convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide
proposait la création la création
en 1948. C'est toutefois à cette occasion que, pour la première
fois, l'Assemblée générale des Nations Unies a
institué un comité chargé de proposer
l'établissement d'une cour pénale internationale. Un projet de
statut fut d'ailleurs adopté en 1953. Son examen fut cependant
constamment différé par l'Assemblée générale
elle-même du fait de la
paralysie liée à la guerre
froide
, mais aussi au motif qu'il fallait attendre que soit adoptée
une
définition de l'agression
, qui, aujourd'hui encore, dans le
statut de la cour pénale internationale, reste à faire...
Ce n'est qu'en décembre 1989 que l'Assemblée
générale a demandé à la Commission du droit
international de reprendre ses travaux sur la création d'une cour
criminelle internationale. Celle-ci remit à l'Assemblée
générale un projet de Statut en 1994. Après rapport d'un
Comité spécial sur le sujet, le
Comité
préparatoire pour la création d'une cour criminelle
internationale
a mis au point un projet de texte en avril 1998. Enfin,
c'est la
Conférence diplomatique de plénipotentiaires des
Nations Unies
réunie du 15 juin au 17 juillet 1998 qui a
finalement adopté, par 120 voix pour, 7 contre, et 21 abstentions, le
statut portant création d'une Cour pénale internationale.