IV. LE CAS DES INCITATIONS FISCALES
•
Nous avons vu que la France et l'Angleterre ont mis en place des
systèmes d'incitations fiscales, alors que ces dispositifs ont
été arrêtés en Allemagne.
• A l'heure actuelle, ces mécanismes alimentent exclusivement le
soutien à la production.
A. EN FRANCE, LE CAS DES SOFICA
•
L'objectif des Sofica est de pallier un ralentissement des ressources
disponibles pour financer la production cinématographique (stagnation du
revenu des télévisions et des aides publiques). Dans un secteur
réputé peu rentable, la mobilisation des capitaux privés
passe par une incitation fiscale.
• Les Sofica sont des intermédiaires qui collectent des fonds pour
les investir dans le financement d'oeuvres cinématographiques ou
audiovisuelles agréées par le CNC. Le financement se fait par
souscription au capital de sociétés de production ou par apports
en numéraire dans le cadre de contrats d'association à la
production.
• Le principal avantage fiscal des Sofica est la possibilité pour
les personnes physiques de déduire de leur revenu net global les sommes
versées pour la souscription au capital des Sofica, dans la limite de
25% de ce revenu. Les entreprises peuvent amortir dès la première
année 50% du capital investi. Le montant de la collecte est
plafonné par le Ministère des finances à 300 MF par
an.
• Ce dispositif est périodiquement remis en question. Le
débat porte sur l'adéquation entre le coût du dispositif
pour la collectivité, le bénéfice retiré par des
personnes privées et la valeur ajoutée par les Sofica dans le
financement de la production cinématographique française. En
novembre 1996, le gouvernement a suivi la position du Sénat, qui a
souhaité supprimer le plafonnement du montant des souscriptions aux
Sofica, déductibles du revenu imposable.
1. Un bilan économique mitigé
• Le rapport de l'IGF établi en juin 1996 soulignait l'impact quantitatif des Sofica.
Bilan économique des Sofica
souscription au capital de sociétés de production (1994) |
29,5 MF |
nombre de films investis en 1995 |
38 |
investissement total des Sofica en 1995 |
153,6 MF |
part des Sofica dans les budgets des films investis |
10,5% |
investissement moyen par film |
3,2 MF |
nombre d'investissements dans des premiers films (1995) |
7 |
Source : IGF, 1996
•
L'analyse développée plus loin de l'évolution de la
structure des films français montre que l'apport des Sofica,
significatif jusqu'en 1987, n'a cessé de décroître depuis.
De plus, il a surtout joué un rôle notable dans les grosses
productions, alors qu'il est toujours resté marginal pour les films
à petit budget.
• Selon la Commission des finances du Sénat, 69 créations ou
augmentations de capital de Sofica sont intervenues entre 1985 et 1996, pour
une collecte totale de 2,59 milliards de francs ; la souscription moyenne
était de 112 KF. Le montant des dépenses fiscales a
été de 1,15 milliards de francs sur la même
période.
• Ces résultats mitigés étaient
considérés comme positifs, par le rapporteur de l'IGF et par la
Commission des finances du Sénat, dans la mesure où les Sofica
auraient apporté aux groupes de production des relais de
trésorerie peu coûteux : les Sofica n'ont pas eu d'impact
significatif sur le volume et la qualité des productions, mais elles ont
permis de diminuer le coût de financement de cette production.
• Pourtant, l'évaluation doit prendre en compte deux
éléments complémentaires :
- l'évolution des ressources financières disponibles et d'un
éventuel besoin de financement ;
- la capacité des Sofica à soutenir les projets et les
entreprises qui en ont besoin.
2. L'évolution du mode de fonctionnement des Sofica et des ressources financières des producteurs pose la question de la valeur ajoutée du dispositif
•
Les entretiens réalisés par le BIPE démontrent que, si les
Sofica apportent des ressources bon marché aux groupes dont elles
dépendent, il en va autrement des conditions de financement qu'elles
proposent aux autres producteurs, notamment indépendants. De plus, les
Sofica (en dehors essentiellement de Sofinergie) tendent à garantir leur
investissement : cette exigence tend à exclure du dispositif les
producteurs indépendants.
• Il est acquis que 4 ou 5 films par an n'auraient pas pu être
produits sans l'apport des Sofica. Compte tenu du niveau actuel de la
production cinématographique en France, il faut se demander si ce
résultat répond à une priorité et si son coût
pour la collectivité est justifié.
• Dès lors, l'efficacité et la légitimité des
Sofica doivent être reconsidérées :
- le secteur de la production cinématographique en France dispose,
globalement, de ressources financières abondantes ; la reprise
marquée de la fréquentation en salles et l'évolution des
conditions d'amortissement des films (voir l'étude du BIPE sur ce sujet
pour l'ARP) suggèrent que cette abondance n'est pas remise en cause
à court terme ;
- le dispositif n'est pas adapté au mode de fonctionnement et à
la situation des producteurs qui ont besoin de nouvelles sources de financement
bon marché ;
- il bénéficie essentiellement à des entreprises qui
n'ont pas de difficultés à trouver sur le marché les
ressources financières dont ils ont besoin ;
- il constitue un avantage fiscal qui n'est plus justifié par un risque
d'investisseur.
• Rappelons que, selon le rapport de l'IGF de juin 1996,
- 2 527 contribuables ont bénéficié du
système en 1995 ; 30% ont un revenu imposable supérieur
à 1 MF ;
- l'attrait du système décline rapidement, lorsque le taux
d'imposition est en dessous de 56,8% ; il est nul pour un contribuable
imposé à 20%.