VI. LA DIFFUSION DE FILMS À LA TÉLÉVISION ET EN VIDÉO
A. UNE PROGRAMMATION DES CHAÎNES DE TV QUI REFLÈTE DE MOINS EN MOINS LA DIVERSITÉ DE LA PRODUCTION CINÉMATOGRAPHIQUE FRANÇAISE
1. Malgré l'augmentation de la production audiovisuelle française, l'approvisionnement des chaînes reste dépendant de l'étranger
•
En permettant un développement de l'offre de programmes TV, la diffusion
numérique a amplifié l'augmentation de la demande en programmes
apparue par la multiplication des chaînes hertziennes (Canal+, M6, Arte)
et satellites (par exemple, la création récente des trois
nouvelles chaînes thématiques de France
Télévision : Mezzo, Cinéstar, Polar, 13ème
Rue). La demande de programmes en Europe est passée de 200 000 heures en
1981 à 730 000 heures en 1996
.
• Dans un univers concurrentiel, l'ensemble des chaînes, en clair ou
payantes, doit proposer des programmes susceptibles de tirer la demande, ou, du
moins, de préserver leur bassin d'audience afin de sécuriser
leurs revenus. Parmi les programmes générateurs d'audience, on
trouve les programmes sportifs, les fictions télévisées et
les films.
• Malgré une importante augmentation depuis 1981, la production
européenne de programmes reste encore insuffisante par rapport à
la demande et ne correspond pas toujours aux critères des diffuseurs.
• Les chaînes françaises sont alimentées en programmes
français à 30% pour les fictions et à 48% pour les films.
• Certaines chaînes, comme Canal+, achètent près de
80% de leurs programmes de
prime time
à
l'étranger.
2. Les achats de droits TV des films par les chaînes de télévision augmentent régulièrement depuis 1994
•
Les achats de droits TV des films ont augmenté de 62% entre 1990 et
1996. Les achats de droits TV de films français représentent 48%
du total (1,5 milliards de francs, pour un total de 3,2 milliards).
• Le coût d'achat par film peut varier de 0,5 MF à
11 MF, exceptionnellement plus. Ainsi, pour les films français
récents, le prix d'achat moyen varie entre 3 et 4 MF pour France 2
ou TF1. Canal+ a acheté 35 MF le droit de diffusion du film
Le
cinquième élément.
3. Cependant, l'audience des films à la télévision régresse17( * ).
•
Les films de cinéma restent très appréciés par les
téléspectateurs, qui y consacrent 10% du temps passé
devant la télévision.
• Cependant, de manière générale, quelle que soit
leur nationalité, l'audience des films de cinéma décline
à la télévision. L'audience moyenne (15,6%) des 100
meilleurs films diffusés en 1995 par les chaînes hertziennes en
clair est en baisse par rapport à 1994 (17,5%) et 1993 (18,2%).
• En moyenne, le cinéma français devance le cinéma
américain dans le classement des meilleures audiences. En 1996, dans le
classement des 100 meilleures audiences, on trouve 52 films français, 45
films américains, 2 films britanniques et un film australien. Parmi les
films français à grande audience, on trouve surtout des
comédies. En 1996, les bons résultats ont été
réalisés par
Les visiteurs
(4ème),
La vengeance
d'une blonde
(6ème) et
La totale
(10ème). Mais aux
heures de grande écoute, l'audience moyenne du cinéma
français ne progresse pas, voire décline, surtout sur TF1 (15,8
en 1993 et 14,7 en 1996).
• Les films américains génèrent les plus fortes
audiences. Sur TF1
, Sister Act
a généré 24,2%
d'audience moyenne en 1996 et 51,7% de part de marché, et
The
Bodyguard
22,3% d'audience moyenne et 52% de part de marché.
• Aucun film français n'a généré d'audience
moyenne supérieure à 20% en 1996 (
Les Visiteurs
sur France
3 ont atteint 19,5%), tandis que la série
Navarro
a atteint 20,7%
d'audience moyenne sur TF1.
4. La programmation des diffuseurs se porte de plus en plus vers les fictions télévisées
•
1 064 films ont été diffusés par les chaînes
généralistes en 1996, en croissance depuis 1994.
- Cette augmentation est en partie due à la nouvelle
réglementation, qui autorise les chaînes de
télévision à diffuser des films Art & Essai en plus de
leur plafond. Par ailleurs, la création de la Cinquième offre une
nouvelle opportunité de diffusion et la diffusion sur Arte
s'accroît.
- Sur les chaînes en clair (TF1, France 2, France 3, M6), le
nombre de films programmés varie entre 170 et 200 films par an. Si TF1
et France 3 utilisent pleinement leurs droits de diffusion de films,
France 2 et M6 ont tendance à programmer moins de films que le
maximum autorisé.
- La programmation d'Arte comprend un grand nombre de films (244 en 1994 et 240
en 1995), notamment des cinématographies peu connues (films
inédits, films d'auteur, films européens non français,
films étrangers non américains).
- Le nombre de films programmés par Canal+ tourne autour de 450 films
par an, ce qui en fait de loin la première chaîne en termes de
programmation cinématographique. Par ailleurs, Canal+ pratiquant
systématiquement la rediffusion de sa programmation, le nombre total de
diffusions est supérieur à 2 000 par an.
• Malgré cette offre importante de programmation
cinématographique, le succès croissant des fictions
télévisées fragilise la part de marché des films.
- Depuis le début des années 1990, les fictions
télévisées obtiennent un succès croissant
auprès des Français. Près de la moitié des 50
premières audiences sont des fictions télévisées.
Parmi elles, les fictions françaises sont en bonne place (séries
Navarro, Julie Lescaut, L'Instit
).
- L'audience des films et des fictions est comparable (22 à 24%
d'audience moyenne pour les meilleurs résultats). Cependant, en
première partie de soirée, l'audience des films diminue
régulièrement, tandis que l'audience des fictions est
restée stable ou a progressé sur les chaînes en clair. Le
film est de moins en moins perçu comme un événement
(possibilité de l'enregistrer, rediffusion), tandis que la fiction
commence à le devenir.
- Sur Canal+, les meilleures audiences en 1996 pour les émissions
cryptées ont été réalisées par le football
(4 à 5% de part d'audience moyenne).
• Dans ce contexte, le rapport entre producteurs et chaînes a
tendance à s'inverser. Alors qu'il y a quinze ans les producteurs se
battaient pour éviter le passage de leurs films au petit écran,
ils sont maintenant très demandeurs car ils espèrent en tirer une
source de financement. Au contraire, les diffuseurs privilégient les
fictions télévisées à l'audience plus
prévisible, aux formats mieux adaptés et aux coûts de
rediffusion moindres.
5. La programmation des films français diminue sensiblement, surtout celle des films inédits
•
La réglementation définit des quotas de diffusion pour les
oeuvres cinématographiques : 60% d'oeuvres européennes et
40% d'oeuvres francophones.
• Cette réglementation n'a pas empêché la progression
du cinéma américain sur toutes les chaînes, qui est
passé de 30% à 37% entre 1988 et 1995, sur les quatre principales
chaînes françaises.
• Alors que les chaînes programmaient auparavant spontanément
plus de films français que la réglementation ne les y obligeait,
le cinéma français est tombé en dessous de 50% pour la
première fois en 1993. Cette réduction de la programmation de
films français va de pair avec la baisse de leur audience.
• De plus en plus, les chaînes hertziennes
généralistes diffusent des films français pour obtenir un
droit de diffusion de films américains (système des quotas).
• Les films français qui souffrent le plus de cette baisse de la
programmation sont les inédits. Les films inédits
programmés sont majoritairement américains. Quant aux films
français inédits, ils sont de plus en plus des coproductions des
filiales cinéma des chaînes. De manière
générale, le choix des chaînes en clair reflète de
moins en moins la diversité de la production nationale (voir à ce
sujet l'étude
Le Cinéma à la Télévision
en 1994-1995,
CSA-CNC).
6. Une part importante de la production française n'est pas diffusée à la télévision
•
Fin 1995, 823 films agréés entre 1983 et 1992 n'avaient jamais
été diffusés sur les chaînes de
télévision hertziennes en clair (hors Arte), soit 57,2% de la
production française de ces 10 années.
• La programmation de Canal+ en revanche contrebalance ce
phénomène : seulement 23,2% des films agréés
n'ont pas été diffusés sur cette chaîne.
• Les diffusions des films coproduits par les chaînes se situent
à un niveau nettement plus élevé : 65% des films
coproduits par France 2, France 3, TF1 et M6 sont diffusés
à la télévision.
• France 3 et Arte se montrent les plus réticentes à
l'égard de la programmation des coproductions de leurs filiales, tandis
que TF1 programme très largement les films qu'elle a coproduit.
Diffusion des films coproduits par les chaînes
|
Films
coproduits
|
Films
|
France 2 |
52 |
21 (40,4%) |
France 3 |
41 |
21 (51,2%) |
TF1 |
53 |
13 (24,5%) |
M6 (*1991-1992) |
17 |
6 (35,3%) |
Arte |
42 |
32 (76,2%) |
Source : Le cinéma à la Télévision - CNC/CSA